L'an dernier, nous avions réussi collectivement à empêcher Emmanuel Macron d'imposer, par un amendement, l'intégration de l'IRSN dans l'ASN. Son projet nous revient par ce projet de loi, sans que nous ayons eu ne serait-ce que le début d'une explication quant à sa nécessité, ni même son simple intérêt.
Or ce projet est refusé par l'immense majorité des professionnels du nucléaire. Nous étions, à midi, aux côtés des salariés de l'IRSN, qui sont vent debout contre cette réforme. Pourquoi ? Parce que le seul et unique objectif du Gouvernement est l'accélération du nucléaire, avec le moins de contraintes possible, quoi qu'il en coûte.
Le prix à payer est la sécurité et la sûreté nucléaires. L'intégration de l'IRSN dans l'ASN place l'expertise scientifique sous la coupe du décideur – autrement dit, on prend sciemment le risque de faire primer des considérations économiques et industrielles sur la sécurité, d'autant plus que le texte s'attache à réduire au maximum la transparence des décisions et remet la question d'éventuels garde-fous entre les mains du petit nombre qui rédigeront le règlement intérieur de la nouvelle instance.
En prime, on nous presse de démanteler une organisation qui fonctionne, et reconnue à l'international, au pire moment pour cela : dans le contexte d'une relance à tout crin, qui repose sur des techniques que nous ne maîtrisons pas encore. Les futurs EPR 2 devraient, selon Les Échos, accuser un surcoût de 30 % minimum et l'EPR de Flamanville n'arrive toujours pas à démarrer, ce qui devrait à tout le moins nous pousser à l'humilité. De même, la question de la prolongation des réacteurs devrait, comme les conséquences du changement climatique, nous inciter tous à la prudence.
Selon Benoît Journé, professeur des universités spécialisé dans la sûreté nucléaire, 80 % des projets de fusion sont des échecs au regard des objectifs fixés au départ. Est-ce vraiment le moment de faire un tel pari ?
Comme l'Association nationale des comités et commissions locales d'information (Anccli), je crains « qu'accélération et réorganisation du nucléaire se conjuguent avec une baisse de vigilance et de performance de la sûreté qui sont les prémices d'un éventuel accident nucléaire ».
Ce lundi, lorsque nous examinerons ce texte en séance, nous commémorerons aussi le funeste anniversaire de la catastrophe de Fukushima. Avons-nous déjà oublié ? Que l'on soit pour ou contre le nucléaire, faire rimer sûreté avec légèreté n'est pas une option.