L'expertise est focalisée sur la sûreté et s'appuie sur la recherche, mais le projet de loi va mettre à mal cette dernière. La décision, quant à elle, prend en compte d'autres paramètres, d'ordre industriel, économique ou politique ; or vous allez placer l'expertise sous l'empire de la décision.
Des grands accidents industriels de l'histoire, on peut tirer plusieurs leçons. D'abord, il importe de maintenir séparées l'expertise et la décision ; ensuite, il faut conserver une diversité de points de vue ; enfin, l'expertise doit pouvoir se développer sans pression économique et politique.
Avec ce projet de loi, on ira vers une conformité de papier : l'opérateur n'aura bientôt plus qu'à cocher des cases sur un formulaire pour dire qu'il a bien connecté le fil vert avec le bouton vert et le fil rouge avec le bouton rouge. Une grande majorité du personnel chargé de l'expertise, dans les entités concernées, ne veut pas de votre réforme. Vous n'allez quand même pas leur tordre le bras ! Faire un travail d'expertise en matière de sûreté nucléaire, ce n'est pas cocher des cases mais faire preuve d'intelligence, ce qui suppose de la motivation. Or elle ne sera pas au rendez-vous et c'est la sûreté nucléaire qui va en pâtir. Je m'adresse aux pro-nucléaires : ne cassez pas ce qui fonctionne, et ne cassez pas la confiance du public.