La séance est ouverte à 14 heures 30.
Présidence de M. Sacha Houlié, président.
La Commission se prononce, en application de l'article 148 alinéa 3 du Règlement, sur l'examen ou le classement des pétitions renvoyées à la Commission (M. Éric Poulliat, rapporteur).
En application de l'article 148, alinéa 3, du règlement, il nous appartient de nous prononcer sur les suites à donner aux pétitions renvoyées à notre commission.
Depuis 2019, la procédure a changé : les pétitions sont désormais déposées et signées en ligne et renvoyées directement à la commission compétente. Celle-ci, en application de l'article précité, décide soit de classer les pétitions, soit de les examiner, ce qui passe par la désignation d'un rapporteur.
Le bureau de la commission des lois du 5 juillet 2022 a décidé que seules les pétitions ayant réuni plus de 5 000 signatures dans un délai de six mois pouvaient être évoquées en commission. Ce seuil est plus généreux que celui de 10 000 pratiqué par la majorité des autres commissions. Du fait du délai de six mois accordé pour l'atteindre, il est logique que nous nous réunissions deux fois par an à ce sujet, au début de la session – mais, en octobre dernier, aucune pétition n'avait encore atteint les 5 000 signatures – et six mois plus tard, c'est-à-dire en avril.
L'échéance tombe bien : pour la première fois, une pétition a atteint le seuil des 100 000 signatures, qui lui offre une grande visibilité en lui permettant d'être mise en ligne sur le site de l'Assemblée nationale. La présidente du groupe La France insoumise m'a demandé en conférence des présidents d'inscrire au plus vite l'examen de cette pétition à l'ordre du jour de nos travaux. J'ai accédé à cette demande, tout en lui précisant que je souhaitais que nous entendions préalablement le ministre de l'intérieur, ce que nous avons fait ce matin.
Nous allons donc décider des suites à donner aux trois pétitions renvoyées à notre commission qui ont dépassé le seuil des 5 000 signatures.
Pour la clarté de nos débats, je vais donner la parole à notre rapporteur des pétitions, M. Éric Poulliat, qui nous indiquera tout d'abord son avis sur les deux pétitions relatives à la Brav-M : celle qui en demande la dissolution et celle qui en demande le maintien.
Ceux qui le souhaitent pourront intervenir sur la question du classement ou de l'examen de ces deux pétitions.
Ensuite, nous voterons sur la proposition du rapporteur.
Les articles 147 à 151 de notre règlement permettent à nos concitoyens d'appeler l'attention du Parlement, par une pétition, sur une évolution souhaitable du droit ou sur un sujet particulier.
Comme vous venez de le rappeler, monsieur le président, une nouvelle procédure d'examen des pétitions est entrée en vigueur le 1er septembre 2019. Elle prévoit notamment le renvoi direct des pétitions, suivant leur objet, à chaque commission compétente, qui peut décider de les classer ou de les examiner. Auparavant, pour mémoire, la commission des lois centralisait l'ensemble des pétitions et décidait de les examiner, de les classer ou de les renvoyer à la commission compétente.
Le bureau de la commission des lois a décidé, le 5 juillet 2022, que notre commission se saisirait des seules pétitions ayant recueilli plus de 5 000 signatures en l'espace de six mois, et que les pétitions qui n'auraient pas atteint ce seuil dans ce délai seraient classées d'office.
Parmi les 366 pétitions enregistrées à l'Assemblée depuis le début de la législature, 123 relèvent de notre commission ; 41 d'entre elles ont été classées d'office, faute d'avoir atteint ce seuil de 5 000 signataires en six mois.
Trois pétitions ont franchi ce seuil ; les deux premières concernent la Brav-M, la troisième le référendum d'initiative citoyenne (RIC) en matière constitutionnelle. Je présenterai donc ces trois pétitions, avant de vous faire part de mes propositions de réponse, en commençant par les deux qui concernent la Brav-M.
La pétition n° 1319, qui date du 23 mars, demande la dissolution de la brigade de répression de l'action violente motocycliste mieux connue sous le sigle Brav-M.
L'auteur de la pétition estime que ces brigades sont responsables d'exactions violentes, brutales et nombreuses, dans le cadre d'un emploi disproportionné et arbitraire de la force. Il reproche aux Brav-M, qui seraient le « symbol[e] de la violence policière », de tendre le climat social et de porter atteinte à la liberté de manifester par des méthodes contraires au schéma national du maintien de l'ordre. Il compare les Brav-M aux « voltigeurs », ces unités motorisées créées après les événements de Mai 68, puis dissoutes en 1986 après la mort de Malik Oussekine en marge d'une manifestation étudiante. Il appelle à dissoudre la Brav-M et conclut son texte par ces mots : « Stoppons le massacre. »
La pétition n° 1373, qui date du 29 mars, se présente, à l'inverse, comme favorable au maintien de la Brav-M ; elle demande que les forces de l'ordre soient soutenues face aux « hordes de fous furieux qui ne jurent que par les pavés et les cocktails Molotov ».
On voit que les propos sont tout à fait nuancés…
Ces deux pétitions traitant du même sujet, je vous ferai part de mon analyse conjointe.
Les Brav-M ont été créées en mars 2019, dans le contexte des manifestations des gilets jaunes. Ce sont des unités de police mobiles constituées de binômes à moto, intervenant lors de manifestations particulièrement susceptibles de troubler l'ordre public. Opérant à Paris et dans la petite couronne, elles font partie des compagnies d'intervention de la direction de l'ordre public et de la circulation de la préfecture de police de Paris, comme l'a rappelé le ministre de l'intérieur ce matin. Des unités mobiles du même type ont été introduites dans d'autres villes de France, sous le nom de dispositifs mixtes de protection et d'interpellation (DMPI), ainsi que dans la gendarmerie : les pelotons motorisés d'interception et d'interpellation (PM2I).
Chaque unité de Brav-M est composée d'un policier motocycliste – le conducteur – et d'un membre d'une compagnie d'intervention formé au maintien de l'ordre – l'opérateur –, muni d'une matraque et d'un lanceur de balles de défense (LBD).
Contrairement aux pelotons de voltigeurs motorisés créés en 1969, auxquels elles sont parfois comparées, les Brav-M ne peuvent procéder ni à des interpellations, ni à des charges, ni à des tirs depuis leur véhicule. Ce n'est que pour se déplacer le plus vite et le plus efficacement possible face à des attroupements très mobiles que ces unités sont motorisées.
Peu présentes lors des premières manifestations intersyndicales contre la réforme des retraites, les Brav-M ont retrouvé un rôle important depuis le 16 mars dernier en raison de la multiplication à Paris de manifestations non déclarées, trop souvent accompagnées de violences et d'incendies.
Lors de la seule journée du 23 mars, 140 départs de feu ont eu lieu à Paris, qu'il s'agisse d'incendies de poubelles ou de barricades, avec tous les risques que cela comporte. Le 21 mars, 85 interventions de la brigade des sapeurs-pompiers de Paris ont eu lieu, et un immeuble a même dû être évacué, à cause de la propagation d'un feu de poubelles, dans le troisième arrondissement. Entre le jeudi 23 et le samedi 25, 425 personnes ont été arrêtées et placées en garde à vue ; 42 d'entre elles ont été déférées devant la justice. Enfin, selon les chiffres du ministère de l'intérieur, 861 policiers et gendarmes ont été blessés entre le 16 et le 27 mars.
Ces dernières semaines, des interventions violentes de plusieurs policiers des Brav-M – parfois filmées et largement diffusées dans les médias – ont entraîné l'ouverture d'enquêtes judiciaires et administratives confiées à l'Inspection générale de la police nationale (IGPN).
Dans ce contexte tendu, le rôle et les méthodes des Brav-M sont débattus. Leur existence même est contestée par certains de nos concitoyens, comme en témoigne le nombre de signataires de la pétition n° 1319, qui s'élève à plus de 260 000. La pétition n° 1373, qui a recueilli plus de 5 200 signatures, mais est un peu plus récente, exprime toutefois le point de vue inverse.
Il faut convenir que le portrait des Brav-M que dresse la pétition n° 1319 apparaît caricatural à plusieurs titres.
En premier lieu, on ne peut pas contester que des unités mobiles soient un complément utile aux traditionnelles brigades de maintien de l'ordre, dont les déplacements sont plus lents, en particulier lors de manifestations non déclarées, soudaines, éparses et violentes. C'est encore plus vrai dans une ville aussi dense que Paris, où la circulation peut être difficile.
Les travaux menés, sous la précédente législature, par Mme George Pau-Langevin et M. Jérôme Lambert, rapporteurs de la commission d'enquête relative à l'état des lieux, la déontologie, les pratiques et les doctrines de maintien de l'ordre, présidée par M. Jean-Michel Fauvergue, mettent d'ailleurs en avant le rôle essentiel de ces unités.
En second lieu, il faut rappeler que les Brav-M n'ont ni pour objet ni pour effet de restreindre la liberté de manifestation des citoyens, mais seulement d'intervenir lorsque des violences et des dégradations matérielles d'une particulière gravité se produisent en marge des manifestations, afin que les auteurs des faits puissent être rapidement interpellés et empêchés de poursuivre leurs actions violentes.
Je tiens à le souligner : en toutes circonstances, la plus grande attention doit être accordée au respect par les forces de l'ordre de la déontologie et des règles du maintien de l'ordre. Aucun dérapage ne doit ni ne peut être accepté, et les agissements fautifs de quelques agents appellent bien évidemment des sanctions fermes. Dix-sept enquêtes judiciaires liées à des manifestations ont d'ailleurs été confiées à l'IGPN à la date du 3 avril ; elles permettront d'établir les faits et d'aboutir aux sanctions nécessaires.
Cependant, le comportement fautif de quelques agents ne peut pas conduire à remettre en cause l'utilité des Brav-M dans leur ensemble lorsque l'ordre public est gravement menacé par des violences, des dégradations et des incendies.
Pour toutes ces raisons, je vous propose de classer la pétition n° 1319 demandant la dissolution des Brav-M.
De son côté, la pétition n° 1373 défend le maintien de la Brav-M « en soutien [aux] forces de l'ordre ». Or les pétitions ont pour finalité de proposer des réformes ou d'appeler l'attention des parlementaires sur un problème particulier. Elles n'ont pas vocation à défendre l'état actuel du droit, comme le fait celle-ci. Pour cette raison, je vous propose de classer également cette pétition.
M. Bernalicis veut réinterpréter le règlement, il conteste les règles établies. Le temps de parole est de deux minutes pour tout le monde et le nombre d'intervenants n'est pas limité. Si tout le groupe de La France insoumise veut intervenir, comme il en a coutume, c'est possible.
Vous ne découvrez pas l'agenda du ministre de ce matin : le fait qu'il ait été attendu au Sénat était public. Nous avons récupéré une demi-heure par rapport à la durée prévue de l'audition.
Si le travail parlementaire ne vous convient pas, j'en suis désolé. C'était bien une audition du ministre de l'intérieur.
Merci, monsieur le président, de rappeler les règles de fonctionnement de nos institutions, auxquelles nous sommes fidèles.
Merci, monsieur le rapporteur, pour vos propos éclairants. Nous saluons le travail que vous avez dû accomplir en quelques heures pour étudier ces deux pétitions.
Bien entendu, nous voterons pour leur classement : dans le cas de la seconde, parce que, n'entrant pas dans le cadre de la recevabilité des pétitions, elle est en quelque sorte nulle et non avenue ; pour la première, parce qu'elle est caricaturale dans le but – il ne faut pas s'y tromper – d'attaquer et de discréditer l'ensemble de nos forces de l'ordre et de sécurité. L'audition du ministre de l'intérieur ce matin a parfaitement rétabli la vérité sur le fonctionnement de ces brigades et ce qu'elles apportent au maintien de l'ordre compte tenu de l'évolution des manifestations, marquée par les débordements et les violences. Elle a permis d'écarter toutes les critiques et les détournements dont nous sommes témoins.
Nous l'avons vu dernièrement, des militants d'extrême gauche viennent en découdre avec les forces de l'ordre ; ils ont la volonté affichée de blesser, voire de tuer des policiers et des gendarmes.
Je tiens à rappeler le soutien du groupe Rassemblement national à nos forces de l'ordre, qui sont devenues les cibles des milices d'extrême gauche et ne sont pas soutenues par le gouvernement d'Emmanuel Macron.
Face à cette ultraviolence, M. Darmanin n'est pas à la hauteur. Une augmentation importante des effectifs des forces de l'ordre est absolument nécessaire. Les forces de maintien de l'ordre comptent 25 000 agents, dont un tiers seulement est mobilisable du fait du repos légal et des missions permanentes à assurer. Sous la présidence de M. Sarkozy, soutenu à l'époque par M. Darmanin, 2 000 postes d'escadrons de gendarmerie mobile ont été supprimés. Dans le cadre de la Lopmi (loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur), votée par le groupe RN, il est prévu de créer quatre compagnies républicaines de sécurité (CRS) et sept escadrons de gendarmerie mobile. Nous les attendons toujours.
Le Gouvernement n'est pas non plus à la hauteur en matière de formation des forces de l'ordre : les moyens alloués sont bien trop faibles. C'est pourquoi Marine Le Pen a proposé dès 2020 la création d'une école de formation au maintien de l'ordre pour toute la police nationale, et non seulement pour Paris, comme chez les gendarmes. C'est sur ces sujets que le débat doit porter.
La pétition contribue simplement à polluer le débat sur le maintien de l'ordre en parlant de violences policières. Je récuse cette expression. Il faut distinguer le comportement d'un individu de l'action globale d'une unité. Rappelons que les fonctionnaires de police sont les plus contrôlés et les plus sanctionnés.
En réalité, l'extrême gauche n'a que faire de l'ordre. Ce qu'elle veut, c'est le chaos et l'anarchie. Derrière le débat sur la dissolution de la Brav-M se cache le projet de démantèlement des BAC (brigades anticriminalité) et de désarmement des forces de l'ordre. Alors que la NUPES nourrit par son discours les violences qui augmentent dans nos rues, attisées par le mépris du peuple dont Emmanuel Macron fait preuve, le Rassemblement national prend position en faveur de l'ordre et de la démocratie.
Nous voterons contre cette pétition d'extrême gauche dont le texte est particulièrement odieux et insultant pour nos forces de l'ordre.
Je ne reparlerai pas des conditions d'examen de la pétition ; je me demande d'où le rapporteur a pu tirer toutes ces informations en si peu de temps – quelques heures à peine, a dit l'orateur de la majorité – alors que nous aurions pu convenir d'organiser quelques auditions. Le règlement de l'Assemblée nationale ne dit absolument rien à ce sujet. Nous aurions donc pu entendre le chef de la Brav-M, le préfet de police, Gérald Darmanin – cela a été fait ce matin, mais cela ne ressemblait pas tellement à une audition. Quatre ou cinq auditions en deux semaines, c'était possible.
En vérité, pour vous, l'occasion était trop belle de classer cette pétition. Il faut le dire : votre objectif est de la classer pour qu'il n'y ait pas 500 000 pétitionnaires et que vous ne vous retrouviez pas à devoir répondre de l'organisation ou non d'un débat dans l'hémicycle, dans des conditions un peu plus loyales que celles de cette réunion de commission.
Quant à l'examen en tant que tel de la pétition, monsieur le rapporteur, on ne nous demande pas d'en valider le fond, mais de décider si le sujet est intéressant à examiner. Cela ne dit pas si on est favorable ou défavorable. Quand 260 000 citoyens signent une pétition – et le font par France Connect, ce qui est encore une autre histoire –, que vous faut-il de plus ? 270 000, 300 000 ? Dites votre chiffre : on va l'atteindre, laissez-nous juste un peu de temps. Mais ne balayez pas ainsi, par un 49.3 de commission, une pétition légitime dans le pays. Regardez le sondage commandé par Le Point – et non par La France insoumise : selon les Françaises et les Français, qui est responsable des violences ? En premier lieu – pour 38 % des sondés –, le Gouvernement. Cela devrait vous pousser à vous interroger ! Ça vous intéresse, la vie des Français ? Visiblement non, puisque vous voulez classer sans suite une pétition signée par 260 000 personnes.
Monsieur Bernalicis, je pensais que vous aviez reçu mon courrier, mais vous ne l'avez manifestement ni reçu ni lu. Il vous rappelle que les auditions ne sont pas organisées préalablement à l'examen des pétitions, mais seulement si la décision d'examiner pétition est votée et que la pétition est renvoyée au fond.
Non, c'est le règlement de l'Assemblée nationale. Vous l'auriez su si vous aviez lu le courrier que j'ai pris le soin de vous adresser personnellement au lieu de le publier sur les réseaux sociaux comme vous l'avez fait avec le vôtre.
L'examen des pétitions a lieu à la demande de votre présidente de groupe, Mathilde Panot, une demande formulée le 28 mars et à laquelle j'ai immédiatement accédé. Il est singulier de solliciter le report de quelque chose que vous avez vous-même réclamé !
Je ne fais pas de coup politique, je fais du droit, contrairement à vous. Je vous ai déjà expliqué en quoi vous ne respectiez pas le droit et en quoi vous aviez pris quelques libertés avec le règlement.
L'examen en séance de la pétition, si jamais elle atteignait les 500 000 signatures, fait d'abord l'objet d'un vote en commission – la nôtre.
Il existe un droit à la pétition, mais l'examen n'est pas automatique : nous opérons un filtrage.
Je salue le travail du rapporteur, qui montre que la présentation faite dans les pétitions est partiale, et même caricaturale par certains aspects. Nous sommes là pour présenter les choses avec exigence et ne pas faire preuve d'une partialité militante qui discréditerait notre travail.
Le mécanisme interne d'enquête permet à ces questions d'être traitées dans le cadre du fonctionnement de nos institutions. N'entrons pas dans les logiques de combat idéologique et médiatique qui sont à l'œuvre.
Nous soutiendrons le classement de ces pétitions comme le rapporteur nous le propose.
Considérer une pétition comme irrecevable ou à classer n'en efface pas le sujet. Plus de 260 000 signataires, cela révèle un malaise réel et des interrogations tout à fait légitimes. Depuis la création de la plateforme, aucune pétition n'avait passé la barre des 100 000 signatures. N'enfouissons pas la tête dans le sable, ne considérons pas, comme l'a fait ce matin le ministre de l'intérieur, que la violence se traite par la violence – circulez, il n'y a rien à voir. L'échelle de perroquet nous emmène vers une issue tragique que personne ici ne souhaite. Si cette issue survenait demain, vous regarderiez tout à fait différemment le type de requête qui nous est soumis.
La procédure de pétition ne devrait pas déboucher uniquement sur un oui ou un non : une fin de non-recevoir est toujours brutale ; dans le contexte inédit de tensions sociales que nous connaissons, un débat serait bienvenu pour réinterroger la doctrine française de maintien de l'ordre, ainsi que nous devons le faire régulièrement, et son évolution récente, contestée par des citoyens français comme par des observateurs internationaux.
L'autorité n'est pas l'entêtement. Nous n'approuverons pas le classement de la pétition qui a reçu le plus de signatures – l'autre ne nous intéresse guère, voire pas du tout.
Interroger les conditions du maintien de l'ordre n'est pas remettre en cause le travail des forces de l'ordre, c'est se placer du côté des valeurs de la République quand certaines pratiques semblent s'en éloigner.
Plusieurs centaines de policiers et gendarmes ont été blessés lors de récentes manifestations. C'est inacceptable. Le groupe Horizons et apparentés salue l'engagement de ces femmes et hommes qui consacrent leur vie professionnelle et, trop souvent, une partie de leur vie personnelle à l'intérêt général et à la protection de leurs concitoyens et de nos institutions.
Il est important de distinguer, d'un côté, les manifestations organisées et sécurisées, avec une grande responsabilité, par les organisations syndicales et, de l'autre, l'émergence de groupes de casseurs, d'extrémistes et de black blocs, venus parfois de l'étranger pour produire de la violence envers nos institutions et leurs représentants.
Dans ce contexte de violence et de conflictualisation de notre société, la politique de maintien de l'ordre est centrale. La pétition visant à dissoudre la Brav-M nous pousse doublement à nous interroger.
D'une part, nous estimons qu'il revient au ministre de l'intérieur, compte tenu des informations et des moyens, notamment de renseignement, dont il dispose, de prendre, dans le cadre du schéma national de maintien de l'ordre validé par le Conseil d'État, les décisions qui s'imposent en matière d'organisation du maintien de l'ordre. Cela ne signifie pas que ce dernier soit exonéré de contrôle parlementaire – je rappelle que nous avons auditionné ce matin M. le ministre de l'intérieur.
D'autre part, dans le contexte de manifestations interdites menées par des extrémistes et des casseurs et dont le tracé n'est pas connu, nous sommes convaincus de la nécessité pour l'État de se doter de forces mobiles pouvant réagir vite et se déplacer rapidement d'un point à l'autre. Si certains policiers ou gendarmes ont pu adopter des comportements non conformes à la déontologie, ils seront sanctionnés. Il est donc inadmissible de chercher à jeter l'opprobre sur les femmes et hommes qui défendent l'ordre républicain.
Le groupe Horizons et apparentés souhaite par conséquent que cette pétition soit classée. Il en est de même de celle demandant le maintien de la Brav-M, car elle n'apporte aucune solution nouvelle et l'objet de sa demande relève du pouvoir d'organisation du ministre de l'intérieur.
Les Brav-M datent d'il y a quelques années seulement : il ne paraît pas complètement fou de vérifier ce qu'elles font, de demander un peu de transparence à propos de leurs actions et de leurs modalités d'intervention. C'est aussi le sens de la pétition en discussion.
Le problème est qu'entretemps, les violences qu'ont commises certains agents parmi la centaine qui exerce au sein des Brav-M ont choqué beaucoup de monde, à commencer par les agents de police qui voient leur activité abîmée par quelques personnes irrespectueuses des règles – rouler sur le corps d'un manifestant n'entre pas dans le cadre légal de leur action, insulter les gens et proposer de « les enculer » ne contribue pas à revaloriser la police ; nous en serons tous et toutes d'accord.
À l'étranger, des images terribles ont montré que la France ne gérait pas la sécurité. Dans les autres pays aussi, il y a des manifestants violents – hooligans, néonazis –, mais on n'y voit pas de telles images, car l'organisation n'est pas la même.
Pour vous, les termes utilisés dans la pétition ne conviennent pas. Elle a pourtant recueilli beaucoup de signatures. Ce n'est pas rien : c'est un signal. Cela traduit une demande de transparence, de mesure de l'impact de ces brigades, de travail démocratique à ce sujet. Je comprends que les mots et les arguments employés puissent heurter une partie d'entre vous : nous n'avons pas la même culture ni le même prisme politique. Mais vous ne pouvez pas taire cette demande qui vient de la population. Entendez-la : vous avez tous et toutes été élus par les citoyens.
Je comprends que l'on puisse avoir un débat en interne avec certains responsables politiques d'extrême gauche qui siègent dans l'hémicycle. Mais, depuis le départ, vous tapez sur la police. Vous dites, à partir des vidéos qui ont circulé, que la Brav-M est responsable de beaucoup d'exactions. Peut-être ; des enquêtes sont en cours : laissons-les se faire. À aucun moment vous n'avez appelé à l'apaisement, dénoncé les violences de certains manifestants ni contesté que certains de vos collaborateurs aillent volontairement… (M. Ugo Bernalicis s'exclame.) C'est en ligne, et je n'ai rien à me reprocher puisque c'est la collaboratrice qui l'y a mis elle-même et que le député a reconnu la légitimité des violences ! Il faut en assumer les conséquences.
De toute façon, la pétition n'appelle pas une réponse législative : elle relève du domaine réglementaire – de l'organisation du ministère de l'intérieur. Et si, demain, une pétition signée par 400 000 personnes demande le démantèlement de La France insoumise, vous la soutiendrez ?
On s'amuse beaucoup de votre ridicule : pour contester la légitimité d'une pétition ayant recueilli 260 000 signataires, vous en étudiez une pour le maintien de la Brav-M qui en a obtenu 5 000, et cela vous oblige aussi à parler du référendum d'initiative citoyenne en matière constitutionnelle. On se marre trop : à partir d'une pétition sur la Brav-M, vous allez carrément parler de la Constitution et du droit des citoyens à la réformer. Faites attention : la pétition pour demander la destitution d'Emmanuel Macron en est à 4 818 signatures ; nous discuterons peut-être bientôt ici de la destitution du Président lui-même !
Votre autoritarisme est incroyable. Vous venez de décider en bureau de l'Assemblée nationale de punir les députés insoumis parce qu'ils ont chanté La Marseillaise – l'hymne national ! Vous n'avez pas honte ? Vous êtes minables ! Le ridicule de l'autoritarisme macroniste apparaît partout.
Puisque vous n'aimez pas Robespierre, je vais vous citer son discours du 9 mai 1791 : « Le droit de pétition est un droit imprescriptible de tout homme en société. Les Français en jouissaient avant que vous fussiez assemblés ; les despotes les plus absolus n'ont jamais osé contester formellement ce droit à ceux qu'ils appelaient leurs sujets. […] Plus un homme est faible et malheureux, plus il a besoin du droit de pétition. […] C'est le droit imprescriptible de tout être intelligent et sensible ». Robespierre vous donne une leçon ! Vous qui aimez à le citer à propos de la Terreur, c'est bien une politique de la terreur que vous menez contre les manifestants par les violences policières.
Votre manière d'essayer d'enterrer cette pétition est absolument ridicule. Ce soir à dix-neuf heures, à l'Hôtel de Ville, beaucoup de gens seront là pour vous le signaler.
Il y a en effet quelque chose de ridicule à trembler devant une pétition. Voilà où vous en êtes ! Hier, le 49.3 ; aujourd'hui, vous voulez enterrer une pétition qui soulève un sujet majeur.
Nous n'avons pas désigné ce rapporteur pour la pétition de soutien à la Brav-M : personne n'a décidé cela. Comment cette décision a-t-elle été prise ?
J'étais là à huit heures trente ce matin.
Vous nous parlez de partialité, mais, ce matin, le ministre nous a présenté un PowerPoint truffé d'éléments à charge et totalement ridicule.
Cette pétition a été signée par 260 000 citoyens. Vous ne pouvez pas mettre cela sous le tapis. Oui, c'est une pétition engagée : toutes le sont. Elle ouvre un débat, elle pose une question sur le maintien de l'ordre. La Brav-M est la pointe avancée de votre politique de répression. Ce sont des gens qui roulent sur les manifestants, mettent des coups de matraque, tiennent des propos racistes – « t'es venu en France à la nage ou tu t'es accroché sur les ailes de l'avion ? ». Peut-on accepter que des policiers se comportent de cette manière ?
Nous allons continuer la mobilisation pour exiger la dissolution de cette unité violente. Ce matin, Gérald Darmanin a affirmé qu'on ne pouvait pas la dissoudre parce que ce n'était pas une unité ; vous avez vous-même dit que c'en était une. Je ne sais pas où est la vérité ; je sais seulement que Gérald Darmanin est expert en mensonges. Cette brigade n'a rien à faire dans le maintien de l'ordre. C'est un danger ; elle menace les gens ; elle sème la terreur le soir dans les rues de Paris. Si un drame se produit dans les prochains jours, il faudra l'assumer !
Ce n'est pas aux députés de La France insoumise que vous opposez une fin de non-recevoir : c'est aux 260 000 personnes qui ont pris la peine de lire la pétition et de la signer, non à la va-vite parce qu'on a les aurait sollicités dans la rue, mais en suivant une procédure par laquelle ils se sont déclarés et peuvent être identifiés. Ce n'est pas une démarche marginale ou dépourvue de sens.
Pourquoi autant de signataires en si peu de temps ? Reconnaissez tout de même avec nous qu'il s'est passé quelque chose. Cela signifie que cette police les effraie. Et malgré la conférence de presse du ministre de l'intérieur ce matin, plusieurs faits – et les faits sont têtus – peuvent parfaitement justifier cet effroi.
Ce qui est terrible, y compris pour les policiers que vous prétendez sans cesse défendre, c'est que l'organisation en mode Brav-M devient le modèle, le symbole de la police. Or la police, en France, ce n'est tout de même pas ça. Mais la manière dont vous insistez pour disqualifier ces 260 000 personnes ne fait que renforcer l'opposition entre police et population. C'est votre choix.
On peut se poser la question de la légitimité sur le fond ou sur la forme. Mais il faut reconnaître qu'il y a là une démarche démocratique inédite. Or les attendus du rapporteur se substituent autoritairement à la requête des citoyens. On fait une pétition pour les consulter, mais vous, vous vous faites d'autorité consultant – pas de McKinsey, cette fois – et vous décidez de la légitimité et du résultat de cette démarche. La volonté populaire s'exprime, mais, ici, les avis des orateurs l'emportent sur le vote des pétitionnaires. C'est un déni de démocratie absolu, mais on commence à avoir l'habitude : la dictature, c'est « ferme ta gueule », la démocratie, c'est « cause toujours » !
Le classement que vous proposez dissuadera les citoyens de recourir à la pétition. Si vous ne l'acceptez pas pour un cas pareil, quand le ferez-vous ? Si c'est pour choisir la couleur des fleurs dont vous allez pavoiser l'Assemblée nationale, l'intérêt démocratique n'est pas évident.
Que craignez-vous donc ? Avez-vous peur des conclusions d'un examen parlementaire ? Celui-ci pourrait légitimer l'usage de la Brav-M, mais vous refusez de prendre le risque qu'il fasse au contraire apparaître la légitimité de la dissolution de cette brigade. Vous n'avez même pas le courage de le laisser se dérouler.
Vous avez décidément un vrai problème avec le peu d'expression démocratique que nos institutions ont abandonné au peuple français. Et vous continuerez à feindre de déplorer la désaffection des urnes !
M. Mendes nous reproche de ne pas appeler à l'apaisement. Il se trompe : précisément, ce processus – qui ne vient pas de La France insoumise, et qui est là pour donner aux citoyens un pouvoir d'interpellation, d'intervention dans le débat parlementaire – est une forme d'apaisement. C'est une manière d'inscrire l'expression citoyenne dans le cadre des institutions. Ce débat, s'il avait lieu, ferait entendre des points de vue différents, que l'on a commencé à entendre ici puisque certains collègues sont intervenus sur le fond – même si ce n'est pas vraiment, je crois, le but de cette réunion.
Nous concevons les institutions comme des canaux qui permettent d'exprimer les colères. Vous faites une erreur en opposant une fin de non-recevoir non pas tant aux députés de La France insoumise – nous avons l'habitude – qu'à ces citoyens. Ce ne sont pas tous des ultragauchistes ou je ne sais quoi – même s'il n'y a aucune honte à être d'extrême gauche, c'est légitime, en tout cas pas encore interdit ; ils auraient simplement aimé qu'un débat se tienne. Vous discréditez vous-même les institutions et les procédures palliatives que vous avez mises en place. Vous en paierez les conséquences.
Cette pétition proposée par mon groupe, La France insoumise, vise à faire un peu de transparence sur les méthodes de la Brav-M et sur les directives qui leur sont données. Ce serait une très bonne chose.
Rappelons que tout cela s'ancre dans la mobilisation contre la réforme qui repousse l'âge légal de départ à la retraite à 64 ans, qui est massivement rejetée mais que le Gouvernement a fait adopter de manière verticale, par le 49.3. La contestation a d'abord utilisé les voies traditionnelles : douze journées de mobilisation ont eu lieu à l'appel d'une intersyndicale unie – qui, toujours unie, a été reçue ce matin par Élisabeth Borne et a continué de demander le retrait du projet de loi, comme 93 % des actives et des actifs. Mais le Gouvernement a choisi d'utiliser des moyens de répression violents, arbitraires, qui s'éloignent du cadre démocratique et républicain.
Un autre moyen de contestation démocratique a alors été proposé : la pétition. Et voilà que vous voulez la classer ! Vous voulez faire taire l'opposition, pourtant indispensable à une démocratie saine. Vous voulez faire disparaître toute proposition apaisée, pacifique, de sortie de crise alors qu'il est urgent de trouver le chemin de la désescalade. Nous sommes dans une impasse. Le Gouvernement est minoritaire, chacun le voit – il se réduit d'ailleurs à un seul homme, qui décide depuis son palais et refuse de céder à la majorité des gens. Vos méthodes sont non seulement autoritaires, mais vaines : les Françaises et les Français sont opposés à votre politique. Vous pouvez classer toutes les pétitions que vous voulez, ça ne changera pas l'ambiance de ce pays. Retrouvez la voie de la démocratie !
On entend beaucoup les élus d'extrême gauche parler de violences policières et de massacres – nous y sommes habitués, c'est leur fonds de commerce. L'extrême gauche légitime même les violences et les tentatives de meurtre de leurs amis des black blocs et autres milices d'extrême gauche, qui utilisent des cocktails Molotov, c'est-à-dire des armes de guerre. Aucun membre des forces de l'ordre n'a utilisé d'arme létale pour répondre à ces attaques ! On voit des hommes et des femmes qui se transforment en torches humaines, et vous légitimez ces violences.
Notre position est claire : les 260 000 pétitionnaires sont presque exclusivement des militants d'extrême gauche, qui se retrouvent certainement avec vous dans des manifestations interdites. Avec vous, on n'est jamais surpris ! Je suis certain qu'après les Brav-M, vous attaquerez d'autres services de police, comme vous l'avez déjà fait avec les BAC.
Nous nous opposerons à cette pétition que vous avez lancée avec vos amis des milices d'extrême gauche.
Monsieur Bernalicis, je vous laisse à vos accusations habituelles et à votre indignation non feinte, j'en suis sûr. Je me fie à notre règlement…
Je parle bien du règlement de l'Assemblée nationale, que le président de la commission vous a rappelé. À partir de 100 000 signatures, il y a une publication, et jusqu'à 500 000 signatures, un examen non obligatoire, assorti d'un rapport. Qu'il y ait 150 000 ou 300 000 pétitionnaires, nous suivons le règlement. Le respect des institutions est ma boussole, et le restera – contrairement à vous.
Madame Regol, vous dites qu'il faut comprendre cette pétition comme une demande de transparence. Ce n'est pas ce qui est écrit : la pétition demande la dissolution de la Brav-M, en la comparant aux voltigeurs, en citant Malik Oussekine et en parlant de « massacre ». C'est un mot qui a un sens !
Je l'ai dit, l'utilisation de la Brav-M me paraît nécessaire pour répondre à une violence qui s'est fortement accrue. Cela ne revient pas à cautionner un usage de la force qui sortirait du cadre légal. Laissons à l'IGPN le temps d'enquêter sur les faits que vous avez cités. S'ils sont avérés, elle prendra des sanctions et je serai à vos côtés pour me féliciter que l'usage de la force non légitime soit condamné.
Vous dites qu'il n'y a qu'en France que l'on voit ces scènes. Les images que le ministre nous a montrées ce matin disent le contraire : il n'y a pas que dans notre pays qu'on use de la force. Malheureusement, les activistes violents ne le sont pas qu'en France, et toutes les polices du monde ont affaire à eux.
J'alertais sur le fait qu'il n'y a qu'en France qu'on voit des scènes de guerre civile comme nous en avons vécu !
C'est faux ! Cela existe dans d'autres pays : regardez ce qui se passe en Allemagne ou dans les sommets internationaux.
Monsieur Léaument, j'admire toujours le fait que vous citiez Robespierre. Je rappelle qu'il a été raccourci par les révolutionnaires eux-mêmes, car considéré comme sanguinaire et père de la Terreur. Pour me donner des leçons de démocratie, c'est raté !
C'est quand même celui qui a condamné à mort Danton, qui était aussi un révolutionnaire, je crois !
Mes chers collègues, nous ne sommes pas dans un cours d'histoire révolutionnaire, nous instruisons des pétitions.
Citer Robespierre pour parler de démocratie, ça reste pour le moins paradoxal.
On retrouve dans les propos de M. Portes, qui parle de terreur et de répression, le même registre que celui de la pétition. S'il y a des actions qui sortent du cadre légal, elles doivent être sanctionnées, nous sommes tous d'accord sur ce point.
Madame Martin, je crois que la police effraie surtout ceux qui veulent commettre des violences. Son usage fonctionne : elle gêne ceux qui souhaitent semer le désordre et troubler l'ordre républicain, et je m'en félicite. Les citoyens n'ont pas à être effrayés, la police n'est pas là pour cela.
Enfin, monsieur Coulomme, vous semblez considérer que la simple existence d'une pétition oblige à l'examiner. Nous serions sous les ordres du citoyen. À mon sens, la démocratie, ce n'est pas le rejet des règles.
Vous comme moi ! Je me fie aux règles, celles qui régissent les pétitions en l'occurrence : jusqu'à un certain nombre de signataires, il y a un rapporteur qui fait son travail, et c'est pour cela que je suis devant vous aujourd'hui. On ne peut pas refaire les règles en permanence parce qu'elles vous gênent ou parce qu'elles n'ont pas été écrites par vous.
Vous êtes députés comme moi, donc libres de saisir tous les moyens à votre disposition si certains sujets vous paraissent importants. Je crois que vous ne vous en privez pas. Il est inutile de dévoyer le droit de pétition : si vous voulez ouvrir la discussion sur des sujets politiques, vous avez les moyens de le faire. Je note d'ailleurs que Mme Oziol reconnaît que c'est La France insoumise qui propose cette pétition. J'ai aussi vu sur les réseaux sociaux que M. Léaument était souvent cité en lien avec elle – je n'ose penser qu'elle vient de vous.
L'usage de la force est encadré. La pétition n'est pas impérative. Elle ne contribue pas à l'apaisement du débat, surtout quand elle parle de massacre et de policiers meurtriers. Il y a des règles ; je les respecte ; si le texte de la pétition avait été différent, mon rapport aurait pu l'être aussi. Mais cette pétition est une pétition politique, à charge, et qui utilise des arguments dont j'ai démontré qu'ils étaient fallacieux. Les Brav-M font leur travail, elles sont utiles ; des sanctions administratives et judiciaires frapperont des policiers qui auraient mal fait leur travail, je n'en doute pas.
La commission adopte successivement les propositions de classement des pétitions nos 1319 et 1373.
En conséquence, les pétitions nos1319 et 1373 sont classées.
Nous abordons maintenant la troisième pétition dont nous sommes saisis, « Soutenez la proposition de loi constitutionnelle instaurant le référendum d'initiative citoyenne en matière constitutionnelle », n° 1109.
Cette pétition, qui a recueilli près de 16 000 signatures, propose la création d'un référendum d'initiative citoyenne pour réviser la Constitution. Il faudrait donc modifier l'article 89 de la Constitution, relatif à la procédure de révision.
La proposition de révision constitutionnelle d'initiative citoyenne serait d'abord soumise à un contrôle de recevabilité assuré par un tribunal judiciaire. Si elle était recevable et soutenue par 700 000 citoyens, elle serait obligatoirement soumise à référendum.
La pétition demande également la suppression de l'alinéa 3 de l'article 89 de la Constitution, afin que les révisions constitutionnelles à l'initiative du Président de la République ne puissent plus être approuvées par le Parlement réuni en Congrès, mais seulement par la voie du référendum.
Actuellement, en application de l'article 89 de la Constitution, l'initiative d'une révision constitutionnelle appartient au Président de la République, sur proposition du Premier ministre, et aux membres du Parlement. Après le vote du projet de révision par les deux chambres, en termes identiques, le Président peut décider de le soumettre soit au référendum, soit au Parlement réuni en Congrès. Dans ce dernier cas, le projet est approuvé s'il réunit les trois cinquièmes des suffrages exprimés.
Je vous rappelle que la Constitution de la Ve République a été révisée vingt-quatre fois, dont deux par référendum. En 1962, il a été décidé de cette façon que le Président de la République serait désormais élu au suffrage universel. L'article 11 de la Constitution avait alors été utilisé pour organiser directement un référendum sans saisir d'abord les assemblées, ce qui a été contesté notamment par de nombreux juristes, cet article ne traitant pas de la révision. En 2000, c'est aussi par référendum qu'a été décidée la réduction de sept à cinq ans de la durée du mandat présidentiel, cette fois selon la procédure prévue par l'article 89, c'est-à-dire après l'adoption du texte de la révision par les deux assemblées.
La révision de l'article 89 proposée par la pétition est présentée comme une façon de revigorer la prise de décision en associant davantage les citoyens, mais elle pose plusieurs problèmes sérieux.
Tout d'abord, le référendum d'initiative citoyenne est conçu comme un outil de contestation de la représentation nationale, jugée par principe défaillante pour représenter le peuple alors même que les membres de l'Assemblée nationale sont élus au suffrage universel direct. Cette approche revient à contester le résultat d'élections démocratiques. Le Parlement serait entièrement exclu du processus, puisque la proposition de révision constitutionnelle émanant des citoyens serait ensuite approuvée directement par eux seuls. Par ailleurs, en cas de révision constitutionnelle d'initiative présidentielle, la révision devrait obligatoirement être soumise à référendum, alors que la Constitution actuelle laisse ouverte la voie d'une adoption par le Congrès – et nous savons bien que cette souplesse peut être utile, notamment pour conduire des révisions très ciblées ou techniques. Dans les deux cas, l'exclusion du Parlement pourrait affaiblir notre démocratie représentative et alimenter l'antiparlementarisme.
Une telle mesure pourrait limiter à un choix binaire des réponses à des questions d'une grande complexité qui nécessitent des débats dépassionnés. La circulation de fausses informations peut également avoir une influence sur le choix du citoyen et constituer un véritable danger pour la démocratie. Des garde-fous solides sont donc nécessaires pour toute révision de la Constitution.
L'actuelle procédure remplit cette condition, puisqu'elle permet d'éviter une trop grande instabilité du texte constitutionnel et comporte des garanties institutionnelles essentielles pour notre démocratie.
Mais ce n'est pas le seul problème que poserait ce projet de réécriture de l'article 89 de la Constitution, loin de là. En effet, cette pétition, sans aucun argument, supprimerait les principes fondamentaux prévus aux alinéas 4 et 5 de l'article 89, qui prévoient qu'aucune révision constitutionnelle ne peut être engagée ou poursuivie lorsqu'il est porté atteinte à l'intégrité du territoire et que la forme républicaine du Gouvernement ne peut faire l'objet d'une révision. Vous le reconnaîtrez avec moi, ce n'est pas un détail.
On le voit bien, toute modification de la norme suprême de notre ordre juridique requiert mesure et réflexion.
En outre, ce référendum d'initiative citoyenne ne présenterait pas suffisamment de garanties procédurales. Le contrôle de la recevabilité du projet de révision serait confié à un tribunal judiciaire, en méconnaissance de la compétence du Conseil constitutionnel, garant du respect de la Constitution, qui exerce cette compétence par exemple à l'occasion des référendums d'initiative partagée.
Enfin, nous nous sommes déjà prononcés récemment, à deux reprises, sur des propositions de loi visant à instaurer des référendums d'initiative citoyenne, notamment pour prévoir la possibilité de demander par référendum la convocation d'une assemblée constituante. Ces deux propositions de loi ont été rejetées.
Pour toutes ces raisons, je vous propose de classer cette pétition.
Nous voterons pour le classement de cette pétition. Merci d'avoir expliqué les attaques contre nos institutions républicaines qui se cachent derrière ce texte.
Il y a dans cette pétition une volonté de banaliser la révision de la Constitution. Cela a été fait vingt-quatre fois, c'est donc que ce n'est pas impossible ; mais c'est toujours important, et il ne faut réviser la Constitution qu'en tremblant.
Le projet politique de ceux qui défendent cette pétition, c'est aussi d'attaquer la démocratie représentative et nos institutions. Nous croyons, nous, à la démocratie représentative, ce qui n'empêche pas de développer la participation citoyenne.
Vous pointez enfin les attaques contre des principes fondamentaux de la République, que nous ne pouvons en aucun cas cautionner.
Nous nous réjouissons du fait que des citoyens proposent des pétitions sur le site de l'Assemblée nationale. Que nous soyons ou non favorables aux positions défendues, elles ont le mérite d'ouvrir un débat.
La pétition que nous examinons a recueilli plus de 15 000 signatures et vise à rétablir la confiance des citoyens dans leurs institutions, comme le Parlement, grâce à l'instauration d'un contrôle démocratique direct sur la politique par le recours au référendum. Mais la modification de l'article 89 de la Constitution proposée porte uniquement sur la matière constitutionnelle.
Face à la fracture démocratique qui résulte du premier quinquennat Macron, la réponse du Rassemblement national est simple : Marine Le Pen défend le projet d'une renaissance démocratique réalisable grâce à l'instauration de la proportionnelle et d'un référendum d'initiative citoyenne large, symbole de la souveraineté populaire à laquelle nous sommes plus que jamais attachés. L'union nationale reviendra lorsque tout le monde aura l'impression d'être respecté, lorsque chaque voix comptera. Notre groupe est favorable au RIC dans sa forme législative, qui consiste à donner au peuple la possibilité de soumettre un texte au référendum, mais reste ferme sur la sauvegarde de l'intégrité de notre Constitution. Seul le peuple peut la modifier, mais l'initiative doit en revenir au Président de la République ou aux membres du Parlement.
À l'inverse, cette pétition autoriserait sans limite la révision de la Constitution, puisqu'il suffirait qu'une proposition de révision recueille 700 000 signatures pour aboutir à un référendum. Ce RIC constituant mettrait sérieusement en péril la pérennité de notre Constitution, et donc la stabilité de nos institutions. Il s'agit là d'un risque énorme pour l'équilibre de notre démocratie car un tel référendum pourrait ouvrir la porte à un changement de régime.
Le groupe Rassemblement national votera donc pour le classement de cette pétition.
On reconnaît dans vos propos les sentiments autoritaires et antidémocratiques qui se sont exprimés lors de l'examen de la pétition sur la dissolution de la Brav-M – dont je rappelle qu'elle demandait un examen par l'Assemblée nationale, et non une modification législative.
La proposition formulée dans cette pétition serait une atteinte à la démocratie. C'est assez hallucinant… Ne serions-nous pas voisins de la Suisse ? Voilà un pays dont le fonctionnement politique est parlementaire et qui pourtant tient régulièrement des référendums. Je ne crois pas que ce soit pour autant un pays illibéral.
Je me souviens aussi que le résultat, pourtant net, du référendum de 2005 a été ensuite dissous dans la volonté gouvernementale de ne pas en tenir compte.
Il y a vraiment un problème avec la démocratie, puisque d'un côté vous avez la tartufferie de prétendre que celui qui est élu au suffrage universel a toute légitimité pour appliquer tous ses caprices – on le voit avec Macron –, et d'un autre côté, quand il s'agit de s'adresser au peuple, celui-ci perd toute légitimité… C'est aberrant. Ce refus de la démocratie, on l'entend dans toutes vos prises de parole, de la droite à l'extrême droite.
Nous voterons nous aussi le classement de cette pétition, parce que nous sommes attachés à la démocratie représentative et parce que nous avons déjà examiné deux propositions de loi sur ce sujet, toutes deux rejetées. La démocratie, ce n'est pas seulement la modification de l'article 89, et celle proposée ici pourrait entraîner des évolutions très malheureuses, puisque l'on pourrait imaginer des référendums sur tous les sujets, y compris le rétablissement de la peine de mort.
Il n'en demeure pas moins que les Français sont de plus en plus nombreux à s'interroger sur nos institutions. Ceux qui ont participé à quelques manifestations – ce n'est pas le cas de tout le monde ici – ont certainement entendu à quel point la crise politique était en train de se transformer en crise de régime. Ce n'est plus seulement la réforme, adoptée dans les conditions que l'on connaît, qui est contestée ; ce sont les règles mêmes de notre démocratie, de notre République. Il faudra un jour nous interroger sur ces règles et prévoir une meilleure implication du citoyen dans la vie publique si nous voulons que la défiance que nous voyons s'installer n'ait pas de conséquences funestes.
Des citoyens, nombreux, se sentent exclus de la vie publique et des processus de décision, mais opposer élus et citoyens, comme le fait cette pétition, n'est pas une solution.
Dans leur grande sagesse, les constituants de 1958 ont fait le choix d'organiser les modalités de révision de la Constitution alors que, pendant longtemps, le mode principal de révision était le coup d'État et l'abrogation. Le texte de l'article 89 est clair : le référendum est prévu pour approuver une modification. La pétition qui nous est soumise demande la suppression de la voie alternative parlementaire, ce qui nous paraît inutile et risqué : inutile, parce que la voie référendaire existe déjà dans notre texte fondateur, même si elle a été peu empruntée, et parfois contestée ; risquée, parce que la révision par le Congrès est souple et efficace, qualités abondamment utilisées, mais aussi parce que la rédaction retenue pourrait alimenter une contestation de la démocratie représentative, qui demeure un pilier du fonctionnement de notre système démocratique, et parce que des principes essentiels disparaîtraient, notamment l'impossibilité de réviser la Constitution pour porter atteinte à l'intégrité du territoire ou pour remettre en cause la forme républicaine du Gouvernement.
Nous sommes convaincus que l'on ne saurait opposer les souverainetés, comme le suggère cette pétition : en demandant la suppression pure et simple de l'approbation d'une révision par le Congrès, elle sous-entend un manque de légitimité de ce dernier, ou à tout le moins une moindre légitimité, par rapport au peuple qui se prononce directement.
Si notre démocratie, donc notre République, doit toujours s'interroger et évoluer, il importe d'avancer avec prudence et dans le respect des équilibres. Gardons-nous du mirage qui consiste à croire que seule une révision formelle, visant en outre à réduire le rôle du Parlement, permettrait d'accroître la participation des citoyens aux élections.
Nous voterons donc pour le classement de cette pétition. Et puisqu'il a été question de la Révolution, je citerai Olympe de Gouges, qui a dit, alors que Robespierre venait de l'envoyer à l'échafaud : « Enfants de la patrie, vous vengerez ma mort ! »
Devons-nous classer cette pétition ou l'examiner ? C'est la question qui nous est posée aujourd'hui. Il ne s'agit pas de savoir si nous l'approuvons sur le fond.
Je veux alerter tout un chacun au sujet de la situation politique de notre pays. Nous vivons une crise de régime : ce n'est plus la réforme des retraites qui est attaquée, mais l'usage du 49.3 et, au-delà, l'ensemble des institutions. La pratique de la Ve République ne correspond même plus à l'esprit dans lequel la Constitution a été rédigée.
Ce sujet doit être pris au sérieux, et l'Assemblée nationale doit s'en saisir. Je voudrais que l'on étudie ces questions, même si on peut désapprouver certaines propositions formulées ici.
Sur le fond, il pourrait être intéressant d'harmoniser les procédures proposées, que l'initiative vienne du Président de la République ou du Parlement. Pourquoi seul un texte d'initiative présidentielle peut-il être voté par le Congrès ?
On peut aussi s'interroger sur la place des citoyens. Je ne suis pas antiparlementariste ; j'estime qu'un texte doit être délibéré avant d'être soumis au référendum. Il ne faut pas contourner le Parlement, mais on pourrait imaginer une procédure d'initiative partagée, comme elle existe ailleurs dans la Constitution.
Ce sont des questions qu'il faut débattre. Nous voterons contre le classement.
Tout ce qui permet l'irruption citoyenne, tout ce qui permet le frottement dialectique entre les citoyens et la démocratie représentative telle qu'elle est organisée est à nos yeux positif. Tout ce qui discute la logique de monarchie présidentielle instaurée par la Ve République nous paraît bon.
Il ne s'agit en effet pas de nous prononcer ici sur la nature de la proposition formulée par la pétition, mais de comprendre à quel élan elle correspond.
Et si vous ne donnez aucun espace aux citoyens, de quelque nature que ce soit, ne venez pas vous plaindre : il ne restera que la rue, dans les meilleures conditions, celles que nous souhaitons, ou les pires, celles que vous organisez !
Tout ce qui permet aux citoyens de se prononcer doit être regardé avec attention.
La première irruption citoyenne, c'est le vote ; et ça marche, puisque vous êtes là ! La démocratie représentative est précieuse à la grande majorité d'entre nous et cette pétition l'attaque.
Cela ne veut pas dire que nous ne devons pas nous interroger sur le fonctionnement de nos institutions ; mais nous devons avant tout les respecter. Opposer les élus aux citoyens ne restaurera pas la confiance. Il faut trouver les voies du dialogue et de l'apaisement plutôt que de faire appel à la rue.
Nous pouvons nous saisir de ces questions, mais cette pétition adopte une logique antiparlementariste d'affaiblissement de la démocratie représentative et attaque des principes républicains aussi fondamentaux que le respect de l'intégrité du territoire. Nous avons, je crois, trouvé un large consensus en faveur de son classement.
La commission adopte la proposition de classement de la pétition n° 1109.
En conséquence, la pétition n°1109 est classée.
La séance est levée à 15 heures 45.
I nformation relative à la Commission
La Commission a désigné M. Mathieu Lefèvre, rapporteur de la proposition de loi visant à rendre obligatoire le pavoisement des drapeaux français et européen sur le fronton des mairies (n° 1011).
Membres présents ou excusés
Présents. - Mme Sabrina Agresti-Roubache, M. Romain Baubry, M. Ugo Bernalicis, M. Florent Boudié, M. Xavier Breton, Mme Émilie Chandler, Mme Clara Chassaniol, M. Jean-François Coulomme, Mme Mathilde Desjonquères, M. Philippe Dunoyer, M. Yoann Gillet, M. Guillaume Gouffier Valente, Mme Marie Guévenoux, M. Benjamin Haddad, M. Sacha Houlié, M. Jérémie Iordanoff, M. Gilles Le Gendre, M. Antoine Léaument, Mme Julie Lechanteux, M. Mathieu Lefèvre, M. Didier Lemaire, Mme Marie-France Lorho, M. Emmanuel Mandon, Mme Élisa Martin, M. Thomas Ménagé, M. Ludovic Mendes, Mme Danièle Obono, M. Didier Paris, M. Jean-Pierre Pont, M. Thomas Portes, M. Éric Poulliat, Mme Marie-Agnès Poussier-Winsback, M. Philippe Pradal, M. Stéphane Rambaud, Mme Sandra Regol, Mme Béatrice Roullaud, M. Hervé Saulignac, Mme Sarah Tanzilli, Mme Andrée Taurinya, M. Jean Terlier, M. Roger Vicot
Excusés. - M. Ian Boucard, M. Éric Ciotti, M. Philippe Gosselin, Mme Élodie Jacquier-Laforge, M. Mansour Kamardine, Mme Emeline K/Bidi, Mme Naïma Moutchou, M. Rémy Rebeyrotte, M. Davy Rimane
Assistait également à la réunion. - Mme Nathalie Oziol