La séance est ouverte.
La séance est ouverte à quinze heures.
L'ordre du jour appelle le débat sur la répression du mouvement social contre la réforme des retraites.
La conférence des présidents a décidé d'organiser ce débat en deux parties. Dans un premier temps, nous entendrons les orateurs des groupes, puis le Gouvernement ; nous procéderons ensuite à une séquence de questions-réponses.
La parole est à Mme Mathilde Panot.
Quel dommage d'être en démocratie ! Après avoir détourné la Constitution à des fins autoritaires, refusé d'écouter la majorité des Français, l'ensemble des syndicats, le Parlement – en ayant recours au 49.3 –, le Président de la République espérait, quand même, un peu de silence… Mais voilà, il est en démocratie. Quel dommage !
Il s'étonne quand les Français font retentir leurs casseroles. Cela sort du « cadre civique et démocratique du désaccord », nous dit-il. Il aurait préféré qu'ils se taisent. Des députés de son camp, allergiques depuis toujours à la contradiction, regrettent que les casseroles « empêchent tout dialogue ». L'un d'eux, vexé, portera plainte. Tous découvrent avec effroi que les Français sont des citoyens et non des sujets. Tous se disent : quel dommage d'être en démocratie.
Quel dommage, car, sans la démocratie, on ne pourrait critiquer ni une décision du Conseil constitutionnel sans être accusé de s'attaquer aux institutions, ni appeler à la fin de la V
Quand la Macronie est une citadelle assiégée, elle restreint le champ du dicible et de l'audible et se dit : quel dommage d'être en démocratie. Oui, quel dommage car, autrement, vos arrêtés antimanifestations, plus guignolesques les uns que les autres, n'auraient pas été suspendus. Dans l'un d'eux, les casseroles sont qualifiées de « dispositifs sonores amplificateurs de son » et interdites au nom d'une loi antiterroriste. Dans l'autre, la distribution de sifflets devant le Stade de France est assimilée à un trouble à l'ordre public. Tant pis : Emmanuel Macron saluera les joueurs dans le vestiaire, les cartons rouges et les sifflets seront interdits aux abords du Stade et la télévision ne diffusera pas les images.
Avec vous, le dangereux frise le risible. Emmanuel Macron, orgueilleux et fuyard, redoute que l'on perçoive à l'étranger les marques de son impopularité. Voici donc venu le président du ridicule.
À présent, l'objectif suprême en Macronie est de sauver les apparences. La source du pouvoir est la croyance dans sa légitimité. Puisque plus personne ne croit en vous, il ne vous reste qu'à conserver péniblement l'illusion de gouverner. Depuis maintenant trois mois, il n'est plus question de sauver l'ordre public mais l'ordre établi. Pour cela, vous êtes prêts à tout, et vous vous dites : quel dommage d'être en démocratie. Interpellations préventives, gardes à vues abusives, violence du maintien de l'ordre, dissuasion de manifester à coups d'arrêtés illégaux, mensonges du ministre de l'intérieur et des outre-mer : jamais un gouvernement n'avait eu aussi peur du peuple.
La garantie de la paix civile vous incombe, mais vous avez failli, avec, à chaque fois, une mise en danger délibérée des policiers et des manifestants. Votre pouvoir n'étant plus que répressif, vous vous retranchez derrière une position manichéenne absurde. En Macronie, il faut faire allégeance à la police sans jamais avoir un mot pour les mains arrachées, les yeux perdus ou les testicules mutilés des manifestants.
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES, SOC et Écolo – NUPES.
Tout acte de violence conduit à s'interroger avant tout sur ceux qui sont aux commandes. Symptôme classique des incompétents, M. Darmanin nous accuse de ses propres turpitudes. S'il n'était pas un petit politicien irresponsable,…
…il saurait que la violence est le signe du niveau de tension atteint dans le pays, lequel trouve son origine dans les introuvables gages d'apaisement du Président. Mais, la plupart du temps, il est occupé à extorquer une condamnation de ces violences, alors que nous avons toujours été clairs à ce sujet. En réalité, vous n'avez eu besoin de personne pour précipiter le pays dans la plus grande crise démocratique que la V
Emmanuel Macron n'a même pas besoin de nous pour faire apparaître les limites d'un régime où tout est décidé par un seul. Depuis quatre mois, le fonctionnement des institutions suit son cours, mais elles ne représentent plus le peuple. C'est pourquoi nous avons toujours proposé de sortir des voies de sortie par le haut, comme un référendum, un RIP – référendum d'initiative partagée
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES et Écolo – NUPES
– ou une dissolution, pour que le peuple se mêle de ce qui le concerne et que le pays cesse enfin d'être une poudrière. Vous les avez pourtant toutes refusées.
Vous êtes seuls comptables du chaos qui dure. Votre arrogance pathologique vous empêche de vous poser la seule question qui vaille : à quoi êtes-vous en train de livrer le pays ? À présent, la NUPES est la seule force politique à alerter l'opinion sur les libertés publiques que vous abîmez. De la Défenseure des droits à l'ONU hier, en passant, aujourd'hui, par la Contrôleure générale des lieux de privation de liberté, tous vous alertent. Vous avez fait de la France la risée du monde démocratique.
Sachez que la répression ne viendra jamais à bout de la colère. Le pays a connu le 1er mai le plus important du XXI
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES et Écolo – NUPES.
En panne d'idées et pour gagner du temps, Emmanuel Macron nous projette dans cent jours, et chaque jour en Macronie paraît une éternité. Il lui en reste mille quatre cent soixante jusqu'à la fin du mandat – mille quatre cent soixante jours, c'est long ; le compte à rebours de votre débâcle a déjà commencé. .
« Excellent ! » sur les bancs des groupes LFI – NUPES et Écolo – NUPES. – Les députés du groupe LFI – NUPES se lèvent et applaudissent, ainsi que M. Benjamin Lucas
Avant toute chose, je souhaite rappeler solennellement que le groupe Socialistes et apparentés condamne avec la plus grande fermeté les violences exercées contre les forces de l'ordre dans l'exercice de leurs fonctions – un exercice parfois très difficile, nous le savons. Être caillassés ou agressés par une minorité d'individus qui, par leurs comportements inacceptables, nuisent au mouvement social tout entier, alors qu'il leur faut assurer la protection des manifestants, telle est aussi la réalité du quotidien des policiers et gendarmes.
Une fois cette évidence réaffirmée, nous pouvons tenter d'avoir une discussion de fond sur la gestion politique des manifestations contre l'injuste réforme des retraites. Dans une République dépourvue de fusible, c'est l'institution policière qui se retrouve en première ligne. Pourtant, on ne peut se contenter de faire porter une responsabilité qui est d'abord politique – la vôtre, monsieur le ministre délégué chargé des outre-mer – sur ceux qui incarnent individuellement cette institution. Tel est l'objet de notre débat.
« Ma fille de 25 ans se trouvait avec des amis dans des rues proches du passage des manifestants. À deux reprises, dans deux rues différentes, à deux moments distincts, alors qu'ils marchaient tranquillement, ils ont été chargés par des CRS leur criant de dégager. Bloqués par d'autres CRS, ils ont levé les mains en l'air et reçu des coups de matraque sur leurs mains et leurs cuisses. Certains policiers en civil – doudoune noire, jean et oreillettes – sortaient parfois de nulle part, immobilisaient des adolescents, les frappaient à terre, les menottaient ».
Autre témoignage reçu sur Twitter : « Bonjour monsieur le député, je n'ai pas l'habitude de faire cela, mais je pense que vous envoyer un message directement est la chose la plus sensée. Je suis Samy [son prénom a été modifié], 19 ans, étudiant à l'université. Comme à chaque rassemblement, je fais partie des citoyens qui descendent dans la rue pour se faire entendre. Et, aujourd'hui, je me retrouve avec une jambe à la limite d'être paralysée [en raison d'] une grenade de désencerclement qui a littéralement explosé sur mon tibia. Je ne vous envoie pas ce message pour me victimiser mais pour qu'un député de la République me dise ce que je dois faire. » Monsieur le ministre délégué, que dois-je lui répondre ?
Ces témoignages ne sont seulement qu'un échantillon des nombreux récits reçus depuis le début de la mobilisation contre la réforme des retraites. Chaque fois, ils nous glacent. Chaque fois, c'est une fois de trop. Ces personnes citées ne sont pas de dangereux révolutionnaires ou des black blocs – du reste, lesquels d'entre eux contacteraient un député socialiste ? –, mais bien de simples manifestants qui voulaient seulement exercer un droit modestement garanti par notre Constitution.
Ces témoignages révèlent l'inquiétant danger que représente la doctrine de maintien de l'ordre promue et défendue sans aucune véritable remise en question par le ministre de l'intérieur et des outre-mer, Gérald Darmanin, mais aussi par le Président de la République. Pratique des nasses contraire aux règles fixées par le Conseil d'État, usage excessif de gaz lacrymogènes, RIO – référentiel des identités et de l'organisation – invisibles, tirs de LBD – lanceurs de balles de défense –, observateurs indépendants empêchés d'accéder au terrain du maintien de l'ordre, arrestations et gardes à vue massives dénuées de fondement ou improvisées, interdictions de manifester, voire d'utiliser des casseroles – ou plutôt, devrais-je dire, des « dispositifs sonores portatifs »… De la violence symbolique et politique à la violence physique, ce mouvement social a été sévèrement réprimé. Qui peut le nier ?
Toutes les polices d'Europe font face à des mouvements violents – bien souvent à l'initiative de mouvances d'extrême droite, d'ailleurs.
Pourtant, seule notre police est aussi répressive et lourdement armée. Comment pouvons-nous accepter que des grenades, considérées comme du matériel de guerre par le code de la sécurité intérieure, puissent être utilisées dans des manifestations ?
Selon les chiffres de la Chancellerie, du 16 au 25 mars – soit en un peu plus d'une semaine –, 1 346 personnes ont été placées en garde à vue, dont seulement 26 % ont été poursuivies par la justice. Ce chiffre est révélateur d'une idéologie politique que traduisent ces arrestations massives. Qu'il s'agisse du Conseil des droits de l'homme de l'ONU, de pays étrangers ou d'associations de défense des droits de l'homme – lesquelles devraient être soutenues par le Gouvernement : rares sont les organisations internationales reconnues qui ne déplorent pas un usage disproportionné de la force et un détournement du droit lors de ces manifestations. Une fois n'est pas coutume, dans un rapport accablant, la Contrôleure générale des lieux de privation de liberté dénonce une « banalisation de l'enfermement » et relève que des agents « informent avoir eu pour consignes et ordres hiérarchiques d'interpeller sans distinction des individus se trouvant dans la rue […] à Paris ». Comment en sommes-nous arrivés là ?
Lorsque la force et la violence sont utilisées pour contenir un mouvement pacifique de contestation sociale, c'est le droit qui est attaqué – droit que vous avez éhontément détourné en invoquant des textes antiterroristes lors des déplacements du Président de la République. C'était le cas le 25 avril dans le Loir-et-Cher ou le 1er mai, à Paris, lorsque le préfet de police a voulu interdire la distribution de cartons rouges aux abords du Stade de France. Quant au préfet du Doubs, il a retiré son arrêté.
Lorsque, dans un second temps, je vous poserai ma question, je tordrai le cou à une idée reçue relative à la défense du monopole de la violence physique légitime, concept défini par Max Weber. Rappelons plutôt les propos du préfet Grimaud, qui disait simplement que « frapper un manifestant tombé à terre, c'est se frapper soi-même ».
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES, Écolo – NUPES et GDR – NUPES.
Dans le cadre de la semaine de contrôle du Gouvernement, le groupe LFI – NUPES a souhaité débattre de « la répression du mouvement social contre la réforme des retraites ».
Mes chers collègues, en choisissant cet intitulé, vous portez une accusation grave. Néanmoins, sommes-nous vraiment étonnés par cette rhétorique ?
En effet, les mots ont un sens. La répression est définie comme l'« action d'exercer des contraintes graves, des violences sur quelqu'un ou un groupe afin d'empêcher le développement du désordre ».
Soyons clairs : l'organisation de manifestations ne saurait être assimilée à un désordre. Manifester est un droit constitutionnel, c'est une liberté fondamentale dans une démocratie…
…et jamais le Gouvernement n'a entravé cette liberté, ni à l'occasion de la réforme des retraites, ni par le passé. Jamais.
Nous avons tous salué la responsabilité des syndicats qui ont organisé les multiples journées de mobilisation contre la réforme des retraites et garanti leur bon déroulement, permettant à des centaines de milliers de Français d'exprimer leur opinion.
« Des millions ! » sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Aucun débordement n'a eu lieu lorsque les cortèges étaient gérés par l'intersyndicale et leurs services d'ordre. Pourtant, lors des journées de mobilisation, des actes violents, qui sont le fait de casseurs organisés, ont été commis à proximité des cortèges.
La République ne peut admettre que des groupes violents sèment le chaos et empêchent les manifestants de porter leurs revendications. Il n'est pas acceptable que des Français renoncent à manifester parce qu'ils craignent pour leur sécurité.
La République ne peut admettre que des groupes violents s'en prennent à des biens de la collectivité ou à des biens privés. Combien de commerces, de bâtiments publics, de mobiliers urbains, de voitures, mais aussi de logements ont été détériorés, voire détruits ?
La République ne peut admettre que des groupes violents tentent de tuer des policiers et des gendarmes. Car nous en sommes là, désormais ! Les images d'un CRS brûlant vif lors du défilé du 1er mai à Paris sont gravissimes et défient tout entendement. Le parquet de Paris a d'ailleurs ouvert une enquête pour tentative d'homicide volontaire sur une personne dépositaire de l'autorité publique.
Les black blocs veulent délibérément tuer des policiers ; c'est un fait. On a définitivement passé un nouveau cap dans les violences ; doit-on en atteindre un dernier, celui de la mort d'un de nos policiers ?
Je rappelle que 406 membres des forces de l'ordre ont été blessés durant les seules manifestations du 1er mai.
Mesdames, messieurs les députés LFI, vous portez une part de responsabilité, et je pèse mes mots, dans l'escalade des violences.
En effet, en ne dénonçant pas, individuellement ou collectivement, les agissements contre les forces de l'ordre, vous bordez le lit des militants ultraradicaux.
Ce 1er mai, une ligne rouge a été franchie. « À bas la mauvaise République ! », a déclaré Jean-Luc Mélenchon. Ces propos, prononcés par un responsable politique de premier plan avant le départ du défilé parisien, sont gravissimes.
N'en déplaise au leader de LFI, comme l'ont rappelé le parti communiste et M. Delaporte à l'instant, la police ne tue pas. Non, elle ne place personne en garde à vue de manière arbitraire. Les Français vivent dans un État de droit !
Ceux qui le contesteraient ne pourront que reconnaître la liberté des juges qui, à de multiples reprises, ont annulé des arrêtés pris par des préfets afin d'encadrer ou de limiter la manifestation d'opinions dans notre pays. Voilà donc dans quelle Realrepublik nous vivons, et que d'aucuns pourfendent : une République dans laquelle les policiers, les gendarmes, les pompiers font leur travail ,
Exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES
une République où chacun peut manifester, une République de l'État de droit où les juges indépendants peuvent sanctionner l'État.
Au nom du groupe Horizons et apparentés, je souhaite apporter notre plein et entier soutien aux forces de l'ordre qui œuvrent depuis des semaines dans des conditions difficiles, voire hostiles, et qui, par leur engagement sans faille, garantissent l'expression de chacun. Je tiens à apporter notre plein et entier soutien aux centaines de policiers, de gendarmes et de pompiers blessés, parfois gravement, dans le cadre de leurs missions.
Mêmes mouvements.
Enfin, je veux réaffirmer que nous soutenons l'action du ministre de l'intérieur, chargé de protéger les Français qui manifestent et de coordonner la mise en œuvre des dispositifs adéquats et des moyens nécessaires pour soutenir les forces de l'ordre dans leur action.
Le groupe Horizons et apparentés appelle solennellement au calme, au respect des valeurs de la République et de l'État de droit et à la défense de la démocratie, sur l'ensemble des bancs de cette assemblée.
Le Président de la République a évoqué l'opportunité de réfléchir à une réforme des institutions. Voilà l'occasion, mes chers collègues, de défendre avec conviction vos propositions pour l'avenir de notre démocratie. Vous appelez la VI
Applaudissements sur les bancs des groupes HOR et RE. – Exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Sourires.
En préambule, je tiens à indiquer, afin d'éviter les gesticulations dont nous avons l'habitude, que mes collègues et moi condamnons bien entendu l'ensemble des violences. Policiers, journalistes, citoyens manifestant : nul ne devrait quitter une manifestation blessé.
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES et GDR – NUPES.
Mais c'est la responsabilité du Gouvernement, et singulièrement celle du ministre de l'intérieur, d'assurer la sécurité de toutes et de tous, y compris celle des manifestantes et des manifestants.
La réalité, c'est que vous n'aimez pas le mouvement social et ce qu'il dit de notre démocratie. En témoigne la formule que vous répétez à l'envi, avec beaucoup de dédain, depuis le début de la mobilisation sociale mais que nous avons l'habitude d'entendre puisqu'elle est celle des droites depuis deux siècles : « Ce n'est pas la rue qui gouverne ! »
Eh bien, si : c'est précisément l'histoire de notre République et de notre démocratie. Sinon, qu'est-ce donc que 1789 ? Qu'est-ce que la Commune ? Qu'est-ce que Carmaux ? Qu'est-ce que 1936, le Front populaire ? Qu'est-ce que la Résistance ? Qu'est-ce que Mai 68 ? Qu'est-ce que décembre 1995 ? Qu'est-ce que le 1er mai 2002, face à l'extrême droite ?
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES et GDR – NUPES.
Qu'est-ce que 2006 ? Qu'est-ce que le soutien à Charlie, en 2015 ?
À chaque fois, on a assisté à un réveil de la rue, de la dignité populaire. C'est ainsi que s'est construite notre République. En disant votre mépris de la rue, des manifestantes et des manifestants, c'est cette histoire que vous insultez et que vous bafouez.
Depuis des semaines, monsieur le ministre délégué chargé des outre-mer, de nombreuses associations, ONG et institutions internationales dénoncent la manière dont le Gouvernement gère le maintien de l'ordre.
Si celui-ci est évidemment libre de choisir celui de ses membres qui le représente au banc, il y a, dans l'absence du ministre de l'intérieur une forme de lâcheté, d'abandon de ses responsabilités.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Nous sommes à l'Assemblée nationale, et il est d'usage que les ministres y rendent des comptes ; c'est en tout cas ainsi que les choses se passent depuis deux siècles. Le fait que le ministre de l'intérieur, qui est directement responsable du chaos qui règne dans le pays, du mauvais déroulement du maintien de l'ordre et des manifestations, ne soit pas présent en dit long sur la considération que le Gouvernement a pour le Parlement, pour les Français et pour ce débat d'importance.
Mais sans doute préfère-t-il injurier ses opposants politiques sur les plateaux de télévision ou financer abondamment le fonds Marianne pour le faire…
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Sur la question du maintien de l'ordre, nous devrions avoir, dans une démocratie adulte, un débat sérieux et responsable, car nul ne peut se satisfaire de la situation actuelle. Il est temps de choisir qui nous voulons Place Beauvau : des Joxe ou des Trump. Nous pouvons le constater chaque jour, le ministre de l'intérieur se défie de la réalité des faits, des statistiques, des enquêtes journalistiques et de divers rapports nationaux et internationaux, qui disent la réalité d'un maintien de l'ordre absurde et dangereux.
Sans doute nous traiterez-vous encore de terroristes intellectuels.
Terroriste intellectuelle, la Défenseure des droits, qui appelle à la désescalade et s'alarme du non-respect des principes déontologiques ?
Terroriste intellectuel, le commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe, qui rappelle que manifester est un droit fondamental qui doit être protégé ?
Terroriste intellectuel, le rapporteur spécial des Nations unies, qui s'inquiète d'un usage excessif de la force en France ?
Terroriste intellectuel, le ministre de l'éducation nationale lui-même, qui déclarait, lucide, en 2020, qu'il y a, en France, un grand déni de la classe politique sur les violences policières ?
Terroriste intellectuelle, la Contrôleure générale des lieux de privation de liberté, qui, ce matin même, déclarait à la radio que les interpellations dans les cortèges de manifestants sont une forme d'intimidation ?
Cher collègue Albertini, vous avez bien lu votre dictionnaire : oui, on peut parler d'une répression du mouvement social.
Je souhaite que ce débat nous conduise à nous interroger sur des politiques pénales, répressives, qui ont été conçues au nom de la lutte contre le terrorisme mais dont nous constatons qu'elles sont utilisées pour tout sauf pour lutter contre le terrorisme. Elles servent à réprimer des opposants politiques, des mouvements syndicaux, des mouvements sociaux et des contestations populaires !
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
En 2017, le macronisme s'est présenté à nous comme une forme de nouvel humanisme, de nouveau progressisme – nous nous souvenons de cet échange entre celui qui allait être élu Président de la République et Barack Obama. Mais dans quel pays, sous quel régime politique, avec quel type de majorité, fait-on un tel usage de l'appareil pénal et répressif ?
Chez Trump, chez Orbán, pas dans la République des Lumières, la République française !
Chers collègues, le vrai désordre, c'est l'injustice !
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
En préambule, j'aimerais, pour prévenir tout amalgame, rappeler la position de notre groupe, qui s'oppose à la violence sous toutes ses formes et la condamne.
La réforme des retraites, élaborée sans réelle négociation avec les partenaires sociaux ni dialogue avec les forces politiques, et présentée dans des délais contraints qui ont empêché tout débat serein et approfondi, cristallise légitimement une opposition massive de la population, une contestation unitaire des syndicats et un large rejet de la part des oppositions.
Refusant le dialogue et rejetant tout esprit d'ouverture, ayant menti à défaut de convaincre, vous avez décidé d'adopter cette réforme à marche forcée, en recourant à l'article 49.3 de la Constitution, le 16 mars dernier. Depuis cette date et ce déni de démocratie, les rassemblements spontanés, les blocages, les grèves et les manifestations pacifiques et massives se sont renforcés. Le peuple français exprime ainsi une colère profonde, légitime. Il exprime aussi une soif de justice sociale et de respect.
Face à ce grand mouvement populaire, à une crise démocratique et sociale, nous vous avons appelés à maintes reprises à reconnaître la légitimité sociale de la rue en retirant votre réforme et en consultant le peuple par référendum. Vous avez choisi de répondre par l'intransigeance, le mépris et la répression violente des mouvements sociaux : interpellations massives, détentions abusives, gaz lacrymogènes, matraquages aveugles, usage de LBD, interventions brutales et disproportionnées au mépris des libertés fondamentales.
Face à ces violences policières, le ministre de l'intérieur aurait dû rappeler les forces de l'ordre à leur devoir d'exemplarité. Loin de procéder à ce rappel à l'ordre, l'exécutif a laissé faire et a menti en affirmant que la participation à une manifestation non déclarée constitue un délit. Des mises en garde vous ont pourtant été adressées par les organisations internationales, les institutions nationales et constitutionnelles indépendantes, les ONG, les associations de défense des droits de l'homme, les syndicats de magistrats et d'avocats.
La France est pointée du doigt par la communauté internationale pour les méthodes violentes employées dans sa gestion du maintien de l'ordre. La commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe s'est alarmée de l'« usage excessif de la force » contre les manifestants. Le rapporteur spécial de l'Organisation des Nations unies sur les droits à la liberté de réunion pacifique et à la liberté d'association a déclaré suivre de « très près les manifestations en cours et [a rappelé] que les manifestations pacifiques sont un droit fondamental ».
La Défenseure des droits a indiqué avoir enregistré 115 saisines depuis le début de la mobilisation contre la réforme des retraites. Elle dénonce « des images excessivement choquantes et des propos inadmissibles » de la part de policiers, notamment de membres des Brav-M, les brigades motocyclistes de répression de l'action violente. La répression physique exercée contre les manifestants a également suscité l'inquiétude de la Commission nationale consultative des droits de l'homme, qui mentionne des gardes à vue abusives décidées « de manière sommaire et arbitraire ».
Nous souhaitons vous rappeler solennellement que la première mission des forces de l'ordre consiste à protéger les citoyens et les droits de l'homme…
…et qu'un strict équilibre doit être respecté entre les exigences de paix civile et de sécurité publique. Nous appelons donc le Gouvernement à rétablir une doctrine française du maintien de l'ordre. L'escalade de la violence doit cesser ; l'ordre public, constitutif de l'État de droit, doit permettre de conforter les libertés fondamentales, non de les réduire.
Alors que les policiers sont épuisés, que nos concitoyens ont peur de manifester, il faut sortir d'une gestion frontale du maintien de l'ordre et adopter une stratégie qui assure le respect de la liberté de manifester et de la liberté d'association. N'est-ce pas le seul moyen de restaurer le lien de confiance entre la population et les forces de l'ordre et de ne pas fragiliser davantage notre édifice démocratique ?
Applaudissements sur les bancs du groupe GDR – NUPES.
Cela fait quatre mois qu'un mouvement social s'oppose à la réforme des retraites. Je veux, à ce propos, saluer la responsabilité dont les organisations syndicales font preuve dans l'organisation des manifestations.
Applaudissements sur les bancs du groupe GDR – NUPES.
J'observe par ailleurs une forme de radicalité du Gouvernement, qui refuse d'entendre le peuple. Pourtant, 70 % des Français ainsi que l'ensemble des syndicats sont contre cette réforme et il n'y a pas de majorité, ici, pour l'adopter. Cela devrait inciter à l'humilité.
Mme Sophia Chikirou applaudit.
La colère montant de toutes parts, nous assistons, pendant les manifestations ou en marge de celles-ci, à des épisodes de violence contre les biens et les personnes. Notre groupe rappelle que toute manifestation doit être permise, respectée et se dérouler dans un cadre démocratique et non violent. De ce fait, nous ne pouvons que condamner toute atteinte contre les biens et les personnes, en particulier, bien entendu, contre les policiers et les gendarmes, mais aussi contre ceux de nos collègues qui subissent intimidations et parfois menaces.
Le groupe La France insoumise a souhaité inscrire à notre ordre du jour un débat sur la répression du mouvement social contre la réforme des retraites. Cette question est maintes fois soulevée. Du reste, on aurait pu discuter de l'évolution de la doctrine du maintien de l'ordre avant même l'épisode de la réforme des retraites. J'ai en effet observé, au cours des dernières années, un glissement progressif par lequel les lois antiterroristes sont entrées dans le droit commun ; je le déplore.
On assiste en effet, depuis quelques années en France, à une évolution, dangereuse selon moi, de la doctrine du maintien de l'ordre. Le nombre de témoignages augmente de violences de la part des forces de l'ordre. Certaines personnes de ma circonscription m'ont ainsi rapporté que leurs enfants se sont fait happer par des CRS et matraquer alors qu'ils ne faisaient que passer en un certain lieu pour rejoindre leur appartement.
C'est tout de même choquant et, d'ailleurs, cela a choqué leurs parents.
Dans un communiqué très commenté lors de sa publication, la commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe, Dunja Mijatovic, a dénoncé un « usage excessif de la force ». Et lorsque le ministre de l'intérieur considère que la participation à une manifestation non déclarée constitue un délit, la même commissaire aux droits de l'homme affirme au contraire que « le défaut de déclaration d'une manifestation n'est pas suffisant en soi pour justifier une atteinte au droit à la liberté de réunion pacifique des manifestants, ni une sanction pénale infligée aux participants à une telle manifestation ». Je note que le droit à manifester est un droit constitutionnel.
Je me permets également de vous rapporter les propos de Clément Voule, rapporteur spécial des Nations unies, qui indiquait sur Twitter le 20 mars dernier que « les manifestations pacifiques sont un droit fondamental que les autorités doivent garantir et protéger. Les agents des forces de l'ordre doivent les faciliter et éviter tout usage excessif de la force ».
Cette violence m'inquiète et me navre. Le nombre de blessés – parfois de blessés graves – s'accroît, cela quel que soit leur camp ; or aucun manifestant ne devrait finir dans un hôpital après avoir exprimé ses revendications ! Il en va de même pour les policiers et les gendarmes. Une désescalade de la violence s'impose afin d'assainir le climat social.
Je ne peux m'empêcher de penser à un récent reportage diffusé le 9 mars, où l'on voyait le cortège de manifestants dans les rues de Ploërmel, au sein de ma circonscription. Quelle était l'attitude des forces de l'ordre ? Étaient-elles armées de boucliers, ont-elles usé de gaz lacrymogènes et de lanceurs de balle de défense ? Absolument pas : à la grande surprise du journaliste, le capitaine Steunou, de la brigade de gendarmerie de Ploërmel, marchait tout simplement à côté des manifestants. Serions-nous plus civilisés à Ploërmel que dans le reste de la France ?
Sécuriser et appliquer le droit de manifester et non réprimer, voilà donc ce que j'appelle de mes vœux. Car, dans d'autres villes, on constate une augmentation sans précédent des arrestations, plus ou moins arbitraires, durant les manifestations. J'ai pu très rapidement ce matin parcourir les conclusions du rapport de Dominique Simonnot, Contrôleuse générale des lieux de privation de liberté, qui s'alarme « des atteintes graves aux droits fondamentaux » et des gardes à vues totalement dépourvues de base légale.
Il ne faudrait pas, en France, que nous sombrions dans une culture de l'enfermement, où l'on arrête au hasard des centaines de manifestants avant de les libérer quelques heures plus tard.
Or je ne suis pas loin de penser que cela fonctionne parfois de cette façon.
L'exécutif tend à minimiser la répression contre les manifestants et renvoie la balle dans le camp de ces derniers. Je ne suis pas persuadé que ce soit la bonne stratégie car cela provoque une plus grande frustration encore et renforce l'idée de riposte graduée entre policiers et manifestants. Nous devons retrouver notre calme. Je salue encore une fois la responsabilité dont font preuve, en la matière, les organisations syndicales. Le ministre de l'intérieur serait à mon sens bien inspiré de voir ce qui se passe dans d'autres États.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes LFI – NUPES et GDR – NUPES.
Permettez-moi de commencer mon propos, au nom des députés du groupe Renaissance, en contestant le titre de ce débat. Non, il n'y a pas de répression de mouvement social en France.
Exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Il y a une politique publique de maintien de l'ordre. Il y a des hommes et des femmes courageux et engagés : policiers, gendarmes, pompiers, qui sont sur le terrain, nuit et jour, pour protéger la liberté de manifester, sécuriser les rassemblements…
Oui, nous devons aux Français une transparence totale quand il y a des dérives commises par des policiers ; mais non, nous ne pouvons pas dénigrer globalement leur action en la qualifiant de répression des manifestations.
Manifester est un droit reconnu, une liberté fondamentale, un outil permettant d'exprimer ses revendications – le plus souvent de manière pacifique et calme. Mais s'il existe un droit à manifester, il n'existe pas de droit à manifester dans la violence.
Pourtant, depuis plusieurs semaines, nous assistons, en marge de ces manifestations, à des scènes d'une violence inouïe.
L'intervention de casseurs venus d'autres pays d'Europe, la multiplication des mobilisations mondialisées, durables et répétées dans le temps, l'utilisation d'armes artisanales variées, l'intensification des violences, tout cela doit nous conduire, comme le soulignait le rapport de Jean-Michel Fauvergue, à trouver un nouvel équilibre pour garantir la protection de la liberté de manifester, la préservation de l'intégrité physique, mais aussi la défense des manifestants comme des policiers victimes de ces violences.
Si vous, chers collègues du groupe LFI, souhaitez par ce débat mettre l'accent sur les blessures subies par des manifestants,…
…je tiens en retour à appeler l'attention sur celles subies par nos forces de l'ordre.
Exclamations continues sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Les chiffres sont parlants : depuis le début de l'année, 321 manifestants ont été blessés dans les journées nationales d'action contre les retraites contre plus de 1 000 membres des forces de l'ordre. À cela s'ajoutent les 406 policiers et gendarmes blessés avant-hier. Et vous laissez encore penser que le problème vient des forces de l'ordre ?
Nous avons tous été marqués par la jeune fille blessée à l'œil à Nantes, ou par les journalistes bousculés ces derniers jours en marge des manifestations parisiennes.
Nous avons aussi été profondément choqués par l'attaque violente, la tentative de meurtre, devrais-je dire, contre le policier grièvement brûlé, il y a deux jours, par un cocktail Molotov.
J'ai également souvenir d'une des journées d'action à Lille, dans ma circonscription, où c'est un pavé qui a été lancé au visage du directeur départemental de la sécurité publique du Nord.
Comment pouvez-vous engager ce débat sans que votre parti, sans que vos élus et vos parlementaires condamnent clairement et fermement ces violences ?
Comment pouvez-vous continuer dans la rue, ou ici à l'Assemblée, avec vos collègues, à tenir des discours d'insurrection qui incitent à la haine…
…et poussent à la violence envers les représentants de l'autorité publique, envers ceux qui nous protègent ?
Exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Il est inacceptable de ne pas condamner ces actes quand on est élu de la République, inacceptable de répéter que les forces de l'ordre sont violentes et font de la répression ,
Mêmes mouvements
inacceptable d'interpeller ici, dans cet hémicycle, le Gouvernement, en menaçant de prendre bientôt la Bastille.
Exclamations sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
Je conclurai en rappelant que l'usage de la force est encadré par plusieurs textes de loi et par des règles de déontologie strictes et sérieuses. Ce corps de métier figure parmi les plus contrôlés, encore plus quand il est question de violences policières. Depuis le début de la mobilisation contre les retraites, une soixantaine d'enquêtes judiciaires administratives ont été ouvertes qui traitent ces débordements avec énormément de sérieux.
La majorité tient à condamner ces débordements. D'ailleurs, nous avons ensemble voté la loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur (Lopmi), dont le rapport annexe rappelle les exigences de transparence et d'exemplarité.
Pour toutes ces raisons, je souhaite que le présent débat, qui se déroule dans le cadre de la semaine de contrôle, nous permette d'éclairer l'ensemble des députés sur la réalité du suivi des enquêtes diligentées, sur les modalités d'usage des armes, en particulier de celles dites moins létales, parmi lesquelles les LBD ,…
Exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES
…employés désormais pour le maintien de l'ordre, comme cela tient à cœur à notre collègue Bothorel, ainsi que leurs conséquences dans les manifestations afin de rassurer les citoyens sur la transparence de l'ensemble des procédures.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE. – Exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Nous sommes amenés à échanger sur ces importantes manifestations qui secouent notre pays depuis des semaines et sur leur gestion chaotique de la part de l'État. La très large majorité des Français, opposée à la réforme des retraites, a participé – on peut même dire qu'ils ont communié – à ces très grandes mobilisations populaires qui révèlent non seulement un rejet très fort de ce projet injuste et violent, mais aussi la colère légitime suscitée par la gestion destructrice et erratique de la France par Emmanuel Macron et ses gouvernements successifs.
Malheureusement, ces manifestations, tout comme celles des gilets jaunes, ont été confisquées par cette extrême gauche ultraviolente…
M. Thomas Portes s'exclame
…après avoir voté non pas une fois, mais deux fois pour Emmanuel Macron, et qui a participé à plusieurs gouvernements au cours des quarante dernières années.
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES.
Cette extrême gauche s'est saisie du sujet des retraites pour mettre en avant sa haine de la police, sa haine de l'ordre et sa haine de la France, conformément à sa doctrine politique du désordre permanent, en espérant tirer les marrons du chaos. La violence d'extrême gauche, on l'a bien vu à Sainte-Soline, ne s'exerce pas contre la réforme des retraites ni contre Emmanuel Macron, Président de la République depuis six ans grâce à la NUPES.
Protestations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Eh oui ! C'est vous qui êtes responsables, c'est vous qui l'avez fait élire en appelant à voter pour lui ! Vous êtes des Tartuffe !
Elle est dirigée contre le principe d'ordre et contre le principe de nation. Quand bien même nous aurions un président et un gouvernement soucieux des intérêts des Français, l'extrême gauche viendrait hurler et casser – pour le principe de contester, de provoquer du désordre, sans avoir aucun projet politique alternatif.
M. Bruno Bilde applaudit. – M. Jean-François Coulomme s'exclame à nouveau.
Les Français doivent le comprendre, ce qui pousse l'extrême gauche, ça n'est pas rationnel : c'est une fièvre rageuse et désorientée qui pousse au néant, à la destruction de tout et de tout le monde.
Rien de logique, rien de constructif, c'est le principe de la lutte pour la lutte, contre tout ce qui paraît exister de façon ordonnée.
Où étiez-vous pendant la discussion de la motion référendaire du RN ? À la buvette ?
Alors il y a des violences, oui, mais ce sont des violences d'État. Jeter le discrédit sur les policiers accomplissant leur mission de maintien de l'ordre, c'est odieux. Par contre, porter un regard critique et même sévère sur la chaîne de commandement et sur la gestion des manifestations au plus haut niveau est indispensable.
Disons-le clairement : l'État, en France, n'est plus un État fort – l'exécutif n'est pas fort, il est dur, ce qui n'est pas la même chose. L'État est faible avec les gros, avec les délinquants, avec les puissances étrangères et économiques hostiles et les lobbys, mais dur et brutal avec les petits, avec les classes populaires, avec les familles et envers tous ceux qu'il doit normalement soutenir, protéger.
On ne vous a pas beaucoup vus dans les manifs ! Vous ne servez à rien !
L'État perd son caractère protecteur, tout en devenant de plus en plus répressif.
Exclamations continues sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
La violence d'État, on l'a déjà vue au moment de la répression des gilets jaunes. Les gouvernants n'ont plus aucun complexe. En dévoyant l'institution policière, ils envoient des éléments triés sur le volet, qu'ils transforment en garde prétorienne, frapper et humilier des innocents. Tout citoyen mécontent est désigné comme un terroriste anti-État et anti-Macron. L'État providence a disparu, il ne reste plus que l'État violence. La France a fait face à une succession d'équipes dirigeantes antinationales et antipopulaires qui ont transformé l'État en ennemi du peuple, dévoyant la souveraineté et la démocratie. Contrairement à l'esprit qui devrait animer nos institutions et qui découle de notre tradition politique, le peuple n'est plus associé d'aucune façon à l'exercice du pouvoir.
Et quand le peuple remet cet État-là en cause, alors il est accusé de s'en prendre à la démocratie. Le piège est parfait : l'opposant est transformé en ennemi d'État,…
Protestations sur quelques bancs du groupe RN.
…et la démocratie devient le bouclier du Gouvernement, seul détenteur de la vérité et étrangleur de la contestation populaire. Ces fausses luttes stériles entre un gouvernement à la solde d'une oligarchie aux abois et une extrême gauche qui hurle pour accélérer la destruction de la France doivent être envoyées définitivement aux oubliettes.
Nous croyons, nous, que l'heure de la grande restauration et du retour de l'ordre et de l'intérêt national approche. Les Français le savent : nous sommes prêts à incarner cette troisième voie entre l'ultralibéralisme et l'ultramondialisme d'Emmanuel Macron d'un côté, et le chaos permanent de l'extrême gauche de l'autre. La France ne peut sortir du chaos que par le haut, par plus de justice, plus de protection, plus d'ambition, en un mot : plus de nation.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Voici une nouvelle séquence politique qui marquera sombrement le continuum répressif du maintien de l'ordre à la française. Hier, ici même, Élisabeth Borne évoquait le franchissement d'un nouveau palier dans la violence, sans un mot sur les violences commises à l'encontre des manifestants, sur les violences policières en général ou sur la stratégie du chaos commanditée au plus haut niveau de l'État. Le silence est politique. Ce silence vaut caution.
Par votre instrumentalisation de la police, par les ordres que vous donnez, vous mettez en danger les policiers et les manifestants. Vous êtes responsables du chaos.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Face à une mobilisation sociale historique, l'exécutif a décidé de gouverner par la peur et l'intimidation : utilisation excessive des matraques, arrestations arbitraires, nasses dénuées de point de sortie, contrairement à ce que prévoit le schéma national du maintien de l'ordre, utilisation abusive d'armes de guerre : l'arsenal déployé ne laisse planer aucun doute sur vos intentions.
N'en déplaise à Gérald Darmanin – dont l'absence en dit long sur son mépris du Parlement –, ces armes sont des armes de guerre : les tirs de LBD, les grenades de désencerclement sont responsables de dizaines d'éborgnements et de mutilations. Vous en êtes responsables.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
En moins d'un mois, une accompagnante d'élèves en situation de handicap (AESH) a perdu un pouce à Rouen à la suite d'un tir de LBD ; à Paris, un cheminot a perdu un œil après le tir d'une grenade de désencerclement ; à Nantes, il y a quelques jours, un manifestant a perdu un testicule à cause, là encore, d'un tir de LBD.
La répression a atteint un point culminant sous votre mandat. On ne le dira jamais assez, l'actuelle doctrine du maintien de l'ordre a été parachevée dans les quartiers populaires, premier laboratoire des violences policières.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Élu de Seine-Saint-Denis, je sais combien cette stratégie de violence a été utilisée contre les habitantes et les habitants de mon département.
L'exemple le plus visible est la compagnie de sécurisation et d'intervention, la fameuse CSI 93, visée par dix-sept enquêtes judiciaires pour propos racistes, interpellations illégitimes et violences policières. Elle incarne toutes les dérives de votre maintien de l'ordre. Alors que le sinistre préfet Lallement avait annoncé sa dissolution, elle est toujours en fonction et son chef a été promu. Il dirige aujourd'hui la Brav-M, unité devenue célèbre dans les affaires de violences policières ; une unité qui sème la terreur, et qui est devenue le symbole de ce qui se fait de pire dans l'utilisation de la police pour faire taire le peuple.
Sur ce sujet, la Macronie a systématiquement refusé le débat. Des dizaines de pétitions ont réclamé la dissolution de cette milice, dont une déposée sur la plateforme de l'Assemblée nationale. Elle a recueilli 280 000 signatures, mais vous l'avez enterrée avec l'aide de la droite et de l'extrême droite.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Une demande de débat dans l'hémicycle formulée par les partis de gauche a également été rejetée par la conférence des présidents, une fois de plus avec l'aide de la droite et de l'extrême droite, qui dévoile ainsi son vrai visage.
Nous continuerons de réclamer le démantèlement de cette brigade et de dénoncer tout emploi disproportionné et arbitraire de la force.
Cela a déjà été dit, la répression du mouvement social contre la réforme des retraites a fait l'objet d'une condamnation unanime par l'ensemble des observateurs indépendants et des organisations de défense des droits de l'homme. Leaders syndicaux, rapporteur spécial des Nations unies, Conseil de l'Europe, Défenseure des droits, ou encore Ligue des droits de l'homme : tous ont alerté sur la dérive autoritaire du Gouvernement. Je profite d'ailleurs de ce moment pour adresser toute ma solidarité à la Ligue des droits de l'homme, qui a été ciblée de manière honteuse par Gérald Darmanin ,
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES
premier ministre depuis le gouvernement de Vichy à s'attaquer à cette association.
Lundi dernier, après s'être penché sur la situation des droits humains dans notre pays, c'est le Conseil des droits de l'homme de l'ONU qui s'est montré unanime. Ils vous le disent : la France doit repenser sa politique en matière de maintien de l'ordre.
Et ce matin, ce fut au tour de la Contrôleure générale des lieux de privation de liberté de publier un rapport alarmant, pointant notamment des consignes et des ordres hiérarchiques donnés par le ministre en vue d'interpeller arbitrairement les manifestants. Elle s'inquiète ainsi « d'une banalisation de l'enfermement », dénonce le fait qu'une grande majorité des gardés à vue n'ont commis aucune infraction – 80 % des poursuites ont été classées sans suite, monsieur le ministre délégué ! – et s'alarme de conditions de fouille et de détention indignes.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
En ce qui me concerne, j'étais ce matin devant le tribunal de Paris pour apporter mon soutien à Xavier Mathieu, syndicaliste et figure des mouvements sociaux, arrêté par la Brav-M puis relâché, aucune charge n'ayant été retenue contre lui. Jusqu'où irez-vous donc dans la répression des manifestants dans ce pays ?
L'usage de la violence d'État, tournant que vous assumez, suscite des réactions de la part de la communauté internationale, d'autant plus qu'il va à contre-courant des logiques de désescalade appliquées dans d'autres pays, tels que l'Allemagne ou le Royaume-Uni.
Pour reprendre les propos de Sébastien Roché, directeur de recherche au CNRS – Centre national de la recherche scientifique –, « la police française est, en Europe, celle qui tue le plus en maintien de l'ordre ».
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Au lieu de protéger le droit de manifester, le ministre de l'intérieur ment en prétendant qu'il est interdit de participer à une manifestation non déclarée. Participer à une manifestation, qu'elle soit déclarée ou non, est un droit fondamental dans ce pays.
« Heureusement ! » et applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Ne l'oubliez pas, monsieur le ministre délégué.
Pour terminer, permettez-moi de vous rappeler l'article 12 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen : « La garantie des droits de l'homme et du citoyen nécessite une force publique : cette force est donc instituée pour l'avantage de tous, et non pour l'utilité particulière de ceux auxquels elle est confiée. »
Il n'y aura pas de paix sociale dans ce pays sans le retrait de la réforme. Retirez-la, sinon, le 14 juillet, vous aurez votre prise de la Bastille !
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES et sur quelques bancs du groupe GDR – NUPES.
Tout d'abord, je vous ferai part de mon étonnement d'avoir entendu M. Lucas comparer M. Joxe à M. Trump.
J'ai dû mal comprendre et peut-être vous en expliquerez-vous ensuite, mais ces mots m'ont surpris. Pour avoir servi sous M. Joxe,…
« Vous avez mal compris ! » sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES.
C'est à mon tour de parler. Je ne suis pas intervenu pendant que vous vous exprimiez – Dieu sait pourtant que j'en avais envie.
Par ailleurs, toujours en préambule, je demanderai à M. Portes de répondre à la question : qui a tué ?
M. Thomas Portes s'exclame.
J'en viens à mon discours.
Mesdames et messieurs les députés, la démocratie, quel bienfait ! Quel bonheur ! Quel bonheur que ce débat, qui prouve que nous sommes en démocratie, contrairement à ce que vous prétendez.
Je suis fier que ce débat puisse avoir lieu.
Nouvelles exclamations sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
Depuis le 19 janvier, les policiers, les gendarmes et les sapeurs-pompiers sont mobilisés sous l'autorité des préfets pour assurer sur tout le territoire l'ordre public ainsi que la protection des personnes et des biens. Les huit premières journées nationales d'action syndicale se sont déroulées dans le calme.
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES.
Elles se sont déroulées dans le calme, disais-je, grâce aux syndicats et à la bonne coordination des organisateurs des manifestations, des forces de l'ordre et des préfets. Lors de ces journées, aucun incident majeur n'est venu entacher l'exercice d'un droit fondamental dans notre société républicaine : celui de manifester en toute sécurité. Car, en démocratie, il est tout à fait légitime de manifester son mécontentement.
En France, des dizaines de manifestations sont déclarées tous les jours et la très grande majorité d'entre elles se passent très bien : un orateur l'a rappelé en évoquant sa Bretagne natale. Il faut aussi le dire quand les choses se passent bien : c'est aussi cela, l'honneur du débat démocratique.
Ce qui n'est ni légal ni légitime, c'est de s'exprimer par la violence, fût-ce pour exprimer son mécontentement.
J'assume de le dire, c'est l'État qui détient le monopole de la force…
…pour, justement, que le plus fort n'asservisse pas le plus faible.
Depuis le 16 mars, 2 380 membres des forces de l'ordre ont été blessés, contre 546 manifestants depuis le 19 janvier. Voyez la différence ! Où est la force, où est la violence ?
Non, ce mouvement n'est pas pacifiste. Par ailleurs, vous avez cité le préfet Grimaud, mais les morts, c'était en 1968 ; il n'y en a pas aujourd'hui !
Exclamations sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
La Déclaration des droits de l'homme et du citoyen d'août 1789 dispose en effet que « la garantie des droits de l'homme et du citoyen nécessite une force publique ».
Cette force est « instituée pour l'avantage de tous » et dans l'unique but de garantir les droits de l'homme, à savoir la liberté, la propriété, la sûreté et la résistance à l'oppression.
Or, malheureusement, des éléments contestataires – auxquels je n'assimile pas les véritables opposants à la réforme des retraites – ont infiltré les cortèges des manifestations autorisées. Leur but unique était de mettre le feu,…
…au sens propre comme au figuré, blessant près de 1 800 policiers et gendarmes,…
…dont une vingtaine sont encore hospitalisés, certains dans un état préoccupant. Où est la violence ? Où est la démocratie ?
La même violence a d'ailleurs pu être constatée à Sainte-Soline. Alors que la préfecture avait interdit la manifestation pour des raisons de sécurité, informée qu'elle était de la présence de perturbateurs venus de toute l'Europe, des centaines d'individus ont déferlé armés de cocktails Molotov, brûlant des véhicules de gendarmerie. Des dizaines d'armes ont été saisies à cette occasion. Des gendarmes ont été blessés. Où est la violence ? De quel côté est la démocratie ?
Le maintien de l'ordre existe pour que la liberté d'opinion soit protégée et pour que chaque citoyen soit en mesure de conserver sa vie, ses biens, et d'exprimer son opinion. La défense de la paix civile par l'État souverain est la condition même de la liberté. Je précise d'ailleurs que selon un sondage récent, près de sept Français sur dix affirment faire confiance aux forces de l'ordre.
Malheureusement, à cause de plusieurs centaines d'individus n'ayant rien à voir avec la réforme des retraites, nous avons observé, depuis le 16 mars, des situations très tendues. Ces casseurs mettent en difficulté les forces de l'ordre autant qu'ils discréditent les manifestations légales et déclarées.
Les moyens employés par les forces de sécurité intérieure au cours de ces manifestations sont ceux habituellement utilisés en opération de maintien et de rétablissement de l'ordre. Dans le cadre du schéma national du maintien de l'ordre, les policiers et les gendarmes sont en effet autorisés à employer un ensemble de mesures qui leur permettent de répondre de manière graduée et proportionnée à la violence à laquelle ils sont confrontés. Leur usage est strictement encadré par le droit et relève de l'autorité civile.
La désescalade est par ailleurs toujours recherchée, par la communication et l'emploi de sommations réitérées et formulées dans un temps laissant aux personnes présentes toute latitude de cesser le trouble et de se disperser sans violence.
Je puis vous assurer que ces principes et ce cadre d'usage ont été respectés.
Donc l'ONU ment ! C'est cela que vous dites, monsieur le ministre délégué ?
Mais les gendarmes et policiers peuvent être jugés. C'est cela, la démocratie. Et lorsqu'un comportement vient à s'éloigner de la doctrine, le ministère de l'intérieur demande systématiquement – je dis bien systématiquement – l'ouverture d'une enquête pour retrouver le chemin de la vérité et de la justice.
Lorsque des gendarmes et des policiers ne respectent pas la déontologie, ou même à la moindre suspicion, une enquête est ouverte.
Depuis le 19 janvier, soixante-douze enquêtes judiciaires ont été diligentées par les inspections de la police et de la gendarmerie afin d'éclairer des manquements commis depuis le début du mouvement social. À cet égard, non, il ne me semble pas qu'il y ait une dérive du maintien de l'ordre : il y a en revanche une dérive des moyens employés par des casseurs, lesquels n'ont rien à voir avec la revendication sociale.
Les auteurs de ces dérives, ce sont bien les casseurs qui, depuis un mois et demi, commettent des violences dans notre capitale et partout en France et cherchent à les justifier.
Quant au silence de certaines personnes sur ces violences inouïes perpétrées contre ceux qui nous protègent, il peut s'avérer coupable. Le ministre de l'intérieur et des outre-mer le disait encore hier et je partage totalement son sentiment.
Depuis le 16 mars, ces casseurs, régulièrement encouragés par certains,…
Arrêtez de dire qu'on encourage les casseurs, monsieur le ministre délégué ! Ce n'est pas possible !
Les casseurs sont à l'origine de près de 1 500 départs de feux et ont brûlé plus de soixante-quinze véhicules depuis le 16 mars, privant des dizaines de Français de la possibilité d'aller travailler et de se déplacer, sans parler des commerces pillés, des banques saccagées, des abribus détruits, des bâtiments incendiés et qui ont dû être évacués. Est-ce la police qui fait cela ? Non !
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES.
Je le répète, il n'y a pas de dérive dans le maintien de l'ordre. Depuis le 19 janvier, ce sont en moyenne plus de 10 000 policiers et gendarmes qui sont engagés lors de chaque journée de manifestations.
Cet effort est rendu possible par la hausse des moyens…
Exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Nous sommes face à face. Vous parlez, je vous écoute : je parle, vous m'écoutez, puis vous pourrez poser des questions. Empêcher les gens de parler, ce n'est pas la démocratie !
Exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Nous, nous voulons M. Darmanin ! C'est son absence qui vous met en difficulté !
Cet effort est rendu possible, disais-je, par la hausse des moyens humains et matériels sans précédent décidée par le Président de la République : 10 000 policiers et gendarmes ont été recrutés depuis 2017 et 7 500 autres le seront d'ici à la fin du quinquennat.
Face à ces violences inouïes, je veux saluer et redire mon admiration pour le travail des pompiers, des policiers, des gendarmes ; de ces femmes et de ces hommes qui s'engagent au quotidien pour protéger les Français ,…
Exclamations sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES
…et, avant tout, de les protéger de la violence.
Je suis maintenant prêt à répondre à vos questions.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE.
Nous en venons aux questions. Je vous rappelle que la durée des questions ainsi que celle des réponses est limitée à deux minutes, sans droit de réplique.
La parole est à M. Léo Walter.
Lorsque la doctrine de maintien de l'ordre de Gérald Darmanin est critiquée, que ce soit sur ces bancs, au sein du Conseil des droits de l'homme de l'ONU ou de la part de la Contrôleure générale des lieux de privation de liberté, sa réponse est toujours la même, et c'est d'ailleurs celle que vous venez de nous donner : malgré l'évidence, il nie systématiquement toute violence policière, tout en la justifiant – périlleuse pirouette rhétorique – comme réponse à la violence d'en face.
Le 30 mars, j'étais à Savines-le-Lac avec de nombreux manifestants des Hautes-Alpes et des Alpes-de-Haute-Provence : des syndicalistes et des citoyens voulant signifier à Emmanuel Macron que la page de son inutile et injuste réforme des retraites n'était pas tournée ; des agriculteurs venus affirmer que la question de l'eau valait mieux qu'une diversion présidentielle.
Lorsque je suis arrivé sur place, après avoir passé un à un les barrages qui bunkérisaient cette paisible commune de 1 000 habitants, j'ai pu constater que les très nombreux policiers et gendarmes avaient repoussé les manifestants sur un parking et annoncé qu'ils feraient usage de lacrymogènes pour disperser l'attroupement – qui ne pouvait pourtant l'être puisque les manifestants s'étaient retrouvés pris dans une nasse. À la suite de mon intervention, ils y ont finalement renoncé.
Les nasses étant illégales, ainsi que l'a confirmé le Conseil d'État en 2020, j'aimerais savoir comment vous qualifiez un dispositif par lequel des manifestants sont entièrement encerclés, avec interdiction de sortir. Je souligne qu'un tel dispositif a été maintenu pendant plus de quatre heures à Savines-le-Lac face à des citoyens pourtant tout à fait pacifiques.
Sans aucune autre raison que celle de dissimuler la manifestation au regard du Président, CRS et gendarmes ont repoussé violemment les manifestants dans une zone située au-delà de leurs véhicules, où ils ont ensuite été parqués pendant plus de trois heures. Face à cette scène surréaliste, les agents présents m'ont dit leur incompréhension. Ce déploiement policier disproportionné et cet usage inutile de la force lors d'une manifestation pacifique sont sans aucune commune mesure avec la répression constatée dans les grandes villes, mais ils battent en brèche votre argumentaire.
Mes questions sont les suivantes : quels étaient les ordres donnés aux forces de l'ordre ce jour-là ? Quelle justification pouvez-vous apporter à ce dispositif de maintien de l'ordre et à ces consignes absurdes ? Que protégiez-vous à Savines : le droit de manifester ou le récit présidentiel ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Je préfère toujours discuter avec les gens. J'ai récemment accompagné le Président de la République lors de son déplacement à Dôle et j'ai pu constater que la discussion s'y est remarquablement passée.
Je préfère qu'une discussion puisse s'engager entre le Président de la République ou un ministre et les citoyens plutôt que de voir des gens faire du bruit pour l'empêcher. Empêcher la discussion des autorités avec les citoyens, ce n'est pas la démocratie !
Je ne sais pas exactement ce qu'il s'est passé à Savines-le-Lac.
Je ne vais pas vous répondre, cela ne semble pas vous intéresser.
Exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Écoutez-moi ! J'ai bien écouté votre question.
Dans mes fonctions de préfet, j'ai mis en application la théorie de la nasse avant qu'elle ne soit interdite – je ne le ferais plus aujourd'hui – car elle permet d'éviter les débordements, mais – je suis d'accord – elle n'est pas très respectueuse de la démocratie. Le débat démocratique se trouve toujours sur un chemin de crête entre l'expression et le désordre. Il peut s'en écarter vers un côté ou vers un autre, ce qui n'est pas bien, mais je vous demande d'accepter la responsabilité des forces de l'ordre d'être sur ce chemin de crête entre la démocratie et la violence.
Monsieur le ministre délégué, ce que vous venez de dire est inacceptable !
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES et sur quelques bancs du groupe GDR – NUPES.
Les forces de l'ordre n'ont pas à être entre la démocratie et la violence : elles doivent se tenir du côté de la démocratie et uniquement de ce côté !
Cela tombe bien, c'est la question que je voulais vous poser. Vous parlez de maintien de l'ordre : quel ordre s'agit-il de maintenir ? La police républicaine a-t-elle pour fonction de s'opposer à la volonté de près de sept Français sur dix ou à celle de la majorité des députés, qui voulaient voter contre votre réforme ? A-t-elle pour fonction de mater les travailleurs pendant que les actionnaires se gavent sur leur dos ? Non !
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES. – M. Hubert Wulfranc applaudit également.
Quel est donc cet ordre que vous prétendez maintenir ? En quoi est-il républicain s'il n'est ni juste socialement ni légitime aux yeux du peuple ?
Vous faites un usage disproportionné de la force publique, jusqu'à l'absurde. Vous combattez des casseroles et des cartons rouges comme Don Quichotte combat les moulins à vent. C'est grotesque !
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Pire : vous faites honte à la France, critiquée, à cause de vous, en raison des violences policières qui y sont commises, par le Conseil de l'Europe, par l'ONU, par le Financial Times pour lequel la France a le régime qui s'approche le plus, dans le monde développé, d'une dictature autocratique.
Le désordre, c'est vous ! Le chaos, c'est M. Macron ! Le responsable des violences, il est à l'Élysée ! Assez d'arrestations arbitraires et d'interdictions abusives de manifester.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Assez de violence, de policiers blessés, de journalistes molestés et de manifestants mutilés !
Nous voyons bien que ce que vous voulez réprimer, ce n'est pas seulement le mouvement social. Vous réprimez le Parlement par le 49.3 et les grévistes par des réquisitions illégales.
Mêmes mouvements.
Vous voulez réprimer le peuple français tout entier pour imposer cette réforme injuste. Vous voulez appliquer à la France la même recette néolibérale autoritaire qui a frappé la Grèce il y a quelques années, mais, pour cela, c'est la République elle-même que vous devrez réprimer !
Ma question est simple : jusqu'où allez-vous réprimer la République pour satisfaire les actionnaires et les millionnaires ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Rappel au règlement
Au titre de l'article 1er de la Constitution : « La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. » Vous avez dit, monsieur le ministre délégué, que le maintien de l'ordre est à mi-chemin entre la démocratie et la violence. C'est ce que vous avez dit ! On ne peut pas être à mi-chemin entre la démocratie et quelque chose d'autre : la démocratie est un principe cardinal qui fonde notre République et nos institutions. Il ne peut pas être remis en question. Je souhaite que vous rectifiiez vos propos. Nous ne pouvons poursuivre un débat avec un ministre de la République qui contredit la devise même de la République !
Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et LFI – NUPES.
Monsieur Delaporte, vous aurez la parole tout à l'heure.
La parole est à M. le ministre délégué.
Vous ne m'avez pas écouté. J'ai parlé d'un chemin de crête entre la démocratie et la lutte contre la violence.
Puis-je répondre ? Arrêtez avec vos certitudes !
C'est exactement ce que j'ai dit.
Vous ne m'écoutez pas, de toute façon. Alors, quelle importance ?
Seul M. le ministre délégué à la parole, pour répondre à M. Matthias Tavel.
Je souhaite que tous les pays du monde aient notre démocratie. Je souhaite que, dans tous les pays du monde, les policiers puissent être traduits en justice – comme ils peuvent l'être en France –, que les parlementaires puissent s'exprimer comme vous le faites ici…
…et que des sanctions tombent quand un policier fait une erreur.
Voilà ma réponse.
Vous ne pouvez pas changer mes propos : le maintien de l'ordre est bien un chemin de crête entre l'obstacle à la violence et la démocratie, et ce, en permanence.
Je suis extrêmement troublé, monsieur le ministre délégué, car je n'ai pas compris le sens de vos propos, qui sont assez obscurs, voire obscurantistes. J'espère que vous pourrez nous éclairer.
Je profite de ma question pour revenir sur les termes employés par M. le ministre de l'intérieur et des outre-mer et qui constituent, selon moi, un abus de langage. Vous n'avez de cesse de dire que la police détient le monopole de la violence légitime pour justifier des comportements qui sont manifestement inappropriés et même condamnables. Vous avez d'ailleurs vous-même souligné qu'un policier au comportement violent et inapproprié pouvait être traduit devant la justice. Finissons-en une bonne fois pour toutes avec ces idées reçues.
Cessons de dévoyer les propos de Max Weber : l'État est cette « communauté humaine » qui, à l'intérieur d'« un territoire déterminé », revendique pour elle-même et parvient à imposer « le monopole de la violence physique légitime ». Or, sans consentement ni proportionnalité, la violence n'est pas légitime. C'est ainsi qu'il faut lire Max Weber. Catherine Colliot-Thélène nous éclaire en soulignant que la légitimité peut être une notion empirique. Il n'est donc pas possible de dire que la police aurait un monopole absolu, car la légitimité implique le consentement et exige de l'État qu'il recherche en permanence l'adhésion. On constate aujourd'hui que les doctrines sont inappropriées à cet égard.
Il existe plusieurs solutions pour rétablir un climat de confiance entre les manifestants et la police et restaurer un lien rompu : améliorer la formation des forces de sécurité ; réformer l'IGPN, l'Inspection générale de la police nationale, et l'IGGN, l'Inspection générale de la gendarmerie nationale, avec l'appui du Défenseur des droits. Nous pourrions, nous, au Parlement, transformer la commission des lois en commission d'enquête pour faire en sorte de contrôler et d'analyser en temps réel le maintien de l'ordre comme cela avait été fait lors des années 2015-2016. C'est une proposition de Bernard Cazeneuve.
Monsieur le ministre délégué, ne pensez-vous pas avoir abusé de la notion de légitimité ? Faites en sorte de réformer réellement la police et d'améliorer la formation de ses agents.
Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.
J'attends toujours votre réponse sur la comparaison entre Pierre Joxe et Donald Trump.
Le schéma national du maintien de l'ordre est une des fiertés de l'ensemble des forces du maintien de l'ordre, car il précise très clairement les moyens à utiliser face à telle ou telle force venue attaquer le peuple. Ma conviction est en effet qu'attaquer la République, c'est attaquer le peuple. Ceux que vous défendez n'ont rien à voir avec ce que vous dites.
Vous dénoncez un usage disproportionné de la force, mais prenez la mesure de la force employée contre la République ! Je ne vous demande même pas de la condamner. Dans le cadre du schéma national du maintien de l'ordre, la force est appliquée avec régularité. Tout comportement inacceptable et toute dérive d'un policier doivent être sanctionnés – et ils le sont !
Je ne vous demande pas de condamner qui que ce soit.
Veillez seulement à ne pas condamner la police lorsqu'elle doit faire face à des gens qui n'ont rien à voir ni avec la République, ni avec la protestation contre la réforme des retraites, ni avec un quelconque mouvement social. Ils ne cherchent qu'à s'amuser.
L'objectif premier est de s'attaquer à ces types-là, qui ne sont pas présentables et qui ne sont pas des gens bien. Leur technique est de se mêler aux manifestants afin de pouvoir en rajouter une couche tout en laissant ces derniers prendre les coups. Je ne vous demande donc pas de condamner qui ce soit – cela relève de la liberté de chacun – mais simplement de regarder la réalité de l'action de la police.
Les mobilisations conduites par le mouvement syndical contre la réforme des retraites se sont toujours déroulées dans un calme exemplaire. Le comportement des manifestants n'a posé aucune difficulté du point de vue du maintien de l'ordre.
Très bien !
Je souhaite toutefois vous faire part de mes interrogations et de mes inquiétudes à la suite des événements de ces derniers jours. Je pense d'abord à l'interdiction de manifester aux abords du Stade de France samedi dernier, lors de la finale de la Coupe de France. Un recours engagé par les syndicats a finalement permis à la manifestation de se tenir. La décision prise par l'État d'interdire une telle manifestation au motif qu'elle aurait présenté un risque de trouble à l'ordre public est le symbole d'une tentative d'entrave à la liberté de manifester.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
Les ordres intimant la confiscation des cartons rouges et des sifflets sont choquants…
…et nuisent à la liberté d'expression.
Lors de la manifestation du 1er mai à Paris, j'ai été très surprise par la manière dont ont été traités certains journalistes qui, en couvrant cet événement, ne faisaient pourtant que leur travail. Malgré leur identification claire en tant que reporters, certains ont été gazés, bousculés et matraqués de manière très agressive par certains agents des forces de l'ordre, ainsi que l'attestent de nombreuses vidéos.
Je sais combien est difficile l'action quotidienne des policiers et des gendarmes. Ils exercent leur profession dans des conditions complexes et prennent de grands risques, mais les actes dont je viens de parler ne contribuent pas à maintenir un lien de confiance avec la population.
Le maintien de l'ordre doit servir à protéger la liberté de manifestation et d'expression tout autant que la liberté d'information. Vous en conviendrez : il s'agit de libertés fondamentales de notre démocratie.
C'est un plaisir de vous répondre, car cela fait un moment que je souhaite réagir à l'emploi du terme « gazer » dans ce contexte ; ce mot renvoie pour moi à une réalité historique assez différente.
Exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
J'ai le droit de le penser.
Mêmes mouvements.
Je répondrai à la question.
Mes chers collègues, même si vous êtes en désaccord avec sa réponse, seul M. le ministre délégué a la parole.
Est-ce cela, votre démocratie ?
Mêmes mouvements.
Plus fort, je n'ai pas entendu.
Moi aussi je le suis, madame Panot.
Et je suis entièrement d'accord avec votre constat, madame Bourouaha, quant aux interdictions que vous évoquez : elles font suite à une initiative de la société privée qui gère – malheureusement peut-être – la sécurité du stade de France. Certes, la police ne l'a pas contredite.
Ce n'est tout de même pas cette société qui a pris l'arrêté d'interdiction de manifester !
Je crois profondément que l'interdiction de manifester ne concernait pas le mouvement social, mais s'expliquait par le souvenir des matchs précédents.
C'est incroyable ! Quelle démocratie, ici !
Vives exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Cette décision s'expliquait au fond par la peur – peut-être infondée – de manifestations sans rapport avec le mouvement social, je crois.
Madame Bourouaha, si les manquements de la police vis-à-vis des journalistes que vous décrivez se sont produits, je ne doute pas une seule seconde que les policiers seront sanctionnés – une enquête de l'IGPN a d'ailleurs été demandée, comme c'est bien normal.
Rappels au règlement
La parole est à M. Hubert Wulfranc, pour un rappel au règlement. Au titre de quel article ?
Sourires
pour demander à M. le ministre délégué de se dispenser de toute comparaison entre les différents emplois du mot « gazer ».
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES et sur quelques bancs du groupe SOC.
Aux termes de l'article 24 de la Constitution, le Parlement « contrôle l'action du Gouvernement ». Monsieur le ministre délégué, alors que, dans le cadre de cette semaine de contrôle, nous tentons d'obtenir des réponses précises à des questions précises, depuis tout à l'heure, vous restez flou, quand vous ne tenez pas des propos absolument contraires aux principes mêmes de la République. C'est un problème.
Nous devrions demander une suspension de séance en attendant l'arrivée du ministre de l'intérieur, qui pourra, lui, répondre à nos questions.
Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et LFI – NUPES.
De fait, je considère que vous n'êtes pas en mesure de le faire. Le ministre de l'intérieur lui-même doit venir s'expliquer devant nous.
Mêmes mouvements.
Reprise du débat
Nous assistons depuis plusieurs années à des violences à répétition lors des manifestations, qui ont causé des dégâts considérables. Nous savons que ces actes sont perpétrés par une minorité qui s'identifie comme d'ultragauche. Il est inacceptable qu'elle saccage le droit de manifester et par là même la démocratie.
Nous constatons et dénonçons également l'attitude lâche et dangereuse de certains élus locaux et nationaux qui font preuve de complaisance envers les casseurs, au lieu de les condamner clairement.
À Lyon, par exemple, les casseurs ont de nouveau pillé de nombreux magasins lors des manifestations lundi 1er mai. Des mairies d'arrondissements pourtant tenues par des écologistes ont été saccagées, des postes de police attaqués et l'hôtel de ville caillassé. Ces violences ont causé des pertes considérables pour les commerçants, mais aussi des traumatismes pour les habitants et les employés de ces quartiers.
Monsieur le ministre délégué, face à ces scènes quasiment insurrectionnelles, comment comptez-vous renforcer les moyens de la police pour qu'elle mette un terme à ces débordements et garantisse le droit à manifester en toute sécurité ? Quelles sont les stratégies du ministère de l'intérieur pour identifier les groupuscules responsables, surveiller leurs déplacements et prévenir leurs actions violentes ? Est-il envisageable de renforcer les moyens de renseignement pour mieux connaître les modes opératoires de ces groupuscules et anticiper leurs manœuvres ? Les violences lors des manifestations représentent une menace pour notre démocratie, pour notre état de droit.
Nous connaissons l'engagement du ministre de l'intérieur à défendre les forces de l'ordre et en faveur d'une réponse ferme permettant de mettre fin à ces violences et de garantir le droit de manifester en toute sécurité. Je suis convaincu que des mesures complémentaires peuvent être prises pour y parvenir et mettre ainsi un terme à ces agissements inacceptables.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE.
Depuis la première journée nationale d'action, le 19 janvier, plus de 10 000 policiers et gendarmes sont engagés en moyenne pour chaque manifestation.
Cela représente des dizaines de compagnies républicaines de sécurité et d'escadrons de gendarmerie. Cet effort est rendu possible par des moyens humains et matériels sans précédent depuis plus de quinze ans. Lors du précédent quinquennat, 10 000 policiers et gendarmes supplémentaires ont été recrutés et la moitié du parc automobile a été renouvelé.
La Lopmi – qui a été promulguée en début d'année, le 24 janvier, et vise à préparer la France aux défis sécuritaires à venir – prévoit 15 milliards d'euros supplémentaires pour moderniser le ministère et recruter davantage. Près de 7 500 policiers et gendarmes grossiront les rangs des forces de l'ordre et 200 brigades de gendarmerie sont en cours de création. Les réserves opérationnelles de la gendarmerie et de la police vont par ailleurs être portées respectivement à 50 000 et 30 000 membres. Les agents bénéficieront de matériel et de tenues modernisés, de drones, de moyens d'intervention spécialisés, de pistolets à impulsion électrique et de housses tactiques. Le parc automobile des forces sera renouvelé à un rythme annuel de 10 %
Je réponds à la question.
Un travail important a également été mené sur le plan doctrinal, afin de rénover la manière de maintenir l'ordre. Le schéma national du maintien de l'ordre, publié en septembre 2020 a été actualisé en décembre 2021. C'est désormais la référence pour l'ensemble des forces de l'ordre.
Par ailleurs, pour répondre à votre dernière observation, la création prochaine d'une direction nationale du renseignement territorial permettra de mieux étudier les agissements des extrêmes et de mieux anticiper les violences et les rixes, pour permettre une intervention plus rapide des forces de l'ordre.
Ces derniers mois, lors des manifestations – ou plutôt en marge de celles-ci –, nos forces de l'ordre ont subi un nombre alarmant de blessures, à la suite d'agressions de membres de black blocs et d'autres militants d'ultragauche. Plus de 1 000 cas ont été recensés entre mars et avril 2023 ; 406 policiers et gendarmes ont été blessés lors de la seule journée de mobilisation du 1er mai, dont 19 à Lyon. À Paris, un policier a été brûlé au second degré après avoir reçu un cocktail Molotov sur la tête ; nous lui avons d'ailleurs rendu hommage hier. À Lyon, un policier a été opéré hier, après avoir subi plusieurs fractures lundi.
Vous pouvez arrêter votre intervention, M. le ministre délégué a quitté l'hémicycle !
Je tiens tout d'abord à exprimer ma solidarité envers ces femmes et ces hommes.
« Le ministre délégué est parti ! » sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Vives exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à seize heures vingt, est reprise à seize heures vingt-cinq.
La séance est reprise. Monsieur Rudigoz, puisque votre question a été interrompue par la suspension, je vous propose de la reprendre depuis le début, après que M. le ministre délégué sera intervenu.
Aux questions sur mon départ de l'hémicycle, je répondrai ceci : la fatigue a ses raisons que la raison ne connaît pas.
Rappel au règlement
Il se fonde sur l'article 70, alinéa 5, du règlement. Nous venons clairement d'assister à un outrage envers l'Assemblée. Un membre du Gouvernement s'est dérobé durant l'intervention d'un parlementaire, sans demander la suspension de séance à laquelle il a droit, après avoir tout fait, pendant de longues minutes, pour éviter de répondre à nos questions et avoir déclaré que les forces de l'ordre devaient se placer sur « le chemin de crête entre la démocratie et la violence », propos absolument insupportable à tout républicain.
Nous avons besoin que M. le ministre de l'intérieur, Gérald Darmanin, nous réponde et participe à ce débat, que nous ne pouvons poursuivre dans ces conditions.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES. – M. Philippe Brun applaudit également.
Reprise du débat
Monsieur le ministre, j'évoquais le nombre de blessés au sein des forces de l'ordre. Je rappelle que 406 policiers ont été blessés en marge des manifestations du 1er mai, dont 19 à Lyon, qu'un policier a été gravement brûlé – au second degré – après avoir reçu un cocktail Molotov en pleine figure ; un autre à Lyon, polyfracturé, a été opéré hier.
Je tiens donc à exprimer ma solidarité envers ces femmes et ces hommes qui risquent leur vie chaque jour pour assurer la sécurité des Français. Les violences subies par nos forces de l'ordre, notamment le 1er mai, sont inadmissibles et doivent être condamnées avec la plus grande fermeté sur tous les bancs.
Les forces de l'ordre ont un rôle essentiel à jouer pour protéger et servir. Elles garantissent la protection de tous les Français en assurant la sécurité dans nos rues, en intervenant lors de situations d'urgence et en luttant contre la criminalité, voire le terrorisme.
Enfin, et c'est le sujet qui nous occupe, elles sont également chargées d'assurer la sécurité des manifestations démocratiques, qui sont un pilier fondamental de notre société. Monsieur le ministre délégué, quel constat faites-vous concernant la violence à l'égard des policiers pendant ces manifestations ? Comment assurer une réponse ferme et coordonnée face aux violences, et protéger efficacement nos forces de l'ordre, ainsi que l'ensemble de la population ?
Rappels au règlement
L'article 48 de la Constitution dispose qu'une semaine de séance sur quatre est réservée par priorité et dans l'ordre fixé par chaque assemblée au contrôle de l'action du Gouvernement et à l'évaluation des politiques publiques. Le débat de ce jour concerne la répression du mouvement social contre la réforme des retraites.
Nous avons posé des questions précises et, pour l'instant, nous n'avons pas obtenu de réponse.
Je vous ai interrogé sur votre interprétation du concept de violence légitime défini par Max Weber, sur des propositions de réforme de la police, mais je n'ai pas eu de réponse.
Madame la présidente, si le ministre délégué ne s'estime pas en mesure de répondre à nos questions, qu'on suspende la séance et qu'on fasse venir le ministre de l'intérieur.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Monsieur Delaporte, le Gouvernement désigne le ministre qu'il veut pour siéger au banc et ce ministre vous adresse les réponses qu'il souhaite.
Au titre de l'article 48 de la Constitution, madame la présidente. Monsieur le ministre délégué, nous ne pouvons poursuivre le débat dans de telles conditions. C'est n'importe quoi !
Nous ne sommes pas en train de jouer ! Nous avons choisi ce thème parce que des policiers ont été blessés…
…parce que des manifestants se retrouvent avec des morceaux de grenade dans l'œil à 17 ans pour avoir manifesté, parce qu'une accompagnante d'élèves en situation de handicap (AESH) a perdu un pouce, parce que la main ou le testicule d'autres manifestants ont été mutilés.
Ce n'est donc pas un jeu, monsieur le ministre délégué ! Vous avez le droit d'être fatigué, mais vous ne pouvez pas partir alors qu'un député vous pose une question ! Et vous n'avez pas le droit de répondre n'importe quoi !
Madame la présidente, je demande donc une suspension de séance jusqu'à ce qu'un ministre capable de répondre correctement aux parlementaires soit présent.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Madame Panot, il est exact que le Gouvernement ne peut pas quitter la séance. C'est pourquoi je l'ai suspendue au moment où j'ai vu M. le ministre sortir. Il s'est exprimé sur ce point et nous avons désormais un membre du Gouvernement au banc. La suspension étant de droit, je suspends pour cinq minutes.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à seize heures trente, est reprise à seize heures trente-cinq.
Reprise du débat
Quelle est la réalité du terrain ? Ce sont d'abord les violences commises contre les policiers. Depuis le 19 janvier 2023, 3 540 personnels des forces de sécurité intérieure ont été blessés, dont 2 380 depuis le 16 mars, jour du recours à l'article 49, alinéa 3, de la Constitution. Lundi dernier, ce sont 406 personnels qui ont été blessés, contre 61 du côté des manifestants.
Depuis le début de la contestation sociale en janvier, nous constatons que, dans l'immense majorité des situations, les forces de l'ordre ont agi avec professionnalisme, sang-froid et discernement. Lorsqu'il y a des fautes, elles sont sanctionnées et les agents traduits devant la justice.
Il n'y a donc pas de dérive généralisée du maintien de l'ordre, mais des policiers et des gendarmes qui remplissent leur mission depuis plusieurs mois avec beaucoup de courage. Je le répète, il peut y avoir des dérives de la part de certains – très minoritaires. Ils doivent être, sont et seront sanctionnés.
Il faut renforcer les moyens et leur coordination au niveau national. L'État doit encore moderniser son schéma de maintien de l'ordre qui, même s'il a été revu en 2021, doit être adapté au fur et à mesure aux modalités d'action de ceux qui prônent la violence. Il faut également renforcer la formation des policiers et des gendarmes chargés du maintien de l'ordre. C'est essentiel. Les moyens sont prévus par la Lopmi, que vous avez votée. Je ne doute pas qu'ils produiront leurs effets.
Rappel au règlement
Au titre de l'article 100 de notre règlement, madame la présidente. Nous avons formulé une demande à plusieurs reprises et la présidente Panot l'a relayée. Le ministre n'a pas répondu à nos questions et il a commis un acte assimilable à une forme d'offense à l'égard du Parlement…
…puisqu'il a quitté la séance sans demander de suspension de séance. En outre, il a contrevenu aux principes de la République en reconnaissant que le maintien de l'ordre est une forme de violence contre la démocratie.
Ces propos ne sont pas acceptables. Je demande une nouvelle suspension de séance de cinq minutes afin que le ministre chargé des relations avec le Parlement arrive pour suppléer le ministre défaillant, notamment par rapport à son obligation de respect envers le Parlement.
Protestations sur les bancs du groupe RN. – Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Je ne comprends pas…
« Nous non plus ! » sur les bancs du groupe LFI – NUPES
Soit, je vais donc essayer de m'expliquer à nouveau. Pourquoi vous obstiner ? J'ai contredit vos propos et affirmé que le maintien de l'ordre était sur un chemin de crête entre la démocratie et la lutte contre la violence.
« Non ! Non ! On a la vidéo ! » sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Évidemment que j'ai voulu dire cela !
On est quand même en République ! Comment pouvez-vous croire cela ? Comment pouvez-vous vous mentir à vous-même de cette façon ?
Quelle question ?
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à seize heures quarante, est reprise à seize heures quarante-cinq.
Reprise du débat
Depuis le début de la contestation sociale, les manifestations ont été le théâtre d'un déchaînement de violence inouï envers les forces de l'ordre. Le 1er mai, Nasser, gardien de la paix de la 12
Je vous le dis, chers collègues de la NUPES : les policiers protègent, tandis que l'extrême gauche tente de les assassiner.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RN.
Vous parlez de répression, mais nous pourrions d'abord parler de l'exemplarité des élus qui brandissent l'écharpe tricolore au milieu des casseurs !
Dans combien de manifestations pacifiques avez-vous vu nos forces de l'ordre s'en prendre aux manifestants gratuitement ? Je n'ai aucun souvenir d'un tel événement.
C'est tout l'inverse : c'est quand il n'y a pas de forces de l'ordre que ça reste pacifique !
Peut-être le problème vient-il du comportement des milliers de black blocs, d'antifas, de ceux dont jamais vous ne condamnez les actes,…
On sait que vous dites la même chose que le Gouvernement mais adressez-lui votre question !
…qui appelle à la sédition, haranguant la foule à coups de « À bas la mauvaise République ! »
On voit que vous avez très envie de nous voir au gouvernement, pour nous poser toutes ces questions !
Je n'oublie pas la lâcheté des députés du premier parti antiflic de France, qui n'hésitent jamais à se réfugier derrière des policiers pour se protéger d'individus violents qui les prennent à partie lors de certaines manifestations.
En plus de supporter vos propos insultants et méprisants sur les policiers et les gendarmes,…
…il nous faut souffrir vos opinions incultes sur les institutions auxquelles ils appartiennent. Vous voudriez supprimer les brigades anticriminalité (BAC), qui ont sauvé des centaines de vies au Bataclan et qui sauvent quotidiennement des centaines de femmes victimes de violences conjugales – je suis sûr que cela vous parle ! Les forces de l'ordre ne sont pas le problème.
Monsieur le ministre délégué, quand déciderez-vous de dissoudre les milices d'extrême gauche qui piétinent notre démocratie ?
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Les milices violentes doivent être dissoutes, qu'elles soient d'extrême gauche ou d'extrême droite.
S'il vous plaît, mes chers collègues, seul le ministre délégué a la parole !
Toutes les milices qui ne respectent pas l'ordre de la République doivent être dissoutes. M. Darmanin, ministre de l'intérieur, propose régulièrement des dissolutions en conseil des ministres. Regardez les décrets : elles sont nombreuses.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à seize heures cinquante, est reprise à dix-sept heures.
L'ordre du jour appelle les questions sur le thème « Quelle attractivité et quelle compétitivité pour la recherche française ? ». La conférence des présidents a fixé à deux minutes la durée maximale de chaque question et de chaque réponse, sans droit de réplique.
La parole est à M. Éric Pauget.
En croissance constante, les investissements économiques dans le secteur de l'intelligence artificielle (IA) ont quadruplé en dix ans ; les start-up spécialisées en IA attirent près de 12 % du capital-investissement mondial. Dans ce domaine en pleine mutation, notre pays dispose de nombreux atouts pour exister sur la scène internationale. À titre d'exemple, la première technopole d'Europe, basée à Sophia-Antipolis, accueille l'un des quatre instituts interdisciplinaires d'intelligence artificielle (3IA) et une maison de l'intelligence artificielle ; elle attire les meilleurs chercheurs mondiaux du secteur.
Mais cette recherche de pointe, garante de notre indépendance stratégique, a besoin que nous intensifions nos efforts, pour éviter que la France ne devienne une simple consommatrice d'IA américaine ou chinoise. Alors que le Royaume-Uni a engagé plus de 18 milliards dans l'IA en dix ans, contre 6 milliards pour la France, la Cour des comptes, dans son rapport sur la stratégie nationale de recherche, nous rappelle toute l'importance de développer un modèle d'IA français.
Si notre réseau des 3IA a renforcé son attractivité par la qualité de ses formations, ce domaine manque toujours de débouchés professionnels pour conserver ses talents. Cette année encore, 450 chercheurs obtiendront leur grade de docteur en IA, mais faute de propositions de carrière, ils pourraient quitter la France pour mettre leurs compétences au service d'un autre pays. Face à cette technologie qui demain sera partout, nous devons déployer des efforts financiers ambitieux pour bâtir une véritable filière française. Ce constat appelle aussi des ouvertures significatives de postes d'enseignants-chercheurs et le renouvellement rapide de l'engagement du Gouvernement sur ce sujet, afin de donner de la visibilité aux acteurs du secteur.
Alors que le budget des 3IA touche à sa fin, ma question sera double, madame la ministre : quelles mesures budgétaires le Gouvernement entend-il prendre pour replacer notre pays dans le peloton de tête des grandes puissances dans ce domaine ? Quant à la technopole de Sophia-Antipolis, dans quelle mesure le Gouvernement est-il prêt à renforcer le budget du 3IA Côte d'Azur pour accentuer l'attractivité et renforcer la compétitivité de ce secteur stratégique ? Il y va de notre souveraineté numérique.
La parole est à Mme la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche.
Je vous remercie de cette question fondamentale sur la stratégie nationale pour l'intelligence artificielle, lancée dès 2018, après la publication du rapport de Cédric Villani, sous la forme des plans d'investissements d'avenir. Pour reprendre les exemples que vous avez cités, la start-up Hugging Face s'est appuyée sur ces plans pour développer son modèle Bloom ; on connaît les conséquences et l'importance de ce type d'évolution, en particulier dans le secteur de l'IA.
Nous avons renforcé cette stratégie nationale en 2021 avec un deuxième plan IA, dans le cadre du plan France 2030, doté d'un budget supplémentaire de 1,5 milliard. Alors que l'IA est devenue véritablement omniprésente au niveau international, je rappelle que le Gouvernement s'est mobilisé dès 2018. Les 3IA qui avaient alors été lancés ont été évalués en 2022 par un jury international ; c'est un succès. Je vous annonce donc que nous prolongeons le fonctionnement des 3IA existants, dont celui de Sophia-Antipolis, en élargissant la logique à d'autres pôles d'excellence, afin de former, de diffuser, de développer la recherche et d'attirer les talents dont nous avons besoin.
Outre l'attractivité des 450 postes de doctorants que vous avez cités, le Gouvernement, dans le cadre de la loi de programmation de la recherche (LPR), a investi dans les chaires d'IA et dans des postes supplémentaires – les professeurs juniors titulaires de chaires par exemple. Ces postes peuvent profiter aux technologies de pointe comme l'IA. Nous suivons la compétitivité de ces filières au moyen du plan France 2030 et de la loi de programmation de la recherche. En tout état de cause, les 3IA seront renouvelés.
La recherche, notamment la recherche fondamentale, est au cœur de notre vision de la société. Nous devons relever de nombreux défis, dont celui de l'énergie. J'ai l'intime conviction que nous pouvons trouver, dans la recherche et le développement de nouvelles solutions, des réponses à ces défis. Plutôt que de faire preuve de déclinisme ou d'imposer une sobriété contrainte, nous devons nous tourner vers l'espérance de solutions nouvelles et vers une société de progrès fondée sur la recherche et les nouvelles découvertes.
En matière énergétique, la France accueille de nombreux outils de recherche internationaux : l'accélérateur de particules de l'Organisation européenne pour la recherche nucléaire (Cern), dans l'Ain, ou encore l'expérience Iter – réacteur thermonucléaire expérimental international – à Cadarache. La France s'est engagée de longue date dans ces beaux programmes et nous nous en réjouissons. Mais elle dispose aussi, avec le Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA), d'un outil particulièrement important dans le développement de nouvelles technologies de production d'énergie, qu'elles soient électriques – on pense évidemment à la grande aventure électronucléaire française – ou alternatives. À cet égard, je pense en particulier au débat européen sur la décarbonation des fiouls et à la production de fiouls neutres en carbone pour accélérer la transition énergétique.
Dans le bouillonnement que connaît le secteur de l'énergie, nous craignons que le CEA soit confronté à des difficultés en matière d'attractivité, notamment pour recruter des nouveaux chercheurs, en raison de sa stratégie salariale. Comment entendez-vous armer cet outil essentiel à notre souveraineté énergétique, afin qu'il puisse se doter des meilleurs cerveaux disponibles dans un secteur de l'énergie où le recrutement se fait de plus en plus concurrentiel ?
Avant de revenir sur le CEA, je voudrais rappeler que la loi de programmation de la recherche prévoit un budget de 25 milliards d'ici à 2030, soit 5 milliards de budget supplémentaire – une augmentation de 20 % du budget récurrent du ministère. Une partie du financement de la LPR est affectée aux équipements de recherche ; beaucoup concernent l'énergie et le CEA participe à nombre d'entre eux – l'Iter, le Cern, etc. Une part non négligeable des financements de la LPR permet de financer les équipements de recherche.
L'attractivité de la recherche réside aussi dans son environnement. Tous nos organismes et nos établissements, en particulier le CEA, doivent bénéficier d'un environnement favorable, de soutien et d'équipements. La LPR a vocation à y contribuer, ainsi que le plan France 2030 et tous les plans prioritaires de recherche. Nombre d'entre eux concernent l'énergie ; vous en avez cité quelques-uns, j'ajouterai les stratégies nationales d'accélération concernant l'hydrogène, les batteries et la microélectronique. Le CEA est un acteur majeur de ces plans prioritaires de recherche : il pilote de nombreux programmes, qui mettent chacun en jeu un budget de l'ordre de 50 millions.
Le CEA est un établissement public industriel et commercial (Epic) ; les grilles habituelles de la fonction publique ne s'appliquent pas et il n'a donc pas été concerné par la hausse automatique de 3,5 % du point d'indice. Cet été, un effort a donc été consenti en matière d'attractivité des salaires, pour le CEA en particulier, comme pour l'ensemble des Epic, en intervenant sur la rémunération moyenne des personnels en place (RMPP) – la révision des salaires négociée chaque année. La LPR a permis également de créer des postes supplémentaires au CEA, affectés en particulier au projet de microélectronique basé à Grenoble. Enfin, des discussions sont en cours pour maintenir l'attractivité de ce bel organisme à tous les niveaux de la recherche.
Sans recherche et développement (R&D), il n'est point d'innovation possible. La France présente un étrange paradoxe : elle dispose d'organismes publics et privés prestigieux, dont la valeur est mondialement reconnue ; elle emploie plus de 400 000 personnes, aussi bien dans la recherche fondamentale que dans la recherche appliquée à quantité de domaines ; elle compte soixante-cinq lauréats du prix Nobel et plus de trente lauréats de la médaille Fields. Pourtant, ses publications scientifiques la placent désormais au huitième rang mondial, alors qu'elle occupait le cinquième rang il y a seulement une décennie. Ainsi que le suggérait un collectif de scientifiques dans une tribune du Monde il y a quelques mois, il est urgent d'engager un plan d'action ambitieux réorganisant la recherche. Celui-ci passe par un changement de gouvernance et l'intégration plus poussée des territoires dans la conduite d'une politique de recherche et de développement volontariste.
Ainsi, dans mon département de Saône-et-Loire, à dominante agricole mais doté d'une forte composante industrielle avec la présence de FPT – Fiat Powertrain Technologies –, d'Aperam ou de Michelin, la R&D s'impose dans l'agroalimentaire, la gestion de l'eau, le développement des énergies renouvelables, l'efficacité industrielle et la performance environnementale.
Avec une volonté politique affirmée, des choix scientifiques et des enjeux stratégiques clairement définis et assumés, la mise à bas des innombrables procédures administratives qui paralysent le travail des laboratoires, l'indispensable revalorisation des carrières des chercheurs, le développement d'une coopération entre le privé et le public à l'échelle européenne, la France peut redevenir le moteur de l'innovation dans la zone euro. Après la déroute de la réforme du lycée de M. Blanquer, qui a provoqué un effondrement du niveau en mathématiques des jeunes Françaises et Français, n'oublions pas l'urgence d'inculquer en amont une vraie culture scientifique dans les écoles, les collèges et les lycées, au même titre qu'on le fait en histoire ou en littérature.
La réussite de notre politique de conquête spatiale et le succès d'Airbus, désormais leader mondial devant Boeing, prouvent que la France et l'Europe disposent des ressources humaines, des moyens financiers et des savoir-faire permettant d'assurer la croissance, l'emploi, l'indépendance et la sécurité de leurs ressortissants.
À la tête du ministère de la recherche et de l'enseignement supérieur et en votre qualité d'éminente physicienne spécialiste des composants semi-conducteurs, quelle politique comptez-vous mener pour encourager cette ambition conquérante dont doit faire preuve notre pays en faveur de la recherche et de la science ?
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LR.
Je vous remercie pour cette question relative à la politique globale de la recherche. Je partage votre souhait d'une ambition conquérante – je reprends vos mots – pour l'enseignement supérieur et la recherche.
Je ne reviendrai pas sur le constat effectué en 2020, que vous venez de rappeler et qui a abouti à la loi de programmation de la recherche. Vous avez évoqué les évolutions de carrière des personnels : nous allons prochainement faire un bilan du protocole d'accord sur les carrières, dans le cadre du comité de suivi. De plus, je reviendrai vers vous pour établir un bilan de la LPR. De nombreuses mesures permettent de valoriser les carrières : le traitement mensuel brut des doctorants a été revalorisé de 1 700 euros environ à 2 300 euros à terme ; les primes dites socles des chercheurs et des enseignants-chercheurs passeront de 1 200 euros environ à 6 400 euros à terme ; leurs salaires de base seront revalorisés afin de ne pas être inférieurs à deux Smic.
J'ai confié à Philippe Gillet une mission sur l'évolution de l'écosystème de la recherche et de l'innovation, parce que je partage votre constat : il importe de repréciser le rôle des organismes nationaux de recherche en tant que pilotes nationaux, et de leur donner un rôle en tant qu'agences de programme, afin de développer une vision programmatique de la recherche en France – c'est le rôle des agences nationales – mais aussi de renforcer le rôle des universités afin qu'elles pilotent la recherche dans les territoires.
Dans le cadre des plans d'investissements d'avenir et du plan France 2030, nous avons lancé dans ces établissements et dans les universités des projets – certains intitulés « excellence » – permettant des choix stratégiques. Enfin, je viens de lancer des contrats d'objectifs, de moyens et de performance, demandant à ces établissements de définir une signature précise et des choix stratégiques, tout en assurant leur complémentarité.
Les cancers de la peau font partie des formes les plus fréquentes de cancer. Ils sont en augmentation, à cause du vieillissement de la population et pour bien d'autres raisons. Ils produisent des métastases en nombre, ce qui favorise leur diffusion. Certaines régions sont plus touchées que d'autres ; c'est notamment le cas de la Bretagne.
Le nombre de cancers de la peau augmente de 50 % tous les dix ans en France ; c'est dire l'importance du sujet. Santé publique France (SPF) publie quelques chiffres à ce sujet : en 2018, le nombre estimé des nouveaux cas de mélanome de la peau a été de 7 886 chez les hommes et de 7 627 chez les femmes. Le nombre de décès par mélanome de la peau était estimé à 1 135 chez les hommes et à 840 chez les femmes.
Si la recherche a fait des progrès considérables depuis quinze ans, la lutte contre ce type de cancer est contrainte par le manque de dermatologues, qui va s'aggraver dans les dix ans à venir compte tenu du départ à la retraite de 50 % d'entre eux. La recherche sur les cancers de la peau se situe pour beaucoup aux États-Unis, mais également en France, notamment à Paris, Bordeaux, Nantes, Lyon et Lille. La lutte contre ce type de cancer nécessite un travail en réseau des sites de recherche français, le renouvellement des jeunes chercheurs – essentiel –, et la coopération active avec des laboratoires étrangers.
Comment s'organise le financement public et privé de ces pôles de recherche ? Quel volume financier cela représente-t-il ? Comment sont financés les échanges avec les centres de recherche spécialisés dans cette question, qui sont situés à l'étranger ? Comment attirer les jeunes chercheurs français dans ce champ d'étude ? Comment les résultats de la recherche française sur les cancers de la peau sont-ils diffusés auprès des malades, en France mais aussi, pourquoi pas, à l'étranger ? De nombreux malades, ainsi que leurs familles, attendent ces réponses.
Je vous remercie de m'interroger sur le sujet important des cancers cutanés. Parmi les 380 000 néoplasies diagnostiquées chaque année, 80 000 sont des cancers de la peau, et 15 500 sont des mélanomes malins. Ces derniers représentent le septième cancer le plus fréquent chez l'homme et le quatrième chez la femme. Ils figurent parmi les cancers dont l'augmentation est la plus forte ces dernières années.
Depuis 2005, la recherche sur le cancer est coordonnée par l'Institut national du cancer (Inca). Pour renforcer son combat contre ce problème majeur de santé publique, la France a lancé en 2021 une stratégie décennale de lutte contre les cancers, courant jusqu'en 2030. Elle a pour objectif de réduire de 60 000 le nombre de cancers évitables chaque année à l'horizon de 2040.
Les financements publics afférents sont gérés par l'Inca, par la direction générale de l'offre de soins (DGOS) et par les instituts thématiques multiorganismes (Itmo) cancer. Une enveloppe de 42 millions d'euros a été allouée aux projets qui concernent spécifiquement les mélanomes malins entre 2007 et 2021. Quatre-vingt-huit essais cliniques ont été financés sur cette même période, pour un montant de 34 millions d'euros.
L'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) et le Centre national de la recherche scientifique (CNRS) mènent évidemment de la recherche fondamentale dans ce domaine. Des bioclusters verront par ailleurs le jour, expérimentant une nouvelle forme de relation entre le public et le privé. Le premier d'entre eux a été annoncé : il s'agit du Paris Saclay Cancer Cluster, doté d'un financement public de 100 millions d'euros et d'une enveloppe privée d'un montant au moins égal. Il jouira d'une forte attractivité à l'échelle internationale et couvrira l'ensemble de la chaîne, depuis la recherche fondamentale jusqu'à la recherche appliquée et à la production de médicaments. C'est l'une des réponses à votre question.
France universités vient de publier un rapport présentant la place de la recherche biomédicale française sur la scène internationale. Quatre grands enseignements peuvent en être tirés. Premièrement, l'investissement dans la recherche en biologie-santé par habitant n'est, hélas, pas à la hauteur de celui de pays comparables. Deuxièmement, la recherche biomédicale en France plafonne en dessous de son potentiel, contrairement à ce qui se produit dans les autres pays européens. Troisièmement, plus de 60 % de la recherche produite en France provient des universités et de leurs centres hospitaliers universitaires (CHU). Quatrièmement, l'impact scientifique des publications des CHU est inférieur à celui des universités et de l'Inserm, dont le taux de citation est supérieur.
La politique de recherche soulève trois questions majeures. Comptez-vous vous saisir de la clause de revoyure de la loi de programmation de la recherche, afin de porter le budget de cette dernière à 3 % du PIB dès 2027, et de porter à au moins 30 % la part dédiée à la recherche biomédicale ?
Le rapport de France universités préconise de réunir l'ensemble des financements des programmes nationaux de recherche en santé sous un pilotage unique – question d'une grande acuité –, afin d'élaborer une stratégie commune de recherche en santé. Le pilotage de la programmation nationale de la recherche en santé serait confié à l'Inserm, tandis que le pilotage de la politique scientifique locale serait confié aux universités. Y êtes-vous favorable ? Avez-vous des assurances en la matière de la part de M. le ministre de la santé et de la prévention, sachant qu'une véritable politique publique coordonnée est nécessaire ?
Enfin, France universités « préconise […] de ré-universitariser et de remédicaliser la gouvernance des CHU dans le but de conforter les changements majeurs opérés depuis 2007 pour les universités, et de renforcer le partenariat entre CHU et Université […] ». Comptez-vous aller en ce sens ?
Merci pour cette question, à laquelle vous avez vous-même apporté des réponses auxquelles je souscris.
Je compte naturellement m'emparer de la clause de revoyure de la loi de programmation de la recherche, en partant d'un bilan que nous sommes en train d'établir. Sur cette base, nous pourrons envisager une accélération de la LPR afin d'atteindre les objectifs fixés en France et à l'échelle européenne. Je rappelle que l'objectif de consacrer 3 % du PIB à la recherche est arrêté de longue date, et qu'il a été confirmé dans la LPR. Nous étudierons la répartition des enveloppes à cette aune.
Par ailleurs, le plan France 2030 comporte un important volet d'innovation en santé, doté de plus de 1 milliard d'euros ; il recouvre notamment les bioclusters et les nouveaux instituts hospitalo-universitaires (IHU).
Le pilotage constitue un sujet majeur – vous l'avez souligné. La mission Gillet rendra son rapport sur ce sujet fin mai. Il s'agira de confier aux agences – en l'occurrence à l'Inserm, dans le domaine de la santé – le pilotage national des programmes. Pour leur part, les universités seront investies d'un rôle plus soutenu de pilotage de la recherche au niveau territorial, dans la logique de pluridisciplinarité dont nous avons besoin, tout particulièrement en santé.
Quant à la « ré-universitarisation » de la gouvernance des CHU, nous lancerons une mission, avec le ministère de la santé et de la prévention, pour étudier la façon de renforcer les liens entre les universités et les CHU.
La recherche, c'est l'industrie et les emplois locaux de demain. La recherche, c'est également des progrès pour la santé. La recherche, c'est enfin une agriculture plus durable pour assurer notre indépendance alimentaire. En d'autres termes, la recherche est au cœur de notre vie. Aussi est-il légitime de vous interroger, madame la ministre, sur l'attractivité et la compétitivité de la recherche française.
La France possède un potentiel important en matière de recherche ; elle est reconnue pour la qualité de ses institutions scientifiques. Ces dernières années, cependant, la place de la recherche a été remise en question par certains défis auxquels le pays est confronté.
Certes, la France a réussi à attirer de nombreux chercheurs grâce à la qualité de ses institutions scientifiques et de ses programmes de recherche. Elle possède en outre un système de recherche très ouvert. Cependant, la bureaucratie et les lourdeurs administratives peuvent parfois décourager les chercheurs.
S'agissant de la place de notre recherche sur la scène internationale, il y a lieu de s'interroger sur la capacité de la France à maintenir son avantage concurrentiel dans certains domaines clés. Nous sommes en particulier confrontés à une concurrence accrue de la part de pays qui investissent massivement dans ces secteurs, comme la Chine et les États-Unis.
En résumé, la France dispose de nombreux atouts en matière de recherche, mais doit relever des défis de taille pour maintenir sa place dans un contexte international toujours plus concurrentiel.
Le Gouvernement s'engage-t-il à garantir une stabilité législative aux acteurs de la recherche, en s'abstenant notamment de modifier le calcul du crédit d'impôt recherche (CIR) ? Entendez-vous engager une unification de la recherche publique, pour éviter que des équipes ne travaillent sur des sujets proches sans échanger entre elles ? Le modèle français, fondé sur une séparation des grands organismes scientifiques – CNRS, Inra, Institut national de recherche en sciences et technologies du numérique (Inria), universités – est-il adapté aux défis qui s'annoncent ? Quelles mesures comptez-vous prendre pour rapprocher la recherche publique et la recherche privée ?
Votre question complète celles qui m'ont été posées précédemment, et me permettra d'approfondir mes réponses – je vous en remercie.
Dans le cadre de la mission Gillet, nous entendons clarifier et préciser la place et le rôle des organismes nationaux de recherche et des universités. Il ne s'agit aucunement de les remettre en cause ni de modifier leur statut, mais d'expliciter leurs missions et d'assurer leur complémentarité, au niveau national pour les organismes et au niveau territorial pour les universités.
Pour soutenir la dynamique de collaboration entre les secteurs public et privé, nous devons éviter d'en modifier trop fréquemment les règles. La stabilité est importante pour se projeter dans le long terme. Nous ne toucherons donc pas au CIR – même s'il pourrait évoluer à la marge –, car ce dispositif a fait ses preuves. Nous devrons veiller à l'ouvrir davantage aux PME, au-delà des grands groupes.
La simplification est un vecteur essentiel pour gagner en compétitivité. Les chercheurs doivent consacrer l'essentiel de leur temps à ce qui constitue le cœur de leur mission, la recherche, plutôt qu'à des tâches administratives. Nous y travaillons. La mission Gillet tracera des pistes concernant la gestion financière des unités mixtes de recherche (UMR), pour simplifier le mode de financement de la recherche. Cette simplification doit intervenir à tous les niveaux, depuis l'État jusqu'aux opérateurs de recherche.
Notre modèle de financement par appels d'offres n'a pas été remis en cause depuis le tournant du crédit d'impôt recherche de 2008, bien que celui-ci ait bouleversé le travail des chercheurs. Pour avoir été rapporteur du budget de la recherche et pour avoir mené de nombreuses auditions, je peux témoigner que de nombreux chercheurs déplorent l'inflation des tâches administratives dans leur quotidien. Ils regrettent également d'être incités à travailler isolément sur des projets spécifiques, plutôt que de collaborer avec d'autres institutions ou d'autres disciplines. Vous avez connu cette situation avant d'accéder à votre fonction actuelle, madame la ministre, et je suis persuadé que vous partagez ce constat.
Cette spécificité française, conforme à la logique de résultat imposée par la loi organique relative aux lois de finances (Lolf), fait vivre la recherche au gré des octrois et des gels de crédits. En ne garantissant pas un financement de base pérenne, elle impose aux équipes de produire des résultats rapidement. Sous le poids des échéances, les chercheurs peuvent être tentés de publier des résultats préliminaires avant d'avoir mené des investigations plus approfondies. Cette tension extrême peut les conduire à des erreurs, à des approximations et à des conclusions précipitées, ce qui a pour effet de réduire la compétitivité de la recherche française.
Un tel modèle de financement nuit à la qualité de notre recherche. Le budget qui lui est alloué correspond à un peu moins de 800 euros par an et par habitant, contre 1 200 euros chez nos voisins allemands et belges. Ce contexte affecte le rayonnement de la recherche française, en particulier dans les domaines interdisciplinaires où la collaboration est essentielle.
Quels moyens humains et financiers comptez-vous déployer pour sortir de cette logique de projet, qui pénalise la recherche de fond et qui pourrait reléguer la France en deuxième division ?
Mme Ségolène Amiot et M. Pierre Dharréville applaudissent.
Comme je l'ai indiqué, nous prévoyons de mener un travail de simplification administrative dans le domaine de la recherche. Il importe, en particulier, de réduire le temps que les chercheurs consacrent aux appels à projets. Plusieurs pistes y répondent. Tout d'abord, les projets qui relèvent de France 2030 ont une durée de huit ans, nettement plus longue que ceux qui relèvent de l'ANR, qui courent sur trois à quatre ans. Cela offre une vision à plus long terme – étant entendu que les financements de ces projets sont plus soutenus.
Ensuite, nous lançons des contrats d'objectifs, de moyens et de performance avec les établissements. Un budget supplémentaire de 100 millions d'euros y est consacré pour la première vague, qui couvre trente-cinq établissements. L'objectif est d'accompagner les projets des établissements en adoptant une vision pluriannuelle, de les financer et de soutenir leur candidature aux appels à manifestation d'intérêt de France 2030 – notamment à celui qui porte sur les compétences et les métiers d'avenir –, afin de réduire leur taux d'échec.
Je tiens à préciser que la LPR a permis de renforcer de 100 millions d'euros les moyens destinés aux laboratoires. En outre, elle a conduit à augmenter d'environ 10 % le taux de succès des appels à projets de l'ANR – Agence nationale de la recherche –, qui, vous l'avez rappelé, finance des projets plus courts. Ce taux, qui était tombé à 15 %, s'élève désormais à 24 % et tend vers l'objectif de 30 % fixé par la loi. Ainsi, l'ANR a accordé 400 millions d'euros supplémentaires en 2023.
Telles sont les mesures d'accompagnement et de simplification par lesquelles nous cherchons à limiter l'importance excessive des appels à projets.
En 2022, le crédit d'impôt recherche est devenu la première niche fiscale du pays. Son coût s'élève à 7 milliards d'euros, soit 88 % du montant des dépenses fiscales engagées au titre de la mission "Recherche et enseignement supérieur" . Dans le même temps, l'effort de recherche publique consenti par l'État n'a fait que diminuer, jusqu'à atteindre 0,78 % du PIB en 2023.
La réforme du CIR opérée en 2008 a quadruplé son coût pour l'État. Pourtant, on peut s'interroger sur son efficacité : la France occupe la première place de l'OCDE – l'Organisation de coopération et de développement économiques – en matière d'aide fiscale à la recherche et développement, mais seulement la dix-septième place lorsqu'il s'agit de la dépense intérieure brute de recherche et développement. Peut-être faut-il en chercher l'explication dans le rapport publié en 2021 par la Commission nationale d'évaluation des politiques d'innovation (Cnepi), qui, d'après l'analyse de la direction générale du Trésor, « montre que, si les groupes multinationaux français valorisent le rôle du CIR dans la décision de localisation de l'investissement en R&D, ils valorisent tout autant l'accès au capital humain, le rôle de la propriété intellectuelle, de la recherche publique et du transfert technologique de qualité ». L'investissement en R&D s'appuie donc sur tout un écosystème qui ne saurait se satisfaire de l'abandon de la recherche publique au profit de la recherche privée, que les chercheurs et les universitaires dénoncent d'ailleurs depuis plus de dix ans.
Entendez-vous modifier votre stratégie en matière de financement de la recherche et réformer enfin le CIR, dispositif fiscal coûteux et peu performant, au profit d'un investissement renforcé dans la recherche publique ?
Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, LFI – NUPES et GDR – NUPES.
Les études commandées au sujet du CIR, dont celle publiée par la Cnepi en 2021, que vous avez mentionnée, mettent en évidence les résultats suivants. Outre les effets que vous citez, la réforme de 2008 a également entraîné des effets positifs sur les activités de R&D, comme en témoignent le chiffre d'affaires et l'investissement des entreprises dans ce domaine ; toutefois, il est vrai que ces résultats ne sont statistiquement significatifs que dans le cas des PME. Le CIR n'a pas suffi à contrecarrer la perte d'attractivité de la France comme site de R&D des entreprises multinationales étrangères. L'implantation d'activités de R&D en France progresse plus faiblement que dans les autres pays.
Ces études présentent néanmoins des limites méthodologiques, telles la difficulté de la constitution d'un contrefactuel ou encore l'ancienneté des données mobilisées lors des estimations, qui invitent à relativiser l'interprétation causale des résultats obtenus, notamment en ce qui concerne les efforts d'attractivité déployés par le Gouvernement dans le cadre du plan France 2030 et de la LPR. Le CIR constitue un outil attractif pour les PME, incite les entreprises à s'installer sur le territoire français, facilite et encourage la recherche publique comme privée. Comme je le soulignais plus tôt, il est nécessaire d'assurer à ce dispositif une certaine stabilité dans le temps avant de chercher à en tirer les conclusions.
La période sanitaire que nous venons de traverser a démontré que la recherche est une nécessité vitale pour notre société. Madame la ministre, je vous sais pleinement mobilisée pour la défendre.
Alors que des noms résonnent dans nos esprits – hier celui de Marie Curie, récemment celui de Françoise Barré-Sinoussi, aujourd'hui celui de Bérengère Dubrulle –, j'appelle votre attention sur la situation des femmes dans la recherche. Si la loi de programmation de la recherche pour les années 2021 à 2030 a permis de redynamiser la recherche française, certains défis restent à relever, notamment en matière d'inclusion des chercheuses. Le constat est indéniable et le phénomène ancien : les femmes sont moins représentées que les hommes dans les secteurs scientifiques. À titre d'exemple, les étudiantes ne représentent qu'un tiers des effectifs des classes préparatoires scientifiques. Ces dernières années, le sous-investissement s'est traduit par une perte d'attractivité de ces métiers. En France, seulement 28 % des chercheurs sont des chercheuses. Il est donc impératif de créer de nouvelles vocations et de favoriser la féminisation des professions scientifiques.
Madame la ministre, pourriez-vous nous indiquer quelles mesures sont envisagées pour promouvoir les carrières et les filières scientifiques auprès des jeunes filles ?
Merci beaucoup d'avoir évoqué ce sujet – vous savez que j'y suis particulièrement sensible et que j'œuvre en ce sens. Je répondrai séparément aux deux axes de votre question : d'une part la carrière des femmes dans la recherche scientifique, d'autre part l'attractivité des métiers scientifiques pour les jeunes filles.
En ce qui concerne le premier axe, nous observons avec attention les effets de la LPR. Je vais vous présenter quelques premiers bilans positifs, à commencer par celui du repyramidage, c'est-à-dire la promotion interne de maîtres de conférences vers le corps des professeurs des universités, dont je rappelle qu'il ne comporte que 29 % de femmes. En 2021, 41 % des professeurs nouvellement promus étaient des femmes ; en 2023, nous avons atteint 52 %. Le processus de repyramidage, qui exige moins de mobilité géographique de la part des promus et prend en compte leur carrière globale, semble mieux adapté que la promotion habituelle pour reconnaître l'ensemble des tâches effectuées par les enseignants-chercheurs, en particulier par les femmes. On constate également de premiers effets très favorables du repyramidage des corps administratifs et techniques, qui permet, là encore, de valoriser les carrières des femmes.
Par ailleurs, les nouveaux critères d'attribution des primes individuelles instaurés par la LPR aboutissent à leur attribution plus fréquente aux femmes, dont on constate qu'elles en font la demande sans s'autocensurer. Le nombre de candidates et de lauréates a ainsi augmenté ; ces chiffres vous seront transmis lors de la présentation du bilan de la LPR.
Enfin, nous prêtons la plus grande attention à la parité au sein des comités de sélection et à la gestion des carrières.
Quant au second axe de votre question, nous travaillons avec le ministère de l'éducation nationale pour mettre en œuvre de nouvelles mesures visant à renforcer l'attractivité des métiers scientifiques pour les jeunes filles, du primaire à l'université. Elles concernent, entre autres, la formation des professeurs des écoles, ou encore la promotion de modèles de femmes scientifiques – vous en avez cité quelques-unes.
Ma question rejoint celle de M. Le Fur. Chaque année, en France, plus de 350 000 personnes apprennent qu'elles sont atteintes d'un cancer. Près de 3,8 millions de Français vivent avec ce diagnostic. Nous dénombrons 150 000 décès par an, autant de douleurs et de familles endeuillées. Oui, chers collègues, le cancer demeure un véritable fléau, qui nécessite une mobilisation nationale et unitaire.
Depuis des décennies, nous – État, chercheurs, associations, collectivités parfois – menons cette lutte, qui a déjà permis de grandes avancées. Ainsi, 9 millions de personnes se font dépister chaque année, et les progrès de la recherche ont conduit à augmenter le taux de guérison grâce à des diagnostics plus précoces et aux progrès thérapeutiques.
En 2021, pour la première fois, une stratégie nationale pour dix ans a été élaborée par l'Institut national du cancer. La recherche est la composante essentielle de cette ambitieuse feuille de route, car c'est elle qui permet de mieux comprendre les mécanismes de la maladie, de la prévenir lorsque cela est possible, de la dépister au plus tôt et de mieux la soigner. La cancérologie est une discipline en progrès constant et rapide, mais nous ne devons pas relâcher nos efforts.
Madame la ministre, pourriez-vous rappeler à la représentation nationale les moyens dédiés à la recherche relative au cancer, ses axes majeurs et les travaux en cours à l'échelle européenne ?
Ma réponse complétera celle que j'ai faite à M. Le Fur, puisque votre question concerne le cancer de manière plus générale. Effectivement, l'Inca a tracé sa feuille de route. La LPR accompagne l'augmentation de son budget, qui passera de 62 millions d'euros à 78 millions d'ici à 2025. Cet effort significatif vise à maintenir la France à un niveau d'excellence internationale en matière de recherche sur le cancer. Les dépenses par habitant consacrées aux soins oncologiques représentent environ 12 % du total des dépenses de dédiées à la santé, et nous souhaitons maintenir à cette hauteur cet investissement considérable.
Par ailleurs, la France a lancé en 2021, sur la recommandation de l'Inca, la stratégie décennale de lutte contre les cancers – cela représente, vous l'avez rappelé, un enjeu de santé publique –, avec pour objectif de réduire de 60 000 chaque année le nombre de cas de cancers évitables à l'horizon 2040. Pour mettre en œuvre cette stratégie, elle prévoit une enveloppe de 1,74 milliard d'euros sur cinq ans.
Je tiens enfin à rappeler la création du Paris Saclay Cancer Cluster. Ce biocluster, financé par l'État à hauteur de 100 millions d'euros, auxquels s'ajoute une somme au moins égale provenant d'entreprises privées, conduit une grande variété d'activités allant de la recherche fondamentale à la production de thérapies innovantes et de médicaments, en passant bien sûr par la recherche en milieu hospitalier.
Ma question concerne le CIR. Ce crédit aux entreprises s'élève à environ 7 milliards d'euros, dont la grande majorité va aux entreprises de plus de 5 000 salariés, qui, pourtant, représentent seulement 1 % des entreprises bénéficiant du dispositif.
Ma question est double. D'une part, comment expliquer qu'il soit si difficile d'obtenir des informations quant au montant du crédit dont bénéficie chaque entreprise ? D'autre part, est-il normal que des grandes entreprises réalisant des milliards d'euros de bénéfices et distribuant des milliards d'euros de dividendes bénéficient du CIR à hauteur de centaines de millions d'euros ? Cela pousse à s'interroger. Il est tout à fait compréhensible que l'État soutienne des PME implantées dans nos territoires, dont le chiffre d'affaires est peu élevé et qui ont réellement besoin d'un crédit d'impôt, mais on peut mettre en doute la pertinence d'accorder de telles sommes à de très grandes entreprises qui, même sans cela, enregistreraient des profits très élevés et distribueraient des milliards d'euros de dividendes.
J'aborderai deux aspects de la question que vous avez posée. J'examinerai d'abord le réinvestissement des bénéfices dans la R&D, qui est le gage d'une compétitivité future, sans qu'il y ait lieu de distinguer entre les grandes et les petites entreprises. Je me pencherai ensuite sur la place respective des PME et des grandes entreprises en ce qui concerne le CIR.
D'abord, l'effet de levier est important : 6,7 milliards d'euros de CIR contribuent à financer plus de 25 milliards d'euros de R&D déclarés par les entreprises. Le CIR encourage donc les entreprises, qu'elles soient petites ou grandes, à réinvestir dans la R&D.
Ensuite, sur 15 700 entreprises déclarantes, on compte 12 900 PME, 2 200 entreprises de taille intermédiaire (ETI), et 500 grandes entreprises. Ainsi, 83 % des déclarants sont des PME et elles bénéficient de 28 % de la créance. Cela peut sembler faible, mais la proportion de crédit d'impôt recherche que touchent les PME est supérieure à leur poids dans la R&D privée, qui s'élève à 19 %.
Par le mécanisme de plafonnement, du fait du taux réduit à 5 % au-delà de 100 millions d'euros de dépenses déclarées, une grande entreprise qui déclare des dépenses en R&D supérieures à cette somme voit son taux de créance diminuer : ce dernier s'élève en moyenne à 26 % pour les grandes entreprises.
Le CIR est non seulement un outil qui encourage le réinvestissement des bénéfices dans la R&D, mais aussi, contrairement à ce qu'on peut entendre, un dispositif dont les PME se saisissent. On doit les encourager à le faire encore davantage et probablement améliorer leur accompagnement. En effet, seules 7 % des PME sollicitent un crédit d'impôt recherche. Pour accroître cette proportion, nous les accompagnons en améliorant la simplicité, la transparence et la stabilité dans le temps du dispositif.
Madame la ministre, je souhaite vous interroger sur un sujet de recherche appliquée crucial pour un segment important de notre économie, l'industrie pharmaceutique. Pour mener à bien leurs essais précliniques, les sous-traitants de l'industrie pharmaceutique que sont les sociétés de recherche contractuelles ont recours à des essais sur des espèces animales. Pour certains médicaments innovants, les vaccins à ARN, les thérapies géniques, les anticorps monoclonaux, les grosses molécules qui représentent l'essentiel des essais cliniques actuels nécessitent des tests sur des primates non humains (PNH).
Depuis novembre 2022, la nouvelle réglementation européenne restreint, pour les laboratoires de l'Union européenne, la possibilité de faire des essais précliniques aux seuls PNH de génération F2, c'est-à-dire ceux dont les parents sont nés ou ont été élevés en captivité, alors que les laboratoires américains et asiatiques sont autorisés à utiliser aussi bien des PNH nés et élevés en captivité que des PNH captés dans leur milieu naturel. L'application de la nouvelle réglementation européenne fragilise donc les sociétés de recherche contractuelles européennes, qui ne peuvent s'approvisionner en PNH de génération F2.
En effet, la Chine, qui est le principal exportateur, a interdit l'exportation de PNH depuis 2020, car elle considère cette ressource comme un enjeu de souveraineté nationale pour la recherche comme pour l'industrie pharmaceutique. Dès lors, les entreprises pharmaceutiques se voient contraintes de confier des essais précliniques à des sociétés pour lesquelles les conditions sont plus souples, situées en Amérique ou en Asie. Inévitablement, cela réduit le poids de la France dans la recherche pharmaceutique. Nous devons apporter une solution aux entreprises françaises et aux chercheurs français engagés dans la recherche à des fins pharmaceutiques.
Chaque État membre de l'Union européenne a la possibilité de déroger à l'application de la réglementation de 2022 afin de permettre aux éleveurs de PNH de s'adapter à cette nouvelle réglementation. Le Gouvernement a l'ambition de réindustrialiser notre pays et d'assurer sa souveraineté dans le domaine de la recherche, notamment dans le secteur pharmaceutique. Ma question est simple, madame la ministre : le Gouvernement envisage-t-il de demander une dérogation dans ce domaine ?
Nous avons recours aux primates à des fins scientifiques, cependant le nombre de ces animaux est restreint : ils comptent pour 0,2 % du total des animaux utilisés dans ce cadre. Par leur proximité génétique et phylogénétique avec les humains, ces modèles de primates sont nécessaires et primordiaux pour la réalisation de nombreux projets de recherche.
Vous l'avez dit, une directive européenne permet aux États membres de déroger, projet par projet, à la règle, en produisant une justification scientifique. Il est souhaitable de formaliser rapidement ce type de dérogation. Plusieurs actions sont donc envisagées.
Premièrement, nous accompagnons les établissements dans l'évolution de leur approvisionnement. Nous savons que le coût de cet accompagnement augmente du fait de la flambée des prix des primates en général, et en particulier des primates de génération F2 lorsque ceux-ci sont disponibles.
Deuxièmement, il faut évaluer l'opportunité du maintien d'exportations de primates ou de bioproduits issus des primates français. Par exemple, le centre de primatologie de l'université de Strasbourg approvisionne des laboratoires allemands en primates de génération F2 et exporte des produits issus de primates vers l'Europe, la Suisse, les États-Unis.
Troisièmement, nous soutenons, sur le territoire national, les projets d'élevage de primates répondant aux critères européens. Compte tenu de la durée de développement des animaux, un élevage lancé actuellement pourra fournir des animaux pour la recherche vers 2030 environ.
Enfin, nous accompagnons de manière concrète les établissements de recherche pour qu'ils obtiennent les dérogations.
Ces dernières années, une nouvelle volonté politique et industrielle a émergé autour du potentiel de l'hydrogène dans la décarbonation de notre société. Avec les projets de loi sur les énergies renouvelables et sur le nucléaire, nous avons fait le choix d'un mix énergétique pertinent pour l'avenir de notre pays. Ce mix énergétique est un support décisif pour la production d'un hydrogène vert pouvant servir à notre industrie et, à terme, à des usages quotidiens comme les mobilités. Le Président de la République a affirmé dès 2021 l'ambition de faire de la France un des leaders mondiaux de l'hydrogène en 2030.
Cependant, dans la stratégie européenne de décarbonation, on refuse de considérer comme vert l'hydrogène produit à partir d'électricité nucléaire. Des solutions semblent avoir émergé lors du dernier sommet franco-allemand sur ce sujet. Nos porteurs de projets industriels ont besoin d'un cadre sur mesure pour sécuriser leurs investissements dans cette nouvelle technologie.
De plus, la France disposerait de réserves d'hydrogène naturel, dit hydrogène blanc, ce qui permettrait de disposer d'une ressource naturelle décarbonée.
L'hydrogène est un facteur de souveraineté énergétique. Comme l'a rappelé le Président de la République, notre modèle, notamment grâce à l'énergie nucléaire, peut nous permettre de réaliser une transition importante et un bond technologique.
Madame la ministre, quelle est la feuille de route du Gouvernement pour réaliser nos ambitions en matière d'hydrogène, en particulier pour exploiter les possibilités de l'hydrogène blanc ?
Vous l'avez dit, la France a une stratégie pour l'hydrogène ambitieuse, pour laquelle elle mobilise plus de 9 milliards d'euros. Cette stratégie concerne tous les niveaux de maturité des projets, depuis la recherche jusqu'à l'industrialisation et l'utilisation de l'hydrogène. La montée en puissance de nos capacités de recherche et de développement en matière d'hydrogène s'inscrit dans cette stratégie, qui comporte deux axes. Le premier concerne l'émergence d'une filière française de production par électrolyse et ses usages pour la mobilité lourde. Le second est dédié à la recherche afin de développer de nouvelles technologies pour produire de l'hydrogène. Il consiste en un programme prioritaire de recherche de 80 millions d'euros, piloté par le CEA et le CNRS, qui permet de développer des technologies pour produire de l'hydrogène.
Au niveau industriel, le principal secteur consommateur d'hydrogène est actuellement l'industrie, qui dispose de moyens de production bas carbone de l'hydrogène. C'est un des leviers de la décarbonation de notre industrie que la France défendra et utilisera. Grâce à notre mix énergétique très largement décarboné, l'électrolyse s'impose. Les procédés d'électrolyse constituent une priorité pour la recherche. Ils sont adaptés aux énergies renouvelables à rendement optimisé et ne dépendent pas de métaux stratégiques.
Les systèmes de conversion qu'on appelle les piles à combustible constituent une deuxième direction pour la recherche. L'hydrogène est en effet une solution particulièrement adaptée à la mobilité lourde.
Une troisième orientation de la recherche étudie le stockage de l'hydrogène sous toutes ses formes, qu'il soit solide, liquide ou gazeux.
En conclusion, soulignons que l'écosystème de recherche français est fortement structuré : plus de 500 chercheurs travaillent sur ce sujet ; il est bâti sur un soutien public de longue date. C'est un atout certain pour le leadership français et européen, qui utilisera toutes les technologies que la France a à sa disposition.
Les étudiants d'aujourd'hui sont les chercheurs de demain. L'équilibre des filières et la répartition des effectifs étudiants par discipline sont donc essentiels. Or, en 2022, la France ne comptait que 2 600 doctorants en mathématiques, contre 32 000 en sciences humaines et sociales. La hausse du nombre de doctorants en mathématiques au cours des deux dernières années n'est pas suffisante si nous souhaitons que la deuxième discipline de spécialisation scientifique reste le fleuron de la recherche française.
En chimie, en sciences de l'information et de la communication, la baisse du nombre de doctorants reste la norme. Personne ne peut se satisfaire de ce déséquilibre criant, qui touche toutes les filières scientifiques dans un monde où la connaissance dans ces domaines est stratégique, notamment pour répondre aux enjeux de souveraineté et aux défis climatiques.
L'inégale répartition disciplinaire des doctorants n'est que le reflet d'un déséquilibre encore plus marqué en licence et en master. Ce n'est qu'au prix d'un réajustement au profit des disciplines scientifiques que nous pourrons garantir la pérennité de l'excellence française en matière de recherche.
Madame la ministre, que comptez-vous entreprendre pour renforcer les effectifs dans les filières scientifiques en tension et rééquilibrer le nombre d'étudiants dans les filières de sciences humaines et sociales, dont les effectifs sont en distorsion avec les besoins réels du monde de la recherche et avec les activités des secteurs économiques ? La sélection doit être plus contraignante si nous voulons assurer notre souveraineté intellectuelle et rester un grand pays qui porte la science en étendard.
Les filières d'avenir comme l'industrie verte, le numérique, le nucléaire, et plus généralement les sciences et les technologies, ont besoin de recruter massivement dès à présent. Ces filières scientifiques ont besoin de techniciens, d'ingénieurs ou de titulaires d'un master, de doctorants.
Les formations scientifiques représentent 25,5 % des formations dans l'enseignement supérieur en 2021. Nous avons besoin en particulier de titulaires de bac + 3. Entre 2011 et 2021, les effectifs ont augmenté de 5,8 % dans les instituts universitaires de technologie (IUT), de 33 % dans les filières universitaires et de 44 % dans les écoles d'ingénieurs, mais cela ne suffit pas. Nous sommes en train de cartographier les besoins pour créer des places dans les filières scientifiques.
Nous travaillons avec le ministère de l'éducation nationale, car il faut attirer, expliquer les métiers, montrer les débouchés. Comme je l'ai dit, il faut améliorer l'attractivité des métiers scientifiques, notamment auprès des jeunes filles.
Le plan France 2030 consacre 2,5 milliards d'euros aux compétences et métiers d'avenir, ce qui permet de financer tous les niveaux de ces filières de sciences et technologies. Précisons que 43 % des étudiants dans les filières scientifiques sont des filles, même si elles sont seulement 29 % dans les écoles d'ingénieurs. Nous savons dans quelle direction avancer. Avec les autres ministères, nous avons créé 10 000 parcours de réussite des jeunes filles vers le numérique. Nous avons donc pris plusieurs mesures pour attirer les jeunes vers les sciences et les financer, en particulier dans le cadre de France 2030.
La France possède une riche expérience dans l'innovation et la recherche et compte parmi les nations les plus engagées et reconnues dans ce domaine. Depuis la création du prix Nobel, elle a obtenu près de quarante prix scientifiques, se situant ainsi dans les cinq premiers mondiaux. Dans l'innovation, la France fait également partie des meilleures nations au monde, avec chaque année plus de 10 000 brevets déposés.
Dans ce cadre, notre université joue un rôle fondamental. Nous percevons la qualité de notre recherche à travers la montée en puissance de la France, depuis dix ans, dans les classements internationaux, notamment dans le classement de Shanghai.
Cette dynamique est soutenue par un concours historique et permanent de l'État, notamment à travers les programmes d'investissements d'avenir (PIA) comme le plan France 2030, qui se distingue des PIA passés par l'intégration d'un volet dédié aux technologies innovantes et l'importance qu'il accorde à la lutte contre le dérèglement climatique.
On peut se féliciter que la mutation écologique de notre société soit au cœur de nos investissements. Et, alors que le poids de l'industrie a diminué d'un tiers dans le PIB français en quarante ans, on peut se féliciter aussi qu'un plan de réindustrialisation verte ait enfin été décidé.
Mais cette réindustrialisation que chacun appelle de ses vœux nécessite des compétences, dont l'acquisition dépend en grande partie des universités, puisque ce sont elles qui forment aux métiers de demain et, à travers les formations qu'elles dispensent, aident les secteurs économiques en tension à couvrir leurs besoins. En effet, nos universités – je pense en particulier à celle de Reims Champagne-Ardenne, dans ma circonscription – ont ceci de particulier qu'elles font le lien entre les collectivités et entreprises du territoire et les organismes de recherche. Il est d'autant plus nécessaire d'accompagner ce rôle fédérateur que le contexte international est très compétitif.
Ma question est donc double. Comment accompagner nos universités pour que l'acquisition de connaissances et compétences en matière de transition écologique soit intégrée dans tous les cursus ? Plus globalement, considérez-vous, madame la ministre, que notre politique rend les universités suffisamment actrices de la stratégie de l'État en matière de transition écologique ?
La transition écologique est un sujet qui me tient particulièrement à cœur, tout comme à nos jeunes, et en particulier à nos étudiants : autant de raisons de répondre à l'urgence. À cette fin, nous avons d'ores et déjà annoncé plusieurs mesures.
À partir de 2025, tous les étudiants de premier cycle recevront une formation spécifique à la transition écologique – une mesure importante que nous commencerons à déployer dès la rentrée prochaine. Tous les enseignants et enseignants-chercheurs seront formés, de sorte qu'ils puissent inclure naturellement les enjeux de la transition écologique et climatique dans leurs enseignements. Nous avons créé des ateliers pour déployer des plateformes de ressources pédagogiques qui seront accessibles à tous les établissements. Nous discutons actuellement avec les universités pour assurer le financement de cette mesure dans le cadre de leurs contrats d'objectifs, de moyens et de performance, et ainsi leur donner les moyens de former tous leurs enseignants et enseignants-chercheurs intervenant dans le premier cycle, où la formation des étudiants à la transition écologique sera obligatoire.
Le financement de formations plus spécialisées aux métiers d'avenir liés à la transition écologique – les métiers « du vert » – sera assuré par l'appel à manifestations d'intérêt « Compétences et métiers d'avenir » du plan France 2030, doté de 2 milliards d'euros. En outre, toujours dans le cadre du plan France 2030, nous accompagnerons les établissements dans l'ouverture de nouvelles formations à travers les contrats d'objectifs, de moyens et de performance. Afin d'augmenter les formations dans les filières en tension et de créer les formations aux nouveaux métiers liés à l'écologie, nous sommes en train de cartographier les besoins en compétences en lien avec les industries.
À l'heure où l'agriculture française doit relever de nombreux défis – alimentaires, environnementaux, ou encore en matière de lutte contre le changement climatique et de décarbonation de nos actes de production – tout en préservant nos ressources naturelles, la recherche publique doit être au cœur de nos priorités. Il est en effet indispensable que la recherche, qu'elle soit publique ou conduite en partenariat avec le secteur privé, puisse mener ses travaux dans les meilleures conditions budgétaires et scientifiques possibles. Je sais que la priorité du Gouvernement est de placer la France à la pointe de la recherche scientifique mondiale. Mais, à l'heure où la défiance à l'égard du raisonnement scientifique s'accentue et où le sens de la nuance disparaît progressivement du débat public, force est de constater que seules la recherche et l'innovation peuvent apporter les progrès nécessaires à nos sociétés modernes pour mieux produire, et ainsi mieux s'alimenter et mieux nourrir la planète.
Nos étudiants et nos chercheurs doivent trouver en France les meilleures conditions possibles pour faire progresser leurs travaux et éclairer les choix scientifiques permettant de maintenir la France au premier plan des grandes nations innovantes en matière agricole. C'est également un impératif pour assurer la réindustrialisation de la France que, forts de nos nombreux atouts, nous sommes en train de réussir.
Madame la ministre, comment comptez-vous réaffirmer le rôle primordial de la recherche agronomique, garante des progrès de nos filières agricoles, qui s'inscrivent au cœur de nos ambitions climatiques et des négociations en cours ? Quelle sera la ligne du Gouvernement pour entamer ce nouveau siècle avec toute une communauté formée à la rigueur de la recherche et à l'innovation agronomique pour servir un destin commun à tous les habitants de la planète, la suffisance alimentaire ?
Vous avez tout à fait raison, et je souscris pleinement à vos propos : l'agriculture est à la croisée de multiples enjeux, en particulier l'alimentation durable et la souveraineté alimentaire. L'équation est compliquée, les défis à relever sont nombreux : nous y travaillons beaucoup à l'échelle interministérielle, avec le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire, Marc Fesneau, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, Christophe Béchu, et le ministre de la santé, puisque les conséquences sanitaires sont importantes. La recherche en matière alimentaire et agricole est un axe fort de la planification écologique pilotée par la Première ministre.
La recherche agronomique, c'est aujourd'hui en France 1,2 milliard d'euros par an et environ 23 000 personnes. À travers le plan France 2030, plus de 2,7 milliards d'euros seront mobilisés en faveur de la transition agricole et alimentaire. Ce plan sera donc un levier important pour concentrer les efforts afin d'accélérer la transition et de répondre aux enjeux. Parmi les programmes et équipements prioritaires de recherche (PEPR), je citerai le PEPR sur l'agroécologie et le numérique, les grands défis « biocontrôle et biostimulants » et « robotique agricole », ou encore le PEPR sur la sélection variétale avancée. Cette liste illustre à la fois la pluridisciplinarité et l'interdisciplinarité de la recherche agronomique, et la nécessité de piloter et coordonner l'ensemble des acteurs pour assurer l'efficacité des programmes – rôle qui, en matière d'agriculture et d'alimentation, sera joué par l'Inrae, institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement.
La transition agroécologique présente des enjeux majeurs – vous comme moi en avons cité beaucoup d'exemples. Pour y répondre, ce qui ne sera pas chose facile, la recherche doit être systémique. C'est pourquoi nous assurons un pilotage renforcé à l'échelle interministérielle et investissons puissamment à travers le plan France 2030.
Ma question porte sur notre stratégie nationale pour l'intelligence artificielle (SNIA). Il n'est pas besoin de rappeler trop longuement les enjeux considérables qui s'attachent pour notre pays, pour sa souveraineté, son indépendance et son rayonnement, à la maîtrise des tenants et aboutissants de l'intelligence artificielle. Du reste, il a été l'un des premiers – vous l'avez rappelé, madame la ministre – à se doter d'une véritable stratégie nationale et d'un plan national de recherche pour l'IA.
Toutefois, un rapport de la Cour des comptes consacré à la stratégie nationale pour l'intelligence artificielle publié tout récemment, en avril, souligne plusieurs de ses faiblesses, sur lesquelles nous souhaiterions des éclaircissements.
Premièrement, il semblerait qu'il existe un goulot d'étranglement dans la formation initiale et continue d'ingénieurs et de chercheurs en IA. Pouvez-vous nous indiquer les mesures prises conjointement par votre ministère et celui de l'éducation nationale pour augmenter sensiblement le nombre de lycéens qui choisissent la spécialité numérique et sciences informatiques, et les actions entreprises pour gommer les biais de genre dans cette spécialité ?
Deuxièmement, en 2020, le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche assurait l'intégralité de la formation continue en matière d'IA. En 2022, sa part est descendue à 6 %. Pouvez-vous nous éclairer sur la nature de ce changement et nous préciser quels contrôles l'État a instaurés pour s'assurer de la qualité de la formation continue dispensée par le secteur privé ?
Enfin, en matière de gouvernance, la Cour des comptes affirme qu'« aucune gouvernance spécifique n'a été mise en place pour le volet recherche » – jugement qui paraît relativement abrupt. Elle indique aussi que la République fédérale d'Allemagne a structuré sa recherche en IA selon un modèle plus efficace que le nôtre. Pouvez-vous donc, madame la ministre, nous indiquer les actions entreprises pour doter la recherche en intelligence artificielle d'un pilotage et d'une gouvernance conformes aux enjeux de ce secteur stratégique ?
L'actualité nous le rappelle chaque jour, la recherche en intelligence artificielle est en effet fondamentale.
S'agissant de la formation initiale et continue, nous allons reconduire et élargir les instituts 3IA. À travers l'appel à manifestations d'intérêt « Compétences et métiers d'avenir », pas moins de 500 millions d'euros seront ainsi investis pour renforcer les formations en IA de tous niveaux – techniciens, ingénieurs, doctorants – dispensées par les 3IA élargis, à la fois au titre de la formation initiale et de la formation continue – car dans ce cadre particulier comme dans beaucoup de domaines, la formation tout au long de la vie est en effet fondamentale. Nous y serons donc particulièrement attentifs.
Par ailleurs, nous allons suivre de près les formations dispensées par le secteur privé : un groupe de travail ministériel s'y attelle et devrait rendre ses conclusions avant l'été. Sans aller jusqu'à exercer un contrôle stricto sensu, nous disposerons d'un premier retour des étudiants ayant suivi les formations, que ce soit dans le public ou le privé, et de leurs parents.
Enfin, l'amélioration de la gouvernance est l'un des axes de la SNIA. Comme je l'ai déjà expliqué, les organismes nationaux de recherche sont chargés du pilotage des programmes : en matière de numérique et d'intelligence artificielle, c'est donc l'Inria qui assurera la coordination des acteurs. Nous travaillerons avec lui pour renforcer la gouvernance sur les projets à l'échelle nationale, européenne et internationale.
La recherche française, publique comme privée, a toujours rayonné dans le monde. Mais cela est de moins en moins vrai : nous ne sommes plus qu'au dixième rang des pays de l'OCDE en termes de publications. Les causes en sont multiples : manque d'ambition et, il faut bien le dire, de moyens de la LPR de 2020 ; stratégie nationale peu cohérente, et ce depuis longtemps ; manque d'équipements, par ailleurs aujourd'hui vieillissants ; salaires de la fonction publique parfois indignes ; fuite des cerveaux et des brevets. Résultat : un manque total d'attractivité et de productivité, objet du débat d'aujourd'hui.
Mais un autre frein, moins visible, est tout aussi dangereux : l'espionnage économique, tant dans le public que dans le privé. Or, en matière de renseignement, mais aussi d'audience et de structuration universitaire, notre pays est très en retard. Tout d'abord, le renseignement humain est toujours nécessaire et efficace dans des domaines ciblés, comme nous avons pu le voir à petite échelle avec les étudiants étrangers, mais aussi, plus largement, dans toutes les opérations d'espionnage et d'intelligence économique. Les pertes occasionnées sont incommensurables. Il conviendrait donc d'installer dans notre pays une culture du risque de l'espionnage, notamment en protégeant et sensibilisant les chercheurs, en protégeant les brevets et en garantissant la souveraineté des données.
La cybercriminalité est quant à elle l'objet de toutes les attentions. Mais hélas, l'Europe, dont l'université Eelisa – European engineering learning innovation and science alliance – présente des faiblesses, a pris du retard, tout comme la France et l'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (Anssi).
Ma question est donc simple : quels moyens comptez-vous donner à l'Anssi pour mener ses actions ? Corollaire : envisagez-vous de prendre enfin réellement en main le problème de l'intelligence économique appliquée à la recherche, éventuellement en le confiant à un secrétariat dédié, seule garantie d'une réussite opérationnelle ?
Nous travaillons déjà sur cette question, rendue plus importante encore par le contexte géopolitique actuel. Des procédés existent déjà, comme le dispositif de protection du potentiel scientifique et technique de la nation (PPST) et les zones à régime restrictif (ZRR) dans les laboratoires, et nous travaillons, notamment avec France Universités, à les renforcer. Des référents dits hauts fonctionnaires de défense et de sécurité (HFDS) sont également présents dans les laboratoires et au ministère. La question que vous soulevez fait donc déjà l'objet d'un suivi, même si nous devons sensibiliser davantage encore la direction des établissements et des laboratoires, et les chercheurs eux-mêmes, à ces enjeux : nous devons donc mener un travail de fond à partir des outils déjà existants, comme le PPST et les ZRR, pour mieux protéger notre savoir.
Cependant, il est important de maintenir une science ouverte, car en recherche, la diffusion de l'information est gage d'excellence. Nous devons donc trouver comment concilier la propriété et la souveraineté de notre recherche et de notre industrie avec ce besoin de publication et de partage de la connaissance au niveau international.
Par ailleurs, je vous rejoins sur la nécessité d'améliorer la cybersécurité. Là encore, nous y travaillons, à travers plusieurs programmes prioritaires pilotés par l'Inria, qui ont pour objectif une progression de la propriété et la nécessaire formation des laboratoires aux enjeux de la cybersécurité.
Depuis 2010, la Chine est le premier producteur de contributions scientifiques en matière d'intelligence artificielle – devant les États-Unis et l'Inde, laquelle a quadruplé sa production, tandis que la France, qui ne cesse de chuter, vient au douzième rang. La LPR prévoit pour 2030 un budget public de la recherche supérieur de 5 milliards à celui de 2020 : compte tenu de l'inflation, cette hausse ne représentera en euros constants que 1 milliard de plus. C'est donc au budget 2020, et non à celui de 2030, qu'il manque 5 milliards !
La faiblesse financière du modèle français tient également à la diminution, depuis une trentaine d'années, des crédits de base au profit des crédits compétitifs, ce qui oblige les laboratoires à multiplier les appels à projets en vue d'assurer leur financement. Ajoutée à celle que nécessite leur fonctionnement, cette charge administrative leur fait perdre un temps de travail précieux : ce n'est ni stratégiquement pertinent, ni économiquement viable. Au contraire, les laboratoires chinois, américains et indiens jouissent du soutien total de leur gouvernement, d'où des financements à la hauteur des enjeux actuels et à venir.
Madame la ministre, il est essentiel que notre recherche ne soit plus perçue comme un coût pour la société, mais comme un investissement primordial pour l'avenir du pays. Étant donné l'impérieuse nécessité de restaurer la souveraineté de la France, quand réarmerez-vous la recherche en l'allégeant des contraintes administratives et en augmentant réellement son budget ?
Afin de mieux répondre à votre question, monsieur le député, je commencerai par reprendre ce que j'ai déjà dit. Le premier point que vous abordez est la simplification : nous y travaillons. La mission que j'ai confiée à Philippe Gillet, en particulier, inclut la demande de propositions fortes, concrètes, visant à simplifier la gestion des laboratoires mixtes. Encore une fois, nous sommes en train d'examiner toutes les possibilités de simplifier les tâches administratives, surtout pour les chercheurs ; du reste, si ce problème va croissant, il n'est pas forcément lié aux appels à projets.
S'agissant de ces derniers, les programmes d'investissements d'avenir initiés par le Gouvernement, notamment France 2030, prévoient par l'intermédiaire de l'ANR des projets bien plus longs qu'auparavant – de trois ans, leur durée passe à huit ou dix ans, ce qui accroît la visibilité en matière de financement et permet de n'avoir pas à répondre de façon répétée à des appels à projets. Par ailleurs, nous renforçons l'accompagnement dans le cadre des contrats d'objectifs, de moyens et de performance – 100 millions d'euros supplémentaires au niveau des établissements –, mais aussi l'accompagnement qui permet d'aller chercher des appels à projets et donc d'augmenter le taux de succès de ceux-ci, taux que la LPR prévoit de porter à 30 % – il est déjà passé de 15 % à 24 % – pour les appels à projets gérés par l'ANR.
Toujours grâce à la LPR, 100 millions d'euros ont été octroyés directement aux laboratoires, tandis que le doublement du préciput de l'ANR, qui atteindra 40 % en 2030, devrait assurer aux établissements un financement récurrent, une partie allant aux laboratoires eux-mêmes, l'autre servant à les aider dans leur gestion. Enfin, pour répondre à votre observation concernant l'inflation, nous ne manquerons pas de nous emparer de la clause de revoyure, ce qui nous permettra d'établir un bilan précis – que je vous présenterai – et de tenir compte du phénomène que vous venez de rappeler.
Ainsi qu'il est rappelé dans l'étude d'impact de la LPR, les grands défis de notre société ne pourront trouver de solution pérenne sans un réinvestissement massif dans la connaissance et la science, au service de nos concitoyens. Pourquoi parle-t-on français dans le quartier de Boston où sont regroupées les entreprises de biotechnologie ? Pourquoi Moderna a-t-il délaissé la France pour s'y installer ? Telles sont les questions qui doivent inspirer nos raisonnements et dont les réponses détermineront notre politique.
En France, de réels problèmes structurels persistent. La coopération entre recherches publique et privée est insuffisamment développée : elles suivent des chemins parallèles, voire se font concurrence, alors qu'un partenariat devrait s'imposer, que davantage de passerelles seraient nécessaires. Les pouvoirs publics encouragent la création de start-up, mais rien n'est fait pour les soutenir dans leur croissance, d'où une rupture entre l'élaboration de prototypes et la commercialisation ; ce défaut d'appui constitue un frein majeur à l'innovation. Le CIR, qui pourrait servir de levier à notre développement, ne parvient pas à juguler la perte d'attractivité de la France : compte tenu des contraintes administratives associées à ce dispositif fiscal, peu d'entreprises y recourent. Seule une réindustrialisation permettrait d'enrayer l'expatriation en masse de nos compatriotes diplômés ; or la crise sanitaire que nous venons de traverser a démontré, s'il en était besoin, l'intérêt de conserver notre recherche de pointe et notre indépendance industrielle.
Ma question, madame la ministre, sera donc la suivante : quelles modifications envisagez-vous d'apporter à la LPR afin de lutter efficacement contre cette fuite à l'étranger des entreprises, des entrepreneurs et des salariés les plus susceptibles d'innovation ? Comment comptez-vous leur donner envie de revenir s'implanter en France, historiquement terre de recherche ?
Je souscris à vos propos, monsieur le député, concernant la nécessité de toujours mieux faire et l'urgence d'agir face à la concurrence internationale, particulièrement marquée dans le domaine de la recherche. En revanche, il est faux que la situation n'ait pas évolué s'agissant de l'attractivité de la France, désormais manifeste : toutes les entreprises que j'ai rencontrées nous demandent de maintenir le CIR, qu'elles considèrent comme un facteur de stabilité, d'aide à la prévision.
Cela dit, que faire de mieux et que continuer à faire ? Il était tout à l'heure question de comparaisons avec la Chine et les États-Unis ; reste que la France porte haut la liberté académique qu'elle offre aux chercheurs et à laquelle ces derniers accordent une importance considérable. Bien entendu, cela ne suffit pas : cette liberté doit être accompagnée de moyens financiers. La recherche partenariale, que vous avez évoquée, a énormément progressé depuis dix ans : universités, écoles et autres organismes publics travaillent dorénavant avec les entreprises privées. Les clusters, les écosystèmes qui se sont constitués témoignent de l'attractivité de nos établissements à l'échelle internationale : il convient de la soutenir en accroissant les financements.
Vous évoquiez Boston : nous créons des bioclusters, des IHU où les procédures sont simplifiées, l'argent fléché, où les fonds consacrés à la santé et à la recherche dans le cadre de France 2030 servent un partenariat public-privé, la prématuration, la maturation, la création de start-up, l'accompagnement – autant de mots que nous ne prononcions pas il y a dix ans, autant d'actions qui à l'époque, dans les établissements français d'enseignement supérieur et de recherche, n'avaient pas rang de priorité. S'il en va autrement, c'est grâce à la politique que le Gouvernement a menée !
Les mots ont leur importance : compte tenu des enjeux liés à la recherche, il est difficile d'appliquer à celle-ci les notions d'attractivité et de compétitivité, empruntées au privé. Rappelons que la recherche constitue avant tout un service public ; la production et le partage du savoir scientifique, essentiels à l'émancipation des citoyens, cimentent la démocratie, tandis que les savoirs finalisés sont par exemple indispensables à la nécessaire transition écologique.
Concernant le manque d'attractivité de la recherche française, je souhaiterais avant tout nuancer le constat. Lors des concours, la pression est en réalité très forte : il y avait en 2019 plus de sept candidats par poste de maître de conférences, plus de vingt-deux par poste de chercheur au CNRS. Autre indice, la proportion de chercheurs étrangers est très importante et ne cesse de croître. En 2015, elle atteignait 15,6 % au sein des organismes de recherche, 10,5 % dans les établissements d'enseignement supérieur, contre seulement 5 % dans les entreprises privées ! Pour ces chercheurs, fortement précarisés dans leur pays d'origine, le statut de fonctionnaire demeure très attractif.
Le problème ne réside donc pas tant dans un supposé défaut d'attractivité que dans le manque de postes. Nombre de jeunes chercheurs, pour faire effectivement de la recherche, sont contraints de partir à l'étranger ; davantage encore, lassés par leurs échecs aux concours, abandonnent. Afin de mettre un terme à ce gâchis, il convient tout d'abord de recruter massivement – au moins 30 000 titulaires, d'après les calculs que nous avons faits en vue d'une proposition de loi émanant de la NUPES – et d'en finir avec la précarité, par exemple en titularisant tous les contractuels qui exercent des fonctions pérennes.
Par conséquent, ma question sera simple : très concrètement, que comptez-vous faire pour tous les précaires de la recherche ? En outre, il importe de rémunérer dignement les personnels qui ont vu leur salaire perdre de la valeur en raison du gel du point d'indice des fonctionnaires, ainsi que d'améliorer les conditions de travail, détériorées par l'avènement de la logique managériale. Que ferez-vous afin de redonner aux équipes des crédits récurrents ? Enfin, le manque de compétitivité incombe surtout à la recherche privée. Le CIR est passé de quelques centaines de millions à plus de 7 milliards d'euros, soit 40 % du budget de la recherche, alors que son efficacité reste contestée et que, parmi les bénéficiaires, certains licencient. Comment comptez-vous donc revoir l'aide aux entreprises ?
Avant toute chose, je voudrais vous remercier d'avoir rappelé le fort taux de pression aux concours, l'attractivité des postes de chercheur et d'enseignant-chercheur, assurant à nos laboratoires une recherche de qualité, dont nous pouvons être fiers. En ce qui concerne les postes, nous ferons le bilan, au regard de la LPR, de leur évolution, mais également des types existants – je pense aux chaires de professeur junior, dont vous n'avez pas parlé, d'autant que le sujet nous divise, et qui permettent d'ouvrir des postes en quelque sorte parallèles à ceux de maître de conférences ou de chercheur. Il est désormais établi qu'elles attirent des étrangers un peu matures, quoique pas encore professeurs, des chercheurs au profil très pluridisciplinaire, ou qui ne maîtrisaient pas le français et font beaucoup de recherche avant de s'intégrer dans nos établissements. En France, 11 % à 14 % des chercheurs viennent ou reviennent de l'étranger ; à ces postes, il y en a eu plus de 44 % lors des deux premières campagnes. Nous devons donc manifestement jouer sur la pluralité, la diversité des postes afin, je le répète, d'attirer à l'échelle internationale.
En ce qui concerne les « crédits récurrents », j'ignore ce que vous entendez par là. Compte tenu des évolutions économiques et géopolitiques, il faut donner aux chercheurs, aux laboratoires, une vision pluriannuelle de leur financement : c'est ce à quoi nous travaillons avec les contrats d'objectifs, de moyens et de performance, en accompagnant les établissements non vers des appels à projets à court terme, dont le taux d'échec est élevé, mais vers des appels à projets de longue durée, supposant des sommes importantes, dont le taux de réussite sera amélioré. Très concrètement, c'est à cela que nous œuvrons actuellement.
La formulation de la question qui nous occupe nous transporte au sein du conseil d'administration d'un grand groupe pharmaceutique : nous parlons comptabilité, rendement de la recherche, destinée à ce que les entreprises et laboratoires réalisent toujours plus de profits, attirent toujours davantage de capitaux. La rengaine trahit à chaque instant votre logique néolibérale. Posons donc la question autrement : jusqu'où nationaliser la recherche française ? Qui d'autre que l'État est en mesure de la planifier, de la prioriser ? Un an et demi après l'apparition de la covid-19, Sanofi, ayant reçu des centaines de millions d'euros d'aides publiques sans contrepartie, annonçait renoncer à développer son vaccin à ARN messager. Quelques mois plus tôt, l'institut Pasteur, à but non lucratif, avait déjà jeté l'éponge, faute de financement. Le Premier ministre Castex déclarait alors que « c'est l'abaissement des moyens depuis trente ans sur l'innovation dans la recherche en santé qui a abouti à ce qu'on ne fasse pas de vaccin français ».
De nombreuses innovations et de nombreux traitements ont pourtant été découverts et développés par nos établissements publics, après des heures de travail non quantifiables et au terme de longues carrières scientifiques passées à chercher inlassablement. À chercher quoi, à chercher où ? C'est bien le principe : le hasard joue un rôle majeur dans une part significative des grandes découvertes de la recherche. Nous ne sommes maîtres ni du temps nécessaire pour la recherche fondamentale ni, de ce fait, de la profitabilité financière de celle-ci, mais le savoir accumulé servira quoiqu'il arrive. La recherche française a été mise à mal. Lorsqu'une découverte est réalisée grâce à des financements publics, la production, la commercialisation et les profits sont privatisés par la création de start-up et le dépôt de brevets, souvent rachetés en bout de chaîne par des multinationales. Il faut changer le rapport de force en libérant la recherche des contraintes de rentabilité financière. Madame la ministre, comment comptez-vous faire en sorte – au vu notamment des enjeux écologiques majeurs – que la recherche redevienne d'intérêt public et non uniquement une source de profit privé ?
Je ne peux partager vos propos, madame la députée. La recherche académique menée aujourd'hui au sein de nos universités et organismes nationaux de recherche est publique. J'ai passé trente-cinq ans dans les services publics de recherche, auxquels nous tenons particulièrement. En effet, la recherche fondamentale publique détermine notre futur à long terme. Elle sera indispensable pour relever les défis écologiques, énergétiques, sanitaires et climatiques que vous avez cités. Néanmoins, les applications qui découlent de la recherche sont également nécessaires. Les chercheurs des établissements publics ont la responsabilité de proposer des solutions pour alimenter nos entreprises. Le monde de la recherche publique n'est pas un monde à part. Relevant du service public, il mène des recherches de long terme qui impliquent toute une chaîne d'acteurs. Mais ce monde académique a aussi la responsabilité de fournir des solutions au monde du privé.
Je ne suis pas d'accord avec vous, madame la députée, pour considérer que le fait de nouer des partenariats avec le privé, d'y insérer nos étudiants, de leur donner un métier et d'apporter des solutions à court terme aux enjeux que nous avons cités tend à une privatisation de la recherche. Je pense qu'un équilibre doit être trouvé et nous devons être vigilants, c'est vrai ; mais je répète qu'aujourd'hui, nous tenons particulièrement à la recherche académique publique pour la liberté qu'elle offre, gage d'une recherche d'excellence sur le long terme. Cela n'est pas contradictoire avec des partenariats privés ; ceux-ci sont au contraire essentiels pour notre jeunesse et pour l'avenir de notre pays – je dirais même pour celui de l'humanité.
Je suis Kevin. Je suis un jeune Réunionnais, né dans une famille modeste des hauteurs de Saint-Paul. J'ai suivi un parcours d'excellence afin de devenir ingénieur en aéronautique sur le territoire métropolitain mais, animé par une volonté de contribuer à l'émancipation des miens, je suis retourné à La Réunion pour devenir maître de conférences. J'aurais pu être un produit exemplaire de la réussite à la française, mais sur la route de l'égalité des chances et de la méritocratie, je me suis heurté au copinage et à la cooptation qui règnent au sein des jurys de sélection des universités. De ce fait, mon espoir de devenir maître de conférences à l'université de La Réunion est avorté.
Je suis Kevin, mais je ne suis pas un cas isolé puisque dans un article du 9 juin 2022, le journal Le Monde mettait déjà en lumière cette pratique de recrutement inacceptable : celle des « postes à moustache ». Derrière cette appellation un brin humoristique se cache une réalité bien moins drôle, celle des fiches de poste taillées sur mesure pour correspondre à des profils choisis d'avance, au détriment de l'égalité des chances. Le tribunal administratif de Lille a déjà annulé en 2020 le recrutement d'un professeur de Sciences Po Lille qui a bénéficié de cette pratique. Dans un territoire comme le mien, à La Réunion, où les laboratoires de recherche sont plus rares, la collusion est plus grande. De fait, nos chercheurs deviennent des chercheurs d'emploi et sont contraints à l'exil.
Madame la ministre, je vous sais attachée au principe d'égalité des chances. Pouvez-vous nous présenter le plan d'action de votre ministère pour que ce genre de situation ne se reproduise plus et pour assurer une équité de traitement entre les candidatures ? Je suis convaincu en effet que l'indépendance et le bon fonctionnement de nos laboratoires de recherche sont une ambition que vous poursuivez.
Je vous remercie pour votre question, monsieur le député. Nous nous attelons à ce sujet depuis vingt ans. Je tiens à dire que des progrès ont été réalisés et que la composition des comités de sélection a grandement évolué. Les établissements sont soumis à de nombreuses règles : depuis 2007, la moitié de leurs membres doivent venir de l'extérieur ; la constitution des comités de sélection relève désormais des conseils académiques. Malheureusement, l'exemple que vous avez cité montre que cela ne suffit pas, même si les chiffres attestent que des progrès ont heureusement été réalisés en ce qui concerne l'endorecrutement. Ce problème se pose moins aujourd'hui, même si je ne vous cache pas qu'il perdure sans doute et qu'il peut prendre des proportions plus importantes dans les établissements de plus petite taille, comme vous l'avez souligné. Nous devons continuer à agir sur ce sujet, en observant les bilans. Je me permets de dresser un parallèle avec le sujet de la parité : il faut demander de vrais bilans aux services des ressources humaines des universités. Dans le cadre du bilan de la LPR, nous analysons aussi l'indicateur d'endorecrutement et l'évolution de la constitution des comités de sélection, afin de combattre ce phénomène. La question que vous m'avez posée aujourd'hui me conduira sans doute à être plus vigilante à l'avenir.
Je ne suis plus Kevin, mais je suis toujours un député qui défend son territoire. La recherche doit être liée à son territoire d'implantation et aux réalités locales, pour répondre parfois à des besoins spécifiques. La Réunion possède bien des particularités qui se traduisent dans les politiques de recherche. Le caractère insulaire du territoire peut s'avérer contraignant, notamment en termes d'études et d'emploi. C'est pour cela qu'en matière de mobilité des étudiants et chercheurs, nous devons adopter une approche partenariale au sein du bassin océanique. Le développement d'un enseignement supérieur sur l'île est selon nous incontournable ; il doit permettre aux jeunes d'étudier, d'obtenir un diplôme et de travailler au pays, en levant les freins financiers qu'ils subissent. Rappelons que le taux de boursiers atteint 60 % à la Réunion. Nous devons continuer de développer notre université, nos laboratoires et nos savoirs.
Je veux illustrer l'importance de la prise en compte des spécificités locales dans la recherche concernant certaines maladies. L'île de La Réunion subit une explosion des maladies métaboliques comme le diabète de type 2, pour lequel elle détient un record, et s'avère un lieu d'émergence de maladies infectieuses. On y rencontre également des maladies endémiques, comme la leptospirose humaine. Sur le plan scientifique, les enquêtes de cohortes sont l'outil de référence pour observer l'incidence de phénomènes de santé et étudier leurs déterminants. Le CHU de La Réunion constitue actuellement une cohorte réunionnaise. La mise en place de ce projet ambitieux nécessite un soutien financier, afin que soient pérennisés – mon collègue l'évoquait tout à l'heure – les emplois des personnels de recherche dédiés ayant participé à la phase de recrutement des projets de cohortes existants. Madame la ministre, quel soutien le ministère apportera-t-il à la constitution de cette cohorte réunionnaise, qui répondra aux besoins de notre population ?
Nous connaissons, monsieur le député, les spécificités des territoires ultramarins, en l'occurrence de La Réunion. Sachez qu'elles sont au cœur de nos préoccupations. Vous avez évoqué les boursiers au début de votre intervention : je serai particulièrement attentive à ces spécificités territoriales s'agissant des étudiants, dans le cadre de la réforme des bourses, mais aussi s'agissant des sujets de recherche. Des études cliniques ad hoc peuvent être réalisées dans les territoires ultramarins sur des problèmes spécifiques qui s'y posent. Le problème des cohortes, c'est qu'elles doivent être suffisamment larges pour être représentatives et servir aux études statistiques. Selon le type de maladie ou de problématique, nous soutiendrons soit des cohortes générales regroupant des habitants de la métropole et un certain nombre d'habitants de La Réunion, par exemple, soit des cohortes spécifiques si la maladie l'est elle-même. Il existe des financements spécifiques pour les cohortes. Cependant, les sous-groupes ultramarins n'ayant pas toujours de représentativité statistique, je ne peux répondre à votre question précise : tout dépendra des maladies et des cas spécifiques qui seront étudiés.
Quoi qu'il en soit, sachez qu'avec l'université de La Réunion et les organismes nationaux de recherche qui y travaillent, le ministère continuera de porter une attention particulière à la spécificité ultramarine et veillera à ce que les cohortes soient cohérentes et significatives par rapport aux études menées. Nous savons gérer le sujet des cohortes et pourrons adapter les financements spécifiques dont elles font l'objet.
Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :
Débat sur le thème : « Superprofits réalisés par les concessionnaires d'autoroutes : état des lieux et perspectives ».
La séance est levée.
La séance est levée à dix-huit heures quarante.
Le directeur des comptes rendus
Serge Ezdra