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Intervention de Emeric Salmon

Réunion du jeudi 20 octobre 2022 à 9h30
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaEmeric Salmon, rapporteur spécial (Budget opérationnel de la défense) :

Le budget opérationnel de la défense se compose de deux programmes de la mission Défense : le programme 178, qui regroupe les crédits de préparation, de maintien en condition opérationnelle (MCO) et d'emploi des forces, et le programme 212, qui correspond aux fonctions transverses de direction et de soutien mutualisé du ministère des armées et comprend en particulier les crédits de personnel et de la condition militaire.

Pour la cinquième année consécutive, les crédits de la mission Défense sont conformes à la trajectoire de remontée en puissance définie par la loi relative à la programmation militaire (LPM) pour les années 2019 à 2025. Cette dernière ne fait que suivre une trajectoire légitime de rattrapage mettant fin à une politique d'austérité pour nos armées, lesquelles ont subi une terrible baisse de leurs moyens financiers en raison notamment de la révision générale des politiques publiques (RGPP).

L'année 2023 marque la première marche à 3 milliards d'euros de la LPM, portant le budget de la défense à 43,8 milliards d'euros, soit une hausse de 7,3 % par rapport à la loi de finances pour 2022. Le budget 2023 témoigne ainsi de l'effort de la nation au profit de son armée, dans un contexte sécuritaire instable. S'il faut saluer cet effort, il conviendra de rester vigilant quant à la poursuite et à l'accélération de cette trajectoire dans le cadre d'une nouvelle loi de programmation militaire pour les années 2024 à 2030. À ce titre, nous souhaitons une nette augmentation des moyens de nos armées, qui porterait leur budget annuel à 55 milliards d'euros d'ici à 2027.

Au sein du périmètre de mon rapport spécial, les autorisations d'engagement (AE) sont en retrait de 3,9 milliards d'euros, soit une baisse de 9,7 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2022. Cette réduction est cohérente avec le positionnement de l'année 2023 au sein de la programmation. En effet, les premiers contrats de MCO verticalisés ont été très demandeurs d'AE puisqu'il fallait passer des commandes d'équipements. Désormais, une décrue s'opère au niveau des AE ; à l'inverse, les crédits de paiement (CP) progressent de 7,6 % en 2023, ce qui traduit notamment la poursuite de l'effort en matière de MCO.

S'agissant du programme 178, je souhaite rappeler qu'il est désormais impératif de disposer d'armées préparées et d'équipements opérationnels. La menace de la haute intensité est réelle, et nous ne devons pas faiblir dans la préparation de nos armées. Au cours des auditions que j'ai menées, je me suis montré particulièrement vigilant quant à la disponibilité des matériels et des troupes de chaque armée. J'appelle votre attention sur les problèmes de disponibilité en matériel et en munitions de petit calibre.

Les crédits alloués au programme 178 augmentent de 1,2 milliard d'euros, soit une hausse de 11 % par rapport à l'année précédente. Cette évolution marque une rupture par rapport aux budgets précédents, qui prévoyaient une augmentation des crédits principalement destinée à l'acquisition et à la modernisation des équipements. Les crédits consacrés à l'entretien programmé du matériel augmentent de 550 millions d'euros. L'effort budgétaire consenti sur ce programme devrait également permettre d'augmenter le temps consacré à l'entraînement sur les matériels majeurs, ce qui me paraît essentiel dans la perspective hypothétique d'un engagement militaire de grande ampleur. À ce titre, j'ai eu l'honneur d'assister à l'exercice d'entraînement de l'armée de l'air et de l'espace Volfa 2022. C'est en intensifiant la fréquence de tels entraînements, ou d'entraînements plus importants comme l'exercice Orion qui se déroulera en 2023, que nous pourrons évaluer la capacité de nos armées à résister à un conflit de haute intensité.

La disponibilité des équipements et l'entraînement des troupes sont donc des paramètres essentiels de la remontée en puissance de nos armées. Toutefois, les hommes et les femmes qui s'engagent sont notre ressource la plus précieuse pour renforcer la résilience de notre nation. Le programme 212, qui regroupe les crédits de personnel et ceux permettant d'améliorer les conditions de vie et de travail des militaires, est donc un programme essentiel.

Les moyens budgétaires demandés pour le programme 212 sont en baisse de 1,6 milliard d'euros en AE mais connaissent une hausse de 1,3 milliard en CP, soit une augmentation de 5,8 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2022. Le PLF pour 2023 s'inscrit dans la trajectoire de remontée des effectifs du ministère des armées prévue par la LPM, avec la création de 1 502 équivalents temps plein (ETP). Cette hausse des effectifs permettra notamment de renforcer les capacités des armées dans des domaines stratégiques comme le renseignement ou la cyberdéfense. Toutefois, elle ne doit pas occulter certaines difficultés de fidélisation et de recrutement.

Pour continuer de se conformer aux ambitions de la LPM en matière de recrutement et d'acquisition de compétences, il convient de renforcer plusieurs volets de la politique de ressources humaines du ministère. Le budget 2023 prévoit 101 millions d'euros supplémentaires au titre de la dernière marche de la nouvelle politique de rémunération des militaires. Quatre nouvelles primes seront créées afin de renforcer l'attractivité des carrières et la fidélisation du personnel. Le contrat de concession « Ambition logement », conclu en février 2022 pour un engagement de 2,836 milliards d'euros, permettra la création de 3 000 logements dès les premières années de sa mise en œuvre. Quant au programme Hébergement, qui vise à améliorer le quotidien des soldats et des cadres, il bénéficiera d'un abondement de 170 millions d'euros afin de commander 4 318 places supplémentaires.

Vous l'aurez compris, le budget 2023 est ambitieux en matière de politique de défense mais insuffisant au regard de la gravité des menaces qui pèsent sur notre nation. Je vous invite à vous abstenir sur les crédits des programmes 178 et 212. Toutefois, je veillerai à l'accélération de la remontée en puissance de nos armées, notamment dans le cadre de la nouvelle loi de programmation militaire en cours d'élaboration.

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