Ce budget est une sorte de tuilage entre la fin d'une loi de programmation militaire accélérée et une prochaine LPM en cours de préparation, les deux exercices ne devant pas être confondus.
Le budget de la défense pour 2023 comporte 62 milliards d'euros d'AE et 53 milliards de CP, mais il faut retenir plutôt le chiffre de 44 milliards d'euros hors contribution au compte d'affectation spéciale (CAS) Pensions. Sur cette base, on constate une augmentation de 3 milliards d'euros par rapport à la loi de finances initiale pour 2022, ce qui est, pour la cinquième année consécutive, conforme à la LPM pour les années 2019 à 2025.
Il ne faut pas sous-estimer l'effort réalisé. La LPM était ambitieuse et on pouvait douter que cette marche de 3 milliards puisse être atteinte en 2023. Toutes les annuités de la LPM ont donc été respectées. Ainsi, entre 2018 et 2023, le budget de la défense aura augmenté de 36 %.
L'impact de l'inflation, qui représente environ 1 milliard d'euros, est maîtrisé. Il est compensé par un relâchement du report de charges et par la structure même des relations contractuelles dans le secteur de la défense, qui se caractérise par des contrats et une vision de long terme et donc par des possibilités d'ajustement plus importantes que pour des achats à court terme.
Le programme 144 Environnement et prospective de la politique de défense, qui comprend notamment les crédits relatifs au renseignement, à la prospective, aux études en amont et à l'innovation, est doté de 1,9 milliard d'euros, soit 7 % d'augmentation par rapport à 2022. Il faut souligner la montée en puissance des moyens humains et matériels des services de renseignement, qui bénéficient d'une hausse de crédits de 16 %, et un accroissement de l'effort budgétaire en faveur de la prospective et de l'innovation de défense, puisque 1 milliard d'euros sont prévus pour les études en amont des programmes industriels.
Le programme 146 Équipement des forces, qui est celui de la base industrielle et technologique de défense (BITD), correspond aux moyens de dissuasion, de commandement et d'information, de protection et de logistique, aux capacités d'engagement et de combat des armées ainsi qu'aux moyens de protection. Ses crédits s'élèvent à 15,4 milliards d'euros, en augmentation de 900 millions par rapport à 2022, dont 8,5 milliards pour les grands programmes d'armement, 4,65 milliards pour la dissuasion et 14 milliards de nouvelles commandes.
D'importantes livraisons arrivent à échéance en 2023 : dix-huit chars Leclerc rénovés, 264 véhicules blindés multirôles (VBMR) Griffon, Serval et Jaguar, treize avions de chasse Rafale, deux avions de transport A400M, trois avions multirôles de transport et de ravitaillement (MRTT), le deuxième sous-marin nucléaire d'attaque du programme Barracuda, un patrouilleur outre-mer (POM). On voit ici les effets du cycle long ainsi que l'inertie qui caractérise une loi de programmation militaire.
S'agissant du renouvellement des stocks de munitions, 2 milliards d'euros sont prévus en AE et 1,1 milliard en CP. Ils serviront notamment à l'achat de missiles antichars et antiaériens de moyenne portée, de missiles d'interception, de combat et d'autodéfense (Mica) et d'obus de 155 millimètres pour les canons Caesar. Il faut bien distinguer ces stocks de ceux qui ont été cédés à l'Ukraine.
Je vous invite évidemment à adopter l'ensemble des crédits de la mission Défense.
L'année 2023 sera une année charnière, entre la LPM 2019-2025 et la LPM 2024-2030 annoncée par le Président de la République.
Dans un contexte géopolitique instable marqué par une recrudescence des menaces et le retour de la guerre sur le sol européen, nous devons préserver un modèle d'armée cohérent, crédible et équilibré – ce qu'on appelle une « armée complète ». Nous devons aussi garder notre autonomie stratégique, préparer nos forces à la haute intensité, renforcer les entraînements, retrouver de la masse tout en conservant notre avance technologique dans un certain nombre de domaines et sans renoncer aux rattrapages technologiques nécessaires.
Il faudra aussi se préparer à l'économie de guerre, reconstituer des stocks de matériels et de munitions, et être capables d'augmenter rapidement et massivement la production industrielle d'armements, dans la même logique que durant la crise du covid mais en faisant preuve d'anticipation.
Il est tout aussi important de renforcer le lien entre l'armée et la nation. Cela passe par la réserve opérationnelle, mais pas seulement. On voit dans l'engagement de la population en Ukraine à quel point le lien armée-nation est essentiel pour la performance des forces armées, qui n'est pas uniquement liée au matériel dont elles disposent.
Enfin, il faut accélérer la transition écologique du ministère des armées et réduire l'empreinte environnementale des infrastructures et équipements militaires. Sur ses bases en France comme en opérations extérieures, l'armée peut être un lieu d'expérimentation en matière de politique environnementale et énergétique.