La formulation de la question qui nous occupe nous transporte au sein du conseil d'administration d'un grand groupe pharmaceutique : nous parlons comptabilité, rendement de la recherche, destinée à ce que les entreprises et laboratoires réalisent toujours plus de profits, attirent toujours davantage de capitaux. La rengaine trahit à chaque instant votre logique néolibérale. Posons donc la question autrement : jusqu'où nationaliser la recherche française ? Qui d'autre que l'État est en mesure de la planifier, de la prioriser ? Un an et demi après l'apparition de la covid-19, Sanofi, ayant reçu des centaines de millions d'euros d'aides publiques sans contrepartie, annonçait renoncer à développer son vaccin à ARN messager. Quelques mois plus tôt, l'institut Pasteur, à but non lucratif, avait déjà jeté l'éponge, faute de financement. Le Premier ministre Castex déclarait alors que « c'est l'abaissement des moyens depuis trente ans sur l'innovation dans la recherche en santé qui a abouti à ce qu'on ne fasse pas de vaccin français ».
De nombreuses innovations et de nombreux traitements ont pourtant été découverts et développés par nos établissements publics, après des heures de travail non quantifiables et au terme de longues carrières scientifiques passées à chercher inlassablement. À chercher quoi, à chercher où ? C'est bien le principe : le hasard joue un rôle majeur dans une part significative des grandes découvertes de la recherche. Nous ne sommes maîtres ni du temps nécessaire pour la recherche fondamentale ni, de ce fait, de la profitabilité financière de celle-ci, mais le savoir accumulé servira quoiqu'il arrive. La recherche française a été mise à mal. Lorsqu'une découverte est réalisée grâce à des financements publics, la production, la commercialisation et les profits sont privatisés par la création de start-up et le dépôt de brevets, souvent rachetés en bout de chaîne par des multinationales. Il faut changer le rapport de force en libérant la recherche des contraintes de rentabilité financière. Madame la ministre, comment comptez-vous faire en sorte – au vu notamment des enjeux écologiques majeurs – que la recherche redevienne d'intérêt public et non uniquement une source de profit privé ?