La commission examine, en nouvelle lecture, le projet de loi, modifié par le Sénat, de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027 (n° 530) (M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général)
Mes chers collègues, nous examinons, en nouvelle lecture, le projet de loi de programmation des finances publiques (PLPFP) pour les années 2023 à 2027. Je vous rappelle que l'Assemblée nationale, suivant l'avis de la commission des finances, avait rejeté le texte en première lecture. Adopté avec des modifications par le Sénat, le projet de loi avait ensuite été soumis à une commission mixte paritaire (CMP), laquelle n'était pas parvenue à un accord. Le Gouvernement a finalement fait le choix de poursuivre la procédure législative, et nous sommes donc saisis, en nouvelle lecture, du texte dans sa rédaction adoptée par le Sénat.
En nouvelle lecture, la jurisprudence dite de l'entonnoir s'applique strictement : nous ne pouvons débattre que des amendements relatifs aux dispositions restant en discussion. Autrement dit, ils doivent porter sur les articles figurant dans le texte adopté par le Sénat, puisque l'Assemblée n'a adopté aucun texte. C'est la raison pour laquelle vingt et un amendements ont dû être déclarés irrecevables, non pas au titre de l'article 40 de la Constitution, mais en application de son article 45. Il s'agit en particulier des amendements portant article additionnel, mais aussi d'un certain nombre de « faux à l'article », qui ne se rattachent que de façon indirecte à un article et présentent donc un lien insuffisant pour pouvoir être examinés et débattus. Par ailleurs, deux amendements méconnaissaient le monopole de la loi de finances défini par la loi organique relative aux lois de finances (Lolf) et un amendement méconnaissait l'article 48 de la Constitution relatif à la fixation de l'ordre du jour des assemblées.
Nous sommes heureux d'accueillir, pour l'examen de ce texte, M. Bruno Le Maire, ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, ainsi que M. Thomas Cazenave, pour qui c'est la première occasion, depuis qu'il a été nommé ministre délégué chargé des comptes publics, de venir devant notre commission.
Je vous rappelle que le texte est inscrit à l'ordre du jour de la séance publique du mercredi 27 septembre à vingt et une heures trente.
Je donne la parole aux ministres pour un propos liminaire.
Le PLPFP est un texte fondamental pour la crédibilité budgétaire de la nation française. Cette crédibilité doit être assurée, tout d'abord, face aux marchés financiers, alors que nous sommes endettés de plus de 3 000 milliards d'euros, que nous devons financer un déficit de 139 milliards et que les taux d'intérêt atteignent 4 %. Notre crédibilité est également essentielle face aux autres États membres de la zone euro, qui ont déjà tous adopté une trajectoire pluriannuelle de leurs finances publiques. Enfin, notre crédibilité est fondamentale pour bénéficier du décaissement des deux aides européennes, de 10 et 8 milliards, que nous devrions recevoir, respectivement, avant la fin 2023 et en 2024 : sans loi de programmation des finances publiques (LPFP), nous ne recevrons aucun versement.
Pour conforter notre crédibilité, la loi fixe des objectifs clairs pour 2027 : le retour sous les 3 % de déficit public, précisément à 2,7 %, et l'accélération du désendettement, pour revenir à 108,1 % de dette publique. Cette loi repose sur des choix politiques simples et forts : plus de croissance, pour accélérer le désendettement, plus de réformes, pour réduire les dépenses, et plus de travail, pour offrir plus de prospérité à nos compatriotes. La croissance est là : 1 % en 2023 et 1,4 % prévu en 2024, soit un des niveaux les plus élevés de la zone euro. Elle doit nous permettre de réduire notre dette d'ici à 2027 et, à ce titre, doit constituer une priorité absolue.
Pour alimenter la croissance, nous avons d'abord besoin d'investissements, que nous opérons dans l'industrie, les nouvelles technologies, l'intelligence artificielle ou encore la transition écologique. Je rappelle que cette dernière ne peut pas être financée uniquement sur fonds publics : nous attendons que les investisseurs privés jouent le jeu grâce au fléchage de l'épargne privée, aux garanties sur les prêts verts et à la visibilité que nous leur offrons.
Il me paraît important que nous livrions le combat pour que le contenu européen soit reconnu dans les investissements industriels. Ces derniers, lorsqu'ils font l'objet de subventions ou d'aides dans le cadre des programmes d'intérêt collectif européen, doivent être fléchés en priorité absolue vers les produits industriels qui ont du contenu européen. On peut envisager que les taux de contenu s'élèvent progressivement, en fonction d'un certain calendrier, mais il est indispensable que nous changions de stratégie et de ligne idéologique : nous devons favoriser l'industrie à contenu européen si nous voulons que la décarbonation soit européenne. Je livrerai ce combat avec la plus totale détermination.
La croissance passe également par l'amélioration de notre productivité. L'un des drames européens, depuis plusieurs décennies, est la perte de productivité. Il faut faire de l'éducation, de la formation, de l'enseignement supérieur la priorité économique numéro un dans notre pays. C'est l'éducation qui donnera de la productivité, et c'est la productivité qui donnera la croissance et les salaires.
Le deuxième volet de mesures nous permettant de réduire la dette est constitué par les réformes de structure. Nous avons engagé deux réformes structurelles majeures, avec la majorité, qui permettent de financer très largement nos dépenses publiques, de réduire la dette et la dépense publique. La première, la réforme de l'assurance chômage, nous permettra de réaliser 12,5 milliards d'économies cumulées d'ici à 2027. Je redis, notamment à nos amis du groupe Les Républicains, que nous sommes prêts à améliorer ce système pour valoriser toujours plus le travail et à réfléchir aux moyens d'accroître l'efficacité de l'assurance chômage. Avec la majorité, nous avons déjà fait passer les délais d'indemnisation du chômage de vingt-quatre à dix-huit mois. Faut-il aller plus loin, si le chômage continue à baisser ? Nous restons, je le rappelle, dans la fourchette haute des niveaux d'indemnisation en Europe. La question est entre les mains des partenaires sociaux, mais il est évidemment légitime que les parlementaires se prononcent, et je suis prêt à ce que nous en débattions.
La deuxième réforme de structure est la réforme des retraites qui, je le rappelle, nous rapportera 12,5 milliards en 2027. On ne peut pas rétablir les finances publiques ni engager le désendettement si l'on n'a pas réglé la question des retraites, qui représentent 14 % de la dépense publique totale dans notre pays.
Au-delà de ces deux réformes, qui sont à mettre à l'actif du Président de la République et de la majorité, je suis ouvert à toutes les propositions de modifications de structure de nature à réduire nos dépenses de fonctionnement. Vous connaissez ma conviction : au-delà de la revue des dépenses que nous avons engagée, secteur par secteur, nous devons entamer une réflexion sur la réduction du périmètre d'action de l'État.
Nous devons aussi nous pencher sur les dépenses des collectivités. Je tiens à saluer l'engagement de ces dernières, qui participent désormais au Haut Conseil des finances publiques locales (HCFPL). Cette instance, que nous avons créée, constitue un marqueur fort de notre détermination à ce que l'État et les collectivités avancent ensemble, sur un pied d'égalité, pour maîtriser nos finances publiques. Nous avons répondu à une demande forte des collectivités en retirant les contrats de Cahors du champ de cette nouvelle LPFP. Par ailleurs, l'effort demandé aux collectivités sera, dans cette nouvelle version du texte, trois fois moins important que celui demandé à l'֧État – c'était notamment une demande de la majorité sénatoriale. La dépense primaire de l'État doit reculer en moyenne de 0,9 % par an en volume entre 2023 et 2027, contre une diminution de 0,3 % par an pour les collectivités. Dans la version précédente, la baisse prévue était de 0,5 % pour les collectivités et 0,4 % pour l'État. C'est un signe très concret de notre engagement à soutenir les collectivités locales.
Enfin, les réformes de structure s'accompagnent de revues des dépenses, qui nous ont permis, dès cette année, d'identifier 2 milliards d'économies, à terme, sur le dispositif Pinel, 1 milliard sur les opérateurs de l'État et 600 millions sur les coûts des contrats des apprentis. La commission des finances a par ailleurs participé à cette réflexion, puisque Véronique Louwagie et Robin Reda ont présenté un rapport consacré à la « rationalisation de notre administration comme source d'économies budgétaires ». Je salue ce travail et suis prêt à regarder comment nous pouvons reprendre, dans la LPFP, les propositions d'économies.
Nous avons aussi engagé, avec l'accord des professions concernées, la conversion de notre fiscalité du brun au vert. Cela ne peut se faire que selon une méthode rigoureuse, fondée sur la consultation, la progressivité et la réaffectation des recettes aux professions concernées. Nous dialoguons depuis plusieurs mois avec les agriculteurs et les entrepreneurs des travaux publics et du bâtiment pour nous assurer que les décisions prises par le Parlement sont soutenables économiquement. La progressivité signifie, notamment, que l'on ne saurait supprimer, d'un projet de loi de finances (PLF) sur l'autre, les avantages fiscaux sur le gazole non routier (GNR). Ce serait évidemment une mesure insupportable pour les professions concernées. Les agriculteurs verront la fiscalité du GNR augmenter de 2,85 centimes par litre de carburant en 2024, et cette progression demeurera constante jusqu'en 2030. Les entrepreneurs des travaux publics connaîtront pour leur part une hausse de 5,99 centimes. Je m'engage à ce que l'intégralité des recettes fiscales supplémentaires aille à l'accompagnement des agriculteurs et des entrepreneurs de travaux publics afin qu'ils puissent décarboner leurs activités et bénéficier d'une filière de biocarburant plus efficace du point de vue climatique et moins coûteuse sur le plan financier.
Ces revues de dépenses ont prouvé leur utilité. Nous les poursuivrons chaque année, en examinant une dizaine de secteurs.
Enfin, au-delà de la croissance et des réformes de structure, le désendettement passe par la valorisation du travail, qui est le cœur nucléaire de notre stratégie économique. Nous voulons augmenter le taux d'emploi. Si nous avions le même taux d'emploi que l'Allemagne – soit plus de 80 % pour les 25-64 ans –, nous ne connaîtrions pas de problème de déficit ni d'endettement. Le plein emploi est la meilleure des solutions au problème de la dette. La majorité peut être fière de présenter aux Français un taux d'emploi de 74 %, qui est le plus élevé depuis qu'il est mesuré, mais il faut continuer à avancer dans cette direction. Cela nécessite d'accroître encore l'attractivité du travail, et donc, en premier lieu, d'agir sur les salaires. La conférence salariale annoncée par le Président de la République sera un rendez-vous majeur de la fin de l'année. Elle devra notamment nous permettre de régler plusieurs difficultés, comme l'existence de salaires minimum inférieurs au Smic dans un certain nombre de branches, ce qui n'est ni juste, ni efficace, ni acceptable socialement.
Rendre le travail plus attractif, c'est poursuivre la baisse des impôts que nous avons engagée depuis plusieurs années, qui s'est traduite notamment par la suppression de la taxe d'habitation et de la redevance sur l'audiovisuel public, et par la baisse de 5 milliards de l'impôt sur le revenu à la sortie de la crise des gilets jaunes. Ce mouvement doit se poursuivre dans les années à venir. Nous engagerons une baisse de l'impôt sur les ménages de 2 milliards dans le projet de loi de finances pour 2025.
L'objectif de la valorisation du travail nous a conduits à créer une indemnité carburant travailleur (ICT). Cette majorité ne peut pas accepter, en effet, que des personnes soient empêchées de se rendre sur leur lieu de travail en raison du coût excessif du carburant. L'indemnité figurera dans le projet de loi de finances pour 2024 qui sera présenté mercredi en Conseil des ministres. Elle entrera en vigueur en janvier 2024. Comme en 2023, elle sera ciblée sur les cinq premiers déciles et devrait concerner près de 4,3 millions de personnes. Elle s'élèvera à 100 euros, ce qui équivaut à une aide de 20 centimes par litre pendant six mois pour un automobiliste moyen, qui roule environ 12 200 kilomètres par an. Elle représente un coût pour les finances publiques de 430 millions, qui constituent un investissement en faveur du travail.
Nous avons tous le sentiment, me semble-t-il, que le pays est la proie de grandes inquiétudes qui sont liées aux transformations économiques, climatiques et géopolitiques. Par ce texte, nous avons l'occasion d'apporter de la clarté face à ces inquiétudes, de montrer collectivement que nous parvenons à dépasser un certain nombre de clivages politiques et de nous mettre d'accord sur la réduction de la dette, la maîtrise des finances publiques, l'investissement dans les priorités d'avenir et la décarbonation de notre pays sans menacer nos finances.
Une LPFP n'est ni un texte financier ni un texte budgétaire. Nous devons nous rassembler et montrer à nos compatriotes et à nos partenaires européens que nous sommes capables de nous accorder sur une loi qui constitue un garde-fou. Elle est un garde-fou contre l'augmentation du coût du crédit, qui va nous amener à dépenser 36 milliards de plus d'ici à 2027 pour la seule charge de la dette, laquelle atteindra un total de 74 milliards en 2027. Elle constitue également un garde-fou contre cette supposée fatalité qui nous empêche de rétablir les finances publiques depuis trois décennies quand la situation s'améliore. Elle est enfin un garde-fou contre la propension naturelle à la dépense, sans considération de son utilité ou de son efficacité. Ici, la dépense est encadrée, efficace et on sait où elle nous mène.
Il n'aura échappé à personne que bien des choses ont changé depuis l'examen du texte en première lecture. Dans ce PLPFP, qui est bien plus qu'un texte de méthode pour la gestion de nos finances publiques, le Gouvernement a fait des choix clairs pour vous proposer une trajectoire qui concilie l'investissement dans l'avenir, en premier lieu dans la transition écologique et nos services publics, et le rétablissement de nos comptes publics.
Je veux souligner la qualité du travail que nous avons mené en amont de l'examen de ce texte et du PLF dans le cadre des dialogues de Bercy. Je remercie l'ensemble des groupes qui ont participé à l'exercice cette année. Sur la justice fiscale, la transition écologique ou encore le logement, nous avons montré que nous pouvions avancer sur des sujets de préoccupation communs.
Le projet de loi traduit le cap que nous avons fixé : ramener le déficit public sous la barre des 3 % d'ici à la fin du quinquennat et réduire progressivement notre endettement public jusqu'en 2027. Ce texte est parfaitement cohérent avec le programme de stabilité présenté en avril dernier.
La France a besoin de définir un cap pour ses finances publiques. La trajectoire que nous vous proposons d'intégrer à ce texte doit nous permettre de tenir nos comptes, aujourd'hui comme demain. Y parvenir suppose de partager un même sentiment de responsabilité, mais également de répartir l'effort entre l'ensemble des administrations publiques : l'État et ses opérateurs, la sécurité sociale et les collectivités territoriales.
Le premier message que je voudrais vous adresser est que le PLPFP est un élément central de notre crédibilité. Nous devons d'abord nous montrer crédibles vis-à-vis des Français, qui ont besoin de connaître le chemin que nous allons emprunter – celui d'un retour à la normale après des années de crise – et de savoir comment nous allons financer dans les années qui viennent les services publics et l'investissement dans les priorités d'avenir.
Il s'agit également d'assurer notre crédibilité vis-à-vis de nos partenaires européens. À cette fin, nous traduisons les objectifs fixés dans le programme de stabilité. Deux versements du plan de relance européen sont en jeu : un premier de 10 milliards, qui doit intervenir cette année, et un second de 8 milliards, l'année prochaine. Sans loi de programmation pluriannuelle, ces fonds ne nous seraient pas versés.
Il convient, enfin, d'asseoir notre crédibilité vis-à-vis des investisseurs qui achètent notre dette, dans un contexte de remontée des taux d'intérêt. En quelques mois, nos taux d'emprunt sont passés d'une valeur proche de zéro à des niveaux supérieurs à 3 % sur nos obligations à dix ans.
Quel signal enverrait-on si le projet de loi de programmation n'était pas adopté ? Le président Pierre Moscovici a eu l'occasion de vous le rappeler cet après-midi : sans loi de programmation, le Haut Conseil des finances publiques (HCFP) ne pourrait pas exercer convenablement son rôle. Si ce texte n'était pas adopté, notre pays n'aurait plus d'engagements pluriannuels en matière de finances publiques. Nous avons besoin de savoir où nous allons.
S'agissant de notre crédibilité, j'ai bien conscience que le HCFP a formulé plusieurs réserves. Je ferai une remarque sur l'hypothèse de croissance potentielle à 1,35 % par an jusqu'en 2027. Notre estimation est proche des prévisions établies par les instituts qui tiennent compte de nos réformes, comme le Fonds monétaire international (FMI) ou l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE). Notre prévision de croissance potentielle s'appuie de fait sur les réformes structurelles que nous conduisons ou allons mener : la réforme des retraites, celle de l'assurance chômage, la réforme du lycée professionnel, le succès de l'apprentissage, l'application des plans d'investissement et la baisse des impôts de production, qui se poursuivra en 2024.
Mon deuxième message porte sur le rythme de rétablissement de nos finances publiques. Nous le savons, une consolidation trop rapide casserait la croissance et engendrerait plus de dépenses qu'elle ne permettrait d'économies. C'est pourquoi nous assumons une stratégie de réduction progressive du déficit, laquelle permet de poursuivre l'investissement dans les services publics, dans la transition écologique et les baisses d'impôt. C'est ma réponse à ceux qui dénoncent une stratégie d'austérité qui n'a jamais été la nôtre.
Par rapport au texte qui vous a été présenté il y a un an, nous proposons cependant une trajectoire de retour sous les 3 % de déficit public légèrement plus rapide : nous visons 2,7 % en 2027 au lieu de 2,9 % il y a un an. Pour y parvenir, nous comptons réduire fortement la part des dépenses publiques dans le PIB, même si elles continueront à croître en euros, et nous stabilisons à 44,4 % la part des prélèvements obligatoires.
Cela implique de réaliser plus de 12 milliards d'économies à partir de 2025, réparties à parts égales entre l'État et ses opérateurs, d'une part, et la sécurité sociale, d'autre part. Nous assumons le fait que ces économies doivent être documentées.
Cela implique aussi que les collectivités territoriales, tout en continuant d'investir, maîtrisent leurs dépenses, mais nous ne reviendrons pas à l'idée d'un mécanisme de sanction tel qu'il figurait dans la première mouture de la loi. Nous parviendrons à réaliser ces économies par une démarche renouvelée des revues de dépenses, que nous venons de proposer, avec Bruno Le Maire, à la Première ministre. Il faut y travailler avec les élus locaux, notamment dans le cadre du HCFPL, qui a identifié de nouvelles pistes d'économies.
Nous intégrons davantage d'économies à notre trajectoire mais nous ne conservons pas la trajectoire issue du Sénat ni certains des amendements qu'il a adoptés, car ils ne sont ni réalistes ni souhaitables : je pense notamment à la réduction de 5 % du nombre d'agents publics de l'État et de ses opérateurs. Nous ne souhaitons pas tomber du côté de l'austérité.
Nous avons déposé des amendements qui visent à actualiser notre trajectoire, un an après le premier examen du texte. Les prévisions d'inflation ont été mises à jour, à l'instar des trajectoires financières des politiques publiques et des enveloppes des caisses de sécurité sociale. La série d'amendements que nous proposons vise à mettre le texte et le rapport annexé en cohérence avec la vision que nous avons de notre trajectoire économique et financière.
Ce nouvel examen tire les conclusions d'une année de travail du Secrétariat général pour la planification écologique. Nous sommes confrontés à une double dette, publique et écologique. La LPFP offre une vision actualisée des crédits de l'État consacrés à la transition écologique, en cohérence avec l'investissement supplémentaire de 10 milliards annoncé par le Président de la République et la Première ministre, qui se traduira par une hausse des crédits de paiement de 7 milliards en 2024. La loi consacre l'obligation de baisser le poids des dépenses néfastes à l'environnement.
Plusieurs groupes ont déposé des amendements qui visent à prévoir une trajectoire plus globale des financements de la transition écologique. Cela reflète la demande de visibilité que les groupes ont exprimée à la quasi-unanimité lors des dialogues de Bercy. Nous y serons favorables, parce que nous devons à nos concitoyens une visibilité sur les moyens qui seront consacrés à la résorption de notre dette écologique.
La loi de programmation constitue un engagement envers le Parlement et est avant tout faite pour lui. Elle vise à partager un cap, à permettre un meilleur pilotage des finances publiques et à s'assurer que les lois de finances annuelles sont en cohérence avec la trajectoire proposée par le Gouvernement. C'est pourquoi je donnerai un avis favorable à un certain nombre d'amendements de la majorité comme de l'opposition qui visent à mieux encadrer les pratiques financières comme les niches fiscales et à mieux informer le Parlement.
Depuis la révision de la Lolf, la portée de la loi de programmation pluriannuelle a été renforcée. Ainsi le Gouvernement doit-il désormais justifier devant le HCFP les éventuels écarts par rapport à la trajectoire pluriannuelle, en amont du dépôt du PLF de l'année. Il me semblerait un peu déroutant que le Parlement, après avoir à juste titre œuvré pour renforcer son pouvoir de contrôle, se prive d'un important instrument de ce contrôle.
Nous pouvons entretenir des divergences sur les paramètres ou sur différents points de passage mais, avant de décider de voter pour ou contre cette loi de programmation, vous devriez vous demander si vous soutenez une programmation des finances publiques qui ramène le déficit public sous la barre des 3 % en 2027, stabilise le taux de prélèvements obligatoires entre 2023 et 2027, et réduit la part des dépenses publiques dans le PIB.
Nous en venons à la discussion générale. Nous entendrons d'abord le rapporteur général, auquel succéderont les orateurs des groupes, qui disposeront de deux minutes chacun.
Vous nous dites qu'il est quasiment indispensable d'adopter une loi de programmation des finances publiques. À cela j'objecterai, d'abord, que je n'en connais pas une qui ait été respectée, l'écart entre la loi et la réalité étant souvent substantiel. Certes, ce n'est pas toujours le fait du gouvernement : des crises peuvent l'expliquer – et, eu égard à la situation internationale, on doit s'attendre à ce que ce type de crises se reproduise fréquemment à l'avenir. En tout état de cause, cela n'a pas empêché de gouverner le pays.
Quant à considérer qu'il serait pratiquement obligatoire de voter ce projet, je rappelle qu'il s'agit d'un texte non pas simplement technique, mais bien politique, qui présente une trajectoire des finances publiques reposant sur une méthode et une analyse macro-économique. Il est heureux que les oppositions ne soient pas contraintes de donner un blanc-seing à une politique avec laquelle elles ne sont pas d'accord.
J'en viens à nos obligations vis-à-vis de Bruxelles, sujet que je souhaite aborder sans esprit polémique. J'ai regardé objectivement les choses et j'ai fait part de cette analyse aux membres du bureau et aux représentants des groupes. Cette analyse a circulé parmi tous les commissaires. Le rapporteur général a par la suite demandé des explications complémentaires au ministre.
Je ne conteste pas le fait que le vote de la LPFP soit un des jalons au regard desquels sera décidé le versement des sommes par Bruxelles,, mais, selon moi, on ne peut affirmer avec certitude que ce seul jalon fera obstacle au versement. J'ai bien relevé, monsieur Cazenave, que dans votre réponse au rapporteur général vous citiez deux courriers qui vous ont été envoyés par la Commission européenne les 6 et 21 septembre. Mais je constate que la Commission européenne indique dans ces courriers qu'« […] Afin de mener à bien notre évaluation, nous vous saurions gré de bien vouloir nous tenir informés de façon régulière de l'avancée de la procédure d'adoption de la LPFP 2023-2027 et de nous communiquer ce texte via FENIX une fois ce dernier adopté ». Il n'est pas dit qu'il s'agit d'un prérequis au versement des 10,3 milliards. À moins que ces deux courriers comprennent d'autres éléments plus contraignants. Dans ce cas, je vous invite à nous les transmettre dans leur intégralité pour la clarté de nos débats, monsieur le ministre.
Il est indiqué que si, à l'occasion de son évaluation, la Commission estime que des cibles et jalons ne sont pas atteints, elle peut prévoir une réduction des autres versements. Mais il s'agit bien d'une des décisions que peut prendre la Commission, pas d'un veto automatique. Il lui reviendra de trancher.
J'en viens à la signification politique de cette trajectoire.
Je regrette que, pour élaborer ce projet, on ne soit pas parti des besoins essentiels des Français dans les années à venir – notamment en matière climatique et environnementale – afin de déterminer ensuite le niveau des impôts, des dépenses publiques et des déficits. L'objectif principal du projet est de réduire les déficits publics à 2,7 % en 2027.
Or je considère que la dette écologique est prioritaire, parce qu'elle ne peut être ni négociée ni annulée. C'est elle qui devrait déterminer notre avenir en matière de finances publiques, car elle est d'importance pratiquement vitale. On ne prend pas non plus en compte d'autres besoins qui ne font qu'augmenter. M. Pierre Moscovici a ainsi admis tout à l'heure qu'il faudrait probablement 1,9 milliard de dépenses supplémentaires pour répondre aux besoins dans les Ehpad. On ne prend pas non plus en considération les besoins en matière de logement – dont vous avez admis l'ampleur. La situation dans ce secteur menace notre pays d'une véritable implosion sociale. Et je ne reviens pas sur la santé.
Tout cela nous amène à nous interroger sur la dette. Même si le Haut Conseil des finances publiques (HCFP) a réévalué la charge de celle-ci en estimant qu'elle passerait à 84 milliards en 2027, cela ne représente pas un doublement de sa proportion dans le PIB par rapport à aujourd'hui. Cette charge sera incontestablement plus importante, mais on a trop souvent tendance à la présenter comme une sorte de tonneau des Danaïdes. La dette permet aussi d'investir et crée donc de la richesse. Il faut considérer ce qu'elle permet de faire pour juger de la pertinence de son niveau. Sinon cela reviendrait par exemple à se focaliser seulement sur les intérêts d'emprunt que paye un ménage, sans considérer le fait qu'au bout du compte il sera propriétaire d'un bien immobilier.
Le président du HCFP a estimé que, pour atteindre ses objectifs, le projet de LPFP supposait 12 milliards d'économies pérennes de dépenses publiques à partir de 2025 – lesquelles ne sont pas documentées. D'où proviendront-elles ? J'ai compris qu'il ne fallait pas compter sur la fiscalité, puisque Bruno Le Maire a annoncé à l'avance une baisse supplémentaire de 2 milliards d'impôts pour les ménages en 2025 et que vous avez programmé la baisse de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE). Cela signifie donc qu'il y aura une baisse drastique des dépenses publiques. J'appelle cela de l'austérité.
Après son rejet par l'Assemblée nationale le 25 octobre 2022, son adoption par le Sénat dans une version substantiellement modifiée le 2 novembre 2022 et l'échec de la commission mixte paritaire (CMP) qui s'est réunie le 15 décembre 2022, le projet de LPFP pour les années 2023 à 2027 sera examiné par notre assemblée en nouvelle lecture en séance publique le 27 septembre 2023.
Cette inscription à l'ordre du jour est la bienvenue, tant il est indispensable de doter notre pays d'une loi de programmation des finances publiques. Le Premier président de la Cour des comptes nous a expliqué à de très nombreuses reprises qu'il fallait disposer d'une telle loi. Nous avons en outre reçu de nombreux documents attestant que nous risquions de perdre des sommes très importantes. Malgré cela, je vois que certains doutent. Mon intervention sera donc précise et factuelle – et peut-être un peu ennuyeuse.
Au cours du premier semestre de l'année 2023, j'ai pris l'initiative en tant que rapporteur général de consulter directement par écrit chacun des responsables des groupes politiques d'opposition au sein de la commission des finances, afin de savoir quelles étaient les évolutions du texte qu'ils souhaitaient.
C'était aussi une occasion pour moi de rappeler les raisons pour lesquelles je considère qu'il relève de l'intérêt général que notre pays adopte rapidement une telle loi de programmation.
En premier lieu, en se référant à « l'objectif d'équilibre des comptes des administrations publiques » mentionné à l'article 34 de la Constitution, la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) prévoit que la LPFP est l'instrument par lequel la France met en œuvre les règles européennes encadrant la conduite par les États membres de l'Union de leur politique budgétaire. Dans ce contexte, la LPFP constitue la référence obligée par rapport à laquelle le HCFP juge des écarts constatés lors de l'exécution budgétaire. Chacun a pu noter que son président – qui est également le Premier président de la Cour des comptes – souligne régulièrement, tout particulièrement devant notre commission, la nécessité financière et juridique de définir à court terme une telle référence pour notre pays.
Il ne s'agit pas de savoir si la LPFP sera ou non respectée, mais bien de disposer d'un tel instrument. Car c'est cet engagement du Gouvernement envers le Parlement et les Français qui permet au HCFP de mesurer les écarts par rapport à la trajectoire, et qui nous permet de demander des explications. Ne nous privons pas de cet outil essentiel pour la vie démocratique.
S'il disposait d'un cap législatif financier clair, notre pays pourrait mieux défendre ses intérêts au sein de l'Union européenne (UE), notamment au moment où celle-ci procède à la révision des règles relatives à la conduite des politiques budgétaires nationales. Si nous souhaitons promouvoir un encadrement communautaire qui tienne compte de la situation de chaque État et qui accorde toute leur place aux investissements nécessaires à la transition écologique et au réarmement régalien, nous devons nous doter d'une programmation exemplaire et crédible du financement de nos priorités.
Il faut souligner que la France a pris des engagements dans le cadre du plan de relance européen NextGenerationEU, lesquels comprennent l'adoption d'une LPFP.
Parmi les cibles et jalons 2022 sur la base desquels notre pays a demandé à la Commission européenne de bénéficier de 12,7 milliards figure, sous le numéro 7-13, l'engagement de procéder à la « Construction des lois financières articulée avec les évaluations de la dépense publique couvrant le champ des [administrations publiques (APU)] dans le respect de la trajectoire de dépenses de la loi de programmation des finances publiques ». Si le Gouvernement a remis au Parlement, à la fin du mois de juillet 2023, un rapport sur l'évaluation de la qualité de l'action publique évoquant les conclusions d'une série d'évaluations sur le fondement de l'article 167 de la loi de finances pour 2023, force est de constater que cet exercice n'a pas pu être effectué en se référant à la trajectoire définie par une LPFP.
Parmi les cibles et jalons 2023 sur la base desquels la France doit demander un nouveau versement dont l'échéance intervient en 2024, pour un montant de 6,9 milliards, figure sous le numéro 7-9 l'engagement explicite de l'« entrée en vigueur d'une nouvelle loi de programmation des finances publiques (LPFP) mettant en œuvre les nouvelles dispositions législatives organiques adoptées et fixant une trajectoire de finances publiques permettant de stabiliser puis de faire décroître le ratio de la dette ». On note que ce jalon ne se borne pas à l'entrée en vigueur d'une LPFP, puisqu'il fixe un contenu s'agissant du profil d'évolution de la dette publique.
Chacun peut se livrer à des conjectures sur ce que pourrait être l'attitude de la Commission si notre pays ne respectait pas un jalon. J'ai demandé très récemment des précisions sur ce point au ministre de l'économie et des finances, qui m'a répondu. L'ensemble de ces échanges a été mis à la disposition des commissaires aux finances avant l'examen du texte en nouvelle lecture. Je n'ai franchement pas envie que notre commission des finances joue avec l'argent des Français. Le sujet est trop important, ne prenons pas de risque !
Il convient de relever les éléments suivant.
S'agissant du jalon 7-13, associé au premier des deux versements évoqués, la Commission européenne a très récemment fait savoir à la France par les deux courriers précités de septembre 2023 qu'afin de mener à bien l'évaluation de la réalisation de ce jalon, elle souhaitait être informée de l'avancée de la procédure d'adoption du projet de LPFP et que lui soit communiqué « ce texte […] une fois ce dernier adopté ». Ces propos ont un sens : pas de LPFP adoptée par le Parlement, pas d'évaluation du jalon, et donc pas de versement.
Ce constat est valable a fortiori pour le jalon 7-9, dont l'objet même est l'entrée en vigueur de la LPFP dans le cadre de la demande de versement que la France doit formuler en fin d'année 2023.
De façon plus générale, la législation européenne relative au plan de relance NextGenerationEU et les lignes de conduite que la Commission met en œuvre en la matière prévoient que cette dernière décide du montant dont le versement est suspendu en cas de non-respect d'un engagement, qu'elle peut définitivement annuler tout ou partie d'un versement si un État-membre ne parvient pas à atteindre sa cible dans un délai de six mois après le constat d'un manquement et qu'elle juge du quantum de fonds suspendus en fonction de l'importance qu'elle accorde à l'engagement considéré.
In fine, l'absence de LPFP fait peser un risque sur les plus de 27 milliards, nets des préfinancements, qui doivent être versés à la France. Eu égard à la situation de nos finances publiques, par rapport à la Commission comme par rapport à nos prêteurs, il faut arrêter de croire qu'un arrangement de dernière minute ou une pirouette peut se substituer au respect d'un engagement. Partons au contraire du principe suivant : il existe un risque réel que nous ne puissions pas bénéficier de tout ou partie du plan de relance européen en l'absence de promulgation d'une LPFP. On peut supposer que ce risque serait encore plus grand si l'attitude publique du Parlement consistait à parier qu'un rejet du projet de loi de programmation des finances publiques ne conduirait pas la Commission européenne à refuser de verser à la France les fonds dont elle a vocation à bénéficier.
Conformément au programme de stabilité présenté par la France à la Commission européenne en avril 2023, la nouvelle lecture du projet de LPFP est l'occasion pour le Gouvernement de proposer de conforter notre trajectoire de maîtrise de nos finances publiques.
Le Gouvernement propose ainsi une cible plus ambitieuse de maîtrise du solde public pour chaque année de 2023 à 2027, en fixant un objectif à moins 2,7 % du PIB en 2027, contre moins 2,9 % dans le texte déposé il y a un an. S'agissant du ratio de dette publique rapportée au PIB, la nouvelle trajectoire envisage sa décrue chaque année de 2023 à 2027, alors qu'il y a un an le Gouvernement prévoyait son augmentation en 2024 et en 2025. Il est désormais prévu d'atteindre un taux d'endettement public de 108,1 % en 2027, soit un niveau inférieur de près de trois points à celui retenu dans la projection initiale.
Alors que le taux de prélèvements obligatoires devrait rester sensiblement stable sur la durée de la programmation, la trajectoire de maîtrise des finances publiques s'appuie essentiellement sur le reflux de la dépense publique rapportée au PIB. Elle passerait de 55,9 % en 2023 à 53,8 % en 2027. Cet effort pèse en premier lieu sur l'État et les administrations centrales, dont les dépenses doivent diminuer en volume de 0,9 % chaque année sur la période de programmation, hors charge de la dette. L'effort demandé aux collectivités territoriales correspond à une baisse annuelle de 0,3 % de leurs dépenses en volume sur la durée de la programmation.
Afin de contribuer au respect de ces trajectoires ambitieuses, le Gouvernement propose, à l'occasion de la nouvelle lecture, de définir pour l'État un objectif de 6 milliards d'économies chaque année de 2025 à 2027, à documenter sur la base des revues de dépenses.
Trajectoire plus ambitieuse, effort accru sur la dépense publique – notamment pour l'État –, fixation d'objectifs chiffrés d'économies documentées par des travaux d'évaluation et suppression de tout dispositif d'encadrement des dépenses réelles de fonctionnement des collectivités territoriales : à l'occasion de la nouvelle lecture, la trajectoire réaliste proposée par le Gouvernement, tout comme les moyens de la respecter, se rapproche de la vision de la maîtrise des finances publiques exposée par le Sénat lors de l'examen du texte à l'automne 2022 – même si celui-ci avait alors proposé une trajectoire plus exigeante.
La nouvelle lecture doit être l'occasion de poursuivre la navette de façon constructive dans la perspective d'un rapprochement des positions.
Au demeurant, la définition de la trajectoire de nos finances publiques est loin d'être le seul sujet du texte. Il prévoit d'autres avancées importantes : de nouveaux dispositifs d'évaluation et d'encadrement des dépenses fiscales et sociales ainsi que des aides aux entreprises ; le principe du plafonnement de toutes les taxes affectées et l'encadrement de la fixation des plafonds correspondants ; la définition d'une trajectoire de baisse du poids relatif des dépenses publiques défavorables à l'environnement.
En conclusion, de nombreuses raisons militent pour doter à court terme notre pays d'une LPFP. Il s'agit de respecter l'encadrement constitutionnel, organique et communautaire de nos finances publiques, qui implique la fixation d'une trajectoire de maîtrise de celles-ci et de désendettement. Il convient de garantir que notre pays pourra bénéficier des fonds du plan de relance européen. Il faut mettre en place et développer des outils de bonne gestion financière. Enfin, il est nécessaire que le Parlement se dote d'outils de suivi et de contrôle du Gouvernement.
Je forme le vœu que des oppositions, qui ont des visions antagonistes en matière de dépenses publiques – les uns parlant d'austérité, les autres de gabegie – ne s'allieront pas pour faire échouer ce texte ambitieux, mais équilibré, et que le sens de l'intérêt général conduira certains groupes d'opposition à vouloir doter notre pays d'une LPFP.
Nous avons besoin d'une loi de programmation. Refuser de s'en doter revient à se tirer une balle dans le pied – je le dis sans volonté de culpabiliser.
Cet instrument a été créé par la réforme constitutionnelle de Nicolas Sarkozy en 2008, et utilisé en 2012 par François Hollande. On peut avoir des opinions divergentes sur la manière de faire baisser la température, mais on ne peut pas être en désaccord avec le thermomètre.
Ce texte prévoit des outils d'évaluation pour le Parlement. Il permet de limiter les dépenses fiscales et sociales, mais aussi de s'assurer de la stabilité des schémas d'emploi. Nombre d'amendements, visant de tels objectifs, émanent de tous les bancs. J'y insiste : on ne peut pas vouloir jouer un rôle dans l'évaluation des politiques publiques et refuser le principal instrument qui nous permet d'y concourir.
Il s'agit aussi d'un enjeu de crédibilité au niveau européen – certains ici ne peuvent y être insensibles. Nous sommes un grand État européen. Or nous sommes le seul à ne pas avoir de LPFP. Nous avons voté des lois de programmation pour l'ensemble des secteurs régaliens et pour la recherche, mais nous ne l'avons pas fait pour les finances publiques. C'est une épine dans le pied du ministre des finances quand il va négocier avec ses collègues européens.
En fait, la question n'est ni de droite ni de gauche : c'est une affaire de souveraineté. Tout comme l'est le fait de s'assurer du bon déroulement de notre programme d'émission de titres l'an prochain – nous nous apprêtons à lever 300 milliards sur les marchés financiers. Comme l'a dit le Premier président de la Cour des comptes tout à l'heure, les trajectoires d'endettement divergent. Ne nous ajoutons pas une contrainte en n'adoptant pas la LPFP.
Monsieur le ministre, les 18 milliards d'euros de versements européens ont-ils été déjà intégrés dans la trajectoire des finances publiques ? Si tel est le cas, il faudra que ceux qui voteront contre ce projet et qui sont attachés au désendettement proposent des économies à due concurrence.
Nous allons jouer cartes sur table puisque les ministres ont parlé franchement : nous sommes réunis pour savoir s'il est d'intérêt national de voter ce texte eu égard au versement de près de 19 milliards de financements européens.
Bien entendu, nous ne sommes pas d'accord avec cette loi de programmation, que nous ne jugeons pas crédible. L'arc de la raison n'ayant pas présenté un budget équilibré depuis cinquante ans, permettez-nous de douter que cette année et les trois prochaines soient meilleures.
Cela étant, nous avons reçu deux analyses sur le sujet, l'une à la demande du président Coquerel, l'autre transmise par Jean-René Cazeneuve. Il reste difficile de savoir ce qu'il en est.
Ce qui est sûr, c'est que tout cela créé beaucoup d'incertitude. Si le versement de fonds européens ne pouvait intervenir faute d'adoption de la LPFP, cela entraînerait des problèmes avec les agences de notation et donc des coûts d'endettement supérieurs pour la France. Chaque euro spolié par les marchés financiers est un euro de moins dans la poche des Français ou pour investir utilement.
Dans tous les cas, il s'agit bien d'un enjeu pour l'intérêt national.
Je note que des efforts réels de présentation de ce projet ont été faits par les deux ministres et à l'instant par notre collègue Lefèvre. Même si le président Coquerel a raison de souligner qu'il s'agit d'un texte politique, il est exposé d'une façon moins tendancieuse et moins politicienne que les fois précédentes.
Néanmoins, des éléments nouveaux ont été ajoutés. Je pense notamment à la suppression de l'avantage fiscal sur le gazole non routier (GNR), avantage qui bénéficie notamment aux agriculteurs et à la filière du bâtiment et des travaux publics (BTP). Nous pensons que cette mesure pose des problèmes, en particulier pour l'agriculture. Même si vous prétendez que des compensations sont prévues, ce n'est pas en période d'hyperinflation qu'il faut pénaliser davantage le secteur de production de nourriture. Les Français le paieront directement. La mesure représente certes seulement 170 millions, mais c'est toujours cela de trop.
Enfin et surtout, votre programmation budgétaire peut être remise en question par l'évolution des prix de l'électricité, notamment si le marché européen part de nouveau dans le décor. On a vu quel a été le coût budgétaire des mesures d'amortissement pour les consommateurs lors des dérives précédentes. Où en sommes-nous sur la revendication de pouvoir établir un prix de l'électricité en France qui corresponde au coût réel de la production de cette énergie dans notre pays ?
Ce projet de loi de programmation des finances publiques n'est pas encore voté qu'il est déjà obsolète.
Tout d'abord, il ne tient pas compte de l'urgence climatique. En janvier dernier, vous avez dit vous-même, monsieur le ministre, qu'il serait nécessaire d'investir entre 60 et 70 milliards d'euros par an pour réussir la transition écologique. On parle aussi de 25 à 70 milliards par an pour respecter l'accord de Paris. Le texte qui nous est soumis ne prévoit rien en la matière ; or, plus nous attendons pour répondre au dérèglement climatique, plus il coûtera cher d'y faire face. Rien qu'en 2022, l'inaction climatique a coûté au moins 10 milliards d'euros, ce qui correspond au seul coût des catastrophes naturelles, auquel il faudrait d'ailleurs ajouter le coût social et sanitaire de la dégradation de l'environnement. On se rend très vite compte que c'est un très mauvais calcul budgétaire que de ne pas investir suffisamment dans ce domaine. Le président Coquerel a rappelé que la dette écologique n'était pas annulable.
En outre, cette programmation ne tient pas compte de l'effondrement de nos services publics. On le voit à l'école, où des enfants en situation de handicap n'ont pas de cours faute d'accompagnant d'élèves en situation de handicap (AESH), dans la protection de l'enfance, où les délais pour un placement peuvent maintenant dépasser une année, et dans les transports en commun, dont l'offre est en constant recul et se dégrade. Pourquoi un tel effondrement ? Le rapport du collectif « Nos services publics » montre que les moyens publics sont en décalage avec les besoins ; certes, les budgets augmentent, mais les besoins sociaux augmentent encore plus vite. Voilà pourquoi nous qualifions ce projet de loi de programmation des finances publiques d'« austéritaire ». La croissance des dépenses publiques y est plafonnée en deçà de l'inflation, et encore plus en deçà des besoins réels de la population. Concrètement, ce texte prépare moins de services publics, de moins bonne qualité.
Les schémas d'emploi inscrits dans ce projet de loi ne servent pas à grand-chose, puisqu'ils sont déjà sous-exécutés en raison des difficultés de recrutement.
Les collectivités, maltraitées, voient leurs dépenses de fonctionnement plafonnées, ce qui est incompréhensible puisque leurs budgets doivent être votés à l'équilibre, contrairement à celui de l'État, et qu'elles luttent déjà pour maintenir leurs services publics.
Aurons-nous droit à un vrai débat en séance ? Depuis des semaines, nous entendons parler du 49.3. Je vous demande de ne pas passer en force une nouvelle fois – mais le Rassemblement national, qui semble se plier aux exigences de Bruxelles, nous permettra peut-être d'avoir un débat complet.
Je m'étonne que vous vouliez entièrement réécrire le projet de loi de programmation des finances publiques adopté par la Haute Assemblée. En effet, le Gouvernement a déposé treize amendements, dont un sur le rapport annexé, longs de quatre-vingt-quatre pages. Il était difficile de les étudier avant de venir débattre de ce texte : ce n'est donc pas un bon départ.
L'audition du président du Haut Conseil des finances publiques a montré que plusieurs éléments posaient question. Dans le scénario du Gouvernement, la croissance potentielle s'établit à 1,35 % ; au vu des études et éléments d'information disponibles, cette prévision semble optimiste, et le Haut Conseil lui-même la juge utopique. Par ailleurs, on aimerait que l'écart de production devienne nul en 2027, mais je n'y crois pas du tout : l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) table sur – 1,5 point, le FMI sur – 0,7 point.
Effectivement, monsieur le ministre délégué, nous aimerions emprunter le chemin du retour à la normale. Cependant, vous avez accumulé tant de défaillances que vous souffrez aujourd'hui d'un problème de crédibilité. Nous ne voulons pas vous donner un blanc-seing ; nous vous appelons à plus de cohérence et de constance dans la réalisation de vos trajectoires.
Le Haut Conseil indique que la dépense primaire des collectivités devra reculer de 0,5 % par an ; quant à vous, monsieur le ministre, vous avez évoqué une baisse annuelle de 0,3 %. Cet écart de 0,2 point n'est pas totalement anodin.
Enfin, vous allez demander chaque année 12 milliards d'euros d'économies à l'État et à la sécurité sociale. Or les intérêts de la dette augmentent déjà de 10 milliards en 2024 : la marge de manœuvre est donc faible, de l'ordre de 2 milliards. Cela nous inquiète et nous pousse à la réflexion.
Un an après sa première lecture, nous voilà à nouveau saisis de ce projet de loi car nous ne pouvons pas nous dérober à nos obligations de programmation de la trajectoire des finances publiques.
C'est d'abord notre crédibilité qui est en jeu. Peut-on imaginer une seconde qu'un pays développé comme le nôtre ne soit pas capable de se doter d'une trajectoire de ses finances publiques ?
Plus important encore : ce texte sert de garantie aux investisseurs quant à la stabilité de notre pays. Deux agences de notation rendront des décisions à la fin du mois d'octobre. Nous ne pouvons pas nous permettre de voir notre note dégradée, ce qui augmenterait la charge de la dette et ralentirait les flux de capitaux vers la France, remettant en cause six années de travail qui ont fait de notre pays la première destination des investissements étrangers en Europe.
Enfin, ce texte est un prérequis essentiel aux versements attendus de l'Union européenne en 2023 et 2024 dans le cadre du plan national de relance et de résilience. Ce sont près de 18 milliards d'euros, pour ces deux années, qui risquent de ne pas nous être versés si nous ne nous entendons pas sur ce texte – vous nous l'avez rappelé, messieurs les ministres, en dépit du scepticisme du président Coquerel sur ce point. Dans le contexte actuel, nous ne pouvons pas nous permettre de nous asseoir sur ces financements essentiels, qui doivent nous aider, entre autres, à protéger le pouvoir d'achat des Français.
Je ne vois pas comment nous ne pourrions pas adopter ce projet de loi de programmation, dont la trajectoire a été révisée et qui intègre diverses modifications apportées par nos collègues sénateurs. Il doit nous permettre de fixer un cap clair de désendettement pour notre pays, avec un déficit public inférieur à 3 % et un ratio de dette publique atteignant 108 % du PIB en 2027. En responsabilité, le groupe Démocrate soutiendra ce texte.
Nous sommes en train d'assister à ce que l'on peut qualifier de « grand chantage ». L'Assemblée nationale a souverainement rejeté ce projet de loi de programmation des finances publiques ; voilà qu'il nous est présenté à nouveau, au motif qu'il conditionnerait l'obtention des crédits du plan de relance européen. Qu'importe que ce texte ne comporte que des objectifs peu atteignables, comme l'a expliqué tout à l'heure le Premier président de la Cour des comptes. Qu'importe qu'il présente une trajectoire que nous qualifions de « récessive ». Qu'importe que la plupart des pays européens n'aient pas intégré cette obligation dans leurs discussions avec la Commission européenne. Il suffit de regarder le site internet de la Commission : ni l'Espagne, ni le Portugal, ni l'Allemagne, ni les Pays-Bas n'ont introduit l'adoption d'une loi de programmation des finances publiques dans leurs conditions d'obtention des crédits du plan de relance.
En commission des finances, nous sommes face à un choix impossible : soit nous votons contre ce projet de loi de programmation des finances publiques, que vous voulez nous imposer pour satisfaire des engagements que vous avez pris en dépit du bon sens, à rebours de la majorité des pays européens – M. Cazenave disait justement que la France ne pouvait se démarquer de ses voisins –, soit nous validons cette trajectoire que nous jugeons récessive. Jamais la France n'a procédé à un ajustement structurel aussi fort. La dernière fois qu'elle a diminué son solde public de 0,5 point de PIB en une année, c'était en 2013, alors que la croissance était également inférieure à 2 % : on en a vu le résultat sur la croissance économique. Vous comprendrez bien que nous ne pouvons cautionner une telle opération.
Nous avons tous la même ambition : celle de préserver la continuité de nos services publics ainsi que de sécuriser le financement de nos écoles, de nos hôpitaux, de notre justice, de notre police, de nos armées et évidemment de la transition écologique. Nous devons nous assurer que, par nos votes, nous ne mettrons pas en danger le bon fonctionnement de l'État. Il nous faut donc définir une trajectoire claire et nous y tenir : tel est bien l'enjeu de ce projet de loi de programmation des finances publiques.
Les ministres l'ont dit on ne peut plus clairement : si nous n'adoptons pas ce projet de loi, nous risquons de ne pas bénéficier des versements européens, notamment au titre du plan de relance. Jusqu'en 2026, ce sont plusieurs dizaines de milliards d'euros de versements européens qui resteraient en suspens. Le risque est réel, et il est clair que nous ne pouvons nous payer le luxe de le balayer d'un revers de la main.
Enfin, le président du Haut Conseil des finances publiques a bien rappelé que l'adoption d'une loi de programmation des finances publiques relevait du respect de notre Constitution.
Il s'agit donc d'un acte de responsabilité et d'avenir qui, je l'espère, pourra nous rassembler aujourd'hui en commission et cette semaine en séance publique. Le groupe Horizons et apparentés votera évidemment en faveur de ce projet de loi.
La méthode que vous avez choisie pour l'examen de ce projet de loi de programmation est tout sauf démocratique. Vous avez inscrit ce texte à l'ordre du jour d'une session extraordinaire pour pouvoir utiliser un 49.3 de plus. Vous avez limité le nombre d'amendements du fait de la règle de l'entonnoir. Vous n'avez communiqué que quelques heures avant la réunion de la commission l'amendement qui réécrit l'essentiel du texte. En fait, vous prenez les députés et les Français pour des benêts, comme le Rassemblement national s'apprête sans doute à le faire également.
La trajectoire que vous proposez par amendement concerne les dépenses ne faisant pas l'objet d'une loi de programmation sectorielle. En dehors de la recherche, de la justice, de la sécurité et des armées, les dépenses de l'État devront donc diminuer de 1,8 % en volume. Celles des collectivités devront baisser de 0,5 % par an, tandis que celles de l'assurance maladie verront leur progression limitée à 2,9 %. Cette trajectoire est incompatible avec la préservation de nos services publics, en particulier de l'hôpital. Elle ne répond pas aux besoins des collectivités locales et ne permet pas de financer la transition écologique.
C'est sur ce dernier point que je voudrais insister. Vous proposez de n'augmenter les crédits de la mission Écologie, développement et mobilité durables que de 2,4 milliards d'euros d'ici à 2026, hors programme 345. Or nous avons analysé l'ensemble des rapports que le Gouvernement lui-même a commandés, à commencer par celui de Selma Mahfouz et Jean Pisani-Ferry, ceux du Conseil d'orientation des infrastructures (COI) et de l'Autorité de régulation des transports (ART), celui de François Philizot ainsi que ceux du Sénat, notamment celui de Dominique Estrosi Sassone et Guillaume Gontard relatif à l'efficacité des politiques publiques en matière de rénovation énergétique. La lecture de tous ces rapports devrait nous conduire à augmenter l'enveloppe budgétaire consacrée à la transition écologique de 14 milliards en 2024, pour atteindre 31 milliards en 2030, et à définir deux priorités fortes : la rénovation thermique et les transports. Ce plan est finançable par l'extinction progressive des niches fiscales, par la limitation de la trésorerie non professionnelle des holdings, par la taxation des superprofits et des superdividendes, ou encore par la limitation des exonérations de cotisations au sein des entreprises. Si vous manquez d'idées, n'hésitez pas à nous consulter.
J'ai relu la loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022. Alors que vous aviez retenu un taux de croissance potentielle de 1,7 % par an, il s'est établi en réalité à 0,9 % en moyenne sur la période. Alors que le solde public effectif devait être quasiment à l'équilibre en 2022, à – 0,3 point de PIB, il s'est en réalité élevé à – 4,7 points. Ce petit écart de 4,4 points de PIB correspond à 100 milliards d'euros. Alors que le solde structurel, plus significatif, devait atteindre – 0,8 point de PIB potentiel en 2022, il s'est établi à – 4 points, un résultat dégradé de 3,2 points, soit 75 milliards d'euros, par rapport à la projection. On voit bien que la portée des lois de programmation est purement indicative. Le rejet de ce texte ne nous a d'ailleurs pas empêchés de nous doter d'une loi de finances pour 2023, à coups de 49.3.
Monsieur le ministre, vous nous faites du chantage au versement des fonds communautaires. Dans votre courrier au rapporteur général, vous évoquez plusieurs éléments confirmant « de manière claire » que l'adoption d'une loi de programmation des finances publiques serait un prérequis au décaissement de ces crédits. Non, ce n'est pas clair du tout ! La décision de la Commission européenne sera politique, comme toujours. Il s'agit d'une menace, d'un « risque », pour reprendre le terme utilisé par Mme Magnier, mais en aucun cas d'une conséquence automatique.
J'en viens aux hypothèses macroéconomiques sur lesquelles vous fondez votre projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027. Le taux de croissance potentielle, de 1,35 %, paraît à nouveau excessif – le Haut Conseil des finances publiques dit qu'il est très optimiste. Alors que certains prétendent que l'écart de production est nul, vous l'estimez, de votre côté, à 1,4 % : il pourra donc se réduire de 0,35 % chaque année. Vous annoncez en outre une contribution positive du commerce extérieur : à combien l'évaluez-vous ? Alors que les échanges commerciaux nous ont coûté, par le passé, 0,2 point de croissance, nous regagnerions donc en compétitivité.
S'agissant enfin de la dépense publique, j'ai été troublé par l'apparition brutale de 0,2 point de PIB, soit 5 milliards d'euros, pour les administrations de sécurité sociale (Asso). S'agirait-il de la ponction que vous envisagez sur les retraites complémentaires ?
Je veux d'abord tordre le cou à un mot qui a été souvent employé mais ne me paraît pas approprié : celui de « chantage ». Un gouvernement ne fait pas de chantage au Parlement. Chacun prend ses responsabilités : nous prenons les nôtres et chacun d'entre vous est libre de prendre les siennes.
Ma responsabilité de ministre des finances est de dire les choses clairement : selon toute vraisemblance, si ce texte n'est pas adopté, nous ne toucherons pas le versement européen de 10,3 milliards d'euros en 2023, ni le versement suivant prévu pour début 2024. Je cite le courrier que nous a adressé la Commission européenne à propos du jalon 7-13 relatif à l'évaluation de la qualité des dépenses publiques : « Afin de mener à bien notre évaluation, nous vous saurions gré de bien vouloir nous tenir informés de façon régulière de l'avancée de la procédure d'adoption de la LPFP 2023-2027 et de nous communiquer ce texte […] une fois ce dernier adopté. » Chacun est libre d'interpréter ces mots comme il l'entend, mais la Commission dit bien qu'elle estime ne pas être en état de mener son évaluation si elle ne dispose pas de la LPFP. Est-il certain que le versement ne serait pas effectué ? Non. Est-ce fortement probable ? Le risque est-il trop élevé au regard de la situation de nos finances publiques ? Oui.
Si cela ne vous convainc pas, je vous rappelle que l'adoption d'une loi de programmation des finances publiques est, de toute manière, une obligation nationale fixée dans la loi organique. Il n'y a donc à mes yeux aucun chantage, mais un principe de responsabilité tant à l'égard de ce versement européen que de la loi organique française. De ce point de vue, le vote de la loi de programmation des finances publiques est un rendez-vous majeur.
Monsieur le président, je ne pense pas qu'on puisse dire que la charge de la dette est anecdotique ou qu'elle augmente peu quand elle passe quasiment du simple au double sur la période, pour atteindre 74 milliards d'euros en 2027. On peut bien sûr s'endetter pour investir, mais quand il s'agit de financer des dépenses courantes, le recours à la dette est à mes yeux totalement irresponsable. Par ailleurs, un endettement trop élevé nous priverait de réserves dont nous pourrions avoir besoin en cas de nouvelle crise ou pour financer un certain nombre d'investissements indispensables, notamment en matière de décarbonation ou d'innovation.
Votre chiffre est exact : 12 milliards d'euros doivent encore être trouvés et documentés pour 2025. Cela justifie le maintien des procédures de revue des dépenses publiques.
Je n'ai pas un mot à retirer des propos de M. Lefèvre et de M. le rapporteur général, qui ont parlé d'or en mettant en avant le principe de responsabilité, l'importance de cette loi de programmation des finances publiques et la nécessité de dépasser nos querelles ou nos positionnements politiques pour essayer de trouver un accord sur ce texte.
Monsieur Tanguy, s'agissant du GNR, l'effort demandé aux agriculteurs nous paraît raisonnable, d'autant qu'il leur sera intégralement reversé. Alors que les accises sur le gazole s'élèvent aujourd'hui à plus de 60 centimes d'euro par litre, elles sont limitées à 3,86 centimes pour les agriculteurs français, qui jouissent donc d'un avantage très élevé – beaucoup plus élevé, en tout cas, que ceux dont bénéficient d'autres agriculteurs européens. Ce n'est que justice, et je défends les agriculteurs, mais à l'issue de très longues discussions que nous avons eues avec leurs représentants, notamment avec la Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles (FNSEA), nous sommes convenus d'augmentations de fiscalité raisonnables et continues, qui n'effaceront pas totalement l'avantage dont ils disposent. La hausse de fiscalité sera de 2,85 centimes par litre et par an : les accises sur le gazole s'élèveront donc à 6,71 centimes en 2024, à 9,56 centimes en 2025, à 12,41 centimes en 2026, à 15,26 centimes en 2027, à 18,11 centimes en 2028, à 20,96 centimes en 2029 et à 23,81 centimes en 2030, contre 60 centimes pour les autres consommateurs. Ainsi, les agriculteurs conserveront un avantage fiscal élevé puisqu'ils paieront des accises trois fois moins élevées que la normale. J'ajoute que l'intégralité du produit de cette augmentation de la fiscalité sera consacrée à l'accompagnement des agriculteurs et au financement d'une filière de carburant bio, à la fois plus respectueux de l'environnement et moins coûteux. Il s'agit de passer d'une fiscalité brune à une fiscalité verte.
Madame Maximi, j'admets qu'il y a une urgence climatique mais je rappelle que nous allons engager, dans le PLF pour 2024, 7 milliards d'euros de dépenses supplémentaires qui concerneront MaPrimeRénov', les bonus pour les véhicules électriques ainsi que le soutien à la transition et à la rénovation énergétique des bâtiments. Vous parlez d'austérité, mais il me semble au contraire que nous faisons preuve de générosité puisque nous maintenons le niveau des dépenses publiques à 54 % de notre richesse nationale, soit le taux le plus élevé des pays de l'OCDE. Le rétablissement des finances publiques, la baisse de la dépense et la diminution de la dette restent de bonne politique.
Madame Dalloz, je considère toujours avec beaucoup de prudence les estimations du taux de croissance potentielle. Celles du FMI et de l'OCDE sont de 1,3 % ; quant à nous, nous avons retenu un taux de 1,35 %. Il est vrai que d'autres organismes affichent des taux beaucoup plus bas, mais ce n'est pas à cause de divergences d'interprétation : ils n'ont simplement pas intégré dans leurs calculs la réforme des retraites, qui devrait rapporter 0,7 point de PIB supplémentaire à l'horizon 2027, ni de celle de l'assurance chômage.
S'agissant des collectivités locales, le taux de – 0,5 % concerne uniquement les dépenses de fonctionnement. Nous avons cependant décidé de recalculer cet effort en y intégrant les dépenses d'investissement, ce qui nous amène au taux de – 0,3 %.
Je remercie les députés du groupe MoDem pour leur soutien à ce projet de loi de programmation des finances publiques, qui ne m'étonne pas de la part d'une formation politique qui a toujours fait du désendettement sa marque de fabrique, notamment sous l'impulsion de son président François Bayrou.
Monsieur Brun, je pense avoir déjà répondu à votre question relative au jalon européen. Tous les autres États – vous avez notamment cité l'Allemagne et les Pays-Bas – ont adopté des lois de programmation des finances publiques, mais ils n'en ont pas forcément fait un jalon dans leurs discussions avec la Commission européenne.
Je renouvelle mes remerciements à Mme Magnier et aux députés du groupe Horizons pour leur vote favorable, qui ne me surprend pas non plus.
Madame Arrighi, nos échanges de ce soir montrent à quel point notre débat est démocratique, contrairement à ce que vous avez dit.
Enfin, monsieur de Courson, le ministre délégué chargé des comptes publics répondra à votre question relative aux Asso. Il serait difficile de nous reprocher le non-respect des objectifs de croissance potentielle déterminés en 2017, c'est-à-dire avant le covid et la crise économique la plus grave que nous ayons connue depuis 1929. Comme dirait un célèbre responsable britannique, la politique, ce sont les circonstances.
Monsieur le président, n'opposons pas la dette financière à la dette écologique. Si nous laissons filer la première, nous aurons autant de marges de manœuvre en moins pour financer la transition écologique ; si nous laissons filer la seconde, nous aurons toutes ces dépenses supplémentaires devant nous. Essayons donc plutôt de conjuguer nos efforts pour réduire l'une et l'autre ! C'est à cet exercice difficile que nous nous attelons.
Monsieur Lefèvre, les 18 milliards de fonds européens sont bien intégrés dans la trajectoire. Si nous ne les obtenions pas, cette dernière serait effectivement amputée de ces recettes.
Madame Maximi, j'ai du mal à entendre que ce projet de loi de programmation et le futur projet de budget pour 2024 entraîneront une dégradation du service public. Nous investissons près de 4 milliards d'euros supplémentaires pour l'éducation nationale et consentons un effort sans précédent dans les domaines régaliens. Cette vision quelque peu misérabiliste du service public finira par se retourner contre ceux qui l'expriment – vous avez cité un collectif en particulier – puisqu'elle désincitera les plus jeunes à rejoindre un secteur qui offre pourtant de belles et passionnantes carrières.
Madame Dalloz, nous assumons le fait que le retour à la normale soit progressif. Il n'aurait pas été crédible de présenter une trajectoire de redressement très rapide de nos finances publiques. En 2008, un tel choix s'est avéré assez contre-productif alors qu'il était nécessaire de laisser notre moteur économique allumé. Notre stratégie consiste donc en un redressement proportionné et progressif de nos finances publiques, en particulier de notre déficit public, et nous montrons cette année que nous résistons mieux à la crise que nos partenaires européens.
Monsieur Brun, Bruno Le Maire a bien expliqué qu'il n'y avait pas de chantage. Nous ne présentons pas ce texte uniquement pour les autres, pour la Commission européenne : nous le faisons aussi pour nous-mêmes, pour nous fixer un cap. Aussi cette exigence d'une loi de programmation des finances publiques dépasse-t-elle la question du versement des 18 milliards.
Enfin, monsieur de Courson, la loi de programmation pour les années 2018 à 2022 n'intégrait pas les crises successives que nous avons traversées. Chacun comprend bien pourquoi nous avons dû nous écarter de cette trajectoire. Nous aurons l'occasion de revenir, lors de l'examen des articles, sur l'effort demandé à chacun des secteurs, notamment à celui des Asso : je répondrai donc à votre question un peu plus tard dans la discussion.
Madame Arrighi, ne nous faites pas porter la responsabilité de la règle de l'entonnoir, qui figure dans le règlement de l'Assemblée, dans notre Constitution et est appliquée, en l'occurrence, par le président Coquerel.
Par ailleurs, la mission Écologie, développement et mobilités durables ne représente qu'une petite partie des investissements que la majorité consacre à la transition écologique. Nous devons gagner en visibilité en la matière ; ce débat doit nous le permettre.
Je suis obligé, comme chaque président de commission, d'appliquer la règle de l'entonnoir en nouvelle lecture.
Je vous rappelle, avant de débuter l'examen des articles, que j'ai choisi de réserver l'examen de l'article 1er et du rapport annexé pour le renvoyer à la fin du texte, après la discussion et le vote des articles 2 à 26. En voici les raisons.
Tout d'abord, un amendement de réécriture globale du rapport annexé ayant été déposé ce midi par le Gouvernement, il fallait que chacun dispose d'un temps raisonnable pour sous-amender cet amendement.
Par ailleurs, il pourrait être utile de procéder à des coordinations dans le texte du rapport annexé en fonction de ce qui aura été décidé en matière de trajectoire pluriannuelle dans les articles 2 à 6 du projet de loi. La réserve de l'article 1er et du rapport annexé permettra de le faire par des sous-amendements. Pour la même raison, lors de l'examen du projet de loi d'orientation et de programmation du ministère de la justice, la commission des lois avait réservé à la fin de la discussion l'examen de l'article 1er et du rapport annexé.
Article 2 : Définition de l'objectif à moyen terme (OMT) et de la trajectoire de solde structurel
Amendements de suppression CF3 de Mme Valérie Rabault, CF39 de Mme Marianne Maximi et CF99 de M. Nicolas Sansu
L'article 2 fixe comme objectif de moyen terme un déficit de 0,4 % du PIB, alors que le TSCG (Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l'Union économique et monétaire), auquel il fait référence, le fixe à 0,5 %. Autrement dit, pour une fois, le Gouvernement souhaite que nous désobéissions au traité, mais pour être encore plus vertueux que ce dernier !
L'article 2 tend à imposer une austérité sans précédent. Le Gouvernement prétend contenir la croissance des dépenses publiques à 0,6 % en volume jusqu'en 2027, soit moins de la moitié de son niveau – 1,3 % – durant la décennie 2009-2019. Pour apprécier l'étendue de l'austérité qui s'annonce, il faut comparer l'évolution des dépenses à celle des besoins. Ainsi, de 2013 à 2019, le nombre de lits en réanimation n'a progressé que de 0,17 % par an, soit dix fois moins que les effectifs de personnes âgées, qui représentent deux tiers des malades en réanimation : les dépenses de ce poste ont légèrement augmenté, mais, par rapport aux besoins, elles se sont effondrées.
L'institut Montaigne évalue la croissance tendancielle des dépenses – ce qu'elle devrait être pour maintenir une politique constante – à 1,7 % dans la période 2023-2027. Si le Gouvernement persiste à contenir la croissance effective des dépenses publiques à 0,6 %, cela représente 70 milliards d'économies. La réalité sera sans doute pire, puisque ses projections s'appuient sur des hypothèses de croissance très optimistes, pour ne pas dire mensongères. Le Gouvernement fait le choix d'une casse sociale sans précédent alors que nos concitoyens sont de plus en plus nombreux à se priver de tout ce qui permet d'accéder à une vie digne. Cet article enterre tout espoir de croissance et de mieux-vivre en France.
Monsieur le ministre, ce projet de loi est évidemment un texte financier : il parle de trajectoire des finances publiques !
On nous dit que, sans cette trajectoire, les sauterelles vont s'abattre sur nous et les grenouilles pleuvoir. Non : la France est un grand pays ; si elle souhaite infléchir la politique européenne et modifier les traités, elle le peut. Cela relève de la responsabilité du législateur national.
La trajectoire inscrite à l'article 2 nous inquiète. Il est évident qu'elle revient à prévoir moins de dépenses publiques et sociales ; le ministre Le Maire n'en a d'ailleurs pas fait mystère en annonçant que l'on verrait si l'accord sur l'assurance chômage peut aller plus loin, si les dépenses des collectivités locales peuvent diminuer, si, avec les retraites, on peut encore prendre une part de vie aux Français pour gagner de l'argent. Des œillades à la droite, on est en train de passer aux accordailles !
Le groupe GDR s'opposera fermement à l'article 2, synonyme d'austérité budgétaire.
Je salue la décision de reporter l'examen de l'article 1er et je m'associe à la remarque formulée par Marie-Christine Dalloz : il aurait été préférable que nous disposions un peu plus tôt des amendements qui rectifient la trajectoire.
Avec l'article 2, on est au cœur de ce qu'est une loi de programmation. Nous avons besoin d'une trajectoire : nous ne saurions supprimer cet article. La visibilité que donne la trajectoire est notamment essentielle pour les administrations.
Monsieur Sansu, il s'agit certes d'un texte financier, mais pas au sens strict dans la mesure où il ne nous exonère pas de voter le budget annuel, qui, lui, engage les finances de notre pays. Ici, il s'agit d'engagements du Gouvernement vis-à-vis du Parlement et des Français.
Enfin, on ne peut vraiment pas parler d'austérité quand le déficit de l'État atteint 140 milliards chaque année : nous dépensons beaucoup plus que ce que nous gagnons. Il ne s'agit pas d'austérité, mais de soutien et d'investissement à long terme pour nos services publics.
Avis défavorable.
Vous dites que nous avons besoin d'une trajectoire, mais cette trajectoire-là correspond à un choix politique. On pourrait très bien considérer au contraire que 2,7 % de déficit en 2027 n'est pas l'objectif premier de notre économie. Ne vous étonnez pas que l'opposition, qui n'est pas d'accord avec ces choix macroéconomiques, le dise.
Quant à l'austérité, si, en cette période de difficultés économiques, l'Allemagne est en récession alors que la France ne l'est pas, c'est peut-être lié à notre niveau de dépenses publiques. Celles-ci, en effet, sont aussi une richesse ; elles nourrissent le PIB.
En outre, vous annoncez vous-mêmes, certes sans les documenter, 12 milliards de dépenses publiques en moins en 2025 tout en affirmant que vous ne toucherez pas aux impôts et que vous allez même les baisser : comment y parviendrez-vous sans que certains secteurs soient frappés par l'austérité ?
En fait, au gré des besoins et des crises, vous allez devoir renoncer à cette perspective : la réalité vous rattrapera. Voilà pourquoi le présent projet de loi de programmation ne sera pas plus appliqué que les autres, car il n'est pas réaliste au sujet du déficit.
Nos collègues de gauche utilisent de grands mots : « casse sociale », « austérité sans précédent »… Soyons raisonnables ! Peut-on parler ainsi quand on voit le niveau de notre dette, de notre déficit, des prélèvements obligatoires et des dépenses publiques ? Le seul exemple d'austérité et de casse sociale que j'aie connu en Europe au cours des dernières années, c'était sous un gouvernement de gauche et d'extrême gauche : en Grèce, avec votre ami Aléxis Tsipras. Alors gardez vos leçons pour vous !
Il faut vraiment ne pas avoir suivi les évolutions politiques pour dire qu'il est notre ami.
Les trois amendements tendent à supprimer ce qui a été voté par le Sénat, lequel a fortement modifié l'article 2 dans le sens que nous souhaitions. Désormais, le texte demande un effort supplémentaire à l'État en matière de réduction de ses dépenses de fonctionnement, de sorte que les dépenses des administrations centrales diminuent de 0,5 % en volume chaque année jusqu'en 2027, comme celles des administrations locales, hors dépenses régaliennes ou de crise et hors charge de la dette.
Nous voterons contre tous les amendements tendant à réécrire les articles adoptés par le Sénat.
Voter les amendements de suppression, ce serait supprimer l'article 2 issu du Sénat, fondé sur l'idée simple que la France ne doit pas être le mauvais élève de l'Union européenne en 2027, le dernier État membre dont le déficit ne serait pas revenu sous les 3 % en 2026. Je voterai contre ces amendements, car le Sénat a raison. On peut discuter de la manière d'atteindre l'objectif – par les dépenses, par les recettes –, mais il nous faut être sous les 3 % dès 2025.
Nous soutenons les amendements. On nous exhorte à être raisonnables, mais, en continuant d'avoir pour seul objectif la réduction des déficits publics, on échoue à y parvenir tout en plaçant les services publics dans une situation qui, pour le coup, est déraisonnable. Ce qui n'est pas raisonnable, c'est la situation de nos hôpitaux, la rentrée scolaire dans des écoles où les gamins ne peuvent plus étudier, le fait de ne plus vouloir recruter de fonctionnaires alors que le pays s'en porterait mieux, car cela donnerait du travail, des salaires décents et profiterait à notre système de sécurité sociale puisque les fonctionnaires surcotisent. Ce qui serait raisonnable, ce serait de se mettre dans la tête que les politiques d'austérité ne fonctionnent pas. Même à l'Union européenne, on se défend maintenant d'être libéral ! Nous sommes les derniers à nous prévaloir de ces options. Ce monde-là est mort !
La commission rejette les amendements CF3, CF39 et CF99.
Amendement CF167 du Gouvernement
Il s'agit de maintenir l'objectif à moyen terme au même niveau que dans la précédente version du projet de loi de programmation des finances publiques, tout en actualisant la trajectoire du solde structurel : plus ambitieuse qu'en première lecture, elle permet au déficit de revenir sous le seuil des 3 % du PIB en 2027. Le solde structurel, qui s'établissait à 5,2 % du PIB potentiel en 2021, se redressera à 2,7 % en 2027, s'améliorant de 0,5 point de PIB potentiel en 2024, de 0,4 en 2025, de 0,3 en 2026 et de 0,2 en 2027.
Avis favorable.
Pourquoi est-il important de fixer l'objectif de 2,7 % de déficit en fin de trajectoire et de nous rapprocher de ce qui avait été demandé par nos amis sénateurs ? Parce que, sinon, les taux vont significativement augmenter. Ce sera un problème pour l'État, mais aussi pour les collectivités territoriales, les entreprises, les particuliers. Bref, maintenir cette trajectoire de redressement des finances publiques est dans l'intérêt de tous.
Je soutiens l'amendement. Nous faisons droit aux demandes du Sénat en continuant de mieux redresser nos comptes. La trajectoire est améliorée par rapport à septembre dernier, alors même que le taux de prélèvements obligatoires est le même et que la charge de la dette est supérieure.
Monsieur Sansu, pour que la France soit en position de renégocier les règles budgétaires européennes, il faut qu'elle se dote du même instrument que l'ensemble de ses partenaires européens.
Quant à M. Guiraud, il a une foi absolue dans la dépense publique : il pense que tout euro de dépense publique en plus est nécessairement bien dépensé. Nous croyons au contraire qu'il faut interroger la qualité de la dépense publique. C'est tout le sens du travail fourni par Véronique Louwagie et Robin Reda dans le cadre de leur rapport d'information.
On nous appelle à la responsabilité, mais adopter cet amendement, ce serait aller contre le projet de loi de programmation des finances publiques que nous avons examiné – et rejeté – l'an dernier.
Cette trajectoire est dangereuse pour notre croissance. Jamais notre pays n'a réduit ses dépenses de 0,5 point de PIB alors que sa croissance était inférieure à 2 % – sauf en 2013, et cela a produit des effets catastrophiques sur la croissance. Rouvrons les livres d'économie !
Il faut évidemment réduire le déficit public, et nous avons des propositions en ce sens, dont nous avons fait part au ministre au moment des dialogues de Bercy. Mais la trajectoire proposée n'est pas crédible. En juillet, c'est-à-dire au bout d'un semestre seulement, nous avions déjà dépassé le déficit prévu pour l'année 2023 !
La commission adopte l'amendement CF167.
Elle adopte l'article 2 modifié.
Article 3 : Décomposition de la trajectoire de solde effectif entre composante structurelle, composante conjoncturelle et mesures ponctuelles et temporaires
Amendements CF168 du Gouvernement et CF163 de M. Charles de Courson (discussion commune)
La trajectoire des finances publiques, actualisée par notre amendement, marque la volonté gouvernementale de revenir à des comptes publics normalisés une fois passées les crises sanitaire et énergétique. Le présent texte prévoit le retour du déficit public sous le seuil des 3 % en 2027. Le poids de la dépense publique dans le PIB sera inférieur en 2023 et en 2024 au chiffre présenté l'an passé. Le retour à l'équilibre des comptes publics se fondera donc sur la maîtrise de la dépense, partagée par l'ensemble des administrations publiques. Les dépenses d'investissement continueront de progresser de 30 milliards en 2024 à 36 milliards en 2027. Le taux de prélèvements obligatoires sera stabilisé à 44,4 %. Le solde public sera de 4,4 % en 2024 et atteindra 2,7 % en 2027. Enfin, le ratio de dette au sens de Maastricht amorcera sa décrue en 2025.
Le Gouvernement entend faire contribuer les administrations de sécurité sociale au redressement des finances publiques. Il a notamment été envisagé de mettre à contribution les caisses de retraite complémentaire dès 2024, à hauteur de 0,2 point de PIB, c'est-à-dire 5 milliards. Je souhaite supprimer ce prélèvement. Les caisses de retraite complémentaire ont bien géré leurs affaires, puisqu'elles sont en excédent et ont quelque 65 milliards de réserves. Il semblerait que le Gouvernement veuille obtenir ce résultat en supprimant la compensation des exonérations sur les salaires. C'est contraire à tous les principes de bonne gestion, qu'il s'agisse des régimes complémentaires ou des régimes de base.
Avis favorable à l'amendement du Gouvernement, qui traduit les engagements pris dans le cadre du programme de stabilité.
Monsieur de Courson, il n'y a pas là une ponction, mais le résultat des excédents des Asso, dus à la fois à l'excellente gestion des retraites complémentaires, au désendettement par la Cades, la Caisse d'amortissement de la dette sociale, et à l'amélioration que nous avons engagée sur le marché du travail. Ces résultats positifs servent aux assurés sociaux, certainement pas à l'État. Les relations entre l'État et les régimes sociaux font l'objet d'une annexe au PLF et d'une annexe au PLFSS. Le flux ne va pas du tout dans le sens que vous redoutez : c'est plutôt l'État qui subventionne des régimes d'assurance vieillesse déficitaires. Avis défavorable à votre amendement.
Je vous renvoie, page 42, au tableau montrant l'effort en recettes des Asso : 0,0 en 2022 comme en 2023 ; 0,2 en 2024 ; puis, de 2025 à 2027, à nouveau 0,0. Votre explication ne tient donc absolument pas. Cette année, l'Agirc-Arrco va réaliser 4 à 5 milliards d'excédents ; des négociations ont lieu entre les partenaires sociaux, certains voulant réduire ou supprimer la décote de 10 % sur les trois premières années, l'une des mesures qui ont permis un très net redressement des retraites complémentaires. Expliquez-moi donc d'où vient ce chiffre de 0,2 qui apparaît brutalement en 2024 avant de disparaître.
Le régime dit Asso traduit la combinaison d'un déficit du régime de sécurité sociale, qui se poursuit pendant toute la période, et d'un excédent des régimes complémentaires, de l'Unedic et de la Cades, d'ailleurs obtenu par des réformes structurelles : celle des retraites et celle de l'assurance chômage. C'est en cumulant l'ensemble de ces sommes que l'on arrive à un excédent, donc à une contribution du secteur des Asso au redressement de nos finances publiques.
Monsieur le ministre délégué, l'exposé sommaire de votre amendement n'est pas sincère. On dirait même que les propos tenus par le Président de la République hier au « 20 heures » n'ont pas été entendus. Vous invoquez l'Ukraine mais à aucun moment, pour expliquer l'inflation, il n'est question de la hausse des marges des entreprises. Vous écrivez que « le pic d'inflation est passé » ; voilà un an qu'on entend ça ! Dans l'alimentaire, ce n'est toujours pas le cas ; quant à l'essence, son prix remonte à 1,90 ou 2 euros le litre.
Si nous nous opposons à vos amendements et à votre projet de loi, c'est en raison de nos désaccords politiques, mais aussi parce que vous tordez la réalité au point de quasiment mentir.
La commission adopte l'amendement CF168.
En conséquence, l'amendement CF163 tombe.
La commission adopte l'article 3 modifié.
Article 4 : Trajectoire d'effort structurel
Amendement de suppression CF101 de M. Nicolas Sansu
Le Gouvernement veut faire dépendre de la seule baisse des dépenses publiques l'amélioration du déficit public. Après le rapport de M. Pisani-Ferry et Mme Mahfouz sur la manière de financer la transition climatique et alors que la valeur du patrimoine des plus aisés explose, on ne se demande jamais quelles contributions exceptionnelles ou assises sur ces patrimoines permettraient de réduire le déficit public, mais aussi de modifier l'architecture fiscale et de donner un peu de pouvoir d'achat aux plus pauvres.
Avis défavorable. Supprimer l'article 4, ce serait refuser au Parlement la possibilité de se prononcer précisément sur la trajectoire d'effort structurel.
Nous avons décidé une fois pour toutes de ne pas augmenter les prélèvements obligatoires ; nous l'assumons. Nous sommes l'un des pays, peut-être le pays au monde où ils sont les plus élevés. Si nous voulons gagner la bataille du plein emploi, il nous faut attirer les entreprises pour qu'elles viennent investir.
L'amendement du Gouvernement qui vient d'être adopté dit l'inverse : le taux de prélèvements obligatoires y passe de 44 % en 2023 à 44,1 en 2024, puis à 44,4 en 2025, 2026 et 2027. Bref, vous augmentez les prélèvements obligatoires.
Le rapport de la mission d'information sur la fiscalité du patrimoine qui sera présenté demain en commission des finances recommande la création d'un impôt de solidarité sur la fortune vert, dit « ISF vert ». Je précise que je rapporte cette mission conjointement avec M. Jean-Paul Mattei, qui est membre de la majorité présidentielle.
L'augmentation des prélèvements obligatoires concomitamment à la diminution des impôts s'explique par une dynamique de nos recettes fiscales supérieure à celle de la croissance économique.
M. Labaronne ne répond en rien à M. de Courson. Vous le dites vous-même : le prélèvement des recettes fiscales sera plus important, et pour les ménages, et pour les entreprises.
La commission rejette l'amendement CF101.
Amendement CF169 du Gouvernement et sous-amendement CF189 de M. David Guiraud, amendement CF102 de M. Nicolas Sansu, amendements identiques CF40 de M. Éric Coquerel, CF41 de Mme Marianne Maximi et CF42 de M. David Guiraud (discussion commune)
L'amendement CF169 met à jour l'article 4, qui prévoit la trajectoire d'effort structurel des administrations publiques, celui-ci permettant de mesurer la part de la variation du solde structurel suite aux décisions des pouvoirs publics.
La stratégie de retour à l'équilibre des finances publiques s'appuiera avant tout sur une amélioration structurelle, donc pérenne. Après la crise sanitaire, la guerre en Ukraine et les tensions inflationnistes, la France doit retrouver des comptes publics normalisés.
Avec cette nouvelle trajectoire, l'effort structurel du Gouvernement est plus ambitieux que dans le texte initial et moins ambitieux que dans la version du Sénat. Il portera essentiellement sur les dépenses publiques, dont l'évolution sera inférieure à la croissance potentielle.
Selon la majorité, les prélèvements obligatoires auraient diminué…mais il n'en est rien ! La baisse n'est effective que pour les classes les plus aisées. Pour les classes populaires et une partie des classes moyennes, ils ont augmenté. Les classes populaires, en effet, ne sont pas concernées par la suppression de l'impôt de solidarité sur la fortune, non plus que par celle de la taxe d'habitation, par la baisse de l'impôt sur les sociétés ou par la flat tax. Celle de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) ne concerne pas non plus les plus petites entreprises.
L'État ayant perdu 50 milliards de recettes, nous proposerons dans le PLF pour 2024 de reprendre un peu d'argent des catégories les plus aisées, notamment en taxant les superprofits des grandes entreprises, en instaurant une véritable progressivité de l'impôt sur le revenu pour les plus hauts patrimoines et une redistribution digne de ce nom.
La philosophie de mon amendement est comparable.
Doit-on faire des efforts en matière de dépenses ou de recettes ? Quid de l'architecture fiscale ? Plus l'impôt des plus riches diminue, plus celui des moins riches augmente puisqu'il faut atteindre un résultat constant. Ce sont d'abord les classes populaires qui paient avec l'explosion de la TVA et de la taxe intérieure sur les produits pétroliers (TIPP), en particulier dans la ruralité, où les déplacements en voiture sont inévitables. Dans certains villages de ma circonscription, c'est même le premier impôt.
Mon amendement de repli va dans le même sens. Il s'agit de stabiliser la situation et de garantir que la baisse des dépenses publiques la plus importante de la Ve République ne se traduise pas par des cadeaux fiscaux aux plus riches.
L'étude réalisée par l'Institut des politiques publiques (IPP) avec Bercy montre que, durant les cinq dernières années, la fortune des milliardaires a tant augmenté que, grâce aux transferts de leurs revenus personnels sur des revenus professionnels bénéficiant des cadeaux fiscaux, leur taux d'effort fiscal s'élève à environ 25 % contre plus de 45 % pour les 10 % les plus favorisés.
Des milliards d'euros ont ainsi été perdus pour l'État. Il ne faudrait pas que la baisse des dépenses publiques se traduise par une hausse des dépenses fiscales au profit de nos concitoyens les plus favorisés.
La diminution du déficit suppose soit la hausse des impôts, soit la réduction des dépenses. Or, vous poursuivez la baisse des impôts pour les plus riches, ce qui représente également des efforts pour les collectivités territoriales et le service public.
Suppression de l'ISF, baisse de l'impôt sur les sociétés, 50 milliards de recettes en moins lors du précédent quinquennat : autant de choix politiques en faveur des plus fortunés. De surcroît, il est faux de prétendre que de telles baisses favorisent la redistribution : plus les revenus sont élevés, plus l'impôt est régressif. Parmi les Français les plus pauvres, 5 % ont perdu du pouvoir d'achat durant le premier quinquennat.
Nous ne dramatisons pas la situation des services publics. Le ministre délégué fait un petit numéro sur les dépenses de fonctionnement et d'investissement. Or les premières se traduisent par des suppressions d'emplois publics. Entre 2018 et 2022, 10 286 emplois publics ont été supprimés, principalement dans les ministères de l'éducation nationale, de l'économie et des finances, des armées et de la transition écologique. La situation ne manquera pas de se dégrader encore plus avec cette loi de programmation.
Pendant que les impôts des catégories les plus fortunées diminuaient, les Français qui appartiennent aux classes moyennes et populaires payaient plus de TVA : 200 milliards ont ainsi abondé les caisses de l'État et ont servi à compenser les cadeaux fiscaux des plus riches. Pour les classes populaires et moyennes, les prélèvements obligatoires ont augmenté.
Avis favorable à l'amendement du Gouvernement et défavorable au sous-amendement ainsi qu'aux autres amendements.
Sur les 50 milliards de baisse d'impôt depuis 2017, 25 milliards ont profité aux entreprises et 25 milliards aux contribuables, dont 20 milliards correspondant à la suppression de la taxe d'habitation et 3 milliards à celle de la contribution à l'audiovisuel public. Environ 90 % à 95 % des baisses d'impôt ont profité aux classes moyennes. Il est faux de prétendre qu'elles n'ont concerné que les plus riches.
Certes, les Français paient la TVA mais, en comparaison avec la majorité des autres pays européens, les prélèvements obligatoires y sont plus faibles sur les citoyens et plus importants sur les entreprises.
L'idée selon laquelle la France serait un paradis fiscal ne résiste pas à l'examen. Le taux d'imposition marginal à l'impôt sur le revenu s'élève à 49 % et la flat tax se situe plutôt dans le haut de la fourchette des pays européens.
La stabilité de nos prélèvements sur la période, à 1 point près, suppose que leur rendement augmentera, d'où l'augmentation des recettes. Nos efforts portent à la fois sur elles et sur les dépenses.
Vous pouvez évidemment vous opposer à la poursuite de la baisse des impôts que nous avons engagée mais nous ne pouvons pas vous laisser dire des choses aussi caricaturalement fausses. La baisse de la taxe d'habitation a d'abord concerné les Français les plus modestes. Nous avons également augmenté les minima sociaux, la prime de rentrée scolaire et le Smic, ce qui a profité aux classes populaires.
Les Républicains sont très attachés au redressement de nos comptes publics. Le niveau des prélèvements obligatoires, en France, est très élevé puisque nous nous situons au deuxième rang des pays européens, derrière le Danemark. Il a d'ailleurs été historique en 2022, ce que nous regrettons.
Nous regrettons également que le Gouvernement n'engage pas la diminution des impôts de 2 milliards qui a été annoncée.
En 2022, nous avons dépassé pour la première fois le seuil de 1 500 milliards de dépenses publiques. Là encore, nous sommes au premier rang des pays de l'Union européenne et de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE).
Nous voterons contre les amendements de la gauche, laquelle renonce au redressement de notre pays, et contre l'amendement du Gouvernement, beaucoup moins ambitieux que la version du texte issue du Sénat.
J'ai cru comprendre que le Président de la République a évoqué une baisse d'impôt de 2 milliards avant 2027, ce qui représente 0,1 point de PIB. Or l'amendement gouvernemental pointe une hausse de 0,2 % en 2025 et de 0,1 % en 2026. Que sont donc ces « mesures nouvelles » qui justifient une hausse de 0,3 %, soit 7 ou 8 milliards ?
Ces amendements visent à rééquilibrer votre loi de programmation, construite sur un effort budgétaire reposant entièrement sur une politique d'austérité absurde et injuste dont les plus modestes et les classes moyennes sont les premières victimes.
Suppression de l'ISF, de la taxe d'habitation, baisse du taux d'impôt sur les sociétés, flat tax, réforme du barème de l'impôt sur le revenu, mort programmée de la CVAE : en six ans, vous avez fait disparaître 50 milliards de recettes, sans même parler de votre laxisme pour récupérer des dizaines de milliards d'évasion fiscale.
Pour quel résultat ? Une explosion des inégalités sans précédent. Notre pays est le champion européen en matière de versement de dividendes et de millionnaires. Pendant ce temps, 9 millions de personnes, soit 14 % de la population, sont en situation de privations matérielles, soit le niveau le plus élevé jamais atteint par cet indicateur.
Le nouveau tour de vis que vous proposez est d'une violence inouïe. Plutôt qu'une telle cure d'austérité, nous vous invitons à prendre des mesures vraiment efficaces.
La commission rejette le sous-amendement CF189 et adopte l'amendement CF169.
En conséquence, les amendements CF102, CF40, CF41 et CF42 tombent.
La commission adopte l'article 4 modifié.
Article 5 : Mécanisme de correction
Amendement de suppression CF5 de Mme Valérie Rabault
Nous souhaitons supprimer cet article faisant du Haut Conseil des finances publiques le juge-arbitre de sa politique économique. Nous constatons combien ce type d'institution est inefficace, y compris pour assurer une programmation de nos finances publiques digne de ce nom.
C'est la majorité socialiste qui a voté la ratification du Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l'Union européenne – TSCG, dit Pacte budgétaire européen – dans la loi du 22 octobre 2012, votée d'ailleurs par plusieurs signataires de cet amendement. C'est du TSCG que découle l'obligation faite à la France de prévoir ce mécanisme, lequel est également prévu par la LOLF et déjà présent dans la précédente LPFP. Avis défavorable.
Nous avons le devoir, en tant que législateurs, d'évaluer les politiques publiques et de nous rendre compte à quel point le cadre adopté en 2012 est inefficace. Jamais nous n'avons appliqué l'article 8 du TSCG disposant d'un mécanisme de sanction en cas d'échec des trajectoires fixées par la loi de programmation. Jamais une LPFP n'a été respectée. Nous vivons dans un théâtre d'ombres en discutant d'un chiffon de papier qui ne sert qu'à promettre à la Commission européenne, à force de prières, un retour à l'équilibre que les gouvernements n'assument jamais.
Je suis favorable à l'équilibre des comptes publics mais il ne passe pas par la multiplication des instruments bureaucratiques.
Je m'inquiète de la dérive antieuropéenne du Parti socialiste. Voilà un parti à l'origine de la construction européenne, qui a traduit dans le droit national le TSCG et qui reprend l'argumentaire du Rassemblement national ! Le Haut Conseil des finances publiques n'a pas vocation à légiférer à notre place : il donne des conseils. J'espère que vous reviendrez à la raison.
Nous voterons en faveur de cet amendement. Nous avons voté contre le TSCG, que vous n'appliquez d'ailleurs pas. Plus les finances publiques se dégradent, plus vous brandissez des textes inutiles ! Vous pensez que la rigueur budgétaire suivra la rigueur juridique mais les impôts augmentent toujours, les services publics et le déficit ne cessent de se dégrader. De surcroît, vous qui avez toujours tort ne cessez de donner des leçons.
On nous avait promis un débat moins politique et plus économique, or, il part désormais dans tous les sens, sans qu'il soit possible de discuter du fond.
Tout le monde peut voter en faveur de cet article, qui n'a rien à voir avec le droit communautaire. Le Gouvernement est simplement obligé d'analyser les écarts entre la loi de programmation et la loi de règlement.
La commission rejette l'amendement CF5.
Amendement CF6 de M. Philippe Brun
C'est rendre un bien mauvais service à l'Europe que de soutenir des procédures bureaucratiques inefficaces. Je suis probablement plus européen que vous ne l'êtes.
Cet amendement vise à ne pas imposer une contrainte trop forte avec les mesures de retour à la trajectoire de solde structurel. Un ajustement structurel trop fort, comme en 2013, entrave irrémédiablement la croissance.
Le Gouvernement dispose de deux ans pour agir afin de retrouver la trajectoire prévue et non de parvenir à l'équilibre. Cette trajectoire est élaborée à partir d'hypothèses réalistes, qui n'ont rien à voir avec des mesures d'austérité. Avis défavorable.
Qui était au pouvoir en 2013 ? L'année suivante, lorsque j'ai été élu maire, j'ai dû faire avec une telle politique de baisse de 10 milliards des financements publics destinés aux collectivités territoriales. Je peux vous dire que, pour le coup, ce fut une véritable cure d'austérité.
La commission rejette l'amendement CF6.
Elle adopte l'article 5 non modifié.
Article 6 : Plafond annuel des mesures nouvelles afférentes aux prélèvements obligatoires
Amendement de suppression CF7 de M. Philippe Brun
Cet article prévoit la perte de 64 milliards de ressources pour l'État. À partir de 2027, celui-ci actera une diminution de recettes de 16,5 milliards par an.
La meilleure trajectoire de retour à l'équilibre consiste à maintenir un niveau de recettes publiques correspondant à ce que sont nos services publics.
Contrairement à ce que prétend l'exposé sommaire de votre amendement, cet article protège les ressources publiques. Il empêche que les mesures nouvelles prises par le Parlement et le Gouvernement aient une incidence trop fortement baissière sur les prélèvements obligatoires. Il nous empêche donc de baisser de manière trop importante les impôts et il n'oblige en rien de diminuer les prélèvements obligatoires des montants indiqués. Demande de retrait.
Cet article ne sert qu'à se faire plaisir. Un projet de loi de finances permettra le cas échéant de procéder différemment. Une loi de programmation n'a pas de valeur normative. À quoi bon ce nouvel article ? Je voterai en faveur de sa suppression.
Le même article figurait dans la précédente loi et il s'applique également aux mesures réglementaires, ce qui constitue une garantie supplémentaire.
La commission rejette l'amendement CF7.
Amendements CF170 du Gouvernement et CF8 de M. Philippe Brun (discussion commune)
Je ne peux pas laisser dire que les mesures de baisse d'impôt n'ont bénéficié qu'aux riches depuis 2017. La suppression de la taxe d'habitation a bénéficié à tous, comme la suppression de la redevance audiovisuelle, et les baisses d'impôt sur le revenu se sont concentrées sur les deux premières tranches.
Cet amendement met à jour l'article 6 pour tenir compte de notre stratégie de poursuite de la baisse de la fiscalité, sur les entreprises, avec la suppression progressive de la CVAE, et sur les particuliers, avec la baisse d'impôt de 2 milliards annoncée par le Président de la République pour 2025, qui prolonge notre soutien à celles et ceux qui travaillent.
Nous proposons de diminuer drastiquement le montant de la dépense fiscale, de l'ordre de 2 milliards par an en 2023 et 2024, et de 1 milliard par an en 2025, 2026 et 2027.
Avec 89,6 milliards de niches fiscales distribuées en 2021, 94,2 milliards en 2022, et 89,1 milliards prévus en 2023, la marge est grande. Malgré les discours récurrents sur la nécessité de plafonner les niches fiscales et de les contrôler, rien n'est fait. C'est pourquoi nous proposons cette trajectoire, susceptible de limiter l'explosion de la dépense fiscale.
Je suis favorable à l'amendement du Gouvernement et défavorable à celui de M. Philippe Brun, qui fait selon moi une erreur d'interprétation.
L'article fixe un plafond portant sur l'impact des mesures nouvelles, par lequel le Gouvernement se lie les mains pour éviter de recourir à de nouvelles baisses de prélèvements obligatoires qui retarderaient notre retour vers l'équilibre des comptes publics.
Votre amendement est rédigé de telle sorte qu'il permet d'augmenter le recours aux dépenses fiscales et, ainsi, leur impact sur les recettes publiques. Ce n'est probablement pas votre intention et je vous invite donc à le retirer. Le Gouvernement a proposé cet amendement pour tenir compte de la baisse progressive, puis de la disparition, de la CVAE.
Notre amendement visait bien à plafonner l'incidence des mesures fiscales : nous n'avons pas fait de contresens.
La dernière ligne du tableau concerne le taux applicable aux cotisations sociales. J'ai posé tout à l'heure une question à laquelle ni M. Le Maire ni M. Cazenave, n'ont répondu : à quoi correspond la hausse de recettes de 0,2 point de PIB, soit 5 milliards, prévue sur les Asso en 2024 ? Comment cette hausse va-t-elle s'articuler avec l'article 6 ?
Je rappelle que ce sont les 20 % des ménages les plus aisés qui ont le plus bénéficié de la suppression de la taxe d'habitation ; les 30 à 40 % de ceux qui en étaient déjà exonérés, soit totalement, soit partiellement, n'ont rien gagné avec la suppression de cette taxe.
Par ailleurs, la ligne relative aux exonérations de cotisations sociales ne tient pas compte de l'arrivée annoncée du plein emploi...
Je vous invite, monsieur de Courson, à consulter la nouvelle version du rapport, où les chiffres ont changé : pour les Asso, il prévoit + 0,1 d'effort en recettes – et plus 0,2 – et - 0,1 d'effort en dépense.
La commission adopte l'amendement CF170.
En conséquence, l'amendement CF8 tombe.
La commission adopte l'article 6 modifié.
Article 7 : Encadrement dans la durée des dépenses fiscales
Amendement CF82 de M. Philippe Brun
Il s'agit de s'assurer que toutes les nouvelles dépenses fiscales seront bornées, et pas seulement celles qui ont un caractère incitatif ou qui constituent une aide sectorielle. C'est une recommandation que la Cour des comptes a faite dans une note de juillet 2023.
La Cour des comptes a effectivement recommandé de supprimer la référence au caractère incitatif et à l'aide sectorielle. La précédente loi de programmation ne comportait pas cette précision et je suis favorable à sa suppression.
Il s'agit effectivement d'un amendement vertueux, mais le vice se cache parfois dans les détails. Je voudrais donc m'assurer que cet amendement ne s'appliquera pas aux modalités de calcul de l'impôt, notamment au quotient familial.
C'est un bon amendement. Cela fait vingt-cinq ou trente ans que, toutes tendances confondues, nous nous promettons de ne plus adopter de dépenses fiscales pour une durée supérieure à trois ans sans contrôle. La seule chose que je regrette, c'est le choix de la date du 1er janvier 2023, qui rend la mesure rétroactive.
On compte environ 420 dépenses fiscales. Une dizaine de collègues pourraient très bien, même si cela représente du travail, en revoir un tiers chaque année et dire s'il convient, ou non, de les renouveler.
Pour répondre à Mathieu Lefèvre, le quotient familial n'étant pas une niche fiscale, il ne sera pas concerné par cette disposition. Je peux vous dire, même si je ne suis pas tenu de donner l'avis du Gouvernement, que je suis favorable à cet amendement.
La commission adopte l'amendement CF82.
Amendement CF136 de M. Philippe Lottiaux
Il importe de mieux évaluer les dépenses fiscales, mais je ne suis pas certain que la disposition retenue soit la meilleure. Lorsqu'on crée une nouvelle dépense fiscale, il faut souvent attendre un an pour qu'elle s'applique vraiment. Et on voudrait l'évaluer dès la troisième année ? L'évaluation ne portera donc que sur une courte période, un peu plus d'une année, et n'aura pas beaucoup de valeur. Par ailleurs, en imposant un tel rythme, il est à craindre que certaines mesures ne soient pas évaluées, faute de temps. Enfin, cette règle risque d'introduire une instabilité fiscale dans certains secteurs. Afin de disposer d'évaluations étayées, je propose donc de porter à cinq ans la durée du bornage des dépenses fiscales.
Cette durée de trois ans est le fruit d'un compromis avec le Sénat et je ne souhaite pas que nous revenions dessus. J'ajoute qu'une prorogation est possible et que l'évaluation de ces mesures au bout de trois ans ne paraît pas déraisonnable. Cette durée correspond, enfin, à celle retenue par la précédente loi de programmation. Avis défavorable.
La commission rejette l'amendement CF136.
Amendement CF112 de M. Mathieu Lefèvre
Avec cet amendement d'appel nous proposons que les dépenses fiscales puissent être évaluées par des autorités indépendantes, voire privées, et plus seulement par le Gouvernement. C'est une proposition du rapport CAP22, que j'ai reprise avec Marc Ferracci.
Je comprends votre intention, mais la notion d'autorité indépendante me paraît trop imprécise. Selon sa sensibilité, chacun pourra estimer que telle ou telle autorité n'est pas indépendante. Je vous invite donc à retirer votre amendement.
L'amendement CF112 est retiré.
Amendement CF79 de M. Mickaël Bouloux
Cet amendement ne fait que reprendre les préconisations formulées par la Cour des comptes dans une note de juillet 2023 et les recommandations nos 3 et 4 de la partie relative aux budgets verts du rapport sur l'application des lois fiscale (Ralf) que nous a présenté le rapporteur général.
Il prévoit que les rapports d'évaluation des niches fiscales prennent en compte leurs impacts économiques, sociaux et environnementaux, l'objectif étant d'étendre aux dépenses fiscales la démarche lancée avec l'évaluation écologique des dépenses budgétaires.
Vous savez notre volonté de verdir le plus possible notre budget ; nous vous proposerons d'ailleurs plusieurs initiatives en ce sens, à la fois dans ce projet de loi de programmation et dans le projet de loi de finances pour 2024. Je ne suis donc pas opposé sur le fond au dispositif que vous proposez, mais il me semble trop rigide.
Les dépenses fiscales ont des finalités différentes, qui sont indiquées chaque année dans l'annexe des voies et moyens, associée au PLF. Toutes n'ont pas une incidence environnementale. Le dispositif issu du Sénat a le mérite de proposer une évaluation adaptée à chaque dépense fiscale. Au demeurant, le budget vert de l'État analyse déjà annuellement l'impact environnemental des dépenses fiscales. Je vous invite donc à retirer votre amendement. À défaut, j'émettrai un avis défavorable.
La commission rejette l'amendement CF79.
Elle adopte l'article 7 modifié.
Article 8 : Plafond des taxes affectées
Amendement CF92 de M. Daniel Labaronne
Il s'agit de renforcer l'outil budgétaire de plafonnement des taxes affectées au budget général de l'État en supprimant la dérogation permettant de ne pas plafonner une taxe affectée à un tiers.
C'est en loi de finances que nous décidons ou non du plafonnement de chacune des taxes affectées et du niveau du plafond.
Il me semble important de préserver la possibilité de déroger au plafonnement des taxes affectées, car certaines dérogations sont justifiées : je pense par exemple aux parts de CSG – contribution sociale généralisée – affectées au fonds de solidarité vieillesse (FSV) ou à l'Unedic. Je vous invite donc à retirer votre amendement. À défaut, j'émettrai un avis défavorable.
L'amendement CF92 est retiré.
L'amendement CF109 de M. Mathieu Lefèvre est retiré.
Amendement CF9 de M. Philippe Brun
Que l'on soit pour ou contre les taxes affectées, il importe, lorsqu'elles existent, que leur dynamique bénéficie au service public qu'elles servent à financer. Nous proposons donc de supprimer la disposition prévoyant un plafonnement des impôts et taxes affectés. Du reste, nous pouvons très bien décider de supprimer celles qui ne remplissent pas leur fonction.
Je ne suis pas certain de suivre votre raisonnement. Le plafond n'a pas pour objet de limiter les recettes affectées, puisque c'est nous qui en votons le montant chaque année et que nous l'ajustons le cas échéant en fonction de l'évolution prévue de la taxe. En aucune manière il ne vise à baisser ou à réguler la taxe affectée. Il s'agit seulement de s'assurer que, s'il y a des recettes exceptionnelles, elles iront au budget de l'État.
La commission rejette l'amendement CF9.
Amendement CF155 de M. Mathieu Lefèvre
Nous avons une différence d'appréciation avec M. Brun : pour ma part, je considère que le plafonnement est vertueux parce qu'il obéit au principe d'universalité budgétaire. Si l'on finance tout avec des taxes affectées, il n'y aura plus d'armée dans ce pays : il est donc nécessaire de prévoir un plafonnement.
Cet amendement vise à établir la liste de l'ensemble des taxes affectées qui ne sont pas plafonnées. Je précise que le plafonnement n'est pas nécessairement mordant mais qu'il peut être reconduit d'une année sur l'autre, à la hauteur de la taxe qui est escomptée.
Avis favorable. Le tome I de l'annexe des voies et moyens dresse la liste des taxes affectées plafonnées, mais pas celle des taxes affectées non plafonnées, et il ne précise pas ce qui justifie l'absence de plafonnement.
Cet amendement améliore l'information du Parlement : j'y suis favorable.
Je ne suis pas fondamentalement en désaccord avec Mathieu Lefèvre : comme lui, je pense qu'il y a trop de taxes affectées. Ce que je dis, c'est que le plafonnement a des effets pervers et que certains organismes voient leur trésorerie ponctionnée par l'État : l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (Afitf), pour 37 millions l'année dernière ; le Fonds national d'aide au logement (Fnal) pour 45 millions ; l'Institut national de la propriété industrielle (Inpi) pour 30 millions, ou encore l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN), pour 200 000 euros. Nos établissements publics fonciers, en région, se font eux aussi ponctionner, tout comme nos chambres de commerce et d'industrie, qui sont pourtant déjà en difficulté.
La commission adopte l'amendement CF155.
Elle adopte l'article 8 modifié.
Article 8 bis : Précision des moyens financiers dans la loi déterminant les objectifs et fixant les priorités d'action de la politique énergétique nationale
Amendements CF129 de Mme Eva Sas et CF165 de M. Jean-René Cazeneuve (discussion commune)
Nous nous félicitons de l'ajout de l'article 8 bis par le Sénat. Issu d'un amendement que nous avions déposé à l'Assemblée nationale et qui a été repris par nos collègues sénateurs écologistes, il associe des moyens à la future loi de programmation sur l'énergie et le climat. Avec cet amendement, nous proposons de préciser la manière dont ces financements seront répartis entre l'État et les collectivités.
Ce que nous voulons, c'est une loi de programmation du financement de la transition écologique, comme celle dont bénéficient les armées, la recherche, la justice et la sécurité. Pour l'instant, nous ne la voyons pas venir, et ce que propose l'amendement CF165 n'est pas une loi de programmation. Or la transition écologique en a besoin.
M. David Amiel et plusieurs députés très impliqués sur cette question ont déposé un amendement qui a été jugé irrecevable. Comme m'est ouverte la faculté de déposer des amendements en dehors des délais, je l'ai légèrement modifié pour qu'il soit recevable.
Je voudrais que personne ne doute de notre volonté de respecter nos engagements en matière de réduction de nos émissions de gaz à effet de serre. Pour ce faire, nous avons engagé un travail de fond avec le secrétaire général du Gouvernement, qui est directement rattaché à la Première ministre. Ce travail a fait suite à de longues concertations avec tous les experts afin de préciser clairement, secteur par secteur, ce qui relèvera de l'État, des collectivités, des entreprises et des particuliers. Il faut à présent concrétiser l'effort financier que chacun des acteurs devra fournir pour atteindre ces objectifs. C'est le sens de cet amendement, qui vise à ajouter, après le I de l'article L. 100-1 A du code de l'énergie, un I bis ainsi rédigé :
« I bis. – Le Gouvernement transmet chaque année au Parlement, avant le début de la session ordinaire, une stratégie pluriannuelle qui définit les financements de la transition écologique et de la politique énergétique nationale. Cette stratégie est compatible avec les objectifs mentionnés aux 1° à 6° du I ainsi qu'avec la programmation des moyens financiers mentionnée au 7° du même I. Elle peut donner lieu à un débat à l'Assemblée nationale et au Sénat. »
J'espère que cet amendement suscitera l'adhésion de tous les partis, car il représente une étape très importante, en ce qu'il concrétise notre engagement financier au service de nos objectifs ambitieux. J'invite Mme Sas à retirer le sien.
L'idée selon laquelle il faut une loi de programmation pluriannuelle sur les questions environnementales fait débat. Pour ma part, je me méfie un peu des amendements qui tendent à passer par la voie d'un rapport et je pense qu'il faut une loi.
Cet amendement part d'une conviction simple : pour mener à bien la planification écologique, nous avons besoin d'une planification budgétaire. C'est à la fois un enjeu de crédibilité, comme le rapport de Jean Pisani-Ferry et Selma Mahfouz l'a montré, et un gage d'efficacité, parce que tous les acteurs qui investissent, forment et produisent ont besoin de se projeter à moyen et à long terme. Je sais que nombre de nos collègues sont sensibles à cette question : je pense en particulier à Mme Eva Sas, mais aussi à M. Pierre Cazeneuve, qui s'était engagé sur cette question dès l'année dernière. Nous avons eu beaucoup d'échanges avec les experts, notamment avec l'Institut de l'économie pour le climat (I4CE), qui plaide aussi en ce sens.
Cet amendement vise à conserver l'apport du Sénat et à aller plus loin. Nous estimons que ce n'est pas seulement une fois tous les cinq ans, au sein de la loi de programmation sur l'énergie et le climat, mais tous les ans qu'il faut proposer une stratégie pluriannuelle, afin d'ajuster les moyens alloués à la transition énergétique en fonction de l'évolution des défis environnementaux. Il paraît essentiel que le Gouvernement présente chaque année sa programmation pluriannuelle : nous pourrons ainsi en débattre et cela irriguera nos textes financiers.
Cet amendement va dans le bon sens mais, je le répète, ce dont nous avons besoin, c'est d'une loi de programmation, comme celle dont bénéficient d'autres secteurs stratégiques.
Pourquoi importe-t-il d'avoir une loi de programmation ? D'abord, parce qu'elle sera débattue et votée par l'Assemblée. Ensuite, parce qu'elle sacralisera l'évolution des financements consacrés à la transition écologique. Nous avons vu tout à l'heure, lors de l'audition du président du Haut Conseil des finances publiques, que les ministères qui ne bénéficient pas d'une loi de programmation allaient devoir réduire leurs dépenses de 1,8 %. Ce que vous proposez va dans le bon sens mais n'est absolument pas suffisant.
Sur le fond, nous avons besoin de débattre de ces questions qui sont absolument essentielles pour l'avenir de notre pays, et l'abandon annoncé par le Gouvernement de la loi de programmation pluriannuelle sur l'énergie et le climat n'est pas un bon signe.
Sur la forme, vous nous avez dit, monsieur le rapporteur général, que vous aviez retravaillé un amendement de notre collègue David Amiel, qui avait été jugé irrecevable. Je ne suis pas sûr que cela soit satisfaisant, si seuls les députés de la majorité peuvent bénéficier de cette solution : cela s'apparente à une rupture d'égalité.
Nous avons longuement débattu de ce projet lors des dialogues de Bercy ; la plupart des groupes représentés étaient favorables à une stratégie pluriannuelle de financement de la transition écologique. L'amendement CF165 va dans ce sens. Ce dispositif permettra d'établir un cadre à même de rendre les financements transparents – ils sont nombreux, un document qui les recense sera utile – et d'organiser un débat annuel à l'Assemblée et au Sénat. Il s'agit d'un progrès significatif, attendu de longue date. Avis favorable.
Nous visons le même objectif, madame Sas. Toutefois le dispositif de l'amendement CF165 permet à la fois de disposer chaque année d'un document mis à jour et d'organiser un débat au Sénat et à l'Assemblée, contre un débat tous les cinq ans dans le cas d'une loi de programmation. De plus, il serait opérationnel rapidement. Une loi de programmation n'est pas davantage contraignante.
Le président de la commission et le rapporteur général peuvent déposer des amendements hors délai : n'hésitez pas, monsieur Brun, à faire appel à nous – sauf si votre amendement a été jugé irrecevable en application de l'article 40 de la Constitution.
Successivement, la commission rejette l'amendement CF129 et adopte l'amendement CF165.
Amendements identiques CF43 de M. Éric Coquerel et CF44 de M. David Guiraud
J'estime également qu'une loi de programmation pluriannuelle est indispensable ; en l'attendant, ces amendements identiques visent à évaluer les moyens financiers nécessaires pour atteindre les objectifs visés en matière de transition écologique, en prenant notamment en considération les objectifs de financements publics pour les secteurs essentiels dans ce domaine, les moyens des opérateurs publics, et les objectifs de réduction des dépenses publiques néfastes pour le climat et la biodiversité. Nous voulons éviter que la rigueur budgétaire, en particulier appliquée aux opérateurs, n'abaisse toutes les ambitions.
Ces amendements sont satisfaits par l'adoption de l'amendement précédent, qui va même plus loin. Avis défavorable.
La commission rejette les amendements CF43 et CF44.
Amendement CF161 de Mme Julie Laernoes
La stratégie nationale bas-carbone (SNBC) fixe l'objectif de 370 000 rénovations thermiques complètes très performantes par an jusqu'en 2030, puis de 700 000. Or nous en sommes loin, avec quelque 70 000 rénovations globales achevées en 2022. L'absence de programmation sur le temps long des crédits et des aides publiques affectés à cette politique constitue une des causes de cet échec.
Mme Julie Laernoes est corapporteure de la mission d'information sur la rénovation énergétique des bâtiments. Le présent amendement, qu'elle a déposé, vise à assortir la loi de programmation sur l'énergie et le climat (LPEC) d'un rapport présentant le niveau des dépenses publiques affectées à la rénovation énergétique des bâtiments, pour l'ensemble de la période.
La LPEC fixe des objectifs en matière de rénovation énergétique, objectif prioritaire du Gouvernement et de la majorité. Le présent article prévoit déjà une programmation des moyens financiers. En outre, on constate une augmentation des crédits alloués à cette politique : le projet de loi de finances pour 2024 prévoit déjà d'affecter 7 milliards d'euros supplémentaires à la planification écologique ; le budget de l'Agence nationale de l'habitat (Anah) augmentera de 1,6 milliard en autorisations d'engagement (AE), soit une hausse de plus de 25 % des engagements consentis pour financer MaPrimeRénov' ; la rénovation énergétique de l'immobilier d'État bénéficiera de 550 millions d'euros ; pour le fonds vert, les autorisations d'engagement sont maintenues à hauteur de 2,5 milliards d'euros : on verra si les décaissements visant à soutenir les investissements des collectivités territoriales ont augmenté, en particulier pour rénover les écoles. L'effort est là !
Vous ne cessez de rappeler ce chiffre de 1,6 milliard, mais il ne s'agit que d'autorisations d'engagement : les crédits de paiement (CP) se montent à seulement 500 millions. De plus, selon le rapport établi par M. Guillaume Gontard, au nom de la commission d'enquête du Sénat sur l'efficacité des politiques publiques en matière de rénovation énergétique, présidée par Mme Dominique Estrosi Sassone, il faut 1,6 milliard de CP pour financer la rénovation des logements privés et 1,5 milliard pour celle des logements sociaux, tout aussi importante. On est loin de l'effort nécessaire.
Il faut au minimum une loi de programmation de la rénovation thermique : tous les acteurs veulent de la visibilité, et une politique globale est nécessaire, s'agissant notamment des barèmes, qui doivent favoriser la rénovation globale.
La commission rejette l'amendement.
Amendement CF162 de Mme Julie Laenoes
Pour renforcer l'article 8 bis, qui prévoit d'intégrer la question des moyens financiers à la LPEC, il vise à quantifier les investissements réalisés, afin de mesurer précisément l'effort consenti en faveur de la transition écologique.
L'amendement CF165, que nous avons adopté, prévoit déjà un document annuel. Les rapports annuels de performances (RAP) établissent la consommation effective des crédits. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.
La commission rejette l'amendement CF162.
Amendement CF20 de M. Mickaël Bouloux
Cet amendement en reprend un autre dont il a été question tout à l'heure, déposé par M. Pierre Cazeneuve lors de l'examen du texte en première lecture, et adopté en commission. Il est peut-être déjà satisfait par l'adoption de l'amendement CF165.
Nous partageons le même objectif. Nous devons accélérer la transition écologique et tenir des engagements pluriannuels : on ne peut, du jour au lendemain, transformer des industries, faire évoluer les compétences des Français et mobiliser des fonds, qu'ils viennent des collectivités territoriales ou de l'État. Une planification est indispensable.
Le dispositif que nous avons adopté présente plusieurs avantages : la stratégie pluriannuelle est transversale et prend en considération tous les volets de la transition écologique, y compris la politique énergétique. Elle repose sur les objectifs déjà fixés, notamment la réduction de 55 % des émissions de gaz à effet de serre avant 2030. Enfin, elle sera révisée chaque année, contrairement à un document quinquennal, et pourra donner lieu à un débat annuel au Parlement. Il est plus opérationnel que celui que vous soutenez. Je vous propose donc de retirer votre amendement ; à défaut, j'émettrai un avis défavorable.
L'amendement CF20 est retiré.
La commission adopte l'article 8 bis modifié.
CHAPITRE II
Le cadre financier pluriannuel des administrations publiques centrales
Article 9: Objectif de dépenses de l'État
Amendements CF173 et CF177 du Gouvernement, CF10 de M. Philippe Brun, CF142 de M. Philippe Lottiaux et CF171 du Gouvernement (discussion commune)
Le premier amendement est rédactionnel.
Le deuxième vise à clarifier la définition du périmètre des dépenses de l'État, en particulier concernant les comptes d'affectation spéciale.
Nous conservons les modifications apportées par le Sénat en faisant du périmètre des dépenses de l'État un plafond de dépenses, et non une cible.
Enfin, l'amendement CF171 vise à mettre à jour les plafonds des périmètres, sur le fondement des informations nouvelles et des dernières données de la programmation pluriannuelle des crédits. Les plafonds des dépenses du périmètre atteindront ainsi 496 milliards d'euros en 2023 et 519 milliards en 2027. Cette évolution est cohérente avec la trajectoire de rétablissement des comptes publics que défend le Gouvernement.
J'avais déposé cet amendement à l'article 12 mais il a été déplacé à l'article 9 ; il n'a aucun sens ici. J'en déposerai un similaire pour l'examen en séance.
Avis favorable aux trois amendements du Gouvernement. La progression des dépenses est moins rapide que prévu, cela va dans le bon sens.
Les amendements CF10 et CF142 sont retirés.
La commission adopte successivement les amendements CF173, CF177 et CF171.
Elle adopte l'article 9 modifié.
Article 10: Objectif d'exécution des schémas d'emplois pour la période 2023-2027
Amendement de suppression CF45 de Mme Marianne Maximi
L'article 10 tend à supprimer un poste de fonctionnaire sur vingt au cours des quatre prochaines années. M. le ministre délégué nous a accusés d'avoir une vision misérabiliste, alors que nous croyons au service public, contrairement à vous, qui le tiers-mondisez. En Haute-Vienne, sur le seul mois de décembre 2022, 100 classes ont été privées de professeur et la situation va encore s'aggraver, puisque la charge pèse sur ceux qui restent : certains vont partir. Cet été, la moitié des services d'urgence ont fermé, faute de personnel ; ceux restés ouverts ont dû assurer toute la prise en charge – certains patients sont restés neuf jours sur des brancards. L'adoption de cet article provoquera de la misère.
Je vous propose de retirer votre amendement au profit du CF152 de M. Charles Sitzenstuhl, qui vous satisfera puisqu'il vise la stabilité.
La commission rejette l'amendement CF45.
Amendement CF95 de M. Daniel Labaronne
Cet amendement vise un objectif plus ambitieux de réduction des effectifs des opérateurs de l'État, notamment en fusionnant des opérateurs redondants.
Je vous propose de le retirer ; à défaut, j'émettrai un avis défavorable. Nous ne voulons pas réduire les emplois de 5 % et le terme « agence » ne connaît pas de définition juridique univoque.
L'amendement CF95 est retiré.
Amendements CF115 de Mme Lisa Belluco et CF152 de M. Charles Sitzenstuhl (discussion commune)
Mon amendement vise à éviter le recul des services publics. Depuis vingt ans, même s'ils ont été ici ou là renforcés, leurs moyens augmentent moins rapidement que les besoins sociaux. L'écart tend à s'aggraver, aux dépens de nos concitoyens et des agents publics, qui assistent à la détérioration du lien qui unit les services et la population, et de leurs conditions de travail.
Le débat relatif aux opérateurs de l'État est ouvert depuis une vingtaine d'années. Le rapport d'information de Lise Magnier et Jean-Paul Mattei sur l'évaluation des relations entre l'État et ses opérateurs, publié en 2021, est assez complet.
Le présent amendement vise la stabilité ou la diminution des schémas d'emplois de l'État et de ses opérateurs, contre la stabilité dans le texte initial. Il s'agit de soutenir le Gouvernement dans ses efforts pour affermir les services publics, notamment grâce à la transformation, numérique par exemple, et aux lois de programmation, pour les ministères régaliens.
L'adoption de l'amendement CF115 viderait l'article de sa substance ; le PLF prévoit déjà un plafond des autorisations d'emplois de l'État et de ses opérateurs, contrairement à votre rédaction, « évolution raisonnée », qui ne fixe aucun objectif. La logique globale de stabilité n'empêche pas d'augmenter les effectifs dans les secteurs où c'est nécessaire, comme nous l'avons fait en 2023.
Successivement, la commission rejette l'amendement CF115 et adopte l'amendement CF152.
Elle adopte l'article 10 modifié.
Article 11: Plafond des autorisations d'emplois pour le budget general et les opérateurs de l'État
Amendements de suppression CF11 de M. Philippe Brun et CF116 de Mme Lisa Belluco
Cet amendement vise à supprimer la trajectoire pluriannuelle des plafonds d'emplois. Il manque beaucoup d'emplois publics dans les hôpitaux, dans les administrations publiques en milieu rural, dans l'éducation nationale – la situation en cette période de rentrée est terrible.
Les citoyens demandent plus de service public – plus d'éducation, de santé, de police notamment. Si cet article était adopté, ils ne pourraient être exaucés, même en cas de crise. Nous devons disposer de marges de manœuvre, en particulier pour satisfaire à leurs attentes.
Il ne faut pas confondre le plafond et la vacance sous plafond, c'est-à-dire la différence entre le plafond d'emplois voté dans la loi de finances et la consommation constatée l'année précédente, corrigée de l'incidence des schémas d'emplois. Il ne s'agit pas d'une contrainte pesant sur le schéma d'emplois, mais d'une règle de bonne gestion. Avis défavorable.
La commission rejette les amendements CF11 et CF116.
Amendements CF120 de M. Charles Sitzenstuhl et CF91 de M. Daniel Labaronne (discussion commune)
Cet amendement vise à instaurer, pour les opérateurs, une trajectoire plus ambitieuse que celle prévue dans le texte, modifiée par le Sénat, en la fixant à 3 % pour chacune des trois prochaines années.
Pour assurer une meilleure gestion, je propose de réduire le plafond des autorisations d'emplois des opérateurs de l'État. Il s'agit d'une recommandation de la Cour des comptes, reprise dans le rapport d'information sur l'évaluation des relations entre l'État et ses opérateurs.
Je salue votre souci de bonne gestion, mais nous souhaitons conserver le chiffre de 5 %, issu d'un compromis avec le Sénat et conforme aux évolutions constatées. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.
L'amendement CF91 est retiré.
La commission rejette l'amendement CF120.
Elle adopte l'article 11 non modifié.
Membres présents ou excusés
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire
Réunion du lundi 25 septembre 2023 à 16 heures 30
Présents. - M. Franck Allisio, M. David Amiel, Mme Christine Arrighi, M. Karim Ben Cheikh, M. Mickaël Bouloux, M. Philippe Brun, M. Frédéric Cabrolier, M. Sylvain Carrière, M. Michel Castellani, M. Jean-René Cazeneuve, M. Florian Chauche, Mme Sophia Chikirou, M. Éric Coquerel, M. Charles de Courson, M. Dominique Da Silva, Mme Marie-Christine Dalloz, Mme Christine Decodts, M. Benjamin Dirx, Mme Stella Dupont, Mme Sophie Errante, Mme Marina Ferrari, M. Luc Geismar, Mme Félicie Gérard, M. Joël Giraud, Mme Perrine Goulet, Mme Nadia Hai, M. Alexandre Holroyd, M. François Jolivet, M. Daniel Labaronne, M. Emmanuel Lacresse, M. Michel Lauzzana, M. Marc Le Fur, Mme Constance Le Grip, M. Pascal Lecamp, Mme Charlotte Leduc, M. Mathieu Lefèvre, M. Philippe Lottiaux, Mme Véronique Louwagie, Mme Lise Magnier, M. Louis Margueritte, M. Damien Maudet, Mme Marianne Maximi, M. Benoit Mournet, Mme Christine Pires Beaune, M. Christophe Plassard, M. Sébastien Rome, M. Xavier Roseren, M. Alexandre Sabatou, M. Michel Sala, M. Nicolas Sansu, Mme Eva Sas, M. Charles Sitzenstuhl, M. Jean-Philippe Tanguy, M. Jean-Marc Tellier
Excusés. - M. Christian Baptiste, M. Tematai Le Gayic, M. Jean-Paul Mattei, Mme Mathilde Paris