Nous en venons à la discussion générale. Nous entendrons d'abord le rapporteur général, auquel succéderont les orateurs des groupes, qui disposeront de deux minutes chacun.
Vous nous dites qu'il est quasiment indispensable d'adopter une loi de programmation des finances publiques. À cela j'objecterai, d'abord, que je n'en connais pas une qui ait été respectée, l'écart entre la loi et la réalité étant souvent substantiel. Certes, ce n'est pas toujours le fait du gouvernement : des crises peuvent l'expliquer – et, eu égard à la situation internationale, on doit s'attendre à ce que ce type de crises se reproduise fréquemment à l'avenir. En tout état de cause, cela n'a pas empêché de gouverner le pays.
Quant à considérer qu'il serait pratiquement obligatoire de voter ce projet, je rappelle qu'il s'agit d'un texte non pas simplement technique, mais bien politique, qui présente une trajectoire des finances publiques reposant sur une méthode et une analyse macro-économique. Il est heureux que les oppositions ne soient pas contraintes de donner un blanc-seing à une politique avec laquelle elles ne sont pas d'accord.
J'en viens à nos obligations vis-à-vis de Bruxelles, sujet que je souhaite aborder sans esprit polémique. J'ai regardé objectivement les choses et j'ai fait part de cette analyse aux membres du bureau et aux représentants des groupes. Cette analyse a circulé parmi tous les commissaires. Le rapporteur général a par la suite demandé des explications complémentaires au ministre.
Je ne conteste pas le fait que le vote de la LPFP soit un des jalons au regard desquels sera décidé le versement des sommes par Bruxelles,, mais, selon moi, on ne peut affirmer avec certitude que ce seul jalon fera obstacle au versement. J'ai bien relevé, monsieur Cazenave, que dans votre réponse au rapporteur général vous citiez deux courriers qui vous ont été envoyés par la Commission européenne les 6 et 21 septembre. Mais je constate que la Commission européenne indique dans ces courriers qu'« […] Afin de mener à bien notre évaluation, nous vous saurions gré de bien vouloir nous tenir informés de façon régulière de l'avancée de la procédure d'adoption de la LPFP 2023-2027 et de nous communiquer ce texte via FENIX une fois ce dernier adopté ». Il n'est pas dit qu'il s'agit d'un prérequis au versement des 10,3 milliards. À moins que ces deux courriers comprennent d'autres éléments plus contraignants. Dans ce cas, je vous invite à nous les transmettre dans leur intégralité pour la clarté de nos débats, monsieur le ministre.
Il est indiqué que si, à l'occasion de son évaluation, la Commission estime que des cibles et jalons ne sont pas atteints, elle peut prévoir une réduction des autres versements. Mais il s'agit bien d'une des décisions que peut prendre la Commission, pas d'un veto automatique. Il lui reviendra de trancher.
J'en viens à la signification politique de cette trajectoire.
Je regrette que, pour élaborer ce projet, on ne soit pas parti des besoins essentiels des Français dans les années à venir – notamment en matière climatique et environnementale – afin de déterminer ensuite le niveau des impôts, des dépenses publiques et des déficits. L'objectif principal du projet est de réduire les déficits publics à 2,7 % en 2027.
Or je considère que la dette écologique est prioritaire, parce qu'elle ne peut être ni négociée ni annulée. C'est elle qui devrait déterminer notre avenir en matière de finances publiques, car elle est d'importance pratiquement vitale. On ne prend pas non plus en compte d'autres besoins qui ne font qu'augmenter. M. Pierre Moscovici a ainsi admis tout à l'heure qu'il faudrait probablement 1,9 milliard de dépenses supplémentaires pour répondre aux besoins dans les Ehpad. On ne prend pas non plus en considération les besoins en matière de logement – dont vous avez admis l'ampleur. La situation dans ce secteur menace notre pays d'une véritable implosion sociale. Et je ne reviens pas sur la santé.
Tout cela nous amène à nous interroger sur la dette. Même si le Haut Conseil des finances publiques (HCFP) a réévalué la charge de celle-ci en estimant qu'elle passerait à 84 milliards en 2027, cela ne représente pas un doublement de sa proportion dans le PIB par rapport à aujourd'hui. Cette charge sera incontestablement plus importante, mais on a trop souvent tendance à la présenter comme une sorte de tonneau des Danaïdes. La dette permet aussi d'investir et crée donc de la richesse. Il faut considérer ce qu'elle permet de faire pour juger de la pertinence de son niveau. Sinon cela reviendrait par exemple à se focaliser seulement sur les intérêts d'emprunt que paye un ménage, sans considérer le fait qu'au bout du compte il sera propriétaire d'un bien immobilier.
Le président du HCFP a estimé que, pour atteindre ses objectifs, le projet de LPFP supposait 12 milliards d'économies pérennes de dépenses publiques à partir de 2025 – lesquelles ne sont pas documentées. D'où proviendront-elles ? J'ai compris qu'il ne fallait pas compter sur la fiscalité, puisque Bruno Le Maire a annoncé à l'avance une baisse supplémentaire de 2 milliards d'impôts pour les ménages en 2025 et que vous avez programmé la baisse de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE). Cela signifie donc qu'il y aura une baisse drastique des dépenses publiques. J'appelle cela de l'austérité.