La réunion

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La Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire a examiné le projet de loi, adopté par le Sénat après engagement de la procédure accélérée, relatif à l'organisation de la gouvernance de la sûreté nucléaire et de la radioprotection pour répondre au défi de la relance de la filière nucléaire (n° 2197) .

(M. Jean-Luc Fugit, rapporteur)

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Mes chers collègues, nous entamons l'examen du projet de loi, adopté par le Sénat après engagement de la procédure accélérée, relatif à l'organisation de la gouvernance de la sûreté nucléaire et de la radioprotection pour répondre au défi de la relance de la filière nucléaire.

Je rappelle que nous avons délégué au fond l'examen des articles 2 ter, 12, 16, 17, 17 bis, 17 ter et 18 à la commission des affaires économiques. Comme il est d'usage, nous nous en remettrons aux décisions qu'elle a prises, en mettant aux voix sans débat les amendements qu'elle a adoptés et les articles afférents. Ils seront examinés ce soir, lors de la réunion de vingt et une heures trente, pour permettre une présentation groupée des positions de la commission des affaires économiques.

Par ailleurs, le ministre délégué chargé de l'industrie et de l'énergie, M. Roland Lescure, ne peut être présent aujourd'hui car il accompagne le Président de la République dans un déplacement. Il assistera néanmoins à nos réunions demain après-midi et soir. L'examen de l'article 2 est donc réservé jusqu'à demain, afin d'assurer un débat aussi approfondi que possible sur cet article qui constitue le cœur de la réforme.

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En février 2022, lors du discours de Belfort, le Président de la République a tracé les orientations du destin énergétique de la France : sortir de notre dépendance aux énergies fossiles, garantir notre souveraineté et accélérer la transition énergétique pour atteindre la neutralité carbone d'ici à 2050.

Depuis lors, la politique énergétique française a été précisée. Elle repose sur quatre piliers : sobriété, efficacité énergétique, énergies renouvelables et nucléaire. Ces quatre piliers, complémentaires, sont indispensables. Ensemble, ils forment un tout : la prédominance de l'un ou de plusieurs d'entre eux au détriment des autres, comme certains acteurs politiques le souhaitent, ne permettrait pas d'atteindre les objectifs fixés.

Une fois cette trajectoire arrêtée, le Parlement a travaillé à sa mise en œuvre en adoptant, au début de l'année 2023, un projet de loi pour accélérer le développement des énergies renouvelables et un autre pour faciliter la relance du nucléaire.

Le choix qu'a fait la France de favoriser une production d'énergie décarbonée s'appuie sur la science et n'oppose pas les énergies renouvelables entre elles, ni ces dernières au nucléaire. Nous pouvons nous féliciter de cette trajectoire, qui porte aujourd'hui ses fruits, comme le montre la diminution des émissions de CO2 observée en France alors que l'Agence internationale de l'énergie (AIE) a indiqué, la semaine dernière, que les émissions mondiales de CO2 liées à l'énergie ont progressé de 1,1 % en 2023.

Il y a un an, lors du débat sur le projet de loi relatif à l'accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires à proximité de sites nucléaires existants et au fonctionnement des installations existantes, nous avons évoqué la question de la sûreté nucléaire. Pour chacune et chacun d'entre nous, il est essentiel et évident que la réussite de la filière nucléaire repose sur la garantie d'une exploitation sûre et sur un cadre clair du contrôle en matière de sûreté nucléaire et de radioprotection. Rappelons d'ailleurs que ce cadre est d'abord fondé sur la responsabilité des exploitants nucléaires.

Depuis un an, toutefois, la question se pose de savoir si l'organisation actuelle de notre système de sûreté nucléaire est suffisamment efficace et robuste pour garantir les meilleurs standards de sûreté à l'aune des immenses défis à venir. Bien qu'elle ait permis de répondre de façon satisfaisante aux enjeux de sûreté nucléaire et de radioprotection depuis 2006, à un moment où l'industrie nucléaire connaissait un calme relatif, cette organisation semble moins adaptée aujourd'hui.

Le contexte a, en effet, radicalement changé. Nous nous trouvons au seuil d'un bouleversement d'ampleur du paysage industriel nucléaire français, puisque, après de longues années de simple gestion du parc existant, de nouveaux et nombreux défis se dressent devant nous : la prolongation des réacteurs actuels au-delà de cinquante ou soixante ans, les évolutions technologiques, les impacts du changement climatique et le cyberterrorisme – auxquels peuvent s'ajouter des difficultés inattendues, comme les problèmes de corrosion sous contrainte qui ont récemment affecté le parc de réacteurs nucléaires.

Le déploiement d'une filière pour le réacteur pressurisé européen (EPR) 2 et l'apparition de nombreuses innovations en matière de petits réacteurs, comme les petits réacteurs modulaires (SMR), représentent également un défi : compte tenu de la constitution d'un écosystème très dense de start-up, la sphère du contrôle devrait se trouver confrontée à une multitude d'acteurs privés.

Les projets associés à ces évolutions vont accroître significativement et durablement le volume et la complexité des dossiers de sûreté et de radioprotection à étudier. C'est pourquoi nous sommes réunis pour examiner ce projet de loi relatif à l'organisation de la gouvernance de la sûreté nucléaire et de la radioprotection pour répondre au défi de la relance de la filière nucléaire.

À cet égard, je voudrais rappeler que notre système de contrôle actuel, qui repose, d'une part, sur l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN), chargée de la prise de décision, et, d'autre part, sur l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN), résulte de réorganisations successives intervenues depuis plus d'un demi-siècle.

Sans en retracer toutes les étapes, je rappelle que l'IRSN est né, en 2002, de la fusion entre l'Institut de protection et de sûreté nucléaire (IPSN), créé en 1976, et de l'Office de protection contre les rayonnements ionisants (Opri). Déjà, quand il avait fallu séparer l'IPSN du Commissariat à l'énergie atomique (CEA), nombreux étaient ceux qui craignaient que ce ne soit le début du démantèlement du CEA. Cette crainte n'a pas été confirmée par la suite.

L'ASN elle-même a d'abord été le service central de sûreté des installations nucléaires (SCSIN), rattaché au ministère de l'industrie, puis la direction de la sûreté des installations nucléaires (DSIN), placée sous l'autorité conjointe des ministres chargés de l'industrie et de l'environnement en 1991, avant de devenir indépendante en 2006.

Aujourd'hui, les deux entités travaillent ensemble, le plus souvent en mode projet, « au pied du réacteur », comme le rappelle l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (Opecst) dans son rapport sur les conséquences d'une éventuelle réorganisation de l'ASN et de l'IRSN sur les plans scientifiques et technologiques ainsi que sur la sûreté nucléaire et la radioprotection du 11 juillet 2023, dont j'ai été l'un des rapporteurs.

Si une approche institutionnelle pourrait laisser penser qu'il existe une distinction rigide entre l'expertise et la décision, on observe en fait un continuum étroit entre les deux activités. Certes chargée de prendre les décisions, l'ASN s'appuie aussi bien sur ses propres équipes d'expertise que sur les services de l'IRSN – lequel y consacre une partie de ses ressources.

Le projet de loi garantit l'indépendance de l'entité chargée du contrôle de la sûreté nucléaire civile et de la radioprotection, vis-à-vis du Gouvernement comme des exploitants, grâce au statut d'autorité administrative indépendante, le plus protecteur en droit français.

Une évolution du système actuel vers une approche plus intégrée présenterait de nombreux avantages, sans compromettre les principes fondamentaux de la sûreté nucléaire. En créant une Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection (ASNR), qui réunirait, en plus des missions de l'ASN, l'essentiel des missions d'expertise et de recherche de l'IRSN, le projet de loi permettra la fixation d'un calendrier unique de priorités.

En effet, à l'heure actuelle, le double niveau de pilotage limite l'efficience et la réactivité du processus. La relation entre l'ASN et l'IRSN s'inscrit dans le cadre d'une convention, négociée par les deux parties tous les cinq ans, qui s'appuie sur neuf documents-cadres. Un protocole est en outre conclu tous les ans pour convenir des priorités à venir. Cette organisation et ce niveau de formalisme résultent de l'existence même d'entités séparées, laquelle complexifie le pilotage des priorités et l'allocation des moyens. Dans un contexte de relance du nucléaire, une direction générale unifiée et un comité de direction rassemblant les activités de l'ASN et de l'IRSN seraient un moyen de renforcer le partage d'informations et le pilotage des moyens de la future autorité.

Tel serait également le cas en situation de crise, puisque l'ASN et l'IRSN disposent chacun d'un centre de crise, d'une organisation spécifique et de moyens propres de gestion de crise. Leur intégration permettrait de mettre en place un interlocuteur unique pour les autorités publiques et de fluidifier les échanges entre les équipes chargées de l'expertise et celles chargées de proposer des actions de protection de la population.

S'agissant des ressources humaines, il existe des tensions sur certaines compétences rares, actuellement dupliquées dans les deux entités. En réunissant des personnels très bien formés et expérimentés, et en facilitant leur travail collectif, la réforme améliorera la qualité de l'expertise, de l'instruction des dossiers et de la décision. Elle renforcera également les opportunités de mobilité professionnelle, y compris géographique, au sein de l'autorité.

Enfin, une autorité unifiée disposera d'un plus grand pouvoir d'influence dans les instances internationales et sera en mesure d'harmoniser sa communication pour défendre une vision française unique de la sûreté. Par sa taille, la future autorité sera d'ailleurs la plus importante au niveau européen et parmi les plus importantes au niveau mondial. Cela devrait accroître encore l'influence française à l'international, au bénéfice de niveaux de sûreté ambitieux et pertinents.

Bien sûr, les principes fondamentaux de la sûreté nucléaire seront préservés, qu'il s'agisse de la distinction entre expertise et décision, de la transparence de l'information en matière de sûreté nucléaire, notamment vis-à-vis du Parlement, ou encore de la publication des rapports d'expertise, en particulier de ceux sur lesquels s'appuient les décisions de l'ASN. Ces principes sont inscrits à l'article 2 du projet de loi et se déclinent dans d'autres articles. Les exigences d'indépendance, de déontologie et de transparence ont en outre été renforcées par le Sénat, dont il convient de saluer la qualité des travaux.

Je suis particulièrement attaché à ce que les activités de recherche conduites à l'IRSN soient maintenues au plus haut niveau d'expertise et appuyées par un conseil scientifique, car la relance du nucléaire implique celle de la recherche et de l'innovation. Je présenterai un amendement en ce sens.

Concernant le dialogue social, le projet de loi prévoit non seulement, à l'article 6, de préserver les statuts privé et public des personnels, mais également de conserver les instances actuelles jusqu'à la mise en place d'une instance spécifique – le comité social d'administration – qui sera dotée de deux formations spécialisées pour les salariés et les fonctionnaires.

Les salaires des contractuels et des agents de droit privé seront revalorisés mais il faudra également tenir compte, dans le rapport prévu à l'article 11 sur les besoins prévisionnels humains et financiers de la nouvelle autorité, des rémunérations des fonctionnaires.

L'évolution structurelle envisagée ne doit pas interférer avec l'augmentation de la charge de travail en matière de sûreté nucléaire prévue en 2026 et 2027, ce qui suppose de parvenir à mettre en place l'ASNR au 1er janvier 2025.

J'insiste sur la nécessité d'un véritable suivi par le Parlement de la mise en œuvre de la réforme. Je vous proposerai en ce sens un amendement qui permet à l'Opecst de suivre l'état d'avancement des travaux préparatoires de création de l'ASNR, puis de solliciter des bilans réguliers de la création de cette nouvelle autorité. Ce suivi renforcé de la réforme par l'Opecst, pendant une durée de deux ans, garantira pleinement l'effectivité du contrôle et de l'évaluation exercés par les parlementaires.

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Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.

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Le projet de loi soumis à notre examen, qui fait notamment suite au plan de relance de la filière du nucléaire civil impulsé par le Président de la République lors du discours de Belfort il y a un peu plus de deux ans, se veut structurant pour le contrôle de nos installations.

Nous aurons à définir les modalités d'organisation et de gouvernance, le statut des personnels et les missions de la future autorité au regard des enjeux de fluidité, de cohérence, d'expertise et d'attractivité, qui ont été relevés dans le rapport de l'Opecst, rédigé par le sénateur Stéphane Piednoir et le rapporteur du présent projet de loi, Jean-Luc Fugit.

Les nombreuses auditions menées par le rapporteur, particulièrement suivies, ont permis de faire émerger des demandes de toutes parts, tant de l'ASN que de l'IRSN. Notre groupe tâchera d'y répondre, notamment en ce qui concerne le suivi accru de la réforme, la préservation de la qualité de la recherche et de l'indépendance, ou encore la transparence et la déontologie de la future autorité. Nous veillerons à assurer une continuité sur ces quatre points, à mon sens essentiels et pour lesquels nous proposerons des améliorations.

Cette fusion est une étape importante, mais ce n'est pas la première du genre. L'IRSN n'est-il pas lui-même né d'une fusion de deux entités ? Il ne s'agit donc pas d'effacer l'ASN ou l'IRSN, mais bien d'unifier leurs savoir-faire au profit d'une relance rapide et nécessaire du nucléaire civil français.

Le 1er janvier 2025 peut sembler proche – cette crainte a été exprimée – mais cette fusion a été préparée par de nombreux groupes de travail. La nomination d'un préfigurateur, demandée par le Sénat dans le rapport prévu à l'article 11, constitue un ajout important que notre groupe soutiendra et renforcera, afin de mieux accompagner les conditions de transfert des activités de l'IRSN et de l'ASN vers la nouvelle ASNR.

Les avis de notre rapporteur permettront d'éclairer nos débats sur la restructuration de notre gouvernance de la sûreté nucléaire, à l'aube de la relance de la filière.

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La relance du nucléaire est cruciale pour garantir à la France une souveraineté énergétique ainsi qu'une croissance respectueuse de l'environnement. Le groupe Rassemblement national se félicite donc que, après sept ans d'égarement, le Gouvernement adhère enfin à la position que nous défendons depuis des années en la matière. Mais, malheureusement, nous n'avons encore rien vu.

Ce projet de loi, que nous attendons depuis un moment, suscite des interrogations. L'article 11 est le parfait exemple de l'impréparation de ce gouvernement. En effet, pourquoi n'a-t-on pas revu le budget de l'IRSN et de l'ASN dans le projet de loi de finances (PLF) pour 2024 afin d'augmenter les salaires du personnel de ces deux entités ? Pourquoi attendre ce projet de loi pour demander un rapport sur les besoins prévisionnels humains et financiers nécessaires à la nouvelle autorité ?

Je rappelle que le groupe Rassemblement national avait réclamé, lors du projet de loi relatif à l'accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires à proximité des sites nucléaires existants et au fonctionnement des installations existantes, une évaluation des moyens matériels et humains dédiés à notre système de contrôle des rayonnements ionisants et à la sûreté des installations nucléaires, mais que cette demande avait été rejetée.

Pourquoi ne nous sommes-nous toujours pas prononcés sur la programmation pluriannuelle de l'énergie ? Après la fermeture de la centrale de Fessenheim, en parfait état de fonctionnement, la construction de six EPR – peut-être même quatorze – a été annoncée, mais l'on ne sait pas encore où ils seront construits et les budgets ne sont pas sécurisés.

Nous aimerions obtenir des réponses aux questions soulevées lors des auditions. Quel est le coût de ce projet de fusion ? D'où vient précisément cette idée de réforme ? Pourquoi est-elle jugée essentielle à la relance du nucléaire ? Comment peut-elle concrètement fluidifier notre sûreté nucléaire ?

Enfin, cette fusion pose d'autant plus de difficultés que les modifications apportées par le Sénat rendent la loi bavarde, ne laissant que peu de flexibilité à la future entité pour s'ajuster aux évolutions d'un secteur qui s'apprête à connaître une révolution dans les années à venir.

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L'an dernier, nous avions réussi collectivement à empêcher Emmanuel Macron d'imposer, par un amendement, l'intégration de l'IRSN dans l'ASN. Son projet nous revient par ce projet de loi, sans que nous ayons eu ne serait-ce que le début d'une explication quant à sa nécessité, ni même son simple intérêt.

Or ce projet est refusé par l'immense majorité des professionnels du nucléaire. Nous étions, à midi, aux côtés des salariés de l'IRSN, qui sont vent debout contre cette réforme. Pourquoi ? Parce que le seul et unique objectif du Gouvernement est l'accélération du nucléaire, avec le moins de contraintes possible, quoi qu'il en coûte.

Le prix à payer est la sécurité et la sûreté nucléaires. L'intégration de l'IRSN dans l'ASN place l'expertise scientifique sous la coupe du décideur – autrement dit, on prend sciemment le risque de faire primer des considérations économiques et industrielles sur la sécurité, d'autant plus que le texte s'attache à réduire au maximum la transparence des décisions et remet la question d'éventuels garde-fous entre les mains du petit nombre qui rédigeront le règlement intérieur de la nouvelle instance.

En prime, on nous presse de démanteler une organisation qui fonctionne, et reconnue à l'international, au pire moment pour cela : dans le contexte d'une relance à tout crin, qui repose sur des techniques que nous ne maîtrisons pas encore. Les futurs EPR 2 devraient, selon Les Échos, accuser un surcoût de 30 % minimum et l'EPR de Flamanville n'arrive toujours pas à démarrer, ce qui devrait à tout le moins nous pousser à l'humilité. De même, la question de la prolongation des réacteurs devrait, comme les conséquences du changement climatique, nous inciter tous à la prudence.

Selon Benoît Journé, professeur des universités spécialisé dans la sûreté nucléaire, 80 % des projets de fusion sont des échecs au regard des objectifs fixés au départ. Est-ce vraiment le moment de faire un tel pari ?

Comme l'Association nationale des comités et commissions locales d'information (Anccli), je crains « qu'accélération et réorganisation du nucléaire se conjuguent avec une baisse de vigilance et de performance de la sûreté qui sont les prémices d'un éventuel accident nucléaire ».

Ce lundi, lorsque nous examinerons ce texte en séance, nous commémorerons aussi le funeste anniversaire de la catastrophe de Fukushima. Avons-nous déjà oublié ? Que l'on soit pour ou contre le nucléaire, faire rimer sûreté avec légèreté n'est pas une option.

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La relance du nucléaire couronne des années d'effort du groupe Les Républicains pour vous convaincre. Nous en sommes heureux, même si nous regrettons que le temps perdu nous ait coûté Fessenheim, ait fragilisé notre production en 2022 face à l'inflation et aggravé la perte de compétences dans le secteur.

Le projet de loi prétend s'inscrire dans cette dynamique de relance, puisqu'il la cite dans son titre. Nous aborderons donc ce texte avec une seule idée en tête : facilitera-t-il oui ou non la relance, sans rien retrancher au niveau d'exigence en matière de sécurité que les Français sont en droit d'attendre ?

Premier élément de réponse : les adversaires éternels de l'énergie nucléaire, nos collègues de la NUPES, sont vent debout contre le texte ; c'est certainement le signe qu'il s'agit d'une bonne réforme.

Deuxièmement, au-delà de la fusion, l'enjeu principal est l'augmentation des moyens, notamment de ceux attribués à la rémunération des agents. C'est un sujet primordial pour l'attractivité des carrières dans ce secteur stratégique où les talents sont courtisés de toutes parts.

Troisièmement, notre système dual de sûreté et de sécurité nucléaires est l'un des meilleurs au monde, si ce n'est le meilleur. Les vingt prochaines années ne ressembleront cependant pas aux vingt dernières : nous allons au-devant de défis logistiques, financiers et sécuritaires inédits ; il nous faut donc encore accélérer.

Dans cet esprit, la fusion de l'ASN et de l'IRSN présentera des avantages indéniables : elle optimisera l'organisation administrative de l'ensemble ; elle éliminera les délais de transmission entre les deux établissements ; elle permettra une gestion plus attractive des carrières. Surtout, au moyen d'un amendement que nous défendrons demain, elle sera l'occasion de mettre fin à la publication des rapports d'expertise en amont des décisions, qui sème le désordre dans la communication institutionnelle sur des questions sensibles.

C'est pourquoi le groupe Les Républicains ne peut que rejoindre l'analyse du Sénat, selon laquelle ce projet de loi contribuera à fluidifier et à accélérer la relance du nucléaire dans notre pays. C'était déjà notre position l'année dernière, lorsque cette réforme n'était encore qu'un amendement du Gouvernement adopté en commission des affaires économiques : nous avions alors voté contre les amendements de suppression de cette réforme, déposés en séance publique. Nous nous prononcerons de nouveau en faveur de la fusion, tout en présentant nos réserves au moyen de plusieurs amendements.

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Nous discutons à nouveau de la fusion de l'ASN et de l'IRSN en une nouvelle entité, l'ASNR, laquelle deviendra par conséquent l'interlocuteur unique chargé du contrôle, de l'instruction des dossiers de sûreté et de la radioprotection dans la majorité de ses composantes.

Lorsque nous avons décidé, en mars dernier, de rejeter la proposition initiale du Gouvernement, notre groupe ne s'était pas opposé à l'idée même de cette fusion, mais nous souhaitions plus de temps, plus de recul et des études de faisabilité pour nous prononcer. C'est aujourd'hui chose faite.

Nous partageons les raisons qui poussent le Gouvernement à demander à notre assemblée la fusion de ces deux organismes. La multiplication des instances telles que l'ASN, l'IRSN ou la Commission nationale d'évaluation des recherches et études relatives à la gestion des matières et des déchets radioactifs (CNE2), a pour triple effet une confusion du paysage, une déresponsabilisation de l'exploitant et une multiplication des rapports administratifs. L'organisation actuelle limite donc la capacité à faire face aux flux de demandes.

En matière de ressources humaines, cela évitera une dispersion des compétences techniques et scientifiques. Quant à l'adaptation de la filière aux nouveaux enjeux, la fusion simplifiera la relation avec les start-up qui doivent être accompagnées. Enfin, un interlocuteur unique sera plus efficace en temps de crise.

Comme à son habitude, notre groupe sera vigilant ; plusieurs sujets mériteront d'être abordés et éclaircis au cours de ce débat. Le premier est celui de la charge de travail des instances de sûreté, qui doit rester contenue. Le second concerne le règlement intérieur de l'ASNR : il est censé définir une séparation propre entre le processus d'instruction, d'expertise et de recherche, d'une part, et la prise de décision par le collège de l'Autorité, d'autre part. Il demeure important de veiller à la transparence des analyses de l'Autorité ainsi qu'à la bonne différenciation des activités d'expertise et de prise de décision, qui sont garanties dans le texte.

Force est de constater que ce nouveau projet de loi répond aux craintes légitimes que nous avions soulevées l'année dernière et reprend la grande majorité des propositions du rapport de l'Opecst. Sans surprise, mon groupe et moi-même voterons en sa faveur. Néanmoins, soyons clairs, ce débat n'est pas celui du nucléaire : restons concentrés sur l'objet du texte pour rendre plus efficiente la sûreté nucléaire dans notre pays.

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La fusion de l'ASN et de l'IRSN, ou plutôt l'absorption de l'IRSN par l'ASN au sein d'une ASNR, a des fondements qui ne sont toujours pas exposés clairement. Où est le rapport sur les manquements et les insuffisances du dispositif actuel ? Où est le rapport qui justifierait un changement de doctrine et un bouleversement des modalités d'expertise et de décision ? Cette fusion-confusion pose de très nombreux défis à l'entendement et à la confiance citoyenne.

Les conditions d'émergence de ce projet, il y a un an, dans le cadre de deux amendements et de débats tronqués, et son retour sous la forme d'un texte qui réussit à rassembler contre lui l'ensemble des organisations syndicales de l'IRSN et de l'ASN, n'ont pas diminué nos inquiétudes.

Les maigres améliorations introduites par nos collègues sénateurs n'auront pas tenu longtemps. Ainsi, la réunion tenue hier soir par la commission des affaires économiques a attesté la volonté de la majorité et du Gouvernement d'imposer son texte initial. Cela interroge : où est donc le dialogue avec le Parlement ? Où est donc cette volonté feinte de consensus, jamais traduite dans les faits ?

Un premier défi consiste dans le maintien d'un haut niveau de sécurité et de sûreté nucléaires, alors que vous bousculez une organisation qui a fait ses preuves, sans le moindre accord des acteurs chargés de la mettre en œuvre, à savoir les salariés. Rappelons que les intersyndicales de l'IRSN, de l'ASN et du CEA y sont opposées.

Un second défi porte sur le niveau d'information et de transparence attendu par l'ensemble des acteurs – l'Anccli, les collectivités locales et tous nos concitoyens. La confiance, qui est le socle de notre pacte social énergétique, exige de la transparence : transparence des avis, de l'organisation générale, du règlement intérieur, etc.

Un troisième défi tient à la nécessité de garantir la continuité de l'instruction des dossiers pour les exploitants nucléaires, qu'il s'agisse des grands donneurs d'ordre ou des start-up portant des projets innovants. Pourquoi bousculer un système qui fonctionne ?

Le quatrième défi est de maintenir un niveau élevé de compétences tout en évitant les départs de personnels et les pertes d'expertise que nous connaissons.

Votre relance de la filière du nucléaire, qui n'a toujours pas été discutée et votée par le Parlement, nécessite l'augmentation des personnels en charge de l'instruction et du contrôle plutôt qu'une fusion-confusion de l'ASN et de l'IRSN.

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Ce projet de loi visant à fusionner l'ASN et l'IRSN doit permettre d'accompagner la mise en place de notre programme nucléaire d'une exigence de sûreté renforcée, qui réponde aux meilleurs standards internationaux. Dans cet esprit, l'ASN doit bénéficier de moyens renforcés et intégrer en son sein les compétences techniques de l'IRSN afin de fluidifier le processus de décision et de gagner en coordination.

Cette réorganisation qui n'emporte aucune modification du cadre de sûreté nucléaire existant, lequel repose en premier lieu sur la responsabilité des exploitants, répond à quatre exigences : l'amélioration de l'efficience des procédures de sûreté nucléaire et de radioprotection ; l'indépendance de l'autorité vis-à-vis des exploitants nucléaires et du Gouvernement ; la transparence renforcée vis-à-vis du public ; l'attractivité des métiers pour garantir à l'Autorité de bénéficier de compétences et d'expertise d'excellence.

Concrètement, la nouvelle ASNR assurera la continuité de la quasi-totalité des missions dévolues à l'ASN et à l'IRSN et permettra une meilleure efficacité et des délais de réponse raccourcis, dans un contexte de relance du parc nucléaire et de prolongation des réacteurs existants.

Cette nouvelle organisation sera comparable à celle qui existe dans les plus grands pays nucléaires occidentaux – États-Unis, Canada, Grande-Bretagne – et offrira les plus grandes garanties d'impartialité grâce au statut d'autorité administrative indépendante. Nous veillerons à ce que soient dûment séparées les fonctions d'expertise et de décision.

Afin de renforcer l'attractivité des métiers, le projet de loi prévoit d'augmenter le niveau de rémunération des travailleurs et leur ouvre des perspectives d'évolution, notamment vers un statut de fonctionnaire. La portabilité des droits des travailleurs transférés sera évidemment garantie. La nouvelle entité devra appliquer, dans les recrutements à venir, un standard protecteur de même niveau et adapté aux différents statuts.

Tout en offrant de fortes garanties, ce projet de loi renforcera l'attractivité et l'efficacité du dispositif français de réglementation, de contrôle, d'expertise et de recherche en matière de sûreté nucléaire et de radioprotection. C'est pourquoi, face à la nécessité de relever les défis énergétiques et industriels, le groupe Horizons et apparentés se prononcera en faveur de ce texte.

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Chers collègues de la majorité, vous nous proposez d'examiner une réforme de la gouvernance de la sûreté nucléaire alors même que le Parlement a déjà dit non à un tel projet et confirmé les principes régissant notre modèle. Vous continuez à vouloir faire exploser un système qui marche, sans aucune justification, avec une légèreté et une irresponsabilité sans pareilles. Cette méthode cavalière tranche avec tous les bons principes en matière de sûreté nucléaire, rappelés par les instances internationales : transparence, stabilité, sécurité.

Votre réforme est une folie inutile et dangereuse. Tel est le constat que partagent, de façon quasi unanime, les personnes chargées de la sûreté nucléaire. Vous déboulonnez le cadre de notre sûreté nucléaire, qui est le fruit d'une longue histoire, reconnu pour sa qualité technique, son indépendance et sa capacité à rendre compte de façon transparente.

Notre modèle repose sur quatre piliers : EDF, notre exploitant public et unique, est le premier responsable de la sûreté de ses installations ; l'ASN contrôle l'exploitant ; l'IRSN offre à l'ASN un appui technique transversal dans toutes les composantes de la sécurité nucléaire ; tout cela se déroule sous le regard de la société civile, qui est informée et consultée. Avec ce projet de réforme, vous pilonnez trois de ces quatre piliers : vous arrachez à EDF son statut d'exploitant exclusif, en libéralisant et en privatisant le marché de l'énergie nucléaire ; vous diluez l'expert qu'est l'IRSN et lui faites perdre son autonomie, son intégrité et l'approche transversale de ses compétences ; vous réduisez la place de la société civile en rétablissant la simple information du public d'il y a trente ans.

Cette réforme fait froid dans le dos. Je vous invite tous, que vous soyez pour ou contre le nucléaire, à réfléchir sérieusement à sa portée. Nous ne pouvons pas sérieusement accepter de tels reculs s'agissant d'une question aussi sérieuse que la sûreté nucléaire.

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En préambule, permettez-moi de rappeler le caractère trompeur de l'intitulé du projet de loi qui, en définitive, se mêle marginalement de sûreté nucléaire. C'est un projet de loi gestionnaire, qui tend à réorganiser les structures plutôt qu'à proposer de nouvelles dispositions en matière de sûreté nucléaire. C'est le retour d'une réforme d'ores et déjà rejetée par le Parlement et par les organisations syndicales.

La distinction spécifiquement française entre organe de contrôle et organe de sécurité, entre AAI et établissement public industriel et commercial (Epic), est un modèle éprouvé et efficace de démonstration de la sûreté par la confrontation des doutes. Il fonctionne très bien. Leur fusion aura pour conséquence inéluctable la fuite de compétences.

Que disent les institutions reconnues à ce sujet ? L'Anccli suit l'avis du Haut Comité pour la transparence et l'information sur la sécurité nucléaire (HCTISN), dont voici un extrait : « Le HCTISN se demande toutefois si, au-delà de l'exposé des motifs, les dispositions du projet de loi sont à la hauteur des ambitions affichées par le Gouvernement. Certains points risquent en effet d'être en retrait par rapport au droit en vigueur. » Le Conseil national de la transition écologique (CNTE) a rappelé que « certains membres s'interrogent sur l'opportunité et la temporalité de la réforme » et s'inquiète unanimement du « risque d'instabilité » introduit par la réforme. Il a également relevé, parmi les points faibles du texte, les multiples renvois au règlement intérieur de la future autorité.

Le groupe GDR s'opposera à l'absorption de l'IRSN par l'ASN pour trois raisons. Premièrement, cette fusion est injustifiée du point de vue de l'efficacité. Elle bouscule une organisation qui fonctionne bien. Deuxièmement, elle induit un risque réel de fissuration de notre système de sûreté nucléaire, en imposant à ses agents une charge de travail inédite. Troisièmement, nous ne sommes pas dupes : l'un des principaux objectifs de la réforme – le rapport du Sénat l'affirme clairement – est de favoriser le business nucléaire et l'arrivée de nouveaux acteurs du nucléaire, notamment ceux qui construisent des SMR. Certaines de ces start-up – les auditions l'ont confirmé – ont l'intention d'obtenir un droit de regard et de suite sur l'inspection des installations.

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Quiconque se range parmi les pro-nucléaires ne peut voter cette réforme. Je le dis clairement. Nous faire croire qu'être pour le nucléaire, c'est être pour la fusion de l'ASN et de l'IRSN, et inversement, est de niveau CE1. Je suis pro-nucléaire. Comme n'importe qui ici, je suis très attentif à la sûreté nucléaire dans notre pays. Nous sommes une majorité, au Parlement, à nous être exprimés en faveur de l'accélération du nucléaire.

Toutefois, lorsqu'il s'agit de s'interroger sur la sûreté, on essaie de nous faire croire, sur la base d'un rapport qui n'existe pas, à tout le moins dont il paraît qu'il est classifié et que je n'ai pas eu sous les yeux, et sur la base d'un rapport de l'Opecst, qu'il faut fusionner l'ASN et l'IRSN, en indiquant comment faire. Je ne vois rien qui disqualifie le système actuel, dont tout le monde dit qu'il fonctionne. On nous dit qu'il n'est pas en mesure de faire face aux difficultés de charge qui nous attendent. Sur quel élément factuel se fonde-t-on pour le démontrer ?

Monsieur le rapporteur, vous déplorez, à raison, que les carrières des agents soient morcelées. Elles le sont parce que, à l'IRSN comme ailleurs, les gens s'en vont. Vous parlez, de façon générale, d'optimisation des délais, de simplification et d'unification. Halte-là ! Il ne s'agit pas de réunir l'ASN et l'IRSN en une seule entité, mais de transférer à l'ASN un quart de l'activité de l'IRSN et d'éparpiller le reste. Il est faux de dire qu'il s'agit de rendre le tout plus lisible, plus sain et plus fluide.

J'alerte nos collègues pro-nucléaires, tous bords confondus, de la majorité comme de l'opposition, souhaitant que la relance du nucléaire réussisse : le présent projet de loi ne relance pas le système et risque de le bloquer.

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Ailleurs dans le monde, il existe des systèmes intégrés de gestion pour la sûreté et la sécurité nucléaires. Rien ne prouve qu'ils sont moins sûrs que les systèmes duaux. Au demeurant, le nôtre n'est pas véritablement dual. Il ne faut pas faire croire que la sûreté nucléaire dépend du choix d'un système. Par ailleurs, il n'est pas question d'abaisser notre niveau d'exigence en matière de sûreté nucléaire.

Monsieur Saint-Huile, je ne sais pas si le rapport de l'Opecst, rédigé par le sénateur Stéphane Piednoir et moi-même, est de niveau CE1, mais je vous demanderai de respecter le travail des parlementaires.

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Votre façon de présenter les choses témoigne d'une méconnaissance du fonctionnement de l'Opecst, voire d'une forme de mépris du travail parlementaire.

M. Dragon considère que le projet de loi est bavard – les sénateurs apprécieront. Je considère pour ma part que le travail mené au Sénat a apporté des améliorations au texte initial.

J'indique dès à présent à M. Leseul que je souhaite rééquilibrer le texte en tenant compte de sa rédaction initiale, des travaux du Sénat et de ceux de la commission des affaires économiques de l'Assemblée, dont j'ai suivi les débats. Je présenterai plusieurs amendements à cet effet, s'agissant notamment des modalités de publication des résultats des activités d'expertise.

Je confirme à M. Dragon qu'il s'agit de fluidifier et d'améliorer la sûreté nucléaire. S'agissant de la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE), M. le ministre délégué chargé de l'industrie et de l'énergie sera plus à même que moi de répondre.

Monsieur Brosse, je pense comme vous que la vigilance s'impose. Il va de soi qu'il ne faut pas faire n'importe quoi.

Madame Stambach-Terrenoir, vous considérez que nous faisons rimer sûreté avec légèreté. Vous vous trompez. Nous n'abaissons en rien le niveau de sûreté. Nous voulons organiser autrement le fonctionnement de la sûreté, en mettant un terme au système faussement dual en vigueur. Nous réunissons des équipes qui travaillent d'ores et déjà ensemble « au pied du réacteur ».

L'ASN compte plus de 200 experts. Seulement une quarantaine de ses décisions – elle en prend plus de 2 000 par an – sont examinées par son collège ; de 300 à 350 d'entre elles font l'objet d'un rapport d'expertise de l'IRSN. L'une et l'autre travaillent d'ores et déjà ensemble à la préparation et à l'instruction des expertises. Par ailleurs, le contrôle n'est pas l'unique mission de l'ASN, dont l'effectif est composé à 70 % de scientifiques de haut niveau. Ce contexte mérite d'être rappelé.

Comment pouvez-vous considérer d'entrée de jeu que réorganiser la sûreté nucléaire induit d'en relâcher les contraintes ? Où, dans le projet de loi, lisez-vous que le niveau d'exigence en matière de sûreté sera abaissé ?

Monsieur Maquet, je pense comme vous qu'il ne faut renoncer à aucune exigence. Nous sommes tous des responsables, et non des élèves de CE1.

Monsieur Millienne, je vous remercie du soutien que vous apportez au texte. Nous essaierons de l'améliorer.

Monsieur Leseul, vous indiquez que l'intersyndicale s'est prononcée contre le texte. Tel n'est pas le cas du côté de l'ASN. S'agissant des départs de personnels, les auditions ont montré que cinquante-cinq personnes sur 1 750 ont quitté l'IRSN en 2023, soit un peu plus de 3 % de l'effectif. C'est regrettable, mais il ne s'agit pas d'une hémorragie.

Certes, certains services sont plus en difficulté que d'autres. Le suivi des réacteurs à eau pressurisée (EPR) est assuré par huit personnes au lieu de dix-huit. Un service de suivi de la sécurité en compte deux au lieu de sept.

Par ailleurs, l'honnêteté oblige à dire que certains départs sont motivés par des opportunités professionnelles dont la relance du nucléaire et l'attractivité accrue des métiers industriels augmentent le nombre. Il n'y a aucune raison de jeter la pierre aux personnels de l'IRSN qui quittent l'institut pour travailler dans l'industrie.

Madame Laernoes, je renonce à vous réconcilier avec le projet de loi, dès lors que vous considérez que ses soutiens font preuve d'« irresponsabilité » et de « folie dangereuse », ce qui est assez violent. Vous avez rappelé que l'IRSN offre à l'ASN un appui technique indispensable. C'est pourquoi il faut intégrer l'expertise et la recherche au sein de la future ASNR.

Monsieur Bénard nous accuse de ne rien faire pour la sûreté, et vous, de tout démonter. La vérité est peut-être entre les deux. Il s'agit plus simplement d'admettre qu'une organisation différente de la sûreté est possible.

S'agissant du rapport dont nous n'avons pas eu connaissance, il n'empêche pas de lire celui de l'Opecst, qui présente des informations et des constats. Au fur et à mesure des auditions que Stéphane Piednoir et moi-même avons menées, nous avons acquis la conviction qu'une organisation intégrée de la sûreté est nécessaire. L'autorité qui en aura la responsabilité sera plus attractive que les deux qu'elle remplacera, ainsi que plus indépendante et plus protectrice pour ses agents, rassemblés au sein d'une AAI.

Elle aura de surcroît davantage de moyens, qui ne sont pas oubliés par le projet de loi, s'agissant notamment du financement d'une augmentation des salaires. Celle-ci devra faire l'objet, dans les années à venir, d'un travail collectif pour recruter plus de personnes et offrir de meilleures rémunérations.

Il faut combler l'écart avec le monde industriel, qui se creuse. Les départs de personnels pour l'industrie sont une réalité. C'est à ce prix que nous ferons de l'ASNR une autorité attractive.

L'objet du projet de loi est de rassembler. Il n'est dirigé contre personne. Nous souhaitons accompagner au mieux la montée en puissance du nucléaire.

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Nous en venons aux interventions des autres députés.

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Monsieur le rapporteur, j'ai trois questions factuelles.

Premièrement, où et quand, dans quel débat démocratique a-t-il été décidé qu'il y aurait désormais en France d'autres exploitants de réacteurs nucléaires qu'EDF chargés de produire de l'électricité ? Il s'agit du principal argument que vous avez avancé, à la suite du président de l'ASN, pour justifier la réforme.

Deuxièmement, qu'adviendra-t-il de l'approche conjointe des enjeux civils et militaires de sûreté et de sécurité nucléaires, actuellement assurée par l'IRSN, qui est notamment chargé de questions de sécurité intérieure telles que la prévention des actes de malveillance et la lutte contre le terrorisme ?

Troisièmement, si vous disposez d'un unique expert de tel ou tel sujet, par exemple de la corrosion sous contrainte, son départ pose problème. On ne réforme pas la sûreté nucléaire en France contre l'avis du corps social et des experts qui en ont la responsabilité.

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En matière de sûreté nucléaire, la question n'est pas de savoir s'il faut distinguer l'organisme chargé de l'expertise et l'organisme chargé du contrôle. Les deux systèmes existent dans le monde. Ils fonctionnent l'un et l'autre. La question est de savoir pourquoi il faut renoncer au système qui les distingue au profit de celui qui les intègre, et quels sont les avantages et les inconvénients de ce choix.

J'y vois deux dangers. Le premier est de dévitaliser l'organisation actuelle, et pas uniquement en matière de perte de compétences. Qu'ils refusent cette évolution à tort ou à raison, ceux qui s'y opposent sont libres de partir. Or ceux qui partent sont les plus qualifiés, ce qui va à l'encontre de l'accélération promise par les défenseurs du projet de loi. Le second, qui est plus grave, est de dégrader la perception de la sûreté du nucléaire au sein de l'opinion publique.

Monsieur le rapporteur, pouvez-vous dire pourquoi il faut renoncer au système distinguant expertise et contrôle au profit de celui qui les intègre ?

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Monsieur le rapporteur, ce que je considère comme étant de niveau CE1, c'est l'association automatique des pro-nucléaires au soutien au projet de loi. Mon respect pour votre travail, et pour le travail parlementaire en général, est sans faille.

Hier soir, la commission des affaires économiques, saisie pour avis, a commencé à détricoter le travail du Sénat, ce qui devrait dissiper toute forme de doute. La fragilité de la justification de la réforme par ceux qui la soutiennent est telle qu'ils ont insidieusement introduit dans le texte des amendements, que notre commission n'examinera pas dès lors qu'ils portent sur des articles dont l'examen au fond a été délégué, visant à supprimer les dispositions relatives à la commande publique et à modifier le périmètre de la dérogation à l'obligation d'allotissement pour certains projets nucléaires. Ces dispositions, qui n'ont rien à voir avec l'accélération de la relance du nucléaire que les pro-nucléaire appellent de leurs vœux, relèvent d'une stratégie visant à s'assurer de leur soutien.

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Monsieur le rapporteur, je me demande si nous avons assisté aux mêmes auditions. J'y ai entendu dire que les organisations syndicales sont toutes opposées au texte. Vrai ou faux ? La réponse à cette question figure dans leur compte rendu.

En parlant de faute politique et d'irresponsabilité, je ne vous vise pas en particulier. Je reprends les mots des anciens présidents de l'Opecst Jean-Yves Le Déaut et Claude Birraux, qui redoutent que le texte fasse courir à la sûreté nucléaire un risque majeur, ainsi que ceux d'André-Claude Lacoste et de Jacques Repussard. Tous ont dénoncé la dangerosité de la réforme. Nous les avons entendus le dire lors des auditions, que je me suis contentée de rapporter.

J'aimerais que nous ayons un débat de fond apaisé, exempt de postures et de faux-semblants. Seules la sûreté et la sécurité du nucléaire doivent nous préoccuper. Renoncez aux postures et ne prenez pas ce que nous avons entendu dire lors des auditions pour des attaques personnelles ! La sûreté et la sécurité du nucléaire ne sauraient être traitées sur la seule base de la loyauté politique au Président de la République. Nous avons été élus pour veiller à l'intérêt général.

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Si des parlementaires sont en colère, c'est parce que les dispositions proposées, que le Gouvernement a essayé d'introduire dans un précédent texte par voie d'amendement, ont été rejetées par le Parlement et nous reviennent quasiment à l'identique, à peine diluées par le Sénat. On nous dit que nous n'avions pas compris la proposition initiale, mais nous l'avons très bien comprise. L'intersyndicale est unanimement contre, et les auditions vont dans le même sens.

En réalité, il s'agit d'adapter la sûreté nucléaire au projet de relance de la filière, qui repose notamment sur des start-up, ce qui nous inquiète énormément. L'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) a démontré que la plupart des incidents ont pour origine des changements organisationnels. Nos inquiétudes sont légitimes et ne peuvent être prises à la légère. Il s'agit d'un enjeu majeur pour le pays.

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Comme d'autres, je suis pro-nucléaire. Les questions posées par les uns et les autres, pro-nucléaires ou anti-nucléaires, sont pertinentes. Je n'en déplore pas moins le détricotage du travail du Sénat auquel s'est livrée la commission des affaires économiques hier soir.

Le retour en force du nucléaire, qui est une énergie décarbonée, doit jouir de la confiance absolue de nos compatriotes. Il s'agit d'un gage de réussite et de sécurité. Est-il pertinent, au moment de la relance tant attendue de la filière, de bouleverser un système qui fonctionne ?

Quant au coût de la fusion de l'ASN et de l'IRSN, j'attends une réponse. Depuis sa création en 1975, la commission de réglementation nucléaire (NRC) américaine n'a inauguré qu'un seul réacteur – si je prends cet exemple, c'est parce que le présent projet de loi est calqué sur la législation américaine. Ce texte doit faire l'objet d'une coconstruction.

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Nos collègues de la majorité et ceux du groupe Les Républicains font confiance, et c'est bien normal, respectivement au rapporteur Fugit et au sénateur Piednoir, qui ont rédigé ensemble le fameux rapport de l'Opecst.

Lors des auditions que nous avons eu la chance de mener dans le cadre de l'examen du présent texte, trois anciens présidents de l'Opecst, de trois bords politiques différents, ont tenu des propos identiques sur deux points : aucun ne voterait le projet de loi s'il était encore parlementaire ; aucun ne voit en quoi le rapport, qui est excellent, justifie la première préconisation qui en est issue, selon laquelle il faut fusionner l'ASN et l'IRSN.

Il ne faut pas se laisser abuser par les indications du rapporteur et prêter l'oreille à nos arguments.

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Pour compléter les propos de Maxime Laisney, j'aimerais lire les déclarations des trois anciens présidents de l'Opecst auxquels il a fait allusion.

Jean-Yves Le Déaut : « Si j'étais parlementaire aujourd'hui, je ne voterais pas le texte. Il n'est pas raisonnable au moment de la relance historique du nucléaire. Pourquoi changer un système qui marche ? Ce texte est une faute politique. » Claude Birraux : « Je n'ai pas trouvé dans le rapport de l'Opecst le début d'une preuve que le système actuel ne fonctionne pas, ni de preuve que la fusion serait meilleure. » Cédric Villani : « La réforme est dangereuse pour une question de bon sens, dans le contexte de relance du nucléaire. La fusion, c'est toujours plus compliqué que la scission, en matière de nucléaire comme ailleurs. C'est à ceux qui souhaitent modifier le système de prouver qu'il le faut. On ne renverse pas la charge de la preuve sur ceux qui souhaitent que le système ne change pas. »

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Pour que nos débats soient exempts de toute démagogie, je rappelle que la gauche, qui se demande comment opérer la fusion de l'ASN et de l'IRSN contre l'avis des experts et des syndicats, a décidé de fermer une centrale nucléaire contre l'avis des experts et des syndicats.

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Je voudrais donner quelques chiffres pour répondre à M. Nicolas Dragon. Les crédits de l'ASN ont augmenté de 22 % depuis 2014 et le projet de loi de finances pour 2024 prévoit treize équivalents temps plein (ETP) supplémentaires : c'est un geste significatif. Pour l'IRSN, ce sont 3 millions d'euros supplémentaires qui ont été votés dans la loi de finances. Dans le présent projet de loi, il est également proposé un rattrapage salarial de 15 millions d'euros pour l'IRSN. Cette revalorisation indispensable permettra de limiter les départs vers le secteur industriel : la sûreté nucléaire impose que nous puissions garder nos compétences de haut niveau, et que nous les consolidions par des activités de recherche.

Vous avez été ministre, madame Batho : vous savez à ce titre mieux que moi qu'aucune loi n'empêche un opérateur autre qu'EDF de produire de l'électricité.

Il n'y a pas eu, madame Laernoes, de compte rendu des auditions des organisations syndicales, mais les chiffres que j'ai donnés sur les personnels sont ceux de l'intersyndicale, pour laquelle j'ai le plus grand respect.

J'ai échangé avec les anciens présidents de l'Opecst. Certains s'opposent à ce projet de loi mais d'autres, comme MM. Gérard Longuet et Pierre Henriet, lui sont favorables, à l'instar du président en exercice, M. Stéphane Piednoir. Leurs conclusions sont consignées dans le rapport de l'Opecst en date 11 juillet 2023, dont je rappelle qu'il a fait l'objet d'un vote. Quant à M. Jean-Yves Le Déaut, il a été, du temps qu'il était président de l'Opecst, et à la demande du Premier ministre Lionel Jospin, l'artisan de la fusion de l'IPSN et de l'Opri, qui a donné naissance à l'IRSN. Il lui avait fallu la défendre devant cette assemblée qui s'était inquiétée de ce qu'on retire au CEA ses activités de radioprotection et de sûreté nucléaire. Tout s'est pourtant bien passé : à nous de faire en sorte que les choses se passent bien également en nous emparant, après le Sénat, de ce projet de loi.

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J'aimerais savoir quelles seront les conséquences du démantèlement de l'IRSN en matière de sécurité intérieure et de défense nationale. Ce sont aujourd'hui les mêmes experts y qui travaillent à la sécurité et à la sûreté du nucléaire civil et du nucléaire militaire. Le rapporteur de la commission des affaires économiques, à qui j'ai posé hier cette question, ne m'a pas répondu. Faute de réponse, je refuse que le débat sur ce projet de loi puisse s'engager.

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La réponse à votre question se trouve dans l'exposé des motifs du projet de loi.

La DEND – direction de l'expertise nucléaire de défense et de sécurité – représente 130 emplois équivalents temps plein. Bien qu'elle soit intégrée à l'IRSN, son directeur, l'amiral Guillaume, n'est pas placé sous l'autorité du directeur général de l'IRSN : il jouit d'une forme d'indépendance. La DEND doit répondre au DSND, le délégué à la sûreté nucléaire et à la radioprotection pour les activés et installations intéressant la défense, M. François Bugaut, qui dirige l'ASND – Autorité de sûreté nucléaire de défense.

La DEND a la charge de la sûreté des installations militaires et de la sécurité des installations civiles. Le projet de loi n'y change rien, ces questions de défense ne pouvant relever de l'AAI que sera l'ASNR. Le personnel de la DEND sera déplacé vers le CEA et restera au service du ministère de la défense. Ses missions seront inchangées.

TITRE IER L'AUTORITÉ DE SÛRETÉ NUCLÉAIRE ET DE RADIOPROTECTION

Chapitre Ier Missions et fonctionnement de l'Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection

Section 1 Dispositions modifiant le code de l'environnement

Avant l'article 1er

Amendement CD19 de Mme Mireille Clapot

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Le rapport de l'Opecst que vous avez rédigé, monsieur le rapporteur, m'a laissée perplexe. À l'aube d'une relance des EPR, du déploiement des SMR, d'une prolongation des centrales existantes, et dans le contexte d'une guerre menée sur le sol européen par un agresseur disposant de l'arme atomique, nous avons besoin d'un nucléaire sûr, souverain, accepté par nos concitoyens. Si, afin de clarifier la structure de la filière et d'en fluidifier les opérations, une réforme peut être utile, il faut cependant veiller au maintien du principe d'indépendance de l'expertise et de la décision. Pour susciter la confiance des citoyens, il convient de montrer que nous écoutons les alertes des salariés du secteur et des acteurs de la sûreté.

Cet amendement, en ajoutant les mots : « publique indépendante » après le mot : « autorité », octroierait à la nouvelle entité un statut plus en accord avec le champ élargi des missions qui lui sont confiées. Son insertion dans le domaine de la recherche en serait facilitée et son positionnement en tant qu'expert technique en serait plus apparent.

Je précise, par souci de transparence, que cet amendement a été travaillé avec des salariés de l'IRSN.

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Si le projet de loi prévoit la création d'une autorité administrative indépendante (AAI) plutôt que d'une autorité publique indépendante (API), c'est parce qu'une API est une personne morale distincte de l'État, ce qui ne paraît pas souhaitable quand il s'agit de sûreté nucléaire. L'AAI – statut choisi par le législateur en 2006 pour l'actuelle ASN – offre ainsi le statut le plus protecteur. Une API pourrait se voir suspectée de poursuivre ses propres intérêts, avec un risque de contentieux d'autant plus grand que les enjeux financiers du nucléaire sont considérables. Les décisions de l'ASN relatives aux réparations des soudures de l'EPR de Flamanville coûtent 1,5 milliard d'euros à EDF ; un jour d'arrêt d'un réacteur, décidé par l'ASN, coûte 1 million d'euros. Le statut d'AAI offre donc, en matière de préservation d'indépendance, des garanties plus solides que celui d'API.

De plus, l'IRSN, dont une partie du personnel formerait l'ASNR avec l'ASN, est un Epic – établissement public industriel et commercial –, tandis que l'ASN est une AAI. Ajouter à cela un troisième statut viendrait complexifier plus encore la mise en œuvre de la réforme. Les personnels de l'ASN, par exemple, sont à 77,7 % des fonctionnaires : si la nouvelle entité devait être une API, ils devraient faire l'objet d'un détachement.

Le statut d'AAI est donc à la fois plus protecteur et plus simple. L'essentiel, c'est que nous puissions avoir une autorité compétente en matière de recherche, d'expertise, d'instruction des décisions et de prise de décision. Avis défavorable.

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Nous restons opposés au principe même de cette fusion et voterons ultérieurement les amendements de suppression de l'article 1er. Nous voterons cependant pour cet amendement, que nous considérons de repli.

Votre volonté de dissoudre l'IRSN dans l'ASN revient à vouloir faire rentrer un grand carré – l'IRSN, composé de salariés de droit privé et de quelques contractuels – dans un petit rond – l'ASN, composée d'agents publics. La solution de facilité consistant à maintenir le statut d'AAI crée un puzzle mal ajusté puisque la DEND ainsi que le service de dosimétrie externe, appartenant tous les deux à l'IRSN, ne pourront pas en ce cas intégrer la nouvelle autorité. Vous avez argumenté qu'une telle solution apporterait une sécurité juridique : mais le premier responsable de la sûreté nucléaire étant l'exploitant, il s'agit d'un faux problème.

La mutualisation des fonctions supports dans une AAI regroupant trois statuts différents poserait en revanche un véritable problème. Nous doutons que les agents puissent être payés au 1er janvier 2025.

Le statut d'API aurait plusieurs avantages en matière de gestion, de contrats, de collaborations de recherche, d'activités économiques et permettrait de conserver le service de dosimétrie externe.

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L'AMF – Autorité des marchés financiers –, qui garantit et protège l'épargne des Français à une hauteur de 3 600 milliards d'euros, est une API. Vous ne nous avez pas du tout convaincus, monsieur le rapporteur, que l'ASNR ne pourrait pas également en être une. Si le statut d'AAI est plus protecteur, pourquoi ne pas transformer l'AMF en AAI ? L'existence de ces deux statuts est un legs de l'histoire : mais nous pensons, avec les intersyndicales, qu'il serait préférable de passer en API.

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Adopter le statut d'API – ce qui serait plus simple pour l'IRSN – poserait plusieurs problèmes.

Tout d'abord, les personnels de l'ASN perdraient leur statut de fonctionnaire, ce que la plupart d'entre eux ne souhaitent probablement pas.

Ensuite et surtout, la responsabilité des décisions en matière de sûreté nucléaire, et en cas de survenue d'incident, relèverait alors d'une autorité indépendante, juridiquement responsable devant les Français, et non plus de l'État lui-même : il y a là un problème dont je m'étonne qu'il ne vous saute pas aux yeux !

Quant aux activités de dosimétrie externe, elles seront, avec leur personnel, transférées à une filiale du CEA et pourront se poursuivre dans les mêmes conditions qu'à l'IRSN.

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Nous soutenons cet amendement et en proposerons un autre, de repli, pour demander au Gouvernement de remettre, dans un délai de six mois, un rapport au Parlement sur l'opportunité de doter la nouvelle entité du statut d'AAI. Nous ne prétendons pas être des juristes : quand un doute existe sur un montage juridique, il faut mener une étude sérieuse. Les salariés de l'IRSN s'inquiètent de ce qui semble être une absorption par l'ASN décidée dans la précipitation et sans qu'on ait exploré d'autres formules juridiques.

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Est-il vraiment plus simple d'adopter le statut d'AAI ? Le statut d'API permettrait de conserver les services de dosimétrie, et d'éviter ainsi le démantèlement des activités de l'IRSN. La continuité de la recherche en matière de sûreté nucléaire s'en trouverait également préservée.

Le statut d'AAI garantirait-il réellement l'indépendance de la nouvelle entité ? Une API dispose d'une personnalité morale et de ressources financières qui lui sont propres, ce qui rendrait possible, à nouveau, la poursuite des activités de dosimétrie.

Nous avons besoin d'un débat éclairé sur la forme d'organisation qui serait la meilleure. La supériorité du statut d'AAI, privilégié par le Gouvernement, n'a pas été démontrée, en matière de simplification comme d'indépendance.

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Ma position a évolué à la suite de la lecture du rapport de l'Opecst. Je fais confiance aux scientifiques. Le président de l'ASN ainsi que M. Jean-Christophe Niel, directeur général de l'IRSN, ne se disaient pas opposés par principe à cette fusion, pour peu qu'elle se fasse sous certaines conditions. Or ces conditions me semblent remplies avec la séparation, au sein de la nouvelle ASNR, des activités d'expertise et de décision, avec l'obligation de publier les résultats d'expertise, et avec le maintien des partenariats de recherche. L'IRSN est un Epic et dépend à ce titre de plusieurs ministères : la nouvelle structure aura au contraire une véritable indépendance statutaire vis-à-vis de l'État.

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Une AAI ne pouvant avoir d'activité commerciale, la dosimétrie va se trouver séparée en deux : dosimétrie externe d'un côté, dosimétrie interne de l'autre. Il serait pourtant opportun de conserver la dosimétrie externe, non pour se livrer à du commerce mais afin de garder une compétence vivante, afin de pouvoir fournir à la population, en cas d'incident nucléaire, la quantité de dosimètres nécessaire. Rappelez-vous la catastrophe des masques lors du Covid : ne commettons pas la même erreur, qui nous mettrait dans la dépendance d'un pays étranger pour nos besoins en dosimètres.

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Monsieur Leseul, quand vous évoquez l'AMF, vous oubliez de préciser qu'elle doit, en tant qu'API, contracter une assurance très onéreuse. Si l'ASNR devait être une API, le coût de l'assurance serait extrêmement élevé, à la hauteur des risques et des enjeux du nucléaire. C'est donc bien le statut d'AAI qui est le plus protecteur. Il est aussi le plus simple et le plus efficace dans la mesure où l'ASN est une AAI et que c'est elle qui a vocation à accueillir les experts et les chercheurs de l'IRSN. Tâchons de ne pas tout compliquer, notamment pas la question du parcours professionnel des 400 fonctionnaires de l'ASN.

La commission rejette l'amendement.

Amendements CD291 de M. Benjamin Saint-Huile et CD65 de M. Gérard Leseul (discussion commune)

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Il s'agit de réaffirmer le principe de l'organisation duale de la sûreté nucléaire. Nous en sommes d'accord, monsieur le rapporteur : il est nécessaire, face à l'accélération du développement du nucléaire, d'en renforcer les moyens financiers et humains. Mais réorganiser la sûreté nucléaire à ce moment-là, c'est prendre le risque de gripper une machine qui, jusqu'à présent, fonctionne parfaitement. La Cour des comptes, dans son rapport sur la relation entre l'ASN et l'IRSN, a conclu qu'une fusion de deux entités soulèverait trop de difficultés juridiques, sociales, budgétaires et matérielles.

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Notre argumentation est la même. En dépit de la première lecture au Sénat et de l'audition de nombreux acteurs impliqués dans ce processus de fusion ou d'absorption voulu par le Gouvernement, nous ne percevons toujours pas l'intérêt d'une réunion au sein d'une même entité des activités d'expertise et de décision. Vous avez qualifié le système actuel, monsieur le rapporteur, de « faux système dual », mais il a le mérite de fonctionner, et nous le préférons au système concentré et opaque que vous défendez.

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Le système actuel, qui n'existe que depuis une vingtaine d'années, a fonctionné par temps calme. Or de grands défis se présentent maintenant à nous. Une autorité sous le statut d'AAI sera véritablement indépendante du Gouvernement, tandis que l'IRSN actuelle dépend de cinq ministères. Elle rassemblera tous ceux qui travaillent sur cet enjeu majeur pour la défossilisation de notre économie qu'est la sûreté nucléaire, au côté des énergies renouvelables.

Plus indépendante, cette entité sera aussi plus efficace, sans être moins exigeante. Elle rendra les métiers de la sûreté nucléaire plus attractifs vis-à-vis des jeunes étudiants en sciences désireux de s'engager pour la transition écologique et la souveraineté énergétique. C'est au moyen des énergies renouvelables et de l'énergie nucléaire que l'on pourra atteindre l'objectif de neutralité carbone pour 2050. Nous devons accompagner la montée en puissance du nucléaire par la sûreté et la recherche en matière de sûreté. Avis défavorable.

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Monsieur le rapporteur, je ne peux pas vous laisser dire que, depuis vingt ans, il ne s'est pas passé grand-chose dans le domaine de la sûreté nucléaire. Il s'est produit, dans le cadre de ce que l'on appelle le post-Fukushima, une réévaluation totale des standards de sûreté, et la France a été à l'avant-garde de ce mouvement.

Je crois qu'il y a une confusion, dans nos débats, entre ce qui relève de la politique énergétique et de la construction de nouveaux réacteurs, d'une part, et la question de la sûreté nucléaire, d'autre part. Cette dernière faisait l'objet, jusqu'à présent, d'un relatif consensus national, parce que nos concitoyennes et nos concitoyens avaient confiance dans l'Autorité de sûreté nucléaire et son expertise, au travers de l'IRSN.

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Vous nous avez dit, monsieur le rapporteur, que la fusion mettrait fin aux conventions-cadres entre l'IRSN et l'ASN. Ma collègue Anne Stambach-Terrenoir a expliqué qu'en plaçant les activités de dosimétrie externe en dehors de la nouvelle autorité, vous allez séparer cette expertise de celle qui concerne la dosimétrie interne. Or j'imagine qu'en cas de crise radiologique, les deux unités devront travailler ensemble et qu'il faudra bien passer une convention entre elles.

De même, en plaçant en dehors de la nouvelle autorité la DEND, qui veille à la sûreté des installations militaires et à la sécurité des installations civiles, vous allez scinder, pour ces dernières, l'expertise en matière de sûreté et de sécurité, ce qui est, pardonnez-moi, une connerie majeure. J'imagine, là aussi, qu'il faudra bien rassembler les deux expertises pour construire vos EPR 2 et vos SMR, donc conclure de nouvelles conventions-cadres.

Votre argumentation ne tient pas et c'est pourquoi il faut maintenir le système dual – qui inclut en réalité un troisième acteur, l'opérateur.

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Monsieur le rapporteur, vous dites qu'il n'y a pas eu de problème grave. Avez-vous oublié ce qui est arrivé à Superphénix en 1986 et 1987 ?

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Il y a eu une fuite de sodium sur la cuve, que l'on a cachée au ministre de l'industrie – j'étais son directeur adjoint de cabinet. Il a fallu convoquer les responsables et leur demander pourquoi ils n'avaient pas prévu un système de récupération et de réparation : l'automate envisagé n'existait pas. Le ministre a pris la décision qu'il fallait en arrêtant Superphénix. Le gouvernement suivant l'a relancé, mais il y a eu de nouveaux incidents et on l'a fermé.

Si, à l'époque, nous avions eu l'IRSN et l'ASN, nous aurions été avertis aussitôt. Du reste, le système actuel est né de cette affaire. Vous ne devriez pas y toucher, car vous risquez de déstabiliser l'opinion publique, qui va se demander pourquoi vous faites cela : la sûreté nucléaire n'était-elle pas correctement garantie jusqu'ici ? Et c'est plutôt un pro-nucléaire qui vous parle : je n'ai jamais communié dans l'idée qu'il fallait mettre fin au nucléaire et je me suis réjoui quand le Président Macron a changé à 180 degrés sur cette question – pour une fois, dans la bonne direction. Il faut voter l'amendement de Benjamin Saint-Huile.

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L'idée n'est évidemment pas d'affaiblir la sûreté nucléaire. Ce que vous décrivez comme l'une des forces de notre dispositif, c'est l'Autorité de sûreté nucléaire, une autorité indépendante du pouvoir politique, dont la création est l'aboutissement des débats des années 1980. Ce que propose ce texte, c'est de faire de deux établissements, dont l'un, l'IRSN, n'est pas indépendant, une seule autorité indépendante.

Il y a une dualité des structures, mais pas de la doctrine de sûreté. Il n'existe pas de séparation entre l'expertise, qui serait du côté de l'IRSN, et la décision, du côté de l'ASN. Il y a de l'expertise au sein de l'ASN comme de l'IRSN. Instaurer, ainsi que le proposent ces amendements, une séparation stricte entre l'expertise et la décision ne correspond pas à la pratique de la sûreté nucléaire et serait contre-productif pour notre dispositif de sûreté.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement CD292 de M. Benjamin Saint-Huile

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Je propose d'écrire dans la loi que « la sûreté nucléaire fait l'objet d'un dialogue technique constant entre les exploitants d'installation nucléaire de base, les personnes responsables de l'expertise en matière de sûreté nucléaire et les personnes chargées des activités d'élaboration de la décision et de prise de décision ».

On peut considérer que ce dialogue est la base du système opérationnel actuel. Si vous pensez que c'est une évidence et que cela fonctionne, écrivons-le, pour être certains que la règle sera toujours respectée et que l'on ne se contentera pas, à l'avenir, d'un simple contrôle de conformité.

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Le dialogue technique entre l'exploitant, les experts et les décisionnaires n'est absolument pas remis en cause par la réforme. Je suis même convaincu qu'il sera renforcé, fluidifié grâce au redéploiement du personnel et à une meilleure gestion des ressources humaines. L'arrivée des nouveaux types de réacteurs nécessitera, en effet, de recruter des profils rares et de mener un dialogue technique plus poussé. Je vous invite à retirer votre amendement ; à défaut, j'émettrai un avis défavorable.

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J'irai dans le même sens que le rapporteur. Lorsque des problèmes de corrosion se sont produits à Civaux, les relations compliquées entre les deux autorités, de l'aveu même de l'exploitant, ont conduit à ce que la remise en route de la centrale prenne quelques mois de plus, alors que nous avions vraiment besoin de produire de l'électricité d'origine nucléaire. La fusion entre les deux entités permettra notamment de raccourcir les délais, ce dont on peut avoir besoin dans certaines situations.

Je ne suis pas favorable à cet amendement qui décrit ce qui existe déjà. La réforme va simplement contribuer à simplifier et à fluidifier les rapports entre les deux entités.

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Je ne suis pas convaincue par l'utilisation, à tort et à travers, de la notion de fluidification.

Pour que ses décisions soient prises en toute indépendance, l'ASN ne prend pas part aux réunions des groupes d'experts. Si l'on crée une entité unique, comment vont fonctionner ces groupes ? Comment garantira-t-on l'indépendance de la prise de décision ? C'est un sérieux problème.

Je rappelle aussi, parce que j'entends beaucoup de contrevérités à ce sujet, que seuls 25 % de l'activité de l'IRSN sont faits pour le compte de l'ASN. On nous dit qu'on va fluidifier le fonctionnement en supprimant des doublons mais, en réalité, on va faire exploser les 75 % qui ne sont pas directement liés à l'ASN. Or nous avons besoin d'une recherche complète et intégrée.

À propos de Civaux, M. Millienne a dit des énormités : il serait temps de parler du fond plutôt que de prendre des exemples qui ne correspondent pas à la réalité.

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Je vous remercie, monsieur Millienne, pour l'aveu que vous venez de faire. Vous avez dit clairement que cette réforme doit nous permettre de faire tourner des centrales, quoi qu'il arrive, au mépris de la sûreté nucléaire. Quand on a besoin de jus, il faut qu'on en ait ! Voilà l'enjeu du texte, et c'est assez inquiétant.

Vous nous dites, monsieur Armand, qu'il y a aussi des experts à l'ASN. Il se trouve que Mediapart a révélé en 2016 que des experts de l'ASN avaient alerté leur direction et EDF sur le fait que l'EPR de Flamanville présentait des risques majeurs pour les salariés. Or la direction de l'ASN est passée outre l'avis de ses propres agents. Personne ne conteste l'existence d'experts à l'ASN, mais si l'on pense que la sûreté nucléaire est une priorité, on ne peut que rejeter ce que vous proposez.

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Vos propos, monsieur Millienne, m'ont également paru assez effrayants. En privilégiant la production au détriment de la sûreté, vous ne pouvez qu'inquiéter nos concitoyens. L'exemple que vous avez pris ne peut être un argument pour rejeter cet amendement de bon sens.

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Vous interprétez et déformez mes propos. J'ai simplement dit que des bagarres survenues entre les deux structures – que l'une et l'autre reconnaissent – ont retardé la remise en route de la centrale de Civaux. Il est évident que s'il y avait eu le moindre doute en matière de sûreté, on aurait pris le temps nécessaire avant de relancer la centrale. Ce sont des problèmes de coordination qui ont retardé la prise de décision et je pense que cela se produira beaucoup moins dans le cadre d'une entité fusionnée.

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Lorsqu'on a constaté, sur l'EPR de Flamanville, que plusieurs soudures posaient de graves problèmes et devaient être refaites, EDF a demandé à l'ASN l'autorisation de ne réparer ces soudures que dix ans après le couplage au réseau. L'ASN a refusé et elle a eu raison. Les nécessités de la production d'électricité doivent rester subordonnées à un impératif de sûreté nucléaire. Vos propos sont très dangereux et c'est ce qui fait que votre réforme inquiète beaucoup de gens. Heureusement que l'ASN a tenu bon face à EDF ! Vu qu'il y avait déjà onze ans de retard, on n'en était plus à quelques mois près.

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J'aimerais avoir des détails au sujet des affirmations de M. Millienne. Quand on cherche des informations sur internet, on trouve un avis d'experts du 22 septembre, une décision du 13 octobre, un nouvel avis d'experts datant du même jour, puis une décision finale de l'ASN du 21 octobre. S'agissant d'une question telle que la corrosion sous contrainte, il me paraît normal qu'un dialogue ait lieu entre l'instance décisionnaire et celle chargée de l'expertise. Ce qui est bien dans le système actuel, c'est que tous les avis sont publics et consultables en ligne, ce qui ne sera pas le cas avec votre projet.

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Essayons de rester factuels. La création de la nouvelle autorité ne changera strictement rien en ce qui concerne le dialogue technique. Actuellement, douze groupes de travail réunissant des membres de l'IRSN et de l'ASN réfléchissent aux modalités d'une nouvelle organisation.

Vous avez dit, madame Laernoes, que seuls 25 % des activités de l'IRSN consistent à éclairer les décisions de l'ASN. Il ne faut pas oublier, par ailleurs, que 26 % des effectifs de l'IRSN, soit 445 équivalents temps plein, se consacrent à la recherche. Elle est indispensable, car elle fait monter en connaissance et en compétences les experts de l'IRSN et de l'ASN – je proposerai d'ailleurs de créer un conseil scientifique. Il faut que tout le monde travaille ensemble, c'est une évidence.

L'idée, je le rappelle, est de créer une AAI, indépendante à la fois du Gouvernement et de l'exploitant. Il n'y aura pas de régression en matière de dialogue technique dans le nouveau système. C'est pourquoi je vous invite à retirer votre amendement. À défaut, j'émettrai un avis défavorable.

La commission rejette l'amendement.

Article 1er : Création de la future Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection (ASNR) qui rassemblera les compétences de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) et de l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN)

Amendements de suppression CD10 de Mme Delphine Batho, CD57 de Mme Julie Laernoes, CD66 de M. Gérard Leseul, CD80 de M. Sébastien Jumel, CD143 de Mme Anne Stambach-Terrenoir et CD293 de M. Benjamin Saint-Huile

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Dans la mesure où l'IRSN ne travaille qu'à 25 % pour l'ASN, ce que vous qualifiez de fusion n'est en réalité que le démantèlement d'un institut dont la grande majorité des effectifs se consacre à des activités de recherche et d'expertise dans d'autres domaines. Nous nous opposons à ce démantèlement.

Par ailleurs, nous ne disposons toujours pas des éléments sur la base desquels le Gouvernement a prévu cette réforme. On ne nous a encore pas expliqué ce qui, dans le système actuel, ne serait pas satisfaisant. La sûreté nucléaire repose sur un principe d'humilité : il est normal de chercher à améliorer la situation, dans une logique d'élévation continue des normes et de renforcement de l'organisation, pour garantir la sûreté nucléaire en France. Or ce n'est pas ce que fait le projet de loi.

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Nous demandons la suppression de cet article qui a pour objet de démanteler notre gouvernance en matière de sécurité et de sûreté nucléaires. Nous ne connaissons toujours pas les raisons pour lesquelles le Gouvernement a déposé le projet de loi. Vous dites que la réforme va simplifier et fluidifier le système, mais nous pensons au contraire qu'elle va créer de la complexité, notamment au niveau du personnel.

À celles et ceux qui veulent accélérer le développement du nucléaire, je rappelle qu'il faudra du temps pour fusionner des organisations comptant d'un côté des salariés de droit privé et de l'autre des fonctionnaires qui n'ont pas la même culture de travail. Les réunions des douze groupes de travail se sont d'abord bien passées, puis de plus en plus mal, dans la mesure où personne n'était là pour trancher. Par ailleurs, la date à laquelle la réforme doit prendre effet étant extrêmement proche, elle ne sera certainement pas tenable.

Nous allons désorganiser notre modèle de sûreté au moment où nous en avons le plus besoin, puisqu'il faut à la fois prolonger nos anciennes centrales et valider les nouveaux EPR. Si vous voulez accélérer le développement du nucléaire, il est impératif que le personnel dédié à la gouvernance et à la validation des processus de sûreté puisse se consacrer entièrement à sa tâche, au lieu d'avoir à négocier des accords concernant les droits du personnel.

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Cela fait quatorze mois que ce projet est sorti du chapeau présidentiel. Comment se fait-il que, depuis tout ce temps, vous ne soyez parvenus à convaincre ni les salariés de l'IRSN, ni ceux de l'ASN, ni ceux du CEA, ni même les « start-upeurs », promoteurs des SMR, qui nous ont dit qu'ils n'étaient pas demandeurs de cette réforme ?

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Pour ma part, je ne parlerai pas de démantèlement, mais d'absorption de l'IRSN par l'ASN. On nous dit que l'intégration de l'IRSN – qui est un Epic – au sein d'une AAI garantira davantage l'indépendance de l'expertise et de la recherche vis-à-vis du pouvoir politique. Toutefois, une AAI n'est vraiment indépendante, sur le plan économique, que si elle bénéficie de financements publics suffisants. Or les dix dernières années ont été marquées par une dégradation des moyens alloués à la recherche sur la sûreté nucléaire. Le manque de garanties au sujet des modalités de fonctionnement de la future institution nous pousse, par ailleurs, à refuser une fusion qui aurait lieu au mépris de la transparence et de l'impérieuse nécessité de maintenir un système de sûreté efficace.

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L'expertise est focalisée sur la sûreté et s'appuie sur la recherche, mais le projet de loi va mettre à mal cette dernière. La décision, quant à elle, prend en compte d'autres paramètres, d'ordre industriel, économique ou politique ; or vous allez placer l'expertise sous l'empire de la décision.

Des grands accidents industriels de l'histoire, on peut tirer plusieurs leçons. D'abord, il importe de maintenir séparées l'expertise et la décision ; ensuite, il faut conserver une diversité de points de vue ; enfin, l'expertise doit pouvoir se développer sans pression économique et politique.

Avec ce projet de loi, on ira vers une conformité de papier : l'opérateur n'aura bientôt plus qu'à cocher des cases sur un formulaire pour dire qu'il a bien connecté le fil vert avec le bouton vert et le fil rouge avec le bouton rouge. Une grande majorité du personnel chargé de l'expertise, dans les entités concernées, ne veut pas de votre réforme. Vous n'allez quand même pas leur tordre le bras ! Faire un travail d'expertise en matière de sûreté nucléaire, ce n'est pas cocher des cases mais faire preuve d'intelligence, ce qui suppose de la motivation. Or elle ne sera pas au rendez-vous et c'est la sûreté nucléaire qui va en pâtir. Je m'adresse aux pro-nucléaires : ne cassez pas ce qui fonctionne, et ne cassez pas la confiance du public.

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Je ne reviens pas sur le fait que nous n'avons toujours pas d'explications sur le point de départ de cette fusion. J'aimerais savoir combien de temps elle est censée nous faire gagner. Vous dites qu'elle va permettre une redistribution des postes à grande échelle entre les deux structures : à l'heure actuelle, quelle est l'ampleur des redondances ?

Par ailleurs, ne craignez-vous pas de mettre à mal la confiance des Français dans le nucléaire ? Elle a eu tendance à évoluer en fonction des événements qui se produisaient dans le monde et si elle est plutôt élevée aujourd'hui, c'est parce que les Français estiment que nous avons un système de sûreté satisfaisant, à la hauteur. J'ai déposé, comme d'autres, un amendement de suppression de l'article 1er, parce que les réponses aux questions simples que je vous pose me laissent dubitatif.

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Il n'y a pas l'expertise d'un côté et la prise de décision de l'autre : le système actuel ne fonctionne pas de cette façon. Il existe des experts au sein de l'ASN comme de l'IRSN.

L'objectif est de construire une autorité intégrée dont l'indépendance sera consacrée et renforcée grâce au statut d'AAI, sous lequel travaillera désormais l'ensemble du personnel. Nous souhaitons aussi octroyer à cette autorité des moyens supplémentaires. La loi de finances pour 2024 a commencé à le faire – c'était un début. Le différentiel avec le monde industriel est, en effet, trop important en matière salariale.

Là où certaines activités liées à la sûreté nucléaire font aujourd'hui l'objet d'un double pilotage, nous voulons passer à un pilotage unifié, garant d'une plus grande efficacité. Des équipes travaillent déjà ensemble « au pied du réacteur ». Je sais que ce terme ne plaît pas, mais il s'agit de fluidifier le fonctionnement grâce à une meilleure organisation. Dans leur rapport d'information publié l'an dernier, nos collègues Sébastien Rome et Alma Dufour ont ainsi soulevé la question de l'existence de deux centres de crise. D'autres questions du même type se posent lorsque l'on se penche sur le fonctionnement du système, ce que nous faisons dans le but de l'améliorer, de l'adapter à la montée en puissance du nucléaire et d'attirer de jeunes talents.

Vous êtes nombreux à évoquer les risques de la montée en charge, dont nous parlons depuis un an et qui sera terrible dans les années 2026 et 2027. Je suis convaincu que c'est maintenant que nous devons améliorer le système, raison pour laquelle nous devons mettre en œuvre la réforme le plus tôt possible. Si les douze groupes de travail n'avancent pas aussi vite que prévu, c'est parce qu'ils attendent que le Parlement se prononce sur le projet de loi. Certains disent « stop » ; je dis « encore » et j'émettrai donc un avis défavorable aux amendements de suppression.

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Vous évoquez une plus grande efficacité, mais qu'est-ce qui est inefficace aujourd'hui ? Peut-être avez-vous lu, contrairement à nous, le rapport secret qui semble exister. Le seul gain d'efficacité possible dont j'ai entendu parler au cours des auditions concerne la salle de crise. Mais lorsque des départements mettent en place des salles de crise conjointes pour gérer les appels d'urgence, fusionnent-ils pour autant le Sdis (service départemental d'incendie et de secours) et le 15 ? Non. Vous dites qu'il faut une salle de crise unique en matière de sûreté nucléaire. Cela relève effectivement du bon sens, mais n'oblige nullement à démanteler l'IRSN. Par ailleurs, lorsqu'on est chargé de la sûreté nucléaire du pays et qu'on est confronté à une crise, on est très heureux, je peux vous le dire, d'avoir deux sons de cloche, de pouvoir confronter les points de vue des experts d'un établissement public de l'État, d'une part, et de ceux de l'ASN, d'autre part, afin de prendre les bonnes décisions.

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Je suis très partagé. D'abord, le fait que ceux qui s'opposent au développement de l'énergie nucléaire depuis des décennies jugent cette réforme mauvaise si on veut atteindre cet objectif me rend assez sceptique et méfiant. Ensuite, je ne crois pas que la question de la sûreté doive faire l'objet d'une guerre de tranchées entre expertise et décision. La réalité du terrain est bien plus subtile. Je m'interroge également sur la façon dont cette réforme a été préparée et engagée, ainsi que sur l'impasse qui est faite sur certains débats – je pense, par exemple, à la nécessité de revenir sur certaines exigences de sûreté devenues déraisonnables et financièrement inacceptables d'un point de vue industriel, à l'heure où il faut reconstruire. Nous ne débattons pas de ce qui a grippé le système, notamment la loi de 2015, qui a déséquilibré la situation et introduit de la transparence au mauvais moment, sans permettre au public d'avoir accès à toute l'information. Voilà les sujets dont nous devons parler avant de discuter de la fusion. Je suis néanmoins très mal à l'aise au sujet de ces amendements de suppression.

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La question de la gouvernance de notre système de sûreté est légitime. Ce qui pose un problème, c'est que le texte qui nous est présenté découle d'une décision du Président de la République dont nous ne connaissons pas les fondements : nous ne pouvons donc partager ni l'analyse ni les conclusions.

Le système actuel peut être amélioré dans un avenir très proche. C'est l'objet des douze groupes de travail, qui visent à réaliser un rapprochement fonctionnel. De nombreuses propositions, intéressantes, avaient vu le jour avant le durcissement des relations qui s'est produit, et le Gouvernement aurait dû commencer par demander à l'IRSN et à l'ASN de les mettre en œuvre. Appuyons-nous sur cette base pour avancer.

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J'ai une question simple, monsieur le rapporteur. On dit que c'est un rapport, classifié, de M. Verwaerde qui a fait changer d'avis le locataire de l'Élysée. Ce rapport existe-t-il ? L'avez-vous lu ? Pourriez-vous nous le transmettre ou, au moins, nous en faire parvenir une synthèse, afin que nous puissions comprendre la logique suivie ? On fait de la transparence une condition sine qua non de la réussite dans le domaine du nucléaire, mais pas pour nous en tant que législateurs.

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Je ne comprends pas du tout ce projet de loi. J'ai évolué : j'ai d'abord été confronté à un vrai dilemme en ce qui concerne le nucléaire, car il contribue à réduire les émissions de gaz à effet de serre et permet de se passer des énergies fossiles, mais il suscite des inquiétudes en matière de sécurité ; si j'y suis devenu favorable, c'est parce que j'ai été rassuré par le système dual qui faisait la fierté de la France. Ce texte ravive maintenant mes inquiétudes, comme celles de beaucoup de personnes qui s'étaient laissé convaincre par les vertus du nucléaire.

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Je n'ai pas eu connaissance du rapport qui a été évoqué. Je ne l'ai jamais vu et je ne sais pas s'il existe – je vous le dis en toute honnêteté. Peut-être devriez-vous vous adresser, chers collègues, à celles et ceux dont vous pensez qu'ils pourraient l'avoir.

Monsieur Bricout, je ne parviens pas à comprendre ce qui vous inquiète tant dans le projet de loi.

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Avez-vous demandé à avoir communication de ce rapport ?

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Je ne sais pas s'il existe et je n'ai pas demandé à le consulter.

Je rappelle, en revanche, que l'Opecst a été saisi par la commission des affaires économiques du Sénat. La publication, le 11 juillet 2023, du rapport sur lequel j'ai travaillé avec le sénateur Stéphane Piednoir a donné lieu à un débat. Le conseil de politique nucléaire, réuni le 19 juillet, a demandé au Gouvernement de préparer un projet de loi reprenant les orientations de ce rapport. Un texte a été déposé au Sénat le 20 décembre, et il est maintenant soumis à l'Assemblée nationale.

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De nombreuses personnes auditionnées ont fait référence au rapport Verwaerde. Je remercie le rapporteur pour son honnêteté, mais il n'en demeure pas moins que la représentation nationale a besoin de consulter ce rapport pour éclairer ses débats. Monsieur le président, pourriez-vous demander officiellement que ce document nous soit transmis avant l'examen du projet de loi en séance ?

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Le rapport de l'Opecst s'intitule « Les conséquences d'une éventuelle réorganisation de l'ASN et de l'IRSN sur les plans scientifiques et technologiques ainsi que sur la sûreté nucléaire et la radioprotection ». Je ne remets pas en cause ce rapport – tout le monde reconnaît qu'il est riche en informations –, mais il ne répond pas à la question de départ. Existe-t-il un diagnostic établissant clairement la nécessité d'un rapprochement de l'IRSN et de l'ASN ?

La commission rejette les amendements.

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Nous en venons aux amendements CD152 de M. Maxime Laisney, CD67 de Mme Marie-Noëlle Battistel et CD159 de Mme Julie Laernoes.

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Monsieur le président, nous sommes nombreux à douter du résultat du vote, crucial, qui vient d'avoir lieu. Nous ne pouvons pas poursuivre nos débats sereinement dans ces conditions : il faudrait revoter.

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Il n'y a pas de doute sur ce vote. Je vous propose de poursuivre nos travaux. (Plusieurs députés protestent.) Le vote a été très clair. Vingt députés se sont prononcés pour les amendements, et vingt contre. Il n'y a pas lieu de recompter.

La réunion est suspendue de dix-huit heures cinquante-cinq à dix-neuf heures cinq.

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Sans mettre en cause la présidence de la commission, nous souhaitons lever les doutes qui pèsent sur le vote précédent. En vertu de l'article 44, alinéa 2, du règlement, nous demandons un vote par scrutin.

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Dans la mesure où cette demande émane d'au moins un dixième des membres de la commission, nous allons procéder à un vote par scrutin.

La commission adopte les amendements, mis aux voix par scrutin.

En conséquence, l'article 1er est supprimé et les autres amendements tombent.

Article 2 bis : Règles de parité applicables à la composition du collège de l'ASNR

Amendement CD304 de M. Benjamin Saint-Huile

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Nous proposons de modifier la composition du collège de la nouvelle autorité indépendante, dans le but d'éviter qu'une majorité de ses membres ne soient nommés par le Président de la République.

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La réécriture que vous proposez supprimerait la clarification, adoptée par le Sénat, des règles relatives à la parité au sein du collège. Par conséquent, demande de retrait ou avis défavorable.

La commission rejette l'amendement.

Suivant l'avis du rapporteur, elle rejette l'amendement CD181 de M. Maxime Laisney.

Elle adopte l'article 2 bis non modifié.

Après l'article 2 bis

Amendement CD132 de Mme Julie Laernoes

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Cet amendement reprend une recommandation formulée par M. Jacques Repussard pour renforcer l'ASN, qui, pour être indépendante, n'est pas isolée de son environnement. Dans notre modèle dual de sûreté, l'IRSN joue souvent un rôle de fusible ; s'il n'y a plus qu'une seule instance, le fusible disparaît. Pour assurer l'information des Français et la transparence – ce terme est, de manière suspecte, largement absent du projet de loi –, il semble intéressant de s'inspirer jusqu'au bout du système américain de sûreté et de sécurité nucléaires que vous chérissez tant en filmant l'intégralité des délibérations du collège de l'ASN.

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Vous proposez que les réunions de ce collège au sein duquel siègent notamment des scientifiques, dont certains ont travaillé à l'IRSN ou à l'ASN, soient désormais filmées, diffusées et mises à disposition pendant douze mois. Ce n'est pas le cas actuellement, mais je n'ai pas entendu une telle revendication au cours de nos nombreuses auditions.

L'article L. 592-27 du code de l'environnement prévoit, en revanche, que les avis et les décisions délibérés par le collège sont rendus publics – ils sont ainsi publiés au Journal officiel et au Bulletin officiel de l'ASN. Le principe de transparence est déjà inscrit dans la loi.

Filmer les réunions du collège de l'ASN relève du règlement intérieur de cette autorité : le législateur n'a pas à s'immiscer dans le fonctionnement interne d'une AAI. Nous devons respecter le « I » de ce sigle, l'indépendance, et nous montrer moins suspicieux. Avis défavorable.

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Nous avons entendu tout à l'heure M. de Courson et précédemment, lors des travaux de la commission d'enquête présidée par M. Schellenberger, d'anciens ministres qui étaient chargés de la sécurité et de la sûreté nucléaires nous dire qu'ils n'étaient pas forcément informés.

La transparence et l'information du public sont vitales pour la confiance des Français dans notre système nucléaire. Il nous semble essentiel, alors que vous voulez vous calquer sur le modèle américain, qui n'est pas dual, de reprendre les garde-fous prévus dans ce système pour garantir la transparence.

Vous dites que filmer les délibérations relève du règlement intérieur de l'ASN, mais nous devons être, en tant que représentants de la nation, les garants de la transparence et de l'information du public.

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Je suis défavorable à cet amendement qui conduirait à un résultat contraire à celui que nous recherchons tous. Nous souhaitons que les décisions soient aussi intelligentes que possible et qu'elles garantissent le plus haut niveau de sûreté. Pour ce faire, aucune pression, interne ou externe, ne doit s'exercer. Si les délibérations n'étaient pas confidentielles, des membres du collège se sentiraient moins libres d'exprimer leur avis, par peur d'être livrés à la vindicte des réseaux sociaux. En rendant les membres d'une AAI individuellement responsables des décisions adoptées par cette instance, nous affaiblirions le dispositif de sûreté. Les prises de position seraient extrêmement réduites, alors que vous plaidez, comme nous, pour la publication des avis d'expertise et des décisions. Ne confondons pas la transparence et l'intérêt fondamental de la sûreté nucléaire.

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Je me retrouve totalement dans l'argumentation de mon collègue Antoine Armand. La question de la transparence dans le processus d'autorisation des installations nucléaires est primordiale, de même que celle de l'information du public – ce n'est pas en tant que président d'une commission locale d'information (CLI) que je dirai le contraire. Cependant, l'amendement ne porte pas sur le principe de la transparence mais sur ses modalités. L'enregistrement, filmé, des délibérations d'un collège d'experts ne relève pas de la transparence mais de l'organisation de la pression. Si le public doit avoir accès aux informations – et pas uniquement aux avis –, Twitter n'est pas à même de juger de l'équité et de l'équilibre d'une décision technique en matière de sûreté nucléaire. Nous devons écarter un tel voyeurisme.

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Je souhaite aborder une question plus générale. L'article 3, qui vient ensuite, est relatif à l'ASNR, dont nous venons de refuser la création en supprimant l'article 1er. Quelles sont les conséquences pour la suite de l'examen du texte ?

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La suppression de l'article 1er n'a pas fait tomber l'article 3. Nous allons donc poursuivre l'examen du texte, qui sera examiné en séance publique la semaine prochaine.

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Je ne comprends pas votre position, car l'article 3 se réfère constamment à la nouvelle autorité que l'article 1er visait à créer.

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Comme M. le rapporteur l'a dit, la suppression de l'article 1er n'a pas fait tomber l'article 3.

La commission rejette l'amendement.

Article 3 : Activités pouvant être exercées par l'ASNR, notamment en matière de recherche

Amendements de suppression CD70 de Mme Marie-Noëlle Battistel et CD103 de M. Sébastien Jumel

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Notre groupe souhaite réaffirmer son opposition au projet de fusion de l'IRSN et de l'ASN. Nous ne comprenons pas pourquoi nous devons examiner l'article 3, qui traite des modalités de rattachement des missions de recherche à l'ASNR, alors que la création de cette nouvelle autorité vient d'être rejetée à l'article 1er.

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Nous souhaitons supprimer l'article 3 pour les mêmes raisons.

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Cet article tend à préciser le périmètre de certaines activités exercées par l'ASNR, notamment en matière de recherche, de formation et de traitement de données issues de l'IRSN. Je vous propose d'en débattre – j'ai déposé des amendements qui concernent, en particulier, la recherche – et vous demande donc de retirer vos amendements ; à défaut, mon avis sera défavorable.

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L'article 3 portant sur une instance qui n'a pas été créée, je ne comprends pas que nous l'examinions. Pourriez-vous préciser ce qu'il en est sur le plan légistique ?

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Comme je l'ai dit tout à l'heure, notre commission reste saisie de l'article 3, que la suppression de l'article 1er n'a pas fait tomber. Nous continuons donc l'examen du texte.

La commission rejette les amendements.

Amendement CD255 de M. Gérard Leseul

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Il s'agit d'un amendement symbolique, tendant à renommer l'Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection « Autorité de radioprotection et de sûreté nucléaire », ARSN, afin de limiter le message qui serait envoyé par une absorption pure et simple de l'IRSN par l'ASN. C'est un amendement de bon sens et de respect des salariés de l'IRSN.

Monsieur le président, vous n'avez pas répondu à la question portant sur le rapport dont nous aimerions avoir connaissance. Allez-vous solliciter sa transmission ?

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J'ai déjà exposé les raisons qui justifient la création de l'ASNR. Ce n'est pas le nom qui importe, mais le périmètre, les missions, l'organisation, la structure et les moyens. J'émettrai donc un avis défavorable à cet amendement, comme à tous ceux du même type.

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Monsieur Leseul, vous pourrez questionner demain le ministre. Nous verrons ensuite s'il faut adresser un énième courrier au Gouvernement.

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L'amendement vise à renommer une instance dont nous venons de refuser la création : la commission n'a plus à en débattre.

La commission rejette l'amendement.

Amendements CD435 de la commission des affaires économiques, CD93 de M. Sébastien Jumel, amendements identiques CD21 de Mme Mireille Clapot, CD141 de Mme Julie Laernoes et CD246 de M. Gérard Leseul, et amendement CD155 de M. Benjamin Saint-Huile (discussion commune)

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La commission des affaires économiques a adopté l'amendement CD435 que notre collègue Marie-Noëlle Battistel avait déposé et que j'ai sous-amendé. Il répond à une préoccupation évoquée hier dans notre commission, qui est le maintien de la possibilité, pour la nouvelle autorité, de réaliser des prestations afin de conserver une expertise intégrée, en évitant, bien sûr, toute atteinte aux intérêts nationaux et tout conflit d'intérêts.

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L'amendement CD93 vise à maintenir la possibilité de réaliser des expertises pour venir en appui à des organismes français ou étrangers.

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On le sait assez peu, alors qu'il s'agit d'un motif de fierté : l'IRSN effectue diverses prestations qu'il importe de faire figurer à l'article 3. En temps de crise, il sera utile de pouvoir compter sur un large savoir-faire, qu'il convient donc de conserver. Je rappelle aussi que des autorités de sûreté nucléaire étrangères, par exemple polonaise et néerlandaise, ont certifié l'IRSN pour la réalisation de prestations qui permettent non seulement de garder le savoir-faire mais aussi de faire un peu de chiffre d'affaires.

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Nous sommes tous attachés au maintien des compétences en matière de sûreté et de sécurité nucléaires. Dans cette optique, la préservation des partenariats que l'IRSN a noués, notamment avec l'Autorité de sûreté nucléaire polonaise (PAA) et avec Bureau Veritas et Bel V, pour les Pays-Bas, est essentielle. Il serait opportun, par ailleurs, de privilégier le statut d'API pour fournir des prestations.

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La réalisation de prestations sous forme d'interventions est indispensable au maintien des compétences et de l'expertise des salariés. La pratique, la recherche, les échanges, les appuis techniques tournés vers l'extérieur et la confrontation avec d'autres systèmes sont essentiels.

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Le Gouvernement, assisté de l'ASN et de l'IRSN, a procédé à un examen attentif des prestations qui sont réalisées : elles ne pourront pas toutes être pérennisées, notamment pour des raisons de déontologie ; en revanche, celles qui ont des caractéristiques de quasi-service public seront transformées en ce sens.

Quelques points restent à éclaircir, par exemple s'agissant des activités d'évaluation et d'analyse de certains matériels, comme les filtres à charbon actif, dont l'IRSN est le spécialiste en France, et certains filtres à air nécessaires dans les installations nucléaires. Se pose également la question de certaines prestations d'expertise, notamment à l'international.

La rédaction adoptée par la commission des affaires économiques, qui m'a également été soumise par l'IRSN, me semble trop large. Le Gouvernement et la DGPR (direction générale de la prévention des risques) ont demandé à l'ASN et à l'IRSN, sur mon impulsion, de dresser rapidement la liste des activités commerciales qui seraient mal couvertes par la rédaction actuelle du texte, en vue du dépôt d'un amendement plus ciblé que nous pourrions coconstruire avant la séance publique. En attendant, je demande le retrait de ces amendements.

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J'imagine que nous sommes tous d'accord pour reconnaître l'importance capitale des missions assurées par l'IRSN à l'international pour le rayonnement de la France et sa crédibilité dans le domaine de la sûreté nucléaire. L'IRSN doit continuer à effectuer ces prestations, et il serait donc opportun de voter les amendements, quitte à ce que nous y revenions en séance publique si le rapporteur l'estimait nécessaire.

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Je formule la même proposition que notre collègue Delphine Batho : il est préférable d'adopter ces dispositions, dont nous pourrons éventuellement restreindre le champ en séance publique après avoir échangé avec le Gouvernement et les différents groupes de l'Assemblée.

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Loin de moi l'idée d'attiser une compétition entre deux commissions permanentes de notre assemblée, d'autant que je n'appartiens ni à l'une ni à l'autre, mais allez-vous émettre, monsieur le rapporteur, un avis défavorable à l'ensemble des amendements adoptés par la commission des affaires économiques, notamment celui portant sur le rôle des commissions dans la nomination du président de l'autorité ?

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Nous travaillons comme d'habitude, amendement par amendement, sans porter un avis global sur les dispositions adoptées par la commission des affaires économiques.

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On ne peut pas balayer d'un revers de main le travail effectué en commission des affaires économiques. Si notre collègue Antoine Armand retirait l'amendement CD435, nous le reprendrions.

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Je précise simplement qu'il ne s'agit en aucun cas de créer une tension, quelle qu'elle soit, entre les deux commissions.

La commission adopte l'amendement CD435.

En conséquence, les amendements CD93, CD21, CD141, CD246 et CD155 tombent.

Suivant l'avis du rapporteur, la commission rejette l'amendement CD71 de M. Pierre Meurin.

Amendement CD306 de M. Benjamin Saint-Huile et amendements identiques CD20 de Mme Mireille Clapot et CD243 de M. Gérard Leseul (discussion commune)

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Notre amendement vise à permettre de compléter par décret en Conseil d'État, après avis de la commission d'éthique et de déontologie de l'ASNR, la liste des activités pouvant donner lieu à rémunération. Cela dispensera le législateur d'intervenir pour toute modification.

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Tout d'abord, un décret ne peut pas modifier une disposition législative. Ensuite, l'article 1er de la loi organique du 20 janvier 2017 dispose que « la loi fixe les règles relatives [...] aux attributions ainsi que les principes fondamentaux relatifs à l'organisation et au fonctionnement des autorités administratives indépendantes et des autorités publiques indépendantes », ce qui inclut les prestations que peut assurer l'ASNR. C'est donc au législateur et non au pouvoir réglementaire d'en dresser la liste. Il serait logique que ces amendements soient retirés ; à défaut, j'émettrais un avis défavorable.

Les amendements CD306 et CD20 sont retirés.

La commission rejette l'amendement CD243.

Amendement CD357 de M. Emmanuel Maquet

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Cet amendement vise à préciser que l'autorité de sûreté peut percevoir une rémunération pour d'autres prestations que celles citées au I du futur article L. 592‑14‑2 du code de l'environnement.

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C'est la loi, je l'ai dit, qui fixe les règles relatives aux attributions des AAI et API ainsi que les principes fondamentaux de leur organisation. Il ne revient pas à un décret, ni à un règlement intérieur, de le faire. Par ailleurs, l'article L. 592-28-1 du code de l'environnement demeure inchangé : il permettra à la future autorité de se faire rembourser les frais engagés pour les besoins de ses activités d'appui à l'international, comme c'est le cas aujourd'hui pour l'IRSN. Je vous demande donc de retirer l'amendement ; à défaut, avis défavorable.

La commission rejette l'amendement.

Elle adopte successivement les amendements rédactionnels CD389 et CD390 du rapporteur.

Suivant l'avis du rapporteur, elle rejette l'amendement CD75 de M. Pierre Meurin.

Amendement CD391 du rapporteur

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Il s'agit, là aussi, d'un amendement rédactionnel.

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Je reviens sur l'amendement CD390 que nous venons d'adopter. Il visait à substituer au mot « Elle » l'expression « L'Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection ». L'article 1er ayant été supprimé, il aurait été préférable de ne pas faire référence à cette autorité qui, de fait, n'est pas créée.

La commission adopte l'amendement.

Amendement CD350 de M. Matthieu Marchio

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Cet amendement vise à faire un pas en avant significatif en matière de justice sociale et de protection des travailleurs dans l'industrie nucléaire. L'expression « les travailleurs » étant trop vague pour rendre compte de la réalité du terrain, nous proposons d'insérer des termes plus clairs et précis dans la loi : nous ferons référence aux « fournisseurs, prestataires ou sous-traitants des exploitants, même lorsqu'ils exercent hors des installations nucléaires de base ».

Cette clarification est plus qu'une formalité : ce sera le fondement d'une protection renforcée pour des personnes qui se trouvent en première ligne mais, trop souvent, ne bénéficient pas d'une reconnaissance suffisante de leur situation. Bien que les salariés des sous-traitants soient également exposés aux risques liés aux radiations – ils supportent plus de 80 % de la dose collectivement reçue chaque année dans le parc nucléaire –, ils rencontrent des difficultés considérables pour faire valoir leurs droits, particulièrement en cas d'atteinte à leur santé.

L'adoption de cet amendement est un impératif moral. En inscrivant explicitement la protection des travailleurs extérieurs dans la loi, nous leur offrirons une reconnaissance et une sécurité juridique renforcées.

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Les mesures relatives à la prévention des risques d'exposition aux rayonnements ionisants sont prévues par le code du travail. Son article R. 4451-1 précise que ces mesures s'appliquent « dès lors que les travailleurs, y compris les travailleurs indépendants, sont susceptibles d'être exposés à un risque dû aux rayonnements ionisants d'origine naturelle ou artificielle ». C'est le terme de travailleur qui est retenu, car il est plus large que celui d'agent public ou de salarié : il couvre toutes les catégories que vous avez mentionnées. Je vous invite donc à retirer l'amendement ; à défaut, avis défavorable.

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Cet amendement est complètement inopérant d'un point de vue technique. L'expression « travailleur du nucléaire » qualifie une activité et non un statut salarial. Ce n'est pas le fait d'être un salarié d'EDF, d'un sous-traitant ou d'un prestataire qui détermine si on est un travailleur du nucléaire – ce n'est d'ailleurs même pas le fait de travailler dans une installation nucléaire de base. Je comprends la volonté de rouvrir le débat sur la question de la sous-traitance dans le nucléaire. Toutefois, la notion de travailleur du nucléaire est clairement définie, et elle n'a rien à voir avec le cadre d'emploi.

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Cet amendement du Rassemblement national est l'arbre qui cache la forêt de son incohérence sur le nucléaire. Alors que ce groupe a appelé à de multiples reprises à examiner la question de la sûreté, il a choisi, lorsque nous avons ouvert la discussion, de refuser le débat. La position du Rassemblement national continue donc à être au mieux obscure et au pire contradictoire.

La commission rejette l'amendement.

Amendement CD140 de Mme Julie Laernoes

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Cet amendement vise à maintenir l'activité de dosimétrie qui est absolument essentielle, comme nous l'ont expliqué toutes les personnes travaillant « au pied des réacteurs », pour reprendre une expression chère au rapporteur.

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Avis défavorable. Le projet de loi, s'il est adopté, prévoit non pas de supprimer l'activité de dosimétrie mais de la transférer : on ne peut pas la confier à la nouvelle autorité, qui sera une AAI. Cette activité commerciale, qui rapporte 12 millions d'euros, pour un coût de 9 à 9,5 millions, nécessite un démarchage. Il en résultera un problème de déontologie et de droit de la concurrence, car certains clients seront contrôlés par l'ASNR. Il faut donc réaliser un transfert, et une convention devra être conclue, notamment pour traiter les questions budgétaires.

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M. le rapporteur s'exprime comme si une nouvelle autorité allait être créée, alors que ce n'est pas le cas. Les arguments avancés ne correspondent pas à la réalité du texte issu de nos débats.

Par ailleurs, le transfert de la dosimétrie démontre bien qu'il s'agit de réaliser un démantèlement de l'IRSN et un éclatement des compétences nécessaires « au pied du réacteur ».

Il serait judicieux de prendre acte de la suppression de l'article 1er et de reconnaître les faiblesses de la structuration juridique que vous proposez. L'activité de dosimétrie procure des ressources propres à l'IRSN et contribue donc à son indépendance.

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Madame Laernoes, vous auriez dû, en toute logique, retirer votre amendement, puisqu'il porte sur une autorité que la commission n'a pas souhaité créer : je ne vois plus l'intérêt d'en discuter.

La dosimétrie sera transférée à une filiale, avec l'ensemble des personnels concernés : aucun problème ne se posera.

Nous parlons effectivement de façon théorique. Cependant, si la nouvelle autorité voyait le jour, l'activité de dosimétrie devrait être transférée, pour des raisons juridiques et déontologiques. Elle ne disparaîtrait pas, mais serait simplement confiée au CEA.

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Cette discussion est un peu surréaliste. Il aurait sans doute fallu que le président et le rapporteur décident de retirer cet article mais, dès lors qu'il est maintenu, nous discutons fort logiquement des amendements qui ont été déposés.

La suppression de l'activité de dosimétrie au sein de la nouvelle entité est uniquement liée au statut d'AAI que vous entendez lui donner. Si vous aviez accepté le premier amendement de notre collègue Mireille Clapot, l'entité que vous voulez créer aurait été une API et aurait pu conserver une activité commerciale.

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Je précise qu'un président de commission n'a pas compétence, et c'est heureux, pour retirer un article d'un projet de loi.

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Si nous avions adopté l'amendement de Mme Clapot, l'ASN aurait été démantelée, puisqu'il n'est pas possible de transférer des fonctionnaires dans une API. Je vous l'ai signalé tout à l'heure, mais vous ne voulez pas l'entendre. Renseignez-vous et vous verrez que, dans un cas comme dans l'autre, nous sommes coincés. Le plus simple est de créer une AAI.

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Si la future autorité ne peut plus commercer, elle perdra les contrats qui contribuent à sa reconnaissance à l'international, chère à toute la filière nucléaire française, et devra arrêter la vente de licences de codes de calcul.

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Madame Laernoes, lorsque j'évoque l'ASNR, je le fais au conditionnel. Je sais bien que c'est potentiel.

M. Millienne a évoqué les fonctionnaires qui travaillent à l'ASN : il faut penser à eux et à leur parcours professionnel. Par ailleurs, le statut d'API ne permettrait pas de régler le problème déontologique, car la nouvelle entité aurait toujours pour mission de contrôler les clients potentiels en matière de dosimétrie.

Cette activité ne disparaîtra pas. Elle représente actuellement 50 % du marché national et on peut même envisager que, grâce à la nouvelle organisation, les parts de marché augmentent à l'avenir.

La commission rejette l'amendement.

Membres présents ou excusés

Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Réunion du mardi 5 mars 2024 à 16 h 40

Présents. - M. Damien Adam, M. Laurent Alexandre, M. Gabriel Amard, M. Christophe Barthès, Mme Marie-Noëlle Battistel, M. Édouard Bénard, M. Jean-Yves Bony, M. Jorys Bovet, Mme Pascale Boyer, M. Jean-Louis Bricout, M. Anthony Brosse, Mme Danielle Brulebois, M. Aymeric Caron, M. Pierre Cazeneuve, Mme Cyrielle Chatelain, M. Mickaël Cosson, Mme Annick Cousin, Mme Catherine Couturier, M. Stéphane Delautrette, M. Vincent Descoeur, M. Nicolas Dragon, Mme Sylvie Ferrer, M. Jean-Luc Fugit, M. Daniel Grenon, Mme Clémence Guetté, M. Yannick Haury, Mme Chantal Jourdan, Mme Julie Laernoes, Mme Florence Lasserre, M. Gérard Leseul, Mme Delphine Lingemann, M. Jean-François Lovisolo, Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, M. Emmanuel Maquet, M. Matthieu Marchio, Mme Alexandra Masson, Mme Manon Meunier, M. Pierre Meurin, Mme Marjolaine Meynier-Millefert, M. Bruno Millienne, M. Hubert Ott, M. Jimmy Pahun, M. Loïc Prud'homme, M. Nicolas Ray, Mme Véronique Riotton, M. Nicolas Thierry, Mme Huguette Tiegna, M. David Valence, M. Pierre Vatin, Mme Anne-Cécile Violland, M. Jean-Marc Zulesi

Excusés. - Mme Nathalie Bassire, M. Olivier Becht, M. Jean-Victor Castor, Mme Claire Colomb-Pitollat, Mme Sandrine Le Feur, M. Marcellin Nadeau

Assistaient également à la réunion. - M. Antoine Armand, Mme Delphine Batho, Mme Mireille Clapot, M. Charles de Courson, M. Maxime Laisney, M. Dominique Potier, M. Benjamin Saint-Huile, M. Raphaël Schellenberger, Mme Anne Stambach-Terrenoir