La séance est ouverte à quinze heures quinze.
La commission auditionne des dirigeants des chaînes TNT gratuites du groupe Canal+ (C8 et CStar)
- M. Gérald-Brice Viret, directeur général de Canal+ France, en charge des antennes et des programmes
- Mme Laetitia Ménasé, secrétaire générale du groupe Canal+
- M. Christophe Sabot, directeur général de CStar
- M. Franck Appietto, directeur général de C8
- Mme Jaleh Bradea, référente diversité pour le groupe Canal+ auprès de l'Arcom et rédactrice en chef et animatrice de l'émission « Envie d'agir » sur C8
Nous poursuivons nos auditions consacrées au groupe Canal+ de ses chaînes TNT gratuites :
– C8 – anciennement Direct 8, lors de sa création par le groupe Bolloré, puis D8, à la suite de son rachat par le groupe Canal+ – diffusée sur la TNT depuis 2005
– et CStar – rachetée à Lagardère Active par le groupe Bolloré en 2010 et renommée Direct Star, le groupe Canal+ en fait l'acquisition en 2012 et la renomme D17 puis CStar –, également diffusée sur la TNT depuis 2005.
Leurs autorisations d'émettre ont été reconduites hors appel à candidatures en 2019 et arriveront à échéance, respectivement, le 28 février 2025 et le 31 août 2025.
M. Gérald-Brice Viret, directeur général de Canal+ France, en charge des antennes et des programmes, et Mme Laetitia Ménasé, secrétaire générale du groupe Canal+, continuent de répondre à nos questions. Je souhaite la bienvenue à M. Christophe Sabot, directeur général de CStar, à M. Franck Appietto, directeur général de C8, et à Mme Jaleh Bradea, référente diversité pour le groupe Canal+ auprès de l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom) et rédactrice en chef et animatrice de l'émission « Envie d'agir » sur C8.
Je vous donnerai la parole pour une intervention liminaire, comme nous l'avons fait lors des précédentes auditions Nous aurons ensuite, pour rappel, un temps de questions du président et un temps de questions du rapporteur, pour une durée de vingt minutes dans un premier temps. Ensuite, je donnerai la parole aux députés membres de la commission d'enquête, qui disposeront de trois minutes, éventuellement fractionnables en deux temps, c'est-à-dire avec une capacité de rebond. Les députés non membres de notre commission, eux, disposeront de deux minutes au total, avec cette même possibilité de rebond. M. le rapporteur pourra ensuite poser des questions complémentaires.
Je rappelle également que, le 14 mars, se tiendra l'audition de M. Cyril Hanouna – animateur et producteur important de C8 –, qui a finalement accepté la date et l'heure de l'audition. Vous aurez alors, mes chers collègues, la possibilité de poser des questions plus concrètes et plus en profondeur.
Monsieur Viret, madame Ménasé, monsieur Sabot, monsieur Appietto, madame Bradea, je vous prie de déclarer tout autre intérêt public ou privé de nature à influencer vos déclarations.
L'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires impose aux personnes auditionnées par une commission d'enquête de prêter le serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité.
(M. Gérald-Brice Viret, Mme Laetitia Ménasé, M. Christophe Sabot, M. Franck Appietto et Mme Jaleh Bradea prêtent successivement serment.)
Je vous remercie pour l'organisation de cette audition, qui me donne l'occasion de parler de la chaîne de télévision que j'aime le plus et que je connais le mieux, mais qui demeure trop méconnue dans ses particularités et ses réussites – C8. Je m'appelle Franck Appietto et je suis né le 12 août 1964 à Tunis. Je suis le directeur général de C8 et, à ce titre, c'est moi qui ai signé en 2019 la convention de la chaîne avec ce qui était alors le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA).
La télévision était pour moi un moyen de m'ouvrir sur le monde et j'ai très vite voulu y travailler. J'ai intégré dès 1991 une entité du groupe Canal+ en tant que deuxième assistant réalisateur stagiaire. J'ai très vite évolué, passant au statut de premier assistant. J'ai ensuite eu l'opportunité de réaliser des émissions en extérieur. Cette période m'a permis d'apprendre tous les métiers de la télé et leur importance pour la bonne réalisation d'un projet – cadre, direction photo, prise de son et montage. Mais nous ne sommes pas aux César ; j'ai vite compris que je ne serais pas le Steven Spielberg de la télévision et que mes compétences étaient plus fortes dans l'organisation et le contenu éditorial. Je me suis donc tourné vers la production. J'ai eu la chance de m'occuper de programmes de flux pour de nombreuses chaînes – Canal Jimmy, Ciné Cinémas, Ciné+ Classic, TMC, Comédie+, Cuisine TV, TV Maison. J'ai restructuré les chaînes documentaires Planète et lancé de nouvelles chaînes. Après le rachat de Direct 8 par le groupe Canal+ en 2012, j'ai été nommé directeur des flux et j'ai participé au lancement du « Grand 8 » présenté par Laurence Ferrari avec, entre autres, Roselyne Bachelot et Audrey Pulvar. J'ai aussi développé aux côtés de Cyril la nouvelle formule de « Touche pas à mon poste ! » (TPMP), qui avait été créée sur la chaîne du service public France 4 en hebdomadaire et qui est arrivé en quotidien et en direct sur D8, devenue C8, dont j'en ai pris la direction en 2017.
Mon parcours est donc celui d'un homme de télévision de terrain, qui travaille pour C8 depuis plus de dix ans. J'ai lancé un très grand nombre de ses émissions, tous genres confondus, et j'ai donc le recul nécessaire. Ce recul me permet aujourd'hui d'affirmer devant vous que je suis fier de diriger C8. Je suis le porte-parole de 91 salariés de C8, des techniciens qui travaillent avec nous sur les plateaux, des producteurs qui travaillent avec nous et de tout cet écosystème qui crée de l'emploi. Tous ces gens sont fiers de travailler pour cette chaîne qui a une place unique dans le paysage audiovisuel français (PAF), une chaîne exemplaire à plus d'un titre mais qui, malheureusement, fait parfois l'objet de contrevérités. À ses débuts, la TNT a été accusée d'être un robinet à séries américaines, mais Direct 8 – D8 puis C8 – s'est toujours démarquée, d'abord en raison de sa convention. C8 se doit de respecter – et respecte – un volume De programmes inédits fixé par la convention avec l'Arcom à sept heures par jour. C'est énorme, d'autant que la définition de l'inédit est différente de celle des autres diffuseurs : sur C8, seule la première diffusion d'un programme jamais diffusé est considérée comme inédite, alors que chez nos concurrents de la TNT, la première diffusion d'un programme inédit ainsi que ses rediffusions seront considérées comme de l'inédit. Une charge particulière, éditoriale et donc financière, pèse donc sur nous. De cette contrainte, nous avons fait une force. Le direct est essentiel pour nous. Dès 2005, Direct 8 en a fait sa spécificité. Le direct nous permet de prendre le pouls de la société quotidiennement, avec « William à midi ! » (WaM), présenté par William Leymergie, « PAF » présentée par Pascale de La Tour du Pin et TPMP présenté par Cyril Hanouna. C8 propose aussi une grande diversité de programmes : des magazines inédits, de la fiction, parfois inédite – je fais référence à Access, une série écrite par un Ahmed Sylla, aux Ombres rouges, produite par Banijay Studios, et à Safe, d'après un roman de Harlan Coben –, et des documentaires inédits. C8 dépasse largement ses objectifs, tant en matière de part d'œuvres d'expression originale européenne – avec un taux de 84 % pour 60 % imposés – que d'œuvres d'expression originale française – avec un taux de 57 % pour 40 % imposés. Nous faisons donc rayonner la création audiovisuelle inédite française sur notre antenne bien plus que ce qui nous est demandé.
C8 est vraiment la chaîne de la diversité, à plus d'un titre. La variété des programmes est réelle et je peux vous en citer un certain nombre qui, loin d'être isolés, sont des piliers de notre grille : « Envie d'agir », une émission sur la solidarité, l'égalité des chances, l'égalité des sexes, présentée et rédigée par Jaleh Bradea, qui en est la rédactrice en chef ; « Jeunes : objectif boulot » (Job) présenté par Albert Batihe, un guide pratique des métiers pour les jeunes – très apprécié à l'heure où l'orientation est si compliquée ; « Le Déclic ! », présenté par Edouard Barthès, une émission d'interviews de chefs d'entreprise sur leur prise de conscience pour lutter contre le réchauffement climatique ; « Le Mag qui fait du bien », présenté par Karine Arsène, consacré aux pratiques et aux croyances extrême-orientales. Chacune de ces émissions est un rendez-vous hebdomadaire. C8 est la seule chaîne à consacrer une journée entière à la cause animale avec deux productions inédites : « Les animaux de la 8 », présenté par Elodie Ageron et Sandrine Arcizet et la série documentaire « Animaux à adopter ». Ce programme nous a valu la reconnaissance du président de la Société protectrice des animaux (SPA), qui, en 2022, a eu la gentillesse de nous informer par courrier que la SPA avait battu son record d'adoption depuis sa création grâce à cette émission.
Je voudrais aussi évoquer avec vous les émissions culturelles, en commençant par l'émission « Voyage au bout de la nuit », seul programme mettant en avant l'exercice de la lecture d'œuvres littéraires et dans le cadre duquel nous avons collaboré avec le ministère de la culture pour une émission spéciale – « L'Art de dire ». Enfin, nous diffusions une émission de grande qualité consacrée à la scène culturelle dans toutes ses dimensions, « L'Essentiel chez Labro ». Philippe Labro accompagne C8 depuis les débuts de l'aventure Direct 8. Il est un pilier de notre chaîne et a toujours veillé à ce que la culture occupe une place importante sur nos antennes.
Les engagements sociétaux de la chaîne sont forts : 47 % des incarnations de notre chaîne sont féminines. Il s'agit d'un taux légèrement supérieur à la moyenne du PAF, qui est de 46 %, mais bien supérieur à celui des chaînes généralistes privées, dont le taux de représentation des femmes est de 31 % suivant le baromètre publié par l'Arcom en mars 2023. Beaucoup des émissions que j'ai citées sont non seulement incarnées par des femmes, mais conçues et rédigées par elles. L'article 2-3-12 de la convention est ainsi respecté. C'est aussi le cas de l'article 2-3-3 sur la diversité, à laquelle je suis très attachée à titre personnel. Je vous invite par exemple à regarder « TPMP ouvert à tous », qui, depuis 2017, tous les vendredis, invite autour de sa table des personnes en situation de handicap, visibles ou non, comme chroniqueur à part entière. Cyril Hanouna est le seul producteur-animateur à le faire. Nous diffusons depuis des années des événements au profit d'associations de grandes causes comme « Pyschodon » sur la santé mentale ou « Leurs Voix pour l'espoir », pour la recherche contre le cancer du pancréas, mais aussi des documentaires engagés comme Femmes battues, violences au cœur des foyers ou Tous solidaires : ensemble contre la précarité. En 2024, C8 continuera à s'engager avec un grand nombre de soirées consacrées par exemple au harcèlement scolaire, à la dangerosité des écrans pour les jeunes, aux familles monoparentales, à l'autisme ou à la maladie d'Alzheimer. Nous respectons également tous nos engagements en matière de programmes sous-titrés et audiodécrits conformément aux articles 3-1-3 et 3-1-4 de la convention. Tout cela témoigne de notre engagement à faire une télévision pour toutes et tous.
Voilà quelques-unes des raisons qui me rendent fier de diriger C8. Aujourd'hui, nous diffusons à l'antenne plus de 2 700 heures de programmes inédits par an, soit le volume le plus important des nouvelles chaînes TNT, ce qui représente un investissement financier et humain conséquent. Nous réalisons près de 1 000 heures de direct alors que nous savons tous, en tant que professionnels de l'audiovisuel, que le direct est risqué techniquement et humainement, avec notamment la question de la maîtrise de l'antenne. Nous assumons cette prise de risque. Elle est notre spécificité. Sur ce volume de direct, un pourcentage infinitésimal a fait l'objet d'une mise en garde, d'une mise en demeure ou d'une sanction de l'Arcom : ce taux est très exactement de 0,07 % pour l'année 2023 et il descend à 0,01 % si on enlève les séquences concernant la publicité clandestine pour laquelle toute la durée de l'émission est prise en compte quand une marque est visible. Mais chaque séquence compte et suis bien sûr à votre disposition pour évoquer tout ce que nous avons mis en place pour renforcer nos contrôles.
En conclusion, je vous invite à lire le bilan de l'Arcom concernant C8. Nos obligations sont très nombreuses, mais elles sont respectées, voire dépassées. Nous sommes la chaîne numéro un de la TNT en termes d'audience et, selon une enquête de l'institut CSA auprès de nos téléspectateurs réguliers, C8 bénéficie d'une très bonne image : 77 % estiment que C8 est une chaîne qui donne la parole à tout le monde, 77 % estiment que C8 a une grande liberté de ton, 76 % jugent C8 moderne et 75 % jugent que C8 s'adresse aux jeunes alors qu'il s'agit d'un public qui se détourne de la télévision linéaire mais qui est très présent sur notre chaîne. Nous réalisons tout cela en restant dans un format contraint, qui fait notre originalité : du direct, de l'inédit, de l'animation, de l'engagement et de la diversité qui plaisent aux téléspectateurs.
Hormis durant quelques courtes interruptions, je suis le directeur de CStar depuis 2005. Je connais donc bien le modèle de cette chaîne car j'ai participé à toutes ses évolutions depuis sa création. Avant de diriger CStar, j'ai été directeur des programmes des radios du groupe NRJ, tant en France qu'à l'international où le groupe se développait notamment en Allemagne, en Suède et en Belgique. J'ai été membre du directoire de 1989 à 1999. En 2000, j'ai intégré le groupe Lagardère comme directeur général du pôle musique, constitué des radios musicales Europe 2 et RFM et des chaînes musicales MCM et Mezzo. Depuis mon premier emploi en 1985, je n'ai travaillé que dans des groupes détenant des médias dans lesquels la musique est centrale. En 2005, j'ai défendu devant le président Dominique Baudis et le collège du CSA l'intérêt d'une chaîne musicale dans le nouveau paysage audiovisuel qui se profilait. Nous avons été entendus et Europe2 TV a été créée avec une part de musique à hauteur de 75 % à son démarrage. Nous avons appris, comme les autres chaînes, à construire notre audience et notre identité de marque dans le paysage de la TNT, nouvellement proposée au public. La révolution digitale a bouleversé les équilibres originels de la chaîne, mais également de l'ensemble de la filière musicale. En concertation avec des syndicats représentant l'ensemble des métiers de la musique et la Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (Sacem), nous avons demandé un aménagement de la convention adaptée à ces nouveaux usages. Cette évolution, validée par le CSA et la filière musicale, a permis de trouver un public plus large, d'améliorer notre offre musicale et de trouver progressivement une rentabilité financière.
CStar offre aujourd'hui un large spectre d'esthétiques musicales qui va de la musique urbaine à la pop, de l'électro au rock, du métal aux musiques du monde. Nous mixons les nouveautés avec des titres plus anciens, des nouveaux talents avec des artistes de patrimoine. Les artistes les plus diffusés sur la chaîne représentent cette diversité : Vianney, Angèle, Slimane, Aya Nakamura, Clara Luciani, Eddy de Pretto, Louane, KeBlack, Claudio Capéo, mais aussi Juliette Armanet, Jungeli, Pierre de Maere, Zaho de Sagazan, Dadju, Vitaa, Neige, Christophe Maé, Hoshi ou Pierre Garnier. Je ne parle pas des internationaux, car l'essentiel de la programmation de la chaîne est dédié aux chansons françaises. Au-delà de la musique, nous proposons un ensemble diversifié de programmes culturellement en phase avec le public, en attente de musique et de divertissement, grâce à des documentaires musicaux, à des journées spéciales consacrées à un artiste ou à un courant musical, à des concerts, à des informations journalières sur l'actualité de la musique, mais aussi à des films, des séries et d'autres programmes de divertissement.
Afin d'appréhender la grille des programmes de CStar, j'exposerai quelques éléments contextuels pour mieux comprendre le cycle de la consommation de la musique selon les âges. L'enfance est le moment de la première découverte par la consommation de la musique en famille. On découvre de la musique à travers l'écoute des parents et des frères et sœurs. L'adolescence, ce sont les copains à l'école et sur les réseaux sociaux mais aussi les plateformes digitales comme Spotify, Deezer et YouTube, la radio, et la télévision à travers les clips ou les émissions comme « The Voice » et « Star Academy ». La musique devient alors un marqueur social identitaire, d'appartenance à un groupe, à une communauté. Elle est revendiquée et participe au processus d'émancipation propre à cette période de la vie.
Jeune adulte, au-delà du flux de consommation générale, l'individu cherche encore à découvrir de nouveaux talents et de nouveaux artistes. Ses goûts musicaux sont néanmoins quasiment arrêtés. Ils seront le socle de sa culture musicale et de tous les univers attenants : le partage de souvenirs avec la famille, avec les amis, durant les concerts ou les festivals, mais aussi à travers le cinéma, avec les bandes originales des films cultes ou les séries, avec les génériques des séries partagées avec les amis. Adulte, la consommation de musique est principalement constituée de titres aimés plus jeune et l'envie de découverte est moindre, voire inexistante chez certaines personnes. La télévision retrouve une place majeure avec les madeleines de Proust que sont les clips. Cette génération a grandi avec « Hit Machine » sur M6, avec MCM et avec MTV, mais aussi avec des émissions à l'heure de grande écoute ou prime time sur TF1, sur M6 ou sur France 2 avec, par exemple, « Taratata ». Ces programmes sont partagés en famille avec quelques tubes du moment et beaucoup de titres anciens revisités en duo ou en chorale avec de nouveaux arrangements. Les parents connaissent les chansons, les enfants les découvrent. C'est un dialogue intergénérationnel. En résumé, le cycle de la musique passe par les réseaux sociaux, la diffusion de programmes en continu (ou streaming ), la radio, la télévision, quand le clip est disponible, les télé-crochets ou talent shows et, pour certains, les concerts et les festivals.
Quelle est la place de CStar dans ce cycle ? Depuis le début et sur toute la musique, nous avons respecté l'intégralité de nos quotas conventionnels et nous sommes même allés bien au-delà. Nous avons fait des études auprès des téléspectateurs et travaillé sur des alternatives par rapport aux autres chaînes de la TNT, qui est un marché ultraconcurrentiel, avec des mouvements agressifs dans la conquête de nouveaux téléspectateurs. La musique intéresse plutôt un public jeune adulte. Notre cœur de cible est la tranche d'âge 25-49 ans. Les émissions de time étant en général plutôt consommées par les adultes, l'âge moyen de la chaîne aujourd'hui est de 51 ans, ce qui est plutôt jeune pour une chaîne de télévision.
Nous avons construit une offre de programmes adaptés à ce contexte de marché et à nos engagements conventionnels. La musique est diffusée en matinée principalement en raison de la disponibilité du public et d'une concurrence moindre. Les radios musicales à ces horaires proposent majoritairement des matinales ou morning shows avec peu de musique. Nous sommes donc la seule offre disponible, avec W9, sur le segment de la musique. Les études confirment que le flux musical est plus écouté que vu à ce moment de la journée. L'écran de télévision reste un support de diffusion majeur, mais, à la différence du téléphone, de la tablette ou de l'ordinateur, il n'est pas transportable à l'intérieur du foyer ni en transport. Toutefois, le lecteur vidéo ou player de la chaîne disponible chez tous les opérateurs de téléphonie mobile permet de poursuivre la consommation de ce flux musical. Nos programmes sont donc très musicaux de six heures à neuf heures trente, réunissant le plus large public de générations différentes.
Durant les matinées, à partir de neuf heures trente, dix heures, nous diffusons sous formes de clips un ensemble de thématiques, accompagnées de modules d'information musicale. Ces programmes sont déclinés l'après-midi : « Top France », qui est animé par une voix off, diffuse les quinze titres francophones les plus consommés en France, en streaming, en radio et à la télévision ; « Top clip », qui est lui aussi animé par une voix off, diffuse les quarante titres francophones et internationaux les plus consommés sur streaming, radio et télévision ; « Top albums » est le classement officiel des ventes d'albums en France ; « Top streaming » est le classement officiel des titres les plus consommés en streaming. Ces classements nous sont fournis par le Syndicat national de l'édition phonographique (Snep), qui est le syndicat de l'édition musicale des majors, et par l'Union des producteurs phonographiques français indépendants (UPFI).
Ces programmes sont produits soit en plateau avec des animatrices, soit accompagnés d'une voix off et fournissent des informations de l'actualité, ainsi que des rappels de référentiels et d'anecdotes. L'attente du public à ces horaires est relativement simple : les titres du moment ou de la nostalgie. La diffusion de concerts est appréciée en soirée. Tel un film, c'est un programme d'attention, un choix déterminé, un choix de fan. Les thématiques musicales spécifiques, qu'il s'agisse de nouveaux talents, de l'électro, du hip hop ou du rock, sont généralement diffusées en soirée à l'attention d'un public de niche. Nous allons chercher un public de spécialistes. La consommation de musique sur CStar en soirée est différente de celle du matin : elle est plus attentive, avec une demande de contenus plus riches. Les documentaires sont appréciés en journée et en prime, quand ils sont consacrés à des artistes regrettés.
Vous connaissez le reste de la grille : cinéma, séries et documentaires. La grille de notre chaîne générationnelle constitue un ensemble cohérent, ciblé sur un public âgé de 25 à 49 ans amateur de musique.
Madame Bradea, pourriez-vous présenter très rapidement votre parcours et votre rôle sur la chaîne ?
J'ai rejoint le groupe Canal+ en 2014, après avoir contribué à créer la chaîne Canal+ outre-mer, qui est d'ailleurs toujours disponible en corner digital sur MyCanal. J'ai eu la chance de pouvoir faire un métier de mes combats et de mes engagements liés à mon chemin de vie, en particulier en étant référente diversité pour le groupe Canal+ auprès de l'Arcom. Ces engagements se manifestent derrière l'écran par mes combats de tous les jours et devant l'écran par l'émission « Envie d'agir ». Un petit livret la présentant vous a été distribué. Cela me fait plaisir de vous la faire découvrir.
J'appartiens à une génération qui a regardé beaucoup de clips vidéo diffusés à la télévision. Aujourd'hui, j'en regarde moins car je peux les trouver à la demande sur YouTube ou sur d'autres applications de streaming. Je n'ai donc plus à m'adapter aux horaires de diffusion de la télévision. Quel est l'avenir des clips à la télévision, sur le linéaire et, plus spécifiquement, sur la TNT ?
Leur avenir n'est pas radieux, mais il est confortable, d'abord parce que tout le monde n'a pas accès aux plateformes, même si c'est le cas de la majorité. La deuxième raison est que le média télé est certes vieillissant, mais il propose – pardonnez-moi l'expression – du prémâché. Sur une plateforme, il faut chercher titre par titre ou par playlist. Les programmes que j'ai cités proposent des playlists, nous sommes donc assez proches du fonctionnement d'une plateforme. Nos playlists sont programmées à des horaires définis. Enfin, nous diffusons des programmes exclusifs : documentaires, concerts, interviews, informations. Le clip est l'un des principaux supports de diffusion de la musique. Les artistes s'y investissent fortement car les clips sont un support d'image. Les documentaires ou les informations ne sont pas disponibles en temps réel sur YouTube. Le direct quotidien est ce qui fait la force de la télévision.
La télévision nous permet effectivement de sortir des bulles dans lesquelles nous nous enfermons tous, notamment à travers les applications et les playlists proposées. C'est important pour les découvertes et donc pour l'émergence et la diversité.
Monsieur Appietto, votre parcours – d'assistant réalisateur à directeur de chaîne – atteste que vous êtes un homme de contenu. Après de nombreuses heures d'audition, j'observe que tous les postes importants dans l'audiovisuel, privé comme public, sont détenus par des professionnels du contenu. Quelle plus-value pouvez-vous apporter comme directeur de chaîne en tant qu'homme de contenu ayant gravi tous les échelons ?
L'obligation de C8 en termes d'heures d'inédits – sept heures – est la plus importante de l'ensemble des chaînes présentes sur la TNT et ce, depuis Direct 8. L'inédit est sans doute ce qui motive le téléspectateur à allumer sa télévision plutôt qu'à regarder le streaming ou la télévision de rattrapage ou replay sur les plateformes. Les inédits représentent toutefois un risque, notamment par le direct, pour les animateurs, les journalistes et les invités. Peut-on encore se permettre de couper le flux en cas de dérapage ? Qui prend la décision de couper ou ne pas couper en régie ? Pensez-vous que le volume de sept heures d'inédits est excessif ou, au contraire, qu'il est insuffisant ? Existe-t-il un danger dans ce volume ou plutôt dans les différentes définitions du volume d'inédit selon les chaînes ?
Nous posons la même question à toutes les chaînes : que se passe en interne après que l'Arcom ait prononcé une sanction ? Une réunion est-elle décidée ? Si oui, à quel niveau ? Comment le débrief après l'incident ayant suscité la sanction se déroule-t-il ? Quels types de mesures sont éventuellement prises pour éviter qu'il ne se reproduise ?
Comme vous l'avez dit, je suis un homme de terrain : j'ai commencé dans un coin, sur un tabouret, non dans un fauteuil de direction.
Je suis aussi un homme de contenus, et tout se passe très bien avec les gens d'autres horizons car nous sommes complémentaires. Cela me permet d'être fortement impliqué auprès de tous les producteurs. Nous diffusons donc sept heures de programmes inédits : cinq heures aux heures de grande écoute et deux heures la nuit. Les directs remplissent en partie ce quota, mais nous devons aussi produire un très grand nombre de magazines et de documentaires puisque, selon le décompte de l'Arcom, n'est considérée comme un programme inédit que la première diffusion.
Je m'implique beaucoup dans les contenus, en vue de proposer la meilleure narration possible. J'ai des marottes, notamment en histoire – je suis spécialiste d'Égypte antique. Le fait d'avoir pratiqué tous les métiers me permet de lire exactement un budget : selon le thème et le tournage d'un projet, je peux évaluer le nombre d'heures que nous passerons en postproduction ou en mixage. À ce titre, je participe à de nombreuses réunions avec nos collaborateurs et je m'engage pour que mon équipe s'implique et évolue.
Nous avons fait de l'inédit une force. Aucune équipe n'est plus heureuse que celle de C8 : la programmation est si riche et si diverse que nous n'avons pas de temps pour la routine. C'est aussi ce qui fait l'attractivité de notre travail au quotidien.
La définition de l'inédit me semble toutefois un peu injuste : malgré un statut et des structures similaires à ceux des chaînes concurrentes – TMC, W9, etc. –, nous sommes obligés de produire, donc d'investir, trois fois plus, ce qui a des conséquences sur la potentielle rentabilité de la chaîne.
J'en viens au risque du direct. En 2012, « Le Grand 8 » a été lancé dans une autre configuration, sous la forme d'une émission enregistrée. J'avais beau piloter l'émission, nous n'y arrivions pas : nous n'avions pas le ton et l'édito était en rupture avec l'ambiance de l'émission – une émission est une machine qui se règle au millimètre près. Le direct provoque chez les talents à l'antenne et dans l'équipe technique une adrénaline que l'on ne retrouve pas lorsque l'on enregistre les émissions. Avec Ara Aprikian, nous avons pris la décision que « Le Grand 8 » serait diffusé en direct.
Cyril Hanouna, dont j'imagine que nous allons beaucoup parler, a un rythme naturel très rapide et plusieurs passions. Non seulement il anime « Touche pas à mon poste ! » (TPMP), une quotidienne très longue, mais il produit aussi « PAF », l'émission de Pascale de La Tour du Pin, qui nécessite une équipe nombreuse et un temps important de préparation. Cela lui permet d'interpeller sa base de fans ou fanbase, par le biais des réseaux sociaux, et de recevoir des appréciations sur les émissions. Il arrive que le minutage prévu en début de journée soit modifié si les téléspectateurs s'ennuient. Des invités sont ainsi fréquemment restés dans le couloir et des divertissements laissés de côté durant toute la durée de l'émission.
Le direct est très important pour nous en tant qu'il nous met en lien avec les téléspectateurs. Oui, c'est une prise de risque. Nous sommes évidemment organisés pour essayer de ne pas connaître de difficultés à l'antenne, mais le direct crée la fulgurance. Une phrase suffit à ce que les choses basculent.
Deux personnes sont constamment présentes en régie – Alexandre Israël, le directeur des flux, secondé par Pauline Charmes – ainsi que deux personnes de la conformité. En amont, des vérifications sont faites pour imposer des pictogrammes lorsque c'est nécessaire. Vincent Pujol, directeur des programmes, et moi-même pouvons également être présents en régie. La diffusion est donc très encadrée, mais, du fait du direct, il y a des choses que nous ne pouvons pas anticiper, qui créent une difficulté à l'antenne.
Que se passe-t-il en régie lorsque l'on voit que les choses vont trop loin, qu'elles dérapent ou sont difficiles à reprendre, et que l'on se demande s'il est nécessaire de couper ? D'ailleurs, que diffuse-t-on, lorsque l'on coupe ? Un écran noir ou gris ?
Une bande de secours est prévue. Cela peut être un écran publicitaire, si vingt minutes se sont écoulées depuis la précédente publicité.
Elle dépend de moi, si je suis présent en régie. Dans le cas contraire, je suis généralement devant mon écran, avec le portable à portée de main, pour intervenir. Sinon, la décision est prise par Vincent Pujol, le directeur des programmes, ou par Alexandre Israël, le directeur des flux. Pauline Charmes en a aussi la possibilité. Tout cela se fait en collaboration avec Lionel Stan, le directeur général de H2O Productions, la société de Cyril Hanouna.
Lors d'une sanction de l'Arcom, quelle suite est donnée en interne ? À quel niveau vous réunissez-vous ? Qu'est-ce qui est prévu pour anticiper et empêcher ces difficultés du direct ?
Très vite, nous organisons une réunion avec les équipes de H2O et de C8. Nous débriefons l'incident et essayons d'anticiper une saisie de l'Arcom, voire une sanction. Ce n'est pas un moment de grande sérénité : il y a en général des échanges musclés entre nous. Nous nous devons de débriefer ce qui s'est passé et d'anticiper pour que l'incident ne se reproduise pas.
Selon la règle de l'Arcom, nous le rappelons, c'est l'éditeur, non le producteur ou l'animateur, qui est sanctionné.
La convention de C8 prévoit que la programmation de la chaîne est généraliste : elle « doit privilégier les émissions inédites, les émissions en direct, les retransmissions d'événements, l'information, le divertissement, la découverte des nouveaux talents, la culture et le cinéma ». Un seul genre n'a pas été mentionné dans vos propos introductifs : l'information. En 2022, elle représentait seulement 1 % du temps total de diffusion de C8. Eu égard à ce chiffre, qui paraît faible, considérez-vous que vous respectez la convention ou, du moins, son esprit ? L'Arcom vous a-t-elle déjà fait une observation à ce propos ?
C8 diffuse un journal télévisé (JT) quotidien du lundi au vendredi, d'une durée de quinze à vingt minutes selon l'actualité. Il est présenté en ouverture de l'émission « William à midi » par Caroline Delage. Le week-end, le format est celui d'un tout en images de trois minutes à trois minutes trente. Il y a donc des JT tous les jours sur l'antenne de C8.
Vous faites peut-être allusion au fait qu'à une certaine époque, C8 n'a pas diffusé de JT les jours fériés. Il y a toujours eu des JT sur C8 : de mémoire, ils ont été présentés par Élé Asu, par Adrienne de Malleray puis par Émilie Besse, dans l'émission du midi de Daphné Bürki. En revanche, je reconnais qu'il n'y a pas eu, pendant un certain nombre d'années, de JT sur l'antenne pendant les jours fériés – 25 décembre, 1er et 8 mai, 15 août. Il y a eu des manquements, pour lesquels l'Arcom nous a rappelés à l'ordre. Depuis, nous diffusons un JT les jours fériés.
Vous l'avez dit, Cyril Hanouna est l'une des personnalités les plus importantes de la chaîne et l'émission « Touche pas à mon poste ! » y est très visible. En 2019, avec ses diverses déclinaisons, elle représentait 13,3 % du temps total de diffusion. Qu'en est-il actuellement ?
Sa part était de 9 % en 2023 : elle a donc baissé.
Pouvez-vous du moins préciser si C8 est financièrement dépendante des revenus procurés par les émissions de Cyril Hanouna ?
Pour le dire autrement, la case précédant la première partie de soirée (ou access ), comme on l'appelle, est primordiale, stratégique, pour toute chaîne de télévision. France 2 a besoin des émissions quotidiennes de Nagui « N'oubliez pas les paroles », qui fonctionnent très bien. De même, TMC est dépendante de « Quotidien » : la semaine dernière, alors que l'émission était en vacances, la chaîne a atteint une part d'audience moyenne par jour de 2,6 %, contre 3,1 % pour C8. « C à vous » est également un magazine très important dans les performances de France 5. Nous disons entre nous que quand l' access va bien, tout va bien pour une chaîne. Cela peut être une très bonne introduction (ou lead-in ) pour les prime : le fait d'avoir beaucoup de monde dans cette tranche horaire peut faire décoller les performances, du moins dans le premier quart d'heure du prime. Cette tranche représente donc des sources de revenus importantes pour toutes les antennes.
Merci. En 2022, C8 a diffusé près de cent heures de programmes en lien avec la religion, soit quarante-quatre heures de plus qu'en 2021. Elle a mis l'accent sur différents événements du calendrier catholique ainsi que sur une éphéméride, et programmé des messes et plusieurs documentaires tels que « Les mystères de la Bible » ou « Sur les pas de Marie », traitant de l'histoire de Lourdes. Cette programmation vous semble-t-elle conforme à celle d'une chaîne généraliste respectant le pluralisme des convictions ?
Les messes sont diffusées aux périodes classiques du calendrier chrétien – Noël, Pâques, Ascension, Assomption –, soit quatre messes dans l'année à des dates qui sont des jours fériés dans le calendrier républicain, pour que les familles se rassemblent. Cela nous permet aussi, à un coût intéressant, de faire de l'inédit, comme l'exige notre convention. L'éphéméride que nous avons lancée compte pour la moitié des quarante-quatre heures supplémentaires. Nous avons de plus acheté la série la plus traduite et doublée au monde, The Chosen, qui raconte la vie de Jésus. C'est un choix que j'assume tout à fait. Estimant que la première saison était de très bonne qualité, nous avons acheté les saisons 2 et 3, qui ont été rapidement éditées si bien que les dix épisodes d'une heure par saison ont été diffusés la même année, pour une durée totale de vingt heures.
Je m'interrogeais sur la compatibilité de ce type de programmation avec les engagements en matière de pluralisme et de respect de la diversité des convictions.
C8 a également diffusé « La nuit du ramadan ». Je ne sais pas si d'autres diffuseurs ont présenté une telle émission.
Certaines personnalités à l'antenne ne cachent pas leur obédience, comme Cyril Hanouna, qui fête Yom Kippour.
Nos chaînes n'appartenant pas au service public, nous ne sommes pas obligés de mettre à l'antenne l'ensemble des cultes. Il peut y avoir un choix éditorial de montrer une religion plutôt qu'une autre. Nous avons en revanche des obligations en matière de diversité des incarnations à l'antenne.
Tout semble baigner dans l'huile, mais il se trouve que C8 est l'une des chaînes que l'Arcom a le plus rappelée à l'ordre – avec CNews, également du groupe Canal+. Pouvons-nous revenir sur les événements les plus marquants ou sur ceux qui ont provoqué les sanctions les plus lourdes ? Le 26 juillet 2017, une sanction de 3 millions d'euros a été décidée pour manquement au principe de respect de la vie privée ainsi qu'à l'obligation de lutter contre les discriminations. Elle fait suite à la diffusion d'un canular téléphonique homophobe dans « Touche pas à mon poste ! ». En réalité, le concept d'un tel canular, même s'il se déroule en direct, est préparé. Comment se fait-il que vous n'ayez pas vu venir le problème ?
Nous étions en effet en 2017, à vingt-trois heures quarante, dans « TPMP », non en access mais dans un prime de divertissement . Ce canular téléphonique de mauvais goût, totalement démodé, que Cyril avait pratiqué sur diverses radios à une autre époque, n'avait pas à être reproduit à l'antenne. Le canular a été considéré comme de l'homophobie. Je peux affirmer que Cyril Hanouna n'est en rien homophobe. Nous avons été sanctionnés et avons respecté la sanction donnée.
Au-delà de ce canular, qui n'était ni fait ni à faire, l'événement a pris de l'ampleur dans la presse car nous avons été accusés d'avoir conduit un jeune homosexuel à être reconnu par ses parents et mis à la rue. Le fait qu'il ait contacté l'association Le Refuge et menacé de se suicider a été médiatisé : Cyril s'est retrouvé jeté au pilori, comme le plus grand homophobe du moment, et j'étais le second après lui : je ne montais plus les marches du festival de Cannes, tellement j'avais honte.
En travaillant avec la police, nous avons constaté que cette histoire, qui donnait lieu à de très nombreux articles de presse, ne tenait pas, mais quand les chiens aboient, on ne peut rien dire. Nous étions, avec nos équipes, sur le banc des accusés, mortifiés et dans une grande détresse, jusqu'à ce que l'on nous informe qu'il s'agissait d'une invention. Finalement, le président du Refuge et son avocat ont reconnu que l'histoire avait été montée de toute pièce par un stagiaire, pour nuire à Cyril Hanouna. Ils nous ont présenté des excuses, sachant qu'à l'époque, vous l'ignorez peut-être, Cyril Hanouna était l'un des plus grands donateurs du Refuge. Très peu de titres ont relayé ce fait et ces excuses.
Je ne dis pas que Cyril Hanouna est toujours raisonnable ou sage, mais il est un phénomène de société suffisamment puissant pour faire vendre de la presse, susciter des clics de façon intensive dans tous les réseaux qui l'évoquent, quel que soit le sujet : c'est une machine à vendre.
On nous dit que nous avons envie de faire du buzz. Absolument pas ! Nous cherchons à satisfaire nos téléspectateurs et les amateurs de la chaîne C8. En revanche, il est clair que Cyril Hanouna fait vendre.
Je suis heureux que cette commission d'enquête vous donne l'occasion de rétablir certains faits. Néanmoins, vous n'avez pas répondu à ma question : si cela n'était « ni fait ni à faire », quelqu'un aurait pu s'en rendu compte. Pourquoi cela n'a-t-il pas été le cas ?
Ma réponse ne vous satisfera peut-être pas mais, à une époque, les gags téléphoniques étaient très à la mode. Je le répète, le monde a changé. Depuis cet événement, il n'y a jamais eu de problème ni de sanction concernant une potentielle homophobie de Cyril Hanouna sur l'antenne de C8.
Si j'étais taquin, je pourrais dire que la sanction de 3 millions a été dissuasive.
Vous avez dit qu'il est difficile de faire entendre la vérité lorsque les chiens aboient. Comment C8 gère ses propres réseaux sociaux, notamment pour les émissions de Cyril Hanouna ? Combien de personnes y travaillent ? Avez-vous une stratégie délibérée d'utilisation de ces réseaux ?
Il existe deux sources de posts : celles de C8, en interne, et celles de l'équipe digitale de H2O. Nous nous servons des réseaux sociaux pour promouvoir tous les programmes que j'ai évoqués. Au fur et à mesure que se déroule le direct, on décide des séquences qui doivent ou non être postées sur les réseaux. De même, lorsque l'on considère que l'émission a dérapé, la séquence litigieuse est supprimée du replay ou de toute rediffusion.
Nous le décidons, en régie. Il n'y a aucune objection de la part de Cyril Hanouna.
Par exemple, qui a pris la décision de retirer des réseaux sociaux la séquence avec Loana ?
Pouvez-vous nommer les personnes qui sont réunies dans un tel cas, pour prendre la décision ?
Ce sont toujours les mêmes : Vincent Pujol, directeur des programmes, Alexandre Israël, directeur des flux, et moi-même, pour C8 ; Cyril Hanouna ou le directeur général, Lionel Stan, pour H2O.
Dans ce cas précis, quelles considérations vous ont amené à penser qu'il fallait retirer ces extraits des réseaux sociaux ?
Je ne pourrai pas répondre clairement à votre question. Nous suivons Loana depuis toujours. Il y a une véritable affection et un immense respect entre elle et Cyril Hanouna. Loana elle-même a témoigné de sa reconnaissance pour la visibilité qu'on lui a donnée. Lorsque l'on a été un tel phénomène de société, à l'époque de « Loft Story », et qu'on a pu commercialiser son nom, faire des disques, être dans la lumière pendant un certain temps, la lumière manque assez vite quand on n'y est plus. Chaque fois que Loana a demandé aux équipes de H2O de donner de ses nouvelles, elle a été accueillie par Cyril Hanouna – il le dit, avec franchise, car il n'y a qu'un Cyril Hanouna. Il la considère comme sa cousine, et décide de lui donner la tribune qu'elle souhaite dans l'émission, dès qu'elle a besoin de s'exprimer. Certains ont trouvé que c'était dégradant pour elle. Loana affirme le contraire. Nous l'avons fait avec l'envie de lui faire plaisir et avec bienveillance.
L'Arcom nous a sollicités pour cette séquence. Nous avons répondu dans le cadre d'une demande d'observations.
Auditionné par notre commission d'enquête, Maxime Saada indiquait que les dérapages nombreux et réguliers à l'antenne de C8, en particulier dans l'émission de M. Hanouna, faisaient partie des risques du direct, et que le groupe Canal+ assumait leur éventuel impact financier. Estimez-vous normal d'assumer un risque financier potentiel de 3 millions d'euros, et surtout un risque éthique d'attenter à la dignité humaine et de heurter de très nombreux publics, au seul motif que M. Hanouna fait du clic et de l'argent ?
Ce n'est pas à nous que bénéficient les clics et l'argent, mais bien à la presse et aux sites web qui citent presque quotidiennement les émissions de Cyril Hanouna. Le buzz qu'il engendre ne nous procure aucun revenu.
Pas du tout : si nous sommes soupçonnés d'homophobie ou d'atteinte à la dignité humaine, certains annonceurs peuvent s'en trouver contrariés.
Nous assumons le risque financier que vous évoquez. Par essence, les émissions en direct sont inédites, et c'est ainsi que, depuis 2005, nous différenciant à cet égard des autres chaînes, nous remplissons l'obligation qui nous est faite de diffuser sept heures de programmes inédits.
Monsieur Viret, vous affirmiez devant nous que la gestion du risque encouru du fait de ces émissions en direct était assurée par une personne en lien constant avec M. Hanouna. Or une séquence récente à laquelle participait Loana a largement choqué, en particulier des femmes victimes, qui se sont vu renvoyer au banc des accusés ou ravaler au rang d'individus indignes de respect. Le dérapage n'a donc pas été évité et votre dispositif de contrôle ne semble pas vous avoir permis de réagir en conséquence. Quand je repense à ces images, d'ailleurs, l'émotion me gagne.
Il faut revoir la séquence en question, que nous ne percevons pas de la même manière. Nous sommes donc en désaccord sur ce point. Je connais très bien Loana, qui souhaitait être reçue et l'a été avec toute la bienveillance de l'équipe de TPMP. Nous suivons Loana et continuerons de le faire, afin qu'elle retrouve la lumière qu'elle mérite.
La programmation de C8 est, par convention, généraliste. Elle comprend un journal télévisé court, mais quotidien.
Pour C8, l'émission TPMP constitue une locomotive, tant en termes de diffusion que de recettes publicitaires. Elle aborde des sujets de société, des faits y sont rapportés et ses intervenants peuvent y asséner des vérités. Dans quelle mesure contribue-t-elle à l'accomplissement de la mission d'information de la chaîne ? Le public la considère-t-il comme une émission de divertissement ? Son appartenance à ce genre est-elle affichée ? Ne faudrait-il pas, le cas échéant, indiquer plus clairement sa nature ?
TPMP est une émission longue, dotée d'un conducteur évolutif. Sa première partie, pour reprendre le mot de Cyril Hanouna, est très « darka » : elle laisse place aux anecdotes et aux humeurs, et traite des médias. À l'origine, TPMP était un magazine consacré au débriefing de la vie médiatique. Mais les médias changent peu, et il est devenu impossible de consacrer quotidiennement plusieurs heures d'émission à leur seul commentaire au vu de l'absence de créativité des chaînes grand public : on ne compte plus les saisons de « Koh-Lanta », de « Danse avec les stars », de « Recherche appartement ou maison » ou de « Maison à vendre ».
L'émission a donc évolué pour aborder des thèmes que l'on pourrait considérer comme étant d'actualité, traités sur un ton divertissant et tranché, des avis pour ou contre – « je zappe, je mate », etc. Nous traitons également de faits divers, auxquels toutes les chaînes de la TNT consacrent des émissions. Si les téléspectateurs veulent être informés, ils ont l'embarras du choix entre de nombreuses chaînes d'information, et je ne pense pas qu'ils se tournent vers TPMP.
Cyril Hanouna a également animé en prime time « Balance ton post ! » (BTP), un programme né de l'intervention, en direct dans TPMP, d'un groupe d'infirmiers qui ont demandé à prendre la parole dans l'émission et ont pu le faire. Les gilets jaunes se sont ensuite manifestés de la même manière. À la suite de ces événements, plutôt que de modifier la nature de TPMP, nous avons créé BTP, pour traiter plus sérieusement les questions d'actualité et de société. Cyril Hanouna veut offrir l'occasion de s'exprimer aux gens confrontés à de graves problèmes de société et, dans ces circonstances, il se tient parfaitement, distribuant la parole dans le respect de toutes les tendances.
Le paysage audiovisuel français a témoigné d'une résistance considérable aux nouveaux usages, notamment grâce à la force des chaînes de la TNT, qui ont créé des magazines diffusés en direct, en avant-soirée ou access prime time, une case réservée en général, avant le déploiement de la TNT, à des jeux télévisés ou à des séries américaines. Chaque soir, entre dix-neuf heures et vingt et une heures, alors que 30 millions de nos concitoyens regardent la télévision, sont diffusées TPMP, « Quotidien » et « C à vous », trois émissions aux styles différents qui abordent des thèmes d'actualité, reçoivent des femmes et des hommes politiques, avant de passer au divertissement puis à l'information ou aux faits divers. Le débat organisé entre Jordan Bardella et Gabriel Attal en avril 2022 dans TPMP, afin de rattraper les déficits de quinze minutes de temps de parole en faveur du candidat Emmanuel Macron et de la candidate Marine Le Pen, illustre le fait que, grâce notamment aux réseaux sociaux, il n'existe plus de frontière étanche entre information et divertissement ; d'où la création du terme infotainment. Cela explique la surveillance accrue dont TPMP fait l'objet et l'émergence sur ses plateaux de figures comme le chroniqueur Louis Boyard.
S'il est possible de débattre de l'actualité dans les émissions de divertissement que vous mentionnez, seuls des journalistes peuvent rappeler les faits et effectuer un travail journalistique. Avez-vous mené une étude de la perception des téléspectateurs, afin de déterminer s'ils ne confondent pas divertissement et information ?
Les séquences au cours desquelles nous traitons de sujets sérieux touchant à l'information accordent souvent une place aux témoignages et au débat, et font intervenir des personnalités dont la présence n'est pas régulière à l'antenne et qui ont un niveau d'expertise généralement supérieur à celui des chroniqueurs, même si certains de ces derniers ont un passé de journaliste et une carte de presse : dans ce cas, la tonalité de l'émission change.
Franck Appietto et moi-même avons renforcé l' access de C8 grâce à la journaliste Pascale de La Tour du Pin, venue de BFM TV, où elle animait des tranches d'information.
L'émission quotidienne de Cyril Hanouna n'a jamais rencontré autant de succès : elle réunit chaque soir 3 millions de téléspectateurs de tous âges. Cette appétence pour la télévision, qui traverse les générations, tient à la porosité entre le direct, le divertissement et des informations qui peuvent être d'une grande dureté, sur le modèle des réseaux sociaux, lesquels nous conduisent en un instant de l'amusement à l'horreur.
Je reviens à la séquence dite de Loana. Vous nous invitez à la revoir, sous-entendant qu'elle n'est pas problématique puisque, je vous cite, vous l'avez diffusée selon son « souhait » et « afin qu'elle retrouve la lumière qu'elle mérite ». Or cette séquence n'est plus visible car vous l'avez retirée des réseaux sociaux, ce qui laisse entendre, de façon contradictoire, qu'elle pose bel et bien problème. J'aimerais comprendre ce qui vous a conduits à cette décision.
Indépendamment de l'appréciation que vous pouvez avoir de ce qui peut être bon pour Loana et de son consentement, la séquence présente une victime en état de choc traumatique, essuyant, contre toute recommandation, une dizaine de questions, parmi lesquelles : « Vous le faites exprès, de parler comme ça ? Je trouve ça surprenant. » Ou encore : « Y a-t-il une divergence entre ce que tu as vécu et ce que la personne a dit ? » Des photos à peine floutées, qui ont suscité une grande émotion, montrent ensuite le corps nu et tuméfié de cette personne.
Sur quoi vous fondez-vous pour estimer, indépendamment de ce que cette dernière dit vouloir, qu'une telle séquence respecte la dignité des personnes ? Je m'interroge sur les formations au traitement des violences sexistes et sexuelles (VSS) qui sont ou pourraient être dispensées au sein de C8, afin que les gens qui, à l'antenne, parlent de ces violences et s'adressent à leurs victimes – qu'elles soient sur le plateau ou dans le public –, disposent des connaissances basiques que l'on est en droit d'attendre d'eux.
Je me permets de rétablir les faits. Lors de la séquence que vous évoquez, l'animateur a rassuré son invitée en ces termes : « On comprend. Si vous n'y arrivez pas, Loana, ce n'est pas grave. » Gilles Verdez a fait preuve, vis-à-vis d'elle, d'une véritable compréhension : « C'est-à-dire qu'en fait, Loana, depuis ce viol terrible, vous avez des problèmes de mémoire, d'élocution, c'est ça ? Vous avez fait une sorte de blocage. » Géraldine Maillet poursuit : « C'est un traumatisme, de l'amnésie traumatique. » Cyril Hanouna a également réagi à la question que vous citiez sur la manière de s'exprimer de Loana : « Pas du tout ! Elle a un choc. Elle ne fait pas exprès. »
Nous avons retiré cette séquence des réseaux sociaux en raison de la controverse qu'elle a suscitée. En revanche nous n'avons pas interrompu la diffusion de l'émission, car nous estimons que Loana a bénéficié d'une écoute bienveillante.
La chaîne C8 a-t-elle désigné un responsable interne des VSS, du suivi de ces questions et de la lutte contre le harcèlement ?
Le groupe Canal+ prête à ces questions une attention soutenue. Nous diffuserons le 5 mars 2024 le documentaire Vivante(s), que je vous conseille vivement de regarder.
Je repose et précise ma question : la chaîne C8 dispose-t-elle d'un référent interne chargé des VSS et du harcèlement, comme elle y est obligée ?
C8, comme les personnes qu'elle emploie pour préparer ses émissions, fait partie du groupe Canal+, au sein duquel le comité « Et ta sœur ? » traite de ces sujets.
J'estime néanmoins qu'il serait intéressant d'organiser une formation relative aux VSS, comme nous l'avons fait s'agissant du handicap, afin que les mots adéquats soient posés sur ces réalités et que nous recevions nos invités avec la bonne attitude. C'est une très bonne idée, et je serais ravie de revenir vous dire que nous l'avons mise en œuvre.
De nombreuses chaînes de télévision sont en situation de déficit. C'est le cas de C8, malgré ses succès d'audience. Quel est le montant des pertes qu'elle subit et dans quel sens ce montant évolue-t-il ?
Face à de telles difficultés, bien des chaînes usent et abusent de leurs catalogues et multiplient les rediffusions. Quel est le coût de grille de C8 et quelle dynamique suit-il ?
Qu'en est-il des recettes publicitaires de la chaîne et de leur évolution ? Et quelle est la part de Hanouna-dépendance, si je puis m'exprimer ainsi ?
C8 présente deux particularités qui la distinguent de ses concurrentes. Premièrement, ses contenus ne sont comptabilisés comme inédits qu'au moment de leur première diffusion. L'obligation qui pèse sur nous d'émettre 700 heures d'inédits par an nous contraint donc à produire en permanence de nouveaux programmes. Deuxièmement, C8 s'appuie sur un groupe de chaînes payantes. Pour cette raison, nous ne disposons pas d'un catalogue comparable à celui de TF1 et de ses chaînes filles ou sœurs – lequel comprend des films ou des séries parfois fleuves –, ou à celui de M6, sur lequel s'appuie W9.
Nous avons fait de la contrainte de production qui pèse sur nous une force, qui rend notre activité passionnante. Elle pèse néanmoins lourdement sur nos finances, dans une proportion à peu près trois fois supérieure à celle de nos concurrentes.
Nous vous transmettrons ultérieurement par écrit les éléments chiffrés que vous demandez.
J'en viens à votre question sur une Hanouna-dépendance. Toute chaîne est dépendante de son access et se trouve dans une situation grave si ce qu'elle diffuse dans cette plage horaire échoue à trouver son public. TF1 a parié à cet égard sur une fiction qui fonctionne bien ; il en va de même de France 2 avec l'émission biquotidienne de Nagui et de TMC avec « Quotidien » – bravo à eux, donc. À l'inverse, W9 a tenté sans succès de relancer son access grâce à « L'Île de la tentation », et cela constitue un problème pour elle.
Notre régie publicitaire, Canal+ Brand Solutions, est la troisième du marché. C8 est près d'atteindre son équilibre financier, grâce à la reprise de la publicité télévisée et à la transformation de la publicité digitale touchant le public du replay et des nouveaux supports de diffusion. Le coût de grille de C8 représente 66 % de son coût global ; son coût de diffusion, 6 % ; les taxes et droits d'auteur qu'elle verse, 6 % ; ses autres coûts, 11 % ; la quote-part de sa régie 11 %.
Le coût de grille de C8 nous permet de produire de nombreuses créations. Comme toute chaîne, elle dépend du bon fonctionnement de son access prime time. Ses audiences nous inspirent la plus grande confiance : touchant 44 millions de Français chaque mois, elle est la chaîne leader de la TNT, et bénéficie de la prime qui lui revient à ce titre. Contrairement aux autres chaînes de la TNT, qui visent les 25-49 ans ou les femmes responsables des achats, elle cherche à attirer les 25-59 ans, voire des groupes plus larges, qui nous semblent être les cibles du futur. Les premiers résultats de l'année 2024 s'accordent avec notre budget prévisionnel.
Le groupe Canal+ atteindra l'équilibre prochainement. Ses chaînes C8, CStar et Canal+ réunissent 11 % de l'audience nationale, contre 6 ou 7 % pour M6 et France 3 autour de 12 ou 13 %. CStar est déjà rentable en raison de son coût de grille maîtrisé, fruit du travail de Christophe Sabot et de ses équipes. En vertu des accords que nous avons passés avec l'Arcom, il nous est possible de faire gratuitement la promotion croisée des programmes de Canal+ sur C8, sur CStar et sur CNews. La prochaine série de Djamel Debbouze, Terminal, en bénéficiera. Nous avons en outre décidé que C8, grâce à Philippe Labro, mettrait en avant le cinéma de patrimoine. Puisque le catalogue de films de patrimoine de StudioCanal est l'un des plus beaux, sinon le plus beau d'Europe, nous pourrons y puiser de manière privilégiée, tout en achetant des programmes à nos concurrents.
Ainsi, notre écosystème, qui rassemble trente chaînes de télévision, permettra à nos chaînes gratuites de retrouver leur équilibre dans les trente-six mois.
Estimez-vous opportun d'obliger chacun des salariés de C8, y compris ses présentateurs, tels Cyril Hanouna, à suivre une formation leur permettant de prendre la mesure des VSS et d'user des bons mots pour en parler ? Enseignant à Sciences Po, je suis moi-même obligé de suivre une formation à ce sujet.
Au sein du groupe Canal+, cette formation existe, de même qu'un référent interne chargé d'orienter, d'informer et d'accompagner ses salariés en matière de lutte contre le harcèlement sexuel et les agissements sexistes, en la personne de Marine Schenfele, notre directrice responsabilité sociale des entreprises (RSE).
En revanche, ce n'est pas nécessairement le cas des entreprises de production auxquelles nous faisons appel. Suivant la proposition de Jaleh Bradea, nous pourrions étendre notre formation interne à ces prestataires.
Grâce à l'effort que nous y consacrons depuis des années, 97 % des collaborateurs du groupe ont été formés à la non-discrimination.
Toutes les personnes ne font pas preuve de la même maturité sur cette question. Nous faisons tout pour promouvoir la diversité et l'inclusion auprès des animatrices et des animateurs de C8. À l'occasion de la Journée internationale de lutte contre les violences faites aux femmes, le 25 novembre, j'ai reçu plusieurs invités. Je suis une femme très sensibilisée : j'aborde donc ce sujet d'une manière qui va de soi et ne choque personne. Généraliser cette approche serait une bonne idée. Ce ne serait pas la première fois que C8 prendrait de l'avance sur ses concurrentes.
Je précise que ladite formation est obligatoire au sein du groupe Canal+, y compris pour nos stagiaires et alternants. Nous menons une campagne d'affichage interne, avons nommé des référents anti-harcèlement, organisons des sensibilisations pour les équipes de production et avons noué un partenariat avec une cellule d'écoute disponible en permanence.
J'ajoute que les équipes de production internes au groupe ont été formées. Les équipes de production externes doivent encore l'être.
Le client d'une entreprise de production ou l'organisme qui lui verse des subventions peuvent en effet l'obliger à dispenser une telle formation à son personnel.
Une série d'articles et d'interpellations ont concerné l'émission « Bienvenue au monastère », accusée de faire la promotion d'un lieu qui a été, aux dires de ceux qui indiquent les avoir subies, le théâtre de VSS ou de dérives sectaires. Quand vous choisissez de produire un programme de cette nature, anticipez-vous de telles réactions ?
Il n'existe pas à proprement parler d'émissions politiques sur C8, mais votre chaîne accueille des invités politiques et recrute des chroniqueurs issus de formations politiques, à l'instar de Ségolène Royal. Lorsqu'elle aborde l'histoire de La Joconde, sous les commentaires humoristiques des autres chroniqueurs, estimez-vous qu'il s'agit d'un temps d'expression politique ? La règle fixée par l'Arcom, qui demande de le comptabiliser comme tel, vous paraît-elle pertinente ?
« Bienvenue au monastère » constitue l'adaptation d'une émission diffusée aux Pays-Bas depuis 2011. Je l'avais découverte il y a cinq ans et en avais été frappé : il s'agit de faire respecter aux participants la règle d'un monastère ou d'un couvent, notamment la loi du silence. C'est bien le plus improbable des concepts télévisuels !
Je l'avais alors mis de côté, mais la société évolue, et la dangerosité des écrans pour les jeunes est devenue un thème d'actualité, comme en témoigne un documentaire que nous préparons avec Carole Bienaimé Besse, ancien membre du collège du Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA), après la publication de son remarquable ouvrage sur ce sujet. Des études démontrent que certaines personnes préfèrent payer des forfaits de téléphonie mobile plutôt que de soigner ce qui se trouve dans leurs assiettes. Nous sommes devenus des objets porteurs d'écrans qui nous informent et nous divertissent.
« Bienvenue au monastère », par contraste, promeut la déconnexion – dans un contexte certes contraint – en invitant ses participants, membres de la société du spectacle, à décompresser et à chercher une certaine intériorité.
Une polémique s'est ensuivie sur la communauté des Béatitudes et la communauté Saint-Jean, dont faisaient partie les deux coaches spirituels encadrant les personnalités. Réglementairement, le producteur de l'émission doit nous assurer que le contact avec des membres de ces communautés ne pose pas de difficulté. Ce ne sont toutefois pas les communautés qui ont été mises en avant mais les coaches, telle sœur Catherine Thiercelin, membre de la communauté des Béatitudes et titulaire d'un diplôme d'État d'éducateur spécialisé délivré par l'École de formation psychopédagogique (EFPP), qui travaille dans la semaine comme laïque auprès d'une association aidant les jeunes en difficulté. Ayant participé à un film réalisé par Gad Elmaleh, elle avait l'habitude de la caméra.
Les deux communautés en question ont fait l'objet de nombreuses vérifications. Elles ont été réhabilitées par le Vatican et font partie de l'Église catholique. Dans une lettre du 18 février 2019, le Dicastère pour les instituts de vie consacrée et les sociétés de vie apostolique indique ainsi : « C'est pourquoi notre congrégation, reconnaissant le travail entrepris, souhaite encourager tous les frères et les sœurs de Saint-Jean à poursuivre leur chemin, humblement, avec courage, confiance et détermination, à la suite du Seigneur Jésus. » La communauté Saint-Jean a adhéré à la Commission reconnaissance et réparation (CRR). Le prieur de la communauté a publié, le 5 juillet 2023, une lettre ouverte aux personnes victimes, les premières auxquelles nous avons pensé. Le cardinal Bustillo, évêque d'Ajaccio, a rédigé un courriel qui témoigne de son accord avec le tournage de l'émission « Bienvenue au monastère » et de l'intérêt qu'elle lui inspire ; Mgr Le Bourgeois a signé un décret canonique reconnaissant la communauté en 1986, etc. Je tiens à votre disposition tous les documents ayant trait à sœur Catherine Thiercelin.
Je n'étais pas au courant des faits reprochés aux communautés en question quand j'ai choisi de diffuser ce programme. Il a rencontré son public, parce qu'il ne cherche pas à promouvoir l'Église catholique, mais seulement à démontrer que cela fait du bien de se déconnecter de temps en temps.
Quant à la présence de Ségolène Royal dans TPMP, elle résulte d'un coup de cœur de Cyril Hanouna. Mme Royal souhaite expliquer de façon pédagogique à un public jeune – les 15-24 ans sont nombreux à regarder l'émission – le sens de mots qu'ils ne comprennent pas. De mon point de vue, de telles explications ne relèvent pas de l'expression politique, mais l'Arcom en est seule juge et je respecte sa décision.
Quand il s'est agi d'embaucher Ségolène Royal, nous lui avons demandé de consulter l'Arcom, qui a décidé que ses interventions seraient décomptées du temps de parole attribué au Parti socialiste, car il était question, je crois, qu'elle conduise une liste aux élections européennes. La règle ne s'applique pas à Mme Bachelot sur BFM TV ou à M. de Villiers sur CNews.
Cette décision a été prise au regard de la probabilité non nulle qu'elle se présente à une élection. Même s'il est légitime de s'interroger sur la pertinence de ce choix s'agissant de telle prise de parole sans rapport avec la politique, il a le mérite de fixer les modalités objectives du décompte du temps de parole dont nous sommes comptables. Le débat sur ces modalités sera important dans les mois à venir, en particulier pour les chaînes d'information.
Nous prenons bonne note de la rencontre préalable entre Mme Royal et l'Arcom avant que cette dernière ne presse sa décision. Nous y reviendrons lors de l'audition prochaine de son président.
Je souligne que C8 a toujours respecté de manière exemplaire les temps de parole des personnalités politiques, notamment pendant les élections présidentielles.
Le direct, c'est ce qu'il y a de meilleur et de plus dangereux. « Droit de réponse », « Ciel, mon mardi ! » ont marqué l'histoire de la télévision. TPMP s'inscrit dans leur suite. Pendant la période précédant les élections présidentielles de 2022, les débats menés par Cyril Hanouna et leur impact sur un public généralement peu intéressé par la politique m'ont étonné. Tous les partis et les candidats les ont remarqués.
Pensez-vous qu'à l'occasion des prochaines échéances électorales, de telles émissions seront diffusées ? Avez-vous une idée de la nature du public touché par celles qui l'ont été ?
Deux émissions politiques ont été diffusées en prime time sur C8 : « Face à Baba », en direct, qui a reçu un très grand nombre de candidats aux élections présidentielles, et « Au tableau !!! », qui proposait aux candidats de se présenter devant une classe pour répondre aux questions des enfants.
Si nous sommes parvenus à y faire intervenir autant de candidats – et ce faisant à réajuster les temps de parole –, c'est parce qu'ils ont constaté qu'un débat en prime sur C8 réunissait cinq fois plus de jeunes que sur une chaîne classique. La réaction de nos téléspectateurs, très attachés à la personne de Cyril Hanouna, qui se montre toujours très sérieux dans un tel contexte, même s'il se permet quelques plaisanteries, a été très positive, malgré leur désintérêt ordinaire pour la politique.
D'un point de vue éditorial, il nous intéresserait de poursuivre l'exercice, à l'occasion d'une prochaine échéance électorale.
Le talent de Cyril lui permet de s'adresser à ce jeune public et de l'intéresser à la politique. Ce fut le cas lors des précédentes campagnes présidentielles. C8 continuera à diffuser des programmes de ce type, qu'il s'agisse de « Au tableau !!! » ou des émissions de Cyril Hanouna, au moment des prochaines campagnes électorales.
Il est seize heures cinquante-trois à l'horloge de la salle Lamartine : je donnerai la parole à M. le rapporteur jusqu'à dix-sept heures trois pour qu'il puisse poser des questions, avant de faire une pause jusqu'à dix-sept heures cinq, heure à laquelle nous commencerons l'audition des dirigeants des chaînes payantes du groupe Canal+.
L'année dernière, C8 a été sanctionnée à hauteur de 4,3 millions d'euros. Existe-t-il dans le budget une provision pour ce genre de dépense ?
Il existe plusieurs façons de payer ces amendes. Si l'amende a été prononcée pour TPMP, j'ai un accord avec H2O, la société de production de Cyril Hanouna. Il prévoit la possibilité de supprimer des primes programmés sur l'antenne de C8. C'est une façon de faire participer le producteur à la sanction prononcée contre l'antenne.
Pour répondre à votre question, il n'y a pas de provision dans nos comptes pour les éventuelles sanctions de l'Arcom.
Je vous remercie de continuer à favoriser les questions et réponses courtes afin que M. le rapporteur puisse épuiser son stock de questions.
Le 7 juin 2017, une sanction d'interdiction de diffusion, pendant deux semaines, de séquences publicitaires sur TPMP a été prononcée après la diffusion d'une séquence au cours de laquelle l'animateur a amené une chroniqueuse à poser la main au niveau de son sexe sans l'avoir prévenue ni recueilli son consentement. Cela fait donc maintenant plus de six ans qu'il y a un problème en matière de violences sexistes et sexuelles sur les antennes de C8. Je trouve un peu bizarre que vous ne vous réveilliez que maintenant en parlant de l'éventualité de formations.
Les salariés de C8 sont déjà formés. Le débat de tout à l'heure portait sur la formation des producteurs externes.
Monsieur Appietto, vous avez évoqué la bienveillance des équipes de C8. J'imagine que votre appréciation s'étend aux équipes de la société de production H2O. Considérez-vous comme bienveillants les propos de Cyril Hanouna à l'égard de Louis Boyard – « abruti », « tocard », « bouffon », « merde », « mange-merde » ? Considérez-vous comme bienveillants les remarques qu'il a faites à l'issue de cette émission en préparation de l'émission suivante – « Je vais le massacrer » et « La démocratie, c'est moi ! Tu n'es pas d'accord, tu dégages » – et l'invitation faite à ses chroniqueurs à suivre rigoureusement sa position, l'émission du lendemain s'étant d'ailleurs davantage apparentée à un règlement de compte qu'à une évocation sereine de l'incident ?
Si je vous donnais la réponse que je souhaiterais donner, elle serait très longue.
Une plainte en diffamation a été déposée et une procédure judiciaire est en cours. C'est l'un des éléments de débord de cette audition.
Louis s'était fait remarquer au cours de « Balance ton post ! ». Il était intervenu en direct pour représenter les étudiants pendant la crise des gilets jaunes. Avec sa très forte personnalité, il avait déclaré : « Personne ne s'occupe de moi, je m'en vais ! » ce qui avait interpellé Cyril. Louis a rejoint Cyril lors de plusieurs émissions de « Balance ton post ! » puis comme chroniquer sur TPMP. Il faisait alors partie de ce que Cyril appelle « la famille ».
Lors de la préparation de l'émission de TPMP, nous avions décidé d'aborder le sujet de l'Ocean Viking et nous avions proposé à Louis d'intervenir, car nous voulions une autre parole que la parole officielle du Gouvernement. Il a accepté et Cyril l'a félicité pour son élection. Le débat est donc lancé alors que nous sommes en direct et Louis commence à parler de déforestation et de procès fait à M. Bolloré. Nous pourrions détailler la séquence pour laquelle nous avons été sanctionnés. Je respecte la sanction.
Elle est énorme. Nous regrettons.
Elle est disproportionnée, mais nous regrettons les insultes, qui n'auraient pas dû se produire. Le député Boyard connaissant très bien Cyril Hanouna, il utilise la technique de répéter la même chose comme un mantra. J'avais la responsabilité de décider s'il fallait couper. Le député dit alors qu'il n'y a pas de liberté d'expression sur les chaînes de Vincent Bolloré et qu'il ne peut pas s'exprimer. Il a dû répéter vingt-trois fois « Vincent Bolloré », « déforestation », « procès ». Nous nous retrouvons donc pris en otage d'un sujet qui n'était pas à l'ordre du jour, avec quelqu'un qui nous répète en permanence qu'il n'a pas la liberté de parole. Cyril s'est alors dégondé et est sorti de ce qu'il aurait dû être.
Si vous regardez la séquence, vous verrez que Cyril enlève l'oreillette. Je pense que le député Boyard savait qu'il allait sortir de sa réserve et c'est ce qu'il voulait.
Ce soir-là, ce n'était pas moi qui parlais dans l'oreillette. Je n'étais pas en régie.
Je ne sais pas si c'était Vincent Pujol, Alexandre Israel ou Pauline Charmes, mais les gens de la conformité étaient présents et tout le monde a essayé de parler à Cyril. Il s'est senti trahi par quelqu'un qu'il considérait comme un membre de la famille. Il n'a pas compris que le député Boyard parle d'un autre sujet. Je n'ai pas coupé l'antenne parce que, très malignement, le député Boyard dénonçait le manque de liberté de parole. Si vous regardez la séquence, vous verrez que Cyril essaye de le ramener au sujet de l'Ocean Viking, mais le député Boyard retourne systématiquement sur un procès fait à M. Bolloré pour déforestation.
Je vois ce qui peut passer pour une trahison aux yeux de M. Hanouna. Nous en reparlerons avec lui.
Le 14 juin 2023, vous avez l'objet d'une mise en garde pour manquement à l'exigence d'honnêteté et de rigueur dans la présentation et le traitement de l'information à propos des faux policiers de la brigade de répression de l'action violente motocycliste (Brav-M). On a appris par la suite que la production savait qu'il ne s'agissait pas de policiers de la Brav-M. Pouvez revenir sur cet épisode ?
Ces policiers font partie d'une unité spéciale et montent parfois, dans le cadre de certaines interventions, sur des motos de la Brav-M. Le préfet est venu sur le plateau pour éclaircir la situation. À en croire certains médias, nous étions dans un jeu d'acteurs joué par des gens qui n'avaient pas leur carte de police. Cyril les présente comme des membres de la Brav-M, mais, dans la seconde qui suit, ils disent ne pas en faire partie. Il s'agissait de vrais policiers – leur carte de police a d'ailleurs été mise à disposition des enquêteurs.
La production était donc au courant, mais laisse M. Hanouna les présenter comme s'ils étaient policiers de la Brav-M.
Au départ, ce devait être des membres de la Brav-M. Peut-être la fiche n'a-t-elle pas été rafraîchie. C'est effectivement une erreur de la production.
Il était en cours de négociation pour un possible départ.
Avec l'invitation du préfet lundi, qui est venu mettre un point final à cette séquence, oui.
Je vais m'en tenir là. Je vous remercie.
Vous avez souligné le manque de créativité des chaînes de télévision. C'est aussi l'objet de la commission d'enquête, d'une certaine façon. Peut-être que je m'appuierai sur votre observation.
Je précise, mes chers collègues, que l'audition de M. Cyril Hanouna aura lieu le 14 mars, de quatorze heures à seize heures trente, et celle de M. Vincent Bolloré aura lieu le 13 mars, de quinze heures à dix-sept heures, la durée de ces auditions ayant été décidée en réunion de bureau. D'autres auditions suivront ; nous vous en communiquerons le calendrier.
Nous demandons aux personnes auditionnées de nous transmettre tous les documents écrits cités par le rapporteur ou les autres membres de cette commission, ainsi que de répondre de manière écrite au questionnaire général qui leur a été transmis.
La commission auditionne des dirigeants des chaînes TNT payantes du groupe Canal+ (Canal+, Canal+ Sport, Canal+ Cinéma(s) et Planète+) :
- M. Gérald-Brice Viret, directeur général de Canal+ France, en charge des antennes et des programmes
- Mme Laetitia Ménasé, secrétaire générale du groupe Canal+
- M. Jean-Marc Juramie, directeur général adjoint de Canal+ France en charge des programmes, directeur général de Canal+ Thématiques
- Mme Christine Cauquelin, directrice des unités de programmes et des chaînes documentaires, jeunesse et animation
- M. Thomas Sénécal, directeur des sports
Mes chers collègues, nous auditionnons à présent les dirigeants des chaînes TNT payantes du groupe Canal+. La chaîne Canal+, issue d'une concession de service public accordée par l'État en 1983, est soumise depuis 1995 à un régime d'autorisation. Cette autorisation a été renouvelée en 2020 pour trois ans puis en 2023 pour dix-huit mois, à la demande de l'éditeur. Elle arrivera à échéance le 5 juin 2025. Nous auditionnons également Canal+ Cinéma, Canal+ Sport et Planète+. Ces trois dernières chaînes ont été autorisées à émettre sur la TNT payante depuis 2005 ; leurs autorisations ont été reconduites hors appels à candidature en 2019 et arriveront à échéance le 31 août 2025.
Restent avec nous M. Gérald-Brice Viret, directeur général de Canal+ France, en charge des antennes et des programmes ; Mme Laetitia Ménasé, secrétaire générale du groupe Canal+.
Je souhaite donc la bienvenue à M. Jean-Marc Juramie, directeur général adjoint de Canal+ France en charge des programmes, directeur général de Canal+ Thématiques ; Mme Christine Cauquelin, directrice des unités de programmes et des chaînes documentaires, jeunesse et animation ; et enfin M. Thomas Sénécal, directeur des sports.
Mesdames, messieurs, je vous remercie de prendre le temps de répondre à notre invitation et de nous déclarer tout autre intérêt public ou privé de nature à influencer vos déclarations. Auparavant, je vous rappelle que l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires impose aux personnes auditionnées par une commission d'enquête de prêter serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité. Je vous invite donc, Mesdames, Messieurs, à lever la main droite et à dire : « Je le jure ».
(Mmes Ménasé, Cauquelin et MM. Viret, Juramie, Sénécal prêtent serment).
Après les riches échanges de la matinée concernant les chaînes gratuites du groupe Canal+ sur la TNT, je suis heureux de vous retrouver cette fois pour les chaînes payantes du groupe Canal+.
Dès l'origine, la TNT était considérée comme un bouquet de chaînes gratuites et payantes, et Canal+ a connu à la fois une extension de son offre payante en hertzien, mais aussi une nouvelle concurrence. Lorsque je présidais le groupement TNT, nous menions également des discussions avec les pouvoirs publics sur la TNT payante, dont le modèle économique n'était pas assuré à l'époque.
Au sein de ces chaînes payantes, il existe des différences, puisque Canal+ dispose des tranches en clair. Ayant moi-même dirigé sept chaînes de la TNT gratuite et quatre chaînes de la TNT payante, je peux vous expliquer les différences fondamentales entre ces deux modèles, la réussite qui fut celle du gratuit, et puis l'échec pour de nombreuses chaînes payantes d'autres groupes qui sont arrivées lors de la première vague TNT.
À l'origine, onze chaînes payantes figuraient sur la TNT : TPS Star, TF6, LCI, Eurosport, Canal J, Paris Première, Canal+, Canal+ Sport, Canal+ Cinéma et Planète. AB1 a jeté l'éponge dès 2008, Canal J n'est plus diffusé sur la TNT depuis 2009, TPS Star a disparu en 2012, TF6 en 2014. Eurosport a quitté la TNT en 2015 et LCI est passé à sa demande, en gratuit en 2015. Les chaînes de la TNT payante ne sont aujourd'hui plus que cinq, dont quatre du groupe Canal+ et une du groupe M6, Paris Première.
Le choix du groupe Canal+ a été de présenter auprès du Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) quatre chaînes pour la TNT payante. L'une était bien pour Canal+, deux autres reprenaient les grandes forces de la chaîne ; pour apporter encore plus de programmes aux abonnés, aux fans de sport et aux cinéphiles, avec Canal+ Sport et Canal+ Cinéma. La dernière reposait sur l'une des plus grandes forces de l'offre Canalsat et de notre offre en tant qu'éditeur : la chaîne documentaire Planète+, qui est dirigée par Christine Cauquelin. Ses choix étaient audacieux, car si la réussite était au rendez-vous pour les chaînes satellites sur le câble et l'ADSL, rien n'assurait que le même succès couronnerait une offre plus limitée, celle de la TNT payante. Je rappelle enfin qu'à l'époque, aucune chaîne hertzienne n'avait accordé une telle place au documentaire.
Canal+ a été lancée en 1984. Nous avons été la première chaîne de télévision payante, avons fait face à une très grande concurrence et à de nouveaux moyens de diffusion. Nous nous sommes adaptés à chaque fois. Canal+ est devenu un multiéditeurs, sait laquelle de ses chaînes correspond le mieux au public et dispose du savoir-faire de la diffusion et de l'abonnement.
Le premier pilier de la programmation des chaînes Canal+ TNT payante est bien sûr le sport. Canal+ est un acteur majeur dans la diffusion des événements sportifs : football, rugby, sports mécaniques, que nous avons grandement participé à populariser. Nous investissons massivement dans la couverture des grands événements sportifs nationaux ou internationaux et possédons une rédaction de près de 450 journalistes. Si Canal+ propose déjà une exposition large au sport, Canal+ Sport est diffusée sur la TNT payante depuis 2005 et offre une grille dédiée au sport sous toutes ses formes.
Canal+ Cinéma propose à elle seule 1 700 films par an. En matière de séries, Canal+ est reconnue pour ses productions. Depuis quinze ans, nous avons développé une création originale que tout le monde reconnaît comme une des meilleures au monde. Je pense notamment au Bureau des légendes, D'argent et de sang, Engrenages, Baron noir, Validé, La flamme et Le flambeau. Pour y parvenir, nous avons pris des risques, investi des sommes importantes pour la création française, avons travaillé avec des grands créateurs comme Paolo Sorrentino pour The Young Pope. Je suis heureux de voir que nous avons participé à un retournement de la situation : je rappelle que les antennes françaises étaient inondées de séries américaines dans les années 1990. Aujourd'hui, nous avons créé une émulation avec les autres groupes audiovisuels, pour permettre un véritable développement de la création française.
Un autre axe fort concerne les documentaires. J'y suis particulièrement sensible, puisque j'ai lancé l'une des premières chaînes documentaires en France. Nous avons aussi, dans le groupe Canal+, une trentaine de services. Je tiens à souligner l'engagement de Canal+ en faveur de la diversité et de l'inclusion dans nos programmes et même dans nos chaînes, puisque nous avons lancé avec Jean-Marc Juramie la chaîne et le corner Hello consacré à la création LGBTQ+ sur MyCanal, dans le prolongement de l'historique « Nuit gay » qui a vu le jour dans les années 1990. Nous sommes déterminés à refléter la richesse de la société française dans toute sa diversité, en mettant en avant des voix et des perspectives variées et en promouvant une représentation authentique et équitable de tous les individus.
En conclusion, le groupe Canal+ joue un rôle essentiel dans le succès de la TNT, pour les chaînes payantes comme les chaînes gratuites. Nous avons contribué activement à son succès en proposant une offre innovante, attractive. Nous avons participé à l'enrichissement du paysage audiovisuel, favorisé l'accès à une télévision de qualité pour tous les foyers français. Pour finir, nous agissons dans le respect des spécificités de nos engagements, de l'autorité du régulateur, dans un dialogue permanent avec l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom), pour toutes nos chaînes. De fait, l'Arcom relève le respect de nos conventions et, bien souvent, le dépassement de nos obligations. Comme toutes les chaînes de la TNT, nous souffrons parfois de manquements, que nous corrigeons. Ainsi, les deux étoiles du berger qui nous guident sont les conventions et les bilans de l'Arcom. Nous aimerions être considérés en prenant en compte ces éléments, mais également notre passion et notre engagement au service de la réussite de la TNT et au bénéfice de tous les Français.
J'interviens devant vous aujourd'hui en tant que directrice des documentaires du groupe Canal+. Je travaille dans le groupe depuis 1987 et le documentaire a toujours été mon sujet de prédilection. J'ai commencé par le défendre au service de la communication, puis j'ai rejoint le département des documentaires comme chargée de programme sur les documentaires de société et les documentaires animaliers. Lorsque j'ai été nommée directrice des acquisitions internationales de documentaires, j'avais pour mission de fournir une programmation internationale aux chaînes du groupe. Ensuite, Rodolphe Belmer m'a nommée directrice des documentaires et Maxime Saada m'a confié les chaînes documentaires en 2014, puis l'ensemble du périmètre documentaire en 2018. J'ai enfin également la charge du pôle jeunesse depuis plus d'un an et demi.
Je vous remercie de me donner aujourd'hui l'occasion de vous parler de Planète+ et, plus globalement, de la place stratégique du documentaire dans l'offre de programmes payants de Canal+. Le documentaire est un pilier de notre programmation, plébiscité par nos abonnés. Il fait partie des critères d'abonnement aux offres Canal, au même titre que le sport, le cinéma et les séries.
Avec 1 000 heures de programmes inédits par an et 1 900 contenus disponibles à tout instant sur MyCanal, le groupe Canal+ propose aujourd'hui une offre riche, variée et premium de documentaires récents et quasiment tous inédits en France. Cette offre s'adresse à tous les publics, avec des programmes reconnus et appréciés aussi par des audiences plus jeunes. Le groupe a mis en place ces dernières années une politique très volontariste qui le positionne comme le premier investisseur payant dans le documentaire. Entre 2020 et 2022, nous avons ainsi doublé le volume de nos productions documentaires originales sur nos antennes.
En 2021, le groupe Canal+ a franchi une étape supplémentaire avec la création d'une nouvelle chaîne 100 % documentaire, qui s'appelle Canal+ Docs. Cette création nous a conduits à repositionner la chaîne Planète+ comme une chaîne dédiée à l'histoire, car elle était précédemment une chaîne généraliste documentaire. Le documentaire est donc présent à la fois sur Canal+, sur la chaîne Canal+ Docs et sur nos trois chaînes thématiques que sont Planète+, Planète+ Aventure et Planète+ Crime.
Ensuite, je tiens à vous détailler notre position éditoriale de documentaire sur Planète+ et Canal+. Planète+ se différencie par la richesse et la diversité de sa programmation, avec une offre consacrée à l'histoire pour un public de passionnés. Nous avons souhaité rapprocher cette chaîne du public, en en faisant une matière vivante, cinématographique, à travers une mise en image moderne qui dynamise les récits pour intéresser aussi un public plus jeune. Son audience est d'ailleurs constituée à 40 % d'un public de moins de 50 ans. Elle couvre toutes les périodes historiques, des civilisations antiques jusqu'à l'histoire récente, avec des portraits de ceux qui ont fait l'histoire, l'ont écrite, en ont changé le cours, mais également une histoire plus proche de nous, celle de notre patrimoine, de nos monuments ou de nos objets iconiques. Les documentaires utilisent les nouvelles techniques scientifiques qui permettent d'aller plus loin dans l'exploration et la compréhension de notre histoire.
Sur Canal+, notre positionnement éditorial pour le documentaire consiste à raconter des histoires vraies en y injectant l'intensité dramaturgique et les codes de la fiction. Nos créations documentaires diffusés en prime time sur Canal+ se déclinent en séries-feuilletonnantes, comme la série Air cocaïne, celle sur Karl Lagerfeld et prochainement, celle sur les reclus de Monflanquin, l'histoire d'une famille maintenue sous emprise pendant plus de dix ans.
Nos créations concernent également des documentaires de sport. Sur la chaîne Canal+, ils passionnent nos abonnés qui suivent chaque semaine les grandes compétitions sur nos antennes. Je peux citer, entre autres, le documentaire sur l'entraîneur français Arsène Wenger, sur le meilleur buteur de l'histoire de l'équipe de France de football, Olivier Giroud, ou encore, prochainement, sur la judokate Romane Dicko, qui vise l'or aux prochains Jeux olympiques. En deuxième partie de soirée sur Canal+, nous avons installé une marque forte qui a près de vingt ans, « Les nouveaux explorateurs ». Ces documentaires sont consacrés à des voyageurs qui partent à la rencontre, à l'autre bout du monde, de leurs contemporains avec lesquels ils partagent une passion commune. Il s'agit de rencontres à hauteur de femmes et d'hommes, où chacun apprend de l'autre. Ce rendez-vous plaît particulièrement à notre public plus jeune des 25-35 ans.
Il y a quatre ans, nous avons créé un label, Les éclaireurs, pour nos documentaires d'impact. Les éclaireurs proposent des rencontres avec celles et ceux qui, tout en restant lucides sur l'état du monde, nous donnent les clés pour le rêver, le transformer, le réinventer. Ce sont des scientifiques, des entrepreneurs, des pionniers, des visionnaires qui s'intéressent à des enjeux très variés. Ils agissent, par exemple, pour une société plus inclusive et plus juste. C'est le sens de Onze de légende, qui raconte une expérience mise en place avec la fondation du Paris Saint-Germain (PSG), un documentaire qui a suivi pendant une année, chaque semaine, un entraînement de football avec des enfants autistes et des enfants neurotypiques. Le documentaire a permis de mettre en évidence les bénéfices de cet entraînement inclusif pour tous les enfants qui y ont participé. Depuis la diffusion de ce documentaire, deux autres clubs ont décidé de mettre en place un entraînement similaire.
Ces éclaireurs cherchent aussi de nouvelles voies pour préserver nos ressources communes. C'est tout l'enjeu du documentaire Plastic Odyssey, qui raconte l'aventure de trois jeunes Français qui partent à bord d'un bateau laboratoire pour trouver des solutions à la pollution plastique qui asphyxie les océans. Au cours de leur voyage, ils vont rencontrer d'autres acteurs engagés qui, comme eux, luttent contre la prolifération du plastique dans le monde.
Les éclaireurs repensent également les relations intergénérationnelles. La série Une vie d'écart a suivi pendant un an une classe d'école maternelle qui rend visite tous les après-midi à des grands adultes qui vivent en établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad). Nous y voyons se nouer des relations extrêmement fortes entre les générations et, surtout, nous observons les bénéfices cognitifs et physiques pour chacun d'entre eux. Cette démarche a d'ailleurs inspiré une commune du Nord de la France qui est allée encore plus loin, en créant une salle de sport et une salle d'art où se retrouvent les enfants et les personnes âgées.
Certains éclaireurs bousculent les préjugés. Je pense à Ouissem Belgacem dans la série inspirée de son livre Adieu ma honte, qui raconte son combat contre les préjugés et l'homophobie dans le monde du football. Enfin, des éclaireurs cherchent des solutions pour faire bouger les lignes. Nous diffuserons la semaine prochaine le documentaire Vivante(s), qui raconte le parcours de Sarah Barukh et son combat contre les féminicides – que l'ONU a récemment qualifié de « pandémie de l'ombre » – avec son livre 125 et des milliers où elle a redonné vie à des femmes mortes et anonymisées. Derrière les chiffres d'une année de féminicides, le film Vivante(s) est un appel aux solutions et à l'action portée par une femme qui a elle-même vécu dix ans de violences conjugales. Nous y consacrerons une soirée spéciale le 5 mars. Le documentaire sera suivi de Tout le monde savait, la pièce d'Elodie Wallace avec Sylvie Testud, et du film de Valérie Donzelli, L'amour et les forêts.
J'ai débuté ma carrière dans les médias il y a vingt-cinq ans, dans le câble. Je suis salarié du groupe Canal+ depuis presque dix-neuf ans. J'y suis rentré en tant que jeune chef de produit marketing, avant d'être directeur des relations avec les éditeurs, directeur des contenus de Canalsat, jusqu'à mon poste actuel de directeur général adjoint des antennes et membre du comité exécutif du groupe Canal+.
À ce titre, j'ai sous ma responsabilité les chaînes et les contenus, le cinéma, les séries, les documentaires, le divertissement, le spectacle vivant et la jeunesse. C'est en ma qualité de directeur général de Canal+ Thématiques, qui détient la licence de Planète+, de responsable de l'offre cinéma de Canal+ et de la chaîne Canal+ Cinéma que je m'exprime devant vous aujourd'hui.
Canal+ a noué avec le cinéma une belle et longue histoire d'amour, qui a débuté il y a bientôt quarante ans avec la diffusion de l'As des as, le 4 novembre 1984 et se poursuit aujourd'hui avec Anatomie d'une chute, film diffusé avant-hier avec grand succès sur notre chaîne. Chaque année depuis quarante ans, Canal+ a investi entre 150 millions d'euros et 200 millions d'euros dans le cinéma français, soit en cumulé plusieurs milliards d'euros injectés dans cette industrie culturelle majeure pour notre pays.
Ce niveau d'investissement par un opérateur privé dans son cinéma national est unique en Europe. Il constitue la clé de voûte de l'exception culturelle française en matière de cinéma. Au travers de ces 200 millions d'euros, Canal+ préachète environ 120 films dont environ quarante sont des premiers films, et donne ainsi leur chance à des talents émergents. Au-delà de ses obligations, Canal+ investit aussi dans le court-métrage, qui permet de révéler les talents de demain.
En 2023, les chaînes du groupe Canal+ ont acheté les onze films ayant reçu des César. Nous procédons à ces investissements, car nous aimons le cinéma, mais aussi parce que nous pensons qu'ils sont utiles pour le développement de notre offre payante et la fidélisation de nos abonnés. Ainsi, 34 % de nos abonnés identifient le cinéma comme la première source de valeur de leur abonnement.
Notre offre Canal+ en matière de cinéma est composée de quatre chaînes de cinéma : Canal+, la chaîne premium que vous connaissez ; Canal+ Box Office, qui regroupe toutes les superproductions ou blockbusters de notre offre ; Canal+ Grand Écran, la chaîne des films à avoir vu dans sa vie ; et Canal+ Cinéma. À ces chaînes disponibles sur notre application MyCanal, il faut rajouter les six chaînes thématisées de Ciné+ et, depuis peu, les trois chaînes OCS. Nous diffusons donc chaque année sur nos antennes environ 5 800 films différents par an, dont 1 629 films sur Canal+, soit à peu près autant que les dix-sept autres chaînes de la TNT gratuite réunies, qui en diffusent 1 722 selon l'Arcom en 2021.
Canal+ Cinéma est quant à elle sur la TNT depuis le 21 novembre 2005. Elle diffuse environ 400 à 500 films différents par an. Il s'agit d'un « multiplex » de la chaîne Canal+ : cela signifie qu'elle ne bénéficie que de 33 % de programmes inédits, les 67 % restants étant des programmes de rediffusion de Canal+. Son positionnement éditorial vise à proposer le meilleur du cinéma récent pour les amoureux du septième art, les œuvres des cinéastes français et étrangers, ainsi que la découverte des talents et des films salués par la critique et récompensés en festivals. Cette chaîne est également très riche en films de genre, très prisés par les plus jeunes. Nous avons récemment diffusé Les Filles d'Olfa, César du meilleur documentaire, Chien de la casse, César du meilleur premier film , Saint-Omer, Disco Boy, La Voie royale, La Famille Asada et Le Challenge.
Sur Canal+, nous proposons également des séries étrangères en plus de nos créations originales, à l'image de Dexter, Fellow Travelers, Full circle, L'amie prodigieuse ou en encore Fargo. Un nouveau pilier d'enrichissement de notre offre concerne le divertissement. Ainsi, nous nous sommes fortement impliqués dans le développement de nos talents et de nos relations avec le monde du spectacle vivant. Nous diffuserons le 29 mars prochain le dernier spectacle de Florence Foresti et avons également diffusé ceux de Gad Elmaleh et de Blanche Gardin. Nous diffuserons par ailleurs le spectacle de Jérémy Ferrari, mais aussi de jeunes artistes comme Paul Mirabel, Roman Frayssinet, Yacine Belhousse ou Aymeric Lompret.
Je suis journaliste depuis vingt-cinq ans, et ma carte de presse porte le numéro 86 721. J'ai débuté ma carrière en tant que journaliste sur TF1 en 1998, comme reporter et présentateur de l'émission dominicale « Auto-Moto », et ensuite pour les journaux de 13 heures et de 20 heures, mais toujours au service des sports. En 2009, je suis arrivé sur Canal+ en tant que grand reporter et présentateur d'un certain nombre d'événements. En 2013, nous avons fait l'acquisition des droits de la Formule 1 et j'ai été nommé rédacteur en chef et présentateur de ce projet ambitieux et international. En 2019, le service des sports s'est enrichi de l'arrivée des grand prix moto ou MotoGP. Ces deux disciplines ont connu de grands succès sur nos antennes. En juillet 2022, j'ai été nommé directeur des sports.
Nous diffusons 10 000 heures de sport sur nos différentes chaînes : Canal+ Sport et Canal+, mais également les chaînes proposées sur le câble et le satellite : Canal+ Foot, Canal+ Sport 360, Infosport+, notre chaîne d'information, ou encore Golf+. Au sein de ces 10 000 heures figurent une quinzaine d'émissions récurrentes, mais aussi nos droits sportifs, les compétitions que nous diffusons et qui reposent sur quatre piliers.
Le premier pilier est le rugby. Nous sommes diffuseur exclusif des compétitions nationales de rugby, le Top 14 et la Pro D2. Cette semaine par exemple, le prime time de Canal+ samedi soir et dimanche soir sera consacré au Top14. La Pro D2, la deuxième division du rugby professionnel, que la Ligue nationale de rugby appelle « le rugby des territoires », est diffusée sur Canal+ Sport, en prime time également. Tous ces matchs sont filmés, diffusés et éditorialisés en intégralité par nos équipes.
Un autre pilier de notre offre porte sur le football, avec la D1 Arkema, qui est le championnat féminin de première division. Nous avons d'ailleurs prolongé récemment les droits jusqu'en 2029. Nous la diffusons de manière hebdomadaire sur Canal+, tout comme la Ligue 1, La Ligue des champions ou la Premier League anglaise, qui est considérée comme le meilleur championnat domestique du monde.
Au rugby et au football s'ajoutent les sports mécaniques. La saison de Formule 1 diffusée en direct sur Canal+ est d'ailleurs sur le point de reprendre ce week-end. Dans quelques semaines, une compétition féminine de monoplaces baptisée F1 Academy, sera lancée. Elle sera aussi diffusée en direct sur l'antenne de Canal+ Sport.
Enfin, le golf est le quatrième pilier majeur de nos droits. Nous diffusons environ 350 jours par an des compétitions de golf, des tournois majeurs dans le monde entier, notamment le PGA Tour, la plus grande compétition internationale de golf qui se déroule aux États-Unis, ou l'Evian Master, disputé chaque année à Évian au mois de juillet.
Au total, nous retransmettons une quarantaine de championnats sur une douzaine de disciplines sportives différentes, mêlant quantité et diversité. Nos abonnés peuvent aussi accéder sur notre plateforme à un mode expert qui enrichit leur expérience, soit un deuxième écran qui permet aux plus pointus d'entre eux de disposer de statistiques, de classements et d'images supplémentaires. Nous avons également investi massivement sur le digital, en créant des contenus spécifiques sur Instagram, Twitch et Dailymotion. Nous avons également dépassé en 2023 le cap du million d'abonnés avec nos comptes YouTube ou TikTok.
À la rédaction digitale des sports, comme dans l'ensemble des rédactions, nous mettons en valeur ces compétitions en nous appuyant sur des équipes expertes, très engagées, de 450 journalistes dont une centaine en CDI, tous titulaires de la carte de presse. À ces journalistes s'ajoutent les anciennes championnes et anciens champions, les consultantes et les consultants. Je pense notamment à Sébastien Chabal et Marie-Alice Yahé pour le rugby, Jacques Villeneuve pour la Formule 1, Laure Boulleau, ou encore Samir Nasri ou David Ginola pour le football.
Le sport fédère et le sport rassemble. Nous avons aussi à cœur de jouer un rôle en matière d'éducation aux médias. À ce titre, nous accueillons des stagiaires collégiens avec l'association « Viens voir mon taf ». Nous avons fait deux promotions en 2023 avec cette association. Le 20 mars, nous recevrons, dans le cadre de la semaine d'éducation aux médias, une classe de cinquième d'un collège de Dijon, sous l'égide du Centre de liaison pour l'éducation aux médias et à l'information (Clemi).
Par ailleurs, nous avons signé en 2023 la Charte pour une plus grande égalité femmes-hommes dans les rédactions sportives. Toutes nos voix, tous nos visages, tous nos talents peuvent travailler indifféremment sur l'une ou l'autre de nos chaînes et déclinent la même promesse éditoriale centrée autour de l'immersion – emmener nos abonnés au cœur du sport – et de la narration. Notre travail porte ses fruits, en termes d'audience, mais aussi en termes de satisfaction de nos abonnés. Cette dernière est au plus haut depuis 2017.
Je souhaite terminer mon intervention par un exemple et un projet innovant. Nous avons lancé un casting pour trouver une future voix pour le football, une commentatrice ou un commentateur. Pour y parvenir, nous avons fait le tour de la France et nous avons reçu quelque 10 000 candidatures : devenir commentateur, commentatrice sur Canal+ fait encore énormément rêver. Un programme « Au Micro » de neuf épisodes sera d'ailleurs consacré à ce sujet, que vous découvrirez à partir du mois prochain. Le vainqueur sera embauché au sein du service des sports. Ce programme inédit reflète bien notre ambition, qui consiste à nous appuyer sur quarante ans de savoir-faire de sport à Canal+, soit un patrimoine exceptionnel, pour créer des programmes sportifs innovants.
Mes questions se concentreront sur le sport. Quel est l'avenir du marché du sport, de la présence du sport chez Canal+, en TNT payante ou gratuite, dans le contexte des événements d'intérêt majeur (EIM) et de nouveaux acteurs comme Amazon Prime, qui ne sont pas soumis aux mêmes obligations que vous et peuvent faire l'objet de dérives ? Je pense notamment aux fichiers clients qu'Amazon s'est constitué dans le cadre de Roland-Garros. Compte tenu du poids du sport dans le modèle économique de Canal+, faut-il s'inquiéter d'une fuite des clients vers ces nouveaux acteurs ?
Enfin, quel regard portez-vous sur les évolutions de la législation en matière de piratage ? Désormais, il me semble plus facile d'obtenir rapidement un référé pour couper le signal en cas de piratage.
Le sujet des événements d'importance majeure est effectivement crucial dans l'économie des chaînes de télévision payante. Le décret qui a vocation à être éventuellement renouvelé prochainement listera les compétitions qui devront être diffusées sur des antennes gratuites.
Au-delà de la question du nombre et de la qualité des compétitions qui pourraient y figurer, une question spécifique porte sur la dichotomie des situations. En effet, des obligations s'imposent à nous quand les plateformes, les services de médias audiovisuels à la demande (Smad) en sont exemptés, car ils ne sont pas établis en France. Cette asymétrie concurrentielle prend son origine dans la directive du 14 novembre 2018 modifiant la directive 2010/13/UE visant à la coordination de certaines dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres relatives à la fourniture de services de médias audiovisuels, dite « directive SMA ». Les opérateurs, dont Canal+, ont bon espoir de voir ces sujets traités dans le cadre de la possible révision de la directive. Cela serait une bonne nouvelle pour nous. En effet, il serait particulièrement choquant que des événements d'importance majeure, certaines compétitions et certaines finales, notamment celles de l'équipe de France, ne soient pas disponibles pour les Français.
Ensuite, je vous remercie d'avoir mentionné l'immense avancée apportée par la loi du 25 octobre 2021 en matière de lutte contre le piratage, qui permet de bloquer en temps réel un certain nombre de diffusions de contenus sportifs pirates et de sites miroirs. En compagnie de l'Association pour la protection des programmes sportifs (Apps) qui réunit les diffuseurs et les ayants droit, nous avons longuement discuté avec l'Arcom et les fournisseurs d'accès et sommes finalement parvenus à des résultats satisfaisants : nous bloquons un très grand nombre de sites pirates lors de chaque compétition.
De fait, nous avons souvent l'habitude de dire chez Canal+ que notre premier concurrent est le piratage, bien plus encore que certaines plateformes américaines. En effet, quand les contenus sont disponibles gratuitement sur internet, la propension des gens à payer pour ces contenus devient extrêmement faible, mettant à mal l'économie de la télévision payante.
Selon vous, l'inflation des droits sportifs va-t-elle continuer à se poursuivre ? Aurez-vous les moyens de la suivre ?
S'agissant de l'inflation des droits sportifs, je ne peux malheureusement pas vous en dire plus. Seul l'avenir le dira. Je rappelle néanmoins que nous sommes de loin le premier contributeur du sport français en termes de droits, à hauteur de 1,2 milliard d'euros, contre 300 millions d'euros cumulés pour les chaînes gratuites. Nous sommes partenaires de nombreuses fédérations, dont la Fédération française de football, la Ligue nationale de rugby, la Ligue de football professionnel et la Fédération française du sport automobile.
La liste des EIM comprend un certain nombre de manifestations, dont les Jeux olympiques d'été et d'hiver, la finale de la Ligue des champions de football et la finale de la Coupe de France de football, c'est-à-dire des événements qui doivent absolument être diffusés en gratuit, en clair. D'abord, cette inscription dans la liste des EIM entraîne pour nous une perte d'intérêt ou de valeur puisque nous ne pouvons pas les réserver à nos abonnés, ce qui ne nous empêche pas d'en diffuser un certain nombre, dont la finale du Top 14 par exemple, qui est traditionnellement diffusée sur le service public, en essayant d'être mieux-disant, de prendre l'antenne encore plus tôt et d'offrir des contenus encore plus différenciants à nos abonnés.
Ensuite, nous constatons effectivement une multiplication des acteurs sur le marché du sport. Certaines plateformes s'intéressent maintenant aux événements en direct et nous avons observé la conclusion d'accords très significatifs aux États-Unis dans ce domaine. En conséquence, nous sommes très vigilants, mais également conscients de nos forces, notamment notre force de proposition. Il y a quelques semaines, 2 280 000 abonnés étaient devant le match PSG-Dortmund en Ligue des champions, soit un record depuis 2014. Dans cet univers où les usages changent énormément, le sport reste un rendez-vous de direct, un rendez-vous familial et puissant.
Je souhaite revenir sur le dernier point évoqué par le président Bataillon, concernant les données. Lors de la mise en clair par Amazon du match Nadal-Djokovic à Roland-Garros, il était nécessaire de télécharger l'application Amazon et de fournir un certain nombre d'informations pour pouvoir accéder à la rencontre. Dès lors, Amazon a eu accès à un grand nombre de données de fans de tennis. Une fois encore, cet élément est lié au fait que l'Arcom ne peut pas réguler les opérateurs qui ne sont pas établis en France, créant évidemment des asymétries puisque, à l'inverse, nous n'avons pas été en mesure de diffuser le grand prix d'Abu Dhabi en clair et, a fortiori, d'inciter un certain nombre de personnes à télécharger MyCanal pour y avoir accès.
Il est effectivement important de revenir sur ces asymétries : plus nous compliquons l'intérêt économique des groupes, moins nous pouvons nous plaindre qu'ils s'orientent vers d'autres types d'intérêts. Il me semble donc nécessaire que nous nous y intéressions de près.
Nous verrons si nous sommes capables de converger sur des propositions qui réduiront les asymétries, mais pas forcément les régulations.
Le groupe Canal+ a cessé la commercialisation de ses chaînes payantes sur la TNT. Désormais, les abonnés par ce mode de diffusion ne représenteraient plus que 3 % du parc. M. Grégoire Castaing, directeur général adjoint chargé des finances et de la stratégie du groupe Canal+ a déclaré que la TNT offrait peu de perspectives encourageantes. Au contraire, elle poserait des problèmes supplémentaires, dus notamment aux limites technologiques et aux obligations liées à cette fréquence. Cependant, si j'ai bien compris les propos de Maxime Saada ce matin, l'ensemble des chaînes de votre groupe candidateront pour le renouvellement de leur fréquence. Pouvez-vous nous en dire plus ?
Le parc de la TNT est effectivement en déclin. En revanche, nous commercialisons toujours des abonnements TNT, même si leur part dans nos ventes est devenue extrêmement marginale. Si la TNT couvre 90 % du territoire ou des foyers français, elle n'est utilisée vraiment que par 19 % des foyers en termes de réception unique aujourd'hui : les Français consomment majoritairement la télévision sur un autre support, principalement connecté, en raison des nouveaux usages qui se développent. Nos abonnés ont suivi le même chemin. Historiquement, nous avons eu jusqu'à 500 000 abonnés à Canal+ sur la TNT, essentiellement des abonnés qui nous recevaient initialement sur l'analogique. Peu à peu, ils ont migré vers des plateformes ADSL. Pour le moment, nous estimons que la situation sur la TNT est encore économiquement tenable car notre parc est encore suffisant pour que ce soit supportable, raison pour laquelle nous allons candidater à nouveau.
Il est aujourd'hui tout à fait possible de s'abonner en télévision payante à nos offres Canal+, même si ces modes de commercialisation ne sont pas forcément privilégiés.
Le groupe Canal+ avait déclaré « ne pas renoncer à ce que sa chaîne Planète soit un jour diffusée sur la TNT gratuite afin d'enrichir une offre documentaire très limitée ». Souhaitez-vous toujours pouvoir diffuser Planète+ sur la TNT gratuite ?
Nous allons étudier l'appel d'offres, mais nous recandidaterons en payant pour Planète+.
Madame Cauquelin, je vous pose une question que j'ai posée fréquemment dans cette commission d'enquête, sans obtenir réellement de réponse satisfaisante : qu'est-ce qu'une télévision de qualité ?
Je peux vous répondre en évoquant les chaînes documentaires de Canal+, qui proposent de la diversité, en s'adressant à tous les publics. Sur les chaînes thématiques, nous ne cherchons pas à regrouper un public large autour d'un programme, mais à satisfaire des abonnés qui s'intéressent à des sujets différents. Nous nous situons donc plutôt dans une offre de proposition plutôt que dans une offre de volume.
Votre réponse me laisse un peu sur ma faim.
Par ailleurs, le comité d'éthique du groupe Canal+ s'est saisi de certains faits. En 2018, un reportage de l'émission « L'effet Papillon » consacré à la situation politique du Togo et diffusé sur Canal+ avait été mis à disposition en replay pour une durée bien plus réduite que les autres éditions de cette émission, À la suite d'une saisine de Reporters sans frontières (RSF), le comité d'éthique avait « établi le caractère prématuré de ce retrait » et « préconisé que l'émission incriminée soit à nouveau rendue disponible en rattrapage pour une durée complémentaire de trois semaines afin d'écarter toute suspicion ». Pourquoi cette préconisation n'a-t-elle pas été suivie d'effets ?
Cette émission de « L'effet papillon » a été diffusée en octobre 2017 sur nos antennes à plusieurs reprises. Elle a également été disponible en replay sur notre plateforme, pour une durée de sept jours, ce qui était la norme à cette époque. La recommandation du comité d'éthique date de mars 2018, il me semble. Nous n'avons pas suivi cette recommandation puisque cette émission a été arrêtée en fin de saison, conformément à ce qui avait été prévu.
Il se trouve en revanche que le Togo a été mis à l'honneur, dans un autre programme, la même année. Certains ont considéré qu'il s'agissait là d'une forme de compensation, à la suite de la diffusion du premier programme. Pouvez-vous confirmer ou infirmer cette affirmation ?
Je l'infirme. Ce deuxième programme n'avait rien à voir avec le premier. Il s'agit de programmes courts de calage d'antenne, des « programmes tampons » d'initiative africaine. En effet, toutes nos chaînes sont diffusées dans les pays d'Afrique francophone et ce programme l'a été au mois de décembre de l'année en question.
Le groupe Canal + a déposé les mots « Planète » et « Planet » à l'Institut national de la propriété intellectuelle en 1999, puis « Planète+ » en 2011. En conséquence, le groupe a menacé de poursuites judiciaires plusieurs associations et sociétés qui utilisent le terme dans leur dénomination. En 2020, plusieurs associations de protection de l'environnement ont publié dans Marianne une tribune pour dénoncer « une situation kafkaïenne » qui les conduit à ne plus pouvoir « nommer ce qu'elles sont chargées de préserver », et ont fondé le collectif « Notre Planète à tous ». Depuis 2020, la situation a-t-elle évolué ? Avez-vous cessé les poursuites à leur égard ?
Nous ne nous octroyons pas le mot « planète », ni son usage. Nous n'empêchons évidemment pas les associations d'utiliser ce mot. Simplement, nous protégeons nos droits de propriété intellectuelle sur le terme « Planète+ ». Nous avons effectué un certain nombre d'oppositions dans le cadre de dépôts de droits de propriété intellectuelle qui avaient précisément été réalisés par ces associations, sur des secteurs d'activité concurrents des nôtres.
Il ne s'agit donc pas d'empêcher d'utiliser le terme « planète ». En revanche, si les uns et les autres souhaitent diffuser une chaîne de télévision ou une chaîne YouTube qui s'appellerait Planète+, cela poserait une difficulté en termes de droits de la propriété intellectuelle.
Avez-vous évalué la proportion de sport féminin diffusé sur vos antennes en comparaison du sport masculin ? Ensuite, je suis consciente du fait que Canal+ a toujours été très vigilante en matière de diffusion de programmes inclusifs et a pris sa part dans la lutte contre de nombreuses formes de discriminations.
Par ailleurs, je sais que lors de la diffusion « en direct » de rencontres sportives, il existe un petit temps de latence entre le match en lui-même et la réelle diffusion, qui permet notamment aux équipes de choisir les images qui sont diffusées. Donnez-vous des consignes sur les rencontres sportives à risque, qui peuvent donner lieu à des slogans ou chants pouvant revêtir des caractères sexistes, homophobes, racistes ou des appels à la violence ? Disposez-vous d'une politique particulière pour les supprimer ou les rendre inaudibles ? À titre informatif, sachez que je pose cette même question à tous les diffuseurs d'événements sportifs.
En matière de direct, la première précaution est l'expérience. Depuis le 9 novembre 1984, Canal+ diffuse du sport en direct, notamment du football. Dans toutes les composantes de la chaîne de fabrication, c'est-à-dire la captation, la réalisation et la production, nous disposons des meilleurs professionnels.
Dernièrement, des propos racistes et homophobes ont malheureusement été entendus lors d'un match de foot en France, que nous ne diffusions pas. Je ne peux garantir que cela ne serait pas arrivé sur nos antennes, mais nous disposons d'un certain nombre de réponses en pareil cas : diminuer l'intensité de la captation sonore aux endroits problématiques, ne pas filmer des banderoles qui porteraient éventuellement des messages à caractère raciste, ou homophobe, voire remplacer le son problématique par un son neutre. Nous sommes capables de le faire. Ensuite, il faut opérer un distinguo entre les compétitions dont nous sommes les réalisateurs, comme les matchs de Ligue des champions sur le sol français, et celles où nous diffusons une captation internationale, par exemple la Formule 1 et le MotoGP. Néanmoins, les mêmes consignes de prudence s'appliquent pour le son et pour l'image.
S'agissant de votre première question, je tiens à préciser que s'il peut exister un temps de latence lié au moyen de réception, nous diffusons en « vrai direct ». En revanche, certaines compétitions prévoient volontairement un délai. C'est le cas de certaines compétitions automobiles au cours desquelles pourrait survenir un événement tragique. Le décalage d'une dizaine de secondes est ici organisé à la source, pour pouvoir éventuellement passer sur un plan neutre et éviter de diffuser une image qui serait potentiellement choquante.
Je me permets de poser à nouveau la question de la proportion de diffusion de compétitions féminines et masculines. Ensuite, lors de vos rediffusions, intervenez-vous a posteriori si vous vous apercevez qu'il est nécessaire de le faire ? Enfin, au-delà de l'expérience que vous avez mentionnée, la chaîne donne-t-elle des consignes précises pour lutter spécifiquement contre les discriminations ? Si tel est le cas, comment expliquer que ces consignes ne seraient pas les mêmes sur toutes les chaînes du groupe ?
Dans mon périmètre, les consignes sont clairement passées et appliquées, concernant le sport.
Ensuite, nous avons une appétence particulière pour le sport féminin, notamment en direct. Nous sommes diffuseurs du sport professionnel et nous sommes très heureux et fiers d'accompagner aussi la professionnalisation de la D1 Arkema, le championnat de France féminin de football. Nous avons prolongé nos droits pour six ans, ce qui nous permet de soutenir cette professionnalisation et de permettre aux joueuses de vivre de leur sport, ce qui n'est pas encore tout à fait le cas. La Ligue nationale de rugby s'attèle également à traiter cette question. Il existe ici un horizon de professionnalisation pour le rugby féminin et nous serons très heureux de diffuser ces rencontres, le jour venu.
Je n'ai pas de statistiques concernant la répartition entre les compétitions féminines et masculines, mais je pense qu'elle est très nettement à l'avantage de ces dernières. Un certain nombre de sports sont mixtes, mais ne proposent pour autant dans leur affiche que des hommes au départ. C'est le cas de la Formule 1 : rien n'empêche une pilote femme de prendre le départ d'un grand prix, même s'il faut reconnaître que cela n'est plus arrivé depuis 1975, il me semble. Nous accompagnons de notre côté un grand nombre de jeunes pilotes, dont des jeunes femmes. À ce titre, la pilote Doriane Pin est en train d'émerger et nous l'avons déjà invitée dans nos émissions. Enfin, à travers nos directs et nos dizaines de documentaires, nous mettons en lumière le sport féminin.
Je rappelle, à votre demande, que j'ai été également journaliste. À ce titre, j'ai évolué dans l'univers de la presse écrite, de la presse radio, de la presse télévision publique et privée, notamment Canal+ et un certain nombre de ces satellites. À la suite des propos de Mme la députée Amiot, je précise avoir été très heureux de contribuer, dans les années 2000, à la diffusion du match de football féminin France-Angleterre en prime time, commenté par Thierry Gilardi et Aimé Jacquet.
Monsieur Viret, vous avez indiqué que dans le cadre de l'exclusivité sur le prochain appel d'offres de la Ligue des champions, vous alliez créer en fait dix-huit chaînes en direct ou live. Cela signifie-t-il que vous allez reprendre le schéma du paiement à la séance (pay-per-view) comme cela fut jadis le cas pour Kiosque ?
Monsieur Sénécal, cette diffusion entraînera-t-elle une ligne éditoriale particulière sur une durée imposée, avec des recrutements à la clé ?
Nous avons la chance de disposer de l'intégralité des matchs de la Ligue des champions à partir du mois d'août prochain. Nous travaillons actuellement avec la direction des antennes et la direction de la distribution pour réfléchir à la manière dont nous exposerons ces matchs, qui seront au nombre de dix-huit certains soirs, simultanément.
Notre objectif demeure le même : proposer la meilleure expérience pour nos abonnés qui sont férus de football et de sport de manière générale. Nous réfléchissons à la proposition la plus harmonieuse pour ces dix-huit matches, à la fois sur les chaînes existantes que vous connaissez – Canal+, Canal+ Sport, Canal+ foot, Canal+ 360 – tout en lançant des flux live qui pourront être pour l'instant sans pay-per-view. Nous sommes en train d'imaginer des formules pour nos abonnés, dans le cadre de leur « pack sport ». Mais pouvoir proposer ces matchs en ultra haute définition (UHD) et en haute définition (HD) représente effectivement un pari technique. Simultanément, nous mettrons en place une éditorialisation spécifique pour ces rencontres.
Il s'agit du plus gros contrat jamais signé par Canal+ en termes de volume, avec plus de 500 matchs, contre moins de 100 à l'heure actuelle. Pour les recrutements, nous mobiliserons toutes les forces vives en interne, et elles sont nombreuses, dans la mesure où les journalistes du service des sports sont talentueux, experts et polyvalents. Par exemple, rien n'empêche un journaliste rugby de venir renforcer ponctuellement les équipes football, le temps d'une soirée ou de quelques soirées de Ligue des champions. Puisque nous disposons d'une douzaine à une quinzaine de commentatrices et commentateurs de football, il n'y aura pas a priori de recrutements dans des proportions élevées.
Nous travaillons effectivement sur la ligne éditoriale depuis la signature de ce contrat portant sur la période 2024-2027, afin de trouver des idées innovantes et d'accentuer notre leadership dans la couverture du football et notre savoir-faire documentaire, mais aussi en matière d'immersion d'avant-match et d'après-match, notre mode expert.
Alors que des plateformes comme Netflix proposent une offre avec publicité depuis plusieurs mois conduisant à abaisser le prix de l'abonnement, alors qu'Amazon annonce l'arrivée de la publicité sur Prime Video avec une option pour en avoir moins, nous constatons que le rapport entre le payant et la publicité se modifie sur les plateformes.
Quelles sont les impossibilités, les obligations ou les libertés quant au caractère payant et à l'utilisation de la publicité sur ces fréquences de la TNT payante ? Savez-vous dans quelle mesure vos publics pourraient être séduits par l'opportunité de voir arriver de la publicité sur les chaînes, ce qui permettrait de diminuer le coût de leur abonnement ?
La TNT a effectivement révolutionné le paysage audiovisuel. Mais depuis son introduction, des plateformes, notamment la nôtre, sont apparues et remportent aujourd'hui un franc succès auprès de nos concitoyens.
S'agissant de notre convention TNT pour Canal+, nous ne pouvons pas diffuser de publicités lorsque nous sommes en crypté, mais uniquement lors de nos plages en clair, qui sont aujourd'hui extrêmement réduites. Nous avons droit de diffuser un peu de publicité, de manière limitée, sur les chaînes Canal+ Sport, ce qui n'est pas le cas pour Canal+ Cinéma.
Ensuite, nous constatons la naissance de chaînes « Fast TV », c'est-à-dire des chaînes qui relinéarisent des contenus qui étaient à la demande, payés par la publicité. Une autre possibilité permet de diminuer le prix de l'abonnement en contrepartie de plages de publicité.
Canal+ se doit naturellement d'étudier ces modèles, ces évolutions. Comme Maxime Saada l'a souligné ce matin, nous avons besoin d'une régie publicitaire forte, aujourd'hui la troisième du marché en France, puisqu'il nous faudra être réactifs pour, éventuellement, changer notre fusil d'épaule. Pour l'instant, nous avons choisi avec Christophe Pinard-Legry, le directeur général France en charge de la commercialisation, de ne pas aller vers ces modèles de publicité sur nos chaînes payantes, qui constituent un « écrin » pour nos abonnés, lesquels sont habitués à ne pas avoir de publicité. En revanche, nous restons agiles, à l'écoute du marché et des modes aussi d'utilisation de nos consommateurs.
Dans ce domaine également, nos contraintes sont bien plus élevées que celles des plateformes, qui peuvent couper des films, placer de la publicité où elles le souhaitent. Nous ne voulons pas le faire, mais même si nous le voulions, cela nous serait impossible.
Il s'agit toujours de la même problématique, entre d'une part le pays d'établissement et d'autre part, le pays de diffusion. Le nombre de minutes de publicité par heure est régulé pour les opérateurs locaux, mais les plateformes y échappent. Ceci est particulièrement le cas sur la TNT gratuite.
Nous vous avons adressé un questionnaire écrit et nous comptons sur vos réponses écrites à ce dernier. Pour mémoire, la première question porte sur la structure de vos coûts, le coût de la grille spécifique des programmes et les coûts de personnel. À ce titre, j'aimerais que vous précisiez la part des pigistes, des CDD et des CDI.
Nous vous répondrons par écrit sur toutes ces questions extrêmement précises. Je vous remercie pour la qualité de ces échanges tout au long de la journée, qui nous ont permis de vous faire découvrir tous nos métiers au sein du groupe Canal+. Trente-cinq de nos services sont conventionnés par l'Arcom sur la TNT, le câble ou le satellite, sur la plupart des thématiques que nos concitoyens adorent.
Cette journée était effectivement instructive en tous points. Nous vous rappelons de nous renvoyer des réponses écrites et de nous transmettre tous les documents qui ont pu être cités au cours de l'audition.
La séance s'achève à dix-huit heures trente-cinq.
Membres présents ou excusés
Présents. – Mme Ségolène Amiot, M. Quentin Bataillon, Mme Céline Calvez, M. Jean-Jacques Gaultier, M. Jérôme Guedj, M. Laurent Jacobelli, Mme Constance Le Grip, Mme Sarah Legrain, M. Karl Olive, M. Aurélien Saintoul, Mme Sophie Taillé-Polian
Excusé. – M. Ian Boucard
Assistait également à la réunion. – Mme Nadège Abomangoli