Les crédits du programme 175 Patrimoines sont consacrés aux monuments historiques, aux musées de France, aux Archives nationales et aux acteurs de l'archéologie. Leur montant cumulé représente 1,11 milliard en autorisations d'engagement et 1,22 milliard en crédits de paiement.
Peut-être plus que beaucoup d'autres, le secteur du patrimoine a traversé en 2020 et 2021 une période difficile. La fermeture des sites pour raisons sanitaires puis leur ouverture réduite et la diminution du nombre de touristes internationaux ont profondément déséquilibré le modèle économique des opérateurs du ministère de la culture.
Lors de son audition, l'administrateur général de l'établissement public du domaine et du château de Versailles m'a indiqué que de 2020 à 2022, les pertes de ressources propres s'établissaient à plus de 144 millions ; selon lui, il faudra attendre 2025 pour retrouver un niveau de fréquentation comparable à celui de 2019. Dans mon département du Var, en dépit d'une politique culturelle très active, l'abbaye du Thoronet enregistrera cette année une fréquentation inférieure de 20 % à celle de 2019.
Pour autant, l'été a été favorable et la situation s'améliore globalement plus vite que nous le pensions. De plus, cette crise a appelé une réponse de l'État qui, disons-le, a été globalement à la hauteur.
Durant ces deux dernières années, l'État a en effet fortement soutenu les principaux opérateurs nationaux pour faire face à la baisse, voire à la quasi disparition des recettes propres. Le plan de relance a donné un coup de fouet aux travaux sur nos monuments. Je rends d'ailleurs hommage aux services de l'État et des régions qui, avec les directions régionales des affaires culturelles et malgré peu de ressources humaines complémentaires, ont su répondre présents.
Une telle appréciation ne constitue cependant pas un blanc-seing. En 2021 et 2022, l'État a dégagé des crédits hors normes pour le patrimoine mais, si certains crédits de paiement seront encore exécutés en 2023, les autorisations d'engagement ne sont plus au rendez-vous, alors même que ce plan de relance devrait être un minimum pour le financement du patrimoine national.
En 2018, le ministère de la culture a publié un état sanitaire du patrimoine indiquant que près d'un quart des monuments historiques était en mauvais état ou en état de péril. Dans mon département du Var, cela représente vingt-neuf monuments en péril et soixante-seize en mauvais état.
Le constat est encore plus préoccupant si l'on élargit la focale. Les conclusions d'un récent rapport du Sénat sur l'état du patrimoine religieux alertent sur un patrimoine « de plus en plus menacé », ce constat concernant tout le patrimoine vernaculaire : dans nos territoires ruraux, qui ne connaît pas une église, un lavoir, un moulin, un pigeonnier, une bastide remarquable qui menacent ruine ?
Un réel effort financier doit donc être accompli en faveur du patrimoine. Le niveau hors norme des crédits atteint en 2021 et 2022 doit devenir la norme minimale pour le patrimoine de l'État et des moyens supplémentaires doivent être trouvés pour le patrimoine des collectivités et privés. Est-ce le cas avec ce budget ? Pas vraiment.
Certes, les crédits du programme 175 progressent de 7,5 % par rapport à 2022. Les mesures nouvelles s'établissent environ à 75 millions et financent à la fois des compensations de l'inflation aux opérateurs, la poursuite d'actions de valorisation dans les territoires et un soutien particulier à certains grands projets.
Dans ces crédits, il y a des bonnes choses, dont l'accroissement des moyens consacrés au fonds incitatif et partenarial pour les collectivités, la prise en compte pour les opérateurs des effets de l'inflation, le renforcement des crédits pour le Plan cathédrales. Il y a aussi des lacunes… Sans plan de relance et hors grands projets, les crédits d'entretien de nos monuments nationaux demeurent très largement inférieurs aux besoins. Les collectivités locales, spécialement les plus petites d'entre elles, ne sont pas assez accompagnées techniquement et financièrement. Il convient aussi de renforcer les mécanismes de soutien, souvent fiscaux, aux propriétaires privés. Le stock de diagnostics non réalisés de l'Institut national de recherches archéologiques préventives (INRAP) risque fort de demeurer trop important cette année encore.
Je suis conscient que l'État ne peut pas tout mais il doit prendre pleinement sa part dans les travaux d'entretien et de restauration et le compte n'y est pas. Il convient aussi de mobiliser de nouvelles ressources comme, par exemple, une extension du 1 % culturel aux patrimoines, un élargissement de la taxe de séjour aux dépenses patrimoniales ou un soutien accru au mécénat. Sur ce point, je regrette de ne pas avoir été suivi lors de l'examen, malheureusement partiel, de la première partie du PLF.
Le patrimoine, ce n'est pas qu'une question de crédits budgétaires. Ce sont aussi des actions de sensibilisation et de bénévolat – pourquoi ne pas lancer un service national du patrimoine ? –, de réappropriation, de formation des professionnels, toutes choses qui nécessiteront une véritable loi de programmation.
Tout en reconnaissant les efforts exceptionnels des deux dernières années, je suis défavorable à l'adoption de ces crédits. Il est urgent d'investir davantage pour ce qui constitue notre histoire même et le patrimoine que nous devons transmettre.