La séance est ouverte.
La séance est ouverte à vingt et une heures trente-cinq.
La séance, suspendue quelques instants, est immédiatement reprise.
L'ordre du jour appelle la suite du débat sur le thème : « Les salaires en France ». Nous poursuivons la séquence de questions-réponses. Je vous rappelle que la durée des questions, ainsi que celle des réponses, est limitée à deux minutes, sans droit de réplique.
La parole est à M. Jean-Pierre Vigier.
« Nous avons une conviction : c'est d'abord du travail que vient le pouvoir d'achat ». C'est par ces mots que l'ex-Première ministre a introduit la conférence sociale sur les bas salaires en octobre dernier. Le Gouvernement affichait ainsi l'ambition de mieux rémunérer le travail.
C'est dans cet objectif, partagé par tous ceux qui estiment que le travail est avant tout un formidable levier d'émancipation, que les entreprises souhaitent augmenter les salaires. Mais cette ambition se heurte à un obstacle majeur : le coût des cotisations patronales.
Et pour cause, la France se distingue par le poids considérable des charges salariales.
Pour augmenter les revenus, nous devons d'abord en finir avec le fardeau fiscal qui pèse sur les entreprises et compenser ces allégements en réalisant des économies structurelles dans les dépenses de l'État. C'est ce que Les Républicains ont proposé dans leur contre-budget, cet automne. Nous devons consacrer 1 milliard d'euros supplémentaires à la baisse des cotisations patronales pour les salaires s'élevant entre 1 et 1,6 Smic. Celle-ci donnera des marges de manœuvre aux entreprises pour augmenter les revenus des salariés, à commencer par ceux des plus modestes.
Mieux rémunérer les salariés, c'est aussi adresser un message fort à la France qui travaille et qui ne compte pas ses heures. Alors que les entreprises peinent encore à recruter, il est grand temps de redonner tout son sens à la valeur travail. Madame la ministre déléguée, comptez-vous agir concrètement en faveur de cette ambition, notamment en diminuant l'impact des cotisations patronales sur les revenus ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
La parole est à Mme la ministre déléguée chargée des relations avec le Parlement.
Je vous présente mes excuses pour mon retard. Je vous remercie pour votre question particulièrement importante et pertinente, au moment même où le Président de la République tient sa conférence de presse et vient de rappeler toute l'importance que nous accordons à la valeur travail – tout comme l'a fait le Premier ministre.
Depuis sept ans que je suis élue à l'Assemblée nationale, je suis allée, à de très nombreuses reprises, à la rencontre des entreprises en France, notamment dans ma circonscription.
La baisse des cotisations est régulièrement évoquée, notamment lorsqu'on aborde la question de la revalorisation des salaires. Elle constitue l'un des leviers sur lequel nous pouvons agir. Dès 2017, nous nous sommes engagés à transformer le CICE – crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi – en une baisse de charges pérenne. Nous poursuivons les efforts.
L'ex-Première ministre, Mme Élisabeth Borne, a confié à deux économistes, MM. Antoine Bozio et Étienne Wasmer, une « mission relative à l'articulation entre les salaires, le coût du travail et la prime d'activité et à son effet sur l'emploi, le niveau des salaires et l'activité économique ». Les points que vous avez soulevés sont au cœur de leur mission. Ils remettront leur rapport cet été mais présenteront des conclusions provisoires au printemps. Cela vous donnera l'occasion d'évoquer avec Mme Catherine Vautrin, ministre du travail, de la santé et des solidarités, la question de la baisse des cotisations.
Ce soir, nous évoquons la question des salaires, importante pour toutes les personnes qui travaillent en France. Le salaire, et plus largement la rémunération du travail, nous émancipe et nous fait contribuer à la société ainsi qu'à la solidarité nationale. Il nous permet de vivre, tout simplement.
Pourtant, en 2024, le principe « à travail égal, salaire égal » ne s'applique toujours pas en France. Entre le salaire d'un homme et celui d'une femme dont les situations professionnelles sont identiques, il existe un écart inexpliqué de 9 %. Cela contrevient au principe d'égalité qui fonde notre République. C'est pourquoi le président Macron a déclaré « grande cause du quinquennat » l'égalité entre les femmes et les hommes. Dans la continuité de la mobilisation de la majorité entre 2017 et 2022, un nouveau plan interministériel prévoit des mesures ambitieuses jusqu'en 2027. Il devra donner les moyens d'atteindre enfin l'égalité réelle entre les femmes et les hommes.
Comment l'index de l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, créé par la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel, sera-t-il à même de favoriser les comportements vertueux ? Quelles mesures le Gouvernement prendra-t-il pour renforcer l'égalité salariale dans la fonction publique ? Comment l'instauration du service public de la petite enfance et le soutien accru aux familles monoparentales amélioreront-ils la conciliation entre vie professionnelle et parentalité ?
Je vous remercie pour cette question qui soulève deux points : l'égalité salariale et la protection des femmes, puisque la maternité peut avoir des conséquences sur leur niveau de rémunération. Dans ce contexte, comment accompagnons-nous les hommes et les femmes qui deviennent de jeunes parents ?
L'égalité salariale est inscrite dans la loi depuis 1972. Depuis 2017, nous avons œuvré. Bien que l'écart de rémunération entre les hommes et les femmes se soit réduit de 1 point, il est encore de 4,3 %, ce qui doit nous nous inciter à fournir encore des efforts.
L'index voté dans la loi du 5 septembre 2018 a fait bouger durablement les pratiques, plutôt dans le bon sens. En effet, on constate que le nombre d'entreprises ayant publié leur index de l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes au 1er mars est en forte hausse. La note moyenne augmente et l'indicateur relatif à l'augmentation de la rémunération des salariées à la suite de leur congé maternité progresse de 6 %. Ces résultats doivent nous encourager à poursuivre nos efforts. Deux décrets, pris à la fin de l'année 2023, instaurent cet index dans la fonction publique.
Nous prenons aussi des mesures pour lutter contre les répercussions du passage à la parentalité sur une carrière ou un emploi. La prime d'activité, que nous avons instaurée, est un soutien décisif pour les familles monoparentales. Par ailleurs, 200 000 places d'accueil des jeunes enfants seront créées d'ici à 2030 – pas moins de 6 milliards d'euros seront investis en faveur de la petite enfance d'ici la fin du quinquennat.
Le secteur du médico-social est à bout de souffle. Les métiers du lien et de l'humain sont essentiels. Je rêve d'une France où le bien grandir, comme le bien vieillir, s'inscriraient dans une vision globale des politiques publiques et prioritaires, afin de construire une société confiante en son avenir.
On dénombre 1,3 million de travailleurs sociaux. Ce sont des professionnels de première ligne, qui exercent un métier du lien, essentiel à chacune des familles.
Le Livre blanc du travail social, remis le 5 décembre, était attendu ; il répond aux urgences. Face à la crise majeure de recrutement et à la perte de sens dans ces métiers, si essentiels pourtant, ses quatorze préconisations doivent être mises en œuvre. L'État et les partenaires doivent s'engager sur une feuille de route claire ; la revalorisation des salaires est une priorité.
À la perte de sens et à la difficulté de recruter, s'ajoute une précarisation croissante : les salaires de nombreux professionnels s'approchent de plus en plus des revenus les plus faibles. Le décrochage des salaires, grignotés par l'inflation, atteste de la déconsidération du travail social. En France, un éducateur spécialisé dans la protection de l'enfance doit se contenter d'un salaire brut de 1 530 euros. Dans de telles conditions, comment vivre décemment ? Le logement, l'énergie, la nourriture représentent une part prépondérante des revenus. La pauvreté est au rendez-vous.
Dans le secteur médico-social, où l'on exerce des métiers du lien, aucun salaire ne devrait être en dessous de 2 000 euros. Il s'agit de déterminer nos valeurs collectives et les priorités des politiques publiques. L'heure est à l'action : comment comptez-vous appliquer les préconisations du Livre blanc du travail social ? La revalorisation des salaires est une feuille de route qui doit faire l'objet d'un réel engagement.
Ces métiers du lien, vous l'avez dit, sont fondamentaux et contribuent au bien vivre dans la société. Le Haut Conseil du travail social a présenté un Livre blanc à cinq ministres, lesquels se sont engagés à suivre ses préconisations pour lutter contre la perte d'attractivité de ces métiers.
Les négociations de branche sont particulièrement suivies par les ministères, puisque 20 % des salariés du secteur sont encore sous le Smic. Les rémunérations doivent être améliorées. L'État s'est engagé financièrement. Nous transmettrons votre question au ministère concerné, qui vous répondra plus précisément quant à l'avancée des négociations.
« La société que nous voulons est une société dans laquelle pour réussir on ne devrait pas avoir besoin de relations ou de fortune, mais d'effort et de travail. » Étrange lettre que celle que nous a adressée le chef de l'État le 13 janvier 2019 pour annoncer la tenue du grand débat national. Il semblait y désavouer les nominations de son propre gouvernement.
L'effort et le travail, donc, devraient permettre de réussir. Ces jours-ci, à Davos, se réunissent cinq milliardaires, dont la fortune depuis trois ans a enflé, chaque heure, de 14 millions de dollars.
Le constat est implacable : les ultrariches n'ont jamais été aussi riches alors que, dans le même temps, 90 % de la population française voyait baisser ses revenus. Les prix augmentent et les marges des entreprises explosent mais les salaires ne suivent pas et la perte de pouvoir d'achat s'accentue. Plus d'un demi-million de Français ont basculé sous le seuil de pauvreté en 2021, autant que l'ensemble de la population de mon département, la Drôme.
En proposant ce débat, le Rassemblement national veut faire croire qu'il est le grand protecteur du pouvoir d'achat. C'est faux et facile à prouver : ses députés se sont opposés à l'augmentation des salaires, en particulier du Smic, et ont refusé de voter le rétablissement de l'ISF – l'impôt de solidarité sur la fortune. Ils ne sont même pas – c'est dire leur intérêt – présents dans l'hémicycle.
L'effort et le travail ? La moitié des membres de votre gouvernement sont nés à Paris. Combien sont millionnaires ? Vous oubliez tous ceux qui ont des salaires de misère, alors qu'ils travaillent dur et font leur part. L'effort et le travail ? Une augmentation générale des salaires n'affecterait pas le prix des marchandises – le Fonds monétaire international (FMI) le reconnaît désormais –, mais elle pourrait entraîner une baisse du taux général de profit.
Madame la ministre, nous croyons en la politique, la vraie, celle qui agit pour l'intérêt général et cesse les courbettes devant les intérêts des plus grands. Quand indexerez-vous les salaires sur l'inflation et privilégierez-vous l'effort et le travail de millions de salariés sur les profits de quelques-uns ?
Applaudissements sur les bancs du groupe GDR – NUPES.
À titre personnel, j'ai toujours du mal à comprendre ceux qui semblent considérer que le travail ne peut pas être une source d'épanouissement, de réussite et de satisfaction ;…
Aussi. Dans l'exercice de leur profession – le métier est parfois choisi, parfois moins –, nos concitoyens gagnent en valeur et en fierté. Je crois qu'on doit valoriser le travail,…
…ceux qui travaillent dur et se lèvent tôt : c'est au cœur de notre projet.
Vous avez évoqué les milliardaires qui se réunissent à Davos. Je parlerai, quant à moi, de nos actions concrètes en faveur de nos concitoyens. Lors du mandat précédent, nous avons travaillé à un meilleur partage de la valeur. Cet effort s'est poursuivi et traduit par des mesures législatives. Grâce à cette politique, nous avons retrouvé un objectif de plein emploi, baissé de 2 % le taux de chômage, attiré des entreprises qui investissent, créent de la richesse, innovent et recrutent. Nous avons également protégé les salariés lors du covid. Nous devons continuer à agir pour une meilleure répartition de la valeur au sein des entreprises, comme nous l'avons fait au travers de la loi Pacte, relative à la croissance et la transformation des entreprises, et d'autres mesures législatives.
Nous avons enfin adopté des mesures de protection du pouvoir d'achat pour faire face aux crises et à l'inflation. On doit certes toujours chercher à l'améliorer, mais reconnaissons que notre système comporte un mécanisme de protection dont les salaires les plus bas – je pense notamment au Smic – bénéficient.
Bien que le Gouvernement ne doive pas se substituer aux partenaires sociaux – une critique qui revient fréquemment et dont nous devons tirer toutes les conséquences –, nous suivons avec attention les négociations salariales en cours pour revaloriser les salaires les plus bas.
Le rapport du groupe d'experts sur le Smic remis en 2023 affirme que la hausse du salaire minimum interprofessionnel de croissance est un levier fort peu efficace pour lutter contre la pauvreté laborieuse, laquelle s'explique par de faibles quantités de travail et des charges familiales lourdes – surtout dans le cas des familles monoparentales. Nous sommes toujours très étonnés à la lecture des préconisations de ce comité d'experts – dont les membres sont adroitement désignés par le Gouvernement –, comme lorsqu'il conseille de ne pas revaloriser le Smic en période d'inflation galopante. L'affirmation selon laquelle le Smic ne serait pas protecteur pour les classes, qualifiées fort à-propos de « laborieuses », nous laisse perplexes.
Même si nous considérons que le Smic devrait être augmenté, il n'en reste pas moins vrai qu'il contribue en l'état à assurer un niveau de vie minimal à tous les salariés. Grâce à son mode de revalorisation, il a augmenté comme l'inflation, c'est-à-dire de 12,5 % entre janvier 2021 et décembre 2023, de sorte que le pouvoir d'achat lié au Smic a été préservé. Aussi sommes-nous inquiets lorsque ce comité d'experts préconise de réformer les modalités de revalorisation automatique du Smic ou de l'indexer sur la moyenne des évolutions des minima salariaux d'un panel de branche.
Une telle réforme entraînerait une dégradation substantielle du pouvoir d'achat des salariés au Smic et, plus généralement, des bas salaires. Or les smicards et les bas salaires deviennent malheureusement la norme dans notre pays, puisque 3,1 millions de salariés étaient payés au Smic au 1er janvier 2023 et que la moitié des employés gagnent moins de 1 231 euros par mois. Ce qui doit être mis en cause, ce n'est pas le Smic en tant que tel mais votre politique de l'emploi qui favorise les contrats courts et précaires et fabrique des travailleurs pauvres.
Les faits sont implacables : 1,2 million de personnes exercent un emploi mais disposent d'un niveau de vie inférieur au seuil de pauvreté, c'est-à-dire 918 euros par mois.
En un an, les contrats de moins de 20 heures par mois ont augmenté de 26 % – les travailleurs concernés sont ceux qui se lèvent tôt le matin.
Ma question est double : prévoyez-vous de réformer les modalités de revalorisation du Smic, comme y invite votre comité d'experts, ou envisagez-vous une meilleure redistribution des richesses, sous forme de salaire et non de primes – désocialisées, inégalitaires et arbitraires ? En bref, envisagez-vous de vous attaquer à l'emploi précaire et aux bas salaires ?
Applaudissements sur les bancs des groupes GDR – NUPES, LFI – NUPES et Écolo – NUPES.
Le groupe d'experts sur le Smic a fait plusieurs propositions pour revoir les modalités de calcul du Smic selon des règles d'indexation automatique. Le Gouvernement estime que les mécanismes d'indexation ont prouvé leur efficacité. Le sujet est débattu au sein du Haut Conseil des rémunérations mais ne débouchera pas dans l'immédiat sur des réformes.
S'agissant de l'alternative entre salaires et primes, j'apporterai à nouveau un témoignage de terrain, tiré de ma circonscription. Il faut toujours, en effet, que l'on puisse vivre décemment grâce à son salaire. C'est indéniable et c'était le sens de ma réponse à la députée Pochon concernant un meilleur partage de la valeur par le biais de dispositifs d'intéressement ou de participation. Nous devons inciter les entreprises et les grandes instances patronales à formuler d'autres propositions.
Quand vous allez sur le terrain à la rencontre des plus petites entreprises, elles font valoir combien la prime est pour elles un moyen de gratifier leurs salariés tout en préservant l'évolution de leur chiffre d'affaires.
Beaucoup disent aspirer à augmenter leurs salariés – pour les stabiliser dans l'entreprise, les rendre fiers et leur donner envie de continuer à œuvrer à son service – mais cela n'est pas toujours possible et dépend des secteurs et de la saisonnalité des activités. Je comprends votre propos mais je ne crois pas qu'il faille opposer primes et salaires : il importe avant tout que les salariés aient le sentiment d'être associés aux gains qu'ils génèrent.
Il est impossible de parler du pouvoir d'achat dans nos territoires ultramarins sans parler de la cherté de la vie, des salaires et de leurs disparités territoriales. L'inflation des derniers mois a aggravé un phénomène préexistant. Malgré les mesures d'urgence, nombre de nos concitoyens ont des difficultés à boucler leurs fins de mois. Les inégalités de revenus entre les outre-mer et l'Hexagone sont réelles, d'autant que les économies ultramarines sont extrêmement dépendantes de la sphère publique, qui constitue souvent la principale source de création de richesses.
Dans ce contexte, le supplément de rémunération consenti aux fonctionnaires des agences publiques pour faire face à la cherté de la vie empêche souvent ses bénéficiaires d'avoir recours aux mesures d'aides d'État. Je pense aux petits et moyens salaires, privés d'aide parce que les barèmes sont calibrés sur les rémunérations en vigueur dans l'Hexagone. Quelle est la position de votre gouvernement à ce sujet ?
Par ailleurs, de nombreux territoires ultramarins connaissent un niveau de chômage très important. Le tissu économique se caractérise de surcroît par une concurrence insuffisante, entraînant des situations de monopole et d'oligopole. Sans concurrents satisfaisants, les créations d'emplois dans les entreprises ainsi que les augmentations de salaires qui pourraient en découler restent faibles. Quels leviers l'État pourrait-il actionner pour soulager les entreprises de leurs charges et les accompagner afin de dégager les fonds indispensables à la revalorisation salariale ?
De manière plus générale, le groupe Libertés, indépendants, outre-mer et territoires considère qu'il serait plus judicieux, pour réduire les inégalités dans les outre-mer, d'œuvrer à la hausse des salaires dans le secteur privé plutôt que de chercher à tirer vers le bas les rémunérations du secteur public et, in fine, de l'économie locale. La suppression de la sur-rémunération serait mortifère pour nos territoires. J'aimerais connaître la position du Gouvernement sur ce point.
En cette période de vœux et de réunions de rentrée, tant la présidente de l'Assemblée nationale que le Premier ministre ont rappelé l'importance de garder un œil sur les départements et régions d'outre-mer (Drom), qui font face aux mêmes défis que la métropole mais où la cherté de la vie et les difficultés en matière de pouvoir d'achat sont décuplées.
Le Gouvernement en a fait une priorité, avec plusieurs dispositifs que vous connaissez : les outils de modération des prix, notamment des carburants réglementés, grâce à un bouclier qualité prix (BQP) ; l'Oudinot du pouvoir d'achat qui a permis de relancer les négociations locales, renforcées par des échanges nationaux entre les opérateurs de la grande distribution et les territoires ultramarins. Je me permets de rappeler aussi les décisions prises par Élisabeth Borne en juillet 2023 pour transformer les économies ultramarines, notamment la réforme de l'octroi de mer, qui permettra de faire baisser les prix des produits de grande consommation. Une réforme de la régulation des prix et du système de distribution des carburants sera mise en œuvre ces prochains mois. Enfin, la capacité de contrôle de la concurrence sera renforcée.
Nos compatriotes ultramarins bénéficient, au même titre que ceux de la métropole, de toutes les mesures destinées à protéger leur pouvoir d'achat. Mais nous devons y être d'autant plus vigilants que la situation est complexe dans les outre-mer.
Après bientôt deux ans d'une forte inflation, la question du pouvoir d'achat et des salaires demeure au cœur des préoccupations des Français.
Face à des oppositions plus enclines à tout critiquer qu'à proposer des mesures concrètes et sérieuses, notre majorité et le Gouvernement ont toujours agi et continuent de le faire pour soutenir les travailleurs.
Grâce à la loi portant transposition de l'accord national interprofessionnel relatif au partage de la valeur au sein de l'entreprise, 1,5 million de salariés bénéficieront d'une augmentation de leurs revenus. Quant aux fonctionnaires, ils profiteront d'une augmentation du point d'indice dès la fin du mois de janvier.
Comme l'a rappelé le Premier ministre, le Gouvernement est au travail pour défendre des mesures concrètes et audacieuses. Nous devons ainsi continuer à œuvrer à la revalorisation des salaires…
…et au renforcement de la valeur travail. Car, oui, le travail doit payer mieux et être plus incitatif que les allocations. De fait, certains salariés voient leur salaire rattrapé par le Smic, ce qui entraîne découragement et incompréhension. Nous devons donc remédier à la tendance au tassement des salaires.
Fin 2023, le Gouvernement avait évoqué l'application, en 2024, d'une mesure coercitive concernant les minima de branche si aucun progrès significatif n'était constaté ou si le dialogue social n'était pas concluant.
Au-delà de la problématique des minima et des classifications de branches, quelles pistes le Gouvernement privilégie-t-il pour soutenir les salaires des classes moyennes et remédier au phénomène de tassement ?
Vous avez raison, la compression des salaires est réelle et a des traductions matérielles pour ceux de nos concitoyens dont le salaire se situe juste au-dessus du Smic et qui ont le sentiment d'être rattrapés par les salariés percevant le salaire minimum. Ce phénomène, notamment dû à un manque de dynamisme des négociations salariales, a pour conséquence une perte de pouvoir d'achat, une absence de progression salariale et donc un manque d'attractivité des métiers, notamment ceux du secteur médico-social. C'est pourquoi le Gouvernement s'est engagé à être très attentif à la mise en conformité des branches.
Pour que les salaires progressent, que le travail paye mieux, les partenaires sociaux doivent rester mobilisés. Si le Gouvernement ne doit pas se substituer à ces derniers, il est néanmoins très attentif à la situation. Le travail est au cœur de notre projet, mais il faut qu'il soit rémunéré à sa juste valeur.
Au reste, le Gouvernement a pris l'engagement, lors de la conférence sociale, que, si en juin 2024, une majorité des branches restaient en situation de non-conformité, nous réfléchirions à des mesures législatives visant à asseoir les exonérations de cotisations des entreprises sur les minima conventionnels plutôt que sur le Smic.
Le salaire est le paiement du travail, et la récompense du travail est le fil rouge de notre politique économique depuis 2017. Oui, nous agissons pour les Français qui travaillent !
Je tiens à rappeler trois éléments à cet égard. Premièrement, la meilleure réponse à la question des salaires, c'est le retour à l'emploi. Depuis sept ans, le chômage baisse en France. De près de 10 % lorsqu'Emmanuel Macron a été élu à la présidence de la République, son taux a été ramené à un peu plus de 7 %. Dans plusieurs endroits du pays – comme chez moi, en Centre-Alsace –, le plein emploi est désormais une réalité grâce aux efforts consentis par les entreprises et à une politique de l'emploi exigeante. Du reste, le chef de l'État vient d'annoncer un nouveau texte dans ce domaine.
Deuxièmement, je ne méconnais pas que, pour beaucoup de nos compatriotes, les salaires demeurent insuffisants. Il faut que certains d'entre eux augmentent davantage encore. Cependant, la direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares) atteste qu'entre 2021 et 2023, le salaire mensuel de base a progressé de plus de 9 % pour les ouvriers et de plus de 6 % pour les cadres. On observe ainsi que, contrairement aux idées reçues, les salaires des premiers augmentent davantage que ceux des seconds.
Au niveau international, en raison de l'inflation très forte des derniers mois, les salaires réels ont, certes, légèrement reflué, mais beaucoup moins en France que dans d'autres pays de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). Nous nous en tirons donc beaucoup mieux.
Troisièmement, le salaire ne se résume pas au salaire de base, mais inclut primes et compléments : autant d'argent qui va directement dans la poche des Français. En la matière, nous n'avons pas à rougir de ce que nous avons fait, qu'il s'agisse de la prime dite Macron, de la monétisation des RTT ou de la défiscalisation des heures supplémentaires.
Merci pour votre présentation non exhaustive mais juste des résultats de notre politique en faveur du travail. Nous continuerons dans cette voie !
Ceux qui nourrissent la France veulent pouvoir vivre décemment de leur travail sans être assommés par les normes ou menacés par les importations. Vous l'avez compris, c'est des agriculteurs et de leurs salaires que je veux vous parler, en particulier des salaires de certains de nos viticulteurs.
Chaque année, le bilan des négociations commerciales est le même : une guerre des prix sans merci et une relation toujours tendue entre producteurs et distributeurs qui place les exploitations agricoles dans une situation très difficile.
Le 23 décembre, une situation dramatique a amené une cinquantaine de viticulteurs à organiser une opération « caddie gratuit » dans deux hypermarchés de Béziers. La semaine dernière, la mairie a donc organisé une rencontre entre viticulteurs, grande distribution et négociants afin de trouver des solutions pour que les premiers puissent vivre dignement de leur travail, sans attendre subventions, aides et autres indemnités de la part des pouvoirs publics.
En cause, les dérogations dont bénéficient certains pays, comme l'Espagne, qui sont source d'une concurrence déloyale évidente. En effet, ces pays sont soumis à moins de contraintes, notamment en matière d'utilisation des produits phytosanitaires, ce qui leur permet de produire à un prix plus compétitif. La mode des cépages accentue le phénomène puisque l'Espagne commercialise, en France, des bag in box (BIB) difficilement identifiables comme vins espagnols.
Par ailleurs, l'inflation et la lutte pour la préservation du pouvoir d'achat impliquent que la grande distribution pratique des marges réduites sur certains produits dits essentiels, si bien que, pour certaines enseignes, la tentation est grande de se rattraper sur d'autres produits, comme le vin.
Vous l'avez compris, ce que souhaitent les viticulteurs, c'est de vivre dignement de leur travail et de ne pas dépendre des aides versées par l'État, lesquelles ne peuvent pas constituer une solution durable. Ma question, très simple, est donc la suivante : qu'envisagez-vous pour que les viticulteurs puissent être payés au juste prix et se verser un véritable salaire ?
Avant d'évoquer quelques-unes des mesures que nous avons prises au cours des sept dernières années, je vous dirai que nous pouvons tous nous accorder sur le fait que l'on peut être à la fois citoyen et consommateur et ainsi contribuer à la reconnaissance du travail de nos agriculteurs. Chacun doit avoir en tête, lorsqu'il fait ses courses, que le prix le plus bas n'est pas forcément le juste prix, celui qui correspond au travail et à la valeur produits par nos agriculteurs. Nous devons considérer leur rémunération comme le résultat des efforts fournis pour produire notre alimentation.
Celle-ci est par ailleurs un enjeu de souveraineté nationale. Nous devons donc nous battre pour préserver notre capacité à produire dans notre pays, non seulement en faisant face à la concurrence internationale mais aussi en suscitant des vocations pour les carrières de l'agriculture.
Tel est le sens de la loi pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous, dite Egalim 1, et de celle visant à protéger la rémunération des agriculteurs, dite Egalim 2, qui permettent de rééquilibrer les rapports entre la grande distribution et les agriculteurs. C'est également l'objet du pacte d'orientation pour le renouvellement des générations en agriculture, présenté en décembre 2023.
S'agissant des viticulteurs, sur la situation desquels vous m'avez plus particulièrement interrogée, je rappelle que le fonds d'urgence de 20 millions d'euros adopté dans le cadre du projet de loi de finances pour 2024 sera déployé en faveur de ceux qui rencontrent les difficultés de trésorerie les plus importantes.
L'ordre du jour appelle le débat sur le thème : « Position de la France sur les accords de libre-échange ».
La conférence des présidents a décidé d'organiser ce débat en deux parties. Dans un premier temps, nous entendrons les orateurs des groupes, puis le Gouvernement. Nous procéderons ensuite à une séquence de questions-réponses.
La parole est à Mme Nathalie Oziol.
Le 27 novembre dernier, le Conseil de l'Union européenne validait en catimini l'accord de libre-échange conclu avec la Nouvelle-Zélande. Dans le plus grand secret, l'Union européenne a autorisé une augmentation de 30 % en dix ans du commerce entre l'Europe et la Nouvelle-Zélande, séparées de 20 000 kilomètres, en supprimant tout ou partie des droits de douane entre les deux zones. Ainsi, à partir du printemps prochain, pourront notamment être exportées, chaque année, vers l'Union européenne 164 000 tonnes de viande ovine, 10 000 tonnes de viande bovine, 36 000 tonnes de beurre et 25 000 tonnes de fromage néo-zélandais.
Or quelle légitimité le Gouvernement a-t-il pour appliquer un tel accord ? Nous n'en avons jamais discuté ici, à l'Assemblée nationale. Les parlementaires que nous sommes ne l'ont jamais adopté ! Du reste, depuis l'Accord économique et commercial global (Ceta) en 2019, aucun accord de libre-échange n'a été voté par les parlementaires français.
Pourtant, lorsqu'on voit la Macronie à la dérive, comme en ce moment, il serait plus que jamais bénéfique pour la démocratie de s'en remettre à la souveraineté de l'Assemblée nationale. Précisons pour celles et ceux qui nous écoutent que, ce matin encore, nous ne savions toujours pas si le monarque Macron avait pensé à maintenir la semaine de contrôle du Gouvernement, qu'en entrant ce soir dans l'hémicycle, nous ignorions quel ministre nous interrogerions et que nous nous retrouvons dans la situation ubuesque où nous contrôlons un gouvernement incomplet, dont le Premier ministre n'a ni prononcé de discours de politique générale ni demandé de vote de confiance.
Quoi qu'il en soit, le groupe La France insoumise a donc demandé un débat sur la position de la France concernant les traités de libre-échange, précisément pour éclairer le débat public sur cette question.
D'abord, les accords de libre-échange sont un désastre environnemental. Ursula von der Leyen, qui n'est élue par personne, a beau vanter un accord « pionnier », « historique » et « ambitieux » en matière écologique, il n'en reste pas moins que les exportations de l'Union européenne vers la Nouvelle-Zélande vont augmenter de 47 %.
Le gouvernement macroniste reprend à son compte le greenwashing du libre-échangisme. En effet, que n'ai-je entendu en commission, lors de l'audition de l'ex-ministre du commerce, non remplacée à ce jour ? Le Gouvernement aurait mené une « révolution » dans les accords de commerce et la « nouvelle génération » d'accords allait remettre « l'humain et la planète au cœur des accords commerciaux ». Le libre-échange est une course au moins-disant écologique, point ! Il entraîne, par définition, un accroissement illimité des flux à travers le monde.
Même l'étude d'impact réalisée par la Commission européenne indique que l'accord devrait avoir une incidence sur le changement climatique par « son impact sur le volume d'activité économique dans le secteur agricole, en particulier les secteurs de la viande et des produits laitiers » – secteurs émetteurs de méthane et de protoxyde d'azote – tandis que « les flux commerciaux supplémentaires […] entraîneront une augmentation des émissions de gaz à effet de serre dues au transport de marchandises ».
Le libre-échange, c'est aussi la course au moins-disant social. En validant l'accord entre l'Union européenne et la Nouvelle-Zélande, vous portez un nouveau coup aux agricultrices et aux agriculteurs de notre pays.
M. Matthias Tavel applaudit.
En augmentant l'importation de viande bovine et ovine, de produits laitiers et de lait, alors que les coûts de production en Nouvelle-Zélande sont plus faibles qu'en Europe, vous autorisez une nouvelle concurrence déloyale.
Les secteurs qui pourraient bénéficier d'un tel accord, à savoir l'agriculture en Nouvelle-Zélande et l'industrie manufacturière dans l'Union européenne, s'appuient sur des formes de travail précaires, des bas salaires et de mauvaises conditions de travail. Pour s'en tenir à la production laitière, au cours des dix dernières années, la France a perdu 24 % de ses éleveurs bovins, et 650 000 têtes de bétail. Afin de pallier la baisse continue de la production laitière française et de répondre à la demande, l'importation de produits laitiers n'a donc cessé d'augmenter : en 2019, 29 % des produits laitiers consommés en France étaient fabriqués à base de lait importé. Cet accord avec la Nouvelle-Zélande, pays considéré comme « la laiterie du monde », ne pourra qu'aggraver ce phénomène.
Enfin, ces accords autorisent la viande empoisonnée en France. Ainsi, alors que l'atrazine – herbicide toxique et polluant – est interdite en Europe depuis vingt ans, elle est toujours utilisée par les agriculteurs et éleveurs néo-zélandais. L'accord ne contient aucune clause interdisant l'utilisation de l'atrazine dans les produits exportés vers l'Europe. Or l'atrazine a des incidences possiblement désastreuses, notamment sur les femmes enceintes et leur f?tus.
D'autre part, la Nouvelle-Zélande utilise du diflubenzuron dans les élevages – une substance chimique toxique pour l'homme et l'animal, interdite sur le sol européen depuis 2021. Après avoir renoncé à interdire le glyphosate, Emmanuel Macron et son gouvernement renoncent à l'interdiction de l'atrazine et du diflubenzuron.
Pour ravager l'environnement, l'agriculture et la santé des Françaises et des Français, vous avez donc choisi le débat à huis clos, entre ministres libéraux. Vous avez contourné le débat démocratique au Parlement, précisément parce que vous savez que vous n'avez pas de légitimité pour ratifier ces traités.
Pour persévérer dans le non-sens et l'impasse écologique et sociale, nos dirigeants ont besoin de l'opacité. Ils doivent éviter la lumière du débat public, qui avait été fatale au Tafta, le traité de libre-échange transatlantique, en 2019 et au TCE, le traité établissant une Constitution pour l'Europe, en 2005. Un sondage Harris révèle que 22 % des Françaises et des Français n'ont jamais entendu parler de l'accord de libéralisation du commerce entre l'Union européenne et la Nouvelle-Zélande. Espérons que ce débat améliorera cette situation.
Pleinement soutenues par Emmanuel Macron, les négociations ont débuté en 2018. Elles se sont poursuivies pendant la pandémie de covid-19, dans la plus grande opacité, alors qu'il ne manquait aucun dirigeant politique pour promettre à l'opinion publique un processus de relocalisation des activités jugées stratégiques.
Cinquante associations, collectifs et syndicats de pays européens et de Nouvelle-Zélande se sont opposés à cet accord : Attac, le collectif Stop Tafta-Ceta-Mercosur, la CGT, la Fédération syndicale unitaire (FSU), les Amis de la Terre, la Confédération paysanne, pour ne citer qu'eux. Au Parlement européen, la majorité des eurodéputés français ont également voté contre l'accord.
J'ajouterai que ce n'est pas un, mais trois coups de force qui ont eu lieu le 27 novembre. Non content de ratifier l'accord entre l'Union européenne et la Nouvelle-Zélande, l'UE a décidé que l'accord avec le Chili serait signé en décembre 2023, et a approuvé la poursuite des négociations par la Commission européenne avec le Mercosur. Le Parlement français a été trois fois contourné. Les Françaises et les Français n'ont pas eu la moindre idée, ni du contenu, ni de la date de ratification de ces traités, dont les conséquences sont pourtant lourdes sur la vie des gens, notre agriculture, notre économie, notre souveraineté et notre environnement.
Pour La France insoumise, ces accords de libre-échange entraînent le déménagement du monde, au seul profit des multinationales et au détriment des peuples et de l'environnement. Leurs bilans écologiques sont désastreux. Ils détruisent les productions vivrières des États, désorganisent l'agriculture, dévastent l'industrie, provoquent un chômage de masse, mettent en concurrence les droits sociaux, engendrent une émigration forcée et facilitent la propagation des épidémies. C'est ce que nous rappelons dans la tribune parue hier dans L'Humanité, « En finir avec le dogme du libre-échange ».
Les crises récentes – covid-19 et guerre en Ukraine – devraient nous conduire à retrouver le chemin de la souveraineté, de la relocalisation des chaînes de production et du protectionnisme.
M. Matthias Tavel applaudit.
Pour rappel, un sondage de 2020 indiquait que 90 % des Françaises et des Français étaient favorables à ce que les aides publiques aux entreprises soient conditionnées à des contreparties sociales et environnementales. Aux obsessionnels du libre-échange que vous êtes, nous réaffirmons notre demande d'un nécessaire protectionnisme solidaire.
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES, SOC, Écolo – NUPES et GDR – NUPES.
Il y a quelques heures, j'assistais au débat organisé par le Centre national interprofessionnel de l'économie laitière (Cniel), où nous pouvions discuter de l'avenir et de l'installation des jeunes éleveurs laitiers, confrontés comme tous les agriculteurs au faible renouvellement des générations. Ce phénomène est particulièrement sensible dans l'élevage laitier, où plus de la moitié des exploitants ont plus de 50 ans.
Au moment où nous parlons, et alors que des négociations commerciales sont en cours, les éleveurs français se voient proposer l'achat du litre de lait à 40 centimes d'euros, alors que le seuil de rentabilité est à 44 centimes. Comment voulez-vous entrevoir un avenir lorsque le modèle économique imposé n'est pas rentable ?
Chaque année, la production laitière française atteint 24 millions de tonnes ; la Nouvelle-Zélande en produit 22 millions. Elle est aujourd'hui notre principal concurrent sur le marché du lait, qu'elle vient perturber voire fausser.
Le 27 novembre 2023, 522 députés européens ont voté l'accord de libre-échange négocié entre la Commission européenne et la Nouvelle-Zélande. Seuls 85 eurodéputés, dont 22 Français, ont voté contre. Cet accord, malgré les éloges de la Commission qui l'a qualifié de « plus progressiste », met en évidence les failles des précédents traités, sans constituer lui-même un exemple.
Comment justifier l'importation de dizaines de milliers de tonnes de produits agricoles d'un pays situé à 20 000 kilomètres, alors même que la France dispose déjà de capacités de production ? Cette démarche est en totale contradiction avec les intérêts nationaux et compromet sérieusement la pérennité de notre autonomie alimentaire. Il s'agit d'une ratification hors-sol, s'ajoutant aux multiples décisions qui entraînent la France dans une politique destructrice de sa souveraineté agricole.
Une fois de plus, la Commission européenne établit des garde-fous temporaires, avec des quotas européens sur certains produits ; elle prétend que leur fin progressive ne nuira pas à nos agriculteurs, alors que ceux-ci respectent des standards de production bien plus élevés. L'agriculture ne doit pas servir de monnaie d'échange !
Cette récente ratification souligne l'urgence d'interroger la cohérence d'ensemble de la position de la France sur les accords de libre-échange. Les accords commerciaux devraient permettre d'obtenir de nouveaux débouchés, et de régler enfin le déséquilibre injuste entre les produits européens et les produits importés, qui concurrencent les premiers sans être soumis aux mêmes normes et réglementations.
Cette incohérence se lit dans le double discours de l'exécutif, qui défend des critères stricts lorsqu'il se trouve face aux agriculteurs français, mais qui se révèle bien plus confus à l'étranger, notamment avec l'accord sur le Mercosur. Ainsi, le 26 février 2023, dans les allées du Salon de l'agriculture, le Président de la République rassurait les professionnels des filières agricoles en déclarant qu'« un accord avec les pays du continent latino-américain n'est pas possible s'ils ne respectent pas, comme nous, les accords de Paris, et s'ils ne respectent pas les mêmes contraintes environnementales et sanitaires qu'on impose à nos producteurs ». Pourtant, dès qu'il franchit les frontières, le Président de la République se montre beaucoup plus confus et conciliant.
Cette incohérence est renforcée par les agissements de la Commission européenne, qui n'hésite pas à faire barrage à l'Assemblée nationale. En juin dernier, une proposition de résolution transpartisane contre l'accord avec le Mercosur a été adoptée à la quasi-unanimité des groupes politiques. Ce « non » du Parlement français n'a pourtant pas empêché la Commission de proposer aux États du Mercosur un projet d'« addendum environnemental », qui n'intègre aucune clause miroir conditionnant l'importation de produits sud-américains au respect de nos normes de production environnementales et sanitaires.
Ainsi, avec ou sans addendum, le poulet dopé aux antibiotiques, le bœuf engraissé dans des feed-lots de 30 000 animaux, le maïs traité à l'atrazine et autres produits phares des exportations brésiliennes accéderaient sans restriction aux quotas d'importation, avec des droits de douane nuls ou réduits, comme le prévoit l'accord conclu en 2019.
Le refus du Parlement français n'a pas non plus incité la Commission européenne à la prudence dans ses prises de paroles sur le sujet. Au contraire, ses représentants ont multiplié les appels publics à la ratification.
Pourtant, la France doit rester cohérente avec ses intérêts nationaux et environnementaux, et adopter une position claire et définitive sur tous les traités qui menacent notre autonomie alimentaire.
Il est urgent d'établir quatre priorités concernant les accords de libre-échange. Premièrement, garantir un jeu commercial à armes égales avec nos partenaires européens et internationaux pour que les produits importés soient soumis aux mêmes règles de production que les produits français. Deuxièmement, exiger la réciprocité pour assurer l'équité du jeu concurrentiel. Troisièmement, donner les moyens financiers et matériels aux agriculteurs pour anticiper les conséquences du réchauffement climatique. Enfin, permettre une adoption par le Parlement – et non par le seul Gouvernement, comme c'est aujourd'hui le cas – des futurs accords commerciaux.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Nous sommes réunis pour traiter d'un sujet important, directement lié aux intérêts économiques, commerciaux et environnementaux de la France. L'Union européenne et la France doivent renouveler leur partenariat avec leurs alliés et avec de nouveaux pays, pour favoriser les échanges de biens et de marchandises, et lancer une dynamique prospère et durable pour les parties concernées. Je tiens à saluer le travail mené par la France lors de sa présidence du Conseil de l'Union européenne, qui a permis de faire évoluer le cadre de négociation des accords de libre-échange en y intégrant nos préoccupations environnementales et écologiques.
De même, je tiens à réitérer ma confiance en nos institutions européenne et en nos élus européens, qui défendent chaque jour les intérêts de l'Union européenne et de ses membres.
La France et l'Union européenne ont des ambitions clairement établies en matière écologique. Notre objectif, commun à tous les États membres, est d'aboutir à la neutralité carbone d'ici à 2050 avec, rappelons-le, un point d'étape en 2030, où nous devrons avoir réduit de 55 % les émissions de gaz à effet de serre. Si nous souhaitons – et nous le ferons – parvenir à cette neutralité, nous devons maintenir notre cap et faire de la transition écologique une priorité.
Avec la signature de nouveaux contrats commerciaux, nous offrons à la France et à l'Union européenne des relations pérennes et renforcées. Ces accords représentent des opportunités commerciales incontestables pour les entreprises européennes et françaises, avec un effet sur la création d'emplois et la croissance économique. Nous devons faire en sorte de maintenir l'Union européenne au rang de second exportateur mondial de marchandises, et nous y contribuons par ces accords moteurs.
Toutefois, je soutiens la position de la France lorsqu'il s'agit de ne pas ratifier l'accord commercial entre l'Union européenne et les pays du Mercosur.
M. Arnaud Le Gall s'exclame.
Tant que des dispositions ne sont pas prises pour assurer le respect de l'accord de Paris, cet accord ne sera pas à la hauteur des engagements de la France. Nous ne pouvons en aucun cas baisser nos standards, et nous devons insuffler une dynamique collective à l'échelle de l'Union européenne, et œuvrer à la création et au renforcement d'une conscience environnementale chez nos partenaires.
J'appelle également votre attention sur la résolution transpartisane déposée en juin dernier par mon collègue du groupe Démocrate, Pascal Lecamp, que je félicite et remercie. Elle pose trois conditions. D'abord, ne pas ratifier l'accord en l'absence de clauses suspensives relatives au respect de l'accord de Paris, ainsi qu'en l'absence d'un accès au marché européen conditionné au respect de normes environnementales fortes. Ensuite, revoir les procédures de ratification de l'accord afin qu'elles répondent à la procédure prévue pour les accords mixtes. Enfin, instaurer les clauses miroirs évoquées en 2022 lors de la présidence française du Conseil de l'Union européenne. Ces clauses sont une garantie pour les États membres de commercer librement, tout en protégeant le secteur agricole européen. Cette conformité préalable aux normes sanitaires et environnementales déterminées par l'Union doit être prépondérante dans nos échanges avec les pays tiers.
S'agissant de l'accord signé avec la Nouvelle-Zélande, je félicite la France d'avoir joué un rôle précurseur dans les négociations et d'avoir contribué à un accord « de nouvelle génération », en prise avec les enjeux environnementaux actuels.
Nous avons su trouver un nouveau partenaire ayant à cœur de commercer dans le respect de l'environnement, ce que reconnaît le Parlement européen qui a largement adhéré à ce projet commun. En effet, cet accord répond aux normes de l'accord de Paris sur le climat ; il prend en compte les normes de l'Organisation internationale du travail (OIT) ; il favorise la protection de la vie marine et l'égalité entre les femmes et les hommes. Par ailleurs, cet accord apportera des bénéfices pour l'Union européenne.
Qui peut penser qu'il est bénéfique d'importer du lait de l'autre bout du monde ?
Je souhaite également voir en cet accord l'occasion de mettre en avant l'innovation à la française. Chaque jour, nos ingénieurs œuvrent au développement de solutions durables de décarbonation des modes de transport et s'activent à changer le cours des choses, que ce soit en exploitant des sources alternatives d'énergie ou en développant des technologies innovantes.
Soutenabilité et commerce ne sont pas incompatibles : efforçons-nous de trouver un équilibre en faveur du libre-échange de demain.
Nous sommes réunis ce soir à l'initiative du groupe LFI, que nous remercions, pour parler de commerce international. Nous le faisons trop peu dans cette enceinte, et, quand nous en débattons néanmoins, c'est trop souvent dans une logique défensive, à propos d'un traité particulier. Merci de nous donner l'occasion d'avoir une vision holistique et prospective : nous sommes passionnés et nombreux…
Sourires sur les bancs des groupes LFI – NUPES, SOC, Écolo – NUPES et GDR – NUPES
pour aborder ces enjeux, essentiels pour l'économie et l'avenir du monde.
L'étude Agrimonde-Terra, à laquelle je fais souvent référence, dont les résultats ont été publiés en 2020, est l'étude la plus complète, l'équivalent des rapports du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (Giec), sur les questions alimentaires et agricoles. Sa conclusion est sans appel, et optimiste. Les chercheurs affirment en effet qu'il sera possible de nourrir les 10 milliards d'êtres humains qui habiteront la planète en 2050, mais à plusieurs conditions.
J'en ai retenu trois, qui sont essentielles et constituent toutes des principes de régulation. Premièrement, il faut réguler le régime alimentaire. Celui-ci doit évoluer dans tous les pays, notamment en occident où un effort doit être fait pour le rééquilibrer et le rendre compatible avec les limites planétaires. Deuxièmement, il faut limiter l'accaparement des terres et permettre le renouvellement des générations de paysans, en Europe comme dans les pays en voie de développement – « Le monde a besoin de toutes les agricultures du monde », affirmait déjà Edgard Pisani il y a quelques décennies. Troisièmement, nous devrons fonder notre économie sur les bases du commerce équitable : que les paysans puissent vivre dignement de la production de la nourriture et que celle-ci soit accessible à tous, même aux plus pauvres.
Il faut donc parvenir à équilibrer le bol alimentaire, à partager la terre de manière à maintenir un monde paysan nombreux et respecter les principes du commerce équitable.
Les traités qui nous sont proposés, comme le Ceta, le traité de libre-échange entre l'Union européenne et Singapour, celui entre l'Union européenne et la Nouvelle-Zélande, ou l'accord commercial avec le Mercosur qui est en débat concourent-ils à cet objectif ? Évidemment non.
Ils augmentent les échanges en s'appuyant sur les avantages compétitifs respectifs des différentes parties, mais ils ne permettent pas de répondre à la question de la coopération, pourtant fondamentale. Ce sont donc des traités archaïques.
Je ne veux pas anticiper sur ce que diront brillamment nos collègues communistes ou écologistes afin d'éviter de nous répéter.
Je vous poserai plutôt deux questions précises, madame la ministre déléguée ; je suis sûr de la pertinence et de la force des réponses que vous y apporterez.
La première porte sur l'inclusion des directives européennes, qui ont connu une sorte de renaissance et même foisonné ces dernières années. J'en citerai quatre, mais il y en a beaucoup plus : l'accord sur la criminalité environnementale, qui constitue une victoire de la gauche et des écologistes dans l'Union européenne, mais qui a rassemblé une large majorité ; le règlement européen contre la déforestation et la dégradation des forêts, qui vise notamment à lutter contre la déforestation importée ; la Corporate Sustainability Reporting Directive (CSRD), directive sur le reporting extra-financier, qui est une véritable modernisation de la comptabilité de l'économie et du capitalisme ; enfin, celle dont nous avons été les auteurs et les pionniers dans cet hémicycle en 2017, qui instaure un devoir de vigilance et qui devrait faire l'objet d'une directive européenne soumise à ratification avant la fin de cette législature.
Madame la ministre déléguée, comment le Gouvernement entend-il tirer bénéfice de ces avancées européennes très significatives mais sectorielles et thématiques, pour les inclure dans les accords de commerce internationaux ?
Pour élaborer la deuxième question, je m'appuie sur le rapport remis le 14 décembre 2023 par la commission d'enquête sur la maîtrise des impacts des pesticides qui s'est tenue à l'initiative du groupe Socialistes et aux travaux de laquelle nous sommes plusieurs à avoir participé. Nous avons réfléchi précisément aux conditions d'une transition agroécologique loyale pour les paysans – qui suppose l'absence de concurrence déloyale. Nous avons deux propositions précises à faire à Mme la ministre déléguée, pour lesquelles j'aimerais obtenir des réponses ce soir.
Premièrement, nous proposons d'abord d'en finir avec les limites de tolérance pour les résidus de pesticides que nous importons : la limite maximale de résidus (LMR) doit être égale à zéro. Cette décision est à la portée de la France et de l'Europe.
En outre, nous voulons interdire l'exportation vers des pays tiers de substances interdites au sein de l'Union européenne. Nous voulons en effet instaurer un principe de réciprocité afin de respecter les producteurs, les consommateurs, et, en somme, tous les citoyens du monde, selon un principe d'universalité.
Deuxièmement – et ce point est très important – les mesures et les clauses miroirs sont devenus des miroirs aux alouettes. Elles sont désormais la garantie de la continuité du commerce international dans n'importe quelles conditions. Elles étaient un principe de précaution, elles sont aujourd'hui un principe de justification.
Or on se heurte à un problème de faisabilité lorsqu'on examine de plus près cette question – comme s'y est employée la commission d'enquête. Le groupe Socialistes défend l'idée d'une inversion de la charge de la preuve : un tiers certificateur, reconnu par l'Union européenne, viendrait nous assurer que les produits appelés à entrer sur notre territoire ont été conçus dans des conditions sociales et environnementales conformes aux standards exigés par l'Union européenne sur son propre sol.
Madame la ministre déléguée, nous attendons vos réponses.
Nous avons besoin, non pas d'augmenter le libre-échange, mais d'échanger juste ce qu'il faut, et de le faire de façon juste. Les propositions que je formule au nom du groupe Socialistes vont dans ce sens. Encore une fois, nous attendons vos réponses.
Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, Écolo – NUPES et GDR – NUPES.
« Là où il y a une volonté, il y a une voie. » En faisant croire qu'il n'y a aucun moyen, en dehors de l'Union européenne, de peser sur les accords de libre-échange conclus, le groupe La France insoumise démontre son absence de volonté de mener une politique internationale où la France a une voix qui porte.
Pour commencer, rappelons les bases : l'existence même de l'Union européenne dépend d'abord et avant tout de tous les États qui la composent. Elle ne saurait se faire sans eux.
Ainsi, bien que l'Union européenne dispose d'une compétence exclusive sur la politique commerciale commune, cette compétence ne peut pas s'exercer à rebours de la volonté des États, et donc de la France. En effet, les négociateurs de la Commission européenne sont soumis à un mandat fixé par le Conseil de l'Union européenne et les ministres du commerce extérieur des différents États membres.
Il serait tout aussi faux de soutenir que cela se fait sans aucune transparence ni redevabilité. Les citoyens, les entreprises et les ONG sont consultés en amont des négociations. Ensuite, tous les traités de libre-échange doivent être approuvés par le Conseil de l'Union européenne et ratifiés par le Parlement européen.
À chacune de ces étapes, la France peut agir pour faire valoir ses intérêts, dans la seule limite des règles qu'elle s'est fixées en acceptant de faire partie de ce marché commun. Ses intérêts supposent d'abord d'instaurer des clauses de sauvegarde et des mécanismes d'ajustement pour préserver son économie, la stabilité de certains secteurs pouvant être mise à mal par une concurrence étrangère soumise à des règles environnementales et sociales différentes.
C'est tout particulièrement nécessaire pour l'agriculture. Nos partenaires commerciaux doivent être soumis aux mêmes règles et aux mêmes obligations afin de conclure des échanges équitables. Il n'est pas acceptable d'importer du soja issu de la déforestation ni des viandes d'élevage qui ne sont pas soumises aux normes sanitaires européennes. Pour l'ensemble de ces produits, nous demandons l'instauration de clauses miroirs, c'est-à-dire une réciprocité dans le respect des normes de productions.
En l'absence de telles clauses, suffisamment fortes et contrôlées, nous exposerions le monde agricole à de possibles distorsions de concurrence. C'est ainsi que la France s'est opposée à la signature de l'accord commercial avec le Mercosur, pointant les risques de déforestation que comporterait l'intensification des activités agricoles et les déséquilibres de concurrence qui résulteraient des modes de production des pays du Mercosur.
En adoptant en juin dernier la proposition de résolution relative à l'accord commercial entre l'Union européenne et le Mercosur, notre assemblée a envoyé un signal fort aux institutions européennes : elle a affirmé qu'aucun nouveau traité de libre-échange ne pourra être soutenu par la France sans que ces exigences y soient intégrées.
Faut-il pour autant arrêter toutes les négociations relatives à des accords de libre-échange ? Faut-il isoler le marché européen du reste du monde ? C'est souvent ce que proposent ceux qui, à l'image du groupe La France insoumise qui a proposé ce débat, voient dans ces accords la seule logique de libéralisation des marchés. Mais c'est oublier que ce sont aussi des instruments de puissance normative.
Ces accords consacrent la capacité de l'Union européenne à définir des normes sanitaires, sociales et environnementales comme condition d'accès à son marché. Les États commerçant avec l'Union européenne doivent respecter certains accords et standards internationaux chers aux États membres de l'Union.
C'est notamment le cas pour l'accord avec la Nouvelle-Zélande, approuvé en décembre 2023 par le Parlement et le Conseil, dont l'application est conditionnée au respect de l'accord de Paris sur le climat et à celui de conventions de l'OIT.
Refuser par pure idéologie tout accord de libre-échange, c'est renoncer à la possibilité, pour la France, de peser sur les règles de l'économie mondiale. Nous pensons, au contraire, que les négociations commerciales sont les instruments d'une France forte dans une Europe puissante.
« Nous sommes sur l'autoroute vers l'enfer climatique, avec le pied toujours sur l'accélérateur ». Prononcés il y a un peu plus d'un an, les propos du secrétaire général de l'ONU résonnent encore.
Ils résonnent cependant trop peu, malheureusement, alors que l'eau manque, que les pollinisateurs disparaissent, que le vivant tout autour de nous s'effondre, à l'heure où tout nous dicte d'aller vers la souveraineté, les circuits courts, l'autonomie, la résilience et la sobriété, à l'heure des choix les plus grands que notre humanité soit capable d'accomplir, comme celui de vivre ou de périr. À cette heure-ci, nous nous dirigeons vers la finalisation d'un accord de libre-échange visant à échanger toujours plus de biens sur des milliers de kilomètres entre l'Union européenne et les pays d'Amérique du Sud.
On regarde l'horloge, on se dit qu'on s'est trompés, mais non : il y a quelques semaines, une majorité au Parlement européen ratifiait un nouvel accord de libre-échange, entre l'Union européenne et la Nouvelle-Zélande.
Chers collègues, entendons-nous bien, le débat ne consiste pas à nous demander si nous voulons faire du commerce international : 70 % des importations européennes de viande bovine proviennent déjà des pays du Mercosur. L'Europe est également le troisième partenaire commercial de la Nouvelle-Zélande.
L'enjeu est donc tout autre. La question qui nous est posée – enfin, elle ne le sera pas puisque les parlements nationaux n'ont pas leur mot à dire – est celle de l'augmentation de ces échanges, au détriment de nos conditions de vie sur terre, de nos agriculteurs, de tout ce à quoi nous appelle cette horloge qui tourne.
Tous les rapports sont édifiants : l'augmentation des importations de bœuf est un des principaux moteurs de la déforestation au Brésil. La massification du transport de marchandises avec la Nouvelle-Zélande engendrera, de fait, une augmentation des émissions de gaz à effet de serre.
Un mois après la COP28, sachez que tous les accords historiques du monde ne pourront cacher que les accords de libre-échange sont tout simplement insoutenables.
Ils le sont pour les agriculteurs et les agricultrices français, comme le disent, à l'unisson – c'est assez rare pour que nous le soulignions – tous les syndicats agricoles. Un ménage agricole sur cinq en France se situe sous le seuil de pauvreté, moitié plus que pour la population générale. Parmi eux, les éleveurs ont le revenu moyen le plus bas, tandis que la décapitalisation du cheptel se poursuit.
La faute à l'endettement massif dans lequel le modèle conventionnel du « produire toujours plus », avec moins de gens et des fermes toujours plus grandes et mécanisées entraîne tant d'agriculteurs ; la faute à la concurrence déloyale ; la faute aux profits monstres réalisés par la grande distribution ; la faute, aussi, à une mondialisation libérale effrénée, qui fait passer le marché avant les humains et le vivant.
L'accord avec la Nouvelle-Zélande soumettra les éleveurs ovins européens à la concurrence de 38 000 tonnes supplémentaires de viande – quasiment 50 % de la production des éleveurs français spécialisés –, vendue à des prix imbattables : 10 euros le kilo d'agneau néo-zélandais contre 23 euros le kilo d'agneau français.
Et là-bas, c'est pire. Pour répondre à la massification des échanges, la spécialisation et l'intensification des pratiques agricoles sont inévitables, et avec elles l'utilisation accrue de produits phytosanitaires, l'effondrement de la biodiversité, la baisse de la fertilité et l'érosion des sols. Ainsi, 30 % des pesticides utilisés au Brésil ne sont pas approuvés dans l'Union. En outre, les firmes de l'agro-industrie continuent de tirer profit à l'export de ces mêmes pesticides toxiques que nous interdisons ici.
Ces accords ne sont pas soutenables. Vous l'aurez compris : nous, écologistes, souhaitons que la France continue de s'opposer à ces accords destructeurs, négociés dans l'opacité la plus totale. Le mandat de négociation pour l'accord avec le Mercosur, donné en 1999, ainsi que les négociations qui ont suivi, ont été tenus secrets jusqu'en 2019. À ce jour, nous n'avons accès à aucun texte, alors que l'accord pourrait être finalisé le mois prochain.
Partout sur le continent, l'extrême droite se repaît de ces décisions lointaines qui ne ressemblent en rien aux ambitions écologiques affichées en « quatre par trois » dans vos opérations de communication.
La défiance des milieux agricoles et de nos concitoyens grandit face à cette dérégulation à outrance, quand l'inflation des prix de l'alimentaire côtoie la baisse des prix des produits agricoles pour les agriculteurs.
Emmanuel Macron disait tout à l'heure qu'il fallait défendre la France du bon sens contre la France du fracas. Qu'est-ce que tout cela, sinon le fracas ? Où est le bon sens ? Nous, écologistes, défendons l'Europe du bon sens, dix-huit ans après le référendum piétiné de 2005. Nous voulons plus d'Europe : plus d'une Europe qui ne soit plus un vaste marché libéral qui facilite les échanges de biens en bâtissant des barrières contre les humains ; plus d'une Europe écologiste ; plus d'une Europe sociale, qui protège les travailleurs et les plus vulnérables ; plus d'une Europe de l'accueil. Nous, écologistes, voulons plus d'une Europe politique, qui ne peut être que résolument démocratique, loin de ces accords opaques.
En 1996, à l'occasion de la déclaration de Rome sur la sécurité alimentaire mondiale, la souveraineté alimentaire était définie, pour la première fois, comme le droit de chaque pays de maintenir et de développer sa propre capacité de produire son alimentation de base, en respectant la diversité culturelle et agricole. Cela devrait être notre seul cap, pour notre pays et pour l'Europe.
Il est temps que les règles du commerce international bénéficient aux gens, et non plus aux grandes firmes multinationales. Nous, écologistes, serons toujours là pour vous le rappeler.
Applaudissements sur les bancs des groupes Écolo – NUPES et GDR – NUPES. – M. Dominique Potier applaudit aussi.
Je me réjouis de ce débat sur la position de la France concernant les accords de libre-échange. Il intervient alors que les négociations sur l'accord commercial entre l'Union européenne et les pays du Mercosur – à savoir le Brésil, l'Argentine, le Paraguay et l'Uruguay – se poursuivent dans la plus grande opacité.
Après avoir échoué à finaliser l'accord en décembre, l'Union européenne et les pays du Mercosur espèrent toujours pouvoir annoncer cette finalisation lors de la conférence ministérielle de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) qui se tiendra du 26 au 29 février aux Émirats arabes unis.
Il n'est toujours pas question d'abandonner cet accord que dénoncent pourtant, depuis des années, aussi bien des dizaines d'ONG que les filières agricoles françaises. En décembre, ces dernières sommaient encore l'État français d'abandonner ce projet qui menace notre souveraineté alimentaire en autorisant l'importation massive de produits alimentaires ne respectant pas les exigences environnementales et sanitaires qui sont imposées aux producteurs français.
En juin 2023, notre Assemblée avait adopté une proposition de résolution transpartisane demandant au Gouvernement de communiquer à la Commission européenne et au Conseil européen l'opposition de la France à l'adoption de cet accord en l'absence de garanties fortes en matière de réciprocité et de respect des normes sanitaires et environnementales.
La proposition de résolution réclamait également que l'accord, s'il devait aboutir, soit soumis dans son intégralité à l'approbation préalable des parlements nationaux. En effet, nous savons tous que la Commission européenne envisage de mettre en œuvre une procédure de vote visant à court-circuiter les parlements nationaux.
Dans une lettre envoyée fin novembre au ministre du commerce extérieur, vingt-trois organisations de la société civile française ont demandé au Gouvernement de « s'opposer fermement et publiquement aux velléités de la Commission européenne ». Où en sommes-nous ?
Ce qui frappe dans le positionnement de notre pays sur le traité de libre-échange, c'est le double discours. Dans ses prises de position publiques, l'exécutif affirme qu'il faut défendre notre souveraineté agricole et alimentaire. En 2022, le chef de l'État en faisait même la « mère des batailles » ; au mois de juin, le ministre de l'agriculture invitait la Commission européenne à « penser l'agriculture comme un élément clef de la souveraineté ».
En sous-main, cependant, il en va tout autrement : la France a déjà donné son aval à toute une série d'accords de libre-échange avec le Canada, le Japon ou, plus récemment, la Nouvelle-Zélande.
Des accords sont en cours de négociation avec le Mexique et le Chili. Tous ces accords, sans exception, alimentent une fuite en avant vers l'aggravation de la crise climatique, le détricotage de nos normes sanitaires et sociales, ou la mise en concurrence effrénée de notre agriculture au détriment de nos territoires, de la santé de nos concitoyens et de notre souveraineté alimentaire. Tous ces accords ne font qu'aggraver la marchandisation du monde, avec le risque de régressions sociales, environnementales et politiques majeures. Nous devons donc sortir du double discours.
Comment peut-on croire que nous lutterons efficacement contre le réchauffement climatique en intensifiant les flux internationaux de marchandises avec des pays situés à l'autre bout de la planète ? Comment peut-on croire que nous protégerons les revenus de nos agriculteurs en favorisant des importations qui se traduiront nécessairement par une pression des prix à la baisse dans les négociations commerciales ? Comment peut-on prétendre préserver la santé de nos concitoyens en autorisant le contournement des normes sanitaires européennes ?
Au-delà de l'enjeu de souveraineté, il y a l'enjeu social et écologique, ainsi que les conséquences de ces accords sur les pays concernés. Je pense notamment au Chili, où l'Union européenne cherche à faire main basse sur le cuivre et le lithium afin de construire des voitures électriques – et ce alors qu'une partie de la population pauvre du Chili paie aujourd'hui au prix fort les conséquences de l'extractivisme. Des interrogations analogues se posent au sujet de la déforestation dans l'accord avec le Mercosur.
À quoi bon brandir le caractère vertueux des nouveaux accords de libre-échange européens dans un contexte aussi délétère ? Pour notre part, nous appelons le Gouvernement à tenir un discours de vérité sur sa diplomatie européenne, mais surtout à défendre les intérêts de notre pays comme des populations des pays avec lesquels l'Europe engage des négociations. Notre pays doit montrer clairement son refus de la fuite en avant vers le dumping social et environnemental qu'autorise ce type d'accords, et son refus de voir piétiner les principes démocratiques les plus élémentaires.
Applaudissements sur les bancs des groupes GDR – NUPES et Écolo – NUPES. – MM. Dominique Potier et Matthias Tavel applaudissent également.
Dans cet hémicycle, nous sommes régulièrement saisis des questions commerciales au niveau européen. Ce fut le cas, récemment, au sujet des accords avec la Nouvelle-Zélande et avec le Mercosur. Dans les deux cas, mon groupe a rejeté une ratification en l'état de ces traités.
Le modèle économique dominant nous pousse à supposer que toute entrave au marché est une perte pour la prospérité de nos sociétés. La théorie économique a évolué au fil du temps, passant de l'apologie du protectionnisme à celle de l'ouverture ; mais dans le concret, les choses sont toujours plus compliquées que les théories.
C'est pourquoi je souhaite revenir – sans donner de leçons à personne – sur les conditions dans lesquelles ces accords devraient être négociés, ratifiés et mis en œuvre.
D'abord, les conséquences économiques, sociales et environnementales du libre-échange semblent clairement sous-estimées. La doxa européenne met régulièrement en avant le bénéfice que ces accords apporteront aux consommateurs. Or, si ces ouvertures permettent de créer de nouveaux débouchés significatifs, elles fragilisent également les producteurs européens. Bien souvent, il s'agit de soutenir un secteur d'activité au détriment d'un autre, alors que c'est justement le rôle du marché européen de nous offrir une économie indépendante grâce à la diversité des économies nationales. Nous ne pouvons survivre en étant une Europe entièrement agricole et sans industrie, ou une Europe industrialisée sans souveraineté alimentaire.
De même, l'Europe doit tenir compte des externalités négatives du libre-échange. Des aides doivent soutenir les petites exploitations et les très petites entreprises (TPE), les cultures bio et les fabrications en circuit court. Dire que le secteur agroalimentaire devrait voir ses exportations augmenter d'un certain nombre de milliards d'euros, sans préciser le mode de production, n'a pas de sens en soi.
Il y a des équilibres à trouver. Certes, tirer les prix vers le bas aide le consommateur, mais cela contribue à déstabiliser les cours des matières premières et à mettre en tension les TPE-PME. Ces accords constituent souvent des occasions manquées d'introduire des normes sociales, environnementales et sanitaires plus contraignantes dans les modes de production de nos partenaires.
Un autre enjeu est de défendre les appellations protégées de nos produits. C'est un gage de qualité pour les consommateurs et une valorisation du savoir-faire local de nos artisans ; il s'agit également d'améliorer la traçabilité des produits. Les dispositions de ces accords ne pourront être source de bénéfices communs qu'à condition d'être contraignantes.
Le respect de l'accord de Paris doit être la première condition de ces accords de libre-échange. S'ils sont économiquement intéressants, c'est parce que le prix du marché n'intègre pas les externalités négatives liées au climat. Vendre au rabais des produits conçus de l'autre côté de la planète, sans que le prix final ne tienne compte des conditions de fabrication et des émissions du transport, constitue un mirage statistique et une appréciation de court terme.
Ce fut une erreur de définir la politique commerciale commune comme une compétence exclusive de l'Union dans le traité de Lisbonne. Les accords de libre-échange doivent redevenir une compétence partagée et les parlements nationaux doivent pouvoir se prononcer expressément sur ces sujets.
En effet, la théorie économique à laquelle adhère la Commission européenne tient peu compte des intérêts particuliers des États. C'est un débat que l'on retrouve dans la littérature économique : l'économiste Friedrich List le disait déjà au XIX
En laissant tout pouvoir à l'UE, ces négociations commerciales renforcent la démagogie populiste, car les populations se sentent non seulement flouées, mais aussi ignorées.
Autre aspect notable, baisser les droits de douane signifie réduire les recettes de l'Union européenne. Ces pertes ne peuvent être compensées que par une augmentation des contributions des États, notamment par une hausse du prélèvement sur recettes dans chaque loi de finances. Soutenir les exportations pour, in fine, affecter davantage de nos ressources à l'UE peut paraître paradoxal – et le mot est gentil.
Enfin, la souveraineté de l'UE n'est pas aujourd'hui mise à mal par le manque de poulets aux hormones ou par le prix du maïs. Notre talon d'Achille, ce sont les énergies fossiles et les minerais rares. Or, les accords de libre-échange sont inefficaces dans ce domaine-là.
En conclusion, les enjeux économiques vitaux résident bien davantage dans la réindustrialisation et dans l'accès aux matériaux critiques que dans de nouveaux accords commerciaux.
Applaudissements sur les bancs du groupe LIOT.
Je me tiens aujourd'hui devant vous pour aborder, sans angélisme ni défiance, un sujet qui occupe une place centrale dans notre économie mondialisée, une question qui façonne nos relations commerciales et qui a un impact significatif sur la prospérité de nos nations : le libre-échange.
Dans une position d'équilibre, la France considère que le libre-échange est bien plus qu'un simple arrangement économique. C'est un pilier fondamental qui soutient la croissance, la prospérité et le progrès. Il repose sur l'idée que les échanges commerciaux doivent être fluides, sans entraves inutiles, pour permettre la création de nouvelles opportunités.
Historiquement, le libre-échange a été le moteur de la prospérité économique. En favorisant la complémentarité entre les nations, il a permis de stimuler l'innovation, la productivité et la création d'emplois. Les accords existants ont permis de créer des chaînes d'approvisionnement mondiales, favorisant la diversification des économies et offrant aux consommateurs une plus grande variété de produits à des coûts abordables. .
M. Arnaud Le Gall s'exclame
Le libre-échange n'est pas seulement une question économique ; il est aussi un puissant instrument de paix et de stabilité. En favorisant des liens économiques étroits entre les nations, il crée des incitations à la coopération et à la compréhension mutuelle.
Aujourd'hui, alors que nous faisons face à des défis mondiaux tels que le changement climatique, une pandémie mondiale et la réduction des inégalités, le libre-échange est un outil essentiel pour relever ces défis. Il permet la circulation rapide des technologies vertes et il encourage l'innovation et la recherche collaborative.
En octobre, un rapport parlementaire publié à l'initiative de ma collègue Lysiane Métayer mettait en exergue les points positifs de certains accords de libre-échange, comme l'accord commercial conclu avec la Corée du Sud en 2011, qui a conduit à une hausse de plus de 50 % des échanges bilatéraux.
De même, alors que l'accord économique et commercial global entre l'Union européenne et le Canada, dit Ceta, fut décrié lors des négociations préalables, le Trésor français estime aujourd'hui que les échanges franco-canadiens sont passés d'environ 6 milliards d'euros en 2016 à 7,2 milliards en 2021, soit une hausse de 21 %. La France a désormais une balance commerciale agricole positive avec le Canada, l'excédent étant de l'ordre de 290 millions d'euros.
Néanmoins, dans ce secteur d'activité, des préoccupations légitimes, concernant d'autres accords avec d'autres zones géographiques, sont régulièrement soulevées par nos agriculteurs ; nous devons les entendre et y répondre.
Dans les Ardennes, où j'échange constamment avec eux, et partout ailleurs sur notre territoire, ils jouent un rôle vital dans la sécurité alimentaire de nos nations et peuvent être confrontés à une concurrence déloyale de la part de certains produits importés à bas coût, souvent subventionnés dans leur pays d'origine.
Cela crée des déséquilibres manifestes, qui mettent en danger la durabilité de nos exploitations familiales et la qualité de notre approvisionnement alimentaire.
Par ailleurs, la dépendance accrue à l'importation de denrées alimentaires essentielles expose nos nations à des risques en cas de perturbations majeures dans les chaînes d'approvisionnement mondiales. Depuis la fin des négociations en 2019, plusieurs gouvernements européens, dont le nôtre – il faut le saluer –, ont signalé leur opposition à l'accord avec le Mercosur ,
M. Arnaud Le Gall s'exclame
les conséquences sociales et environnementales de son actuel volet économique suscitant des inquiétudes. Tant que perdureront les inquiétudes liées à la déforestation de l'Amazonie, à la concurrence déloyale dans certains secteurs et aux possibles violations des droits de l'homme, nous devrons rester vigilants. Il est de notre responsabilité de législateurs de veiller à ce que tout accord commercial respecte rigoureusement nos normes et n'entraîne pas de régression en la matière. Ainsi, il importe de favoriser les clauses miroirs.
En garantissant que les avantages du commerce international sont partagés de manière équitable, elles contribuent à protéger les droits des travailleurs et de l'environnement dans les pays partenaires, et favorisent le développement durable et les bonnes pratiques en matière agricole, industrielle et commerciale.
S'il nous appartient d'encourager une nouvelle approche du commerce international qui prenne en considération de nouveaux standards en matière sociale et environnementale ,
Mme Nathalie Oziol s'exclame
nous restons convaincus que le libre-échange demeure un outil puissant pour bâtir un avenir meilleur et nous engager collectivement sur la voie du progrès économique, de l'innovation et de la compréhension mutuelle. Quelles sont les intentions du Gouvernement pour répondre à ce double défi ?
Sourires.
Avec quarante-deux accords de libre-échange encadrant ses relations commerciales avec soixante-quatorze États tiers, l'Union européenne détient le record mondial du plus grand nombre d'accords conclus. Nous pouvons le dire : la liberté des échanges élevée au rang de dogme est comme inscrite dans le génome des institutions européennes depuis leur origine.
Certes, si nous nous tenons à la théorie libérale, il n'y a que des bénéfices à attendre d'un accord de libre-échange avec une autre zone : davantage de marchés d'exportation et des effets bénéfiques pour le pouvoir d'achat des Européens. Dans cette vision, qui est celle de la Commission européenne, l'Union européenne et la France auraient tout intérêt à élargir au maximum le périmètre du libre-échange des biens et services, les bénéfices économiques d'une telle politique ne pouvant qu'excéder ses inconvénients. Mais cette approche ne rend pas compte de la complexité des interactions commerciales internationales, et la réalité est bien différente : les accords conclus sont construits pour favoriser l'exportation de produits manufacturés européens, mais la France, frappée par une désindustrialisation de grande ampleur, en profite peu, comme en témoigne notre balance commerciale, qui ne cesse de se dégrader. En effet, ce n'est pas par la magie d'un accord de libre-échange que nous ferons renaître de ses cendres notre puissance industrielle.
Grâce à la suppression des droits de douane qu'ils impliquent, ces accords sont aussi censés avantager le consommateur européen. Mais là encore, la réalité est beaucoup moins définitive : le récent rapport de la commission des affaires européennes présenté par nos collègues Thomas Ménagé et Lysiane Métayer révèle que selon le Bureau européen des unions de consommateurs (Beuc), aucune corrélation n'a été démontrée entre l'existence d'un accord de libre-échange et une baisse des prix.
Venons-en maintenant au point le plus problématique de ces accords : l'agriculture européenne, et notamment française, y est presque toujours sacrifiée comme monnaie d'échange pour obtenir des conditions favorables à l'industrie ou au marché des services. À chaque nouvel accord, nos agriculteurs, éleveurs et pêcheurs – exception faite de certaines filières très largement exportatrices, comme celle des vins et spiritueux – sont presque systématiquement les grands perdants. En 2021, lors des discussions avec le Royaume-Uni, nous avons ainsi consenti à abandonner 25 % des quotas de pêche européens dans les eaux britanniques – une concession qui monnayait d'autres avantages, mais qui a été douloureusement encaissée par nos pêcheurs. De même, la conclusion du Ceta a mis les produits de nos agriculteurs en concurrence directe avec ceux du Canada, où les normes sont bien plus permissives – l'utilisation du glyphosate pour accélérer le mûrissement du blé y est autorisée, alors que cette pratique est totalement interdite en Europe, et en particulier en France.
Cette problématique se retrouve encore dans l'accord dernièrement ratifié entre l'Union européenne et la Nouvelle-Zélande : dépourvu de clauses miroirs, il favorisera l'importation de denrées néo-zélandaises, produites selon des normes environnementales différentes des nôtres et qui doivent voyager plus de 20 000 kilomètres pour arriver dans nos ports. Quelle cohérence avec nos engagements climatiques et avec le farm to fork, cette stratégie européenne « de la ferme à la table » qui vise une baisse de 50 % de l'usage des produits phytosanitaires en Europe ? Et alors que le cheptel ovin français a été réduit de 25 % depuis 2007 et que la part de viande d'agneau consommée provient aujourd'hui pour plus de moitié des importations, comment pouvons-nous imposer à nos éleveurs la pression supplémentaire de cette concurrence déloyale ?
S'agissant des accords de libre-échange, la position que nous défendons est simple : les intérêts de la France et des Français d'abord ! À une position idéologique prétendant chercher à conclure des accords avec de nouveaux partenaires à n'importe quel prix, sans considération de leurs effets néfastes, nous voulons donc opposer une approche pragmatique, qui se donne pour objectif d'évaluer au préalable les conséquences d'un projet d'accord pour l'ensemble des filières françaises, et revendiquer l'exclusion de certains biens du périmètre de l'accord chaque fois que cela sera nécessaire aux intérêts de la France – en particulier en matière agricole. C'est dans ces conditions que nous pourrons jeter les bases d'une politique commerciale équitable pour notre pays, bénéfique à tous les Français, et qui ne dégrade pas davantage notre souveraineté alimentaire.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
La parole est à Mme la ministre déléguée auprès du Premier ministre, chargée des relations avec le Parlement.
Permettez-moi tout d'abord d'excuser le ministre de l'Europe et des affaires étrangères, Stéphane Séjourné, qui ne pouvait être présent ce soir.
Je veux commencer par remercier le groupe LFI – NUPES d'avoir choisi d'inscrire à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale ce débat qui nous permet d'évoquer ensemble la position et la vision de la France en matière d'accords commerciaux. Je crois d'ailleurs me rappeler, madame Oziol, que vous aviez déposé à l'occasion de la niche réservée à votre groupe une proposition de résolution visant à s'opposer à la ratification de l'accord de libre-échange et d'association entre l'Union européenne et la Nouvelle-Zélande, et à soumettre sa ratification au Parlement français, qui n'avait pu être débattue.
Parmi les défis que la France et l'Union européenne devront relever dans les années à venir, la résilience de nos économies, notre souveraineté, la transition environnementale et le soutien à une croissance durable et équilibrée sont absolument centraux. Dans un monde de plus en plus fragmenté, où les comportements non coopératifs se multiplient, c'est au service de ces objectifs que nous mettons notre politique commerciale. Face à ces défis, je souhaite aborder avec vous trois grands sujets, à commencer par l'évolution de la politique commerciale européenne et la vision de la France.
Depuis 2017, nous travaillons à rendre la politique commerciale européenne à la fois plus durable et plus assertive. Sous l'impulsion du Président de la République, nous avons ainsi œuvré à renforcer la protection du climat, de l'environnement et des droits des travailleurs. Nous avons progressivement été rejoints par nos partenaires européens : en 2021, la Commission européenne s'est engagée à poursuivre une politique commerciale équilibrée fondée sur trois piliers – ouverture, durabilité et assertivité – ; en juin 2022, sous la présidence française du Conseil de l'Union européenne, elle a encore précisé ces objectifs, en présentant une nouvelle approche en matière de commerce et de développement durable.
En 2023, trois axes ont guidé le travail sur les piliers de l'agenda européen de la politique commerciale.
Premièrement, l'effort de diversification de nos approvisionnements et de sécurisation des débouchés pour nos entreprises s'est concrétisé avec la signature de l'accord de libre-échange entre l'Union européenne et la Nouvelle-Zélande, de l'accord de libre-échange entre l'Union européenne et le Chili et de l'accord de partenariat économique avec le Kenya. Le Président de la République l'a dit, et je veux le souligner à nouveau : seuls nos intérêts stratégiques doivent guider cet agenda d'ouverture.
Deuxièmement, conformément aux priorités françaises, le volet « durabilité » de l'agenda a été renforcé. Ainsi, les accords que je viens de citer sont tous trois ambitieux en matière environnementale – l'accord conclu avec la Nouvelle-Zélande est même le plus ambitieux jamais conclu par l'UE en matière de développement durable, puisqu'il est le premier à refléter la nouvelle approche et les engagements européens en la matière : outre qu'il fait de l'accord de Paris un élément essentiel d'un accord de commerce, il prévoit en effet des sanctions commerciales en cas de violation persistante des principaux engagements qui y sont pris.
Mme Nathalie Oziol s'exclame.
Par ailleurs, l'UE et le Chili se sont engagés à réviser le chapitre relatif au commerce et au développement durable de leur accord dès son entrée en vigueur, afin d'atteindre le même niveau d'ambition que l'accord avec la Nouvelle-Zélande.
Quant à l'accord avec le Kenya, il constitue le premier accord de partenariat économique élevant l'accord de Paris au rang d'élément essentiel. Partant, il crée un précédent important dans la perspective des négociations en cours et futures avec d'autres pays de développement similaire. Comme vous pouvez le constater à travers ces exemples, la nouvelle approche européenne en matière de développement durable est progressivement déclinée dans les nouveaux accords et dans les négociations en cours.
La législation européenne permet aussi de lutter contre les fuites environnementales, c'est-à-dire le risque que le renforcement de la législation environnementale européenne conduise à des réallocations de production dans des pays moins disants en matière sociale ou environnementale. Je pense en particulier à l'entrée en vigueur en 2023 de deux règlements, l'un relatif au mécanisme d'ajustement carbone aux frontières (MACF), l'autre contre la déforestation et la dégradation des forêts, dit « zéro déforestation ». Ces avancées sont, pour une large part, le fruit de l'engagement de la France et de son dynamisme lors de sa présidence du Conseil de l'UE. C'est en effet sous cette présidence que le Gouvernement a fait reconnaître la possibilité, pour l'UE, d'appliquer aux produits importés de tout pays extérieur à l'Union certaines normes de production environnementales et sanitaires s'appliquant normalement à la seule production européenne, et ce dans le respect des règles de l'OMC. Ces mesures, que l'on appelle mesures miroirs, sont un outil essentiel de mise en cohérence de la politique commerciale avec nos objectifs environnementaux et sanitaires. Nous continuons donc de promouvoir l'adoption de telles mesures dans les législations européennes pertinentes au fur et à mesure de leur adoption ou de leur révision.
Enfin, et toujours sous l'impulsion de la France, la Commission européenne a intensifié son action pour lutter contre la concurrence déloyale et garantir une réciprocité effective, tout en s'assurant du respect des règles du commerce international. Alors que le système commercial international traverse une période de turbulences poussant nos partenaires commerciaux à multiplier les mesures protectionnistes, défendre nos entreprises et protéger nos intérêts stratégiques constituent des conditions essentielles de notre souveraineté. En 2022, grâce à l'action de la présidence française du Conseil de l'UE, deux nouveaux instruments permettant à l'Union de défendre ses entreprises contre les pratiques déloyales et abusives ont été adoptés : le règlement visant à promouvoir la réciprocité dans l'accès aux marchés publics internationaux et le règlement relatif aux subventions étrangères faussant le marché intérieur.
La stratégie d'assertivité de l'UE a été complétée par l'entrée en vigueur, le 27 décembre, du règlement visant à aider l'UE et ses États membres à se protéger contre la coercition économique exercée par des pays tiers, qui permettra à l'UE de réagir fermement face aux actes de pression économique délibérés à son encontre ou à l'encontre de ses États membres. Cette plus grande mobilisation se traduit aussi par un recours aux instruments de défense commerciale dès que cela est nécessaire et pertinent. Telle est la stratégie de la Commission, que la France soutient pleinement.
Je tiens à rappeler ici le bien-fondé de cette approche : nous ne devons pas craindre un agenda commercial ouvert, tant qu'il reste équilibré. La France est un grand pays d'export et a vocation à le rester, car le rayonnement de ses entreprises assure aussi celui de ses valeurs. Il est de notre responsabilité de permettre aux entreprises françaises de s'ouvrir à de nouveaux marchés, de sécuriser les marchés existants, mais aussi, de plus en plus, de diversifier nos approvisionnements : on ne peut pas à la fois déplorer le déficit commercial français et refuser de donner de nouvelles opportunités à nos exportateurs ! Avec plus de soixante-dix pays partenaires, l'Union européenne dispose d'ailleurs du réseau commercial le plus vaste au monde. Toutefois, une ouverture équilibrée implique la préservation de nos intérêts, tant de manière offensive que défensive : les concessions effectuées sur les filières sensibles, notamment, doivent rester les plus limitées possibles – tel est le message constant adressé par la France à la Commission et aux autres États membres. Nous sommes particulièrement vigilants sur l'issue de chaque négociation.
Le rapport de suivi des filières sensibles établi dans le cadre de l'application du Ceta a d'ailleurs démontré que contrairement aux craintes exprimées par certains, l'impact de l'accord était très faible en la matière, mais globalement très positif pour nos exportations, et en particulier nos exportations agricoles. Les accords de commerce consolident ainsi la place occupée par la France et l'Union européenne sur les marchés internationaux.
Dans un contexte de dégradation du cadre commercial multilatéral, la conclusion d'accords de commerce permet de sécuriser nos relations commerciales avec les pays tiers ; elle est donc nécessaire. En 2022, les échanges commerciaux sur le marché intérieur européen et au grand export représentaient 73 % du PIB français, soit bien plus qu'avec la États-Unis ou la Chine, où ils ne représentent respectivement que 27 % et 38 %.
Il faut également conserver à l'esprit que l'essentiel du déficit de la balance commerciale de la France ne provient pas des pays avec lesquels l'Union Européenne a un accord de commerce, ni de l'Union européenne elle-même, mais bien des pays avec lesquels l'UE n'a pas d'accord de commerce, au premier rang desquels la Chine et les États-Unis. Les résultats des derniers accords adoptés sont d'ailleurs positifs : ils permettent une forte croissance de nos exportations. Par exemple, les exportations françaises en direction du Canada ont augmenté de 37 % depuis l'entrée en application provisoire du Ceta en 2017, tandis que les exportations françaises de produits agricoles et agroalimentaires vers le Japon, avec lequel l'Union européenne a conclu un accord en 2018, ont augmenté de 18 % en 2022 par rapport à l'année précédente. Dernier exemple : en 2022, notre excédent commercial structurel avec Singapour, pays avec lequel l'Union européenne a signé un accord en 2018, dépassait 6 milliards d'euros.
Pour autant, et malgré ces bons résultats, des axes d'amélioration sont possibles. Ainsi, les entreprises françaises n'utilisent pas pleinement les droits de douane préférentiels prévus par les accords : le taux moyen d'utilisation des préférences tarifaires par les entreprises françaises à l'export s'établissait à 76 % en 2021, soit légèrement en-dessous de la moyenne européenne de 79 %.
En revanche, grâce à ces accords, les entreprises françaises ont économisé près de 3 milliards d'euros de droits de douane par an à l'export en 2021, comme l'a montré l'enquête du plan export publiée fin 2023. Nous prévoyons donc de renforcer dans les prochains mois nos actions d'accompagnement des entreprises françaises, pour les aider à mieux profiter des avantages des accords de commerce en vigueur.
Pour terminer, je voudrais évoquer avec vous les perspectives pour les accords à venir. Les accords de commerce nous permettent de diversifier nos débouchés ainsi que nos sources d'approvisionnement et de sécuriser de nouveaux marchés. C'est une des clés de notre souveraineté. Nous demandons ainsi l'inclusion dans les accords de dispositions spécifiques visant à sécuriser les approvisionnements européens en matières premières critiques, cruciales pour la transition énergétique. Les accords de commerce conclus avec la Nouvelle-Zélande et le Chili contiennent de tels chapitres. Des discussions sont également en cours avec le Mexique depuis plusieurs années. Des négociations avec l'Inde et la Thaïlande ont également lieu. Il s'agit aussi de la concrétisation directe de notre Europe géopolitique qui renforce ses partenariats stratégiques, par exemple dans le cadre de la stratégie indopacifique française et européenne.
Je profite de cette occasion pour vous rappeler que s'agissant de l'accord avec le Mercosur évoqué par le Sénat cet après-midi, notre position n'a pas changé. Le Président de la République a été très clair sur ce point : il n'est pas envisageable de conclure un accord qui ne soit pas à la hauteur en matière de développement durable. Nous avons signalé à de nombreuses reprises la nécessité d'obtenir des engagements additionnels contraignants et ambitieux sur le développement durable. Je sais la convergence de vues qui existe entre le Gouvernement et votre assemblée sur ce sujet, concrétisée par l'adoption de la résolution du 13 juin 2023. Je conclus en vous remerciant pour votre écoute et me tiens à présent à votre disposition pour répondre à vos questions et demandes d'éclaircissements.
MM. Lionel Vuibert et Frédéric Zgainski applaudissent.
Nous en venons aux questions. Je vous rappelle que la durée des questions, ainsi que celle des réponses, est limitée à deux minutes, sans droit de réplique.
La parole est à M. Matthias Tavel.
L'Union européenne était déjà l'idiote utile du commerce mondial. Elle vient une nouvelle fois d'aggraver son cas en ratifiant un nouvel accord de libre-échange avec la Nouvelle-Zélande. 38 000 tonnes supplémentaires de viande de mouton, soit presque la moitié de la production française actuelle, 10 000 tonnes de viande de bœuf : tant pis pour l'élevage paysan français, déjà fragilisé ! Au passage, ces animaux auront été nourris avec des céréales traitées à l'atrazine, un herbicide toxique interdit dans toute l'Union européenne : tant pis pour la santé, puisque vous n'avez pas pensé à une clause de sauvegarde sanitaire ! Le lait, le beurre, le fromage, plus de 60 000 tonnes qui vont se déverser en Europe, alors même que nos producteurs sont déjà écrasés par les mauvaises pratiques de Lactalis : tant pis pour nos éleveurs et nos agriculteurs ! Quant à l'importation des pommes, des kiwis, des oignons et autres miel et vin, ils pourront arriver sans quota : 20 000 kilomètres en containers pendant quarante-deux jours pour manger une pomme, je ne suis pas sûr que c'était à cela que pensait Jacques Chirac en 1995, mais vous avez réussi à le faire !
Même l'étude d'impact de la Commission européenne doit reconnaître que cet accord provoquera « une augmentation des émissions de gaz à effet de serre » : tant pis pour le climat !
Et pourtant, M. Macron avait dit qu'il ne fallait pas d'accords commerciaux qui ne respectent pas l'accord de Paris. Alors êtes-vous les Richard Virenque du libre-échange ? Vous signez des accords climaticides, mais c'est à l'insu de votre plein gré.
Mme Nathalie Oziol applaudit.
Enfin, un peu de sérieux ! Vous avez validé l'accord avec l'Union européenne, le président Macron a donné son accord, le nouveau ministre Stéphane Séjourné a voté pour cet accord : vous avez donc défendu et fait voter un accord climaticide. La seule question qu'on a envie de vous poser est celle-ci : qu'attendez-vous pour vous excuser de cela et instaurer enfin le protectionnisme dont nous avons besoin ?
Applaudissements sur quelques bancs des groupes LFI – NUPES et Écolo – NUPES.
J'ai entendu ces arguments à peu près mille fois lorsque nous avons débattu de la ratification du Ceta dans cet hémicycle sous la précédente législature. L'instrumentalisation des peurs, le fait de faire croire à nos éleveurs et à nos agriculteurs qu'ils allaient être envahis de produits dans une logique de concurrence déloyale : ces arguments sont réchauffés et surchauffés.
Pour ma part, je constate que nous avons signé des accords avec des partenaires qui partagent les mêmes convictions que nous. Des entreprises françaises ont trouvé des débouchés d'exportation supplémentaires. Aujourd'hui, vous m'interrogez sur l'accord avec la Nouvelle-Zélande, qui partage nos convictions en matière de développement économique – c'est plutôt une force –, mais aussi en matière de protection de l'environnement. La preuve en est : nous avons inscrit l'accord de Paris comme un élément fondamental de cet accord commercial. Par ailleurs, monsieur Tavel, si nous ne sommes pas capables de nous mettre d'accord avec des pays partenaires qui partagent notre vision, avec quels pays signerons-nous des accords commerciaux ?
Pensez-vous réellement que nous pourrons exporter, défendre nos normes et nos valeurs, faire rayonner nos entreprises à l'international en refusant tout accord de libre-échange ? Je ne le crois pas.
Vous avez ensuite évoqué la question des pesticides. Tous les accords que nous signons avec nos partenaires comportent des dispositions extrêmement contraignantes. S'agissant des seuils en matière de pesticides, ils sont soumis à la même réglementation que sur le marché européen, à savoir la limite maximale des résidus, qui doit être évaluée et contrôlée avant l'exportation de ces produits.
La politique commerciale de Union européenne est menée par des droïdes programmés pour une seule chose, le libre-échange contre vents et marées. À en croire ces gens, il n'y aurait pas de commerce sans libre-échange. C'est totalement faux : il y avait un commerce avant, il y aura un commerce après ! Nouvelle-Zélande, Chili cette année ; on nous annonce à l'avenir le Kenya, le Mexique, l'Australie ou encore le Mercosur. Parlons justement de cet accord UE-Mercosur aux dimensions gigantesques.
On nous dit que les négociations continuent intensément, toujours dans l'opacité. Il y a lieu de s'en inquiéter. L'accord, s'il était conclu, avec ou sans clauses miroirs, aurait des conséquences calamiteuses. En Amérique latine, l'expansion des cultures d'exportation au détriment des cultures vivrières est une catastrophe sociale et écologique et bride le développement d'une industrie endogène. Chez nous, l'afflux de produits alimentaires à bas coût viendra concurrencer nos productions, sans satisfaire aux normes sanitaires et sociales européennes, et affaiblira encore un peu plus notre souveraineté alimentaire déjà perdue, contrairement à ce que dit souvent le Gouvernement.
Les garanties promises dans ces accords de prétendue nouvelle génération, comme les clauses miroirs, sont des garanties de papier. Par exemple, certains produits interdits en Europe pour accélérer la croissance du bétail ne sont pas détectables a posteriori. De toute façon, les services de douane ayant été dépecés par des décennies de néolibéralisme, les contrôles seront – tout le monde le sait – résiduels. En définitive, quelques multinationales auraient à gagner à cet accord UE-Mercosur et la grande majorité des producteurs et consommateurs auraient à y perdre. Quatre cents associations et syndicats, de part et d'autre de l'Atlantique, s'opposent à cet accord.
Ma question est simple. En pleine campagne présidentielle, Emmanuel Macron avait affirmé qu'il refuserait de signer l'accord UE-Mercosur.
Entre-temps, le ministre chargé du commerce extérieur a affirmé en substance que nous n'avions jamais été opposés à la signature de l'accord et qu'il fallait évidemment conclure. Alors, madame la ministre déléguée, quelle est réellement la position de l'exécutif français ? Si l'accord devait être conclu au niveau européen, le Gouvernement s'engage-t-il à le soumettre à l'approbation du Parlement ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES et sur quelques bancs des groupes SOC et Écolo – NUPES.
J'ai rappelé la position de la France au cours de mon intervention. Encore une fois, il ne faut pas faire preuve de naïveté en ce qui concerne les accords de libre-échange. Négocier ces accords, c'est aussi garantir que les valeurs et que les normes environnementales que nous souhaitons promouvoir au niveau européen s'appliquent à d'autres pays. Qui ira signer ces accords avec la Nouvelle-Zélande, le Chili et le Mexique si nous ne proposons pas d'ouvrir nos frontières ? De quels débouchés disposeront nos producteurs et nos entreprises si nous refusons totalement les négociations commerciales avec l'étranger ?
Nous avons besoin de ces accords pour imposer nos normes, nos valeurs, ce en quoi nous croyons à l'échelle internationale. Chaque fois que nous imposons des clauses miroirs, nous améliorons l'agriculture de nos partenaires – par exemple, le Canada doit se soumettre aux normes européennes pour l'exportation du bœuf ou du saumon. Ces accords sont donc une bonne nouvelle pour faire progresser ce qui est important.
Certes, nous pouvons encore renforcer les dispositions de ces accords en matière environnementale et sociale, et l'Europe doit être ambitieuse sur ce point, mais faire croire que nous pouvons vivre en vase clos est, je crois, une erreur fondamentale.
Vous m'avez interrogée plus spécifiquement sur l'accord avec le Mercosur. En août 2019, à l'occasion du sommet du G7 à Biarritz, le Président de la République a en effet indiqué que la France ne souhaitait pas soutenir cet accord, compte tenu des orientations des politiques publiques des pays membres du Mercosur. Pour pouvoir avancer sur cet accord, il a été demandé d'ériger le respect de l'accord de Paris sur le climat en tant qu'élément essentiel de l'accord, d'aligner le chapitre du développement durable de l'accord UE-Mercosur sur les objectifs de l'accord de Paris, et enfin de voir des avancées concrètes sur l'instauration des nouvelles mesures miroirs européennes. Vous savez également que la France s'est exprimée contre le démixage de cet accord. L'accord restera mixte.
Les négociations officielles ont repris entre l'Union européenne et les pays du Mercosur, avec l'objectif de finaliser cet accord de libéralisation du commerce si controversé au vu des enjeux de souveraineté alimentaire, de revenu paysan ou encore de dérèglement climatique. Le sommet qui s'est tenu à Rio de Janeiro le 7 décembre 2023 n'a pas été conclusif, et l'accord UE-Mercosur a été une nouvelle fois repoussé sur fond de tensions. Pourquoi continuer dans cette voie alors que l'importation de produits sud-américains en Europe aura un impact négatif pour les agriculteurs français et les produits européens, plus particulièrement pour notre élevage ?
La baisse du cheptel bovin s'accélère en France, alors que les importations augmentent. Cette situation menace l'existence même de notre modèle herbager à la française. Comment peut-on cautionner des prix agricoles tirés toujours plus vers le bas, une concurrence déloyale pour nos producteurs français, avec une suppression totale des droits de douane sur de nombreux produits agricoles et des contingents importants sur la viande bovine ? Comment peut-on être favorable à l'augmentation des échanges commerciaux avec l'autre bout du monde ?
L'étude d'impact de la Commission européenne signale même que ces accords commerciaux entraîneraient une augmentation des émissions de gaz à effet de serre. Finalisés, ils aboliraient tout espoir de relocalisation de notre agriculture pour faire vivre nos territoires et rémunérer le travail paysan. Madame la ministre déléguée, l'alimentation et l'agriculture ne peuvent constituer la variable d'ajustement d'un système néolibéral catastrophique pour nos agriculteurs. Il est temps d'en prendre conscience.
Avant de répondre plus précisément à votre question portant sur l'accord avec le Mercosur, je veux dire que le Gouvernement a eu parfaitement conscience des enjeux pour nos agriculteurs dans la négociation des accords précédents – je pense ici au Canada ou à la Nouvelle-Zélande. Cette préoccupation s'est traduite par des exigences de qualité : dans l'accord avec le Canada, l'interdiction d'importer du bœuf élevé aux hormones de croissance ; pour l'agneau de Nouvelle-Zélande, l'obligation d'importer de l'agneau élevé à l'herbe. Par ailleurs, une protection est apportée à nos indications géographiques protégées (IGP), qui représentent le savoir-faire de nos terroirs et incarnent la défense de notre identité française et européenne. Ces accords servent donc aussi à renforcer ces IGP, en les exportant en quelque sorte.
L'Union européenne, en particulier la France, a mené sur ce point une vraie bataille, car ces indications n'existent pas ailleurs dans le monde et il fallait les faire reconnaître comme un critère d'identité.
En ce qui concerne les risques que fait peser le Mercosur sur notre agriculture,…
…la position de la France, rappelée par le Président de la République, est la suivante : tant que nous n'aurons pas obtenu de meilleures garanties environnementales, il n'y aura ni autres avancées ni autres discussions sur cet accord. Nous voulons obtenir ces garanties avant d'évoquer les autres aspects. Si celles-ci étaient effectivement apportées, les négociations se poursuivraient. À ce jour, ce n'est pas le cas.
Évoquer les accords de libre-échange, c'est faire référence au développement économique entre partenaires commerciaux et aux échanges de biens et de services – l'histoire nous enseigne qu'ils sont un levier d'apaisement des conflits et de construction de la paix. Mais c'est dorénavant aussi faire référence à des logiques de coopération qui, au-delà de leurs fondements commerciaux, doivent accompagner nos enjeux contemporains, ceux de la préservation du climat, de l'eau, de la biodiversité et du partage équitable de la valeur. Malheureusement, cette dimension n'apparaît pas comme une évidence dans le cas des produits agricoles non transformés.
En France, les agriculteurs expriment leurs inquiétudes et leurs interrogations face à un avenir incertain, mis à mal par les aléas climatiques, par leurs difficultés à être rémunérés de façon juste, par la défiance d'une partie de la société et par la remise en cause de leur vocation à nourrir le pays. Ces inquiétudes trouvent en partie leurs origines dans la nature même de ces accords et dans leurs incohérences : incohérences vis-à-vis des obligations environnementales qui s'imposent à eux, incohérences compte tenu de notre ambition nationale de souveraineté alimentaire.
Comment comprendre les obligations climatiques qui pèsent sur nos éleveurs laitiers quand on envisage d'importer du lait de Nouvelle-Zélande ? Quelles études évaluent sérieusement l'impact climatique de telles importations et les distorsions de concurrence malgré les quotas ? Comment comprendre les prix bas imposés aux producteurs français de volailles, quand on importe les mêmes produits d'Amérique du Sud ? Quelle est la cohérence avec les lois Egalim, qui peinent encore à produire leurs effets ? Comment comprendre que nous cherchions toujours à importer davantage de fruits, de lait ou de viande, alors que les récentes crises – sanitaires comme internationales – ont mis en évidence la nécessité de réduire nos approvisionnements extérieurs ? Comment les importations de denrées qui sont aussi produites en France peuvent-elles éviter d'altérer davantage la rémunération de nos agriculteurs ? Comment peuvent-elles préserver nos filières agricoles au bénéfice de notre souveraineté alimentaire ? En quoi et comment les clauses de sauvegarde peuvent-elles apporter des solutions efficaces ? Comment les évaluer et comment évaluer leur efficacité ?
Je vous remercie de votre question sur les enjeux agricoles. Encore une fois, ne nions pas l'implication de la France dans la défense de l'agriculture lors des négociations commerciales. C'est un sujet qui recouvre, vous l'avez rappelé, des enjeux essentiels en matière de souveraineté alimentaire et d'identité de notre pays. Lorsque nous négocions ces accords, nous sommes donc très exigeants quant au respect des normes environnementales imposées aux producteurs français, dont nous avons fait un axe de travail prioritaire : dans le cadre de la nouvelle approche européenne, il s'agit d'exporter, en quelque sorte, nos engagements en matière de développement durable dans des pays que nous estimons capables d'être des pays partenaires, ou qui le sont parce qu'ils défendent la même vision que nous en matière de lutte contre le changement climatique. Ces avancées sont majeures.
C'est pourquoi l'Union européenne continue de défendre le principe des mesures miroirs, qui permet d'appliquer certains standards environnementaux et sanitaires à l'ensemble des produits importés de pays tiers. Cela permet de prendre en considération les contraintes imposées en Europe pour garantir une agriculture et une alimentation de qualité, protéger la santé publique ou encore l'environnement. Soulignons par exemple les résultats obtenus en 2023, avec l'interdiction d'importation de biens agricoles contenant des traces de néonicotinoïdes néfastes aux pollinisateurs.
Lorsque nous n'imposons pas de mesures miroirs, nous pouvons prévoir une conditionnalité tarifaire. Plutôt qu'une explication technique, permettez-moi d'illustrer mon propos par un exemple concret : l'accès préférentiel au marché européen pour la viande bovine néo-zélandaise est subordonné au fait que les animaux soient nourris à l'herbe.
Le commerce international est facteur de paix et de coopération, c'est indéniable. Toutefois, nous l'avons constaté de façon criante pendant la période du covid, une trop grande naïveté a fragilisé nos économies occidentales. Nous avons heureusement réussi à poser la question de la relocalisation des productions stratégiques, qui avaient trop souvent été délocalisées, entraînant d'autres questions sur le dumping social et environnemental.
Nous le répétons régulièrement : lorsque la Commission européenne, encore trop marquée de béatitude libre-échangiste, souhaite nouer de nouveaux accords de libre-échange, elle doit mener en la matière une politique pragmatique. Citons l'exemple de l'Inde, qui défend jalousement son marché intérieur avec la politique du make in India. Citons également les États-Unis, qui ont engagé l'Inflation Reduction Act (IRA), le plus gros investissement jamais décidé dans la lutte contre le changement climatique, qui prévoit 370 milliards de dollars pour la construction d'éoliennes, de panneaux solaires et de véhicules électriques. Le plan prévoit notamment un crédit d'impôt réservé à l'acquisition d'un véhicule électrique sorti d'une usine nord-américaine et doté d'une batterie fabriquée localement, excluant par conséquent les automobiles produites dans l'Union européenne. Ces raisons expliquent les récentes réserves des députés du groupe Socialistes et apparentés vis-à-vis des accords commerciaux tous azimuts que sont le Mercosur, l'accord avec la Nouvelle-Zélande ou bien d'autres encore.
Ma question sera donc simple : le réarmement récemment mis en avant par le Président de la République passe-t-il aussi par une volonté de protéger et de développer le made in France ?
Je vous remercie de cette question : la période du covid a en effet démontré l'importance de la maîtrise des chaînes de valeur. Il y a un enjeu de réarmement de la France, et plus globalement de l'Union européenne, qui passe par la reprise en main des filières d'approvisionnement et de production ainsi que des chaînes de valeur sur notre sol.
Nous avons agi à l'échelle de notre pays, d'abord grâce à France relance, puis à France 2030, pour donner à notre industrie les moyens d'investir et d'être compétitive. Toute la politique d'attractivité engagée par la France depuis sept ans vise d'ailleurs à favoriser un tissu industriel dynamique sur notre sol. Pour la quatrième année consécutive, la France est le premier pays européen en matière d'investissements étrangers. Des choix très clairs sont faits par le Gouvernement : je pense par exemple à l'installation de gigafactories dans le nord de la France, afin de garantir la maîtrise de la production de batteries électriques.
À l'échelle européenne, distinguons deux volets. D'abord, une politique industrielle incarnée par un ensemble cohérent de mesures, autour de deux grands piliers : le Net-Zero Industry Act, qui permettra de soutenir le développement des technologies propres dans l'Union européenne – vous avez évoqué l'IRA américain : on voit bien qu'une véritable bataille est engagée pour la maîtrise des technologies de demain, qui seront celles qui resteront respectueuses de l'environnement ; et le Critical Raw Materials Act, que j'ai évoqué dans mon intervention, qui contribue à la sécurisation d'approvisionnement des filières et est devenu un élément indispensable de notre stratégie commerciale. Peut-être en découvrirons-nous sur notre sol, mais il est indispensable de sécuriser l'approvisionnement en matières critiques.
Tel est le sens des accords avec la Nouvelle-Zélande et le Chili.
Deuxième volet, une politique commerciale prévoyant des mesures de défense…
Je suis désolée, mais si nous voulons terminer dans les temps, il faut respecter la durée des deux minutes.
La parole est à Mme Anne Le Hénanff.
L'accord de protection des investissements entre l'Union européenne et le Vietnam, dit Evipa, approuvé par le Parlement européen en février 2020 et ratifié par l'Assemblée nationale vietnamienne en juin 2020, vient compléter l'accord de libre-échange entre nos deux territoires. Il s'agit d'un accord très important pour le développement des relations commerciales entre les différents pays de l'Union européenne et le Vietnam, qui remplace les vingt accords bilatéraux d'investissement existants et porte sur deux aspects : la libéralisation des investissements autres que directs et l'établissement d'une procédure relative au règlement des différends entre les investisseurs et les États.
Cet accord réforme et renforce la protection des investissements des deux parties, en assurant un haut niveau de protection, afin de faire du Vietnam une véritable terre de confiance pour l'investissement européen. Avec un taux de croissance supérieur à 6 % depuis plusieurs années, une classe moyenne en pleine expansion, et surtout compte tenu des liens d'amitié qui nous lient de longue date, le Vietnam est perçu comme un partenaire très prometteur pour notre pays, nos entreprises et nos investisseurs.
Afin d'entrer en vigueur, cet accord doit toutefois être ratifié par les États membres, dont la France. À ce jour, seules la Hongrie, la Lituanie, la Roumanie et la Suède ont ratifié l'Evipa. Présidente du groupe d'amitié France-Vietnam, je sais que cette ratification est très importante pour le Vietnam. Les délais actuels étant source d'inquiétude, je souhaiterais connaître la position du Gouvernement : pouvons-nous espérer une ratification prochaine de cet accord ?
Je vais m'efforcer d'être concise, madame la présidente. Je vous remercie de votre question, madame Le Hénanff. L'accord que vous évoquez est entré en vigueur en 2020. Il profite à nos entreprises, puisqu'il a permis de supprimer 99 % de l'ensemble des droits de douane ; il réduit également les obstacles réglementaires et les formalités administratives. Nous constatons que 65 % des droits de douane ont d'ores et déjà disparu et que les entreprises françaises, notamment celles qui exportent, utilisent le bénéfice des accords commerciaux à hauteur de 51 % – une marge de progression peut donc encore être exploitée sur cet accord qui, vous l'avez rappelé, est fondamental.
S'agissant plus précisément de la ratification du texte, je ne dispose pas encore d'une date. Je me rapprocherai du ministre de l'Europe et des affaires étrangères et nous reviendrons vers vous dès que celle-ci sera fixée.
Les émissions de gaz à effet de serre produites sur notre territoire sont en baisse. Mais dans le même temps, nos émissions importées sont en très forte hausse : selon le Haut Conseil pour le climat, elles ont augmenté de 78 % entre 1995 et 2018. À l'heure où le dérèglement climatique menace l'équilibre de la planète, il est de notre responsabilité de garantir que nos échanges commerciaux soient cohérents avec l'objectif de réduction de 80 % de notre empreinte carbone d'ici à 2050.
Or tels qu'ils sont négociés, les accords de libre-échange sont en contradiction flagrante avec les enjeux environnementaux. Je pense à la reprise des discussions autour de l'accord entre l'Union européenne et le Mercosur, qui, nous le savons, accélère les effets du changement climatique par la déforestation massive et l'exploitation intensive des terres qu'il implique. Je pense aussi à l'accord commercial avec la Nouvelle-Zélande, même s'il est assorti – pour la première fois – d'engagements environnementaux et sociaux contraignants, avec la possibilité de sanctions en dernier recours en cas de violation de l'accord de Paris – nous attendons toutefois de voir la réalité de celles-ci. Quoi qu'il en soit, l'accord est conclu avec un pays situé à l'autre bout du monde et l'étude d'impact de la Commission européenne est formelle : il entraînera une hausse massive des émissions de gaz à effet de serre du fait de l'augmentation de la production agricole et du transport de marchandises.
S'il est une bonne chose, le mécanisme d'ajustement carbone aux frontières de l'Union européenne reste silencieux sur les conséquences dues au transport. L'Organisation maritime internationale estime que les émissions liées aux échanges maritimes mondiaux, qui ont augmenté de 20 % en une décennie, augmenteront encore de 20 % d'ici à 2050. Quelles mesures concrètes proposez-vous pour garantir la neutralité carbone des accords commerciaux, madame la ministre déléguée, en prenant en compte le transport ?
Je vous remercie, monsieur Iordanoff, d'avoir reconnu les efforts qui ont été entrepris, notamment dans le cadre de l'accord entre l'Union européenne et la Nouvelle-Zélande, pour intégrer davantage la protection de l'environnement et en faire un élément fondamental à travers le respect de l'accord de Paris. Vous avez évoqué l'augmentation des émissions de gaz à effet de serre liée à cet accord avec la Nouvelle-Zélande, en particulier du fait des kilomètres que devront parcourir les produits transportés. Le transport par bateau étant assez faiblement émetteur en volume, vous le savez mieux que moi, cet impact devrait néanmoins être bien plus limité que si l'on devait opérer des liaisons commerciales longue distance par la route, même au sein de l'Union européenne.
En effet, l'intensité carbone du transport par bateau est de trois à vingt-cinq fois moindre que celle du transport par la route. Cela signifie que transporter des marchandises du port du Havre à Auckland en bateau n'émet pas plus de CO
Ces accords de libre-échange sont mauvais pour l'environnement et pour de nombreux secteurs économiques. Vous le savez ; c'est la raison pour laquelle vous vous prévalez d'instaurer les fameuses clauses miroirs, qui sont censées interdire les produits d'importation qui ne respectent pas les normes européennes. Or les négociations en cours avec les États du Mercosur ne mentionnent pas explicitement la mise en œuvre totale et complète de ces clauses. Et que dire du mécanisme d'ajustement carbone aux frontières, qui serait une taxe sur le produit polluant à l'entrée de l'Union européenne ! Nous n'avons aucune preuve que vous allez mettre ces mécanismes en œuvre. Si tel est le cas, allez-vous renégocier les précédents accords de libre-échange afin de les faire appliquer ?
Enfin, n'oubliez pas que tous ces accords de libre-échange ont pour point commun de supprimer les droits de douane, qui constituent la seule ressource propre de l'Union européenne. Or entre 1988 et 2018, la contribution des droits de douane au budget de l'Union européenne est passée de 28 % à 16 % seulement. Cet écart a été comblé par les contribuables des États. Ce sont donc les peuples qui paient la facture de ces accords de libre-échange. Cette année, les contribuables français vont payer 26,4 milliards d'euros à l'Union européenne. Certes, une importante partie de ces ressources est ensuite redistribuée à la France, mais des droits de douane à la juste hauteur lui permettraient d'économiser plusieurs milliards.
Je vous remercie pour votre question, monsieur Monnet. En ce qui concerne le volet technique des mesures miroirs, des progrès décisifs ont été réalisés, en particulier sous la présidence française de l'Union européenne. Cependant, ces mesures n'ont pas besoin d'être intégrées dans nos accords de commerce. Elles s'appliquent de fait à tous les flux commerciaux. C'est notamment le cas du mécanisme d'ajustement carbone aux frontières, ou encore du règlement sur la déforestation. En effet, il s'agit de règlements européens que chaque État membre est tenu d'appliquer. Sur votre second point, à savoir les droits de douane en tant que principale recette de l'Union européenne, nous avons plutôt une divergence de vues de nature politique : nous considérons – et les fruits de la politique que nous avons menée tendent à le confirmer – qu'abaisser un certain nombre de barrières, notamment fiscales, est source de croissance et donc de richesse. On peut le constater en France, où l'implantation de nouvelles entreprises, en particulier grâce à une fiscalité claire et orientée à la baisse en ce qui concerne les entreprises, a plutôt constitué une incitation à relocaliser, ce qui a permis de produire de la richesse et donc de pouvoir taxer et prélever davantage, mais en répartissant mieux la charge.
« Monsieur le député, nos productions sont sacrifiées sur l'autel du libre-échange ». Voilà les termes d'une discussion que j'ai eue récemment avec des agriculteurs de la Guadeloupe. Lorsque les ignames du Costa Rica arrivent au port de Jarry en Guadeloupe à un prix de 70 centimes le kilo, je vous laisse imaginer l'incidence sur nos producteurs locaux. Accablés par les taxes et des coûts de production et de main-d'œuvre bien supérieurs à ceux de leur environnement régional, nos agriculteurs souffrent. L'igname à environ 3 euros le kilo, c'est souvent le mieux qu'ils puissent faire pour espérer réaliser une marge alors même que celles du Costa Rica arrivent à 70 centimes et sont parfois revendues à moins d'1 euro le kilo sur les étals ou en bord de route.
Nous devons en partie cette hégémonie des produits agricoles de pays tiers sur nos marchés à l'accord-cadre de coopération signé en 1993 entre l'Union européenne et six États d'Amérique centrale, dont le Costa Rica. Cet accord instaure – en notre défaveur – une zone de libre-échange entre l'Union européenne et l'Amérique centrale. Pire, ces produits entrent sur notre territoire sans aucun contrôle phytosanitaire, alors même que la réglementation en vigueur dans ces États est moins rigoureuse que celle imposée à nos agriculteurs guadeloupéens, ce qui est problématique pour la sécurité sanitaire des consommateurs français. Madame la ministre déléguée, j'en appelle à des négociations commerciales plus précautionneuses vis-à-vis de nos territoires ultramarins. Ne servons pas les agriculteurs sur un plateau moyennant l'exportation de quelques produits pharmaceutiques ou fournitures médicales ou encore de matériel électrique français au Costa Rica.
Vous avez raison, monsieur Serva : dans le cadre de la protection des intérêts économiques des territoires ultramarins, il est nécessaire d'avoir un regard particulier pour ces derniers lors de la négociation d'accords commerciaux. En effet, ce sont des économies locales de plus petite taille et plus contraintes. C'est pourquoi cette question fait l'objet d'un pan important des travaux du comité interministériel des outre-mer. J'apporterai deux éléments en réponse à votre question. Tout d'abord, nous cherchons à nous assurer que les filières dites sensibles en outre-mer font l'objet des concessions les plus limitées possibles. C'est le cas sur le sucre, la banane, ou encore sur le rhum. Vous avez évoqué l'igname. Une attention particulière doit être portée aux flux commerciaux. S'il s'avère qu'une filière est déstabilisée par une augmentation forte et imprévue des importations de pays tiers, nous pouvons étudier avec la Commission européenne des mesures de surveillance, voire de sauvegarde afin de la protéger. Je ne dispose pas à cette heure d'éléments sur la nécessité de protéger la filière igname, mais je demanderai au ministre de l'Europe et des affaires étrangères de revenir vers vous au sujet de l'impact de l'accord commercial, notamment en ce qui concerne le Costa Rica, afin de voir si la filière igname a été déstabilisée.
Les traités internationaux sont essentiels pour assurer la paix, la pérennité et le développement de toutes les nations. Dans ce concert, l'Union européenne, et singulièrement la France, font figure de puissances d'équilibre. Les accords de libre-échange ne sont pas que des accords économiques. Ils servent aussi à assurer une harmonisation des normes, notamment sociales et sanitaires. Dans leur version contemporaine, ils prévoient également des exigences de plus en plus fortes en matière de qualité des marchandises et des produits. L'accord de libre-échange le plus débattu sur la scène internationale ces dernières années est celui entre l'UE et le Mercosur. Une fois de plus, la France, par la voix du Président de la République, a défendu une position mesurée, exigeant avant tout accord le respect par les pays sud-américains des règles concernant l'utilisation de produits phytosanitaires et des accords de Paris sur le climat de décembre 2015.
Comme le Président de la République l'a rappelé lors de la COP28 fin 2023 à Dubaï, la politique commerciale doit être mise au service de la politique climatique. Fidèles aux convictions européennes qui sont les nôtres, pour une Europe qui émancipe mais aussi qui protège, notamment nos producteurs et nos agriculteurs, nous devons maintenir ce niveau d'exigence dans les accords de libre-échange que nous signons et appliquons. Madame la ministre déléguée, la France maintiendra-t-elle sa position sur le Mercosur et sur les futurs accords en conditionnant systématiquement ces derniers au respect des ambitions environnementales et sanitaires qui sont les nôtres ?
Je vous remercie pour votre question. J'ai déjà apporté certains éléments de réponse : j'ai rappelé la position du Président de la République en 2019 à l'occasion du G7, indiqué que l'accord avec le Mercosur ne pouvait pas être signé en l'état eu égard aux politiques publiques engagées par les gouvernements à l'époque, et souligné que tout cela était soumis au respect de conditions environnementales. Comme vous l'avez peut-être vu, une proposition de résolution sur le Mercosur a été adoptée au Sénat cet après-midi. Cela nous permet de rappeler notre ambition en la matière. Les discussions qui ont lieu avec les différents pays sont des discussions exigeantes et ambitieuses en matière de protection de l'environnement. Voilà les deux grandes lignes : l'accord de Paris constitue un élément essentiel de l'accord entre l'UE et le Mercosur et ce dernier participe au verdissement de la politique commerciale de l'UE. Sans la réunion de ces deux conditions, un accord avec les pays membres du Mercosur n'est ni possible ni envisageable.
Plusieurs accords de libre-échange sont en négociation. Celui avec la Nouvelle-Zélande devrait entrer en vigueur début 2024. Les droits de douane sur toutes les exportations européennes vers ce pays seront supprimés, ce qui est une très bonne chose pour les produits industriels et pour la balance commerciale de la France. S'agissant des produits agricoles, les agriculteurs et les producteurs nous font part de leur inquiétude quant à l'arrivée de produits laitiers et de viande non soumis à une exigence de strict respect des normes européennes. Ils citent ainsi le recours à des herbicides, des pesticides et des antibiotiques interdits dans l'Union européenne mais toujours autorisés en Nouvelle-Zélande.
Comment pourra-t-on demander aux agriculteurs français de faire l'effort de s'appliquer de nouvelles normes pour protéger l'environnement et permettre la décarbonation de l'agriculture, pour améliorer la qualité de leurs produits et pour garantir le bien-être animal, si dans le même temps on laisse entrer des produits qui n'appliquent pas les mêmes règles ? Que peut faire la France pour que ces accords de libre-échange conduisant à l'importation de produits agricoles ne soient pas une menace pour l'économie de nos territoires ruraux, leur tissu social, le pastoralisme et le système herbager qui stocke le carbone ?
Que peut faire la France pour ne pas induire les consommateurs en erreur et pour mieux les informer sur la réalité de la production dans d'autres pays ? Exigera-t-elle la révision de la réglementation européenne en matière d'étiquetage afin que celui-ci soit clair et transparent sur l'origine nationale de l'ensemble des denrées alimentaires, y compris transformées ? Je sais que la France sait faire entendre sa voix. Nous comptons sur elle, madame la ministre déléguée, pour conclure une nouvelle génération d'accords qui prennent mieux en compte les aspects humains, sociaux et environnementaux.
Je vous remercie d'avoir rappelé notre exigence en matière environnementale et souligné que nous devons continuer à nous battre pour obtenir des accords européens ambitieux permettant d'exporter dans le monde les mesures grâce auxquelles nous améliorons notre production agricole. L'interrogation que vous avez soulevée au sujet de la concurrence déloyale que pourraient représenter pour nos agriculteurs et nos éleveurs les importations en provenance de ces pays était l'un des points forts de votre intervention. Comme je l'indiquais dans mon propos introductif, la politique de l'Union européenne en matière de durabilité et d'assertivité consiste justement à faire en sorte que les pays tiers qui veulent commercer avec les pays européens appliquent les mêmes normes que celles en vigueur dans l'Union.
Il ne serait pas compréhensible – certains d'entre nous ont eu cette discussion plus tôt dans la journée – que les efforts consentis par les producteurs européens, qui représentent parfois des investissements financiers importants et qui améliorent la durabilité de leur production et la qualité de l'alimentation de nos compatriotes, se traduisent par une hausse des importations en provenance de pays dont les juridictions sont moins-disantes sur le plan environnemental. Vous avez également exprimé votre souhait que les conditions environnementales soient davantage traduites dans les accords commerciaux. Un premier pas avait été franchi avec l'accord avec le Canada. L'accord avec la Nouvelle-Zélande est le premier accord à inscrire l'accord de Paris au cœur de sa stratégie. C'est pourquoi le Chili a accepté de revoir son accord. Ainsi, je crois que nous devons continuer à nous battre pour être ambitieux en matière de transition écologique dans les accords commerciaux.
Je tiens tout d'abord à exprimer mon soutien aux agriculteurs qui manifestent dans toute l'Europe et dans toute la France, en particulier ceux d'Occitanie présents à Toulouse. L'heure est grave : notre ruralité souffre. La Commission européenne prétend être le gouvernement de l'Europe, formée d'États soumis à un super-État. Nous ne l'accepterons jamais. Pour que l'Europe soit forte, nous estimons nécessaire qu'elle soit constituée d'États forts. Notre position n'exclut pas l'adhésion de notre pays à l'Union européenne, mais nous refusons celle qui est en place, celle des technocrates.
Notre agriculture est un élément essentiel de notre souveraineté alimentaire ; nous ne saurions la sacrifier au nom d'accords de libre-échange de nature ultralibérale voulus par l'Union européenne. Lors de la campagne présidentielle, Marine Le Pen a exprimé son souhait d'exclure l'agriculture du champ des accords de libre-échange, mesure plus efficace que des clauses miroirs inapplicables. Cette logique aurait permis de ne plus importer de produits ne répondant pas aux normes de qualité françaises. Nous orienter vers des accords sectoriels, limités à des produits agricoles, pourrait représenter une solution satisfaisante : nous n'adhérons pas aux larges accords imaginés par la Commission qui englobent tous les secteurs économiques, car ils sont conclus au détriment de notre agriculture.
Il nous paraît indispensable de rendre obligatoire la mention de l'origine des produits. Le but poursuivi par le Rassemblement national est de protéger notre agriculture, ce que ce gouvernement, à l'instar de ses prédécesseurs, ne fait pas. L'agriculture française souffre et nos courageux agriculteurs s'épuisent face à la technostructure.
Ma question est simple, madame la ministre déléguée : votre gouvernement va-t-il enfin défendre notre agriculture ? Aura-t-il, pour une fois, le courage de nous écouter et de demander à l'Union européenne d'exclure l'agriculture du champ des accords de libre-échange ?
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Je ne partage évidemment pas la vision que vous avez des conséquences des accords de libre-échange pour notre agriculture. Sachez que nous considérons celle-ci comme un enjeu décisif qui appelle toute notre vigilance lors de la négociation des accords commerciaux.
Je prendrai l'exemple du Ceta, sur lequel nous avons le plus de recul puisqu'il a été conclu il y a quelques années déjà. Pour l'agriculture, il a eu un impact plutôt positif puisque nous enregistrons des excédents pour certains produits, en particulier les produits sucrés, la viande bovine et la viande porcine.
C'est ainsi que pour la viande bovine, la balance commerciale entre l'Union européenne et le Canada a été nettement positive en 2021, avec 1 800 tonnes importées contre 21 000 tonnes exportées. Le contingent accordé au Canada est encore largement sous-exploité, puisque moins de 900 tonnes ont été importées par l'Union européenne. Le fait que seule une quarantaine de fermes canadiennes seraient en mesure de produire selon les normes européennes explique la faiblesse des flux importés. Pour ce qui est de la viande porcine, les importations en provenance du Canada sont marginales, tandis que les exportations vers ce pays ont connu une forte croissance depuis la mise en œuvre de l'accord. Vous le voyez, non seulement celui-ci protège nos agriculteurs, mais il leur offre des débouchés supplémentaires.
Je conclus avec les mentions portées sur les produits alimentaires. S'agissant de l'indication géographique protégée, nous avons gagné une véritable bataille. Par exemple, les vignerons canadiens ne peuvent en aucun cas donner à un vin pétillant qu'ils produiraient le nom de « champagne ».
S'agissant des accords de libre-échange, nous pouvons distinguer la position des différents gouvernements qui se sont succédé depuis quarante ans de celle des Français. La classe politique, abreuvée à l'idéologie du libre-échange, a imposé au peuple français, contre sa volonté, la conclusion d'accords avec des pays du monde entier mettant en concurrence notre agriculture et notre industrie avec des pays n'ayant pas les mêmes standards sociaux et économiques. Ces accords, c'est un fait, ont participé à la destruction de notre appareil productif. Non content des résultats catastrophiques de notre balance commerciale, ce gouvernement souhaite imposer par l'intermédiaire de l'Union européenne un accord avec le Mercosur pour porter le coup de grâce à nos agriculteurs.
Madame la ministre déléguée, mon intervention ne vous fera malheureusement pas changer de position, mais je tiens à souligner les deux paradoxes auxquels aboutit votre adhésion au dogme d'un libre-échange sans limites. Tout d'abord, votre gouvernement et votre famille politique, qui se réclament à tout bout de champ de la modernité, s'enferment dans la défense d'un libre-échange devenu anachronique et contraire aux objectifs qui doivent être les nôtres en matière de réindustrialisation. Partout dans le monde, en effet, les nations réintroduisent des barrières douanières pour protéger leur économie. Même les démocrates américains, avec l'Inflation Reduction Act de 2022, reviennent à une position plus protectionniste. Madame la ministre déléguée, comment votre gouvernement peut-il persister dans l'erreur alors que le reste du monde fait marche arrière ?
Par ailleurs, on peut légitimement se demander comment il continue à soutenir la conclusion d'accords commerciaux permettant l'importation de biens venant du bout du monde tout en se targuant de lutter contre les émissions de gaz à effet de serre. Je vous rappelle que près de 50 % de nos émissions proviennent de nos importations. Il est donc primordial que nous parvenions à relocaliser nos activités de production.
Si vous persistez dans votre obsession du libre-échange, non seulement vous démontrerez votre mépris pour les intérêts de nos industries et de nos agriculteurs, mais vous révélerez votre absence de réelle volonté de lutter contre les émissions de gaz à effet de serre.
Sauf erreur de ma part, vous ne m'avez pas posé de question spécifique et vous avez avant tout exposé votre vision politique de ces accords. Je fais partie des députés qui, comme l'immense majorité…
Veuillez m'excuser, cela ne fait que quelques jours que j'ai été nommée membre de ce gouvernement. Lorsque j'étais députée, je présidais le groupe d'études consacré à l'attractivité économique et à l'export et je fais partie de ceux qui croient au libre-échange.
Comme l'a rappelé Alain David, le commerce contribue à la paix dans le monde.
C'est historiquement faux ! En 1913, les échanges commerciaux entre la France et l'Allemagne étaient à leur plus haut niveau ! Il n'y a pas de corrélation !
Je ne crois pas que réintroduire des barrières, de nature tarifaire ou pas, apaise les relations entre les nations. La stratégie du Gouvernement repose sur une logique d'ouverture, mais une ouverture dépourvue de toute naïveté. C'est la raison pour laquelle, comme je le disais, nous encourageons une politique commerciale fondée sur l'assertivité. Cela suppose de mettre en place des mécanismes de réciprocité, en matière environnementale, pour protéger nos agriculteurs, mais aussi pour lutter contre le dumping, grâce à des mesures de protection sociale des travailleurs portées par les valeurs que nous défendons au niveau européen.
Un autre pilier de notre politique est la durabilité. Cela se manifeste sur notre sol par les décisions que nous prenons pour convertir progressivement notre économie et notre industrie à la transition écologique – peut-être avons-nous du retard, mais c'est une bataille que nous poursuivons. Cela se traduit au niveau mondial par le combat que nous menons pour faire adopter des normes environnementales par la majorité des pays.
Nous sommes de bords politiques différents, monsieur le député, et nous ne partageons pas la même vision. Il n'en demeure pas moins que les chiffres montrent clairement que ces accords de libre-échange ont des conséquences positives pour notre économie. Nous devons donc soutenir nos entreprises et les inciter à aller à la conquête de l'export, d'autant que nous les savons parfois un peu frileuses pour se lancer à l'international.
Prochaine séance, cet après-midi, à quatorze heures :
Questions au Gouvernement ;
Questions sur le thème : « L'état de la psychiatrie en France » ;
Débat sur le thème : « L'instrumentalisation politique des élections des parents d'élèves dans les conseils d'école ».
La séance est levée.
La séance est levée le mercredi 17 janvier 2023 à zéro heure huit.
Le directeur des comptes rendus
Serge Ezdra