France Insoumise (NUPES)
PCF & ultramarins (NUPES) PS et divers gauche (NUPES) EELV (NUPES)
Radicaux, centristes, régionalistes... LREM et proches (Majorité gouv.)
MoDem et indépendants (Majorité gouv.) Horizons (Majorité gouv.) LR et UDI
RN et patriotes
Non-Inscrits (divers gauche à droite sans groupe)
La séance est ouverte.
La séance est ouverte à vingt et une heures trente.
La parole est à M. Guillaume Kasbarian, président et rapporteur de la commission des affaires économiques.
Cécilia, en procédure avec ses locataires depuis six ans, a dû déménager dans une petite maison rurale : elle n'arrivait plus à faire face aux 75 000 euros d'impayés, 25 000 euros de charges et 7 000 euros d'honoraires d'avocat que lui coûte son appartement occupé en région parisienne. Mégane, dans la Somme, qui a hérité de la maison de sa mère décédée en février, est actuellement hébergée par des amis : sa maison est occupée par un locataire qui ne paye plus son loyer depuis quinze mois. Pierre et Maryse, à Marseille, ont dû vivre dans un camping-car pendant plus de deux ans : ils n'arrivaient plus à vivre décemment car leur locataire n'avait pas réglé de loyer depuis deux ans.
Nous avons tous déjà reçu dans nos permanences, en circonscription, des petits propriétaires qui ne roulent pas sur l'or. Ils ont parfois hérité de la maison familiale ; ils ont parfois acheté ce bien à la sueur de leur front ; ils se sont parfois endettés pour financer ce logement. Ils se retrouvent, du jour au lendemain, victimes de squat ou engagés dans des procédures kafkaïennes en raison d'impayés qui durent depuis des années. Je remercie vivement les nombreuses personnes qui ont fait l'effort de nous envoyer un témoignage écrit ; en quelques jours, nous en avons reçu près de deux cents. Je remercie également la dizaine de victimes qui ont fait l'effort de venir, parfois de loin et parfois en se levant à trois heures du matin, témoigner devant notre commission.
Ces situations sont insupportables. D'une part, elles plongent dans la précarité des citoyens qui travaillent dur et respectent les règles ; d'autre part, elles touchent un principe fondamental que certains ont parfois tendance à oublier, celui du respect du droit de propriété, droit inviolable et sacré inscrit à l'article 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen.
Face à ces situations intolérables qu'égrènent les actualités locales et qui suscitent l'indignation de nos concitoyens, nous avons déjà agi avec fermeté. Après sa création en 2007, la procédure accélérée d'expulsion des squatteurs n'avait plus été modifiée et fonctionnait mal. Nous avons donc repris le sujet dans la loi Asap – loi d'accélération et de simplification de l'action publique – en 2020, ce qui nous a permis de procéder, sur ce fondement, à 170 expulsions de squatteurs en 2021. Mais l'actualité nous a montré maintes et maintes fois qu'il fallait aller plus loin ou, en tout cas, aborder plus globalement le problème. C'est ce que permet la proposition de loi du groupe Renaissance que nous examinons ce soir.
La première partie du texte a été largement enrichie en commission par les apports de nos collègues des groupes Renaissance et Les Républicains. Deux nouveaux articles ont été créés : ils permettent, entre autres, de mieux caractériser le délit de squat et de protéger les propriétaires contre les dépenses d'entretien excessives nées des situations de squat. Deux autres articles rendent plus efficace la lutte contre les marchands de sommeil, en sanctionnant les faux propriétaires qui exploitent les personnes vulnérables, et celle contre le squat, en assurant une meilleure utilisation collective des immeubles vacants.
Au-delà des cas de squat, toute une zone grise n'est pas traitée par le biais des procédures existantes. Je pense au refus de payer, partiellement ou dans son intégralité, le loyer, qui peut grever pendant des mois ou des années la situation financière d'un petit bailleur dont le logement constitue un complément de retraite, ou encore au refus de quitter les lieux en fin de bail quand le bailleur souhaite les récupérer pour lui-même ou pour un membre de sa famille, refus qui le contraint à déménager ou à faire héberger ses enfants.
Certes, la plupart des locations se passent très bien ; pour elles, la proposition de loi n'aura aucun impact. Mais pour mieux protéger tous les autres locataires, nous devons agir contre les comportements abusifs de la part d'une minorité d'entre eux, qui doit être mieux sanctionnée. Ces comportements augmentent l'appréhension et les exigences des bailleurs, ou découragent certains d'entre eux de mettre en location leur bien. Si le marché locatif est engorgé par des demandes de tout ordre – de certificats, de garanties, de cautions, d'attestations, de justificatifs –, c'est qu'il n'y a pas assez de confiance entre les bailleurs et les locataires.
Si nous réussissons à rétablir cette confiance, il deviendra vite possible de diminuer les exigences des bailleurs. Ce qui sape cette confiance, c'est une minorité de locataires indélicats qui continuent d'occuper un logement, parfois malgré la décision d'un juge de rompre le bail et de procéder à l'expulsion. Qui en paie les conséquences ? L'immense majorité des locataires bons payeurs. Au-delà de leur coût humain immédiat, les lenteurs et le manque de réactivité des procédures tout au long du règlement des conflits dans les rapports locatifs entament la confiance qu'ont nos concitoyens dans la justice et dans nos institutions. C'est la raison pour laquelle la proposition de loi traite des relations entre le locataire et le bailleur.
Ces dernières années, nous avons porté une grande attention à la sécurisation des locataires : l'encadrement des loyers en zone tendue que nous avons créé en 2018, dans la loi Elan – loi portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique –, a été prorogé jusqu'en 2026 par la loi 3DS – loi relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale – en février dernier. Nous avons étendu Visale – visa pour le logement et l'emploi –, également lancé en 2018, pour permettre un cautionnement plus fiable des locataires. Il y a quelques mois encore, dans la loi portant mesures d'urgence pour le pouvoir d'achat, nous avons plafonné l'évolution à la hausse des loyers en dessous du niveau de l'inflation. Nous attendons par ailleurs des efforts importants des propriétaires en matière de mise à niveau énergétique du parc locatif : je rappelle que toutes les passoires thermiques seront concernées d'ici 2025 et 2028, c'est-à-dire, au bas mot, 1,5 million de logements dans le parc locatif privé.
La proposition de loi s'inscrit donc dans la recherche d'un équilibre entre la protection accordée aux locataires et les efforts supplémentaires demandés aux bailleurs. Dans un contexte tendu, il est important d'envoyer un signal aux bailleurs afin de ne pas désinciter à l'investissement. C'est d'autant plus vrai que les options s'offrant aux investisseurs sont simples à réaliser, à commencer par le parc des meublés de tourisme ou celui des résidences services. Voilà pourquoi il me semble impératif d'agir avec vigueur pour remédier à ces injustices. C'est le sens de la proposition de loi : nous ne supprimons aucune des étapes de la procédure du contentieux locatif ; nous proposons simplement des accélérations de procédure pour arriver plus vite à des décisions exécutoires, car nous pensons que les procès qui durent des années ne sont positifs pour personne.
En commission, de nombreux amendements ont renforcé le texte en favorisant l'accélération des procédures. Nous avons également amélioré la capacité du juge à apprécier la situation du locataire pour distinguer celui qui est de bonne foi de celui qui est de mauvaise foi. C'est un travail que, j'espère, nous pourrons poursuivre ensemble en séance.
Comme en commission, les amendements déposés pour la séance témoignent de positions idéologiques radicalement différentes. En lisant certains amendements des groupes La France insoumise-Nouvelle Union populaire, écologique et sociale et Écologiste – NUPES, j'ai l'impression que certains veulent défendre les squats, allonger les procédures ou, tout simplement, ne veulent pas parler des petits propriétaires en difficulté au simple motif qu'ils sont propriétaires.
Mais une grande majorité de nos collègues a déposé des amendements qui attestent la volonté du législateur de renforcer la protection du domicile, de sanctionner sévèrement le squat, d'accélérer les procédures et de faire tout ce qui est en notre pouvoir pour répondre à ces situations de détresse psychologique et sociale, quand bien même elles seraient minoritaires. Celles et ceux d'entre vous qui ont reçu un jour, dans leur permanence, un citoyen dont le domicile est squatté ou un propriétaire dont le bien est occupé par un locataire qui ne paie plus depuis des années savent que la situation actuelle ne peut plus durer. Nous avons le devoir d'agir. C'est ce qu'attendent les victimes. C'est ce qu'attendent les Français.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE et sur plusieurs bancs des groupes LR, Dem et HOR.
La parole est à M. le garde des sceauxgarde des sceaux, ministre de la justice.
Alors que se sont multipliés récemment les exemples médiatisés de petits propriétaires laissés dans l'incapacité de récupérer un logement, votre proposition de loi, monsieur le rapporteur, apporte une réponse indispensable à ces situations qui, à juste titre, choquent nos concitoyens. Je salue donc cette initiative qui s'est inscrite en synergie avec les travaux de la Chancellerie, notamment sur la redéfinition de la notion de domicile, afin de mieux réprimer les squats, qui ne sont plus tolérables. Je veux être très clair : il ne s'agit pas de favoriser de riches propriétaires, des rentiers qui exploiteraient les gens démunis, mais bien de faire respecter notre droit et de faire cesser l'affaissement de l'autorité de l'État, que toutes les affaires médiatisées ont gravement mise à mal.
Ces situations ont souvent mis en lumière de petits propriétaires qui, ayant économisé toute leur vie pour acquérir un bien, qu'ils ont loué, se retrouvent dans l'impossibilité de récupérer le fruit de leur travail et de leurs économies. Je pense en particulier à l'exemple d'une vieille dame vivant dans un Ehpad, qui s'est retrouvée dans l'incapacité de récupérer l'appartement, squatté, qu'elle souhaitait vendre pour payer les mensualités de son Ehpad et assurer ainsi sa fin de vie. Impossible de récupérer son bien, car l'appartement était occupé de façon illégale. Cette situation est intolérable et porte gravement atteinte à notre pacte social et républicain, lequel veut que les citoyens s'en remettent aux autorités pour faire respecter la loi. Il est inacceptable qu'une dame âgée angoisse à l'idée de ne plus pouvoir payer ses traites parce qu'elle ne peut pas récupérer un bien acquis à la sueur de son front.
Je le dis tout net : la lutte contre les squats est nécessaire. Dans cette lutte, force doit rester à la loi, laquelle doit d'abord protéger les gens honnêtes.
Je suis particulièrement sensible à ces situations individuelles qui concernent la vie quotidienne de femmes et d'hommes, une vie quotidienne que nous essayons, chacun à notre niveau, d'améliorer chaque jour. Non, le logement n'est pas un lieu ou un bien matériel comme les autres. C'est le lieu de l'intime, du repos, de la famille. Il convient de le protéger contre les atteintes qui peuvent y être portées.
J'ai examiné en détail la proposition de loi. Je salue votre travail, monsieur le président Kasbarian, ainsi que celui de la commission des affaires économiques. Avant de vous livrer mon avis sur chacune des dispositions qu'elle comporte, je voudrais faire quelques rappels généraux.
La protection du droit de propriété figure effectivement au nombre des droits de l'homme consacrés par les articles 2 et 17 de la Déclaration de 1789. Toutefois, ce n'est pas le droit de propriété que protège aujourd'hui le délit de l'article 226-4 du code pénal, mais le domicile, comme émanation du droit au respect de la vie privée, lequel est constitutionnellement et conventionnellement garanti. C'est l'objet du délit de violation de domicile. Depuis 2015, l'article 226-4 distingue expressément deux infractions, dont celle de maintien dans le domicile d'autrui, qui présente la particularité d'être une infraction continue et non une infraction instantanée, comme l'est l'introduction dans le domicile d'autrui. Cette particularité fait que les forces de l'ordre peuvent, tout au long de l'occupation, intervenir et interpeller les squatteurs, quel que soit le délai écoulé – quarante-huit heures ou plus – depuis leur introduction dans le domicile. Cette infraction est donc un outil juridique efficace et puissant pour faire cesser les situations de squats caractérisées. J'insiste sur ce fait car il est trop souvent cité, dans la presse, des cas de Français partis en vacances et qui ne peuvent pas récupérer leur domicile car plus de quarante-huit heures seraient passées.
Votre proposition de loi vise à augmenter les peines encourues pour la violation de domicile afin de les aligner sur celles encourues par le propriétaire qui, par exemple, rentre chez lui à l'aide de manœuvres dans le but de récupérer son bien. C'est le monde à l'envers !
Pis, des informations me sont remontées selon lesquelles le squatteur a parfois le cynisme d'afficher sur la fenêtre du domicile qu'il occupe les pénalités qui seraient encourues par le propriétaire. On marche sur la tête !
« C'est vrai ! » et applaudissements sur les bancs des groupes RE, LR, Dem et HOR.
Je suis donc – vous l'avez compris – tout à fait favorable à cet alignement dans l'échelle des peines, qui me semble en effet nécessaire et permettra de répondre à une situation que nous ne pouvons que qualifier de totalement injuste.
Je suis, en revanche – il fallait un bémol –, un peu plus réservé sur l'article 2 de la proposition de loi, qui vise à clarifier les notions utilisées dans l'infraction de violation de domicile en élargissant la notion de domicile à celle de domicile vide de meubles. Or un bien immobilier ne peut être considéré comme un domicile s'il ne comporte pas des éléments minimaux nécessaires à l'habitation. Un tel élargissement soulève donc des difficultés d'ordre constitutionnel car il porte atteinte au sens du délit de violation de domicile, qui vise à protéger, comme je l'ai rappelé, la vie privée et familiale et non le droit de propriété. En revanche, l'extension de la notion de domicile à la résidence secondaire ne pose pas de problème,…
…car le domicile est déjà interprété de cette manière par la jurisprudence. J'ai bon espoir que nos débats nous permettront d'avancer sur ce point.
Je veux également faire part de mes fortes réserves quant à l'article 1er A, issu des travaux de votre commission, qui prévoit la création d'un délit général d'occupation sans droit ni titre, de mauvaise foi, d'un immeuble d'habitation.
En premier lieu, il présente d'importantes fragilités constitutionnelles eu égard au principe de légalité des délits, qui impose de définir clairement le champ d'application de l'infraction. Or, vous me l'accorderez, la « mauvaise foi » ne fait l'objet d'aucune définition en droit pénal.
Oui, je vous le confirme, monsieur Maillard. Elle existe partout – sauf dans l'hémicycle, naturellement.
Sourires.
En deuxième lieu, le champ d'application de ce délit me paraît trop large, voire excessif : il aurait également pour effet d'incriminer les locataires défaillants qui ne font l'objet d'aucune mesure d'expulsion, y compris pendant la trêve hivernale et y compris si aucune procédure d'expulsion n'a été lancée à leur encontre.
Enfin, cet article procède à un renversement de la charge de la preuve et instaure, de ce fait, une présomption de culpabilité. Un tel dispositif présente un risque constitutionnel extrêmement important.
En complément des outils offerts par notre procédure pénale, nous disposons de deux voies pour expulser le squatteur du logement d'autrui : une voie civile et une voie administrative.
La voie civile permet de saisir le juge des référés. Celui-ci, lorsqu'il constate l'existence d'un trouble manifestement illicite, c'est-à-dire l'occupation du bien, peut ordonner les mesures conservatoires qui s'imposent, dont l'expulsion. Selon les données statistiques de 2021, le délai moyen de traitement d'une demande d'expulsion d'un squatteur devant le juge judiciaire est de cinq mois.
Nous disposons également, depuis la loi du 5 mars 2007 instituant le droit au logement opposable et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale, dite loi Dalo, d'une procédure administrative d'exécution forcée. L'article 38 de cette loi permet aux préfets, lorsqu'une plainte a été déposée pour violation de domicile, d'ordonner l'expulsion des squatteurs sans attendre qu'une décision judiciaire soit rendue.
À la suite de l'entrée en vigueur de la loi Asap, qui est venue compléter la loi Dalo, nous avons pris l'initiative, avec mes collègues des ministères de l'intérieur et du logement, d'adresser, le 22 janvier 2021, une instruction aux préfets pour détailler la mise en œuvre de cette procédure et leur enjoindre d'assurer la rapidité de son exécution. Plus que jamais, l'exécutif est donc mobilisé pour lutter contre les squats.
La présente proposition de loi tend à renforcer la procédure administrative afin de faciliter l'expulsion des occupants sans droit ni titre. Il me semble toutefois nécessaire de veiller à ce que ces nouveaux dispositifs ne puissent pas avoir de conséquences sur les locataires de bonne foi qui peuvent se trouver dans une situation économique délicate et qu'il est indispensable de ne pas pointer du doigt dans un contexte économique incertain. Il faut garder à l'esprit que notre droit civil permet d'aménager les droits des locataires qui ne paient plus leurs loyers, en permettant au juge, après la délivrance d'un commandement de quitter les lieux, d'octroyer de façon exceptionnelle des délais supplémentaires afin de permettre à des familles en situation de précarité de se reloger dans des conditions dignes. Le droit civil fait également obstacle aux expulsions durant la trêve hivernale. C'est là un acquis non négligeable – j'insiste sur ce point – car la loi veille ainsi à répondre à des situations individuelles qui peuvent se révéler dramatiques. Il n'apparaît pas souhaitable que la légitime lutte contre les squatteurs conduise à modifier ces équilibres. Votre proposition de loi prévoit la réduction de certains délais de procédure, afin d'accélérer le traitement de ces affaires. Cela ne bouleverse pas l'équilibre des droits en présence ; j'y suis donc tout à fait favorable. Cette recherche d'équilibre se retrouve également dans les textes actuels, entre le dispositif pénal qui réprime la violation de domicile et l'article 38 de la loi Dalo.
S'agissant des propriétaires, il est important de sécuriser leur situation face à des occupations illicites de leur bien et donc de les décharger, dans certaines circonstances, de leur responsabilité. C'est l'objet de l'article 2 bis de la proposition de loi.
Il me semble indispensable de trouver un équilibre entre la défense de la propriété immobilière, qui concerne aussi les petits propriétaires, et le droit au logement, dans le respect de nos principes constitutionnels. C'est tout le sens des débats que nous allons avoir et qui sont, je le crois, absolument nécessaires.
Avant de laisser la parole à mon ami et collègue Olivier Klein, qui nous éclairera sur le volet logement du texte, je tiens à saluer l'esprit de coconstruction qui a présidé à la conception de cette proposition. Je veux ainsi remercier le président Kasbarian, les groupes de l'opposition – je pense aux groupes Les Républicains et LIOT –,…
… et ceux de la majorité bien entendu, qui ont participé à l'amélioration de ce texte – je pense en particulier à Paul Midy, mais également à Philippe Pradal et aux députés du groupe Démocrate.
Dans la lutte contre les squats, ce texte est une nouvelle étape intéressante. Faisons en sorte, tous ensemble – cela nous est arrivé il y a quelques jours, et même il y a quelques heures –, qu'il apporte des solutions efficaces, concrètes et respectueuses de nos grands principes constitutionnels.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem, HOR et LIOT.
La parole est à M. le ministre délégué chargé de la ville et du logement.
Le texte que nous examinons a trait à des situations humaines souvent complexes.
Dans sa première partie, il traite du cas inacceptable des squats – et je connais votre attachement, monsieur le rapporteur, à résoudre de tels cas, comme l'a rappelé le garde des sceaux. Je salue, à cet égard, l'adoption en commission d'un amendement du groupe Renaissance qui vise à sanctionner pénalement les marchands de sommeil, qui, indûment, organisent des squats en faisant croire qu'ils sont propriétaires des logements, et ce en toute illégalité et au détriment des plus faibles.
C'est inacceptable, et le Gouvernement est pleinement mobilisé contre ce phénomène. Son action en la matière s'inscrit dans le cadre de la lutte contre l'habitat indigne, dont les procédures ont été renforcées et simplifiées par la loi Elan, adoptée sous la précédente législature.
Toutefois, il nous faut aussi chercher les moyens de mobiliser les locaux vacants qui peuvent offrir légalement un toit à ceux qui en ont besoin. La proposition de loi vise ainsi à prolonger le dispositif expérimental qui permet à un propriétaire de confier, pendant une durée donnée, un local vacant à une association afin qu'elle y accueille et y héberge celles et ceux qui en ont besoin.
Je sais que notre discussion nous permettra d'évoquer la pérennisation de ce dispositif social.
La proposition de loi prévoit, par ailleurs, un durcissement du droit existant à l'encontre des locataires mauvais payeurs. Je tiens à être clair sur ce point : l'assimilation d'un locataire mauvais payeur à un squatteur n'a pas lieu d'être. Il s'agit de situations très différentes.
J'ai conscience que, dans le cas des impayés de loyers, nous avons affaire à des situations humaines toujours très complexes. L'examen de ce texte doit donc s'inscrire dans la recherche d'un équilibre, car l'enjeu est double : il nous faut, d'un côté, sécuriser les bailleurs – le parc locatif étant essentiel dans le parcours résidentiel –, de l'autre, accompagner les locataires en difficulté grâce à des outils adaptés.
Notre politique, c'est la prévention des expulsions.
De nombreux dispositifs sont développés pour accompagner les locataires en difficulté et éviter d'en arriver à l'expulsion. En amont des procédures, des outils sont déployés dans le cadre du plan interministériel de prévention des expulsions. Ainsi, des équipes mobiles de soixante-dix juristes et travailleurs sociaux, financées par l'État, rencontrent les locataires en difficulté dans de nombreux départements, et le Fonds de solidarité pour le logement (FSL), géré par les conseils départementaux et financé en partie par l'État, accompagne les locataires.
Ce soutien est particulièrement nécessaire dans la période actuelle, où les charges augmentent, malgré les boucliers tarifaires, la limitation de la hausse des loyers et l'accompagnement proposé par l'État notamment sous la forme du chèque énergie. Notre objectif est évidemment que la hausse des charges n'entraîne aucune expulsion locative. Je veux d'ailleurs rappeler que j'ai demandé aux caisses d'allocations familiales (CAF) de continuer à verser les aides personnelles au logement (APL) à tous les locataires de bonne foi qui se trouvent dans une situation de loyers impayés.
Quant aux propriétaires bailleurs, ils peuvent être indemnisés lorsque l'État ne leur accorde pas le concours de la force publique.
Ces outils reflètent l'équilibre que nous cherchons. Et nos efforts paient ! J'ai présidé, le 3 novembre, une réunion de l'Observatoire national des impayés locatifs : aucune hausse significative de ces impayés n'a été relevée – mais notre vigilance doit rester constante. Le nombre d'expulsions locatives n'a pas, lui non plus, explosé, malgré les craintes alimentées par la crise du covid.
Eu égard à ces résultats, je crois important de poursuivre les efforts pour prévenir les expulsions locatives. Il faut accorder du temps au travail social, il faut laisser au juge le pouvoir d'analyser chaque situation, d'être au plus proche des réalités difficiles d'une expulsion, qui est toujours un échec.
Ce sera une préoccupation constante dans l'examen de cette proposition de loi, notamment de son article 5.
Le texte s'inscrit dans cette logique d'équilibre. Je tiens à rappeler que nous disposons déjà d'un arsenal juridique et de procédures qui visent à la préserver ; cette proposition de loi tend à aller plus loin, démarche que le Gouvernement partage à certaines conditions. Comme je l'ai dit, il faut poursuivre le travail de prévention. Le troisième plan interministériel de prévention des expulsions, en cours jusqu'à la fin de l'année 2023, traduit la mobilisation du Gouvernement. Je le répète : l'équilibre est essentiel. L'équilibre apaise le marché, évite des cautions toujours plus importantes et des assurances toujours plus chères, mais il ne doit pas se faire en ignorant la situation humaine des locataires, les ruptures, les heurts. Je sais que ce message est entendu, je crois qu'il est partagé, et j'ai confiance dans les débats qui auront lieu dans les prochaines heures pour atteindre cet équilibre. Dans ces conditions, le Gouvernement donnera un avis favorable à cette proposition de loi.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR.
J'ai reçu de Mme Mathilde Panot et des membres du groupe La France insoumise-Nouvelle Union populaire, écologique et sociale une motion de rejet préalable déposée en application de l'article 91, alinéa 5, du règlement.
« Nous n'accepterons pas que l'on considère comme des coupables ceux qui, dans la nécessité d'éviter la maladie et peut-être la mort […], occupent des logements vacants. »
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES. – Murmures sur les bancs du groupe RE.
Ces mots ne sont pas de nous, mais d'un ancien député : Henri Grouès, plus connu sous le nom de l'abbé Pierre. Il les prononça en décembre 1994, rue du Dragon, à Paris, alors qu'il venait soutenir des militants du droit au logement et des familles qui avaient réquisitionné un bâtiment vide appartenant à la Cogedim. L'abbé Pierre affirmait que leur action était juste et que, quand les institutions ne font rien, on n'a d'autre choix que de s'abriter où l'on peut.
En apparentant le fait d'occuper tout type de logement vacant à un vol passible de trois à quinze ans de prison ferme, vous glissez, monsieur le rapporteur, sur une pente dangereuse. Votre texte, contrairement à ce que vous avancez, ne vise pas la protection des petits propriétaires, mais bien la criminalisation de tous les mal-logés.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
Si une telle proposition de loi avait été adoptée jadis, l'abbé Pierre aurait été emprisonné.
Pourtant, nous aurions espéré que dans un pays qui compte 4,1 millions de personnes mal logées, 300 000 sans-abri dont 42 000 enfants, vous nous proposeriez enfin une loi à la hauteur des enjeux du mal-logement. Au lieu de quoi, votre priorité est de répondre à la « médiatisation constante » – je reprends les termes de l'exposé des motifs – d'un épiphénomène. Les affaires de squat ne concernent que 0,005 % des logements recensés dans le pays.
Elles concernent 170 affaires par an, autant que le nombre de députés Renaissance, et cent fois moins que celui des expulsions locatives. Mme Wargon elle-même, ancienne du ministre du logement, a signifié que c'était un problème mineur qui ne méritait pas d'instrumentalisation politique.
Mme Cosse, ancienne ministre du logement, dit de votre proposition de loi qu'elle revient sur des années de travail sur la prévention des expulsions. Vous devriez leur prêter une oreille plus attentive qu'aux éditoriaux de CNews.
M. Damien Maudet applaudit.
Il est évident pour tout le monde ici qu'il est inacceptable de rentrer un jour chez soi et de découvrir que des gens s'y sont installés. C'est tellement inacceptable que nos anciens ont déjà légiféré sur le sujet, comme cela a été dit : la loi sanctionne l'occupation du domicile d'autrui d'un an de prison et de 15 000 euros d'amende. La loi actuelle prévoit l'expulsion sans délai des personnes occupant le domicile, qu'il s'agisse d'une résidence secondaire ou principale. La notion de domicile est ainsi protégée nettement, et ce n'est pas ce type de squat que vise votre proposition de loi. Elle vise plutôt toutes les autres personnes qui sont juridiquement sans droit ni titre et victimes du mal-logement.
Qui protégez-vous réellement ?
Contrairement à ce que vous prétendez, vous ne protégez pas les petits retraités qui sont propriétaires bailleurs, sinon vous nous auriez proposé la garantie universelle des loyers ou l'augmentation des pensions de retraite.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes LFI – NUPES et GDR – NUPES.
En réalité, vous protégez les intérêts des multipropriétaires qui détiennent à eux seuls plus de 75 % du parc locatif. En effet, votre proposition de loi dissocie le domicile de la notion de lieu de vie. Un gros propriétaire pourra prétendre qu'un logement vide non meublé ou encore des immeubles de bureaux vacants laissés à l'abandon sont son domicile. Bienvenue en absurdistan !
Vous introduisez une définition du domicile dangereuse qui casse les cadres juridiques admis et qui pose aussi une question globale concernant le rapport au logement. Vous devriez à ce sujet lire Chez soi, livre dans lequel Mona Chollet revient sur ce qu'est un domicile : c'est un lieu où on vit, seul ou accompagné, où on bâtit une famille, où se font les premiers pas des enfants, où on se retrouve autour d'un repas, où on se réfugie quand ça ne va pas.
Être chez soi, ce n'est pas posséder un logement laissé vide, sans meubles, sans âme, avec pour seule fonction de servir de bien de spéculation.
C'est un lieu où se jouent aussi les rapports de domination entre les hommes et les femmes, qu'il convient de combattre pour viser une égalité entre les sexes.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
Le logement est souvent à la charge de la femme, assignée aux tâches domestiques par les stigmates patriarcaux qui perdurent dans notre société. Beaucoup d'associations de mal-logés vous le diront : quand un problème de logement survient, c'est sur la femme que repose le poids des problèmes. S'en prendre aux personnes qui rencontrent des difficultés pour se loger, c'est s'en prendre majoritairement à des femmes.
Voici quelques exemples concrets, recueillis dans nos permanences, de personnes qui, aux termes de cette proposition de loi, seraient considérées comme des squatteurs et même des voleurs.
Guillaume est étudiant en droit.
Il est arrivé dans une grande ville qu'il ne connaît pas. Il a trouvé un logement, une sous-location.
Exclamations sur les bancs du groupe RE.
Un jour, la personne qui lui sous-loue le logement lui dit que le propriétaire doit récupérer son bien d'ici un mois : il lui signifie son congé pour vente. Guillaume fait une demande de HLM, cherche un logement, mais du fait du montant des loyers, de la caution, des feuilles de salaire sur trois générations qu'on lui demande, Guillaume n'y arrive pas : il stresse tous les matins à l'idée de se retrouver à la rue…
…mais ne peut faire autrement. Selon vous, Guillaume est-il un squatteur ?
Aurore a 71 ans, elle est retraitée mais ne s'en sort pas avec ses 900 euros par mois et un loyer qui augmente chaque année.
Exclamations prolongées sur les bancs du groupe RE.
Après des impayés pendant plusieurs mois, le propriétaire entame la procédure d'expulsion ; elle est reconnue comme expulsable. Aurore est-elle une voleuse ?
Élisabeth et son fils Bruno louent de manière informelle un logement à un marchand de sommeil qui les arnaque ; ils sont prioritaires au titre du droit au logement opposable (Dalo) mais attendent toujours. Sont-ils pour autant des squatteurs ?
Mes chers collègues, je vous invite à écouter l'orateur. Si vous souhaitez avoir des échanges de manière bilatérale, poursuivez la discussion hors de l'hémicycle.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR et sur quelques bancs du groupe RN.
Chaque député du groupe Renaissance peut venir me voir ensuite au lieu de m'invectiver à la tribune.
Je continue de vous donner des exemples. Emmanuel est licencié de son travail, il doit quitter son logement de fonction mais il ne sait pas où traverser la rue pour trouver un abri.
Emmanuel est-il un voleur ?
Voilà où mèneront vos dispositions absurdes.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
Je prends un dernier exemple. Le 5 novembre 2018, à Marseille, dans le quartier Noailles, les bâtiments du 63 et 65, rue d'Aubagne, se sont effondrés. Julien, Taher, Chérif, Fabien, Simona, Niassé, Ouloume, Marie-Emmanuelle : huit personnes sont mortes du mal-logement. Après la catastrophe, le Haut Comité pour le logement des personnes défavorisées rend public un rapport intitulé « Marseille : de la crise du logement à une crise humanitaire ». Il constate que « les effondrements rue d'Aubagne ne relèvent pas de faits divers accidentels » mais résultent d'une suite de dysfonctionnements des acteurs publics, mairie et État en tête. Des élus Les Républicains sont épinglés pour la location ou la vente de logements insalubres, car au 65, rue d'Aubagne, des personnes étaient victimes de marchands de sommeil.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
L'adoption de votre proposition de loi aurait amené à considérer ces personnes comme des squatteurs et des voleurs, et nous assisterions à une situation indigne où des propriétaires voyous auraient pu se retourner contre leurs victimes pour leur imputer la dégradation de leur immeuble.
Il y a un an, 1 500 personnes évacuées après le drame de Noailles vivaient toujours dans des logements temporaires, parfois précaires, dont ils sont souvent occupants sans droit ni titre. Dites-nous, monsieur le rapporteur : sont-ils pour vous des squatteurs et des voleurs ?
En réalité, votre proposition de loi vise essentiellement à protéger les multipropriétaires qui spéculent sur le logement.
Je vais vous raconter une histoire advenue dans ma ville de Toulouse. Si vous êtes déjà venus dans la ville rose, vous connaissez sans doute la place Saint-Pierre et ses bars traditionnels. À quelques pas de là, face à la Garonne, il y a un bâtiment de 4 500 mètres carrés qui s'appelle Quai Saint-Pierre. Il appartient désormais à la société Cogedim qui présente ainsi son projet immobilier sur son site : « Votre résidence services seniors Cogedim Club allie adresse prestigieuse […] et services haut de gamme. […] Un emplacement incomparable conjuguant sécurité, rentabilité et optimisation fiscale. » Il faut que je vous raconte comment cet immeuble qui est vide depuis dix ans est arrivé entre les mains de la Cogedim. Il a appartenu à la métropole de Toulouse, qui l'a cédé en 2014 à un promoteur immobilier pour 4,75 millions d'euros. Six ans plus tard, le bâtiment est toujours vide et ce promoteur le vend à la Cogedim pour plus de 11 millions. En six ans, il a donc fait un bénéfice de 6 millions sur un bâtiment qu'il a volontairement laissé vacant pour spéculer.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
La semaine dernière, nous avons appris, grâce à la police judiciaire – que je salue – que ce promoteur était placé en garde à vue avec d'autres magnats de l'immobilier dans une affaire d'escroquerie dont un des leviers était la spéculation locative.
Le rapport, c'est que c'est ce genre d'individus que votre proposition de loi protégera.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Ces individus spéculent sur les logements vides, sur les loyers, sur le dos de nos anciens, des locataires, des personnes qui sont en situation de fragilité face au logement, dans un pays qui compte 3,1 millions de logements vacants.
En vingt ans, ce chiffre a augmenté de 55 %.
Il n'y a guère que les superprofits du CAC40 qui augmentent aussi vite, et il existe une corrélation entre les deux. En 2016, Leilani Farha, la rapporteure spéciale de l'ONU sur le droit au logement convenable, décrivait comment de grosses sociétés immobilières captaient des immeubles de logements et de bureaux qu'ils laissaient vacants exprès pour spéculer.
Quelles mesures prenez-vous dans cette proposition de loi pour lutter contre de telles pratiques ? Aidez-vous les petits propriétaires bailleurs pour rénover leur logement et le remettre en location ? Taxez-vous les multipropriétaires qui laissent sciemment des logements vides ? Comptez-vous utiliser la loi qui permet leur réquisition ? Rien de tout cela.
Pourtant la loi de réquisition fait pleinement partie de notre histoire républicaine. Créée après la guerre par le général de Gaulle, elle a été utilisée pour accueillir les pieds-noirs venus d'Algérie, et par des gouvernements de gauche comme de droite, mais vous n'en parlez jamais. Je me permets de vous glisser ces paroles du rappeur Nekfeu qui vous y feront peut-être penser : « Dehors c'est froid, il n'y a plus d'humanité. Un homme est mort inanimé devant un immeuble inhabité. » Toutes les cinq heures, dans notre pays, une personne meurt dans la rue. Pourtant, pour un sans-abri, dix logements sont vides.
Votre loi prétend lutter contre les squatteurs mais, on l'a vu, cette dénomination reflète diverses réalités que vous n'avez même pas pris la peine d'étudier. Vous auriez pourtant pu auditionner des victimes de marchands de sommeil, des locataires en difficulté, des locataires victimes d'escrocs, des personnes qui se sont réfugiées par nécessité dans un logement vide. Vous n'avez rien fait de tout cela ; vous avez choisi les lobbys de l'immobilier et de la spéculation.
À l'heure où les locataires voient les charges d'énergie augmenter, vous vous apprêtez à ajouter une pression dangereuse sur les 4 millions de mal-logés de notre pays. C'est là le grand paradoxe : vous créez avec cette loi les conditions pour que davantage de personnes se retrouvent à la rue – c'est un responsable du Secours catholique qui l'affirme – et soient tentées d'entrer dans un des 3 millions de logements vides de notre pays. Les squats, c'est votre inaction politique en matière de logement qui en est le terreau.
C'est le manque de moyens pour les travailleurs sociaux du 115, le manque de places d'hébergement d'urgence, le peu de logements sociaux construits alors que la demande ne cesse d'augmenter, la coupe des APL. Votre loi va y ajouter l'affaiblissement considérable des dispositifs de prévention des expulsions. Elle constitue une attaque sans précédent…
…à l'encontre des droits et de la protection des locataires. On sait que le mal-logement a un coût humain important, car il met en question l'accès à l'emploi, à la santé, à la scolarité. Tout cela va peser humainement et économiquement sur l'ensemble de la société.
Monsieur le ministre délégué chargé de la ville et du logement, il est certain que nous avons des désaccords, mais je sais que votre parcours vous rend sensible à la question du mal-logement, et que vous voulez continuer à avancer sur le chemin du plan pour le logement d'abord, car vous savez que c'est nécessaire et que les mesures sont encore insuffisantes. Or – la Fondation Abbé-Pierre le dit – les mesures de la proposition de loi vont totalement à l'inverse de ses intentions. J'ai cru comprendre par voie de presse que vous partagiez notre avis, monsieur le ministre délégué, alors gagnons du temps : demandons au rapporteur de retirer sa proposition de loi, dont nous savons tous deux qu'elle est dangereuse pour des millions de nos concitoyens ,
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LFI – NUPES et Écolo – NUPES
pour les personnes qui rencontrent des difficultés de logement comme pour les petits artisans, commerçants et entreprises qui occupent des locaux sans droit ni titre – car c'est aussi cela, la réalité.
Pour améliorer les rapports locatifs, il existe une autre voie : sécuriser le locataire autant que le bailleur, revoir les loyers à la baisse et les encadrer, revaloriser les APL, créer une sécurité sociale du logement. Ces dispositions, comme d'autres, pourraient figurer dans une grande loi relative au logement : avec nos collègues de la NUPES, nous sommes prêts à vous soumettre de nombreuses propositions.
Dans notre pays, la crise du logement n'a jamais été aussi importante depuis des décennies. Je terminerai donc comme j'ai commencé, avec les mots de l'abbé Pierre – en espérant qu'ils résonneront en vous autant qu'ils résonnent en nous : « Gouverner, c'est d'abord loger son peuple. »
Mmes et MM. les députés du groupe LFI – NUPES se lèvent et applaudissent. – Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et Écolo – NUPES.
Sur la motion de rejet préalable, je suis saisie par le groupe La France insoumise-Nouvelle Union populaire, écologique et sociale d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. le rapporteur.
Monsieur Piquemal, vous avez parlé d'un épiphénomène : heureusement que c'en est un ! Heureusement que des maisons et appartements de France ne sont pas squattés chaque minute ! Heureusement que tous les rapports locatifs ne se résument pas à des impayés ! Heureusement qu'il s'agit de cas minoritaires – sinon il n'y aurait d'ailleurs plus de marché locatif, car si la probabilité de ne pas toucher son loyer était très importante, plus personne n'oserait mettre un bien immobilier en location.
Si ces situations sont minoritaires, peut-on pour autant ne rien faire et s'en accommoder ?
Peut-on laisser des dizaines de personnes dans une situation déplorable, parce que leur bien est squatté ou qu'un occupant y reste pendant des années sans jamais payer ?
Vous m'avez reproché de ne pas avoir auditionné de squatteurs lors des travaux préparatoires à l'examen du texte. Je le confirme : je n'auditionne pas de délinquants, je ne leur demande pas pourquoi ils squattent !
Applaudissements sur les bancs du groupe RE.
Car aujourd'hui, même si vous refusez de le reconnaître, le squat est bel et bien un délit – et pas uniquement dans ma proposition de loi.
Vous avez raconté l'histoire de plusieurs personnes ; je tiens à votre disposition les dizaines de témoignages que nous avons reçus de Cléa, Jean-Loup, Bernadette, Amélie, Robert, Madeleine, Patricia, Doriane, Hippolyte, Tiffany, Jean-Philippe, Anne, Hervé, qui tous nous ont écrit pour témoigner de leurs difficultés.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE et sur quelques bancs du groupe Dem.
Discutons de ce sujet, monsieur Piquemal, et, par conséquent, rejetons la motion de rejet préalable !
« Bravo ! » et applaudissements sur les bancs du groupe RE.
Une fois encore, vous êtes dans l'idéologie la plus dogmatique qui soit !
Exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Je ne prendrai qu'un exemple pour vous le prouver : vous avez déploré pendant cinq minutes l'existence de marchands de sommeil, que l'article 1er bis tend justement à pénaliser. Vous n'avez pas lu le texte !
Applaudissements sur les bancs du groupe RE et sur quelques bancs du groupe Dem.
Grandeur d'âme, références à l'abbé Pierre… J'aimerais bien voir comment vous réagiriez si quelqu'un investissait votre domicile !
Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem.
Si vous réalisiez en tentant de rentrer chez vous que votre clé ne fonctionne plus : là, on vous entendrait !
Exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Cela ne vaut pas pour les logements sociaux, madame Simonnet, mais cela vaut pour tout le reste ! Je suis évidemment défavorable à l'adoption de la motion de rejet.
Nous en venons aux explications de vote. La parole est à Mme Sabrina Sebaihi.
« La première bataille, c'est de loger tout le monde dignement. Je ne veux plus, d'ici la fin de l'année, avoir des femmes et des hommes dans les rues, dans les bois ou perdus. C'est une question de dignité, c'est une question d'humanité et d'efficacité […]. » Je suis obligée de commencer mon propos avec cette citation d'Emmanuel Macron, tant la proposition de loi que nous examinons aujourd'hui va dans le mauvais sens.
Ignorez-vous les chiffres de la rue ? Ignorez-vous l'importance de la hausse des loyers dans les communes où leur encadrement est inexistant ? Les squatteurs ne viennent pas de nulle part : c'est la raréfaction du logement qui crée le squat.
Or, face à cette situation, vous proposez tout simplement de réinventer la prison pour dettes, pourtant abolie en France depuis 1867.
Chers collègues de la majorité, j'ai lu avec attention votre rapport : vous soulignez dans un passage que le nombre de textes déposés au Parlement au cours des années passées témoigne de l'intérêt pour ce sujet – l'intérêt de la droite et de l'extrême droite !
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Comme vous, ils détestent les pauvres et font de la récupération politique sur ce thème.
Je voudrais rappeler quelques chiffres que vous avez manifestement occultés au moment de rédiger votre texte : vous aimez marauder avec eux, mais savez-vous seulement que le 115 refuse chaque soir un hébergement à plus de 6 000 personnes, dont 1 700 enfants ?
Il est un autre chiffre sur lequel aucun d'entre vous ne devrait fermer les yeux : celui des morts à la rue. En 2021, la rue a tué 623 personnes.
Et vous souhaiteriez envoyer les personnes qui sont à la rue en prison, plutôt que de les laisser se loger ?
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES et Écolo – NUPES.
Si vous allez jusqu'à supprimer la possibilité de rééchelonner leurs dettes, comment voulez-vous que les Français les plus démunis s'en sortent ?
Alors que 3,1 millions de logements sont vacants, votre proposition passe totalement à côté du seul sujet qui devrait nous préoccuper : offrir de l'humanité, plutôt que de mener une politique de faits divers ! Je vous appelle donc à rejeter massivement le texte.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES. – Mme Sandra Regol applaudit également.
…parce que la proposition de loi nous semble aller dans une très mauvaise direction.
Comme vous tous, je reçois dans ma permanence des propriétaires dont le bien est squatté ou qui subissent des impayés durables, mais également beaucoup de locataires en grande difficulté. Tout le monde s'accorde pour reconnaître que l'inflation actuelle a fait exploser les quittances de loyer, en raison de l'augmentation des loyers mais aussi des charges, qui permettent notamment de couvrir des factures d'énergie elles-mêmes en forte hausse. Des millions de nos concitoyens vont donc rencontrer de grosses difficultés pour payer leur loyer, et nous le savons tous.
Protestations sur les bancs du groupe RE.
La seule question qui vaille est donc la suivante : dans notre pays, est-on capable de trouver un chemin pour protéger à la fois les propriétaires et les locataires ou les personnes mal logées ?
Vous n'utilisez pas le bon véhicule législatif. Les violations de domicile sont des situations gravissimes et scandaleuses, mais exceptionnelles, et l'arsenal juridique permettant d'y mettre fin existe.
Votre proposition de loi, qualifiée de « proposition de loi antisquat », ne tend en réalité qu'à durcir la législation pour accélérer l'expulsion de locataires qui rencontrent des difficultés pour payer leur loyer, et non pas à lutter contre les squats. Le texte est déséquilibré : il protège les propriétaires – pas les petits propriétaires, comme vous le dites, mais surtout les multipropriétaires, qui ont fait de l'immobilier et de l'augmentation des loyers une rente – au détriment des intérêts des locataires et des personnes en difficulté pour se loger.
Applaudissements sur les bancs des groupes GDR – NUPES, LFI – NUPES et Écolo – NUPES.
Cette motion de rejet est surprenante, et prouve que la France insoumise ne manque pas d'aplomb : alors qu'il y a tout juste deux heures, ses membres nous expliquaient, la main sur le cœur, que le recours du Gouvernement au 49.3 nous empêchait de débattre des textes, les voilà qui proposent une motion de rejet de la proposition de loi de notre collègue Kasbarian, motion dont l'adoption nous empêcherait de discuter de ce texte ! C'est dommage.
Applaudissements sur les bancs des groupes LIOT, RE, Dem et HOR. – M. Kévin Mauvieux applaudit également.
On est à l'Assemblée nationale : quand on représente les Français, il faut avoir un minimum de cohérence !
Vous montrez une fois de plus que vous n'en avez aucune, contrairement au groupe LIOT, qui souhaite débattre de la proposition de loi, car comme tout texte, elle peut être améliorée. À cette fin, nous avons d'ailleurs déposé des amendements. Nous voterons donc contre la motion de rejet préalable.
Applaudissements sur les bancs des groupes LIOT, RE et Dem. – Mme Emmanuelle Ménard applaudit également.
Nous voterons évidemment contre la motion de rejet préalable.
Tout d'abord, parce que le texte de loi s'inspire très largement d'une proposition que Marine Le Pen avait faite lors du précédent quinquennat ,…
Exclamations sur les bancs des groupes LFI – NUPES, Écolo – NUPES et GDR – NUPES
…pour redonner toute sa place à la question légitime de l'occupation illégale des logements, qui fait scandale auprès de la population – à juste titre.
Vous nous faites des leçons de morale, chers collègues de la NUPES, mais vous votez généralement avec la majorité présidentielle. Cessez donc cette agitation qui vous anime quand cela vous arrange ; demain, vous vous féliciterez d'être dans le camp la majorité. Votre indignation est à l'image de votre position en matière de logement : à géométrie variable.
Protestations sur les bancs des groupes LFI – NUPES et Écolo – NUPES.
Il est insupportable de recevoir des leçons de morale de la NUPES, alors que depuis quarante ans, le Parti socialiste a largement contribué à l'échec de la politique du logement en France. Vous êtes coresponsables de ce que vous dénoncez, chers collègues !
Les écologistes également sont coresponsables : Mme Duflot a été ministre du logement, elle aussi.
Vous faites semblant de découvrir des situations auxquelles vous avez contribué. Vous êtes à la tête d'un nombre incalculable de collectivités territoriales – notamment de communes –, y compris de grandes collectivités urbaines, qui disposent de beaucoup de moyens pour le logement : vous êtes donc coresponsables de la situation que vous dites déplorer.
Les communistes sont coresponsables également !
Exclamations sur les bancs des groupes LFI – NUPES et GDR – NUPES.
Qu'a fait M. Mélenchon, quand il était ministre de M. Jospin dans un gouvernement de gauche plurielle ? A-t-il démissionné pour protester contre la politique du logement en France ? Jamais !
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Vos leçons de morale sur la situation du logement en France sont donc insupportables.
Vous opposez d'honnêtes gens – ceux qui paient votre échec en matière de logement – à d'autres honnêtes gens – ceux qui ont investi dans un bien qui se retrouve illégalement occupé et sont victimes de laxisme judiciaire. Il n'y a donc que le Rassemblement national qui défende les honnêtes gens des deux bords, les victimes de mal-logement et les victimes de laxisme judiciaire.
Nous voulons débattre de cette proposition de loi et la renforcer. Nous voterons toutes les mesures qui permettront de défendre les petits propriétaires.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Nous examinons une nouvelle fois une motion de rejet déposée par la France insoumise : cela devient une habitude !
Vous savez pourtant qu'elle n'a aucune chance d'être adoptée, chers collègues, et qu'au final, nous ne ferons donc que perdre du temps. C'est une forme d'obstruction continue et larvée à laquelle nous nous sommes habitués depuis le début de la législature.
Notre méthode à nous, c'est le débat,…
Sauf sur le projet de loi de finances et le projet de loi de financement de la sécurité sociale !
…c'est pour cela que nous sommes tous réunis dans l'hémicycle, c'est ce que nous ont demandé les Françaises et les Français.
Le travail sur cette proposition de loi est engagé depuis plusieurs semaines ; en commission, nous avons examiné plusieurs centaines d'amendements et avons eu des débats productifs et utiles, qui ont permis d'amender et de modifier largement le texte.
Exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES, auxquelles répondent de vives protestations sur les bancs du groupe RE.
La proposition de loi est très attendue de nos concitoyens : il suffit d'ouvrir le journal pour voir qu'ils…
Brouhaha.
S'il vous plaît, monsieur Bernalicis ! Nous avons écouté la présentation de la motion de rejet, je vous demande donc d'écouter l'orateur.
Nouvelles exclamations sur les bancs des groupes LFI – NUPES et Écolo – NUPES.
Madame Regol, je souhaite que le débat soit le plus serein possible malgré des avis contraires sur le sujet. Nous écoutons M. Midy : lui seul a la parole.
Il est important de débattre sereinement, parce que cette proposition de loi est très attendue de nos concitoyens. Il suffit d'ouvrir le journal pour voir…
…que nos concitoyens sont trop nombreux à être victimes de squats et d'arnaqueurs, souvent multirécidivistes. Bien entendu, nous proposons de continuer le travail, de ne pas éviter le débat et de tout faire pour que la proposition de loi soit adoptée.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem.
« Oh ! » sur les bancs du groupe RE
puisque, finalement, nous débattons de deux principes à valeur constitutionnelle : d'un côté, le droit au logement, de l'autre, le droit de propriété.
Nous défendons la motion de rejet parce que nous considérons que cette proposition de loi rompt l'équilibre juridique entre ces deux principes constitutionnels.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES –M. Benjamin Lucas applaudit également.
En portant atteinte au droit au logement, le texte, de facto, est défavorable aux locataires, aux mal-logés et aux sans-abri. Je le dis avec gravité : si cette proposition de loi venait à s'appliquer dans le contexte de crise du logement que nous vivons – je rappelle qu'on dénombre 300 000 SDF et 4 millions de personnes mal logées –, elle constituerait une véritable bombe sociale, une machine à fabriquer du sans-abrisme. Voilà la réalité.
Mêmes mouvements.
Tentons de résumer les deux principaux points de désaccord que nous avons avec le texte issu des travaux de la commission.
Premièrement, il réduit les marges de manœuvre du juge dans le cadre de la procédure d'expulsion.
Or cette procédure ne s'applique pas aux squatteurs, mais à des personnes entrées en toute légalité dans un logement, qui ont signé un bail et payé leur loyer mais qui sont confrontées à des difficultés financières, comme cela arrive à des millions de Français. Elle s'applique même à des locataires…
…qui payent leurs loyers rubis sur l'ongle mais qui sont expulsés en raison du congé pour vente donné par leurs propriétaires qui décident de vendre leur logement. Dans ces cas précis, vous restreignez le pouvoir d'appréciation du juge, vous réduisez la durée des procédures d'expulsion et vous l'empêchez de faire son travail ,
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES et sur quelques bancs du groupe Écolo – NUPES
c'est-à-dire de prendre en considération la situation sociale des familles afin d'éviter le sans-abrisme.
Je suis très déçu des travaux en commission car c'est un secret de polichinelle au sein de la majorité et du Gouvernement que M. le ministre délégué chargé de la ville et du logement ne partage pas la philosophie de ce texte. Malheureusement, cette position n'a pas permis de faire évoluer celui-ci. Il existe une coalition entre la minorité présidentielle et les groupes RN et LR…
Mme la présidente coupe le micro de l'orateur. – Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES et Écolo – NUPES.
Monsieur Piquemal, c'est en tant que militant qui ne craint pas l'outrance, et non en tant que législateur, que vous avez défendu votre motion.
En effet, vous avez commencé votre propos en disant que, parfois, on squatte un logement pour éviter la maladie et la mort, comme si le squat était un acte de légitime défense.
Deuxième exemple d'outrance, lorsque vous dites que ce texte vise à protéger les intérêts des spéculateurs, des multipropriétaires, des escrocs et des lobbys immobiliers – je reprends vos termes –, comme si tout autre cas de figure n'existait pas. Or les médias, ne vous en déplaise, s'en font régulièrement l'écho et vous ne pouvez le nier.
Troisième exemple d'outrance, lorsque vous dites que les institutions ne font rien – comme si, depuis l'appel de l'abbé Pierre durant l'hiver 1954, il ne s'était rien passé dans notre pays,…
…comme si la question du logement était demeurée le point aveugle de toutes les politiques publiques. Vous savez bien que c'est absolument faux, et s'il ne fallait vous donner qu'un exemple, je citerais la loi Dalo – excusez du peu.
Protestations sur les bancs des groupes LFI – NUPES et Écolo – NUPES.
Sourires.
Cette outrance dessert profondément votre propos. C'est vrai, les difficultés de logement existent, et nous avons le devoir d'y répondre. À la fois les élus nationaux que nous sommes et les élus locaux, notamment les maires, ne font qu'essayer de répondre aux besoins de leur population en matière de logement. Ce n'est pas facile.
Bref, en aucun cas le mal-logement ne peut légitimer le squat, nous ne pouvons admettre un tel raisonnement. C'est la raison pour laquelle nous nous opposerons à cette motion de rejet.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR et sur plusieurs bancs des groupes RE, Dem et HOR.
Il faudrait s'intéresser au texte que nous examinons et dont, j'espère, nous continuerons de débattre. Il présente deux aspects.
Le premier concerne le squat : il est indigne de s'approprier un bien, notamment celui d'un petit propriétaire, lorsque ce bien ne nous appartient pas – vous l'avez même dit.
Le second est relatif aux relations contractuelles entre les bailleurs et les locataires. Je suis un peu étonné de la remarque de Stéphane Peu car le texte tend à maintenir ces équilibres en plaçant le juge au centre de la relation contractuelle, qui est nécessaire. Celle-ci est prévue depuis très longtemps dans notre législation, qui a toujours visé à l'améliorer dans un sens favorable au locataire, qui me semble être le bon. Le texte n'est pas en train de rompre cet équilibre. Les députés du groupe Démocrate (MODEM et indépendants) se sont intéressés au fond du texte et se sont également posé des questions relatives au respect de cet équilibre.
Le squat se distingue de l'occupation d'un logement dans le cadre d'une relation contractuelle entre un bailleur et un locataire. Le texte a été largement modifié en commission ; j'espère qu'il continuera à évoluer en séance.
Du reste, en sécurisant ces rapports contractuels, nous agissons en faveur du logement. En effet, à force de les fragiliser, nous n'incitons pas les investisseurs, qui ne sont pas tous gros, à s'intéresser à la pierre, dans le cadre d'une démarche vertueuse. Par conséquent, dans les centres-villes, il restera des immeubles entiers non rénovés. Or la puissance publique ne pourra pas tout faire.
Ainsi, ce texte, bien qu'il ne soit pas parfait et qu'il ne résolve pas tous les problèmes, est nécessaire. Bien entendu, il faut que nous en débattions et que nous l'améliorions, afin d'en faire un vecteur de nouvelles mesures pour protéger et favoriser le logement dans notre pays.
Applaudissements sur les bancs des groupes Dem et RE.
Ce texte tente ou plutôt prétexte de réagir à quelques rares affaires de squat récemment médiatisées. Il vise aussi les litiges relatifs aux loyers impayés. La proposition de loi amalgame squats de domiciles, squats de bâtiments vides et situations d'impayés. En réalité, elle constitue un grave recul du droit au logement.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes SOC, LFI – NUPES et Écolo – NUPES.
Par un mélange des genres dangereux entre le squat – occupation illicite d'un logement après violation de la propriété – et le défaut de paiement d'un locataire qui se trouve socialement en danger, vous assimilez un locataire en difficulté à un squatteur. Ce n'est ni moralement ni politiquement acceptable.
Cette proposition de loi remet véritablement en cause un corpus de règles, patiemment élaborées, qui visent à protéger la partie réputée la plus faible du contrat, le locataire. Le fait de tripler les peines de prison en cas de squat et d'apparenter l'occupation sans droit ni titre à un vol – donnant la possibilité au juge de prononcer des peines pouvant aller jusqu'à dix ans de prison – tout en réduisant les délais de maintien dans le domicile accordés par le juge aux personnes vulnérables atteste de votre démarche strictement punitive.
Pour reprendre les mots du garde des sceaux, « force doit rester à la loi ». Il nous a d'ailleurs donné des raisons supplémentaires de voter la motion de rejet, en alertant sur plusieurs dérives du texte et sur le très faible équilibre entre la défense de la propriété et les droits du locataire. De son côté, le ministre délégué chargé de la ville et du logement a multiplié les alertes : il faut trouver les moyens de renforcer les logements d'urgence ; il n'est pas possible de confondre mauvais locataires et squatteurs ; les locataires, notamment en situation de fragilité, doivent être accompagnés.
M. Pierre Dharréville s'exclame.
Cette proposition de loi est qualifiée de honteuse par toutes les organisations d'aide au logement : ATD Quart Monde, le Secours catholique, le Samu social.
Ce sont peut-être des militants mais, chaque jour, ils sont au plus près de ceux qui sont en difficulté.
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES et GDR – NUPES.
Ce sont eux que vous devez également entendre ! Cette proposition de loi, d'inspiration finalement très libérale et relevant d'une logique punitive, ne répond pas à l'urgence sociale et ne correspond pas à notre vision apaisée de la cohésion sociale de notre pays. Nous voterons donc cette motion.
Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, LFI – NUPES, Écolo – NUPES et GDR – NUPES.
J'ai écouté avec grande attention l'ensemble des orateurs qui se sont exprimés sur cette motion de rejet préalable. Le nouveau député que je suis n'y voit que des raisons de poursuivre le débat. En effet, je ne comprends pas le dépôt de cette motion car les orateurs qui souhaitent le rejet du texte nous ont donné des arguments sur lesquels nous échangerons, qui nous permettront d'amender le texte et feront peut-être bouger les lignes. C'est la raison pour laquelle les députés du groupe Horizons et apparentés voteront avec fierté contre cette motion de rejet.
Applaudissements sur les bancs des groupes HOR, RE et Dem.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 193
Nombre de suffrages exprimés 193
Majorité absolue 97
Pour l'adoption 43
Contre 150
La motion de rejet préalable n'est pas adoptée.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE. – Protestations sur les bancs des groupes LFI – NUPES et Écolo – NUPES.
Étant donné que la motion de rejet préalable n'a pas été adoptée, ce que je regrette, je vais parler du fond de votre texte. Je suis obligé de commencer mon propos en vous disant que la proposition de loi, que nous examinons aujourd'hui, est aussi inique que dangereuse. Monsieur le ministre délégué, je suis vraiment très surpris que vous puissiez y souscrire, eu égard à votre parcours, en votre qualité d'ancien maire d'une ville qui a souffert plus que toute autre des marchands de sommeil.
Bruits de conversation sur divers bancs.
Car ce ne sont pas eux que cette loi punira. Non, ils pourront continuer d'exploiter tranquillement les souffrances des plus précaires, en empochant le loyer de logements insalubres, parfois prêts à s'effondrer, comme de tristes exemples nous l'ont récemment rappelé.
Chers collègues, je vous invite à écouter l'orateur ou bien à quitter l'hémicycle.
Mais c'est bien aux plus fragiles et aux locataires en difficulté que vous avez décidé de vous attaquer.
Monsieur le rapporteur, peut-être avez-vous été vexé du retrait de l'article le plus brutal de votre proposition de loi, l'article 3, qui visait à créer une sanction pénale pour les personnes qui resteraient dans leur logement lorsqu'une procédure d'expulsion était enclenchée, alors même qu'ils n'auraient nulle part où aller ? Mais vous saviez que vous pouviez compter sur les députés du groupe Les Républicains et ceux du groupe Rassemblement national pour y ajouter une dose encore plus forte d'inhumanité. C'est d'ailleurs ce qu'ils ont fait en commission, en créant deux nouveaux articles nauséabonds.
L'un prévoit de libérer le propriétaire d'un bien immobilier de son obligation d'entretien du bien lorsque celui-ci est occupé sans droit ni titre, constituant un véritable blanc-seing donné aux marchands de sommeil. Cette disposition visera désormais la famille qui arrêterait de payer le loyer, alors que des moisissures empêchent les enfants de respirer, ou que le balcon ou le plafond menace de s'effondrer.
L'autre qualifie de vol l'occupation sans droit ni titre d'un logement, ouvrant la voie aux sanctions prévues par le code pénal pour ce délit – sanctions qu'on croirait sorties d'un mauvais film de science-fiction. Soyons clairs, chers collègues, la définition du logement inclut non seulement le domicile, mais également n'importe quel immeuble à usage d'habitation. Mais lisons plutôt : vous voulez, monsieur le rapporteur, tripler cette peine et l'étendre à l'occupation de tout type de logement, assimilant donc cette occupation à un vol et lui appliquant les circonstances aggravantes prévues pour ce délit.
Ainsi, le locataire dont le bail a été résilié à la suite d'impayés de loyer risquera désormais trois ans de prison, sans que ses difficultés – divorce, maladie, perte d'emploi – soient prises en considération et peu importe qu'il ait été ou non accompagné. L'accompagnement est pourtant peu probable puisque, depuis 2017, les aides au logement n'ont cessé de diminuer.
En raisonnant toujours à partir de la définition du vol, votre texte pourrait également conduire à punir de sept ans de prison l'occupant sans droit ni titre d'un entrepôt où, par exemple, une mère sans abri et son bébé souffrant du froid pourraient se réfugier. Cette sanction serait finalement plus lourde que celle s'appliquant à un délit d'initié ou à un conflit d'intérêts – CQFD.
Enfin, vous proposez que cette peine, puisque je rappelle que l'article 1er apparente l'occupation sans droit ni titre à un vol, soit étendue à quinze ans années de réclusion quand l'occupation est commise en bande organisée. Les militants du droit au logement, présents ce soir à proximité de l'Assemblée nationale, ne seront donc pas traités comme des voleurs, c'est vrai, mais comme des assassins, en encourant quinze ans de prison. Avec ce texte, chers collègues, la mafia du mal-logement à de beaux jours devant elle. Mais c'en sera fini des défenseurs des mal-logés.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
Et vous ne vous arrêtez pas là, puisque votre texte réduit les délais durant lesquels les locataires en difficulté peuvent régulariser leurs impayés, retire au juge la faculté de ne pas résilier un bail quand un accord entre propriétaire et locataire est trouvé ou que le locataire peut attester de sa bonne foi, et empêche les travailleurs sociaux, qui souffrent déjà tant, de faire leur métier.
Monsieur Kasbarian, même si les seuls sans-abri que vous connaissez sont certainement ceux qu'il vous arrive parfois d'enjamber ,…
Protestations sur les bancs du groupe RE
Franchement, c'est honteux ! Nous n'avons aucune leçon à recevoir de vous !
…je voudrais ici vous rappeler ces quelques chiffres : à la fin du mois d'août 2022, 42 000 enfants vivaient dans des hébergements d'urgence, des abris de fortune ou dans la rue.
Selon les données de l'Unicef, de la Fédération des acteurs de la solidarité et de la Fondation Abbé-Pierre, 4 millions de Français sont non ou mal logés.
En réalité, votre proposition de loi ne fait que mettre sous le tapis les vrais enjeux du logement aujourd'hui. Vous prétendez sécuriser les rapports entre les propriétaires, les bailleurs et les locataires, mais vous ne vous attaquez jamais au problème à la racine.
Pour nous, écologistes, il est par exemple urgent de s'attaquer au sujet de la garantie universelle des loyers, afin de rassurer les propriétaires et de permettre aux moins bien nés d'entre nous, qui n'ont pas de riches garants pour les protéger, de se loger. Il est aussi impératif d'encadrer ces loyers, qui seront ainsi moins durs à payer. Il faut en finir avec les rentes et avec la spéculation immobilière, qu'Emmanuel Macron lui-même avait, en son temps, dénoncées.
Pour conclure, votre proposition de loi est une terrible régression sociale et démocratique, qui va conduire à l'explosion du nombre de sans-abri, à moins que vous n'ayez aussi prévu de réintroduire le délit de vagabondage, pour envoyer toutes les personnes sans domicile fixe en prison. Bref, toujours à court d'idées pour éradiquer la pauvreté, vous en débordez pour la criminaliser. C'est pourquoi les écologistes s'opposeront de toutes leurs forces à votre loi.
Applaudissements sur les bancs des groupes Écolo – NUPES, GDR et LFI – NUPES.
Cette proposition de loi va dans la mauvaise direction. Notre pays traverse une crise terrible : 4 millions de personnes sont sans domicile ou mal logées. Or vous choisissez ce moment pour partir en croisade contre les squatteurs,…
Ce texte ne répond en rien au fond du problème : comment faire pour que la fragilisation de celles et ceux qui ne peuvent pas – ou plus – faire face aux charges du logement n'entraîne pas les petits propriétaires dans la spirale du déclassement ? Si l'intention des auteurs avait été de traiter cette question – comment procéder pour que les difficultés des uns ne rejaillissent pas sur les autres –, sans doute auraient-ils dû remettre sur la table le projet avorté de la garantie universelle des loyers, ou proposer de revaloriser les APL, insuffisantes.
Cependant, soigner et protéger ne sont pas les objectifs de cette proposition de loi. Elle est d'abord une loi d'affichage, qui vise à monter en épingle des faits isolés et largement médiatisés pour verser dans un populisme inquiétant, sous les applaudissements de l'extrême droite ,
Applaudissements sur les bancs du groupe Écolo – NUPES ainsi que sur quelques bancs des groupes LFI – NUPES et GDR – NUPES
et d'une droite qui ne sait plus où elle habite. Je ne suis malheureusement pas surpris de ce choix, qui s'inscrit dans la continuité des politiques conduites ces cinq dernières années en matière de logement.
En effet, alors que le logement est un droit à valeur constitutionnelle, vous n'avez eu de cesse d'en faire une marchandise. Vous avez fait du logement social le parent pauvre des politiques publiques et mis à genoux les offices HLM. Vous avez réformé les aides au logement et économisé plus de 1,5 milliard d'euros par an, sur le dos des allocataires. Que votre proposition de loi puisse générer plus de détresse, plus de chaos, et accessoirement engorger un peu plus des tribunaux saturés, sans régler aucun problème, vous n'en avez cure. Au lieu de le traiter, vous criminalisez le mal-logement.
Vous nous invitez ainsi, à l'article 2, à élargir la procédure d'expulsion extrajudiciaire de l'article 38 de la loi Dalo, en créant une dangereuse confusion entre la violation de domicile – une atteinte inacceptable à la vie privée – et l'occupation, sans droit ni titre, d'un logement vacant : vous banalisez une procédure exceptionnelle, qui doit pourtant impérativement le rester, tant elle est attentatoire au droit de la défense et au droit d'être entendu par un juge.
Vous envisagez également, à l'article 3, la création d'un nouveau délit visant des locataires en impayés de loyer, demeurant dans un logement malgré une décision de justice leur demandant de le quitter. Vous proposez ainsi de faire des locataires qui ne peuvent plus payer leur loyer des délinquants ! Dans la même lancée, l'article 4 vise à supprimer la possibilité pour le juge d'accorder d'office des délais de paiement au locataire, ce qui était l'un des acquis de la loi de lutte contre l'exclusion, dite loi Aubry, de 1998. Cerise sur le gâteau, vous proposez avec l'article 5 de réduire les délais de procédure contentieuse du traitement des impayés de loyer.
D'un bout à l'autre, ce texte est inutile et dangereux : loin de pacifier et de sécuriser les relations entre propriétaires et locataires, il va les empoisonner un peu plus. Si, au contraire, vous aviez essayé de réconcilier les Français au lieu de les diviser entre propriétaires et locataires, vous auriez pu vous mettre dans les pas de Jean-Louis Borloo, qui, en 2005, a créé les protocoles éponymes : ils sont aujourd'hui signés, chaque jour, dans toutes les sous-préfectures de France, et permettent à des locataires en impayés de loyer de conserver leurs APL moyennant un échelonnement des paiements. Si ce dispositif n'existe que pour le logement HLM, il pourrait être étendu au secteur privé : voilà une proposition qui réconcilierait les bailleurs et les locataires au lieu de les diviser !
Vous auriez également dû réfléchir à la loi de 2014 pour l'accès au logement et un urbanisme rénové, dite loi Alur, qui comportait une garantie universelle des loyers : le décret d'application n'a jamais été pris par le Premier ministre de l'époque, Manuel Valls ,
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES et Écolo – NUPES
alors qu'elle devait rentrer en vigueur au 1er janvier 2007. Il y avait là un chemin pour protéger le propriétaire, lui garantir son loyer, le sécuriser en tant que bailleur, tout en garantissant aux locataires la possibilité de faire face à des impayés ou à des difficultés passagères, avec des étalements de paiements. Il y a des chemins à emprunter pour réconcilier les Français, ainsi que le droit au logement avec le droit de la propriété, mais vous avez choisi de défendre uniquement ce dernier et d'affaiblir le droit au logement. Vous faites une grave erreur, c'est une très mauvaise direction.
Applaudissements sur les bancs des groupes GDR – NUPES et Écolo – NUPES ainsi que sur quelques bancs des groupes LFI – NUPES et SOC.
Régulièrement, des faits divers faisant état de logements squattés ponctuent l'actualité. Nous avons tous entendu les histoires de petits propriétaires qui, ayant acheté un appartement ou une maison pour s'assurer un complément de rémunération, ne le touchent finalement pas car leur propriété a été squattée. Ce phénomène est une réalité, partout en France, mais il touche avec une acuité particulière les territoires d'outre-mer. À Mayotte ou en Guadeloupe par exemple, trop nombreux sont ceux qui voient leurs terrains occupés. Aussi, notre groupe ne se satisfait pas qu'il existe toujours des cas où le droit de propriété – droit fondamental et absolu – soit bafoué. En tant que législateur, nous devons trouver des solutions pour ceux qui se voient dépossédés.
Gardons à l'esprit que ces situations, aussi pénibles soient-elles, sont marginales. En 2021, seuls 170 propriétaires ont sollicité l'intervention de la préfecture contre des squats. Souvenons-nous également qu'il y a un lien de causalité entre les tensions sur le marché du logement et la multiplication des squats : là aussi, les chiffres le démontrent. Enfin, rappelons que les mesures prises en matière de lutte contre l'occupation illégale ne sont que palliatives : elles ne suffiront pas à régler la problématique du mal-logement, car elles interviennent a posteriori, une fois le logement occupé.
Cela étant dit, ce n'est pas au petit propriétaire d'endosser les conséquences de la crise du logement. Certains squatters continuent d'ailleurs de jouer avec les failles de la loi pour se maintenir illégalement dans des logements qui ne leur appartiennent pas. Pour ces cas-là, nous considérons qu'il est nécessaire d'agir. La loi Asap avait corrigé quelques écueils relativement à la procédure d'évacuation accélérée du logement par décision administrative. La présente proposition de loi comble certaines lacunes. Elle précise qu'un logement, même vide de meubles, peut être considéré comme un domicile. Elle opère également une dissociation entre l'introduction par voie de fait et le maintien dans les lieux par voie de fait. De même, le renforcement des sanctions à l'égard des squatteurs va dans le bon sens.
Venons-en aux dispositions relatives aux rapports locatifs. Rappelons que l'immense majorité des ménages français priorisent l'acquittement de leur loyer, même dans les périodes difficiles. Ceux d'entre eux qui cessent de payer n'ont souvent pas d'autre choix. Ces situations, jusqu'alors exceptionnelles, risquent malheureusement de se banaliser. L'inflation, qui se répercute sur le coût de l'énergie et des loyers, rend difficilement soutenable les fins de mois pour bon nombre de Français. Cela ne sera une surprise pour personne, le risque d'impayés, en matière de charges et de loyers, va augmenter. Nous sommes donc favorables à la transmission systématique par l'huissier de justice, du commandement de payer à la Commission de coordination des actions de prévention des expulsions locatives (Ccapex), afin de privilégier la prise en charge la plus en aval possible des difficultés du locataire. Ce premier pas est nécessaire pour accompagner ceux qui sont en difficulté.
Notre droit est aussi, par essence, plus protecteur de l'intérêt de la partie réputée la plus faible – le locataire –, au risque parfois d'oublier l'intérêt du propriétaire. C'est pourquoi nous sommes favorables à la réduction des délais dans les procédures contentieuses du traitement des impayés de loyers, d'autant que la réécriture en commission a permis de rétablir une forme d'équilibre, avec la possibilité laissée au locataire de réclamer au juge des délais supplémentaires, lorsque son relogement ne peut se faire.
Reste le principal problème, le manque de logements disponibles et abordables, qui ne fait toujours pas l'objet d'une politique ambitieuse. Le déficit chronique de construction de logements sociaux en est un exemple : alors que 125 000 logements sociaux devaient être construits chaque année, seules 104 000 unités ont finalement été agréées en 2021 – un chiffre qui devrait de nouveau être en baisse en 2022, selon l'Union sociale pour l'habitat (USH).
Je ne veux pas faire le procès du quinquennat précédent, mais il faut reconnaître que certaines décisions ont été défavorables aux bailleurs, comme la baisse du montant des APL, ou la réduction de loyer de solidarité (RLS) : à terme, c'est leur capacité à investir qui s'en ressent. Avec un parc déficitaire, nous risquons pourtant d'alimenter le phénomène que nous entendons aujourd'hui endiguer : l'occupation illégale des logements. Vous l'avez compris, l'examen des amendements est important pour ce texte, qui devrait recueillir un avis favorable du groupe que je représente, avec une exigence : préserver l'équilibre entre le droit de propriété et le droit au logement.
Applaudissements sur les bancs du groupe LIOT. – M. Éric Martineau applaudit également.
Cette proposition de loi vise à lutter contre les squats et contre les contentieux locatifs longs et abusifs pour améliorer la protection des petits propriétaires et bailleurs, mais aussi des locataires, qui peuvent se faire abuser par de faux propriétaires. Je salue le travail du rapporteur Guillaume Kasbarian, qui nous a permis de mener de nombreuses auditions, édifiantes. Il est important que nous nous arrêtions sur quelques exemples très concrets. Dans la Somme, Mégane, 24 ans, n'a plus de logement depuis le décès de sa mère : son seul logement était la maison de sa mère, dont elle a hérité, son unique ressource étant les loyers à percevoir. Or le locataire ne paie plus depuis un an et demi. Elle n'a plus de logement, ni de ressources. Ce qu'elle dit est très clair : « C'est moi qui suis dehors et c'est lui qui est au chaud. »
Cécilia a un appartement de 35 mètres carrés en Île-de-France : les locataires ne paient pas, depuis le deuxième mois, alors qu'ils sont dans l'appartement depuis six ans. Cela correspond à 75 000 euros d'impayés et à 25 000 euros de charges, qu'elle a dû continuer à payer, plus 8 000 euros de frais d'avocat. Pour assumer tous ces frais, Cécilia a dû changer de logement. Elle va devoir vendre l'appartement, avec une forte décote puisqu'il est squatté.
Je pourrais aussi vous détailler le cas du propriétaire qui fait face à un squatteur qui l'a traîné en justice pour défaut de garde-corps de fenêtre : ayant fait une chute, le squatteur a demandé une indemnisation au propriétaire pour défaut d'entretien ! En l'état du droit, la justice a condamné le propriétaire à 60 000 euros de dédommagements à son squatteur. Pour illustrer la diversité de ces drames, je peux encore évoquer le cas de cette personne qui, en Côte-d'Or, rentre chez elle et trouve une famille installée, elle-même dupée par un faux propriétaire qui encaisse de l'argent !
Nous avons écouté toutes ces personnes, et elles nous ont toutes dit avoir perdu confiance en la justice de leur pays. Ce texte n'est pas une proposition de loi contre les petits locataires en galère passagère – cela peut arriver à tout le monde –, ni contre ceux qui, de bonne foi, ont un moment de difficulté, ni pour donner à de riches propriétaires les moyens de maltraiter des locataires pauvres. Il ne s'agit pas non plus d'enlever des protections pour les locataires, comme la trêve hivernale, qui est bien sûr maintenue.
À l'inverse, cette proposition de loi vise à combattre les personnes foncièrement malhonnêtes, les arnaqueurs patentés, les personnes qui abusent en conscience des failles du droit, les arnaqueurs souvent multirécidivistes.
À ceux qui, ici, défendront le squat et les squatteurs – comme ils l'ont déjà fait en commission –, je rappellerai l'article 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : « La propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé […]. »
La présente proposition de loi est juste et équilibrée. J'espère donc que nous aurons un bon débat, comme en commission, sur de bonnes bases et avec pour objectif de redonner confiance en la justice à Mégane, à Cécilia et à toutes les victimes d'abus et d'escroqueries, et surtout, chers collègues, avec pour objectif d'éviter de les jeter dans les bras de l'extrême droite.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE. – « Oh ! » et rires sur les bancs du groupe RN.
Cela fait longtemps que le groupe Rassemblement national défend le sujet qui nous réunit.
« Eh oui ! » et applaudissements sur quelques bancs du groupe RN.
Nous sommes heureux qu'il soit enfin examiné en séance et je me permets à cette occasion de rappeler les dispositions de notre proposition de loi datant déjà de mars 2021.
Les atteintes au droit de propriété qui font régulièrement la une de l'actualité depuis des années mettent en évidence que les textes en vigueur sont clairement insuffisants pour défendre ce droit fondamental. Rappelons qu'il fut un temps où la notion même de propriété figurait dans la devise de la République française. La propriété, principe intrinsèque à l'homme, reste inséparable des autres libertés humaines.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RN.
Depuis plusieurs années, et singulièrement depuis le fameux droit au logement opposable, le droit de propriété est remis en cause et les propriétaires sont bien souvent démunis face à des squats qui sont en réalité purement et simplement des vols. La procédure reste lourde et privilégie toujours le délinquant plutôt que le propriétaire.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Un squatteur est un occupant qui ne possède ni droit ni titre sur le bien qu'il occupe, il s'agit d'un individu entré dans un bien par effraction, sans autorisation. L'article 226-4 du code pénal définit la notion de squat comme « l'introduction dans le domicile d'autrui à l'aide de manœuvres, menaces, voies de fait ou contrainte […] ».
Nombre de nos concitoyens éprouvent le sentiment contraire parce qu'il existe un déséquilibre entre la rapidité avec laquelle un squatteur peut élire domicile dans un logement sans y être autorisé, et la longueur de la procédure légale que les propriétaires, qui jouissent pourtant de leur droit de propriété, doivent respecter pour les déloger.
Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe RN.
Il arrive même dans certains cas que les préfectures refusent de procéder à l'expulsion de squatteurs. Cela renforce, et à raison, l'impression d'injustice, d'inefficacité et d'impunité de ces personnes qui, elles, continuent à se sentir toutes-puissantes. Car en aucun cas les propriétaires de logements squattés ne doivent intervenir directement. S'ils le font, ils s'exposent à une peine d'emprisonnement et au paiement d'amendes qu'ils seront forcés, eux, d'acquitter.
De plus, il est difficile de donner un délai moyen d'expulsion puisque celui-ci varie d'un tribunal à l'autre. C'est le juge des contentieux qui est compétent pour trancher les litiges civils sur les baux d'habitation et plus le tribunal saisi aura d'affaires à traiter, plus les délais seront longs. Il faut ainsi compter de plusieurs semaines à plusieurs années si la responsabilité de l'État est engagée.
En outre, 64 % des propriétaires bailleurs ne détiennent qu'un seul logement en location et un tiers d'entre eux sont des retraités. Les revenus qu'ils tirent de leur bien en location sont absolument indispensables pour leur garantir une retraite sereine.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Et ces derniers n'ont pas, contrairement aux gros bailleurs, les moyens de faire gérer leurs biens par des tiers ou de les faire protéger par des entreprises de surveillance. Ils se retrouvent donc dans une situation catastrophique lorsqu'ils sont victimes d'impayés ou, pire encore, de squatteurs qu'ils ne peuvent déloger.
C'est pourquoi les squats, qui constituent à la fois une violation de la sphère intime et une privation de l'usage de la propriété, sont ressentis si fortement par tous comme une injustice criante. Après les évolutions de la loi Asap en 2020, qui ont déjà permis l'accélération des procédures, ce texte vient conforter de nouvelles possibilités à la main des propriétaires, en clarifiant la définition juridique du squat et en sanctionnant enfin mieux cette infraction. Il vise en outre à accélérer les procédures dans les litiges locatifs, à rendre opératoire la possibilité de résilier le bail pour manquement aux obligations contractuelles du locataire, et à pénaliser le fait de rester dans le logement en dépit des décisions de justice défavorables. Il va également un peu plus loin dans la sanction des squatteurs.
Nous sommes globalement en faveur de ces mesures de bon sens mais il aura fallu trop de temps pour arriver à ce texte et trop d'histoires dramatiques qui ont fait l'actualité ces dernières années.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Monsieur le rapporteur Kasbarian, votre proposition de loi, c'est une véritable fabrique à SDF. N'avez-vous pas honte ? Face à la crise du logement, à la crise sociale qui s'aggrave de jour en jour, n'avez-vous rien trouvé de mieux que de faciliter les expulsions pour impayé de loyer, que de criminaliser plus encore les occupants sans droit ni titre ?
Que celles et ceux qui nous écoutent comprennent bien de quoi il s'agit : en aucun cas ce texte ne concerne les résidences principales et les résidences secondaires qui pourraient se retrouver squattées ; la loi prévoit déjà ces cas-là. L'Observatoire des squats n'a dénombré que 170 cas de squats de domiciles en 2021 et la majorité de ces cas ont été résolus. Passer à trois ans de prison la peine encourue par le squatteur ne changera rien ; non : cette loi permet d'abord d'expulser très rapidement des locataires pour impayés de loyer en mettant fin à l'autonomie du juge.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES. – M. Stéphane Peu applaudit également.
Et tous les locataires, du parc privé comme du parc social, sont concernés.
Jusqu'à présent il y avait deux mois entre l'assignation et l'audience, ce qui laissait tout juste le temps d'élaborer un rapport social sur la situation du locataire. Avec la réduction des délais, le juge n'aura plus accès au rapport social. Il ne pourra plus suspendre la résiliation du bail afin de tenir compte de la situation du locataire qui ne peut plus payer son loyer et ne pourra plus proposer son maintien dans les lieux pendant la durée de l'étalement de sa dette. Dorénavant, dès lors qu'une procédure en justice sera engagée pour impayé de loyers, la clause de résiliation du bail pourra être immédiate. Certes, le locataire pourra demander la suspension de cette résiliation du bail ; mais plus de 60 % des locataires ne sont pas défendus à l'heure actuelle, alors comment voulez-vous qu'ils soient capables d'engager cette démarche ? Quelle inhumanité !
Avez-vous conscience de tous les accidents de la vie à cause desquels nombre de locataires peuvent se retrouver en impayés de loyers ?
Votre employeur est en liquidation judiciaire, il faut compter au moins trois mois avant d'accéder à la garantie de salaire. Vous pouvez donc vous retrouver avec trois mois de loyers impayés : dehors, expulsion ! Votre couple explose, quelques mois de retards de loyers ? Dehors, expulsion ! La CAF accumule ses retards à votre encontre ? Dehors, expulsion !
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
Vous arrivez à la retraite mais il y a des tas de galères à surmonter dans votre dossier avant de toucher votre pension ? Dehors, expulsion !
Plusieurs députés du groupe LFI – NUPES répètent en chœur ces deux derniers mots.
Une épidémie bloque le pays et, confiné, vous ne pouvez plus travailler et le Gouvernement met des mois avant de vous accorder des aides : dehors, expulsion !
Mêmes mouvements. – Exclamations sur quelques bancs du groupe RE.
On compte, chers collègues, 4,1 millions de personnes mal logées et 2,4 millions de demandeurs ; 42 000 enfants sont sans domicile en France ; les loyers sont trop chers et le nombre de loyers impayés explose. Mais vous, votre priorité, c'est d'expulser.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Pire : vous aviez même prévu que si le locataire subissait la résiliation de son contrat tout en restant dans les lieux, il deviendrait locataire sans droit ni titre, donc en situation d'occupation illicite et risquerait trois ans de prison et 45 000 euros d'amendes. Ce texte est une fabrique de sans-abri.
Quand Emmanuel Macron promettait en 2017 qu'il n'y aurait plus une personne à la rue, sa solution était-elle donc celle-là : mettre les locataires en impayés de loyers et les sans-abri en prison ?
J'ai assisté aux auditions préalables d'avocats spécialistes des occupations illicites et de représentants de l'Union nationale des propriétaires immobiliers (UNPI). Tous désapprouvent l'idée de traiter dans un même texte la question des occupations illicites et celle des impayés de loyer. Tous ont trouvé « excessif » – oui, « excessif » – le fait d'empêcher le juge de surseoir à la résiliation du bail. Et tous reconnaissent que le triplement de la peine de prison n'aura aucun effet.
Les fragiles dispositifs de prévention des dettes et des expulsions locatives, vous les balayez avec cette proposition de loi. Vous prétendez défendre les petits propriétaires aux pensions de retraite trop faibles ?
Eh bien, oui, c'est ce que nous allons faire ! C'était dans le programme du Président !
Mais alors augmentez ces pensions au lieu de repousser le départ à la retraite à 65 ans !
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Parce que, figurez-vous, les locataires qui ont des difficultés pour payer leur loyer, eux aussi, quand ils sont retraités, touchent de trop petites pensions. Alors arrêtez votre hypocrisie : plus de 70 % des logements en location sont détenus par des gros bailleurs, gros bailleurs privés et bailleurs sociaux.
Votre texte, c'est du sur-mesure pour la Fédération nationale de l'immobilier FNAIM, qui d'ailleurs ne cesse de le défendre dans nombre de médias. Et pour eux, vous inventez une nouvelle définition du terme « domicile » : un immeuble entier laissé vacant par un professionnel de l'immobilier spécialisé dans la spéculation ? Dorénavant, il s'agira de domiciles si les logements vides sont squattés – alors que la priorité devrait être de les réquisitionner.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES.
Ce n'est pas parce que votre voiture est vacante que j'ai le droit de la voler !
Le garde des sceaux lui-même a critiqué cette invention du domicile sans meubles. Le logement, pour vous, c'est d'abord et avant tout un produit financier sur l'étal du banquier, et ce placement doit rapporter : il vous faut défendre la rente coûte que coûte.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
Le logement, pour nous, c'est un droit essentiel. Le droit au logement doit l'emporter sur le droit de spéculer sur le logement.
C'est un bien à extraire du marché, de sa financiarisation.
Il y a donc bien d'autres mesures à prendre pour résoudre la crise du logement plutôt que de fabriquer des SDF à mettre en prison.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES, dont plusieurs députés se lèvent. – M. Stéphane Peu applaudit également.
L'actualité est régulièrement émaillée de faits de squat privant scandaleusement des propriétaires souvent modestes de l'accès à leurs logements sans que la puissance publique ne parvienne toujours dans des délais acceptables à évincer les délinquants. Et quand les propriétaires y parviennent, c'est généralement pour découvrir un logement dégradé par pure rétorsion. Que les médias s'en fassent l'écho traduit en fait cette impuissance à empêcher le phénomène.
Il est intéressant de noter que cette situation, qui n'est pas propre à la France, peut prendre dans certains pays des proportions inquiétantes qui doivent nous inciter à la juguler. Ainsi, en Espagne, le nombre de squats a bondi de 40 % en cinq ans. Mais la réalité, quels que soient les pays, est toujours la même : choc émotionnel, frais d'avocats, réparations importantes, délais insupportables…
En 2019, notre ancien collègue Julien Aubert a déposé une proposition de loi visant à augmenter le quantum de la peine, portée à trois ans de prison et 45 000 euros d'amende, à accroître la capacité pour les pouvoirs publics d'évincer les squatteurs dans des délais rapides, mais aussi à qualifier le délit. Ces propositions présentées au moment de l'examen de la loi Asap ont presque toutes été retoquées par la majorité. Il est heureux qu'elle ait évolué depuis.
M. le rapporteur sourit.
Le 20 septembre dernier, j'ai à mon tour présenté une proposition de loi pour traiter ce problème non résolu et dont l'examen devait commencer le 1er décembre prochain, jour de la niche parlementaire du groupe Les Républicains. La majorité a alors décidé de prendre la même initiative le 18 octobre dernier, l'examen de son texte devant avoir lieu avant le mien, me prenant ainsi de vitesse. J'aurais pu en concevoir quelque humeur, de peur que plusieurs mesures que je proposais ne figurent pas dans votre texte, monsieur le rapporteur, même si vous avez repris l'augmentation du quantum de la peine que nous préconisions. J'ai jugé plus utile de me rapprocher de vous et de voir dans quelle mesure nous pouvions travailler ensemble.
Avec le rapporteur, et je l'en remercie, nous avons ainsi pu nous mettre d'accord sur un point essentiel : la qualification du squat. Le squat s'apparente au vol,…
…si l'on se réfère aux termes mêmes de l'article 311-1 du code pénal : « Le vol est la soustraction frauduleuse de la chose d'autrui. » Du reste, les peines sont identiques.
Revenir sur cette disposition adoptée en commission après un avis favorable du rapporteur enverrait un très mauvais signal. L'un de mes amendements tend toutefois à en revoir la formulation pour des raisons légistiques, ainsi que pour distinguer le quantum de peine d'un squatteur de celui d'un locataire mauvais payeur.
Par ailleurs, si le texte devait être adopté en l'état, certaines situations ne seraient pas couvertes par la loi, ce qui serait regrettable.
Ainsi en serait-il des locaux à usage économique tels que les bureaux et les commerces, qui font eux aussi régulièrement l'objet de squats. C'est si vrai qu'un véritable marché est né, avec des sociétés organisant l'occupation de locaux vides par des locataires modestes, qu'il s'agisse d'étudiants, d'apprentis, de jeunes travailleurs ou de fonctionnaires. Ces résidences temporaires tiennent les squatteurs à distance, tout en proposant des logements à des prix imbattables. Je présenterai ainsi un amendement visant à élargir à l'occupation illicite de locaux commerciaux ou économiques la peine prévue par la proposition de loi.
M. Éric Pauget applaudit.
Un autre point me préoccupe : si ce texte est adopté, la même peine s'appliquera désormais au squatteur et au propriétaire qui agit pour récupérer son bien. Mes chers collègues, songez que dans le droit actuel – M. le garde des sceaux le disait tout à l'heure –, la victime encourt une peine plus lourde que le squatteur : c'est une aberration totale. Cela étant, mettre sur un même plan la victime et le squatteur pose également un problème que tout Français doté de bon sens ne peut comprendre.
L'un des principes de notre droit est en effet la proportionnalité de la peine.
Imaginons deux cas de figure. Premier exemple : un propriétaire effrayé par la lenteur des procédures et les frais d'avocat décide de payer le squatteur pour qu'il s'en aille ; ce serait considéré comme une manœuvre. Deuxième exemple : un propriétaire change la serrure de son bien pour empêcher le squatteur d'y revenir ; ce serait aussi vu comme une manœuvre. Dans les deux cas, le propriétaire en question risque une peine de trois ans de prison et de 45 000 euros d'amende, tout comme celui qui se sera introduit dans son domicile. Ce n'est ni compréhensible, ni admissible.
Voilà pourquoi je présenterai un amendement visant à établir une peine raisonnable et proportionnée pour les propriétaires qui, souvent désespérés, tentent pacifiquement, c'est-à-dire sans violence, ni menaces, ni voie de fait, de rentrer dans leur bon droit.
Le squat ne saurait être la réponse au mal-logement, qui est une réalité que nul ne nie, mais qui n'autorise pas à violer la loi. La propriété est un droit « inviolable et sacré ».
J'invite la majorité et le Gouvernement à ne pas se montrer frileux et à prendre courageusement le problème à bras-le-corps.
Si tous ceux qui ont des difficultés à se loger s'estimaient légitimes à squatter, nous voyons bien à quel désordre cela conduirait.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Le droit à la propriété, inscrit dans la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, constitue l'un des principes fondamentaux de notre Constitution : aussi devons-nous agir lorsqu'il est remis en question. Les affaires récurrentes d'occupation illicite de logements sont peu nombreuses, mais n'en demeurent pas moins réelles. La loi doit donc évaluer, lorsque cela est possible et utile.
Le squat est d'ores et déjà puni par notre droit. En effet, une procédure accélérée d'expulsion des squatteurs a été instaurée en 2007, mais des fragilités subsistent. De plus, il existe des situations qui marquent l'actualité, mais qui n'ont rien à voir avec ce phénomène, en ce qu'elles relèvent des relations entre un bailleur et un locataire.
Le groupe Démocrate (MODEM et indépendants) salue la démarche et la volonté du rapporteur de venir à bout de ces affaires qui mettent parfois les propriétaires dans des situations très délicates.
À titre d'exemple, nous considérons que la caractérisation légale du squat proposée par le texte va dans le bon sens, tout comme l'augmentation des sanctions contre les marchands de sommeil que nous avons votée en commission.
Cela étant, notre groupe souhaite que toutes les situations soient prises en considération, car si des abus existent, il arrive également que les locataires concernés soient en grande difficulté. En de pareils cas, les pouvoirs publics doivent être présents pour fournir une aide et prendre le relais.
Ainsi, au cours de nos débats, nous tâcherons de distinguer les différents types de situations, et nous appelons de nos vœux au partage de cette méthode par l'ensemble de nos collègues. Veillons à ce que les dispositions votées soient applicables, efficaces et conformes à l'objectif poursuivi. Et préservons l'équilibre entre les droits des propriétaires et ceux des locataires, en respectant le droit des contrats. Oui, sécuriser les rapports locatifs est essentiel tant pour les uns que pour les autres. À cet égard, nous veillerons à ce que le texte établisse une différence entre le locataire de bonne foi et celui qui ne l'est pas.
Il n'est pas ici question de faire exploser le nombre de contentieux et d'expulsions de locataires de bonne foi qui se trouveraient en difficulté de manière temporaire. C'est pour cette raison que nous considérons comme essentiel de préserver la capacité du juge à intervenir et à analyser chaque situation. Nous défendrons donc un amendement visant à conserver le pouvoir d'appréciation du juge, afin de préserver la possible activation de la clause résolutoire.
Notons qu'il a été établi en commission que la majorité des locataires en situation d'impayés locatifs ne connaissent pas leurs droits et qu'ils ne sont donc pas en mesure de les faire valoir, notamment auprès du juge. C'est une autre raison pour laquelle nous estimons nécessaire de ne pas supprimer le pouvoir d'office du juge.
Selon cette même logique, le groupe Démocrate n'a pas soutenu en commission l'adoption de l'article 1er A, qui tend à considérer le squat comme un vol. En effet, la création de ce délit se fonderait sur une notion floue et non définie par le droit pénal : celle de la mauvaise foi. De plus, l'adoption de ce nouvel article, introduit en commission, instaurerait une présomption de culpabilité qui nous pose problème, en ce qu'elle inverserait la charge de la preuve. Une telle disposition engendrerait ainsi une assimilation hasardeuse qui n'a pas lieu d'être, sans pour autant offrir de nouvelles réponses efficaces pour les victimes de squats.
Nous soutiendrons donc l'amendement visant à réécrire l'article 1er A, afin de ne cibler que les personnes qui n'ont jamais été titulaires d'un droit sur le local à usage d'habitation. De plus, les logements constituant des domiciles seraient exclus du champ de l'article, afin de ne pas empiéter sur le délit de violation de domicile.
Vous l'aurez compris, si notre groupe, conscient des difficultés observées sur le territoire, estime nécessaire de renforcer le droit existant, il sera vigilant et rigoureux quant à la rédaction finale d'un texte qui doit respecter notre droit pénal et notre droit civil, sous peine de tomber sous le coup d'une censure du Conseil constitutionnel. Il est de notre devoir de légiférer de manière responsable pour les victimes, quelles qu'elles soient. C'est pourquoi nous défendrons un amendement tendant à ajuster les délais proposés par le texte, de manière à rendre pleinement efficace le traitement des impayés locatifs, tout en apportant les garanties nécessaires à l'accompagnement des locataires.
Préserver le droit de propriété tel qu'il est décrit par notre droit, donner aux propriétaires des outils efficaces et, dans la droite ligne de notre action depuis 2017, offrir à chacun les moyens et l'accompagnement nécessaire pour être logé dignement : voilà nos objectifs. Dans la grande majorité des cas, la détresse engendrée par ces affaires concerne les deux parties. Soyons justes et responsables.
Applaudissements sur les bancs du groupe Dem et sur quelques bancs du groupe RE.).
Avec cette proposition de loi visant à protéger les logements contre l'occupation illicite, vous tentez de répondre à quelques rares affaires de squat récemment médiatisées – 170 expulsions ont eu lieu en 2021 – tout en vous penchant sur les litiges entre les locataires et les propriétaires au sujet des loyers. Ainsi ce texte fait-il des amalgames entre squats de domicile, squats de bâtiments vides et locataires en situation d'impayés.
M. François Piquemal applaudit.
Je tiens à vous faire part de la très vive inquiétude du groupe Socialistes et apparentés s'agissant de la confusion que ce texte tend à opérer entre les trois notions que je viens d'énumérer, en assimilant injustement les locataires en difficulté à des délinquants.
La baisse des APL à laquelle vous avez procédé dans votre précédent quinquennat, puis la réforme des « APL en temps réel », qui a réduit les périodes d'actualisation des droits, se sont traduites, rappelons-le, par une augmentation de l'insécurité financière des locataires les plus modestes.
Après ces premiers coups de canif dans la protection des locataires modestes, et sous couvert d'une volonté de protection des propriétaires, voici donc que vous stigmatisez une fois encore une population socialement précaire, au lieu de créer les protections nécessaires aussi bien pour les locataires que pour les bailleurs.
La loi du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs est un texte reconnu pour son équilibre dans la relation contractuelle entre le propriétaire et le locataire. Pourquoi donc vouloir le bouleverser ? Par cette proposition de loi, vous remettez en cause le corpus de règles patiemment élaborées, l'équilibre entre les parties et la protection du locataire, qui représente la partie réputée la plus faible du contrat.
Il n'est cependant pas question de nier la réalité. Le défaut de paiement d'un locataire peut entraîner des difficultés financières importantes pour le propriétaire quand la location constitue un complément de revenus, notamment pour certaines personnes retraitées, comme l'évoque l'exposé des motifs de la proposition de loi. Une telle situation se révèle particulièrement difficile pour ce type de propriétaires, qui se trouvent démunis et qui subissent des procédures judiciaires souvent trop longues.
Il n'est pas non plus question de nier les difficultés pouvant survenir dans la relation contractuelle entre le propriétaire-bailleur et le locataire. Cependant, ce n'est pas par la stigmatisation et la pénalisation des locataires les plus précaires que nous pourrons les protéger, ainsi que les propriétaires, vis-à-vis des accidents de la vie.
Vous proposez, entre autres mesures, de réduire de deux à un mois le délai incompressible devant séparer l'assignation de l'audience dans la procédure de défaut de paiement. Or cette proposition se fait au mépris de la finalité même de ce délai et de la réalité du terrain. En effet, ce délai est destiné à permettre aux autorités préfectorales de saisir l'organisme compétent désigné par le plan départemental d'action pour le logement et l'hébergement des personnes défavorisées (PDALHPD), afin que celui-ci réalise un diagnostic social et financier, lequel sera transmis à l'audience et à la Commission de coordination des actions de prévention des expulsions locatives.
Ce délai permet donc de réaliser un travail d'accompagnement social et de tenir compte de la situation réelle des locataires en situation d'impayés. Le réduire ferait courir le risque de rogner cet accompagnement social dont les locataires ont besoin et qui gagnerait même à être accru. Cette proposition relative au défaut de paiement des locataires manque donc sa cible. Au lieu de stigmatiser les locataires en difficulté, il est urgent d'augmenter leur protection, tout comme celle des bailleurs, et de poursuivre la réécriture de la proposition de loi.
Protéger les locataires ne se fait pas au détriment des propriétaires : au contraire, protéger les locataires, c'est aussi protéger les propriétaires.
Plutôt que d'obliger l'introduction d'une simple clause de résiliation du bail dans le contrat de location, vous auriez pu proposer une obligation de souscription à une assurance relative aux loyers impayés sur le modèle de l'assurance locative, et essayer d'améliorer les dispositifs existants.
Plutôt que de pointer du doigt les ménages les plus en difficulté, nous continuons de réclamer une augmentation des salaires, à commencer par le Smic, et l'ouverture d'une conférence nationale sur les salaires.
Plutôt que de pénaliser, voire de criminaliser le défaut de paiement, nous proposons d'étendre le plafonnement des loyers dans les zones tendues et d'augmenter les aides au logement.
Pour répondre au squat, il convient d'augmenter le nombre de logements d'urgence.
Pour répondre au mal-logement, il est urgent de construire des logements sociaux et de lutter contre les locaux vides.
Dans un contexte de forte inflation, qui affecte particulièrement nos concitoyens les plus modestes, et dans une période où la situation des locataires est de plus en plus précaire, notamment en raison des hausses de charges de chauffage et d'énergie et de l'augmentation des loyers, il serait dangereux de fragiliser davantage la situation des locataires.
Il est à craindre que cette proposition de loi, inutile sur le fond, voire nocive dans son application, devienne dans les mois à venir une machine à créer des SDF, comme le craignent l'ensemble des associations œuvrant contre le mal-logement. À l'heure où la France compte 4 millions de mal-logés, 2,2 millions de demandeurs de HLM et 77 000 ménages à reloger au titre de la loi Dalo, et alors que notre pays compte 3,1 millions de logements vides, je répète que votre texte se trompe de cible. C'est la crise du logement qu'il faut combattre, non ses victimes.
M. Boris Vallaud applaudit.
La concertation parlementaire que les membres du Gouvernement et certains orateurs des groupes ont saluée n'a finalement réuni que les bancs de la droite.
Pour toutes ces raisons, et en l'état actuel du texte, notre groupe votera contre.
Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et Écolo – NUPES. – MM. Sébastien Delogu et Stéphane Peu applaudissent également.
Nous commençons ce soir l'examen d'un texte que de nombreux Français attendent. Le droit à la propriété et son respect, comme la confiance en la justice, sont des piliers de notre société. Chaque citoyen doit se sentir en sécurité dans son domicile et avoir l'assurance que nul ne peut le déposséder, le dépouiller du jour au lendemain.
J'emploie volontairement des mots forts car le choc et l'incompréhension que connaissent les Français ainsi mis à la porte de chez eux, non pas pour des raisons dont ils seraient la cause, mais par la faute d'un délit commis par autrui, sont immenses.
Nous ne cherchons pas à remettre en question le droit au logement opposable et le droit pour chacun à avoir un toit, mais précisément à les renforcer. Il ne saurait y avoir une loi pour les occupants légaux et une autre qui protégerait les délinquants. Il n'y en a qu'une qui doit veiller à l'intérêt général, avec cohérence. La cohérence nous impose justement de renforcer les sanctions pénales qui sont appliquées aux squatteurs, à ceux qui entrent ou se maintiennent de manière illicite et par voie de fait dans le logement d'autrui. À ce jour un propriétaire qui évacue lui-même, par la force, un squatteur risque plus que le délinquant lui-même. Ce n'est pas acceptable.
Nous soutenons donc la disposition du texte qui remet les peines en cohérence et nous avons choisi d'ajouter une sanction supplémentaire pour ceux qui incitent et facilitent le squat. Nous pouvons en effet trouver très facilement sur internet des modes d'emploi et des guides pour entrer et se maintenir illégalement dans un bien. Ce n'est pas acceptable. Lorsque l'occupation est délictuelle, il faut pouvoir poursuivre ceux qui ont aidé à la commission de cette infraction.
Le groupe Horizons s'attachera particulièrement à proposer des mesures qui visent à renforcer le pouvoir des maires face à des occupations illicites générant des troubles à l'ordre public et qui abritent parfois, comme je l'ai vu à Nice, des activités illégales.
Pour reprendre une expression connue dont vous me pardonnerez la trivialité, les maires sont en effet, comme vous le savez, à portée d'engueulade. C'est vers eux, et les élus locaux en général, que les occupants lésés et les riverains se tournent et c'est d'eux qu'ils attendent des solutions. Or ces élus n'ont pas aujourd'hui de véritable pouvoir d'action. Les amendements que notre groupe a déposés proposent que les maires puissent prendre part à la procédure décrite à l'article 38 de la loi Dalo. Dans le respect cumulatif de plusieurs critères, dont le constat d'une occupation illicite générant des troubles, la prise de contact avec l'occupant légal et le dépôt de plainte, le maire pourra saisir le préfet et lui demander une mise en demeure d'évacuation des lieux. Dans les cas d'occupations sauvages et illégales, nous souhaitons donc renforcer la loi existante et les réponses, administratives et pénales, à apporter aux citoyens.
L'un ne va pas sans l'autre : les Français ne peuvent pas adhérer à des dispositifs de protection des plus démunis, absolument nécessaires, surtout dans la période que nous traversons, et accepter que le squat reste insuffisamment prévenu et puni.
Je tiens donc à saluer le travail du rapporteur Guillaume Kasbarian, qui poursuit son œuvre de fond et de proposition dont nous voyons aujourd'hui la qualité.
Nous soutenons les dispositions apportées en commission, dont celle prévoyant qu'un propriétaire n'aura plus à entretenir son bien illégalement occupé…
…ou encore la prorogation d'une expérimentation sur l'occupation temporaire des logements. Cet équilibre entre l'accès temporaire à des biens inoccupés, qui peut répondre aux besoins d'hébergements, et le soulagement apporté aux occupants légaux ou propriétaires victimes nous semble aller dans le bon sens. Nous proposons d'ailleurs de faciliter la charge de la preuve qui incombe à l'occupant légal, qui doit démontrer que le logement occupé est bien le sien, en permettant au préfet de solliciter en urgence des vérifications auprès de l'administration fiscale.
Conscient que ce sujet a été travaillé en profondeur avec des argumentaires détaillés, le groupe Horizons et apparentés se félicite de la cohérence et de l'efficacité qui résulteront de l'adoption du texte. Nous voterons donc en sa faveur et espérons de nos débats qu'ils permettront d'aboutir à un texte indiquant clairement la direction souhaitée. La propriété est un droit inviolable et sacré, mais aussi un droit naturel et imprescriptible. Ce soir, c'est aussi de ce sujet qu'il est question.
Applaudissements sur les bancs des groupes HOR et Dem ainsi que sur quelques bancs du groupe RE.
Nous voilà réunis pour débattre de l'occupation illicite des logements, un sujet grave qui, vous le savez, révolte bon nombre de nos concitoyens. Je ne vais pas revenir sur les exemples du véritable enfer et de l'inversion complète des valeurs que vivent chaque année de nombreux Français, plusieurs ont déjà été cités.
M. Sébastien Delogu s'exclame.
J'ai déposé trois propositions de loi, en 2015, en 2018 et en 2020, pour mettre en place une procédure d'urgence, pour durcir les peines et pour prendre en compte les résidences secondaires autant que les résidences principales. Heureusement, à force de persuasion, la loi du 7 décembre 2020 a permis, il faut le reconnaître, une réelle accélération des procédures d'expulsion. Votre proposition de loi, quant à elle, va dans le bon sens : elle renforce ces dispositions en durcissant la réponse pénale, en intégrant le logement non meublé, en libérant l'obligation d'entretien du bailleur et en définissant – c'est important –, par voie d'amendement, l'occupation sans droit ni titre comme un vol.
Pour une fois que nous sommes d'accord – c'est si rare –, j'aurais mauvaise grâce à ne pas voter le texte pour des motifs politiques. Malheureusement, il est l'arbre qui cache la forêt, pour deux raisons.
La première, c'est que voter des lois, c'est bien, mais les faire appliquer, c'est mieux. Malheureusement, votre gouvernement ne donne les moyens suffisants ni aux préfectures ni aux tribunaux pour passer aux actes. Trop souvent, les préfets reportent les expulsions et nos concitoyens s'indignent de voir les squatteurs se pavaner et narguer les propriétaires dans les logements occupés. C'est pourquoi, dans mes propositions de loi, je demandais que les maires soient davantage associés aux procédures car ils connaissent leur terrain.
La deuxième raison tient à la capacité des tribunaux à traiter les affaires dans les procédures civiles et pénales. J'ai bien écouté M. le garde des sceaux et j'ai approuvé, pour une fois, ce qu'il a dit, mais je lui rappelle que, dans mon département, l'Essonne, le procureur de la République a récemment avoué à des maires qu'il ne pouvait instruire que 10 % des plaintes enregistrées, soit 8 000 sur plus de 80 000 affaires. Rendez-vous compte : 10 % des affaires traitées ! Et encore, on ne parle même pas ici de condamnations. Imaginez donc le désarroi de nos concitoyens face à cette impuissance publique.
L'autre partie de votre proposition de loi vise à sécuriser les rapports locatifs. C'est indispensable si l'on veut redonner confiance aux propriétaires pour qu'ils remettent leur bien sur le marché, afin d'atténuer le fossé entre l'offre et la demande de logements, mais il faut faire attention : votre article 5 me semble aller trop loin. Si les propriétaires ne doivent pas être victimes de locataires sans scrupules, ceux qui sont en extrême difficulté sociale ne doivent pas être sacrifiés par une accélération excessive des procédures.
Pour réconcilier propriétaires et locataires et conserver un équilibre satisfaisant dans leurs relations, il faut d'abord traiter la cause des tensions : la grave crise du logement que connaît notre pays et qui est la conséquence de votre politique. Votre majorité a sacrifié le secteur de la construction.
Même le journal Le Monde, dans son édition du 1er février 2022, s'en est ému en rappelant que vous avez réalisé 15 milliards d'économies sur ce secteur lors du premier quinquennat.
Votre politique de gribouille en matière de logement social a essoré les finances des bailleurs sociaux en imposant la fameuse taxe pour compenser la baisse des APL. L'État, avec ses grands discours, donne en permanence des leçons de logement social alors qu'il ne subventionne quasiment plus la construction de logements sociaux.
Je peux en témoigner : un programme de construction de sept logements sociaux de la ville de Yerres coûtant 942 000 euros n'a reçu que 20 000 euros d'aide de l'État, soit moins de 2 % du coût total.
Depuis dix ans, les dépenses de l'État en matière de logement social diminuent chaque année.
Aujourd'hui, le logement social repose sur les financements des collectivités locales, que par ailleurs vous avez asphyxiées avec la suppression de la taxe d'habitation, conduisant les communes à augmenter la taxe foncière pour se rattraper, ce qui pénalise d'autant plus les propriétaires qui investissent. Un bailleur social me confiait récemment qu'il y a quinze ans, il pouvait lancer une opération avec seulement 15 % de fonds propre, mais qu'aujourd'hui il lui en faut 25 %. Ajoutez à cela les obligations de rénovation énergétique, qu'ils doivent financer, et vous comprendrez aisément pourquoi le nombre de logements mis en chantier est insuffisant.
Enfin, la crise énergétique, que vous amplifiez en refusant de revenir à un prix national de l'électricité, va, malgré le bouclier, paupériser un peu plus les Français et encore plus les copropriétés et les bailleurs.
En définitive, ce n'est pas une proposition de loi qui traitera le mal à la racine. Il est temps de changer largement de politique pour que chaque Français puisse trouver un toit et vivre dignement.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RN.
Je voudrais répondre à quelques-unes des interrogations et des interpellations qui m'ont été adressées.
Monsieur Peu, vous avez affirmé que la proposition de loi risquait d'affaiblir le droit au logement. En réalité, la majorité a toujours mené une politique ambitieuse dans ce domaine.
Qui a mis en place l'encadrement des loyers ? C'est la majorité ! Qui a mis en place l'été dernier le plafonnement de la hausse des loyers ? C'est la majorité !
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES.
Qui a étendu la garantie Visale ? C'est la majorité ! Qui a imposé des obligations aux propriétaires pour la rénovation thermique des logements pour éviter les passoires thermiques ? C'est la majorité !
Monsieur Peu, nous faisons du « en même temps » : nous menons une politique du logement ambitieuse qui, en même temps qu'elle protège les locataires, fait respecter le droit de propriété. C'est cette politique du « en même temps » que nous cherchons à réaliser.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes RE et HOR.
Je voudrais remercier le groupe LIOT et MM. Lenormand et Naegelen pour leur travail constructif en commission des affaires économiques. Nous avons repris, en commission, certains des éléments des propositions de loi successives de M. Naegelen, et je pense que nous pourrons en reprendre également au cours de la discussion en séance publique.
Je remercie également Paul Midy, pour son soutien sans faille, ainsi que plusieurs autres députés du groupe Renaissance pour leurs ajouts au texte : je pense notamment au renforcement des sanctions à l'encontre des marchands de sommeil, portées à trois ans de prison et 45 000 euros d'amende. Je pense aussi à l'expérimentation de la loi Elan sur l'encadrement des loyers, dont la prolongation a été votée dans le cadre la loi « 3DS » à la suite de la proposition de Mickaël Nogal et Nicolas Démoulin. J'espère que la discussion permettra d'envisager la pérennisation de cette expérimentation.
Madame Grangier, vous estimez que le texte s'inspire de celui proposé par Marine Le Pen en 2021. Ce n'est pas le cas.
Nous n'avons pas attendu la proposition de Mme Le Pen pour nous intéresser aux questions difficiles des situations de squat, puisque nous y avons répondu en 2020 par l'article 73 de loi Asap qui a permis de rendre effective la procédure express d'expulsion des squatteurs qui n'avait pas été modifiée depuis 2007 et qui ne fonctionnait pas. Elle l'a fait en créant des délais, qui n'existaient pas auparavant, en incluant les résidences secondaires, en imposant aux préfectures de répondre aux situations de squat et en autorisant les ayants droit à y recourir.
J'ajoute que la proposition de loi que vous avez déposée le 2 novembre, donc postérieurement au dépôt de la proposition de loi du groupe Renaissance, ne concerne que les squats et n'aborde pas la question des impayés, alors que nous avons choisi de résoudre la situation de propriétaires, qui peuvent se retrouver avec des impayés de loyer pendant plusieurs années. Toutes les affaires récentes, qui ont été relayées par les médias, sont des cas d'impayés : Pierre et Maryse à Marseille, ce sont deux ans d'impayés ; Mégane, dans la Somme, ce sont quinze mois d'impayés.
Je précise que, depuis 2020, dix-huit propositions de loi ont été déposées par divers groupes de cet hémicycle.
Madame Simonnet,…
…je salue votre anaphore « Dehors, expulsion ! ». Vous avez participé avec moi à toutes les auditions menées par notre commission, sauf à celle des représentants des victimes de squatteurs et d'impayés.
Oui, mais les avocats ne sont pas des victimes.
Vous savez bien que la procédure actuelle est extrêmement longue. Imaginons un propriétaire se retrouvant face à une situation d'impayé en janvier 2023. Il doit d'abord procéder à un rappel amiable avant que le commandement de payer ne puisse être adressé au locataire en février. L'assignation en justice ne pourra être faite que deux mois après, soit en avril. Une audience pourra être fixée en juin, mais cela dépend des tribunaux.
Avant que le tribunal ne délivre un constat de résiliation et un commandement de quitter les lieux, plusieurs mois d'attente peuvent encore être nécessaires en raison, par exemple, d'un report d'audience ou d'une demande d'aide juridictionnelle. Il faut encore ajouter plusieurs mois pour la demande de concours de la force publique. Les locataires ou les squatteurs pourront enfin être expulsés des lieux, en dehors de la période de la trêve hivernale, sous réserve d'un éventuel délai accordé par les juges.
Une procédure prévoyant que, un mois après la constatation d'un impayé, c'est « Dehors, expulsion ! », pour reprendre votre anaphore, serait excessive, mais ce n'est pas ce que nous proposons. Nous ne supprimons aucune des étapes de la procédure. Nous nous contentons d'accélérer le délai entre les étapes d'une procédure que nous respectons parfaitement. Certes, nous raccourcissons les délais, mais il ne s'agit pas d'une procédure express, telle qu'elle peut exister dans d'autres démocraties européennes. Nous sommes dans le « en même temps » et dans l'équilibre.
Madame Genevard, je tenais à saluer votre travail et les nombreuses propositions de loi défendues par votre groupe, dont celle de M. Aubert. Vous avez travaillé avec moi dans un esprit constructif. Nous avons essayé de faire atterrir des amendements que vous avez proposés. Certains se sont interrogés sur leur rédaction, mais je pense que la discussion en séance publique sera l'occasion de la clarifier. Vous portez vous-même des propositions d'amélioration rédactionnelle. Elles permettent d'éviter des biais constitutionnels et de préciser le quantum des peines afin de rendre ces amendements opérationnels. Je suis sûr que vous ne regretterez pas que nous puissions voter cette proposition de loi ensemble.
Je tenais également à remercier les membres du groupe Démocrate (MODEM et indépendants) pour leur soutien en commission et pour les avancées qu'ils ont défendues. Certains, parmi vous, veulent aller plus loin sur certains sujets, en proposant notamment l'extension de la procédure prévue à l'article 38 de la loi Dalo. Je pense que nous pourrons trouver une réécriture qui convienne à tous.
Monsieur Leseul, vous déclarez que c'est la crise du logement qu'il faut combattre. Justement, nous ne faisons pas autre chose avec cette proposition de loi. En réalité, c'est parce que l'offre de logements s'est tarie, qu'elle est insuffisante, que les prix augmentent et que la pénurie est apparue. Si l'on veut encourager l'offre – l'investissement locatif, le choix par des propriétaires de mettre en location des biens soit vacants, soit loués sur Airbnb en tant que meublés de tourisme –, il faut apporter un minimum de sécurité en cas de problème.
Si tant de papiers, de garants, de cautions, sont demandés aux candidats à la location, c'est selon moi parce que les propriétaires essaient de se prémunir contre le risque d'impayés. N'opposons donc pas notre action à la lutte contre la crise du logement.
Nous essayons de rassurer les propriétaires qui craignent de louer leur bien à des Français de manière standard, de les dissuader de le proposer comme meublé de tourisme sur Airbnb, en leur garantissant que les loyers impayés ne pourront pas s'accumuler pendant des années, grâce à une procédure accélérée – quoique respectueuse de l'ensemble des étapes.
Je remercie les membres du groupe Horizons et apparentés, notamment M. Pradal, pour leur soutien en commission, répété à la tribune de cet hémicycle Vous défendez des amendements visant à faciliter l'application de la procédure prévue à l'article 38 de la loi Dalo, en autorisant le maire, en tant qu'officier de police judiciaire (OPJ), à constater l'occupation illicite du squat, au même titre qu'un policier ou un gendarme. Ces amendements, qui vont dans le bon sens, pourront sans doute aboutir.
Vous défendez également des dispositifs contre des publications absolument scandaleuses, comme le guide Le Squat de A à Z – j'en apporterai demain un exemplaire.
L'ouvrage instruit chacun – les délinquants, en réalité – sur la manière de choisir son propriétaire pour profiter de l'eau et de l'électricité à tous les étages, et ainsi de suite.
C'est hallucinant !
On ne peut pas laisser passer cela ! Votre proposition a été suivie avec attention par les sénateurs, dont je salue le travail et la constance sur ce sujet. Nous pourrons coconstruire le texte avec eux, en vue de sanctionner plus durement celles et ceux qui font l'apologie du squat et enseignent les manières de contourner la loi ou d'exploiter les ficelles permettant de faire durer le squat.
Enfin, je ne répondrai pas à M. Taché, parce que tout ce qui est excessif est insignifiant.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE ainsi que sur plusieurs bancs des groupes Dem et HOR.
J'appelle maintenant, dans le texte de la commission, les articles de la proposition de loi. Je vous informe qu'en application de l'article 95, alinéa 4, du règlement, l'Assemblée examinera par priorité les articles 2 ter à 5.
Monsieur le rapporteur, avant d'être élu de la République, je travaillais dans une boutique solidarité de la Fondation Abbé-Pierre, où j'accueillais des personnes sans logement, qui dormaient dans des bâtiments abandonnés, pour tenter – je dis bien tenter – de passer une nuit tranquille, loin de la violence de la rue. L'abbé Pierre, qui a donc été mon patron pendant onze ans, disait qu'on ne pleure pas devant des chiffres. Laissez-moi toutefois vous en rappeler quelques-uns, déjà mentionnés dans cet hémicycle : le 115 refuse chaque soir un hébergement d'urgence à 6 000 personnes, dont 1 700 enfants.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Quelque 4 millions de Français connaissent le mal-logement, dont 110 000 chez moi, à La Réunion ; 623 personnes – des hommes et des femmes – meurent chaque année dans la rue. Je vous vois rire, monsieur le rapporteur, mais nous, ça ne nous fait pas rire. Le temps d'attente moyen pour un logement social est de 22,7 mois. Avec cette proposition de loi, vous vous empressez d'envoyer les plus précaires devant le juge, au lieu de diminuer le temps d'attente pour obtenir un logement social ; vous ouvrez aux Français la porte de la prison plutôt que celle d'un logement digne ; vous confirmez que l'Absurdistan est bien la capitale de la Macronie. Cette proposition de loi est une agression envers ceux et celles qui ont trouvé refuge dans un bâtiment inoccupé, après que l'État a failli à sa mission – loger les citoyens. Elle envoie un message clair, net et précis : « Tu veux être logé ? Aie du blé ! » Laissez-moi vous rappeler le slogan de la Fondation Abbé-Pierre : « Soyons humains ».
Monsieur le rapporteur, la pauvreté n'est pas une tare. Soyez humain et revoyez votre texte.
Applaudissements sur les bancs des groupes GDR – NUPES et LFI – NUPES. – Mme Francesca Pasquini applaudit également.
Alors que nous commençons l'examen détaillé du texte, article par article, il importe de préciser notre philosophie, déjà rappelée par M. le rapporteur. Contrairement à ce qui a pu être dit dans la discussion générale, nous voulons défendre les petits propriétaires – ils se définissent souvent eux-mêmes ainsi ; ce sont des Français de la classe moyenne, qui ont hérité d'un bien ou ont acheté une maison ou un appartement pour investir, souvent pour bénéficier de revenus complémentaires, en prévision de leur retraite.
Pas plus tard qu'il y a quelques jours, je tenais une permanence dans ma circonscription, comme beaucoup d'entre vous. J'y ai reçu deux de nos concitoyens, qui avaient insisté pour que je les reçoive rapidement, parce qu'ils savaient que nous allions étudier le présent texte et voulaient témoigner. Ces deux Français, fonctionnaires dans des collectivités territoriales, qui n'ont rien des riches que nos collègues de gauche dénonçaient, avaient acheté un bien immobilier pour assurer leur retraite et aider leurs enfants dans leurs études. Or leurs locataires ont refusé de payer les loyers pendant des mois et des mois. « C'est tout simplement du vol », m'ont dit ces deux personnes, qui ignorent si elles recouvreront les sommes un jour.
En tant que législateurs, nous devrions savoir que le vol est illégal. Rétablissons l'autorité dans notre pays, c'est-à-dire ici le droit de propriété, qui est inviolable et sacré, comme l'ont écrit il y a un peu plus de deux cents ans ceux qui nous ont précédés dans cette fonction.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE. – Mme Maud Petit applaudit également.
C'est l'histoire d'un couple de jeunes de 25 ans, avec deux enfants en bas âge. Le jeudi 12 avril 2012 à quatorze heures, ils sont expulsés de leur logement par un jugement. Cette famille est perdue, le couple est détruit. Les étapes du parcours du combattant s'enchaînent pour la mère et le père, qui essaient de retrouver un logement. Le père n'assume plus son rôle, le couple se sépare, les enfants perdent leurs repères.
Dix ans passent. En 2022, après avoir vécu une suite d'événements tragiques, le père ne visite toujours pas ses enfants, de peur d'être jugé pour ne pas avoir réussi à subvenir aux besoins de sa famille. Cette famille, c'est celle d'un parlementaire assis sur ces bancs, c'est la mienne.
Je vous en supplie, ne perdez jamais de vue que le droit fondamental au logement ne peut être mis au même niveau que la rentabilité financière d'un bailleur ; ce qui relève du droit du commerce ne peut même pas être comparé à ce qui relève de la loi fondamentale. Cette proposition de loi inverse les normes, en rendant le produit de la location d'un bien plus important que le droit à l'hébergement.
Quelque 4 millions de nos concitoyens connaissent le mal logement, tandis que 3 millions de logements sont dits vacants, car les comptes ne sont pas bons, les priorités ne sont pas bonnes. L'auteur de cette proposition de loi s'est lancé, peut-être par démagogie, dans une croisade pour que le droit à la propriété supplante le droit de chacun à dormir au chaud. Tout ce que je vous demande, c'est de ne pas voter cette loi.
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES et Écolo – NUPES. – Mme Danielle Simonnet et M. François Piquemal se lèvent.
« La propriété [est] un droit inviolable et sacré » : c'était la promesse du constituant de 1789. Pourtant, depuis des années, cette promesse est mise à mal, quand elle n'est pas totalement bafouée. Ce sont des situations intolérables, quand on sait que la plupart des propriétaires ne détiennent qu'un seul logement et qu'un tiers d'entre eux sont des retraités pour qui le logement constitue un complément de revenus indispensable, compte tenu du faible niveau de leur pension.
La présente proposition de loi va dans le bon sens en prévoyant un rééquilibrage absolument nécessaire des droits entre locataires et propriétaires. Cette mesure de justice sociale ne concernera en rien tous ceux qui s'acquittent scrupuleusement de leurs loyers, mais durcira les sanctions pénales. Dorénavant, les squatteurs encourront trois ans de prison et 45 000 euros d'amende. Les notions utilisées pour caractériser l'infraction de squat seront clarifiées, ce qui devrait mettre fin aux brèches juridiques dans lesquelles s'engouffrent les squatteurs.
Cette proposition de loi aurait aussi pu donner de nouveaux moyens aux bailleurs pour qu'ils agissent en cas de loyers impayés. Pour cela, un délit d'occupation sans droit ni titre en violation d'une décision de justice du logement d'autrui était initialement prévu. Quel dommage de n'être pas allé jusqu'au bout !
En revanche, le texte sécurisera la portée de la clause de résiliation dans le contrat de bail en la rendant obligatoire, et permettra de revenir sur la capacité du juge à en suspendre l'exécution, sans parler de la réduction des délais dans les procédures contentieuses. Ce sont des points positifs, même s'il serait souhaitable de simplifier la procédure d'expulsion pour la rendre encore plus efficace et, bien sûr, plus rapide. J'ai déposé un amendement en ce sens ; j'espère qu'il sera accueilli favorablement.
Prochaine séance, demain, à quinze heures :
Questions au Gouvernement ;
Suite de la discussion de la proposition de loi visant à protéger les logements contre l'occupation illicite.
La séance est levée.
La séance est levée à vingt-trois heures cinquante-cinq.
Le directeur des comptes rendus
Serge Ezdra