Je veux d'abord tordre le cou à un mot qui a été souvent employé mais ne me paraît pas approprié : celui de « chantage ». Un gouvernement ne fait pas de chantage au Parlement. Chacun prend ses responsabilités : nous prenons les nôtres et chacun d'entre vous est libre de prendre les siennes.
Ma responsabilité de ministre des finances est de dire les choses clairement : selon toute vraisemblance, si ce texte n'est pas adopté, nous ne toucherons pas le versement européen de 10,3 milliards d'euros en 2023, ni le versement suivant prévu pour début 2024. Je cite le courrier que nous a adressé la Commission européenne à propos du jalon 7-13 relatif à l'évaluation de la qualité des dépenses publiques : « Afin de mener à bien notre évaluation, nous vous saurions gré de bien vouloir nous tenir informés de façon régulière de l'avancée de la procédure d'adoption de la LPFP 2023-2027 et de nous communiquer ce texte […] une fois ce dernier adopté. » Chacun est libre d'interpréter ces mots comme il l'entend, mais la Commission dit bien qu'elle estime ne pas être en état de mener son évaluation si elle ne dispose pas de la LPFP. Est-il certain que le versement ne serait pas effectué ? Non. Est-ce fortement probable ? Le risque est-il trop élevé au regard de la situation de nos finances publiques ? Oui.
Si cela ne vous convainc pas, je vous rappelle que l'adoption d'une loi de programmation des finances publiques est, de toute manière, une obligation nationale fixée dans la loi organique. Il n'y a donc à mes yeux aucun chantage, mais un principe de responsabilité tant à l'égard de ce versement européen que de la loi organique française. De ce point de vue, le vote de la loi de programmation des finances publiques est un rendez-vous majeur.
Monsieur le président, je ne pense pas qu'on puisse dire que la charge de la dette est anecdotique ou qu'elle augmente peu quand elle passe quasiment du simple au double sur la période, pour atteindre 74 milliards d'euros en 2027. On peut bien sûr s'endetter pour investir, mais quand il s'agit de financer des dépenses courantes, le recours à la dette est à mes yeux totalement irresponsable. Par ailleurs, un endettement trop élevé nous priverait de réserves dont nous pourrions avoir besoin en cas de nouvelle crise ou pour financer un certain nombre d'investissements indispensables, notamment en matière de décarbonation ou d'innovation.
Votre chiffre est exact : 12 milliards d'euros doivent encore être trouvés et documentés pour 2025. Cela justifie le maintien des procédures de revue des dépenses publiques.
Je n'ai pas un mot à retirer des propos de M. Lefèvre et de M. le rapporteur général, qui ont parlé d'or en mettant en avant le principe de responsabilité, l'importance de cette loi de programmation des finances publiques et la nécessité de dépasser nos querelles ou nos positionnements politiques pour essayer de trouver un accord sur ce texte.
Monsieur Tanguy, s'agissant du GNR, l'effort demandé aux agriculteurs nous paraît raisonnable, d'autant qu'il leur sera intégralement reversé. Alors que les accises sur le gazole s'élèvent aujourd'hui à plus de 60 centimes d'euro par litre, elles sont limitées à 3,86 centimes pour les agriculteurs français, qui jouissent donc d'un avantage très élevé – beaucoup plus élevé, en tout cas, que ceux dont bénéficient d'autres agriculteurs européens. Ce n'est que justice, et je défends les agriculteurs, mais à l'issue de très longues discussions que nous avons eues avec leurs représentants, notamment avec la Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles (FNSEA), nous sommes convenus d'augmentations de fiscalité raisonnables et continues, qui n'effaceront pas totalement l'avantage dont ils disposent. La hausse de fiscalité sera de 2,85 centimes par litre et par an : les accises sur le gazole s'élèveront donc à 6,71 centimes en 2024, à 9,56 centimes en 2025, à 12,41 centimes en 2026, à 15,26 centimes en 2027, à 18,11 centimes en 2028, à 20,96 centimes en 2029 et à 23,81 centimes en 2030, contre 60 centimes pour les autres consommateurs. Ainsi, les agriculteurs conserveront un avantage fiscal élevé puisqu'ils paieront des accises trois fois moins élevées que la normale. J'ajoute que l'intégralité du produit de cette augmentation de la fiscalité sera consacrée à l'accompagnement des agriculteurs et au financement d'une filière de carburant bio, à la fois plus respectueux de l'environnement et moins coûteux. Il s'agit de passer d'une fiscalité brune à une fiscalité verte.
Madame Maximi, j'admets qu'il y a une urgence climatique mais je rappelle que nous allons engager, dans le PLF pour 2024, 7 milliards d'euros de dépenses supplémentaires qui concerneront MaPrimeRénov', les bonus pour les véhicules électriques ainsi que le soutien à la transition et à la rénovation énergétique des bâtiments. Vous parlez d'austérité, mais il me semble au contraire que nous faisons preuve de générosité puisque nous maintenons le niveau des dépenses publiques à 54 % de notre richesse nationale, soit le taux le plus élevé des pays de l'OCDE. Le rétablissement des finances publiques, la baisse de la dépense et la diminution de la dette restent de bonne politique.
Madame Dalloz, je considère toujours avec beaucoup de prudence les estimations du taux de croissance potentielle. Celles du FMI et de l'OCDE sont de 1,3 % ; quant à nous, nous avons retenu un taux de 1,35 %. Il est vrai que d'autres organismes affichent des taux beaucoup plus bas, mais ce n'est pas à cause de divergences d'interprétation : ils n'ont simplement pas intégré dans leurs calculs la réforme des retraites, qui devrait rapporter 0,7 point de PIB supplémentaire à l'horizon 2027, ni de celle de l'assurance chômage.
S'agissant des collectivités locales, le taux de – 0,5 % concerne uniquement les dépenses de fonctionnement. Nous avons cependant décidé de recalculer cet effort en y intégrant les dépenses d'investissement, ce qui nous amène au taux de – 0,3 %.
Je remercie les députés du groupe MoDem pour leur soutien à ce projet de loi de programmation des finances publiques, qui ne m'étonne pas de la part d'une formation politique qui a toujours fait du désendettement sa marque de fabrique, notamment sous l'impulsion de son président François Bayrou.
Monsieur Brun, je pense avoir déjà répondu à votre question relative au jalon européen. Tous les autres États – vous avez notamment cité l'Allemagne et les Pays-Bas – ont adopté des lois de programmation des finances publiques, mais ils n'en ont pas forcément fait un jalon dans leurs discussions avec la Commission européenne.
Je renouvelle mes remerciements à Mme Magnier et aux députés du groupe Horizons pour leur vote favorable, qui ne me surprend pas non plus.
Madame Arrighi, nos échanges de ce soir montrent à quel point notre débat est démocratique, contrairement à ce que vous avez dit.
Enfin, monsieur de Courson, le ministre délégué chargé des comptes publics répondra à votre question relative aux Asso. Il serait difficile de nous reprocher le non-respect des objectifs de croissance potentielle déterminés en 2017, c'est-à-dire avant le covid et la crise économique la plus grave que nous ayons connue depuis 1929. Comme dirait un célèbre responsable britannique, la politique, ce sont les circonstances.