La baisse des APL à laquelle vous avez procédé dans votre précédent quinquennat, puis la réforme des « APL en temps réel », qui a réduit les périodes d'actualisation des droits, se sont traduites, rappelons-le, par une augmentation de l'insécurité financière des locataires les plus modestes.
Après ces premiers coups de canif dans la protection des locataires modestes, et sous couvert d'une volonté de protection des propriétaires, voici donc que vous stigmatisez une fois encore une population socialement précaire, au lieu de créer les protections nécessaires aussi bien pour les locataires que pour les bailleurs.
La loi du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs est un texte reconnu pour son équilibre dans la relation contractuelle entre le propriétaire et le locataire. Pourquoi donc vouloir le bouleverser ? Par cette proposition de loi, vous remettez en cause le corpus de règles patiemment élaborées, l'équilibre entre les parties et la protection du locataire, qui représente la partie réputée la plus faible du contrat.
Il n'est cependant pas question de nier la réalité. Le défaut de paiement d'un locataire peut entraîner des difficultés financières importantes pour le propriétaire quand la location constitue un complément de revenus, notamment pour certaines personnes retraitées, comme l'évoque l'exposé des motifs de la proposition de loi. Une telle situation se révèle particulièrement difficile pour ce type de propriétaires, qui se trouvent démunis et qui subissent des procédures judiciaires souvent trop longues.
Il n'est pas non plus question de nier les difficultés pouvant survenir dans la relation contractuelle entre le propriétaire-bailleur et le locataire. Cependant, ce n'est pas par la stigmatisation et la pénalisation des locataires les plus précaires que nous pourrons les protéger, ainsi que les propriétaires, vis-à-vis des accidents de la vie.
Vous proposez, entre autres mesures, de réduire de deux à un mois le délai incompressible devant séparer l'assignation de l'audience dans la procédure de défaut de paiement. Or cette proposition se fait au mépris de la finalité même de ce délai et de la réalité du terrain. En effet, ce délai est destiné à permettre aux autorités préfectorales de saisir l'organisme compétent désigné par le plan départemental d'action pour le logement et l'hébergement des personnes défavorisées (PDALHPD), afin que celui-ci réalise un diagnostic social et financier, lequel sera transmis à l'audience et à la Commission de coordination des actions de prévention des expulsions locatives.
Ce délai permet donc de réaliser un travail d'accompagnement social et de tenir compte de la situation réelle des locataires en situation d'impayés. Le réduire ferait courir le risque de rogner cet accompagnement social dont les locataires ont besoin et qui gagnerait même à être accru. Cette proposition relative au défaut de paiement des locataires manque donc sa cible. Au lieu de stigmatiser les locataires en difficulté, il est urgent d'augmenter leur protection, tout comme celle des bailleurs, et de poursuivre la réécriture de la proposition de loi.
Protéger les locataires ne se fait pas au détriment des propriétaires : au contraire, protéger les locataires, c'est aussi protéger les propriétaires.
Plutôt que d'obliger l'introduction d'une simple clause de résiliation du bail dans le contrat de location, vous auriez pu proposer une obligation de souscription à une assurance relative aux loyers impayés sur le modèle de l'assurance locative, et essayer d'améliorer les dispositifs existants.
Plutôt que de pointer du doigt les ménages les plus en difficulté, nous continuons de réclamer une augmentation des salaires, à commencer par le Smic, et l'ouverture d'une conférence nationale sur les salaires.
Plutôt que de pénaliser, voire de criminaliser le défaut de paiement, nous proposons d'étendre le plafonnement des loyers dans les zones tendues et d'augmenter les aides au logement.
Pour répondre au squat, il convient d'augmenter le nombre de logements d'urgence.
Pour répondre au mal-logement, il est urgent de construire des logements sociaux et de lutter contre les locaux vides.
Dans un contexte de forte inflation, qui affecte particulièrement nos concitoyens les plus modestes, et dans une période où la situation des locataires est de plus en plus précaire, notamment en raison des hausses de charges de chauffage et d'énergie et de l'augmentation des loyers, il serait dangereux de fragiliser davantage la situation des locataires.
Il est à craindre que cette proposition de loi, inutile sur le fond, voire nocive dans son application, devienne dans les mois à venir une machine à créer des SDF, comme le craignent l'ensemble des associations œuvrant contre le mal-logement. À l'heure où la France compte 4 millions de mal-logés, 2,2 millions de demandeurs de HLM et 77 000 ménages à reloger au titre de la loi Dalo, et alors que notre pays compte 3,1 millions de logements vides, je répète que votre texte se trompe de cible. C'est la crise du logement qu'il faut combattre, non ses victimes.