La commission poursuit l'examen de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2023 (n° 273).
Depuis 2022, la mission Anciens combattants, mémoire et liens avec la nation se compose de deux programmes : le programme 169 Reconnaissance, réparation en faveur du monde combattant, mémoire et liens avec la nation ; le programme 158 Indemnisation des victimes des persécutions antisémites et des actes de barbarie pendant la seconde guerre mondiale.
Les ressources budgétaires de la mission sont à 96 % des moyens d'intervention, correspondant à des prestations servies aux ayants droit des différents dispositifs de reconnaissance, de réparation et d'indemnisation.
La mission se caractérise par une diminution tendancielle des crédits programmés et consommés, principalement en raison de la diminution naturelle du nombre d'ayants droit du fait de leur vieillissement. Le projet de loi de finances pour 2023 n'échappe pas à cette trajectoire : les autorisations d'engagement (AE) baissent de 7,7 % et des crédits de paiement (CP) de 7,4 %. Cette décroissance est essentiellement tirée par celles des deux dispositifs d'intervention emblématiques de la mission : les pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre (- 6,6 %) et la retraite du combattant (- 15,7 %).
En 2023, la diminution est toutefois atténuée par des moyens supplémentaires fléchés vers différents dispositifs et politiques de la mission. Ainsi, l'article 41 du projet de loi, rattaché à la mission Anciens combattants, mémoire et liens avec la nation, prévoit de supprimer le critère de date du droit à pension des victimes d'actes de terrorisme, pour un coût budgétaire d'un million d'euros. Je suis favorable à l'adoption de cet article, qui viendrait mettre fin à une différence de traitement qui ne se fonde sur aucun critère probant de différence de situation ou d'intérêt général.
En outre, la dotation prévue pour le dispositif de réparation à destination des harkis et de leurs familles, créé par la loi du 23 février 2022 portant reconnaissance de la nation envers les harkis et les autres personnes rapatriées d'Algérie, passe de 45,9 millions d'euros en 2022 à 60 millions d'euros.
Les crédits pour la politique de la mémoire augmentent fortement, de 3 millions d'euros (+ 17,2 %), ce qui devrait permettre en particulier d'effectuer les travaux de restauration nécessaires de notre patrimoine mémoriel.
Enfin, le dispositif expérimental de soutien aux blessés psychologiques des armées, Athos, sera pérennisé et une quatrième maison verra le jour. Je porte sur ce dispositif un regard favorable car il a le mérite d'apporter une première réponse et une lumière sur ces blessures invisibles et difficiles à résorber.
La diminution est également contenue par le maintien en 2023 des crédits d'action sociale à leur niveau de la loi de finances initiale pour 2022, ce que je salue.
Mais le ministère n'est pas au rendez-vous sur un point essentiel : la lutte contre l'érosion du pouvoir d'achat des anciens combattants. L'inflation est forte en 2022 et le restera en 2023. Or la valeur du point de la pension militaire d'invalidité (PMI) n'est pas indexée sur l'inflation, mais sur l'évolution cumulée et constatée de l'indice d'ensemble des traitements bruts de la fonction publique de l'État. Sa revalorisation de 3,5 % va certes se transmettre au point PMI dès le 1er janvier, si l'engagement pris par Mme Patricia Mirallès, secrétaire d'État auprès du ministre des armées, chargée des anciens combattants et de la mémoire, devant la commission de la défense nationale de l'Assemblée nationale le 4 octobre dernier est respecté. Mais la revalorisation ne sera pas au niveau de l'inflation.
En outre, étant donné que le décret promis par madame la ministre doit s'appliquer le 1er janvier 2023, il aurait été souhaitable qu'elle apparaisse dans un article du projet de loi de finances rattaché à la mission, comme ce fut le cas avec l'article 42 du projet de loi de finances pour 2022. Cette option aurait eu le mérite de la transparence vis-à-vis du Parlement, des associations d'anciens combattants et des citoyens, et aurait permis un débat démocratique autour de ce sujet crucial pour la mission budgétaire et la vie des anciens combattants.
Malgré cette importante réserve et quelques autres que je développe dans mon rapport spécial, je vous invite à voter en faveur de l'adoption des crédits de la mission Anciens combattants, mémoire et liens avec la nation, dans une démarche de devoir à l'égard de celles et ceux qui ont défendu la France, et pour conserver vivace notre mémoire et le lien primordial entre la nation et ses armées.
Grâce à la force du bon sens de l'opposition parlementaire, je suis heureux de l'évolution inattendue et de la considération subite née en séance publique concernant la demi-part fiscale pour les veuves d'anciens combattants. Il semblerait que le Gouvernement conserve cette mesure, malgré la mise en œuvre de l'alinéa 3 de l'article 49 de la Constitution, et j'en suis ravi.
Article 27 et état B : Crédits du budget général
Amendement II-CF563 de M. Aurélien Saintoul
Le nombre d'opérations extérieures (OPEX) a explosé au cours des dernières années et, avec elles, le nombre de blessés psychiques, qui connaissent un parcours d'accès aux soins plus complexe et plus compliqué. En effet, il est difficile d'admettre, puis d'accepter, ce type de blessure. Les armées ont réalisé un important travail et ont fait beaucoup de progrès dans la prise en charge, la création de maisons Athos en étant un bon exemple.
Au regard du nombre de blessés, les efforts sont encore insuffisants. C'est pourquoi nous souhaitons que trois nouvelles maisons Athos voient le jour, et non seulement une. Nous avons dû gager l'amendement et, la mission Anciens combattants, mémoire et liens avec la nation ne comportant que deux programmes, il a fallu le faire sur le programme 158 Indemnisation des victimes des persécutions antisémites et des actes de barbarie pendant la seconde guerre mondiale. Nous souhaitons que le Gouvernement lève le gage car il n'est pas question de diminuer les indemnités liées aux persécutions nazies durant la deuxième guerre mondiale.
Vos explications orales ne semblent pas correspondre à l'exposé sommaire. D'où ma demande de retrait.
Il n'y a pas de contradiction : le Gouvernement prévoit une nouvelle maison, nous en souhaitons deux supplémentaires, soit trois en tout cette année.
La commission rejette l'amendement II-CF563.
Amendement II-CF367 de Mme Anna Pic
Notre amendement vise à augmenter les crédits de l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre (ONACVG) de 1 million d'euros pour honorer les engagements pris dans le cadre du dispositif de réparation institué par la loi du 23 février 2022 portant reconnaissance de la nation envers les harkis et les autres personnes rapatriées d'Algérie, au titre de la solidarité nationale ainsi que de la reconnaissance des services rendus à la France.
Nous avons, nous aussi, dû gager l'amendement sur le programme 158 Indemnisation des victimes des persécutions antisémites et des actes de barbarie pendant la seconde guerre mondiale mais espérons que le Gouvernement reprendra cette mesure et lèvera ce gage.
Je partage pleinement votre préoccupation, d'autant que je suis issu d'un territoire, les Alpes-Maritimes, marqué par l'histoire des rapatriés et en particulier des harkis. Mais le projet de loi de finances prévoit déjà une forte hausse de la dotation, qui passe de 45,9 millions d'euros en 2022 à 60 millions d'euros, et cette hausse est cohérente avec le coût attendu du dispositif en 2023. En outre, je ne saisis pas dans votre exposé sommaire la justification et les intentions d'utilisation du million d'euros supplémentaire. Je m'en remettrai donc à la sagesse de la commission.
La commission rejette l'amendement II-CF367.
Amendement II-CF343 de Mme Patricia Lemoine
Comme dirait Charles de Courson, c'est un petit amendement d'appel qui propose d'allouer 150 000 euros supplémentaires à l'ONACVG afin de financer davantage d'actions pédagogiques liées au devoir de mémoire, en organisant par exemple des voyages scolaires vers les hauts lieux de mémoire comme Verdun ou Caen.
Le budget actuel, de 350 000 euros, semble insuffisant, les associations d'anciens combattants, que je rencontre régulièrement, ayant indiqué leurs difficultés à financer ce type de voyage. À un moment où la guerre est à nos portes, il est extrêmement important de sensibiliser les jeunes au devoir de mémoire.
Lors de son audition, la directrice générale de l'ONACVG ne m'a pas fait part d'un quelconque manque de moyens pour soutenir ces actions pédagogiques, mais je vous fais confiance. Je m'en remettrai à la sagesse de la commission.
Je ne suis pas sûre qu'une telle somme permette de réaliser beaucoup de voyages. Les départements sont compétents et financent différentes actions en lien avec la mémoire, comme l'acquisition de drapeaux auprès des associations d'anciens combattants. Le département du Jura soutient également l'organisation de nombreux voyages scolaires sur les lieux de mémoire. Ne peut-on laisser cette responsabilité aux territoires ? Comment l'Office sélectionnera-t-il les projets, car tous ne pourront être financés ?
Le sujet a émergé lors d'un congrès départemental du Souvenir français il y a quinze jours. J'entends les difficultés que l'amendement soulève, et c'est la raison pour laquelle j'ai indiqué qu'il s'agissait d'un amendement d'appel. Il me semble utile que nous puissions en débattre en séance, afin de sensibiliser le Gouvernement sur la nécessité d'un accompagnement supplémentaire, peut-être dans un prochain budget. Je me propose de retirer l'amendement pour le déposer en séance publique.
Vous avez raison, il est utile de sensibiliser le Gouvernement pour lui permettre d'évoluer l'année prochaine et de mettre, éventuellement, davantage de moyens à disposition.
L'amendement II-CF343 est retiré.
Force est de constater que notre attention envers le monde combattant ne faiblit pas. La majorité mène un dialogue constant avec le tissu des représentants du monde combattant et a montré à maintes reprises son attachement au renforcement des liens armée-nation et armée-jeunesse. C'est pourquoi, sans surprise, en 2023, les droits des anciens combattants sont maintenus au même titre que les moyens en faveur de la politique de mémoire. J'en profite pour souligner le soutien actif à nos militaires blessés, notamment avec la pérennisation du dispositif Athos visant à favoriser la réhabilitation psychosociale des militaires.
En tant que parlementaires, nous devons veiller à ce que la nation n'oublie pas ceux qui s'engagent corps et âme pour elle et peuvent parfois être amenés à donner la mort sur ordre, voire aller jusqu'au sacrifice suprême.
Au nom du groupe Renaissance je vous invite à voter en faveur des crédits alloués à la mission.
Nous allons soutenir l'adoption des crédits de la mission car nous le devons aux anciens combattants, après avoir obtenu une demi-part pour les veufs et veuves d'anciens combattants lors des débats sur la première partie du projet de loi de finances.
Le groupe La France insoumise regrette de nouveau la diminution des crédits. En 2021, le budget s'élevait à 2,09 milliards d'euros en AE. Il s'élève, en 2022, à 1,92 milliard. Si la baisse se justifie par la diminution du nombre de ressortissants de l'ONACVG, la pérennisation de son budget aurait permis d'améliorer leur prise en charge. En outre, le contexte inflationniste imposait un effort supplémentaire.
Enfin, la disparition des bénéficiaires les plus âgés ne doit pas occulter les nombreux blessés des dernières OPEX, dont l'accompagnement n'est pas nécessairement de même nature. C'est pourquoi nous proposions une amélioration de la prise en charge des blessés psychiques par la création d'une maison Athos supplémentaire, en plus des deux prévues par le Gouvernement. Vous avez malheureusement rejeté l'amendement. Les trois maisons ouvertes depuis 2021 prennent seulement en charge 150 personnes – soit 5 % des blessés officiellement reconnus. La création d'une sixième maison aurait permis de prévenir les conséquences d'une prochaine augmentation du nombre de blessés et d'encourager les militaires à y recourir.
Pour conclure, après le retrait de nos forces du Mali, quel est le sort réservé aux personnels civils de recrutement local de la mission Barkhane ?
Même si nous regrettons un certain manque d'ambition du budget, nous ne voterons pas contre l'adoption des crédits de la mission, mais nous abstiendrons.
La baisse de 7,38 % des crédits de paiement, conséquente, s'explique effectivement par la baisse des effectifs des bénéficiaires. Je note quelques avancées favorables, que nous sollicitions depuis de nombreuses années. Mais certains points restent en suspens : l'extension des droits en faveur des conjoints des grands invalides de guerre ; l'attribution de la carte de combattant pour les militaires déployés en Algérie après le 2 juillet 1962 et jusqu'en 1964 ; les mesures en faveur des harkis ; la revalorisation du point PMI, qui ne l'a pas été depuis quelques années.
Mme Patricia Mirallès, secrétaire d'État auprès du ministre des armées, nous avait indiqué avoir demandé une étude approfondie au sujet de la demi-part supplémentaire des veuves d'anciens combattants. La majorité des députés n'a pas souhaité attendre les conclusions de l'étude et a adopté un amendement au projet de loi de finances. C'est une juste reconnaissance.
Les députés Les Républicains continueront à soutenir sans faille le monde combattant et voteront toutes les mesures pour l'accompagner et le favoriser. Nous restons à l'écoute de ses différentes revendications. Nous voterons les crédits de la mission.
La mission Anciens combattants, mémoire et liens avec la nation constitue un trait d'union entre la société civile et le monde combattant, ainsi qu'entre les générations. C'est un moyen pour la nation de reconnaître l'engagement des anciens combattants et de les remercier.
La baisse tendancielle des crédits traduit la baisse démographique : au fur et à mesure, les anciens combattants et les victimes de l'Holocauste partent – emportant avec eux une part de notre mémoire. C'est pourquoi il faut faire plus en matière de devoir de mémoire, et je salue le travail de l'ONACVG.
Nous nous félicitons de deux changements en 2023 : l'extension du droit à pension aux victimes d'actes de terrorisme pour les attentats commis avant le 1er janvier 1982 ; l'effort de solidarité supplémentaire en faveur des rapatriés, dont à titre principal, les supplétifs, leurs conjoints survivants et leurs enfants.
Le monde combattant fait l'objet d'un large consensus, comme nous l'avons vu la semaine passée dans l'hémicycle lors du vote sur la demie part fiscale à l'ensemble des veufs et veuves d'anciens combattants. Le groupe Démocrate votera les crédits de la mission.
Le budget de la mission est en baisse de 154 millions d'euros en crédits de paiement, soit plus de 7 % par rapport au projet de loi de finances initial pour 2022. Cette baisse est principalement liée à la diminution des crédits dévolus à la retraite du combattant et aux pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre.
Au moment où le Gouvernement s'apprête à revaloriser la valeur du point PMI et la retraite du combattant, nous regrettons que les crédits de ces actions baissent fortement. Mme Patricia Mirallès, secrétaire d'État auprès du ministre des armées, a annoncé que la valeur du point PMI serait actualisée dès le 1er janvier 2023 afin de prendre en compte la revalorisation de 3,5 % accordée aux fonctionnaires le 1er juillet dernier. Alors que la retraite du combattant et le point PMI vont être augmentés pour un montant global de 41,6 millions d'euros par le Gouvernement, les crédits subissent de fortes baisses, à hauteur de 148 millions d'euros.
L'action en faveur des rapatriés augmente de 6 millions d'euros par rapport à 2022, à 100,9 millions d'euros. Pourtant, en application de la loi du 23 février 2022 précité, le droit à réparation passe de 45 millions à 60 millions d'euros, soit 15 millions d'euros. La hausse globale de l'action est donc insuffisante pour maintenir un budget constant et les autres dispositifs de soutien subissent une baisse injustifiée, de 9 millions d'euros.
En conséquence, les hausses annoncées par le Gouvernement correspondent, dans les faits, à des baisses. Le groupe Socialistes et apparentés dénonce cette forme d'insincérité budgétaire et s'abstiendra.
Simone Veil expliquait qu'elle n'aimait pas l'expression « devoir de mémoire » car notre seul devoir est d'enseigner et de transmettre. Enseigner et transmettre, c'est ce que nous devons aux anciens combattants. Nous soutiendrons toute décision ou tout amendement concernant l'aide aux conseils départementaux pour organiser cet enseignement et transmettre.
Pour sa deuxième année de mise en œuvre, le droit à réparation des préjudices subis par les harkis et les autres personnes rapatriées d'Algérie est financé. Alice Zeniter nous aura éclairés.
Comme plusieurs d'entre vous, les Écologistes ont été saisis par des associations de rapatriés au sujet du douloureux dossier des vingt-cinq supplétifs de statut civil de droit commun qui avaient déposé une demande d'allocation de reconnaissance ou effectué un renouvellement de demande d'allocation de reconnaissance entre le 5 février 2011 et le 19 décembre 2013, et qui n'ont pas engagé une procédure contentieuse dans les délais prévus suite à la réponse négative de l'administration. Face à ce mur administratif, nous plaidons pour une solution qui préserve la dignité de ces personnes et celle de leurs familles.
La baisse des moyens de l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre fait craindre une baisse d'efficacité dans l'organisation de ses missions sociales, pourtant essentielles face au vieillissement des ayants droit. Les équivalents temps plein (ETP) consacrés à l'instruction des demandes de cartes et titres sont passés de 20 en 2021 à 8,5. La réduction des effectifs a engendré une explosion du nombre moyen de dossiers traités par agent, de 1 362 à 4 285. Cette économie budgétaire – comme tant d'autres – est réalisée au détriment des anciens combattants.
La commission adopte les crédits de la mission Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation non modifiés.
Article 41 : Droit à pension des victimes d'attentats commis antérieurement au 1er janvier 1982
La commission adopte l'article 41 non modifié.
Après l'article 41
Amendement II-CF138 de M. Fabien Di Filippo
Il s'agit de répondre à la demande de reconnaissance et de réparation des pupilles de la nation et orphelins de guerre dont les parents sont morts pour la France au cours du second conflit mondial. Par trois décrets successifs de juillet 2000, juillet 2004 et février 2005, la France a consacré le droit à réparation des orphelins dont les parents ont été victimes de la barbarie nazie, morts en déportation, fusillés ou massacrés. Il est essentiel de prendre des mesures afin de s'assurer qu'aucun enfant de ceux ayant donné leur sang pour la France ne soit laissé pour compte.
La question que vous soulevez est extrêmement importante et je voudrais que votre demande ait le poids de la commission avec elle pour le débat avec le ministre en séance. C'est pourquoi j'émets un avis favorable.
Je vous remercie. Il s'agit de demander un rapport au Gouvernement dans un délai de six mois, suite à des échanges jusqu'à maintenant infructueux, afin d'aboutir dans un délai relativement proche.
Notre groupe est favorable à l'amendement car cela fait presque vingt ans que le sujet est sur la table. C'est une revendication régulière des associations d'anciens combattants, qui ne supportent pas que les décrets de 2000, 2004 et 2005 créent des différences entre ceux dont les parents ont été victimes de la barbarie nazie.
Nous avons déjà accès à toutes les informations et ressources nécessaires. Un rapport n'est donc pas nécessaire. Outre les aides de droit commun – allocations familiales ou bourses d'études –, les pupilles de la nation sont ressortissants de l'ONACVG. À ce titre, ils bénéficient déjà des secours et des dispositifs d'intervention sociale de l'établissement.
Enfin, dans ces terribles situations où l'on parle d'orphelins, il faut être conscient qu'il y a l'enfant du soldat qui meurt, l'arme au combat face à l'ennemi, et celui des déportés par le régime nazi, qui bénéficient d'un régime particulier. Et puis, il y a ceux qui ont subi un bombardement pendant la seconde guerre mondiale. Prenons le temps d'en discuter avec les associations, sans adopter un amendement de manière non réfléchie et non concertée.
Vous évoquez le rôle de l'ONACVG pour les orphelins mentionnés par cet amendement. Mais il s'agit alors uniquement d'aide sociale. Le rapport demandé par M. Di Filippo vise à rétablir l'égalité en termes d'indemnités. C'est essentiel. C'est pourquoi nous y sommes favorables.
On ne peut faire de différence entre des gens qui sont tombés les armes à la main et ceux qui ont été fusillés ou déportés, notamment parce qu'ils avaient commis des actes de résistance – parfois pacifiques. Tous ont le même mérite.
La commission adopte l'amendement II-CF138 ( amendement II-665 ).
Amendement II-CF373 de Mme Anna Pic
Il s'agit également d'une demande de rapport afin d'évaluer le caractère suffisant de la revalorisation du point d'indice, du fait notamment du niveau de l'inflation. Ce point a été bloqué pendant plus de dix ans. En conséquence, les soldes des jeunes officiers en début de carrière sont inférieures au Smic. Pour y remédier, une indemnité compensatoire est versée. Mais cette situation est fortement préjudiciable, et injuste, car l'indemnité compensatoire n'est pas prise en compte dans le calcul de la retraite.
De manière plus générale, pour tous les militaires, la hausse de 3,5 % du point d'indice ne suffit pas à combler l'inflation, de 6 % sur un an, et qui risque de rester supérieure à 3,5 % pendant encore de longs mois, voire de longues années. Nous craignons un manque à gagner important pour les militaires, alors que la France a plus que jamais besoin de vocations.
Votre amendement, d'appel, vise à engager le débat avec la secrétaire d'État en séance sur l'érosion du pouvoir d'achat. Je me suis aussi fait l'écho de cet enjeu crucial dans mon intervention. Je vais donc donner un avis favorable pour montrer que je m'associe à l'idée générale de votre amendement et j'espère que la commission des finances montrera qu'elle partage cette préoccupation.
La commission rejette l'amendement II-CF373.
Mission Défense (MM. Emeric Salmon et Christophe Plassard, rapporteurs spéciaux).
Le budget opérationnel de la défense se compose de deux programmes de la mission Défense : le programme 178, qui regroupe les crédits de préparation, de maintien en condition opérationnelle (MCO) et d'emploi des forces, et le programme 212, qui correspond aux fonctions transverses de direction et de soutien mutualisé du ministère des armées et comprend en particulier les crédits de personnel et de la condition militaire.
Pour la cinquième année consécutive, les crédits de la mission Défense sont conformes à la trajectoire de remontée en puissance définie par la loi relative à la programmation militaire (LPM) pour les années 2019 à 2025. Cette dernière ne fait que suivre une trajectoire légitime de rattrapage mettant fin à une politique d'austérité pour nos armées, lesquelles ont subi une terrible baisse de leurs moyens financiers en raison notamment de la révision générale des politiques publiques (RGPP).
L'année 2023 marque la première marche à 3 milliards d'euros de la LPM, portant le budget de la défense à 43,8 milliards d'euros, soit une hausse de 7,3 % par rapport à la loi de finances pour 2022. Le budget 2023 témoigne ainsi de l'effort de la nation au profit de son armée, dans un contexte sécuritaire instable. S'il faut saluer cet effort, il conviendra de rester vigilant quant à la poursuite et à l'accélération de cette trajectoire dans le cadre d'une nouvelle loi de programmation militaire pour les années 2024 à 2030. À ce titre, nous souhaitons une nette augmentation des moyens de nos armées, qui porterait leur budget annuel à 55 milliards d'euros d'ici à 2027.
Au sein du périmètre de mon rapport spécial, les autorisations d'engagement (AE) sont en retrait de 3,9 milliards d'euros, soit une baisse de 9,7 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2022. Cette réduction est cohérente avec le positionnement de l'année 2023 au sein de la programmation. En effet, les premiers contrats de MCO verticalisés ont été très demandeurs d'AE puisqu'il fallait passer des commandes d'équipements. Désormais, une décrue s'opère au niveau des AE ; à l'inverse, les crédits de paiement (CP) progressent de 7,6 % en 2023, ce qui traduit notamment la poursuite de l'effort en matière de MCO.
S'agissant du programme 178, je souhaite rappeler qu'il est désormais impératif de disposer d'armées préparées et d'équipements opérationnels. La menace de la haute intensité est réelle, et nous ne devons pas faiblir dans la préparation de nos armées. Au cours des auditions que j'ai menées, je me suis montré particulièrement vigilant quant à la disponibilité des matériels et des troupes de chaque armée. J'appelle votre attention sur les problèmes de disponibilité en matériel et en munitions de petit calibre.
Les crédits alloués au programme 178 augmentent de 1,2 milliard d'euros, soit une hausse de 11 % par rapport à l'année précédente. Cette évolution marque une rupture par rapport aux budgets précédents, qui prévoyaient une augmentation des crédits principalement destinée à l'acquisition et à la modernisation des équipements. Les crédits consacrés à l'entretien programmé du matériel augmentent de 550 millions d'euros. L'effort budgétaire consenti sur ce programme devrait également permettre d'augmenter le temps consacré à l'entraînement sur les matériels majeurs, ce qui me paraît essentiel dans la perspective hypothétique d'un engagement militaire de grande ampleur. À ce titre, j'ai eu l'honneur d'assister à l'exercice d'entraînement de l'armée de l'air et de l'espace Volfa 2022. C'est en intensifiant la fréquence de tels entraînements, ou d'entraînements plus importants comme l'exercice Orion qui se déroulera en 2023, que nous pourrons évaluer la capacité de nos armées à résister à un conflit de haute intensité.
La disponibilité des équipements et l'entraînement des troupes sont donc des paramètres essentiels de la remontée en puissance de nos armées. Toutefois, les hommes et les femmes qui s'engagent sont notre ressource la plus précieuse pour renforcer la résilience de notre nation. Le programme 212, qui regroupe les crédits de personnel et ceux permettant d'améliorer les conditions de vie et de travail des militaires, est donc un programme essentiel.
Les moyens budgétaires demandés pour le programme 212 sont en baisse de 1,6 milliard d'euros en AE mais connaissent une hausse de 1,3 milliard en CP, soit une augmentation de 5,8 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2022. Le PLF pour 2023 s'inscrit dans la trajectoire de remontée des effectifs du ministère des armées prévue par la LPM, avec la création de 1 502 équivalents temps plein (ETP). Cette hausse des effectifs permettra notamment de renforcer les capacités des armées dans des domaines stratégiques comme le renseignement ou la cyberdéfense. Toutefois, elle ne doit pas occulter certaines difficultés de fidélisation et de recrutement.
Pour continuer de se conformer aux ambitions de la LPM en matière de recrutement et d'acquisition de compétences, il convient de renforcer plusieurs volets de la politique de ressources humaines du ministère. Le budget 2023 prévoit 101 millions d'euros supplémentaires au titre de la dernière marche de la nouvelle politique de rémunération des militaires. Quatre nouvelles primes seront créées afin de renforcer l'attractivité des carrières et la fidélisation du personnel. Le contrat de concession « Ambition logement », conclu en février 2022 pour un engagement de 2,836 milliards d'euros, permettra la création de 3 000 logements dès les premières années de sa mise en œuvre. Quant au programme Hébergement, qui vise à améliorer le quotidien des soldats et des cadres, il bénéficiera d'un abondement de 170 millions d'euros afin de commander 4 318 places supplémentaires.
Vous l'aurez compris, le budget 2023 est ambitieux en matière de politique de défense mais insuffisant au regard de la gravité des menaces qui pèsent sur notre nation. Je vous invite à vous abstenir sur les crédits des programmes 178 et 212. Toutefois, je veillerai à l'accélération de la remontée en puissance de nos armées, notamment dans le cadre de la nouvelle loi de programmation militaire en cours d'élaboration.
Ce budget est une sorte de tuilage entre la fin d'une loi de programmation militaire accélérée et une prochaine LPM en cours de préparation, les deux exercices ne devant pas être confondus.
Le budget de la défense pour 2023 comporte 62 milliards d'euros d'AE et 53 milliards de CP, mais il faut retenir plutôt le chiffre de 44 milliards d'euros hors contribution au compte d'affectation spéciale (CAS) Pensions. Sur cette base, on constate une augmentation de 3 milliards d'euros par rapport à la loi de finances initiale pour 2022, ce qui est, pour la cinquième année consécutive, conforme à la LPM pour les années 2019 à 2025.
Il ne faut pas sous-estimer l'effort réalisé. La LPM était ambitieuse et on pouvait douter que cette marche de 3 milliards puisse être atteinte en 2023. Toutes les annuités de la LPM ont donc été respectées. Ainsi, entre 2018 et 2023, le budget de la défense aura augmenté de 36 %.
L'impact de l'inflation, qui représente environ 1 milliard d'euros, est maîtrisé. Il est compensé par un relâchement du report de charges et par la structure même des relations contractuelles dans le secteur de la défense, qui se caractérise par des contrats et une vision de long terme et donc par des possibilités d'ajustement plus importantes que pour des achats à court terme.
Le programme 144 Environnement et prospective de la politique de défense, qui comprend notamment les crédits relatifs au renseignement, à la prospective, aux études en amont et à l'innovation, est doté de 1,9 milliard d'euros, soit 7 % d'augmentation par rapport à 2022. Il faut souligner la montée en puissance des moyens humains et matériels des services de renseignement, qui bénéficient d'une hausse de crédits de 16 %, et un accroissement de l'effort budgétaire en faveur de la prospective et de l'innovation de défense, puisque 1 milliard d'euros sont prévus pour les études en amont des programmes industriels.
Le programme 146 Équipement des forces, qui est celui de la base industrielle et technologique de défense (BITD), correspond aux moyens de dissuasion, de commandement et d'information, de protection et de logistique, aux capacités d'engagement et de combat des armées ainsi qu'aux moyens de protection. Ses crédits s'élèvent à 15,4 milliards d'euros, en augmentation de 900 millions par rapport à 2022, dont 8,5 milliards pour les grands programmes d'armement, 4,65 milliards pour la dissuasion et 14 milliards de nouvelles commandes.
D'importantes livraisons arrivent à échéance en 2023 : dix-huit chars Leclerc rénovés, 264 véhicules blindés multirôles (VBMR) Griffon, Serval et Jaguar, treize avions de chasse Rafale, deux avions de transport A400M, trois avions multirôles de transport et de ravitaillement (MRTT), le deuxième sous-marin nucléaire d'attaque du programme Barracuda, un patrouilleur outre-mer (POM). On voit ici les effets du cycle long ainsi que l'inertie qui caractérise une loi de programmation militaire.
S'agissant du renouvellement des stocks de munitions, 2 milliards d'euros sont prévus en AE et 1,1 milliard en CP. Ils serviront notamment à l'achat de missiles antichars et antiaériens de moyenne portée, de missiles d'interception, de combat et d'autodéfense (Mica) et d'obus de 155 millimètres pour les canons Caesar. Il faut bien distinguer ces stocks de ceux qui ont été cédés à l'Ukraine.
Je vous invite évidemment à adopter l'ensemble des crédits de la mission Défense.
L'année 2023 sera une année charnière, entre la LPM 2019-2025 et la LPM 2024-2030 annoncée par le Président de la République.
Dans un contexte géopolitique instable marqué par une recrudescence des menaces et le retour de la guerre sur le sol européen, nous devons préserver un modèle d'armée cohérent, crédible et équilibré – ce qu'on appelle une « armée complète ». Nous devons aussi garder notre autonomie stratégique, préparer nos forces à la haute intensité, renforcer les entraînements, retrouver de la masse tout en conservant notre avance technologique dans un certain nombre de domaines et sans renoncer aux rattrapages technologiques nécessaires.
Il faudra aussi se préparer à l'économie de guerre, reconstituer des stocks de matériels et de munitions, et être capables d'augmenter rapidement et massivement la production industrielle d'armements, dans la même logique que durant la crise du covid mais en faisant preuve d'anticipation.
Il est tout aussi important de renforcer le lien entre l'armée et la nation. Cela passe par la réserve opérationnelle, mais pas seulement. On voit dans l'engagement de la population en Ukraine à quel point le lien armée-nation est essentiel pour la performance des forces armées, qui n'est pas uniquement liée au matériel dont elles disposent.
Enfin, il faut accélérer la transition écologique du ministère des armées et réduire l'empreinte environnementale des infrastructures et équipements militaires. Sur ses bases en France comme en opérations extérieures, l'armée peut être un lieu d'expérimentation en matière de politique environnementale et énergétique.
La marche de 3 milliards d'euros prévue par la LPM ne sera pas véritablement respectée l'an prochain, pour plusieurs raisons.
Tout d'abord, la hausse du point d'indice coûtera 366 millions d'euros au budget des armées en 2023. Elle n'aurait pas dû être incluse dans la marche de 3 milliards, dont elle représente plus de 10 %, mais au contraire s'y ajouter.
Ensuite, l'inflation a des effets mécaniques sur le budget de nos forces. Le coût des matières premières telles que l'acier ou le bois renchérit d'autant les opérations d'infrastructures. Il en va de même de la hausse du coût des carburants. Le projet de loi de finances pour 2023 a été construit sur l'hypothèse d'un prix du baril de 63 euros, alors que le cours du brent était de 96 euros en moyenne entre janvier et juin. On peut s'interroger quant à la sincérité d'une telle hypothèse. Quant au budget du Commissariat aux armées, il enregistre en 2022 des surcoûts évalués à près de 3 millions d'euros et qui pourraient encore augmenter quelque peu. Cela concerne principalement l'habillement, l'approvisionnement en matériel de campagne et la restauration. Le coût des denrées alimentaires a augmenté de plus de 10 % en 2022. Il a été constaté une hausse de 7,5 %, en moyenne, des prix du catalogue de l'Économat des armées, principal fournisseur du ministère des armées dans ce domaine.
À la hausse du point d'indice et aux effets de l'inflation s'ajoutent les reports de charges et le coût de la mission « Aigle » en Roumanie. Cette mission, qui n'a pas le statut d'opération extérieure (opex), pèse fortement sur le budget de la défense.
Tout cela mange la marche de 3 milliards, dont le respect n'est que facial. Ce budget ne répond pas aux besoins de nos armées ; c'est pourquoi je ne peux pas émettre un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission Défense.
Porté à 1,88 milliard d'euros en crédits de paiement, le budget opérationnel de programme (BOP) de l'armée de terre permettra de financer la hausse de l'activité et le renforcement du niveau des stocks. Pour autant, l'exercice budgétaire 2023 ne peut être décorrélé du tournant stratégique que constitue la guerre en Ukraine, dont j'ai tenu à présenter les premières leçons dans la partie thématique de mon avis budgétaire.
J'identifie trois grands axes d'amélioration.
Premièrement, il convient de compléter nos stocks et d'acquérir les équipements qui permettront aux forces terrestres de gagner la guerre de ce soir, mais aussi celle de demain. En effet, les cessions de matériels ont mis en lumière des capacités dimensionnées au plus juste, qui conduisent à écarter pour l'instant de nouvelles cessions importantes prélevées directement sur les stocks des forces terrestres. Passer d'une logique de cession à une logique de production suppose néanmoins de renforcer la réactivité des industriels de la BITD.
Deuxièmement, nous devons renforcer notre capacité à durer. La guerre en Ukraine a en effet montré la nécessité de chercher dès maintenant une plus grande efficacité des soutiens couplée à une plus grande profondeur logistique. Cela suppose de renforcer le niveau des stocks de pièces de rechange, des stocks de munitions et de prendre davantage en compte la problématique du MCO, en particulier du MCO de guerre à propos duquel des travaux sont en cours.
Troisièmement, la nécessité de consolider les forces morales passe évidemment par le doublement des réserves, qui est un objectif fixé par le Président de la République, mais cela ne saurait nous dispenser d'une réflexion sur le format de la force opérationnelle terrestre.
Je considère que le budget 2023 répond à ces préoccupations. C'est pourquoi j'émets un avis favorable à son adoption.
Article 27 et état B : Crédits du budget général
Amendement II-CF583 de M. Aurélien Saintoul.
Cet amendement vise à augmenter les crédits de la sous-action 05.80 Fonction santé de l'action 05 Logistique et soutien interarmées au sein du programme 178 Préparation et emploi des forces, au regard de l'ouverture d'un nouveau théâtre d'opérations extérieures ainsi que pour appuyer les efforts réalisés pour la mise en œuvre du plan stratégique du service de santé des armées dit « SSA 2023 ».
Le service de santé des armées (SSA) a été particulièrement mis à contribution durant la crise du covid, laquelle a mis en évidence les limites et le manque de profondeur de son budget. Le SSA a été considérablement désorganisé au cours de la dernière décennie, que ce soit par la RGPP ou par un plan de réorganisation qui a entraîné la fermeture de nombreux services. Les personnels sont en difficulté : il s'agit donc aussi de faire droit à une demande des organisations syndicales et des personnels civils, qui font partie des exclus du Ségur. Nous vous invitons donc à augmenter le budget du SSA et demandons au Gouvernement de lever le gage.
Je suis tout à fait favorable à une augmentation des ressources du service de santé des armées.
Durant la période de la précédente LPM, le SSA a perdu 8 % de ses effectifs, soit 1 600 personnes. Nous déplorons aujourd'hui une trop lente remontée en puissance de la médecine de force alors que le SSA joue un rôle essentiel, tant pour nos troupes, puisqu'il doit garantir un soutien médical de très haut niveau dans tous les engagements opérationnels, que pour la résilience de la nation, puisqu'il a été a été fortement mobilisé pendant la crise sanitaire.
La commission rejette l'amendement II-CF583.Amendement II-CF369 de Mme Anna Pic.
Cet amendement vise à abonder les crédits en faveur de la préparation des forces navales, dont le taux de satisfaction des contrats opérationnels permettant d'assurer la fonction stratégique de protection – 89 % – est le plus faible de toutes les forces armées. Les autorisations d'engagement en matière de préparation des forces navales baissent fortement, de près de 32 %, soit une baisse de 1,3 milliard d'euros, ce qui montre que l'on envisage un contrat opérationnel général plus faible pour la marine en 2023.
Le constat est particulièrement préoccupant pour la sécurité de notre zone économique exclusive (ZEE). Comme l'indique le projet annuel de performances, « le niveau de réalisation de la couverture des zones de surveillance maritime – 68 % – devrait se maintenir jusqu'en 2025, le parc des moyens aériens et maritimes restant quantitativement équivalent ». Ce taux de couverture reste très faible.
Il convient de ne pas sous-investir dans les forces navales et dans la défense de nos zones de surveillance maritime.
Nous proposons de prélever des crédits sur un autre programme, compte tenu des règles de recevabilité financière des amendements, mais nous espérons qu'en cas d'adoption de notre amendement, le Gouvernement acceptera de lever le gage.
Je suis évidemment très attaché à la préservation de l'intégrité du territoire et à la protection des Français. À ce titre, la marine nationale a un rôle de premier plan à jouer, notamment dans la couverture des zones de surveillance maritime.
La baisse de 32 % des crédits que vous mentionnez concerne les autorisations d'engagement. Cette forte diminution est liée à l'achèvement de la mise en place des marchés pluriannuels de MCO, très demandeurs en AE jusqu'en 2020. En 2023, les crédits de paiement sont en hausse de près de 9 %, ce qui témoigne d'un effort bienvenu en matière de préparation opérationnelle de la marine, notamment face au retour de la haute intensité. Toutefois, il convient d'aller plus loin et d'accélérer cette remontée en puissance. La préservation de l'intégrité de notre territoire me paraît trop essentielle pour que nous ne donnions pas à la marine les moyens nécessaires à l'exercice de cette mission. Je suis donc favorable à cet amendement, qui permettra de renforcer la défense de nos zones de surveillance maritime.
La commission rejette l'amendement II-CF369.
Amendement II-CF368 de Mme Isabelle Santiago.
Au vu de l'incertitude et de la volatilité des cours du baril, il nous semble nécessaire d'augmenter de 5 %, soit 1 651 000 euros, la dotation de nos forces armées en gazole.
En effet, les incertitudes concernant le prix des carburants sont fortes. Je tiens toutefois à souligner plusieurs éléments qui me semblent importants.
Tout d'abord, votre amendement cible uniquement la dotation pour les carburants opérationnels des forces terrestres. Chaque armée dispose de crédits destinés au financement du carburant opérationnel.
Ensuite, le PLF pour 2023 prévoit bien une hausse de crédits pour faire face à la montée du prix des carburants. Contrairement à ce que vous dites, cette augmentation est significative. Par rapport à la loi de finances initiale pour 2022, le niveau de ressources de l'armée de terre est en hausse de 17,8 %, tandis que celui des forces aériennes augmente de 19 %.
Enfin, l'article 5 de la LPM prévoit une clause de sauvegarde : si la hausse du prix des carburants est durable, des crédits supplémentaires seront ouverts en construction budgétaire pour couvrir les volumes nécessaires à la préparation et à l'activité opérationnelle des forces.
Toutefois, l'augmentation du prix des carburants pèse d'ores et déjà sur le budget de nos armées. En dépit de l'existence de la clause de sauvegarde, je ne pense pas qu'il soit nécessaire d'attendre un projet de loi de finances rectificative pour revaloriser la dotation « gazole » des armées. Avis favorable, donc.
Je ne sais pas si nos camarades de la commission des finances savent comment fonctionne le système des essences des armées. Le service de l'énergie opérationnelle (SEO) gère un compte de commerce, lequel a été doté, en 2022, de 600 millions d'euros. Cette enveloppe a été entièrement consommée dès la fin du mois d'août. Le SEO a droit à un découvert de 150 millions d'euros : il joue donc avec ce découvert et réabonde régulièrement son compte de commerce à partir du programme 178. Le fait de ne pas prévoir une dotation « gazole » suffisante mettra donc sous tension l'ensemble du programme 178 dès le début de l'année.
Pour que nos armées puissent mener leurs actions opérationnelles ou de préparation opérationnelle dans de bonnes conditions, nous devons tenir compte du cours du brent. Le budget 2022 a été construit sur l'hypothèse d'un cours du brent de 60 euros ; or il s'est établi en moyenne à 96 euros. Dans le budget 2023, le cours du brent prévisionnel est de 63 euros. Tout cela n'est pas réaliste. Il faut augmenter cette dotation dès aujourd'hui. : c'est pourquoi nous soutenons cet amendement du groupe Socialistes et apparentés.
La commission rejette l'amendement II-CF368.
Amendement II-CF376 de Mme Isabelle Santiago.
Nous proposons de mettre en place des modules de formation spécifiques pour la création d'un programme de sensibilisation aux enjeux de préservation de l'environnement au sein de nos forces armées. C'est à ce titre que notre amendement vise à abonder les crédits de formation.
Il s'agit en effet d'un enjeu important pour nos armées. Toutefois, ces dernières sont déjà pleinement investies dans la préservation de l'environnement et se préparent à faire face à l'instabilité que pourrait provoquer le changement climatique. Le ministère des armées s'est ainsi doté, en avril 2022, d'une stratégie « climat et défense » articulée autour de plusieurs axes, notamment « engager une dynamique d'adaptation de l'outil de défense aux bouleversements prévisibles induits par le changement climatique » et « poursuivre la contribution du ministère des armées aux efforts collectifs en matière d'atténuation et de transition énergétique ». De même, la stratégie de préservation de la biodiversité adoptée en 2021 vise à réduire le plus possible l'empreinte de l'activité militaire sur les espaces naturels tout en veillant à préserver la capacité opérationnelle des armées.
Je suis défavorable à cet amendement car je ne pense pas qu'il s'agisse véritablement d'un enjeu de formation.
Cet amendement reprend une proposition issue d'une mission d'information de la commission de la défense nationale et des forces armées.
La commission rejette l'amendement II-CF376.
Amendement II-CF692 de M. Jean-Philippe Tanguy.
Nous considérons, comme d'autres forces politiques, que notre domaine maritime est une force au service de la puissance française. Malheureusement, la couverture des zones de surveillance maritime reste insuffisante, puisqu'elle est de 68 %. Par ailleurs, même si nous saluons la commande de nouveaux patrouilleurs outre-mer (POM), leur livraison prochaine ne permettra que de maintenir la surveillance actuelle alors qu'il faudrait l'accroître, notamment dans la zone Antilles-Guyane et dans le canal du Mozambique, autour de Mayotte. Aussi proposons-nous de voter des crédits permettant de commander des patrouilleurs supplémentaires, d'améliorer le taux de couverture de nos zones de surveillance maritime et de renforcer les patrouilles là où les enjeux de sécurité et de souveraineté l'imposent.
La LPM prévoit la livraison de six POM entre 2023 et 2025 – deux en Polynésie française, deux en Nouvelle-Calédonie et deux à La Réunion. Le premier de ces POM doit entrer en service dans les prochains mois. Mieux vaut moderniser la flotte avant de la renforcer : la priorité immédiate est donc de sécuriser le calendrier prévu pour que les six POM commandés soient bien livrés avant 2025. Faut-il acquérir davantage de patrouilleurs outre-mer ? Nous pourrons en discuter lors des débats sur la prochaine LPM. Laissons le Gouvernement nous proposer un cadrage opérationnel et budgétaire pour la période 2024-2030. Avis défavorable.
La commission rejette l'amendement II-CF692.
Amendement II-CF582 de M. Aurélien Saintoul.
Cet amendement vise à renforcer les moyens alloués à la maîtrise des fonds marins. C'est une urgence stratégique de premier plan. En effet, les événements récents de sabotage en mer Baltique témoignent d'une évolution de la guerre hybride et de son extension aux fonds marins.
Les câbles sous-marins, de télécommunication comme électriques, sont désormais des cibles. Avec un réseau d'une trentaine de mégacâbles reliant les côtes au reste du monde, la France est le pays le plus connecté et l'un des points d'entrée de l'Europe continentale. La ville de Marseille relie à elle seule l'Afrique et l'Asie, avec huit câbles, et disposera de trois câbles supplémentaires en 2025.
La surveillance de cet espace est aujourd'hui assurée à deux niveaux. Le premier est à la charge des entreprises spécialisées, qui réalisent des contrôles réguliers afin de déceler et de localiser les anomalies. Le second niveau de surveillance dit « renforcée » est assuré par la marine nationale, qui dispose pour ce faire de moyens d'inspection des fonds marins.
À l'aune des récents évènements en mer Baltique ayant affecté la souveraineté énergétique d'autres États – je veux parler du sabotage des pipelines Nord Stream 1 et Nord Stream 2 –, nous proposons d'accélérer le lancement du processus d'acquisition de capacités matérielles et humaines dans ce domaine.
La maîtrise des fonds marins est effectivement une urgence stratégique de premier plan. Nous l'avons vu en 2019, lorsque les Tonga ont été coupées du monde du fait de la rupture d'un câble sous-marin. Plus récemment, les gazoducs Nord Stream 1 et Nord Stream 2 ont fait l'objet de fuites en mer Baltique.
Depuis 2022, une stratégie de maîtrise des fonds marins vise à protéger les infrastructures sous-marines, qu'il s'agisse de réseaux de transport d'énergie ou de câbles de communication, à protéger les ressources halieutiques et la biodiversité, à contrer les offensives sous-marines déployées depuis les fonds marins et à faire peser une menace crédible.
Le programme 146 prévoit la reconduction de 1,8 million d'euros consacrés à nos capacités hydrographiques et océanographiques, ainsi que l'inscription de 22 millions d'euros d'AE et de 3 millions de CP pour l'acquisition de drones sous-marins et de robots téléopérés. À ces crédits de la mission Défense s'ajoutent par ailleurs d'autres crédits inscrits dans le cadre du plan d'investissement France 2030. Nous considérons donc que votre amendement est satisfait.
Si le budget est largement suffisant pour traiter la question des fonds marins, pourquoi le Président de la République souhaite-t-il avancer la rénovation de la LPM au lieu de laisser le texte actuel aller jusqu'à son terme ? Ce sujet sera justement l'un des enjeux centraux de la future LPM. Nous pourrions anticiper les débats futurs et augmenter d'ores et déjà les crédits correspondants.
Les achats programmés sont des achats sur étagère dans un but d'expérimentation des matériels. Viendra ensuite une deuxième phase, où nous pourrons, sur la base des retours d'expérience, acquérir du matériel militaire plus adapté. Nous pouvons considérer que nous sommes aujourd'hui dans la première phase, qui nous permettra de prendre ensuite la direction que vous souhaitez.
La commission rejette l'amendement II-CF582.
Amendement II-CF581 de M. Aurélien Saintoul.
Si le changement climatique est un sujet de préoccupation majeur pour la communauté militaire, la prise en compte de ce phénomène a été minorée ces dernières années. Nous savons que le réchauffement climatique déstabilisera le monde, mais nous n'avons pas encore cherché à anticiper la question de la raréfaction des ressources, dont nous voyons pourtant déjà les premiers effets – je pense en particulier aux terres rares et aux hydrocarbures. Il est donc indispensable de créer un programme budgétaire à part entière dédié à la transition énergétique et à l'adaptation du ministère des armées aux conséquences du changement climatique, afin que ce sujet détermine l'ensemble des politiques de défense.
Je vous remercie d'avoir déposé cet amendement, qui me donne l'occasion de dire quelques mots sur la transition écologique. Il s'agit d'un défi pour les armées. Où trouver, par exemple, des biocarburants en plein milieu du Sahel, sachant que nos forces se positionnent souvent pour intervenir en situation dégradée ?
Le ministère des armées n'a pas attendu 2023 pour s'emparer de la question. Nous avons évoqué tout à l'heure la stratégie « climat et défense » pour une gestion durable des terrains, des bases et des casernes, une mise en œuvre de la sobriété énergétique et la mise en place d'une politique d'achats responsables. Les forces armées, notamment la marine, jouent aussi un rôle essentiel dans la protection des ressources halieutiques.
Les armées ont des choses à nous apporter dans l'adaptation au changement climatique. Sur notre territoire ou en opérations extérieures, les bases militaires sont des écosystèmes énergétiques que nous pouvons considérer comme des laboratoires, notamment sur les questions touchant à l'autonomie et à l'évolution des ressources énergétiques. Tout cela a un impact sur la logistique, qui est aussi une source de coûts non négligeables.
L'armée ayant déjà engagé le travail nécessaire sur ces sujets, je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement.
La commission rejette l'amendement II-CF581.
Nous en venons aux explications de vote des groupes sur les crédits de la mission Défense.
Le budget de la mission Défense, qui s'élève à 43,9 milliards d'euros en 2023, répond à l'impérieuse nécessité d'assurer la remontée en puissance de notre outil de défense. Il respecte à la lettre la trajectoire adoptée dans la loi relative à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025.
Dans le prolongement de notre travail collectif depuis 2017, ce budget permettra à nos armées de renforcer leur supériorité sur le champ de bataille grâce aux investissements de notre programme d'équipement et au soutien à l'innovation. Il permettra à nos militaires de bénéficier de meilleures conditions d'engagement, et à la France d'intervenir partout, sur tous les champs et dans tous les lieux où ses intérêts et sa sécurité sont menacés.
Au regard du contexte stratégique actuel, nous avons besoin d'un outil militaire crédible, équilibré et efficace pour répondre à l'impératif de protection de la défense de la nation. Notre ambition pour 2030 n'a pas changé et, objectivement, le budget 2023 respecte le cap que nous nous étions fixé.
Pour ces raisons, c'est en responsabilité que je vous invite, au nom du groupe Renaissance, à voter avec confiance les crédits de la mission Défense.
L'essentiel a été dit par notre rapporteur spécial, Emeric Salmon. Le groupe Rassemblement national va s'abstenir, pour plusieurs raisons.
On observe une augmentation des moyens alloués à la défense. C'est une bonne chose – nous n'allons pas dire le contraire puisque c'est ce que nous réclamons. En revanche, cette augmentation des moyens et des innovations est trop peu ambitieuse, dans le contexte actuel où la guerre est à nos portes. Ce budget n'est pas non plus assez ambitieux pour les outre-mer, pour lesquels nous avions proposé, dans l'un de nos amendements, d'acquérir des patrouilleurs supplémentaires. Nous ne pouvons pas voter contre une amélioration, mais nous n'allons pas non plus voter pour un manque d'ambition. Rappelons enfin que le budget de la défense est quasiment le même que celui de la charge de la dette : c'est dire à quel niveau se situe la défense au sein du budget général de l'État !
Le budget proposé est effectivement en hausse, ce que nous saluons. Néanmoins, il faut en indiquer les limites.
Il ne compense pas l'inflation et ne respecte pas la marche de 3 milliards d'euros, ce qui aura un effet tant sur la préparation opérationnelle que sur le niveau de vie de tous les personnels. Je veux d'ailleurs signaler le malaise unanimement exprimé par les personnels civils du ministère des armées durant les auditions.
Il ne permet pas non plus de boucher les trous capacitaires identifiés, notamment dans la marine, depuis plusieurs années. Tout ne devrait pas être renvoyé à la future LPM. Les besoins en munitions identifiés avant même la guerre en Ukraine ne seront pas tous satisfaits. De même, le montant alloué aux fonds marins – 3,5 millions d'euros – est d'ores et déjà insuffisant. La protection du deuxième territoire maritime du monde nécessite davantage.
Comme les précédents, ce budget manque nettement d'ambition s'agissant de la préparation et de l'adaptation au changement climatique et à la raréfaction des ressources.
Cette année encore, nous sommes dans le flou concernant le service national universel. Quels seront son format, son but, ses objectifs, ses moyens et l'implication des armées ? Encore une fois, ce sujet important est renvoyé à la LPM alors qu'on en parle comme d'un levier pour massifier nos forces.
Les programmes les plus « dimensionnants » ont été décidés ces dernières années sans que la représentation nationale soit pleinement éclairée sur les arbitrages de l'exécutif. Les programmes franco-allemands SCAF (système de combat aérien du futur), MGCS ( main ground combat system ) et Eurodrone sont présentés comme incontournables alors même qu'un sommet franco-allemand vient d'être annulé en raison du dissensus qui existe entre les deux pays. Pour notre part, nous ne pensons pas que ces projets soient incontournables sous ce format. De même, faut-il vraiment se résoudre à ce que le prochain porte-avions soit équipé de brins d'arrêt états-uniens, ce qui constitue quand même une réserve énorme quant à sa capacité d'agir de manière autonome ?
Bref, beaucoup reste à faire. Le débat sur la LPM sera dense.
Si vis pacem para bellum : force est de constater que l'environnement géopolitique a changé avec le conflit de haute intensité entre l'Ukraine et la Russie, qui nécessite des moyens différents de ceux dont disposent nos armées, lesquels sont surtout fondés sur la projection de troupes. Une telle mutation des enjeux militaires sera sans doute au cœur des débats autour de la nouvelle loi de programmation militaire.
Nos amis allemands ont reconnu que la Bundeswehr est nue et s'apprêtent à consacrer des crédits importants à leur armée, avec des moyens budgétaires supérieurs aux nôtres. Les efforts qui ont été réalisés ont été conformes à la loi de programmation militaire, qui s'achève avec une hausse des crédits de 7 %, un certain nombre de régiments étant ainsi parvenus à moderniser leurs équipements.
Le budget de la défense, par essence, est absolument régalien et compte parmi ceux qui doivent être accrus – à la différence par exemple des dépenses sociales, qu'il faudrait au contraire limiter. Notre collègue Jean-Louis Thiériot, dans l'un de ses rapports, avait recommandé de passer de 185 à 215 avions de chasse et de 15 à 18 frégates. D'autres rapports ont également pointé nos faiblesses sur le plan des munitions : qu'en est-il de notre capacité à tenir plus d'une quinzaine de jours dans le cadre d'un conflit de haute intensité ?
Deux points me paraissent positifs : la mise à niveau de l'effort de défense par rapport à la richesse nationale ; l'effort de « sincérisation » s'agissant des opérations extérieures, lesquelles n'apparaissaient que partiellement dans les crédits de la défense.
N'oublions pas qu'il y aura des surcoûts importants en 2023 et soyons conscients que le deuxième budget de la nation, avec 60 milliards d'euros, sera écrasé dans les années à venir par la charge de la dette !
L'invasion de l'Ukraine par la Russie et les menaces du Kremlin en raison de notre soutien sans faille au peuple ukrainien illustrent combien il importe que nos forces armées soient puissantes et opérationnelles.
Les crédits alloués à la mission Défense augmentent de 3 milliards d'euros, pour atteindre un niveau inédit de 43,9 milliards d'euros, conformément à la loi de programmation militaire 2019-2025. Cette LPM permet ainsi aux armées de s'adapter à un contexte stratégique international dégradé et incertain.
La priorité est d'investir dans les équipements des forces : espace, renseignement, cyber, entretien des matériels, maintien en condition opérationnelle des aéronefs. Je salue l'octroi d'1 milliard consacré à l'innovation. Peut-être faudrait-il d'ailleurs aller plus loin, la guerre en Ukraine montrant combien les besoins en matériels sont importants dans le cadre de conflits de haute intensité. Je salue également le déploiement de la nouvelle politique de rémunération des militaires, engagée en 2021 et qui s'achèvera en 2023 – il faut éviter les retards dans le versement de la solde. De la même manière, il convient de poursuivre le déploiement du plan famille : nos militaires nous protègent et nous leur devons notre reconnaissance.
Nous voterons les crédits de cette mission.
Cette mission s'inscrit dans le contexte de la guerre en Europe, la hausse sensible des tensions et la perspective redevenue crédible d'un conflit de haute intensité.
Je salue les personnels des forces armées qui concourent à la défense du territoire et qui sont engagés à l'extérieur dans des opérations de réassurance de la sécurité de nos partenaires et alliés européens.
Cette mission se présente également à un moment charnière où la LPM 2019-2025 n'est pas encore terminée et où les nouvelles orientations de celle de 2024-2030 ne sont pas encore fixées.
La nécessité de réparer nos armées le cède désormais à celle de les préparer aux défis à venir et à la perspective d'un conflit important. Plusieurs éléments laissent penser que nous n'y sommes pas encore : avec un taux de satisfaction de 89 %, le contrat opérationnel des forces navales pour la fonction de protection est le plus faible de toutes les forces armées ; les autorisations d'engagement en matière de préparation des forces navales baissent de près de 32 %, constat particulièrement préoccupant pour la sécurité de notre zone économique exclusive. La baisse des crédits est également importante s'agissant de la dissuasion nucléaire. Pourquoi les autorisations d'engagement de l'action Dissuasion diminuent-ils de près de 2 milliards par rapport à 2022, alors que la menace se fait jour à nouveau ?
Certes, ce budget est globalement conforme à la LPM 2019-2025, avec une augmentation de 3 milliards d'euros qu'il convient de saluer, mais il ne remplit pas les objectifs de la préparation aux défis futurs et à la perspective d'un conflit de haute intensité.
Notre groupe s'abstiendra donc.
Depuis 2019, le budget des armées n'a cessé de progresser de 1,7 milliard d'euros par an environ. Cette année, il augmente de 3 milliards d'euros et les crédits consacrés à l'innovation sont consolidés à hauteur d'1 milliard d'euros. Une telle hausse est bienvenue dans un contexte de dégradation géostratégique mais il convient également de travailler à l'émergence de l'autonomie stratégique européenne. Nous espérons qu'un tel objectif sera considéré à la hauteur de son importance, nul ne pouvant contester l'urgence d'une défense européenne.
Par ailleurs, notre groupe demande que, sur les trois missions essentielles, le dialogue entre le Parlement et le Gouvernement redevienne central, utile et efficace. On ne saurait se satisfaire du refus, par le Gouvernement, de réactualiser la LPM avec le Parlement ou d'estimer les surcoûts avec les commissions des affaires étrangères et de la défense et des forces armées du Sénat, de même que l'on ne peut se satisfaire des abus de la diffusion restreinte des réponses du Gouvernement aux questions parlementaires. De telles pratiques ne doivent pas se reproduire pendant cette nouvelle législature, que nous souhaitons plus ouverte et transparente.
Nous plaidons pour un processus plus réactif et transparent : il n'est pas normal que le Gouvernement distille au compte-goutte les informations sur le matériel livré à l'Ukraine : le bon fonctionnement de notre démocratie est en jeu.
Ce budget important devrait permettre de financer la poursuite du maintien en condition opérationnelle des équipements, la création de nouveaux programmes d'armement, des investissements en faveur de la défense et un renforcement des effectifs du ministère. Dès lors, si l'engagement en faveur des outils de défense est tenu, l'orientation de ce budget ira dans le bon sens. Il n'en reste pas moins que l'outil de défense va de pair avec la montée en puissance de la défense européenne et un renforcement de l'outil diplomatique. De ce point de vue, nous ne pouvons considérer que l'effort soit justement réparti. Nous nous abstiendrons donc.
La commission adopte les crédits de la mission Défense non modifiés.
Article 42 : Extension de la majoration de traitement à certains agents publics civils et militaires du ministère des Armées
La commission adopte l'article 42 non modifié.
Après l'article 42
Amendements II-CF371 de Mme Anna Pic et II-CF372 de Mme Isabelle Santiago (discussion commune).
Dans un délai de douze mois à compter de la promulgation de la loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport d'information ayant pour objectif de chiffrer les besoins en matière de préservation de l'environnement dans le domaine des armées afin d'établir des priorités et d'y consacrer un budget spécifique. Il conviendra ensuite de remettre un rapport tous les quatre ans et de réfléchir à la possibilité de la création d'une ligne budgétaire consacrée à la transition écologique dans le cadre de la mission Défense.
Un rapport parlementaire sur ce sujet a déjà été publié en mai 2021. De plus, je suis sceptique quant à la création d'une ligne budgétaire spécifique, étant entendu que les enjeux environnementaux sont transversaux. La transition écologique concerne en effet l'ensemble des dépenses de l'armée : infrastructures, gestion immobilière et financière, achats, maintenance, équipements, innovation. Le démontage de l'opération Barkhane, est-ce dans le budget OPEX ou dans le budget protection de l'environnement ?
Avis défavorable.
La commission rejette les amendements II-CF371 et II-CF372.
Amendement II-CF374 de Mme Isabelle Santiago.
Dans un délai de douze mois à compter de la promulgation de la loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport d'information permettant d'instaurer un complément de traitement indiciaire de 49 points d'indice correspondant actuellement à un montant de 189 euros nets en faveur des personnels du service de santé des armées. Il convient d'accorder une reconnaissance financière à tous ces personnels sans distinction, comme cela a été fait lors de la crise sanitaire pour les personnels civils.
Je tiens à saluer l'effort consenti par le service de santé des armées (SSA) pendant la crise sanitaire. Au-delà de cet effort ponctuel, ce personnel apporte un soutien essentiel à nos forces armées. Votre amendement me semble satisfait, l'article 42 du PLF visant justement à étendre la majoration de traitement à l'ensemble du personnel travaillant au sein d'un élément du SSA. Je vous prie donc de le retirer, sinon avis défavorable.
La commission rejette l'amendement II-CF374.
Mission Culture (MM. Alexandre Holroyd et Philippe Lottiaux, rapporteurs spéciaux).
Je vous présente les crédits des programmes 131, 224 et 361 de la mission Culture.
Leur montant cumulé s'établit à un peu plus de 2,6 milliards en autorisations d'engagement et en crédits de paiement. Ces crédits s'inscrivent dans un contexte présentant à la fois des signes d'amélioration et des motifs de vigilance.
Tout d'abord, les améliorations tiennent à la levée des barrières sanitaires et au retour de la fréquentation des lieux culturels. Même si nous devrions observer d'ici la fin de l'année une baisse de 10 % à 15 % de fréquentation, selon les secteurs, les acteurs rencontrés ont tous révisé à la hausse leurs prévisions. Une telle fréquentation a été rendue possible grâce à un soutien sans faille de l'État mais, aussi, des partenaires sociaux, avec l'année banche pour les intermittents. Selon France festivals, aucun des 7 300 festivals organisés chaque année en France n'a fait faillite au cours des deux dernières années. En France, l'exception financière s'ajoute donc à « l'exception culturelle ». Elle a été rendue possible par la mobilisation pleine et entière de l'ensemble des agents et opérateurs du ministère, que je salue pour leur engagement.
Cependant, avec la crise énergétique et les tensions salariales, tous les nuages ne sont pas dissipés. Les acteurs auditionnés m'ont fait part de leurs interrogations, auxquelles le budget 2023 s'attache à répondre.
Si ce budget se distingue par l'absence d'abondement du plan de relance, il se caractérise aussi par le financement de mesures nouvelles, à hauteur de 175 millions, autour de trois orientations.
La première porte sur les crédits du programme Création. Ils accompagnent l'installation du nouvel établissement public du Mobilier national, affermissent le soutien à l'emploi artistique et aux artistes-auteurs et relèvent les dotations des opérateurs pour tenir compte de l'inflation ; ils engagent aussi une nouvelle étape du programme « Mondes nouveaux » d'appui à la création contemporaine et soutiennent un plan d'action en faveur des métiers d'art. Ces mesures nouvelles représentent environ 90 millions.
La deuxième orientation porte sur les crédits du programme Transmission et démocratisation, qui progressent d'environ 50 millions et se caractérisent par un important effort en faveur de l'enseignement supérieur culturel d'une part et par le soutien réaffirmé à l'éducation artistique et culturelle d'autre part. Ce soutien repose notamment sur la poursuite du déploiement du pass Culture.
La troisième et dernière orientation porte sur les crédits du programme 224, qui progressent d'environ 35 millions et répondent à trois objectifs : poursuivre le rattrapage indemnitaire en faveur des agents du ministère de la culture, soutenir les dépenses numériques, renforcer l'action internationale du ministère. S'agissant du numérique, le ministère de la culture rattrape progressivement son retard en passant de 14 à 36 millions dédiés entre 2019 et 2023.
Je soutiens ce budget, mais cela ne m'empêche pas d'avoir un regard critique.
Tout d'abord, sur la gestion financière des structures labellisées. Treize labels culturels différents soutiennent trois-cent dix structures pour 225 millions. La création de ces structures résultant souvent d'initiatives locales, le ministère n'a pas la main sur elles, ce qui ne lui permet pas d'établir une trajectoire d'évolution du nombre de structures et de leur coût.
Ensuite, sur les écoles nationales supérieures d'architecture : j'ai le sentiment que nous devrions prévoir une stratégie d'évolution plus claire compte tenu de leur potentiel de développement.
Enfin, deux points sur le pass Culture. Je me souviens des critiques virulentes qu'il a suscitées, notamment de la part de la gauche. Or, avec du recul et selon les acteurs de la culture eux-mêmes dans leur écrasante majorité, ce dispositif est un vrai succès. Il convient donc de persévérer, en particulier en incitant l'ensemble des acteurs culturels à s'en saisir. Il est cependant regrettable que les apprentis n'aient pas accès à la part collective du pass Culture et que les jeunes Français de l'étranger en soient exclus. Ces deux anomalies doivent être corrigées.
Il reste encore du chemin mais la direction prise est la bonne. Je vous invite à voter en faveur de ces crédits.
Les crédits du programme 175 Patrimoines sont consacrés aux monuments historiques, aux musées de France, aux Archives nationales et aux acteurs de l'archéologie. Leur montant cumulé représente 1,11 milliard en autorisations d'engagement et 1,22 milliard en crédits de paiement.
Peut-être plus que beaucoup d'autres, le secteur du patrimoine a traversé en 2020 et 2021 une période difficile. La fermeture des sites pour raisons sanitaires puis leur ouverture réduite et la diminution du nombre de touristes internationaux ont profondément déséquilibré le modèle économique des opérateurs du ministère de la culture.
Lors de son audition, l'administrateur général de l'établissement public du domaine et du château de Versailles m'a indiqué que de 2020 à 2022, les pertes de ressources propres s'établissaient à plus de 144 millions ; selon lui, il faudra attendre 2025 pour retrouver un niveau de fréquentation comparable à celui de 2019. Dans mon département du Var, en dépit d'une politique culturelle très active, l'abbaye du Thoronet enregistrera cette année une fréquentation inférieure de 20 % à celle de 2019.
Pour autant, l'été a été favorable et la situation s'améliore globalement plus vite que nous le pensions. De plus, cette crise a appelé une réponse de l'État qui, disons-le, a été globalement à la hauteur.
Durant ces deux dernières années, l'État a en effet fortement soutenu les principaux opérateurs nationaux pour faire face à la baisse, voire à la quasi disparition des recettes propres. Le plan de relance a donné un coup de fouet aux travaux sur nos monuments. Je rends d'ailleurs hommage aux services de l'État et des régions qui, avec les directions régionales des affaires culturelles et malgré peu de ressources humaines complémentaires, ont su répondre présents.
Une telle appréciation ne constitue cependant pas un blanc-seing. En 2021 et 2022, l'État a dégagé des crédits hors normes pour le patrimoine mais, si certains crédits de paiement seront encore exécutés en 2023, les autorisations d'engagement ne sont plus au rendez-vous, alors même que ce plan de relance devrait être un minimum pour le financement du patrimoine national.
En 2018, le ministère de la culture a publié un état sanitaire du patrimoine indiquant que près d'un quart des monuments historiques était en mauvais état ou en état de péril. Dans mon département du Var, cela représente vingt-neuf monuments en péril et soixante-seize en mauvais état.
Le constat est encore plus préoccupant si l'on élargit la focale. Les conclusions d'un récent rapport du Sénat sur l'état du patrimoine religieux alertent sur un patrimoine « de plus en plus menacé », ce constat concernant tout le patrimoine vernaculaire : dans nos territoires ruraux, qui ne connaît pas une église, un lavoir, un moulin, un pigeonnier, une bastide remarquable qui menacent ruine ?
Un réel effort financier doit donc être accompli en faveur du patrimoine. Le niveau hors norme des crédits atteint en 2021 et 2022 doit devenir la norme minimale pour le patrimoine de l'État et des moyens supplémentaires doivent être trouvés pour le patrimoine des collectivités et privés. Est-ce le cas avec ce budget ? Pas vraiment.
Certes, les crédits du programme 175 progressent de 7,5 % par rapport à 2022. Les mesures nouvelles s'établissent environ à 75 millions et financent à la fois des compensations de l'inflation aux opérateurs, la poursuite d'actions de valorisation dans les territoires et un soutien particulier à certains grands projets.
Dans ces crédits, il y a des bonnes choses, dont l'accroissement des moyens consacrés au fonds incitatif et partenarial pour les collectivités, la prise en compte pour les opérateurs des effets de l'inflation, le renforcement des crédits pour le Plan cathédrales. Il y a aussi des lacunes… Sans plan de relance et hors grands projets, les crédits d'entretien de nos monuments nationaux demeurent très largement inférieurs aux besoins. Les collectivités locales, spécialement les plus petites d'entre elles, ne sont pas assez accompagnées techniquement et financièrement. Il convient aussi de renforcer les mécanismes de soutien, souvent fiscaux, aux propriétaires privés. Le stock de diagnostics non réalisés de l'Institut national de recherches archéologiques préventives (INRAP) risque fort de demeurer trop important cette année encore.
Je suis conscient que l'État ne peut pas tout mais il doit prendre pleinement sa part dans les travaux d'entretien et de restauration et le compte n'y est pas. Il convient aussi de mobiliser de nouvelles ressources comme, par exemple, une extension du 1 % culturel aux patrimoines, un élargissement de la taxe de séjour aux dépenses patrimoniales ou un soutien accru au mécénat. Sur ce point, je regrette de ne pas avoir été suivi lors de l'examen, malheureusement partiel, de la première partie du PLF.
Le patrimoine, ce n'est pas qu'une question de crédits budgétaires. Ce sont aussi des actions de sensibilisation et de bénévolat – pourquoi ne pas lancer un service national du patrimoine ? –, de réappropriation, de formation des professionnels, toutes choses qui nécessiteront une véritable loi de programmation.
Tout en reconnaissant les efforts exceptionnels des deux dernières années, je suis défavorable à l'adoption de ces crédits. Il est urgent d'investir davantage pour ce qui constitue notre histoire même et le patrimoine que nous devons transmettre.
Article 27 et état B : Crédits du budget général
Amendement II-CF139 de M. Fabien Di Filippo.
Il convient de réduire de 30 millions en autorisation d'engagement et en crédit de paiement le programme Transmission des savoirs et démocratisation de la culture au profit du programme Patrimoines.
Chaque euro compte. Le rapporteur spécial vient de rappeler qu'un quart des monuments historique est en péril. Or, la généralisation du pass Culture a coûté des centaines de millions et quel en est le bilan ? Ce sont les mangas qui arrivent en tête des produits achetés. Sont aussi éligibles Canal+, OSC, des jeux vidéo… Il est question de surcroît de son élargissement aux élèves de sixième et aux Français de l'étranger. De telles dépenses relèvent du clientélisme et elles sont loin d'aider à la transmission de la culture française.
Vous dites dans l'exposé des motifs de votre amendement que peu de jeunes réclament le pass Culture, or, ils sont 86,6 % à le faire. Les deux tiers qui consomment le crédit de 500 euros demandent à en avoir plus.
Oui, un bénéficiaire du pass Culture peut s'abonner à Canal+ mais, contrairement à ce que vous indiquez, cela ne coûte rien à l'État. Le pass Culture permet ainsi aux offreurs numériques de proposer des produits et des services sur la plate-forme mais à leurs frais. De la même manière, il ne permet pas d'acheter un jeu vidéo sous forme d'un cd, d'un dvd ou d'une cartouche. En revanche, vous pouvez souscrire une offre d'abonnement en ligne mais, là encore, comme pour les autres offres numériques, cette offre d'abonnement n'est pas financée par l'État mais par l'opérateur.
Le pass Culture contribue considérablement au soutien de notre culture française : théâtre, histoire, littérature.
Avis défavorable.
Le nombre de jeunes qui passent moins de deux heures par jour devant les écrans est inférieur à un garçon sur cinq et à une fille sur quatre. Le pass Culture ne contribue pas à améliorer la situation.
Je n'ai rien contre les mangas et il est bon que les jeunes lisent, mais en l'occurrence, quel rapport avec la littérature française ? Des choix doivent être faits.
Il ne me paraîtrait pas opportun d'exclure les jeux vidéo de ce dispositif et les Français sont, me semble-t-il, les deuxièmes plus grands lecteurs de mangas du monde. Je soutiens le pass Culture mais il est aussi possible de s'interroger sur les façons de l'améliorer. Pour élargir l'horizon de nos jeunes, ne devrait-on pas y proposer par exemple une place pour l'opéra, le théâtre, le cinéma et un bon d'achat pour un livre ?
Je suis surpris par cette discussion. Certains n'ont pas compris le rôle du pass Culture : il permet d'utiliser les passions des jeunes pour leur faire découvrir d'autres cultures. Un jeune qui entre dans une librairie pour acheter un manga en ressort avec d'autres ouvrages. Si les jeux vidéo et les mangas ne sont plus proposés, les jeunes ne découvriront pas d'autres objets culturels. La ministre de la culture l'a dit : l'algorithme du pass Culture permet de les diriger vers des thèmes qu'ils n'auraient pas spontanément choisis.
Allez rencontrer les libraires et les acteurs de la culture : le pass Culture permet d'attirer les jeunes dans les lieux de culture, où ils découvrent des merveilles ! Les acteurs de la culture, dans leur immense majorité, soutiennent ce dispositif.
Il n'est pas question d'opposer les patrimoines entre eux et de déshabiller Paul pour habiller Pierre. Au contraire, tous doivent être soutenus.
La commission rejette l'amendement II-CF139.
Amendement II-CF259 de M. Philippe Lottiaux.
Selon la mission d'information du Sénat sur l'état du patrimoine religieux de juillet 2022, « les maires souffrent d'un déficit d'ingénierie pour monter et conduire leurs opérations » et « ne savent souvent pas de quelle manière entretenir et restaurer ce patrimoine ». Il en est de même pour le patrimoine classé et non protégé.
L'agence départementale d'aide aux collectivités locales d'Indre-et-Loire et l'agence départementale Ingeniery, dans les Yvelines, accompagnent et conseillent efficacement les petites collectivités en matière de patrimoine. Or, leur exemple n'a guère été suivi. Je propose de créer une sorte de fonds d'amorçage afin de soutenir ce type d'initiatives, ces agences pouvant être associées à terme aux conseils d'architecture, d'urbanisme et de l'environnement (CAUE).
Nous voterons tous les amendements permettant d'augmenter les crédits du patrimoine car l'effort consenti par l'État doit être prolongé.
Ces questions d'ingénierie sont très importantes : des collectivités de taille moyenne sont confrontées à de grandes difficultés administratives ; il convient en outre de veiller à ce que le patrimoine soit accessible, or, l'ouverture de la cathédrale de Saint-Brieuc, par exemple, dépend de l'État et elle est fermée au public presque tous les jours de la semaine.
Je souhaite également que nous puissions disposer d'un zonage des crédits du patrimoine. La distorsion entre Paris et la province pénalise lourdement cette dernière, l'essentiel des crédits du patrimoine et de la culture étant consacré à la capitale.
Le pass Culture est absolument essentiel dans les territoires ruraux, où la culture est peu accessible – particulièrement pour les milieux défavorisés. Grâce à lui, des projets collectifs sont également financés dans les écoles. Il permet à des écoles de musique de vivre et à des jeunes d'acheter leur premier instrument.
On se souvient tous de la première personne qui nous a raconté une histoire ou qui nous a offert un livre. Le pass Culture permet de déclencher l'achat d'un bien culturel, quel qu'il soit. Avis défavorable.
La commission rejette l'amendement II-CF259.Amendement II-CF262 de M. Philippe Lottiaux.
Avec les services agréés des communautés territoriales, l'Inrap est chargé de l'archéologie préventive. Dès qu'une opération de construction ou de réalisation d'équipement est prévue, un diagnostic doit être effectué par cet institut, qui peut prescrire des fouilles.
L'Inrap bénéficie d'une subvention pour charges de service public afin de réaliser ces diagnostics. De 2017 à 2022, le nombre de ceux qui n'ont pas pu être réalisés dans l'année de prescription est passé de 530 à 2 382. Or la rapidité d'un tel diagnostic est essentielle pour les opérateurs et promoteurs concernés. La raison de ces retards est que l'Inrap fait avec les moyens dont il dispose.
L'amendement propose donc de majorer de 4,2 millions d'euros la subvention qui lui est versée, afin qu'il puisse réaliser davantage de diagnostics sans retarder des opérations de construction qui concernent aussi des logements sociaux.
J'insiste sur la qualité exceptionnelle du travail effectué par les agents de l'Inrap. La meilleure preuve en est que cet institut exporte désormais sa compétence et participe à des projets très importants à l'étranger.
Il faut lui donner un coup de main, car il a le mérite d'agir avec beaucoup d'efficacité et dans des délais très contraints.
La commission adopte l'amendement II-CF262 ( amendement II-677 ).
Amendement II-CF271 de M. Philippe Lottiaux.
Le centre de recherche et de restauration des musées de France (C2RMF) et le laboratoire de recherche des monuments historiques (LRMH) sont des services à compétence nationale du ministère de la culture. Le premier a pour mission de mettre en œuvre la politique du ministère en matière de recherche, de conservation préventive et de restauration des collections des musées de France. La mission du LRMH est d'étudier scientifiquement les matériaux constitutifs des monuments historiques, leurs phénomènes d'altération et les techniques utilisées pour les conserver, les restaurer et les mettre en valeur.
Ces services sont financés par deux programmes différents de la mission Culture.
La commission des finances du Sénat a jugé qu'un regroupement des dotations de ces deux laboratoires au sein du seul programme 175 Patrimoines serait plus pertinent et renforcerait la clarté des documents budgétaires.
Il s'agit donc d'un amendement technique, qui ne modifie pas le montant total des crédits affectés aux deux établissements.
Ce rassemblement de crédits au sein du programme 175 contribue à la lisibilité budgétaire. Je ne vois pas ce qui s'y oppose. Avis favorable.
La commission adopte l'amendement II-CF271 ( amendement II-675 ).
Amendement II-CF804 de M. Hendrik Davi.
Cet amendement vise à augmenter la subvention pour charges de service public versée au musée des civilisations de l'Europe et de la Méditerranée (Mucem), afin de couvrir la hausse du coût de l'énergie.
Le Mucem et l'un des rares musées nationaux en dehors de la région parisienne. Il joue un rôle moteur à Marseille, où la culture a longtemps été insuffisamment dotée. Or l'augmentation des coûts de l'énergie est particulièrement importante pour lui. Sa subvention pour charges de service public augmente de 689 000 euros dans le PLF pour 2023. C'est le musée pour lequel la subvention progresse le moins, alors que sa facture d'énergie a augmenté de 1,31 million d'euros.
Le projet de budget prévoit une enveloppe supplémentaire pour l'ensemble des musées, afin de tenir compte de la hausse du coût de l'énergie. On peut penser qu'elle ne va pas couvrir intégralement cette hausse, même si l'on ignore quelle sera l'augmentation des prix de l'énergie en 2023. En outre, la subvention pour charges de service public votée en 2022 avait été calculée en fonction d'une prévision de fréquentation inférieure à celle constatée. Je ne crois donc pas que le Mucem doive être privilégié par rapport aux autres musées nationaux.
Notre groupe a déposé un autre amendement qui propose d'augmenter cette subvention pour tous les musées. L'amendement dont nous discutons est un amendement de repli, mais il a été appelé avant l'amendement principal.
La commission rejette l'amendement II-CF804 .
Amendement II-CF794 Mme Sarah Legrain.
Nous proposons de renforcer la place des enseignements artistiques dans les lycées.
Marginalisés par le nouveau baccalauréat, ces enseignements sont en train de disparaître. Leur décrépitude ne cesse de s'accentuer, notamment depuis que de nombreuses réformes ont institué une école dans laquelle les contenus, les options et les spécialités proposées varient d'un établissement à l'autre. La politique de l'offre, appliquée à tous les niveaux du système éducatif, exacerbe la concurrence entre les établissements et renforce la ségrégation scolaire. Les réformes des trois voies du lycée et celle de l'accès à l'enseignement supérieur ont aggravé les inégalités.
Derrière l'illusion de liberté des réformes de l'enseignement au lycée, le résultat est la marginalisation des matières moins traditionnelles. L'option artistique devient dès lors un simple bonus, renforçant ainsi les disparités dans l'accès de la jeunesse à un enseignement des arts et de la culture.
Cet amendement propose d'augmenter de 50 millions d'euros les moyens pour soutenir la démocratisation de l'éducation artistique et culturelle, et nous demandons au Gouvernement de lever le gage.
Je suis perplexe pour deux raisons.
Tout d'abord, cet amendement relève davantage de la mission Enseignement scolaire que de la mission Culture. Même si cette dernière participe à l'enseignement artistique dispensé au lycée, la réforme du bac n'a pas d'incidence sur ses crédits.
Ensuite, le montant prévu par l'amendement correspond à 1 million d'euros près à la part collective du pass Culture dans le secondaire, et ce pass permet de financer des activités similaires à celles que vous entendez soutenir.
Avis défavorable.
Cette utilisation du pass Culture montre bien que des budgets alloués au ministère de la culture servent à pallier un manque d'éducation artistique et culturelle dans les établissements scolaires.
Nous sommes opposés à la conception du pass Culture qui correspond à une politique de la demande et non de l'offre – et certainement pas en faveur de la médiation culturelle et de l'éducation culturelle et artistique. Ce sont pourtant ces dernières qui permettent au public d'accéder à une plus grande diversité d'œuvres.
Je comprends qu'on puisse être opposé au pass Culture – même si ce n'est pas mon cas – mais la part collective du pass Culture repose précisément sur la médiation, puisque la manière dont elle est utilisée dépend des choix des enseignants.
La commission rejette l'amendement II-CF794 .
Amendement II-CF807 et II-CF809 de Mme Sarah Legrain.
Cet amendement propose de jumeler avec des établissements culturels tous les établissements scolaires classés en zone d'éducation prioritaire ou situés dans des quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV).
L'accès aux lieux de de culture et aux œuvres d'art est très inégalitaire. Si 42 % des 20 % les plus riches déclarent aller au cinéma plus de trois fois dans l'année, c'est le cas de seulement 17 % des 20 % les plus pauvres. Les disparités sont encore plus fortes s'agissant des autres spectacles.
On sait à quel point l'école est un instrument de démocratisation des pratiques culturelles et de l'accès à la culture – d'où cette proposition de jumelage.
L'amendement II-CF809 qui suit est un amendement de repli.
Sur le principe votre idée rejoint, l'objectif du « 100 % EAC » du Président de la République – vers lequel nous progressons, puisque 75 % des jeunes en âge d'être scolarisés ont bénéficié d'au moins une action culturelle en 2021-2022.
Mais votre idée rencontre deux limites.
La première est juridique. Si vous voulez imposer une obligation de jumelage, vous devez modifier le code de l'éducation. Cela ne relève pas du PLF, et encore moins d'un amendement de crédit.
La seconde est pratique. De nombreuses collectivités territoriales favorisent déjà la mise en place de liens étroits entre établissements culturels et établissements scolaires, et l'État soutient activement cette politique. Le dispositif de l'Été culturel vise par exemple en priorité les zones urbaines sensibles. Près de la moitié des projets soutenus dans ce cadre ont bénéficié aux QPV.
Avis défavorable pour cet amendement et pour l'amendement de repli II-CF809.
La commission rejette les amendements II-CF807 et II-CF809.
Amendement II-CF792 de Mme Sarah Legrain.
Le partage des savoirs et l'augmentation des qualifications, y compris dans le domaine artistique, est un enjeu essentiel. C'est la raison pour laquelle nous défendons la gratuité de l'enseignement supérieur.
Avec cet amendement, nous proposons d'exonérer des frais d'inscription les étudiants boursiers dans les écoles supérieures d'art territoriales.
La diversité sociale et culturelle est l'un des trois axes de l'action de l'État dans l'enseignement supérieur. Or il manque toujours une action qui devrait précéder toutes les autres : l'égalité de traitement de tous les étudiants de l'enseignement supérieur public grâce au remboursement des frais d'inscriptions pour les boursiers.
En effet, les dispositifs d'exonération qui existent pour les étudiants des universités et des établissements nationaux ne sont pas applicables aux étudiants des écoles supérieures d'art territoriales, car aucune compensation de l'État n'est prévue pour ces établissements. Si le Gouvernement a affiché sa volonté de « mieux intégrer l'égalité des chances et la résorption des fractures sociales et territoriales », il doit transformer cette belle intention en actes en exonérant les étudiants boursiers des frais d'inscription.
L'amendement propose de financer la compensation par l'État à hauteur de 2,5 millions d'euros.
Il existe trente-quatre écoles territoriales d'art et l'État contribue à leur financement à hauteur de 21,5 millions d'euros.
Selon un récent rapport de la Cour des comptes, les frais moyens de scolarité dans ces écoles s'établissent à 572 euros par an, pour un coût annuel de formation estimé à 18 000 euros par élève. Par comparaison, les droits d'inscription dans les écoles d'art privées peuvent aller jusqu'à 12 000 euros.
Ces écoles sont gérées par les collectivités territoriales et, à mon sens, l'État ne doit pas tout le temps se substituer à celles-ci. Il appartient aux collectivités territoriales de décider et de financer les politiques sociales qu'elles souhaitent.
Avis défavorable.
Ce sont des écoles nationales. Par ailleurs, les collectivités territoriales font face à de grandes difficultés financières, notamment parce que l'État baisse ses dotations et ne compense pas un certain nombre de coûts, notamment celui de l'énergie.
Il faut être cohérent dans la politique vis-à-vis des collectivités territoriales. Si l'on veut leur confier plus de responsabilités et de compétences – ce qui est la position de la majorité au sein de cette commission –, il faut leur faire confiance. On ne peut pas toujours décider depuis Paris de venir à leur secours parce qu'on considère que cela ne va pas très bien. Ça ne tient pas la route.
Et en ce qui concerne le marronnier des finances des collectivités territoriales, certes l'année 2023 sera très difficile, mais arrêtons de dire que toutes se portent mal. Ce n'est pas exact. Je vous renvoie à toutes les études parues au sujet de leurs finances en 2021 et 2022.
En revanche, celles de l'État sont dans une situation extrêmement délicate. À chaque fois que l'on transfère un euro du budget de l'État vers les collectivités territoriales, on prend à quelqu'un qui a un très gros déficit pour donner à quelqu'un qui se porte bien mieux financièrement.
La commission rejette l'amendement II-CF792
Amendement II-CF795 de Mme Sarah Legrain.
Nous proposons de mettre en place un plan de titularisation des contractuels qui exercent des fonctions permanentes au ministère de la culture et dans l'ensemble de ses établissements publics administratifs.
Il est très difficile d'obtenir de ce ministère le nombre exact de ces contractuels, mais leur proportion y est parmi les plus élevées au sein de la fonction publique d'État – près de la moitié des effectifs. Pourtant, ces personnels exercent des missions permanentes pour lesquelles il existe des corps de fonctionnaires. Les agents contractuels doivent pouvoir les intégrer s'ils le souhaitent. On ne peut permettre qu'à fonctions égales les contractuels soient condamnés à la précarité.
En effet, les personnels contractuels représentent près de la moitié des personnels du ministère de la culture, mais cela s'explique par le fait que la plupart d'entre eux sont directement employés par les opérateurs et que certains métiers n'ont pas d'équivalent dans la fonction publique.
En outre, le ministère de la culture a un problème d'attractivité, que souligne son incapacité à pourvoir toutes les places ouvertes par concours. La titularisation ne répond pas à cette difficulté. Le rattrapage indemnitaire engagé par le Gouvernement depuis 2018 est plus pertinent, car le retard était considérable. Cela représente déjà une somme de 40 millions d'euros, auxquels s'ajoutent 11 millions d'euros dans le PLF pour 2023. Il faut poursuivre cet effort.
Avis défavorable.
Le rattrapage indemnitaire est positif, mais je n'ai pas bien saisi votre argument sur la titularisation.
Certains métiers exercés par des contractuels n'ont pas d'équivalent dans la fonction publique, comme par exemple celui de chargé de mécénat. Les besoins d'un opérateur ou du ministère sont différents.
La commission rejette l'amendement II-CF795.
Amendement II-CF797 de Mme Sarah Legrain.
Il s'agit de lancer un plan de recrutement de médiateurs culturels dans les établissements publics.
Le rôle des médiateurs culturels dans les établissements publics est spécifique au ministère de la culture. Il correspond à des objectifs fixés par la politique d'éducation artistique et culturelle. La présence de médiateurs au sein des établissements culturels contribue à l'accès des élèves à cette éducation, qui n'est pas assurée seulement par les enseignants.
Vous écrivez dans l'exposé des motifs que « par cet amendement, l'Éducation Nationale aurait donc tous les moyens en sa possession pour simplement appliquer les dispositions inscrites dans le code de l'éducation ». La mission Culture ne finance par le fonctionnement de l'Éducation nationale.
Je souligne ensuite la disproportion financière de votre proposition. À titre de comparaison, ces 800 millions d'euros correspondent à huit fois le montant de la subvention versée en 2023 par l'État au musée du Louvre. C'est excessif.
Enfin, les établissements culturels ont très largement adapté leur offre et ils sont très nombreux à disposer de dispositifs de médiation. Ceux-ci fonctionnent largement grâce à la part collective du pass Culture – que vous dénoncez.
Avis défavorable.
Je précise que nous appelons à lever le gage.
Il ne faut pas nous faire de mauvais procès en citant une phrase de l'exposé sommaire. L'éducation nationale dispose de son propre budget, mais il est nécessaire de prévoir des moyens suffisants pour disposer de médiateurs au sein des établissements culturels.
Notre programme vise à allouer 1 % du PIB au budget de du ministère de la culture, puisque l'industrie culturelle représente environ 3 % de la richesse produite – soit plus que l'industrie agroalimentaire et l'agriculture réunies. C'est la raison pour laquelle nos amendements proposent des dépenses supplémentaires.
Cela ne répond pas à l'observation du rapporteur, qui demandait en fait sur quelles missions vous souhaitiez faire des économies pour financer la mesure proposée par l'amendement.
Je précise que grâce aux amendements retenus par le Gouvernement à la suite de la mise en œuvre de l'article 49.3, l'État réalise presque 4 milliards d'euros d'économies par rapport au projet initial.
Je ne comprends pas cette marque de mépris à l'égard de l'agriculture et de l'agroalimentaire. Ce sont des secteurs où des gens travaillent dur pour nourrir les Français.
Vous indiquez vouloir dépenser une somme donnée, en proportion de ce que la culture rapporte au PIB.
Les Français nous ont élus pour faire des choix, pas pour appliquer une règle de trois en fonction du poids économique de tel ou tel secteur. Allouer des ressources suppose de définir des priorités. Si nous soutenons la culture à travers des mesures précises, c'est parce qu'elle est au cœur de notre identité et de notre patrimoine. Elle doit rester le ciment de la société.
La commission rejette l'amendement II-CF797.
Amendement II-CF808 de M. Hendrik Davi.
Cet amendement vise à créer un fonds d'urgence de 100 millions d'euros en faveur des musées, pour couvrir la hausse des dépenses d'énergie.
Faute de pouvoir assumer financièrement la hausse des coûts de l'énergie, la municipalité de Strasbourg a décidé de fermer les musées de la ville deux jours par semaine. Pourtant, lors de la présentation du budget de son ministère, la ministre de la culture a précisé que « la sobriété ne passe pas par moins de culture mais par une adaptation au cas par cas tout en restant au service du public ». Alors comment fait-on ?
Le budget du ministère pour 2023 prévoit 56 millions d'euros de crédits de fonctionnement et 24 millions d'euros de crédits d'investissement destinés à permettre aux lieux culturels de faire face aux dépenses d'énergie. Or, à lui seul, le musée de l'Orangerie a connu une augmentation de plus de 27 millions d'euros de sa facture d'énergie. La prévision du ministère n'est donc absolument pas à la hauteur des besoins.
Si la mairie écologiste de Strasbourg décide de réduire l'accès à la culture, c'est son choix d'allocation des crédits.
Le budget du programme Patrimoine tient compte de la hausse prévisible des coûts de l'énergie pour les opérateurs de la culture.
Un filet de sécurité est prévu pour les collectivités locales qui sont les plus touchées.
On ne sait pas quelle sera la hausse des prix de l'énergie, ni quelles seront ses conséquences pour les opérateurs en 2023.
Certains d'entre eux ont bénéficié en 2022 de recettes plus importantes qu'attendues, grâce à la reprise de la fréquentation. Ils ont pu constituer un petit matelas de trésorerie.
Selon moi, le débat sur les dotations supplémentaires éventuellement nécessaires aurait davantage sa place dans un projet de loi de finances rectificative.
Avis défavorable.
Cet amendement met le doigt sur un vrai sujet. On voit que les horaires d'ouverture de certains services publics sont très sensiblement réduits. Cela vaut pour des musées mais aussi pour des piscines – ce qui n'est pas anodin, car elles servent à apprendre à nager aux enfants –, alors même qu'il y a quelques années nous nous battions pour augmenter l'amplitude horaire des bibliothèques.
Je suis donc favorable à l'adoption de cet amendement par la commission, afin que sa position permette un débat argumenté avec le Gouvernement en séance publique.
Je partage l'avis de M. Le Fur. Le problème de la réduction des horaires d'ouverture des équipements publics, dont les piscines, doit faire l'objet d'un débat et être réglé. J'invite chacun, par-delà les appartenances politiques, à bien prendre connaissance du contenu de cet amendement et à voter en sa faveur.
J'ai auditionné des représentants de France Université récemment, et cela m'a permis de mesurer les différences entre ce que disent les opérateurs et ce que dit le Gouvernement. La situation actuelle a pour conséquence des fermetures, d'universités comme de piscines. Je ne crois pas qu'il faille attendre un projet de loi de finances rectificative. Votons des crédits supplémentaires pour éviter ces fermetures, et ils seront rétrocédés par la suite s'ils ne sont pas utilisés.
La commission rejette l'amendement II-CF808.
Amendement II-CF811 de Mme Sarah Legrain.
Cet amendement vise à créer un fonds d'urgence pour couvrir l'augmentation des dépenses d'énergie, cette fois en faveur des théâtres.
De nombreux théâtres ont fait part des difficultés auxquelles ils vont faire face pour payer leurs dépenses en matière d'énergie. Le théâtre Maillon, à Strasbourg, a vu sa facture d'électricité augmenter de 58 % dès 2022. Ces établissements n'ont pas de marge de manœuvre. L'augmentation des tarifs de billetterie serait contre-productive, puisque remplir les salles est déjà difficile pour beaucoup de structures au sortir de la crise sanitaire. De très nombreux petits théâtres sont également en grande difficulté. Il est absolument nécessaire qu'une aide leur soit apportée.
Mais s'il faut aider les petits théâtres, cela ne doit pas se faire au détriment des structures plus importantes.
Le ministère de la culture souhaite créer un fonds de solidarité interprofessionnelle en 2023. Nous proposons un fonds d'aide généralisée qui ne mette pas en concurrence les différentes structures et qui permette de faire face à l'augmentation des prix de l'énergie, pour éviter les fermetures.
Le PLF prévoit 56 millions d'euros à ce titre, ce qui paraît suffisant pour le moment. Dépenser par anticipation un montant supérieur présente un coût pour l'État. Soit ces crédits sont pris sur un autre poste, soit il faut emprunter.
La solution adoptée pour le projet de budget est plus équilibrée. On évalue un coût prévisionnel, et s'il venait à être dépassé les choses pourraient être reconsidérées.
Avis défavorable.
Les dépenses effectuées par les théâtres ont aussi un coût, qui peut prendre la forme d'une diminution du nombre de représentations, voire d'une fermeture.
Cela relève en effet de choix politiques et il vaudrait mieux s'assurer qu'aucun théâtre ne ferme cet hiver, quitte à ce qu'ils rendent éventuellement ensuite les crédits trop perçus.
La commission rejette l'amendement II-CF811.
Amendement II-CF789 de M. Hendrik Davi.
Par cet amendement, nous souhaitons rouvrir le débat sur le statut des artistes auteurs, dont beaucoup se trouvent dans une situation extrêmement précaire.
Commandé par le ministre de la culture en 2019, le rapport Racine était très attendu par eux. Ses recommandations, dont l'organisation rapide d'élections professionnelles ou la définition d'un contrat de commande prenant en compte le travail de création, sont largement restées lettre morte. Les artistes auteurs ne bénéficient ni d'un statut, ni d'une protection sociale, ni de représentants élus. Il convient d'organiser rapidement des élections professionnelles pour qu'ils aient droit à un dialogue social et accès à des prestations sociales, pour lesquelles ils cotisent. Sous la précédente législature, la majorité avait rejeté nos propositions sur ce dossier, notamment la proposition de loi, déposée par Michel Larive, instaurant un domaine public commun afin de lutter contre la précarité des professionnels des arts et de la culture.
Nous proposons une enveloppe de 50 millions d'euros pour que les artistes auteurs puissent bénéficier de ces droits.
Je vous remercie d'évoquer le rapport Racine. Sur ses vingt-trois recommandations, seize ont été mises en œuvre partiellement ou intégralement. Il me semble que le Gouvernement s'en est saisi avec le plus grand sérieux.
Le plan artistes auteurs bénéficie d'une enveloppe de 3,7 millions, en augmentation de 1,7 million, pour soutenir les actions de formation professionnelle et d'action sociale ainsi que la mise en œuvre du portail numérique facilitant la compréhension des règles juridiques et fiscales. J'ajoute que le PLF prévoit 4 millions d'euros supplémentaires pour la prise en charge d'une fraction de la contribution sociale généralisée (CSG), par suite de son augmentation en 2019. Autant de mesures tangibles qui dénotent le sérieux avec lequel le Gouvernement apporte un soutien aux artistes.
Avis défavorable.
Les recommandations majeures du rapport n'ont pas été retenues. Et puisque vous faites preuve de tant de volontarisme sur cette question, pourquoi ne pas aller encore plus loin et adopter l'amendement ?
La commission rejette l'amendement II-CF789.
Amendement II-CF790 de Mme Legrain.
Nous proposons la création d'un Centre national des artistes auteurs. Un tel centre avait été évoqué dans le projet de loi de finances pour 2021 mais il a tout bonnement disparu des radars. De même, le plan artistes auteurs est devenu un programme de travail doté de 2 millions d'euros et qui ne tient pas compte de l'inflation. La crise sanitaire a agi comme un révélateur des difficultés des artistes auteurs, qui ne bénéficient ni de protection sociale ni de représentants syndicaux susceptibles d'engager des négociations.
Le Centre national des artistes auteurs serait composé d'un observatoire chargé d'assurer le suivi statistique et qualitatif des différents métiers des artistes auteurs, d'un portail informatif regroupant les ressources et les offres, ce qui permettra d'éviter le non-recours aux droits, d'un service de médiation, d'un pôle de négociation collective, d'un dispositif de lutte contre les inégalités et d'un fonds de soutien à la création artistique.
J'imagine que vous faites référence à l'une des recommandations majeures du rapport Racine. Or il s'agissait de créer non pas un établissement public sur le modèle du Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC), mais plutôt une instance de dialogue entre les parties en présence. Cette recommandation a été prise en considération. La catégorie des artistes auteurs regroupe des métiers très divers – sculpteurs, peintres, musiciens, traducteurs… –, dont certains relèvent de centres existants : CNC, Centre national des arts plastiques, Centre national de la musique, Centre national du livre. Du coup, il y aurait un risque de doublons. Ce que les artistes auteurs demandent, ce sont des mesures très concrètes et à effet immédiat, comme celle relative à la CSG que je viens d'évoquer.
J'en profite pour signaler au rapporteur spécial une difficulté à laquelle sont confrontés les écrivains. Depuis quelques années, ceux-ci doivent payer à l'Urssaf des cotisations même pour de toutes petites sommes, par exemple des droits d'auteur pour un ouvrage écrit il y a plus de dix ans. Cela représente beaucoup de travail pour l'éditeur et pour l'écrivain pour pas grand-chose. Résultat : certains renoncent à leurs droits pour pas être embêtés.
La commission rejette l'amendement II-CF790.
Amendement II-CF810 de M. Hendrik Davi.
Nous proposons la gratuité des prêts de livres dans les bibliothèques et les médiathèques municipales et intercommunales. Cette mesure est inscrite dans le manifeste de l'Unesco pour la bibliothèque publique de 1994. Des expériences en ce sens ont été réalisées à Chicago ainsi que dans d'autres endroits. La gratuité des prêts permettrait d'assurer un meilleur partage de la culture. Cela nous semble particulièrement important alors que la place du livre et de la lecture est questionnée. L'amendement prévoit une enveloppe de 25 millions d'euros pour mettre en œuvre cette politique de gratuité.
La mission Médias, livre et industries culturelles, regroupe les crédits y afférents. Il vaudrait mieux que l'amendement soit examiné dans ce cadre – je crois d'ailleurs que vous en avez déposé un identique sur ces crédits. Je m'en voudrais de donner un avis alors qu'un autre rapporteur spécial s'est penché plus spécifiquement sur la question. Demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable.
L'amendement II-CF810 de M. Hendrik Davi est retiré.
Amendement II-CF791 de Mme Legrain.
Nous voulons mettre en place, à la suite du mouvement #MeeTooThéâtre, un véritable plan de lutte contre les violences et le harcèlement sexiste et sexuel dans les arts et la culture, ainsi qu'un plan d'égalité entre les femmes et les hommes. Si de nombreux discours ont été tenus sur le sujet, on ne trouve pas dans le budget de moyens concrets attribués à cette ambition. Songez que, pour la première fois depuis dix ans, une femme vient d'être nommée à la tête d'un théâtre national ; que les financements publics ne sont pas répartis de façon égalitaire ; que, selon le mouvement HF, seulement 37 % des postes de direction des centres dramatiques nationaux et régionaux sont occupés par des femmes et que, dans les théâtres nationaux, les femmes n'assurent que 35 % des mises en scènes et la part des autrices n'est que de 26 % !
Les signalements effectués auprès de la cellule Audiens, créée en 2000, montrent que les faits de violence sexiste et sexuelle au sein du monde théâtral et artistique sont massifs. Puisque le Gouvernement dit qu'il veut lutter contre les violences faites aux femmes, il doit accéder à la demande des associations d'accorder un milliard d'euros à cette lutte, dans tous les domaines de l'existence.
C'est un sujet essentiel, qui requiert une réponse de la ministre en séance. Elle seule pourra décrire en détail l'action menée sur le long terme par le ministère tant en matière de lutte contre les violences faites aux femmes que de promotion des femmes dans l'industrie culturelle.
Ce que je peux dire, c'est que, même s'il reste encore beaucoup à faire, le ministère de la culture est très mobilisé sur la question. Seize signalements ont été faits au titre de l'article 40 pour dénoncer des violences sexistes ou sexuelles – c'est plus que dans d'autres ministères. En 2013, le ministère de la culture a été le premier à publier un observatoire de l'égalité entre femmes et hommes. À la tête des musées nationaux, on compte aujourd'hui quinze femmes pour onze hommes. Dans le secteur de la danse, les femmes réalisent aujourd'hui 42 % des représentations. Dans les fonds régionaux d'art contemporain (FRAC), la part des œuvres achetées auprès de femmes est désormais de 50 %, contre 35 % il y a quatre ans.
J'émettrai un avis défavorable sur l'amendement, parce que je ne pense pas que les 30 millions demandés ici soient à leur place, mais je vous suggère de le redéposer en séance pour que la ministre puisse vous répondre.
Je maintiens l'amendement pour que nous puissions envoyer un message en matière de lutte contre les violences sexistes et sexuelles.
Je rappelle que, même s'il y a encore beaucoup à faire, le budget du ministère chargé de l'égalité entre les femmes et les hommes a doublé depuis 2017, qu'il va augmenter de plus de 15 % en 2023, que les horaires du 3919 ont été étendus et que de nombreuses campagnes d'information sont menées. Le sujet est trop grave pour être livré à des polémiques inutiles.
En effet, je ne crois pas que relayer les revendications des associations féministes concernant le budget de la lutte contre les violences sexistes et sexuelles relève de la polémique. Et si certains ont donné récemment dans l'hémicycle des exemples de polémique politicienne sur le sujet, ce n'est pas nous ! En réclamant, à la suite des associations, cette enveloppe de 1 milliard, nous nous contentons de faire preuve de cohérence dans notre lutte contre ce type de violences. Il serait bon que les discussions budgétaires ne soient pas présentées comme des polémiques lorsqu'elles ne vous conviennent pas.
La commission rejette l'amendement II-CF79.
Je reste défavorable aux crédits du programme Patrimoines, en dépit des aspects positifs, car l'effort d'investissement est clairement insuffisant.
Nous voterons contre. D'abord, ce budget ne présente pas de politique culturelle ambitieuse ; il faudrait plus de moyens et la volonté de défendre le service public plutôt que de marchandiser la culture. Ensuite, nous avons fait l'effort de présenter des amendements mais tous ont été rejetés. Nous nous demandons si tout cela n'est pas une vaste mascarade, puisque ça va se terminer par un 49.3. Les amendements pourront-ils être examinés dans l'hémicycle ? Dans l'affirmative, et si certains sont adoptés contre l'avis du Gouvernement, le texte retenu les intégrera-t-il ?
Nous nous abstiendrons. S'agissant du pass Culture, mon collègue Di Filippo a dit l'essentiel. D'autre part, il n'y a rien sur les petits cinémas ; j'aimerais que le rapporteur spécial y travaille dans la perspective du prochain budget. Nous nourrissons aussi quelques inquiétudes concernant le programme Patrimoines. Il faudrait que le rapporteur spécial s'intéresse, au-delà des travaux, à l'ouverture au public. J'ai cité l'exemple de la cathédrale de Saint-Brieuc : des travaux y ont été faits, et bien faits, cela a coûté des sous, mais elle est fermée. C'est quand même surprenant !
Nous nous abstiendrons. Si nous reconnaissons qu'il y a une hausse de 7 % par rapport à 2022, nous nous inquiétons de la fin des nombreux plans de soutien qui avaient été mis en place dans le cadre du plan de relance et qui ont permis aux acteurs de résister durant les deux dernières années. Nous regrettons que ces moyens supplémentaires n'aient pas été pérennisés afin d'accompagner chaque secteur dans la transformation de notre modèle culturel. Les acteurs du secteur du théâtre, de l'art et de la création, qui se remettent difficilement de la crise sanitaire, risquent d'être frappés de plein fouet par l'inflation et par la hausse du coût de l'énergie.
Nous sommes défavorables à l'adoption des crédits de la mission, et cela pour trois raisons. Premièrement, il nous semble qu'on n'a pas assez tenu compte de la hausse des coûts de l'énergie et, plus généralement, de l'inflation, qui vont peser sur les budgets des collectivités territoriales. On peut craindre une baisse de 10 % à 20 % de l'enveloppe qu'elles consacrent à la culture. Deuxièmement, les impératifs de la transition écologique, qui suppose de lourds investissements, notamment en matière de rénovation thermique des patrimoines, ne nous semblent pas pris en considération. Troisièmement, on peut se demander si le dispositif du pass Culture répond véritablement aux objectifs de démocratisation culturelle et de diversification des pratiques culturelles. S'il s'agit d'un dispositif intéressant, il ne peut constituer une politique publique de la culture à lui seul.
Monsieur Le Fur, les petits cinémas, c'est très important, mais ils relèvent de la mission Médias, livre et industries culturelles.
La commission adopte les crédits de la mission Culture modifiés.
Article 30 et état G :Objectifs et indicateurs de performance
Amendement II-CF265 de M. Lottiaux.
Le programme Patrimoines comprend un indicateur portant sur la « proportion des dossiers d'aménagement reçus faisant l'objet d'un arrêté de prescription de diagnostic et/ou d'un arrêté de prescription de fouilles préventives ». Je propose d'ajouter : « et proportion des arrêtés de prescription de diagnostic exécutés dans l'année suivant leur attribution ». En effet, le délai d'exécution est important pour les promoteurs, les constructeurs, les opérateurs de logements sociaux, bref tous ceux qui attendent que les fouilles soient réalisées. Il s'agit selon moi d'un critère de performance.
La commission rejette l'amendement II-CF265.
Mission Aide publique au développement et compte de concours financiers Prêts à des États étrangers (M. Marc Le Fur, rapporteur spécial).
Si nous examinons des crédits qui relèvent de deux ministères, il nous faut porter aussi un regard sur l'ensemble de l'aide publique au développement (APD) – qui s'élève au total à plus de 14,8 milliards d'euros en 2022 – soit l'agrégat permettant les comparaisons internationales.
Le budget de la mission s'accroît de 21,45 % en autorisations d'engagement et de 16,4 % en crédits de paiement, soit une augmentation importante, de 820 millions, l'une des plus importantes parmi les missions du présent PLF.
Les orientations définies par le comité interministériel de la coopération internationale et du développement (CICID) sont globalement respectées. L'APD va représenter cette année 0,55 % du revenu national brut (RNB) : rien à dire, l'objectif est atteint. En revanche, il ne l'est pas tout à fait pour ce qui concerne la part de l'aide bilatérale et les dons. La proportion d'aides multilatérales est encore trop importante à mon gré, et l'on continue à privilégier les prêts, ce qui est d'ailleurs dans l'ADN de notre principal opérateur, l'Agence française de développement (AFD), puisqu'il s'agit d'une banque.
Autre difficulté : les dix-neuf pays que nous considérons comme prioritaires ne bénéficient que de 13 % de l'aide française. Ce n'est pas uniquement du fait de la France. Ainsi, on ne peut plus décemment aider l'État malien, vu l'attitude qui est la sienne. La question va probablement se poser très vite dans les mêmes termes pour le Burkina Faso.
La hausse très sensible des autorisations d'engagement est quant à elle liée aux prêts ; les taux d'intérêt augmentant, on anticipe la future hausse des crédits de paiement.
Ce que je trouve positif, c'est l'intérêt de plus en plus marqué pour l'aide humanitaire, et plus encore l'aide alimentaire, qui était complètement négligée par notre pays il y a encore quatre ou cinq ans. Les dépenses humanitaires atteindront cette année 642 millions d'euros. Nous apportons cette aide dans un cadre bilatéral, mais aussi dans un cadre multilatéral puisque nous sommes revenus parmi les dix principaux contributeurs du Programme alimentaire mondial (PAM). C'est la conséquence directe des crises – à l'époque où il était ministre, M. Le Drian s'était particulièrement investi à ce sujet –, mais pas seulement. Par exemple, en Tunisie, qui n'est pas un pays pauvre, la question alimentaire se pose, ne serait-ce que du fait de la très forte augmentation des prix.
Je voudrais appeler plus particulièrement votre attention sur deux points.
D'abord, les annulations de dette. Nous ne disposons d'aucune information sur le sujet, alors que des sommes considérables sont en jeu. C'était déjà un problème il y a une quinzaine d'années, mais qui s'est ensuite amenuisé, le contexte devenant plus favorable pour les pays les plus pauvres. La question se pose à nouveau. Nous risquons d'être confrontés à des abandons de créances très importantes dans les prochaines années. Évitons de regarder passer les trains et donnons-nous les moyens d'examiner cela de plus près, comme le font les parlements d'autres pays.
Ensuite, la Chine est toujours considérée comme un pays en développement : c'est paradoxal ! Cela l'est d'autant plus qu'elle est en train de devenir l'un des premiers pays donateurs. Elle mène une politique très particulière, fondée sur de l'aide liée. Sa situation est en outre assez ambiguë, puisqu'elle est à la fois bénéficiaire de l'aide et un concurrent, notamment dans les appels à projets. Je considère que ce point devrait être lui aussi être examiné par le Parlement.
En conclusion, je considère que le présent budget est conforme à la politique que nous avons définie collectivement dans la loi de 2021, et je donne un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission et du compte de concours financiers.
La commission des affaires étrangères, suivant ma préconisation, a émis elle aussi un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission.
Ces crédits, cela a été dit, sont en hausse par rapport à 2022 ; ils s'élèvent à presque 6 milliards d'euros. Le programme 110, destiné à financer la politique de prêts, voit une progression de 25 % de ses crédits. L'augmentation n'est en revanche que de 12 % pour le programme 209, qui alimente la politique de dons aux pays les plus en difficulté. Ce déséquilibre témoigne de l'importance donnée aux prêts, ce qui contribue à l'endettement des pays aux économies fragiles.
Plusieurs avancées sont néanmoins à noter. Les fonds consacrés à l'aide humanitaire atteignent 642 millions d'euros, contre 500 millions en 2022. La provision pour crises majeures est pérennisée et portée à 270 millions d'euros – soulignons que des décennies d'inaction climatique entraînent la multiplication de ces crises. Les crédits destinés au Fonds vert pour le climat augmentent eux aussi.
La commission des affaires étrangères a néanmoins émis quelques réserves, portant notamment sur le respect des objectifs chiffrés définis par la loi de programmation du 4 août 2021. En 2025, l'aide publique au développement devra représenter 0,7 % du revenu national brut (RNB). L'objectif fixé pour 2023 pourra-t-il être atteint ? Nous craignons que ce soit difficile. Se posent en outre des problèmes de comptabilisation, Oxfam présentant des chiffres différents.
Il faudrait aussi que l'insécurité alimentaire soit mieux prise en considération - c'était le sujet de la partie thématique de mon rapport. Le phénomène touche 9,8 % de la population mondiale. Nous attendons du prochain CICID qu'il précise les réorientations de crédits à venir, notamment pour ce qui concerne les équivalents temps plein (ETP) dans l'administration centrale.
Enfin, la taxe sur les transactions financières, dont une partie du produit est destinée à l'APD, avait fait l'objet d'amendements de la part des groupes La France insoumise et Écologiste, mais ils n'ont malheureusement pas pu être débattus en séance en raison du recours au 49.3. Il faudra y revenir.
Article 27 et état B : Crédits du budget général
Amendements II-CF707 de M. Jean-Philippe Tanguy et II-CF380 de M. Guillaume Garot (discussion commune).
S'agissant de l'amendement II-CF707, les montants en jeu me paraissent totalement disproportionnés : cela aboutirait à réduire l'ensemble des crédits de 15 %. Avis défavorable.
Je suis en revanche d'accord avec les auteurs de l'amendement II-CF380 : il faut augmenter la part des dons par rapport à celle des prêts. Les États-Unis font presque exclusivement des dons. Si nous voulons toucher les pays les plus pauvres, c'est dans cette direction qu'il faut aller. On peut considérer qu'il s'agit là d'un amendement d'appel. Je crois que le Gouvernement est plutôt sur cette ligne, mais notre devoir est aussi de lui mettre à l'occasion l'épée dans les reins. Avis favorable.
La commission rejette successivement les amendements II-CF707 et II-CF380.
Notre groupe salue la nouvelle hausse de la mission Aide publique au développement, qui, au travers des programmes 209 et 110, permettra de répondre à l'ambition fixée par le Président de la République à l'APD d'atteindre 0,7 % de notre revenu national brut d'ici à 2025. L'augmentation de près de 860 millions d'euros des crédits de la mission, dont 383 millions pour le programme 209 et 476 millions pour le programme 110, respecte ainsi les engagements pris par notre majorité lors de l'adoption de la loi du 4 août 2021 de programmation relative au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales. Le respect de ces engagements se traduit aussi par l'accroissement de la part d'aide bilatérale, priorisée par la loi de 2021 ; son montant passe à 1,8 milliard d'euros. Le projet de budget prend en considération la nécessité pour notre pays d'apporter une réponse efficace aux crises humanitaires qui n'ont cessé de se multiplier au cours de ces dernières années, avec le décuplement de la provision pour crise majeure prévue dans le programme 209, laquelle devrait passer de 23 millions à 270 millions d'euros. Autre illustration de la volonté française de faire face aux crises qui agitent le globe : les 75 millions d'euros alloués à l'initiative Farm ( Food & Agriculture Resilience Mission ), lancée à l'initiative de la France et qui vise à répondre à l'aggravation de la sécurité alimentaire. Pour toutes ces raisons, le groupe Renaissance votera pour les crédits de la mission.
Le groupe La France insoumise attend des engagements plus fermes de la part du Gouvernement concernant le programme Restitution des « biens mal acquis ». En outre, le déséquilibre entre les prêts et les dons nous pose un problème. Enfin, la taxe sur les transactions financières, dont les recettes atteignent le montant record de 2,24 milliards d'euros, doit être revue : son taux et son plafonnement devraient être augmentés. Nous nous abstiendrons et déposerons des amendements en séance.
Comme l'a dit Marc Le Fur, l'efficacité et de la transparence de l'aide est une question cruciale. L'indice qui évalue la transparence des cinquante plus grands organismes d'aide ne classe l'AFD qu'au vingt-huitième rang. La France est encore loin de tenir les engagements pris lors du G8 d'améliorer la transparence de l'information sur la base de normes internationales communes. Tous les acteurs du développement le soulignent : la transparence garantit l'efficacité du développement. Il faut un meilleur ciblage, pour plus d'efficacité. Nous attendons toujours l'installation de la commission d'évaluation de la politique de développement solidaire et de lutte contre les inégalités mondiales prévue par la loi de programmation de 2021. L'augmentation des crédits – que nous soutenons – doit s'accompagner d'une plus grande transparence de leur utilisation. Quant à la conditionnalité de l'APD à la délivrance de laissez-passer consulaires, la question reste d'actualité.
Ces réserves émises, le groupe Le Républicains votera pour les crédits de la mission.
Les 819 millions d'euros supplémentaires pour la mission sont nécessaires mais ils ne seront utiles que s'ils sont orientés vers les besoins cruciaux des populations les plus vulnérables, tels que l'accès à la santé, à l'eau et à l'éducation. Or seulement 18 % de l'APD française finance les services sociaux de base. Il existe en outre un risque que ces fonds soient alloués à l'Ukraine. Si cette aide est absolument cruciale, elle ne doit pas être apportée au détriment des pays les plus pauvres.
Le rendement de la taxe sur les transactions financières est supérieur à ce qu'il était en 2019. L'État prévoit plus de 2,24 milliards de recettes pour 2023, un record. Cela témoigne de l'intérêt de cette taxe, dont beaucoup ne voulaient pas entendre parler. Nous appelons à accroître la taxation des transactions les plus spéculatives dites intraday et à rehausser le plafond d'affectation au Fonds de solidarité pour le développement. Ces mesures permettraient de lever des fonds pour répondre aux nouveaux besoins.
Enfin, notre politique d'aide au développement nécessite plus de transparence, notamment à l'égard du Parlement. Nous votons chaque année des crédits pour réaliser des prêts sans disposer d'aucun droit de regard sur les pays bénéficiaires. Nous ne nous prononçons pas sur les annulations de dette, même quand les montants en jeu sont importants et directement financés par les contribuables nationaux.
S'agissant des objectifs de l'accord de Paris en matière d'émissions de gaz à effet de serre, on s'aperçoit que non seulement les principaux pays industrialisés sont loin du compte, mais que les pays en voie en développement le sont aussi. L'aide regardant la question climatique reste très insuffisante. Pour cette seule raison, je ne vois pas comment je pourrais voter en faveur des crédits.
Pour ce qui est des biens mal acquis, madame Abomangoli, on attend l'issue des procédures judiciaires.
Je suis tout à fait d'accord avec vous, madame Dalloz : il est nécessaire d'accroître la transparence de l'aide ; je proposerai d'ailleurs des amendements en ce sens.
Madame Arrighi, il est vrai qu'une partie de l'aide va à l'Ukraine, mais elle est essentiellement destinée aux réfugiés. On peut espérer que ce soit temporaire, d'autant que l'on assiste déjà au retour de certains d'entre eux.
Je partage l'analyse du groupe Écologiste sur les annulations de dette. Je trouve scandaleux, en tant que parlementaire, qu'on ergote sur des détails lors de l'examen du PLF mais que nous n'ayons pas notre mot à dire s'agissant de l'abandon de centaines de millions d'euros de créances. Certes, les décisions se prennent dans un cadre multilatéral et il n'est pas évident de consulter tout le monde, mais les Américains, eux, demandent au Sénat de se prononcer sur un certain nombre de sujets.
La commission adopte les crédits de la mission Aide publique au développement non modifiés.
Article 30 et état G : Objectifs et indicateurs de performance
Amendement II-CF1224 de M. Marc Le Fur.
Je propose, dans un souci de transparence, d'instituer un nouvel objectif de performance.
Notre priorité est d'aider les pays en voie de développement, surtout les plus pauvres d'entre eux, et de le faire massivement. Mais cela représente un réel effort pour nos contribuables, et la France n'est pas schizophrène. Nous attendons certaines choses de ces pays, notamment qu'ils acceptent le retour de ceux de leurs ressortissants qui font l'objet d'un arrêté de reconduite à la frontière. Or, si certains, comme le Niger, sont de ce point de vue très corrects, d'autres ont des attitudes plutôt surprenantes et rejettent nos demandes. D'où mon amendement.
La commission rejette l'amendement II-CF1224.
Amendement II-CF1223 de M. Marc Le Fur.
Il s'agit là encore de sortir d'une certaine naïveté. Dans les années 2000, on était dans l'utopie, le doux commerce, on déliait les aides, nos crédits servaient parfois à financer des opérations réalisées par des opérateurs chinois ou turcs. On s'aperçoit maintenant que chacun défend ses intérêts – ce qui est d'ailleurs légitime. On redécouvre que l'histoire est tragique.
Nous perdons ainsi des parts de marché dans certains des pays que nous aidons. Or il convient aussi de défendre nos industriels. L'objet du présent amendement est d'obtenir des informations sur le sujet. Je précise qu'il s'agit d'un simple indicateur, non d'une condition.
La commission rejette l'amendement II-CF1223.
Chers collègues, il faudra bien un jour expliquer à nos compatriotes pourquoi les efforts qu'on leur demande n'ont pas de traduction sur l'emploi dans notre pays. Votre refus d'adopter ces amendements aura des répercussions sur nos futurs votes, si certaines décisions ne sont pas prises dans les mois à venir.
Amendement II-CF1222 de M. Marc Le Fur.
Il s'agit par ce nouvel indicateur de performance de connaître la part des annulations de dette qui profitent aux dix-neuf pays prioritaires de l'aide publique française et aux quarante-sept pays les moins avancés. Le paradoxe, en effet, c'est que ces annulations concernent parfois des pays qui ne sont pas si pauvres, comme l'Argentine, et que la part des pays les plus pauvres et des pays prioritaires s'en trouve minorée. En bricolant, le rapporteur spécial peut obtenir des informations, mais un indicateur nous permettrait d'avoir une vision beaucoup plus claire.
Oui : si nous adoptons cet amendement, le Gouvernement sera dans l'obligation de nous fournir des éléments précis sur le sujet.
Ce que je demande à travers cet amendement, ce n'est pas que l'abandon de créances fasse l'objet d'un vote de la part du Parlement, mais que celui-ci bénéficie d'une information précise. C'est un début.
La commission adopte l'amendement II-CF1222 ( amendement II-690 ).
Amendement II-CF694 de M. Jean-Philippe Tanguy.
Cet amendement va dans le même sens que l'amendement II-CF1224 que nous avons examiné précédemment. J'imagine que le vote sera le même.
La commission rejette l'amendement II-CF694.
Avant l'article 41
Amendement II-CF1225 de M. Marc Le Fur.
Il s'agit là encore des opérations de traitement des dettes. Nous n'en sommes pas informés, nous ne concourons pas aux décisions, qui portent pourtant sur des sommes considérables, et à la fin, c'est le contribuable français qui paye. Tout cela se fait en petit comité, au sein du Club de Paris, présidé par la France. Je sais bien qu'il est compliqué d'exiger que chaque membre d'une organisation internationale en réfère à son Parlement, mais certains le font. Le représentant des États-Unis au Club de Paris, par exemple, agit sur mandat du Sénat américain. À défaut, il faudrait au moins que le Gouvernement nous remette un rapport sur ce qu'il fait et sur la manière dont il compte nous associer.
Nous aussi voterons pour, même si je ne suis pas du tout d'accord avec les objectifs visés par l'amendement, tels qu'ils ressortent des propos du rapporteur spécial.
La commission adopte l'amendement II-CF1225 ( amendement II-691 ).
Article 29 et état D : Crédits des comptes d'affectation spéciale et des comptes de concours financiers
La commission adopte les crédits du compte de concours financiers Prêt à des États étrangers non modifiés.
Article 30 et état G : Objectifs et indicateurs de performance
Amendement II-CF818 de M. Marc Le Fur.
La commission rejette l'amendement II-CF818.
Membres présents ou excusés
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire
Réunion du jeudi 20 octobre 2022 à 9 heures 30
Présents. - M. David Amiel, Mme Christine Arrighi, M. Christian Baptiste, M. Karim Ben Cheikh, M. Manuel Bompard, M. Mickaël Bouloux, M. Philippe Brun, M. Frédéric Cabrolier, M. Thomas Cazenave, M. Jean-René Cazeneuve, M. Florian Chauche, M. Éric Coquerel, M. Dominique Da Silva, Mme Marie-Christine Dalloz, M. Fabien Di Filippo, M. Benjamin Dirx, Mme Alma Dufour, Mme Stella Dupont, Mme Sophie Errante, M. Luc Geismar, Mme Félicie Gérard, M. Joël Giraud, M. Victor Habert-Dassault, Mme Nadia Hai, M. Alexandre Holroyd, M. Emmanuel Lacresse, M. Michel Lauzzana, M. Marc Le Fur, M. Mathieu Lefèvre, Mme Patricia Lemoine, M. Philippe Lottiaux, Mme Véronique Louwagie, M. Denis Masséglia, M. Bryan Masson, M. Kévin Mauvieux, M. Benoit Mournet, M. Christophe Plassard, M. Sébastien Rome, M. Xavier Roseren, M. Alexandre Sabatou, M. Michel Sala, M. Emeric Salmon, Mme Eva Sas, M. Philippe Schreck, M. Jean-Philippe Tanguy
Excusés. - Mme Karine Lebon, M. Jean-Paul Mattei, M. Charles Sitzenstuhl
Assistaient également à la réunion. - Mme Nadège Abomangoli, M. Éric Alauzet, M. François Cormier-Bouligeon, M. Hendrik Davi, M. Inaki Echaniz, Mme Martine Etienne, M. Hadrien Ghomi, M. Jean-Michel Jacques, M. Bastien Lachaud, Mme Sarah Legrain, M. Aurélien Saintoul