Mais c'est bien aux plus fragiles et aux locataires en difficulté que vous avez décidé de vous attaquer.
Monsieur le rapporteur, peut-être avez-vous été vexé du retrait de l'article le plus brutal de votre proposition de loi, l'article 3, qui visait à créer une sanction pénale pour les personnes qui resteraient dans leur logement lorsqu'une procédure d'expulsion était enclenchée, alors même qu'ils n'auraient nulle part où aller ? Mais vous saviez que vous pouviez compter sur les députés du groupe Les Républicains et ceux du groupe Rassemblement national pour y ajouter une dose encore plus forte d'inhumanité. C'est d'ailleurs ce qu'ils ont fait en commission, en créant deux nouveaux articles nauséabonds.
L'un prévoit de libérer le propriétaire d'un bien immobilier de son obligation d'entretien du bien lorsque celui-ci est occupé sans droit ni titre, constituant un véritable blanc-seing donné aux marchands de sommeil. Cette disposition visera désormais la famille qui arrêterait de payer le loyer, alors que des moisissures empêchent les enfants de respirer, ou que le balcon ou le plafond menace de s'effondrer.
L'autre qualifie de vol l'occupation sans droit ni titre d'un logement, ouvrant la voie aux sanctions prévues par le code pénal pour ce délit – sanctions qu'on croirait sorties d'un mauvais film de science-fiction. Soyons clairs, chers collègues, la définition du logement inclut non seulement le domicile, mais également n'importe quel immeuble à usage d'habitation. Mais lisons plutôt : vous voulez, monsieur le rapporteur, tripler cette peine et l'étendre à l'occupation de tout type de logement, assimilant donc cette occupation à un vol et lui appliquant les circonstances aggravantes prévues pour ce délit.
Ainsi, le locataire dont le bail a été résilié à la suite d'impayés de loyer risquera désormais trois ans de prison, sans que ses difficultés – divorce, maladie, perte d'emploi – soient prises en considération et peu importe qu'il ait été ou non accompagné. L'accompagnement est pourtant peu probable puisque, depuis 2017, les aides au logement n'ont cessé de diminuer.
En raisonnant toujours à partir de la définition du vol, votre texte pourrait également conduire à punir de sept ans de prison l'occupant sans droit ni titre d'un entrepôt où, par exemple, une mère sans abri et son bébé souffrant du froid pourraient se réfugier. Cette sanction serait finalement plus lourde que celle s'appliquant à un délit d'initié ou à un conflit d'intérêts – CQFD.
Enfin, vous proposez que cette peine, puisque je rappelle que l'article 1er apparente l'occupation sans droit ni titre à un vol, soit étendue à quinze ans années de réclusion quand l'occupation est commise en bande organisée. Les militants du droit au logement, présents ce soir à proximité de l'Assemblée nationale, ne seront donc pas traités comme des voleurs, c'est vrai, mais comme des assassins, en encourant quinze ans de prison. Avec ce texte, chers collègues, la mafia du mal-logement à de beaux jours devant elle. Mais c'en sera fini des défenseurs des mal-logés.