La séance est ouverte à 9 heures 35.
Présidence de M. Sacha Houlié, président.
La commission auditionne M. Gérald Darmanin, ministre de l'Intérieur et des Outre-mer, sur le projet de loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur (M. Florent Boudié, rapporteur pour avis).
Nous avons le plaisir de recevoir, à nouveau, M. le ministre de l'intérieur et des outre-mer à l'occasion de l'examen du projet de loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur (Lopmi), que nous commençons ce matin.
Ce projet de loi avait fait l'objet d'une première version, déposée au mois de mars 2022 sur le bureau de l'Assemblée nationale. Après les élections présidentielle et législatives, le Gouvernement a déposé sur le bureau du Sénat, le 7 septembre 2022, une nouvelle version plus courte, plus resserrée, ce dont je me félicite. Elle permettra en effet d'avoir un débat plus cohérent, centré sur les priorités du ministère de l'intérieur pour les cinq prochaines années, ainsi que sur la programmation budgétaire, qui représente pas moins de 15 milliards d'euros de crédits supplémentaires sur la période.
Le Sénat a largement adopté le projet de loi le 18 octobre, par 307 voix contre 27 et n'a ajouté que cinq articles aux seize articles initiaux.
Monsieur le ministre, vous avez la parole.
Merci de m'inviter une nouvelle fois aux travaux de votre commission, alors que vous commencez l'examen du projet de loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur.
Ce texte est très important, d'abord parce que nous vous demandons 15 milliards d'euros de crédits supplémentaires sur les cinq prochaines années. Il faut mesurer ce que cela signifie après les 10 milliards d'euros du quinquennat précédent. En outre, et cela n'avait jamais été fait au ministère de l'intérieur, cette augmentation des crédits est prévue dans le cadre d'une programmation. Il y a eu des lois d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure, les fameuses Lopsi. Il a pu y avoir aussi des lois de programmations pour les forces de sécurité intérieure, lorsque le ministère de l'intérieur avait un périmètre plus petit, dans les années 1980 notamment. Mais il n'y a jamais eu de loi de programmation pour l'ensemble du ministère, qui couvre la sécurité civile, la sécurité au sens très large, l'immigration et l'intégration, les agents de préfecture et le fonctionnement de tous les services publics qui sont désormais sous mon autorité, à la demande du Président de la République et de la Première ministre.
Ce texte nous permettra ainsi de détailler la feuille de route que nous souhaitons mettre en œuvre pendant cinq ans et de programmer budgétairement des transformations très importantes, numériques et cyber notamment, comme les militaires peuvent le faire avec les lois de programmation militaire. C'est d'ailleurs le modèle que nous suivons.
Je commencerai par saluer le travail que nous avons pu faire au Sénat. Vous l'avez souligné, Monsieur le président, une large majorité des sénateurs, allant du groupe des LR à celui des socialistes en passant, bien sûr par le groupe de la majorité présidentielle, a adopté ce texte. Bien sûr, tout n'a pas été accepté par l'ensemble des sénateurs, mais tous ont vu l'effort financier ainsi consenti et la volonté clairement exprimée de répondre aux cinq crises qui vont s'imposer à la France, quelles que soient les majorités, quels que soient les dirigeants politiques.
Je salue aussi les agents du ministère de l'intérieur, les policiers, les gendarmes, les agents de sécurité civile et ceux de préfecture. Ces agents, quels que soient leur grade ou leur fonction, payent parfois de leur vie leur engagement pour la France et pour la fonction publique. Je vais ainsi présider aux obsèques du gendarme qui a été tué dans l'Eure, dans la nuit du 24 au 25 octobre, alors qu'il participait à une opération. Je vous prie par conséquent de bien vouloir m'excuser de ne pas pouvoir participer, demain, aux travaux de votre commission.
Pour faire face aux cinq crises qui vont toucher notre pays, le ministère de l'intérieur doit donc définir des objectifs politiques – c'est l'objet du rapport annexé – et prévoir des moyens budgétaires.
Quelles sont ces crises ? Il y a d'abord celle que nous pourrions considérer comme d'ordre public, illustrée par exemple par les manifestations des gilets jaunes. C'est fini les manifestations « à la papa », avec des services d'ordre de syndicats organisés et dans une seule ville. Nous avons affaire désormais à des rassemblements spontanés, massifs et peu prévisibles. Or, l'ordre public, c'est un métier, qui n'est pas celui de n'importe quel policier, de n'importe quel gendarme. Il nécessite une formation spécifique. Nous créons donc onze unités de forces mobiles supplémentaires, alors que quinze d'entre elles avaient été supprimées au cours des vingt dernières années. Quatre de ces unités seront des escadrons de CRS et sept des escadrons de gendarmerie mobile, qui pourront être déployés lors des crises ultramarines, comme à Mayotte ou en Guyane, ou à l'occasion de certains événements tels que le dernier référendum en Nouvelle-Calédonie. Ces opérations outre-mer sont en effet l'apanage des gendarmes.
La deuxième crise est cyber. Elle mobilise à elle seule – avec le numérique – plus de la moitié des 15 milliards d'euros supplémentaires que nous vous demandons. Ces crédits serviront à faciliter le travail des policiers, des gendarmes et des agents de préfecture – l'équivalent en quelque sorte du prélèvement à la source pour les agents des Finances publiques. Cela permettra de simplifier des procédures qui, aujourd'hui, démobilisent nos agents. Ils me disent se sentir trop pris par la paperasse ou confrontés à des difficultés dans les discussions avec les citoyens ou la justice.
Ces crédits serviront aussi, et surtout, à lutter contre la nouvelle menace cyber, qui représente déjà plus de la moitié des escroqueries. Demain, elle portera sur le secret des correspondances, l'activité des plus petites PME de vos circonscriptions et les hôpitaux publics. Nous le savons, l'attentat ne sera sans doute plus commis par un homme armé d'une kalachnikov dans une salle de spectacle – même si cela peut toujours arriver. Il sera le fait d'un drone chargé d'explosifs ou de hackers s'attaquant aux feux de signalisation de la capitale ou aux hôpitaux du Plan blanc. Ce ne sont pas à quelques dizaines ou quelques centaines de morts, mais potentiellement à des milliers auxquels nous devons nous préparer. Les attaques de drones armés, qui existent déjà dans le monde militaire, dans le cadre d'opérations extérieures, seront importées évidemment demain dans celui de la sécurité intérieure. Nous devons trouver les moyens de répondre à ces nouvelles menaces, à ce nouveau terrorisme et à cette guerre hybride qui s'est matérialisée avec le conflit en Ukraine.
Vient ensuite la crise de la sécurité civile due au réchauffement climatique. Les feux de forêt de cet été ont démontré à quel point celui-ci, même si, en l'occurrence, il n'en est pas a priori le responsable, favorise la multiplication et la diffusion des catastrophes. En conséquence, nous avons besoin de renforcer de manière considérable nos moyens de sécurité civile. Songez que la moitié des feux de cet été ont eu lieu au nord de la Loire et non plus simplement, si j'ose dire, dans des territoires comme la Corse, le Var, les Bouches-du-Rhône ou les Alpes-Maritimes, qui y sont malheureusement habitués ! Lorsque le Jura est concerné, lorsque des milliers d'hectares brûlent en Bretagne ou en Maine-et-Loire, nous devons adapter nos moyens aériens et nos dispositifs d'intervention. Cela coûte évidemment beaucoup d'argent et les moyens destinés à la sécurité civile, prévus dans la Lopmi avant même les annonces du Président de la République, le 28 octobre, seront complétés lors du débat budgétaire. Ces feux de forêt succèdent aux intempéries les pires de l'histoire récente de notre pays, qui ont émaillé le précédent quinquennat. Il avait ainsi commencé avec l'ouragan Irma, à Saint-Martin, pour se terminer avec les désastres de la Vésubie et de la vallée de la Roya. Le réchauffement climatique est donc de la plus haute importance pour le ministère de l'intérieur qui, avec ses moyens technologiques, techniques et humains, doit prendre en charge ses conséquences.
La quatrième crise est celle de la délinquance et de ses nouvelles formes, chaque crise pouvant d'ailleurs se nourrir des autres. Ainsi, les points de deal seront demain en grande partie numériques, tandis que l'argent sale se convertit aux cryptomonnaies. Nous devrons à l'avenir pouvoir saisir des actifs numériques, ce que nous ne pouvons pas faire aujourd'hui. C'est d'ailleurs l'objet d'un des articles de cette Lopmi. Les nouvelles technologies de téléphonie mobile et la crypto nous empêchent également de procéder aux écoutes classiques, alors que notre présence sur la voie publique va changer profondément. Comment les motards procéderont-ils à des contrôles autoroutiers, dans sept ou huit ans, si ce sont des voitures autonomes qui circulent ? Il nous faut réfléchir à toutes ces évolutions et les anticiper, grâce notamment à la formation initiale et continue de nos agents, auxquelles nous consacrons des moyens très importants.
Nous avons pour objectif le doublement de notre présence sur la voie publique. Nous y parviendrons en menant des réformes internes au ministère de l'intérieur, je pense par exemple à celle du cycle horaire, et en augmentant les effectifs. D'où les 8 500 policiers, gendarmes et agents de préfecture demandés dans ce texte ; d'où la récréation de 200 brigades de gendarmerie, après que 500 ont été supprimées en trente ans. Toutes les mesures sont détaillées dans le rapport annexé.
Cinquième crise enfin, celle de l'investigation, qui fait le lien avec le travail effectué par le ministre de la justice. L'appellation même des officiers de police judiciaire (OPJ), les assistants d'enquête, qui sont à la police ce que sont les greffiers à la justice, rappellent ce lien et nous renvoient aux difficultés que nous rencontrons toutes et tous. En effet, le renforcement de notre présence sur le terrain, engagé sous le précédent quinquennat, a entraîné une hausse d'environ 20 % des interpellations de trafiquants et de délinquants. Dès lors, il faut faire des enquêtes, il faut les produire et les présenter à la justice. Or la réponse pénale, qui nous paraît parfois décevante, est souvent le résultat d'un travail incomplet des services du ministère de l'intérieur, par manque d'OPJ dans chacun de vos territoires.
C'est avec un esprit ouvert que je viens devant vous, car je crois ce texte très républicain. J'ai examiné les amendements déposés par l'ensemble des groupes, dont 70 par votre rapporteur. Ils amélioreront le texte et je leur donne un avis favorable, même si je ne pourrai pas être en commission pour en discuter, pour la raison que j'ai évoquée tout à l'heure – notez au passage que j'ai manqué le Conseil des ministres pour être devant vous ce matin.
Ainsi, le Gouvernement est favorable à la nouvelle rédaction de l'article 4, qui permet de créer des contraintes à l'appel d'air supposé sur les rançongiciels. Nous aurons sans doute l'occasion d'avoir ce débat très intéressant dans l'hémicycle, puisque les rançongiciels sont une des principales menaces cyber, à l'image des extorsions des années 1980-1990.
De même, je suis favorable, par principe et par conviction, aux amendements de Mme Untermaier sur le collège de déontologie, qui peut d'ailleurs, j'en ai parlé avec le rapporteur, être étendu à l'ensemble du ministre de l'intérieur et non pas être limité aux seules forces de sécurité intérieure. La DLPAJ (direction des libertés publiques et des affaires judiciaires) ou ce qui relève de l'immigration peuvent être concernés par ce collège de déontologie.
Un amendement déposé par M. Ciotti sur la création de 3 000 places supplémentaires en CRA (centre de rétention administrative), c'est-à-dire un doublement des 1 500 places prévues, recevra également un avis favorable du Gouvernement. Il faudra cependant discuter de la trajectoire budgétaire car M. Ciotti prévoit des crédits en investissement, mais pas en fonctionnement.
Un amendement M. Naegelen, qui prévoit un délai raisonnable d'échange quant à l'implantation des 200 brigades de gendarmerie, sera accepté. Il est en effet légitime de disposer de quelques mois pour travailler sur ces implantations, en concertation avec les élus,
L'officier de liaison LGBT+ proposé par Mme Regol est dans le droit fil des amendements présentés par le groupe Écologiste au Sénat, que j'ai acceptés.
Je donnerai également un avis favorable à l'amendement de M. Boucard sur la peine complémentaire pour les infractions de violence contre les forces de l'ordre et les élus.
Je suis tout à fait favorable aux amendements CL295 et CL638 présentés par M. Bernalicis et plusieurs députés écologistes sur la visioplainte pour faciliter les démarches des victimes.
Je donnerai également un avis favorable aux amendements de M. Balanant portant sur les circonstances aggravantes pour l'outrage sexiste ou l'identité de genre.
Le Gouvernement acceptera aussi les amendements de M. Boucard et de Mme Pouzyreff sur les extensions des AFD (amende forfaitaire délictuelle) et sur les rodéos urbains, en lien avec un amendement du Sénat.
M. Ciotti veut nous imposer des traitements de dossiers à l'Ofpra (Office français de protection des réfugiés et apatrides) en soixante jours. C'est l'objet de la loi « immigration » à venir, j'y serai donc favorable par principe. Nous aurons l'occasion d'en reparler avec la loi « immigration ».
Enfin, je suis favorable à l'amendement CL393 de Mme K/Bidi sur l'évaluation à terme de la plainte en ligne.
Sur les 700 amendements déposés par l'ensemble des groupes, plus d'une centaine ont donc déjà reçu un avis favorable du Gouvernement. Pour ce qui est du débat parlementaire, ceux qui me connaissent savent que je suis plus mon instinct que les feuilles de banc, rédigées par mes collaborateurs.
Votre intervention, monsieur le ministre, est à l'image de la façon dont nous avons souhaité conduire nos travaux au cours des dernières semaines. C'est dans un esprit de très grande ouverture, qui favorise les larges consensus, que nous avons travaillé, à l'image d'ailleurs de ce qui s'est fait au Sénat où, je le rappelle, la Lopmi a été adoptée très largement, le 12 octobre.
Nous avons mené en quatre semaines, laps de temps relativement confortable pour préparer l'examen du texte, près de vingt-cinq auditions, au cours desquelles nous avons entendu soixante-dix à quatre-vingts personnes, pendant environ trente heures. Je dois aussi souligner, car c'est assez exceptionnel, que beaucoup de nos collègues députés ont souhaité participer à ces auditions alors que, généralement, le rapporteur y est un peu seul. La table ronde sur les rançongiciels a ainsi été particulièrement instructive pour déterminer la façon dont nous pouvons aborder ce sujet dans la Lopmi. De même, nous avons pu constater, s'agissant des plaintes en visioconférence, à quel point elle était attendue par les associations qui viennent en aide aux femmes victimes de violences.
Ce projet de loi fait suite au Livre blanc de septembre 2020, qui lui-même résultait d'une démarche très ouverte, à des universitaires par exemple. Il fait également suite, bien sûr, au Beauvau de la sécurité de septembre 2021. Avec 15 milliards d'euros, qui font suite aux 10 milliards d'euros du quinquennat précédent et la création 8 500 équivalents temps pleins (ETP), dont 7 612 pour les seules forces de sécurité intérieure, l'engagement est considérable. Au vu de certains amendements de suppression, déposés notamment par le groupe LFI, cet effort en faveur du ministère de l'intérieur est même considéré comme étant trop important.
Cet exercice n'est pas une tradition pour ce dernier. La dernière loi de programmation remonte en effet à 2011, alors que certains phénomènes de délinquance ou relevant de la sécurité civile, tels les mégafeux que vous avez évoqués, n'étaient pas encore aussi intenses. C'était une autre époque. La représentation nationale doit aujourd'hui définir une trajectoire pour les cinq années à venir. C'est notamment l'objet du rapport annexé.
Je souhaite que nous poursuivions nos travaux dans l'état d'esprit qui a été le nôtre en amont de l'examen du texte par la commission. Nous adapterons, le cas échéant, le droit existant. Nous aurons ainsi un débat sur les enquêtes sous pseudonymes, pour lesquelles certains arguments ne paraissent pas tout à fait recevables.
Nous devrions trouver un très large consensus autour des ambitions affichées dans cette loi de programmation.
En préambule, je salue le courage des gendarmes mobiles qui ont fait face à des actes de violence graves commis par certains activistes le week-end dernier, à Sainte-Soline. J'ai une pensée toute particulière pour les soixante et un gendarmes blessés en intervention.
Je concentrerai mes propos sur le champ de saisine de la commission de la défense, à savoir les dispositions relatives à la gendarmerie figurant aux articles 1 et 2 du projet de loi et dans le rapport annexé.
Lorsque notre majorité est arrivée aux responsabilités, en 2017, les forces de sécurité intérieure revenaient de loin, que ce soit en matière d'effectifs ou d'investissement. À cet égard, le quinquennat 2017-2022 a marqué une rupture profonde avec les deux mandats précédents. Le Gouvernement a fait de la remontée en puissance des forces de gendarmerie et de police une priorité. Cette remontée a commencé par une hausse des effectifs, dans le cadre du plan « 10 000 jeunes ». Ensuite, le plan de relance a permis aux gendarmes de renouveler leur parc de véhicules et de motos, mais aussi de commander dix hélicoptères Airbus H160.
Dans le domaine de l'équipement, la gendarmerie a connu une véritable révolution numérique avec la stratégie Gend 20.24, qui repose sur une logique « d'aller vers » ou de « pas de porte ». Les téléphones NéoGend et les ordinateurs Ubiquity permettent aux gendarmes d'effectuer en déplacement toutes les missions ordinaires accomplies dans les locaux des brigades.
Pour ce qui est de l'immobilier, les gendarmes ont bénéficié de l'opération « poignées de porte » et d'un programme de rénovation. Enfin, en 2021, le Beauvau de la sécurité a encore renfloué les crédits alloués aux gendarmes comme aux policiers.
Une fois réélue, notre majorité a décidé d'aller encore plus loin, avec le dépôt d'un projet de loi de programmation, qui ancre le mouvement dans le long terme. Ce texte prévoit ainsi un effort supplémentaire de 3,5 milliards d'euros sur cinq ans au profit de la gendarmerie. Concrètement, le point fort de la Lopmi pour les gendarmes réside dans la création de 200 brigades, de 7 escadrons de gendarmerie mobile et de 350 postes de gendarmes. Les nouvelles brigades, classiques ou itinérantes, viseront à redensifier le maillage en zones rurales et à tenir compte de l'augmentation de la population en zone gendarmerie. Tous les départements profiteront de ces créations.
Déjà entamé, le travail de concertation avec les élus quant aux lieux d'implantation des unités devrait se terminer à la mi-janvier 2022. La Lopmi prévoit par ailleurs la montée en puissance de la réserve opérationnelle de niveau 1, de 30 000 actuellement à 50 000 d'ici à 2027, avec une forte augmentation en début de mandat pour préparer les Jeux olympiques de Paris.
J'ai déjà évoqué la transformation numérique qui paradoxalement, rapproche plutôt qu'elle n'éloigne. Pour ce qui est de la formation, les élèves gendarmes passeront douze mois au lieu de huit en école. La formation continue sera consolidée avec la création de treize centres régionaux.
Enfin, le protocole social conclu le 9 mars dernier, pour un montant de 197 millions d'euros, profitera particulièrement aux sous-officiers, qui verront leur grille indiciaire revalorisée, ainsi qu'au personnel de soutien.
La commission de la défense approuve les évolutions introduites par le Sénat, s'agissant de la programmation de 300 millions d'euros de crédits immobiliers pour les gendarmes ou de vingt-cinq jours d'emploi pour les réservistes.
Nous avons quant à nous adopté cinq amendements. Ils concernent l'instauration de passerelles entre les différentes réserves, mais aussi entre le ministère de l'enseignement supérieur et le service national universel (SNU). Nous avons aussi voulu rappeler la nécessité d'un plein investissement des forces de sécurité intérieure dans le SNU.
J'espère que votre commission approuvera ses propositions.
Nous débutons aujourd'hui les débats attendus de longue date sur la Lopmi, qui fixera nos grandes orientations stratégiques en matière de sécurité publique et décidera des moyens budgétaires qui seront mobilisés et sanctuarisés pour la période 2023-2027. Ce projet de loi est la traduction concrète des engagements pris lors du Beauvau de la sécurité, que vous avez animé et coordonné. Je tiens à cet égard à souligner, après Florent Boudié, le sérieux du travail accompli par toutes les parties prenantes conviées pour l'occasion.
Au diapason d'autres grandes lois d'orientation adoptées sous le précédent quinquennat, la Lopmi consacrera un engagement pris par le Président de la République devant les Français : moderniser et renforcer notre politique publique de sécurité. L'objectif est qu'elle soit plus efficace, plus forte et plus juste pour répondre à toutes les formes de violence, celles des incivilités du quotidien et de la petite délinquance pour aller jusqu'au terrorisme et à la criminalité organisée. Cette ambition sera soutenue par des moyens humains, techniques et financiers sans précédent. Le budget du ministère de l'intérieur sera ainsi augmenté de 15 milliards d'euros entre 2023 et 2027.
Ce texte prolonge, en cohérence, les politiques que notre majorité a conduites ces cinq dernières années. Entre 2017 et 2022, nous avons créé pas moins de 10 000 postes de policiers et de gendarmes, augmenté le budget du ministère de l'intérieur et adopté plusieurs lois qui confortent et renforcent la sécurité de nos concitoyens.
Au cours des dernières semaines, nous avons mené de nombreuses auditions, qui ont permis de confirmer à quel point ce texte était attendu par nos forces de l'ordre, alors même qu'elles exercent, plus que d'autres, des tâches devenues complexes et périlleuses. Ce texte prend en considération la complexité de notre monde, ses nouvelles violences et les défis qu'il faut relever pour y faire face. Le premier d'entre eux est la révolution numérique, qui simplifiera le travail des agents du ministère et la vie de nos concitoyens. Cette révolution est d'autant plus impérieuse que la cyber délinquance est en constante et en inquiétante progression. Pour preuve le chiffre rappelé dans le rapport annexé au projet de loi, selon lequel plus des deux tiers des escroqueries relèvent désormais d'internet. Nous investirons donc massivement dans les outils numériques, qui fluidifieront les tâches des forces de l'ordre et de la chaîne pénale.
Autre défi, celui de la proximité, que nous relèverons en doublant la présence des forces de l'ordre sur le terrain, en maillant plus finement le territoire, grâce au réseau maisons France Services (MFS), et en impliquant davantage le corps préfectoral.
Enfin, pour mieux prévenir les nouvelles menaces, le renforcement de notre modèle de gestion de crise, avec plus de moyens humains et technologiques, est nécessaire. Je pense notamment à la modernisation de notre système de communication, grâce à la mise en place du programme Réseau radio du futur (RRF), mais également à la formation d'OPJ (officier de police judiciaire) et d'APJ (agent de police judiciaire) supplémentaires, pour mieux cibler les missions les plus difficiles ou les plus exposées.
Soulignons et saluons à ce propos les avancées et les précisions apportées au texte par le Sénat, qui ont permis notamment de prendre en compte les réserves formulées par le Conseil d'État. Je pense aux AFD. Je fais référence également à la création de l'article 7 bis, qui renforce la réponse pénale pour prévenir et interdire les rodéos urbains. Enfin, je me réjouis de la proposition du Gouvernement d'inscrire dans le dur, à l'article 5, les dispositions relatives au RRF.
Le texte peut cependant être encore précisé. La majorité proposera ainsi de réécrire l'article 4 portant sur les auteurs de rançongiciels. Une entreprise sur cinq déclare avoir subi au moins une attaque par rançongiciel au cours de l'année. Cette réalité justifiait à elle seule une réaction à la hauteur des conséquences potentielles.
Ce projet de loi contient des avancées qui permettront de répondre aux attentes des forces de l'ordre et des acteurs de la chaîne pénale, mais aussi aux légitimes exigences de nos concitoyens, qui aspirent à une plus grande sécurité, dans le strict respect de nos valeurs et des principes de la République. Je ne doute pas que nos débats seront marqués du sceau de cette double ambition et que le sens des responsabilités l'emportera sur toute autre considération.
Le débat qui s'enclenche aujourd'hui est fondamental. La sécurité est l'une des préoccupations principales des Français, car elle est la première des libertés. Au sein du groupe Rassemblement national (RN), nous nous réjouissons de l'élaboration d'une loi de programmation pour votre ministère, que nous réclamions avec Marine Le Pen.
Malheureusement, ces dispositions sont insuffisantes et incomplètes. Elles ne seront efficaces que si elles sont soutenues par une volonté politique, que votre Gouvernement n'a jamais eue, et par une justice qui applique réellement les peines, ce qui est loin d'être le cas avec l'actuel garde des sceaux.
Insuffisante d'abord au niveau budgétaire, puisque sur les 15 milliards d'euros prévus, le budget de votre ministère n'augmente que de 1,2 milliard pour 2023, puis seulement de 880 millions pour l'année 2024. Nous regrettons qu'il n'y ait pas d'investissement massif dès les premières années, car la situation sécuritaire l'exige.
Incomplète ensuite parce que vous ne donnez pas suffisamment de moyens à nos forces de l'ordre pour lutter contre la délinquance et l'insécurité. Rien de concret dans ce projet de loi pour les protéger. Aucune mesure pour mettre en place la présomption de légitime défense, pourtant si demandée et si légitime. Rien non plus sur une réforme du sursis ou des aménagements de peine, encore bien trop nombreux. Aucun mot sur une possible revalorisation salariale des carrières de nos forces de l'ordre, qui risquent chaque jour leur vie et qui ont l'impression d'être de simples variables d'ajustement. Rien pour faire appliquer pleinement les obligations de quitter le territoire français, véritable faille pour le Gouvernement. Vous avez beaucoup communiqué à ce sujet, mais vous n'avez rien changé.
Concernant les outre-mer, nous aurions souhaité voir dans ce texte plus de mesures pour lutter contre l'insécurité et ses spécificités locales. Rien n'est proposé non plus pour rendre obligatoire la police municipale dans les villes de plus de 10 000 habitants. Police municipale qui est la grande oubliée de votre projet de loi, alors que les pouvoirs de police des maires devraient être légitimement renforcés.
En bref, le RN aurait souhaité voir un projet de loi plus ambitieux, dont l'incidence aurait été beaucoup plus rapide, à l'instar de ce que propose Marine Le Pen.
Enfin, vous nous proposez seize articles, contre trente-trois initialement et vingt-deux dans la version adoptée par le Sénat : faut-il y voir une baisse de vos ambitions ? Le rapport annexé nous présente votre vision politique, en faisant fi de la réalité quotidienne des Français. J'y vois plus un blabla destiné à servir vos ambitions futures que des engagements concrets au service des Français.
L'augmentation des effectifs de police n'est pas destinée à servir nos territoires, mais à préparer la Coupe du monde de rugby, en 2023, et les Jeux olympiques, en 2024, qui se dérouleront en France. À ce propos, monsieur le ministre, j'espère pour vous que les Anglais n'achèteront pas en trop grand nombre des billets, afin que nous ne donnions pas à nouveau l'image d'un pays sans loi ni État.
En réalité, ce texte compense les suppressions de postes de policiers et de gendarmes opérées par votre ancien parti politique, lorsqu'il était au pouvoir. Il ne fait également que rattraper le retard d'investissement pris dans la lutte contre la criminalité sur Internet. Quant aux peines planchers, la question de leur suppression devra être à nouveau débattue, plus tard, dans cette même commission.
Comme le lapin d' Alice au pays des merveilles, qui court après le temps, vous courez après l'insécurité, résultat de dizaines d'années de laxisme et de budgets inadaptés à la réalité française. Vous êtes, passez-moi l'expression, un ministre à réaction.
Enfin, votre position vis-à-vis de celle d'Éric Dupond-Moretti est l'illustration parfaite du « en même temps » macroniste. Vous voulez renforcer les effectifs de la police et de la gendarmerie, mais vous laissez les mains du ministère de la justice au ministre du laxisme.
Comme à notre habitude, nous voterons ce qui est bon pour les Français, quelle que soit la couleur politique de celui qui propose l'amendement. Et nous demanderons bien plus que ce que propose ce texte. Nous serons constructifs, fermes et toujours du côté de l'ordre et des forces de l'ordre.
Ce projet de loi d'orientation doit être considérée au regard d'un certain nombre de principes. Quel objectif devrions-nous tous viser, du point de vue de l'intérêt général ? Non pas l'ordre absolu, que réclame notre collègue du Rassemblement national, mais le respect du principe de sûreté, qui va bien au-delà de celui de sécurité et qui est repris dans la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen. Selon ce principe, nous devons pouvoir bénéficier de la sécurité matérielle et, à ce titre, ne pas être cambriolés ou volés, par exemple, mais aussi être protégés vis-à-vis de la puissance publique, afin de ne pas être inquiété arbitrairement.
Ce principe de sûreté doit irriguer notre pensée, parce que c'est lui qui fait que nous vivons dans une démocratie, une République, que j'espère sociale. Pour remettre les choses dans l'ordre, il faudrait dire que la liberté est la première des sécurités. Ou que la première des sécurités, c'est la sécurité sociale.
Une fois ce principe posé, nous pouvons débattre de la police ou du ministère de l'intérieur que nous voulons, puisque le texte ne se limite pas aux seules questions de sécurité ou de sécurité civile. En définitive, l'important est de savoir quel service public nous voulons au service des citoyens, et non pas quelles sont les ambitions, présidentielles peut-être, de Gérald Darmanin.
Passons maintenant à la question des milliards. Il pleut en effet des milliards sur le ministère de l'intérieur ! Mais il est très compliqué de savoir exactement comment ils seront utilisés. J'ai même l'impression qu'on a d'abord donné 15 milliards et qu'ensuite on s'est dit : « Tiens !, que va-t-on bien pouvoir en faire ? ». Comme si vous aviez demandé une somme, à la cantonade, et l'aviez obtenue. J'imagine qu'on finira par avoir le détail. Selon M. le rapporteur, l'Assemblée nationale viendrait de l'obtenir – les sénateurs eux ne l'avaient pas lorsqu'ils ont examiné le texte. Il va donc falloir passer en revue ces 15 milliards d'euros pour voir ce qui nous convient, ce qui est utile du point de vue de la sûreté, ce qui l'est du point de vue du service public, en fonction des objectifs que l'on doit poursuivre. J'imagine, par exemple, que personne ne s'opposera au Réseau radio du futur. S'agissant de l'augmentation du nombre des gendarmes mobiles et des CRS, pourquoi pas. Mais si c'est pour les envoyer à Sainte-Soline pour fracasser les manifestants, voire des élus de la République, c'est problématique…
Si ces milliards devaient servir à mettre en place une police de proximité, nous pourrions en discuter. Nous pourrions effectivement considérer que c'est une bonne idée. Mais non, l'objectif est de mettre 30 % de « bleu » en plus sur le terrain, en poursuivant la militarisation des services de police dans leur équipement, leur façon d'être et de paraître.
Vous voulez finalement une police de plus en plus répressive, qui puisse se passer, en partie, de la justice. Vous traduisez les propos de responsables syndicaux de la police selon lesquels le problème de la police, c'est la justice en proposant que les policiers puissent dresser des AFD, en étant juge et partie, en faisant de la répression dans la rue, immédiatement, sans passer par la case autorité judiciaire.
S'agissant de l'investigation, nous avions défendu l'idée, pendant la campagne présidentielle, qu'il fallait moins de BAC (brigade anticriminalité) et plus de PJ (police judiciaire). Or ce n'est pas ce que vous faites avec la départementalisation.
Enfin, pour ce qui est de la déontologie policière et si l'on souhaite favoriser le rapprochement de la police et de la population, il faut supprimer l'IGPN (Inspection générale de la police nationale) et l'IGGN (Inspection de la gendarmerie nationale) au profit d'une autorité indépendante.
Ce texte est naturellement opportun et bienvenu. Et nous l'examinons enfin, car nous avons, vous avez surtout, perdu cinq ans. C'est ce qu'a déclaré la semaine dernière l'un de vos prédécesseurs, Gérard Collomb, le premier ministre de l'intérieur de M. Macron. Et il a raison ! Nous avons perdu cinq ans en matière de sécurité et d'immigration.
Les ambitions de ce texte paraissent élevées, mais elles sont en fait relatives et partielles. Relatives parce que 15 milliards d'euros, dont l'affectation annuelle n'est pas précisée, avec une inflation qui va tangenter les 10 %, laisseront finalement très peu de moyens. Près de la moitié de ces crédits, en effet, sera réservée à la lutte contre la cybercriminalité, ce qui est important, mais aussi à la modernisation de l'outil informatique, qui en a bien besoin. Près de la moitié sera donc consacrée au fonctionnement quotidien du ministère, pas aux forces de sécurité.
Je veux souligner également les importantes carences de ce texte. Voilà plusieurs années, j'avais souhaité la mise en place d'une loi d'orientation et de programmation sur la sécurité intérieure et la justice. Or votre loi de programmation ne prévoit rien sur la justice ni l'immigration, ou de façon très parcellaire. C'est une lacune, c'est un défaut. L'absence de volet justice va priver nos concitoyens d'une grande partie de la réponse au problème de l'augmentation de la violence, de la délinquance, de la criminalité dans nos rues, avec l'apparition de zones de non-droit de plus en plus nombreuses.
Je regrette qu'il n'y ait rien sur les peines planchers, qui devraient protéger l'uniforme de la République. Elles auraient été bien utiles face aux extrémistes de Sainte-Soline, qui ont provoqué des violences très graves. Et vous avez eu raison de parler d'écoterrorisme. Elles auraient été nécessaires face à ces hordes sauvages qui ont attaqué les gendarmes.
Il n'y a rien non plus sur les interdictions de territoire français, sur la double peine, alors que vous avez fait opportunément le lien – c'est nouveau et je vous en félicite – entre délinquance et immigration. L'ancien préfet Lallement a même considéré qu'une partie des primo-arrivants s'intégrait par la délinquance. Nous essaierons donc de compléter le texte.
Merci, monsieur le ministre, d'avoir d'ores et déjà répondu favorablement à notre amendement visant à augmenter le nombre de placements en CRA. Nous estimons que c'est la seule mesure qui permettra d'améliorer le taux d'exécution des OQTF (obligation de quitter le territoire français) et de faire en sorte que ceux qui sont rentrés illégalement sur le territoire national et qui, a fortiori, y ont commis des délits ou des crimes ne puissent y rester. Sans la volonté de revenir sur la procédure de placement en CRA, nous n'y arriverons pas.
Enfin, votre réponse sur l'investigation ne nous convainc pas et la réforme de la police judiciaire inquiète beaucoup, quant aux risques de déstabilisation qu'elle fait peser sur la filière. Je considère pour ma part qu'il ne faut pas toucher aux brigades du Tigre, qu'il ne faut pas toucher à la PJ et que votre réforme en la matière est dangereuse.
Nous en débattrons dans un esprit constructif, au service de la sécurité de nos concitoyens, qui aujourd'hui en a bien besoin.
Je tiens tout d'abord à remercier mon groupe de m'avoir confié la responsabilité de défendre ce texte. Comme vous, comme le groupe Démocrate, je suis profondément attachée à nos forces de sécurité intérieure, à leur mission et à la nécessité qu'elles ont de disposer des moyens humains et technologiques pour la remplir.
Après des années de détricotage, le précédent quinquennat a consenti un effort sans précédent. Il a ainsi engagé le renouvellement du parc automobile de nos forces de l'ordre et la rénovation de l'immobilier. Il reste néanmoins beaucoup à faire et nous sommes tous régulièrement interpellés quant aux difficultés rencontrées quotidiennement, malgré les nettes améliorations de ces dernières années.
Je salue à cet égard la proposition des sénateurs de consacrer 300 millions d'euros, chaque année, à l'immobilier de la gendarmerie : 200 millions pour la reconstruction et la réhabilitation des casernes, 100 millions pour leur entretien. La caserne de Neuville-sur-Saône en aurait particulièrement besoin.
Nos débats seront suivis avec attention dans toutes les brigades de France. J'espère que nos échanges respecteront toujours le métier et l'engagement des hommes et des femmes qui agissent pour la sécurité de nos concitoyens. J'espère qu'ils seront nuancés et qu'ils éviteront les outrances. Nos forces de l'ordre veulent simplement disposer des moyens nécessaires à l'exercice serein de leur mission.
Cette loi de programmation traduit en chiffres la considération que la République a pour celles et ceux qui la protègent, parfois au mépris de leur vie. C'est aussi un moteur qui, je l'espère, fera naître des vocations pour servir dans une police et une gendarmerie moderne, efficace et plus présente.
Certains collègues exprimeront sans doute leurs interrogations, quant à la réforme de la PJ en particulier. Je ne doute pas que vous saurez les rassurer, comme vous saurez rassurer nos policiers. Nous sommes convaincus que cette réforme est nécessaire. Nous avons cependant souhaité inscrire dans le rapport annexé les critères de sa mise en œuvre pour apaiser les inquiétudes qu'elle suscite.
Le groupe Démocrate proposera un certain nombre d'améliorations, entre autres deux amendements de suppression. Nous veillerons également à ce que les différentes dispositions soient traduites dans les lois budgétaires des prochaines années.
Enfin, je tiens à souligner l'excellent travail de coconstruction qui a été réalisé en amont, entre les groupes parlementaires et avec le ministère de l'intérieur.
Ce texte comporte un certain nombre d'avancées, budgétaires notamment. Sur les 15 milliards d'euros prévus, plus de la moitié – 8 milliards – servira à la modernisation de nos forces de l'ordre – informatique ou encore immobilier. On ne peut contester cette avancée, comme on ne peut contester la mesure visant à doubler les effectifs sur le terrain, d'ici à 2030. Nous restons cependant circonspects quant à sa faisabilité, d'autant que le Conseil d'État a indiqué que la crédibilité budgétaire était affectée de nombreuses incertitudes. Nous attendons de voir, si j'ose dire, comment cette promesse, intéressante, se concrétisera sur le terrain.
Ce texte suscite cependant un certain nombre d'interrogations. La première, déjà évoquée, concerne la réforme de la PJ. Monsieur le ministre, je vous demande d'être davantage à l'écoute de tous ceux qui s'expriment sur ce sujet, et pas seulement les policiers. La Conférence nationale des procureurs généraux, les procureurs de la République, l'Union syndicale des magistrats (USM) ou encore les syndicats d'avocats ont tous souligné les incertitudes, voire les dangers que fait naître cette réforme. Certaines grandes voix se sont également fait entendre. Le procureur général près la Cour de cassation, François Molins, lui qui est d'ordinaire plutôt prudent, a ainsi clairement affirmé que cette réforme était porteuse d'un certain nombre de dangers. Le procureur de la République, le vice-président du tribunal de Melun ont expliqué que cette réforme renforçait considérablement le risque de voir « se développer une délinquance de type mafieux ». Quant aux expérimentations menées dans plusieurs départements, elles n'ont pas inspiré de nombreuses louanges, notamment parce que, parfois, les orientations politiques pénales du ministère public n'ont pas été prises en compte dans la manière dont cette réforme est appliquée.
S'agissant des nombreux recrutements annoncés, nous considérons qu'ils impliquent une problématique de formation, à la fois qualitative et quantitative. Je pense notamment à celle des assistants d'enquête, au regard des missions qu'ils auront à remplir.
Par ailleurs, il nous semble que les AFD, même si elles sont présentées comme une facilité supplémentaire, présentent un risque d'arbitraire. Cela pose aussi une question de fond par rapport aux droits des victimes potentielles lorsqu'elles sont directement concernées.
Nous serons particulièrement attentifs aux dispositions portant sur les plaintes en ligne – nous avons déposé un amendement sur ce point. Il nous semble en effet que ce type de plainte devrait être davantage encadré, notamment lorsqu'il y a des victimes directes de violences intrafamiliales ou conjugales. Dans un certain nombre de cas, les victimes devraient pouvoir être reçues, en face-à-face, au commissariat, pour pouvoir s'expliquer. Le dispositif devrait être réservée à celles qui en font la demande.
Enfin, j'aimerais avoir l'avis du Gouvernement sur l'amendement instituant une expérimentation de juridictions spécialisées pour les violences conjugales et sexuelles.
Cet amendement a été déclaré irrecevable, puisque relevant des états généraux de la justice.
Je remercie tout d'abord M. Florent Boudié, rapporteur de ce texte, pour la qualité des échanges que nous avons pu avoir, en amont.
Au nom du groupe Horizons, je tiens à souligner l'ambition de la Lopmi pour la période 2022-2027. Les grandes priorités qui s'en dégagent nous semblent être à la hauteur des enjeux, en premier lieu celui de la sécurité de nos concitoyens, en second lieu celui de la simplification et de l'amélioration du quotidien des agents du ministère de l'intérieur. Je m'associe aux hommages que vous rendez régulièrement à ces agents.
Le renforcement des moyens et le doublement de la présence policière sur le terrain, avec 15 milliards d'euros supplémentaires sur cinq ans, 8 500 créations de postes et 200 nouvelles brigades de gendarmerie notamment, doivent être soulignés. C'est un effort inédit et ô combien nécessaire.
Le groupe Horizons tient à saluer l'attention particulière portée aux territoires ruraux et périurbains, qui lors des quinquennats précédents ont pu souffrir d'un recul de la présence de l'État. Nous souhaitons que cette proximité, que cette relation forte entre le ministère de l'intérieur et les collectivités territoriales, notamment les communes, soit explicitée, accentuée dans le rapport annexé. Rappelons que la police municipale est souvent primo-arrivante, voire primo-intervenante auprès de la population. Tel est l'esprit d'un certain nombre de nos amendements.
Cette proximité renforcée avec le terrain sera notamment permise par la transition numérique majeure que le ministère souhaite engager. Cette modernisation des outils à disposition des agents, point fort de la Lopmi, autorisera des relations plus efficaces avec les usagers. Policiers et gendarmes seront plus nomades grâce aux tablettes NéoGend, tandis que le RRF devrait offrir un système de communication haut débit sécurisé, résilient et pleinement interopérable aux services de sécurité et de secours, et nous l'espérons à ceux de police municipale.
Moderniser, c'est aussi mieux armer la France et sa police face aux nouvelles menaces. Les cyberattaques mettent de nombreux établissements publics et privés dans des situations de vulnérabilité extrême. Les hôpitaux sont ainsi trop régulièrement touchés par ces attaques. Le groupe Horizons souhaite qu'en plus des moyens mis à disposition des enquêteurs, la réponse de la justice soit très ferme car il est intolérable que la vie des patients puisse être mise en danger. La loi doit être particulièrement dissuasive à l'égard des réseaux criminels qui alimentent cette menace.
Enfin, le groupe Horizons est en accord avec la politique de renforcement de l'attractivité du métier de policier, grâce notamment à l'allégement des tâches administratives. La création du poste d'assistant d'enquête – avec un recrutement au sein des personnels administratifs du ministère – permettra de prendre en charge certaines de ces tâches, mais aussi de faire naître des vocations pour le métier d'enquêteur.
Le nombre d'agents de terrain va donc considérablement augmenter au cours des prochaines années, notamment en prévision d'événements comme les Jeux olympiques (JO) et paralympiques de 2024. Plusieurs dispositions de la Lopmi posent les jalons d'une future loi consacrée à ce sujet.
Il nous semblerait néanmoins intéressant de connaître, d'ores et déjà, la ventilation des crédits qui sont consacrés à la sécurisation des Jeux et des autres grands événements sportifs. En effet, l'enjeu sécuritaire sera majeur et la France sera regardée de près par le monde entier. Monsieur le ministre, pourriez-vous nous indiquer quel montant du budget prévu à l'article 2 de la Lopmi sera consacré aux événements sportifs à venir, et qu'elle serait la répartition, à ce stade de votre réflexion, entre les forces de police et de gendarmerie et les organismes de sécurité privée ?
Nous avons des visions différentes, mais nous partageons au moins la volonté, l'aspiration républicaine à améliorer la sécurité de nos concitoyennes et de nos concitoyens. Cela passe par le soutien et la transformation de l'organisation de nos forces de l'ordre et de sécurité civile. C'est après tout le devoir de l'État que de pourvoir à la sécurité de chacun, de façon égale et dans tous les territoires, et donc d'assurer un service, au service du public.
Vous avez dit, dans votre propos liminaire, que vous entamiez ce travail avec nous dans un esprit d'ouverture. Je vous prends au mot et je m'en réjouis, cela d'autant plus que, jusqu'à présent, ouverture et dialogue figurent surtout dans vos déclarations. Vous avez en effet refusé ici, à plusieurs reprises, tout dialogue concret avec les oppositions. Des différences entre les discours et les actes peuvent certes exister, mais quand ils divergent à ce point, elles abîment aussi bien notre fonction que notre mission.
Ce refus s'est jusqu'à présent traduit par du mépris, dans cette commission et dans l'hémicycle, notamment en opposant les gauches et les écologistes, en choisissant entre les uns et les autres selon qu'ils sont, selon vous, de bons ou de mauvais élèves. Un mépris pour ce que sont globalement les écologistes, pour leurs valeurs et leur combat.
Il y a quelques jours, lors des événements de Sainte-Soline, vous n'avez ainsi pas hésité à assimiler tous les écologistes à des terroristes. Une assimilation dangereuse, car vous savez que le terrorisme, ce n'est pas ce que nous incarnons. Comme preuve de ce danger, il y a les outrances que mon collègue Ciotti vient de prononcer à l'instant à notre endroit. Il n'est pas normal que de tels propos puissent se tenir au sein de nos institutions.
Alors que des élus de la République, des représentants du peuple se sont fait molester, sur ordre et dans l'exercice de leur fonction, par des forces de l'ordre, vous n'avez pas eu, ni vous monsieur le ministre, ni mes collègues, un seul mot pour Lisa Belluco et Benoît Biteau.
Mais parce qu'il est important de renforcer notre sécurité et de réorganiser police et gendarmerie, je laisserai là mes questionnements. Je vous invite, et je nous invite, à ne pas nous perdre dans des invectives personnelles et à avancer sur le fond. Je mise donc sur vos propos et sur la volonté de dialogue affichée que, monsieur le rapporteur et monsieur le président, vous saurez mettre en œuvre. Il serait dommage que nous nous braquions collectivement au moment où des textes importants pour la France se profilent et alors que les 49.3 commencent à se raréfier.
Cette Lopmi nous propose donc d'améliorer les conditions de travail et d'organisation de nos forces de l'ordre, et nous partageons cet objectif. Mais notre attention se porte en premier lieu sur l'efficacité réelle du service au public, et c'est là que le bât blesse. Vous nous dites qu'il est nécessaire de rapprocher les forces de l'ordre et la population, de renforcer les liens, la confiance et le dialogue : nous sommes d'accord. J'ai du mal alors à saisir en quoi le fait de déployer des robots ou des exosquelettes pourra rassurer la population, rapprocher et créer du dialogue. Je vous rappelle que l'objectif, c'est l'efficacité.
Vous voulez également une police qui aille mieux, qui travaille mieux. Mais j'ai du mal à comprendre comment on pourrait atteindre cet objectif en minorant le travail d'enquête sur le terrain. Après les manifs des flics en colère, après la colère froide de la PJ, je crois que ce n'est décemment pas la bonne chose à faire.
Enfin, vous préconisez le recours aux AFD pour que les agents cessent de perdre du temps. Comme mes collègues ont commencé à vous le dire, réduire le rôle de la justice n'est jamais une avancée. Cela traduit une forme de « managerisation » de notre organisation, qui affaiblit le terrain et renforce les élites. Je ne pense pas que ce soit votre dessein, mais c'est la réalité.
Un service au service du public, c'est ce que nous défendrons. J'espère que nous nous retrouverons sur ce combat, monsieur le ministre.
Si, pour juger ce projet de loi, on devait s'en tenir aux arbitrages favorables de Bercy, il suffirait de dire que vous avez obtenu bien plus que les autres ministères. Nous aurions bien aimé que d'autres ministères bénéficient d'augmentations aussi importantes ! Mais on ne se prononce pas que sur un montant, on le fait aussi sur une trajectoire, sur des objectifs, sur un sens. Je m'en tiendrai ici à nos principaux points de désaccords et à nos propositions.
J'ai entendu votre volonté d'ouverture et je vous crois a priori. Mais si l'on se fie à ce qui s'est passé dernièrement, aux appels à la coconstruction qui aboutissent à des 49.3 et à des méthodes brutales, permettez-moi d'en douter. Tenons-nous-en, néanmoins, à votre engagement de ce matin.
Cette Lopmi s'aligne sur des mesures issues de la loi « sécurité globale » à laquelle, vous le savez, nous nous sommes largement opposés. Elle s'appuie aussi sur des revendications de certains syndicats policiers qui ont scandé, il y a quelque temps, devant notre assemblée, que le problème de la police était la justice. Idée que nous combattons résolument. Par ailleurs, vous proposez de renforcer la vidéosurveillance, les caméras-piétons, les policiers robots, les frontières connectées, autant d'équipements, dits de pointe, qui ne remplaceront jamais une présence humaine de proximité. En tout cas selon nous.
Vos choix budgétaires se font malheureusement au détriment des moyens de proximité, mais aussi des investigations, des filatures ou des enquêtes, qui sont déterminantes si nous voulons assurer la sûreté. Ils se font au détriment aussi de meilleures conditions de travail pour les agents de police. Je pense ici par exemple à l'alinéa 134 du rapport annexé, qui entend privilégier la compensation financière des heures supplémentaires plutôt que la récupération. En outre, cette loi troque la police judiciaire pour une police augmentée, qui ne garantira en rien l'efficacité, c'est-à-dire la protection des citoyens.
Autre point qui nous semble crucial : la relation police-citoyen. Vous aviez annoncé que c'était une des ambitions de ce texte. Force est de constater, en regardant à ce sujet le point 6 du rapport annexé, que c'est très flou, mais aussi très stigmatisant. Vous confondez délinquance juvénile et quartiers politique de la ville, en usant d'expressions aussi peu précises que « jeunes des quartiers ». Rien n'est dit, rien n'est fait concrètement pour améliorer les rapports entre les forces de l'ordre et la population. La seule idée est de proposer des stages dans la police à des jeunes de 11 ans. La confiance ne se décrète pas, elle se gagne et je crois qu'un des principaux leviers pour parvenir à relever ce défi, c'est l'égalité de traitement entre tous les citoyens. Nous déposerons donc des amendements qui proposeront la mise en place du récépissé de contrôle d'identité pour lutter contre les contrôles discriminants, ainsi que le déploiement d'une police de proximité. Les habitantes et les habitants des quartiers populaires ont droit à la sûreté. Ils la demandent, ils dénoncent les incivilités et exigent en même temps un traitement digne et respectueux de leurs droits fondamentaux. Rien de plus, rien de moins.
Améliorer le rapport police-population, c'est également condamner les policiers quand ils sont coupables de violence. L'exemplarité est une donnée primordiale du rapport de confiance. À cet égard, nous continuons de penser que l'IGPN doit être refondée pour devenir une autorité véritablement indépendante.
Par ailleurs, nulle part dans vos éléments de langage, dans les seize articles du projet de loi, dans les quatre-vingt-huit pages du rapport annexé n'apparaît ne serait-ce qu'un début de réflexion sur la doctrine du maintien de l'ordre en France, malgré la gestion désastreuse de la séquence des gilets jaunes.
Le maintien de l'ordre doit permettre l'exercice des libertés publiques. Il nécessite un strict équilibre entre liberté et ordre public.
Face aux attentes toujours plus fortes de la population en matière de sécurité, il était nécessaire que l'État accorde enfin un soutien budgétaire et matériel à la hauteur des enjeux. En ce sens, il paraît nécessaire de redonner à l'ensemble des acteurs de la sécurité et des secours une capacité d'action renforcée, certes, mais sans excès. C'est pourquoi je m'exprime aujourd'hui au nom du groupe LIOT, qui souhaite saluer les objectifs budgétaires ambitieux, même s'ils devront être confirmés au cours de la législature.
On ne peut nier l'effort budgétaire consenti, soit une hausse cumulée sur cinq ans de 15 milliards d'euros. Notre groupe constate que cette trajectoire est respectée pour 2023, avec un budget sécurité qui dépasse les 22 milliards d'euros. Nous rejoignons cependant les critiques du Conseil d'État sur le rapport annexé. Les objectifs sont listés de manière éparse, sans hiérarchisation et il y a une absence presque systématique de corrélation entre moyens et objectifs.
Notre groupe regrette également que le calendrier ait déjà conduit à un examen de la mission Sécurité, avant d'avoir débattu de la Lopmi et des priorités. D'autre part, nous suivrons avec attention le retour annoncé dans les territoires des 200 nouvelles brigades de gendarmerie. Nous appelons néanmoins à une concertation réelle pour établir le lien avec les élus locaux et territoriaux. Ce déploiement doit se faire en partenariat avec les collectivités. De quelle marge de manœuvre disposent les élus, notamment les maires, dans leurs échanges avec les préfets ? L'efficacité des actions dépend donc intrinsèquement de la densité du maillage territorial et de la capacité d'adaptation des brigades. C'est pourquoi notre groupe souhaite obtenir des éclaircissements : concrètement, quelle sera la répartition de ces nouvelles brigades entre collectivités ?
Les réformes liées à la police judiciaire ont suscité de vives réactions. Notre groupe attire l'attention du Gouvernement sur la nécessité de garantir la spécificité de la PJ, alors que l'étude d'impact évoque un besoin de 5 000 OPJ dès 2023, en plus des 17 000 qui ont déjà cette qualité. Les mesures prévues dans ce projet de loi semblent toujours insuffisantes. Nous relevons la volonté de former tous les nouveaux policiers et gendarmes à la fonction d'OPJ, dès la formation initiale, mais cela ne permettra pas de répondre au manque à court terme. Il faudra des formateurs et réviser les programmes dans un laps de temps restreint pour susciter des vocations.
Les députés de notre groupe n'ont pas de réticence particulière à l'égard de la création des assistants d'enquête, au contraire. Ces greffiers de police devraient permettre d'alléger la charge procédurale des enquêteurs pour que ceux-ci puissent se concentrer sur leur cœur de métier.
Certains points devront en outre être clarifiés. Sur le terrain, les enquêteurs redoutent ainsi fortement d'être placés sous l'autorité d'un directeur départemental de la police nationale. Ils craignent de se voir entravés dans la conduite de leurs investigations et de ne plus pouvoir assurer leur mission avec toute l'indépendance nécessaire. En Corse, des collectifs antimafia redoutent ainsi de voir réduites les missions de la PJ pour lutter contre le grand banditisme.
Concernant ce que vous appelez les nouvelles menaces, les députés LIOT prennent note de la possibilité de saisir les cryptoactifs, ce qui leur paraît être une bonne mesure.
Par ailleurs et comme vous pouvez vous en douter, je suis réservé sur les prérogatives renforcées que vous souhaitez accorder au préfet de département sur les services de l'État en cas de crise. Pour cela, il y a des états d'urgence, qui sont des régimes d'exception et qui ne doivent en aucun pas glisser vers le droit commun. Notre groupe a l'ADN très décentralisateur et considère que l'efficacité se situe, non pas dans le renforcement des prérogatives des préfets, mais dans le partage et l'accroissement des compétences et des responsabilités des collectivités. Ce sont, selon nous, les mieux à même de régler les difficultés rencontrées dans leur territoire.
Nous ne nous opposerons pas aux nombreuses améliorations apportées par les sénateurs, qui ont permis de corriger les principales failles du texte. C'est le cas par exemple du choix opéré par le rapporteur de réduire le champ des AFD, alors que le texte initial allait beaucoup trop loin et concernait 3 400 infractions.
Enfin, nous tenons à souligner l'introduction dans le texte d'une plus forte répression des agressions contre les élus locaux. Les chiffres 2021 parlent d'eux-mêmes : plus de 160 parlementaires et plus de 600 élus municipaux agressés, soit une hausse de 47 % en un an. Il était nécessaire d'améliorer la réponse pénale sur ce point.
Je voudrais de nouveau saluer le travail de M. le rapporteur. Je le répète, nous serons favorables aux 170 amendements qu'il a déposés et nous aurons l'occasion de revenir ici ou en séance sur les interrogations qu'il a soulevées ici ou là.
Je tiens ensuite à remercier chacune et chacun d'avoir reconnu que ce texte prévoit une augmentation sans précédent des crédits du ministère de l'intérieur, qui plus est dans le cadre d'une programmation. C'est la première fois, me semble-t-il, qu'il y a une telle unanimité. Il importe, bien sûr, de savoir à quoi vont servir ces crédits et je veux dire à M. Bernalicis que je suis tout à fait prêt à en détailler l'affectation. Certes, l'avenir est toujours fait d'incertitude, mais on peut néanmoins entrer davantage dans les détails. Cela ne me pose aucun problème.
L'observation de M. Ciotti relative à l'inflation n'est pas fondée. En effet, et il le sait bien, les dotations du budget du ministère de l'intérieur relèvent essentiellement du T2, c'est-à-dire de charges de personnel, qui ne sont donc pas soumises à l'inflation. Seuls les prix du matériel peuvent être affectés par l'inflation. Je l'ai déjà expliqué récemment à vos collègues du RN, qui faisaient à peu près la même réflexion, cherchant par là-même à dévaloriser ce texte. En outre, certaines dépenses du hors T2 ont été engagées avant la forte hausse des prix que nous connaissons à présent. C'est le cas par exemple des crédits destinés au RRF de plus de 2 milliards d'euros.
Imaginons que l'inflation soit très élevée pendant toute l'année 2023 : sur 1,25 milliard d'euros de crédits supplémentaires, elle ne représenterait que 210 millions d'euros. On ne peut donc pas dire que ce texte ne prévoit pas une augmentation réelle des crédits. En outre, cela reviendrait à partir du principe qu'il n'y aurait pas de PLFR (projet de loi de finances rectificative) en fin d'année. Il y a toujours des fins de gestion qui permettent de faire face à des conditions ou contraintes extérieures. Bref, il ne faut pas bouder son plaisir : il s'agit bel et bien d'une augmentation sans précédent.
J'en profite pour dire aux élus du RN qu'ils commettent une erreur lorsqu'ils évoquent une absence de revalorisation salariale. Ce texte prévoit au contraire la plus importante revalorisation des salaires de tous les fonctionnaires de police et de gendarmerie de l'histoire du ministère de l'intérieur. Au total et en cinq ans, c'est un treizième mois que nous leur versons. C'est la consécration budgétaire de l'accord signé avec tous les syndicats de police et avec l'ensemble des organisations représentatives de la gendarmerie nationale – une première au ministère de l'intérieur dans le cadre d'une convention sociale –, tous les agents bénéficieront d'une augmentation de 100 euros par mois, en premier lieu les gardiens de la paix et les gendarmes des brigades territoriales, dès cette année. Nous n'avons donc pas attendu la Lopmi.
De même, nous allons tripler la prime des policiers de nuit, prime qui n'existait pas et que j'ai créée. Je suis également le premier ministre de l'intérieur qui accorde des primes spécifiques au CRS de montagne et aux gendarmes de PGHM (peloton de gendarmerie de haute montagne). Nous doublons aussi la prime OPJ. Nous pourrions ainsi passer en revue toutes les avancées sociales.
Quand vous dites que la revalorisation salariale n'est pas au rendez-vous, je me demande quand elle le sera selon vous, puisque, en l'occurrence, celle-ci est sans précédent. Je suis favorable aux augmentations de salaires en général et je le prouve au sein du ministère de l'intérieur. Cela d'autant qu'à ces revalorisations s'ajoutera celle du point d'indice, qui concerne tous les fonctionnaires.
S'agissant de la police municipale, vos interventions visaient principalement à la rendre obligatoire dans toutes les communes de France de plus de 10 000 habitants ou à donner des moyens supplémentaires aux maires en la matière.
Pour ce qui est du premier point, ni vous ni moi ne pouvons forcer les collectivités locales à mettre en place une police municipale, en raison de l'article 72 de notre Constitution – à moins bien sûr de vouloir changer cette Constitution… C'est le principe de libre administration. Ainsi, certaines villes, comme Paris, ont choisi d'avoir une police municipale, mais non armée, alors que d'autres, comme Tourcoing, ont préféré armer ces agents municipaux. C'est aux villes de décider. Prétendre que l'on peut rendre la police municipale obligatoire par la loi, c'est raconter des « garnousettes », comme on dit chez moi.
Concernant l'extension des pouvoirs de la police municipale et du maire, nous avons déjà eu ce débat – Mme Le Pen pourrait vous le raconter – à l'occasion de l'examen de la loi pour une sécurité globale, que vous avez d'ailleurs votée. Aux termes de ce texte, on pouvait, dans le cadre d'une expérimentation, donner des pouvoirs supplémentaires aux polices municipales. Ayant été maire moi-même, je reconnais que cela peut être, parfois, très pratique. Simplement, le Conseil constitutionnel a déclaré que si les polices municipales étaient dotées de pouvoirs judiciaires, alors elles devaient dépendre du procureur de la République. C'est d'ailleurs exactement ce qui se passe avec la police nationale. Lorsque j'embauche des policiers nationaux – et contrairement à ce que tout le monde répète sans cesse –, ce n'est pas moi qui les emploie pour des enquêtes ou pour des contrôles d'identité.
Il faut donc choisir son combat si l'on souhaite donner plus de moyens aux polices municipales : soit on modifie la Constitution, puisque la loi ordinaire ne peut pas le faire, soit on part du principe que les polices municipales sont à la disposition des procureurs de la République. Mais je ne suis pas sûr que les maires de France aient très envie de voir leur police municipale dépendre de quelqu'un d'autre que d'eux-mêmes.
L'Association des maires de France (AMF) est d'ailleurs très ambiguë quant à ce qu'elle souhaite pour les polices municipales. Entre la police municipale de Nice et celle de Troyes, entre celle de Perpignan et celles de Bordeaux ou de Strasbourg, il y a en effet un monde ! Et c'est normal, puisque l'article 72 de la Constitution permet la diversification. Il ne semble donc pas y avoir de position unanime sur ce sujet très important.
Je pense que nous sommes allés au maximum de ce que nous pouvions faire en matière de pouvoirs des polices municipales.
Monsieur Ciotti, si j'ai bien compris vos propos, vous trouvez ce texte important et bienvenu, mais incomplet. Vous regrettez notamment l'absence de mesures de justice, de peines-planchers, etc. Je vous rappelle que je ne suis pas le garde des sceaux. Vous savez très bien, pour avoir travaillé sur des Lopsi, qu'il n'y a jamais eu de texte police-justice quand vous étiez en responsabilité. Pourquoi ne pas innover ? Certes, mais l'innovation ce n'est pas que pour les autres, monsieur le député. En tout état de cause, votre curiosité et votre faim de justice seront bientôt comblées, puisque le garde des sceaux va présenter prochainement un texte de politique pénale.
Quant au texte sur l'immigration, il arrive… Cependant, il faut savoir ce qu'on veut. Quand le Gouvernement présente des textes longs, vous regrettez qu'ils le soient et de ne pas avoir le temps d'en discuter. Et quand il soumet des textes thématiques, vous déplorez qu'ils ne soient pas assez longs. C'est peut-être l'apanage de l'opposition, finalement, de n'être jamais d'accord. Nous parlerons d'immigration ensemble et avec Olivier Dussopt, le ministre du travail, et vous parlerez justice sous peu, avec M. le garde des sceaux.
Monsieur Bernalicis, je ferai dans un instant une réponse globale sur la réforme de la police nationale, qui n'est pas celle de la police judiciaire. Je voudrais juste vous corriger sur un point : pendant la campagne présidentielle, vous aviez dit, non pas « moins de BAC, plus de sécurité de proximité », mais « suppression de la BAC ». N'amoindrissez pas le discours de M. Mélenchon, qui était lui-même extrêmement modéré…
Monsieur Vicot, s'agissant de la plainte en ligne, ce ne peut être que la victime qui la demande, jamais le service de police ou de gendarmerie qui l'impose. Je pensais que c'était clair dans le texte, mais puisqu'il y a un doute, je me rangerai à l'avis du rapporteur pour bien préciser que ce n'est qu'une possibilité. Elle peut être très pratique, elle peut même permettre de libérer de la parole, mais elle n'est pas la règle. Soyez rassuré sur ce point.
Monsieur Pradal, il y aura 45 000 forces de l'ordre déployées tous les jours pour les JO. J'ai donné comme instruction au préfet de ne pas tenir compte des zones de police et de gendarmerie pendant cette période, pour mutualiser les moyens, car il s'agit d'un événement sans équivalent. La Lopmi prévoit de tenir ces 45 000 forces de l'ordre, grâce notamment à la recréation des onze unités de forces mobiles. Ce sont même dix-sept unités qui pourront être utilisées, puisque nous allons libérer les unités de forces mobiles qui, à Paris, effectuent des gardes statiques devant Beauvau, devant l'ambassade d'Israël, devant celle des États-Unis ou devant l'Élysée. Elles seront remplacées par des unités de policiers, ce qui sera plus logique.
Je rappelle que des gendarmes et des policiers vont être recrutés en grand nombre au cours des deux premières années budgétaires. J'insiste sur ce point, en particulier auprès du Rassemblement national : 90 % des postes crées le seront aux cours des deux prochaines années. C'est la première fois que le ministère de l'intérieur va recruter plus de 3 000 personnes chaque année, pour les forces de l'ordre, ce qui n'est pas, d'ailleurs, sans représenter un défi de formation et d'organisation. C'est ainsi que nous pourrons aligner 45 000 forces de l'ordre, chaque jour, pendant le JO. S'agissant de la sécurité privée, il faudrait plus de 25 000 personnes.
Madame Regol, si vous lisez bien le rapport annexé, vous verrez que les exosquelettes concernent surtout la sécurité civile. Les pompiers, volontaires ou professionnels, expliquent que ces exosquelettes les aident à porter des équipements d'extinction d'incendie toujours plus lourds et leur permettent de réduire ainsi les risques de maladies professionnelles. Je vous rassure, ces équipements ne sont pas destinés à faire de la police nationale une police « technologisée ». Vos propos plus politiques n'appellent pas de réponse particulière et feront l'objet d'échanges dans l'hémicycle. Il en est de même pour Mme Faucillon.
Enfin, pour ce qui est de la réforme de la police nationale, mesdames et messieurs les députés, elle n'est pas législative, elle est entièrement réglementaire. Pensez-vous un seul instant que nous pourrions toucher à la séparation des pouvoirs, à la relation avec l'autorité judiciaire et au pouvoir des magistrats, sans changer un article de loi ou la Constitution ? Bien sûr que non. Le fait que nous puissions faire la réforme de la police nationale avec du réglementaire uniquement est la démonstration même que nous ne touchons à aucun article du code pénal ou de procédure pénale.
La démarche suivie prouve l'honnêteté du Gouvernement, qui expose clairement ce qu'il compte faire dans les cinq prochaines années. Elle illustre également la volonté d'écouter toutes les questions, toutes les demandes, toutes les préoccupations, car il s'agit d'une de ces réformes que l'on ne fait qu'une fois par siècle. La dernière, d'une telle envergure, date de Clemenceau et, depuis, le monde a un peu changé. La technologie s'est développée, internet a été inventé et la criminalité n'est plus du tout la même. Cette réforme a été lancée il y a trente-six ans par Pierre Joxe et il est normal qu'elle suscite des interrogations. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle nous souhaitons recourir à la concertation.
Trois missions travaillent aujourd'hui en même temps sur cette réforme : celle de vos collègues Mme Guévenoux et M. Bernalicis, qui devrait rendre son rapport au mois de janvier 2023 ; celle de Mme Bellurot, pour le groupe Les Républicains, et de M. Durain, pour le groupe socialiste, au Sénat ; et une de l'Inspection générale de l'administration (IGA), commandée par moi-même. J'ai en outre demandé son avis à l'Inspection générale de la justice (IGJ). Si cette réforme a fait couler beaucoup d'encre, elle a aussi fait l'objet d'expérimentations, dont nous attendrons les retours. Ainsi, nous ne commencerons rien avant d'avoir pris connaissance des rapports de ces trois missions.
En outre, je m'engage à rendre public et à communiquer aux Chambres les rapports des inspections. Je m'engage également à attendre les élections syndicales et le vote des fonctionnaires pour discuter de cette réforme, à partir du mois de décembre, avec les représentants syndicaux fraîchement élus et légitimés. Nous modifierons le texte ensuite s'il le faut.
J'ai en outre accepté un amendement du Sénat prévoyant la spécificité de la police judiciaire, afin que l'on comprenne bien qu'il ne s'agit évidemment pas de la supprimer. D'ailleurs, nous voudrions le faire que nous ne pourrions pas, puisque nous ne changeons pas la loi et qu'il est impossible de supprimer la PJ sans recourir à la loi. J'ai même proposé au Sénat, qui l'a refusé, que l'on encadre la réforme de la police nationale, pour rassurer tout le monde sur les différents points évoqués.
Le magistrat, juge d'instruction ou procureur, pourra-t-il choisir librement le service de police ou de gendarmerie ? La réponse est oui, puisque l'article 12 du code de procédure pénale ne changera pas. Y aura-t-il une police judiciaire départementalisée ? La réponse est non et je le répète depuis le mois de juillet. Nous garderons tous les offices, nous garderons toutes les antennes. Je ne toucherai pas à l'actuelle cartographie.
Par ailleurs, pour répondre à certaines craintes, nous avons décidé que toutes les questions relevant de la délinquance financière et de la probité ne seraient pas traitées au niveau départemental, mais aux niveaux régional, zonal où national, selon les cas. Et si vous souhaitait que cela figure dans le rapport annexé, j'y serai favorable. Je le dis à Mme Brocard, je serai favorable à ses amendements prévoyant d'encadrer la réforme de la police nationale, puisque je l'avais moi-même proposé au Sénat.
On ne peut se contenter de regarder les taux d'élucidation baisser et la criminalité organisée se transformer technologiquement. Je le dis à M. Ciotti et au RN, nous proposons une réforme qui prend en compte le fait que délinquance étrangère, délinquance internationale, délinquance territoriale, renseignement, tout est aujourd'hui lié. Et cette réforme de la police nationale, beaucoup l'attentent et la souhaitent.
Je revendique ce choix d'un texte court. C'est ce que je vous ai demandé au mois de juillet, et que je demanderai à tous les ministres qui passeront devant la commission des lois. C'est un gage de qualité, c'est la garantie que l'on va au fond des choses, que l'on ne se disperse pas, que l'on n'étudie pas n'importe quoi. Quinze articles est un bon format, sur lequel on peut travailler sérieusement. Je renouvellerai cette exigence pour tous les autres textes et je vous remercie, monsieur le ministre, de l'avoir respectée.
Nous examinerons certaines questions relatives à l'ordre public dans le cadre de l'examen du texte sur les Jeux olympiques. S'agissant plus précisément des vidéos, une mission d'information, conduite par M. Gosselin et M. Latombe, a été lancée. J'ai pu constater ce week-end encore que la France savait organiser de très grandes compétitions.
S'agissant des manifestations de grande ampleur, j'ai également une pensée pour les soixante-six gendarmes qui ont été blessés ce week-end à Sainte-Soline. Malgré les désordres et les violences, aucun incident grave n'est à déplorer. Cela prouve que la doctrine de maintien de l'ordre n'est pas si mauvaise dans notre pays.
S'agissant de la mission d'information sur la réforme de la police, je vous remercie tout d'abord d'avoir décidé de rendre public, auprès de notre commission, le rapport de l'IGA. Vous avez également fait mention d'un rapport de l'IGJ. Vous m'avez d'autre part adressé une lettre, ainsi qu'au garde des sceaux, dans laquelle vous confirmez les propos que vous venez de tenir quant au libre choix, par le magistrat enquêteur, du service d'enquête qu'il requiert, en application de l'article 12 du code de procédure pénale. Si vous êtes d'accord, je rendrai publique cette lettre et la communiquerai aux différents membres de la commission des lois, afin que chacun ait un écrit, une preuve, un gage de ce à quoi vous vous êtes engagé. Et qui, d'ailleurs, n'est que la traduction de nos travaux, puisque, comme vous l'avez rappelé, il n'y a pas de modification législative sur ce point.
Nous en venons aux questions des autres députés.
Ce projet de loi n'est pas à la hauteur, surtout lorsqu'on prétend que les violences faites aux femmes figurent parmi les grandes causes du quinquennat. Vous avez voulu, avec l'article 7, aborder le sujet des outrages sexistes. Très bien. Qu'une femme ne puisse pas se sentir en sécurité dans les rues, dans les transports en commun ou près de chez elle est en effet un problème de société. C'est un sujet primordial, car il participe à l'insécurité persistante à laquelle les Françaises doivent faire face, tous les jours. Les insultes sur le physique, à cause d'une jupe ou d'un décolleté, le harcèlement à répétition, pour un regard ou pour le simple fait d'être là, ne sont plus acceptables.
Pourquoi vous ne créez pas un véritable arsenal législatif contre ce fléau, en faisant comme l'Espagne par exemple, qui considère ces comportements comme des délits ? Pourquoi ne pas vous emparer sincèrement de ce sujet ? Pourquoi ne faites-vous pas preuve de bon sens et d'une réelle volonté politique, tout simplement ? Pourquoi ne sanctionnez-vous pas plus sévèrement la récidive ? Pourquoi n'inscrivez-vous pas leurs auteurs au fichier des délinquants sexuels ? Pourquoi laissez-vous les auteurs d'outrages s'en tirer avec de simples amendes, aux montants dérisoires, qui peuvent même être forfaitaires et réglées rapidement.
Finalement, avec vous, on peut injurier et harceler une Française sans problème, si on se balade avec des billets de 200 euros dans la poche. Encore un avantage pour les dealers de drogue, qui se font rarement payer par carte bancaire.
Toutes ces questions, vous vous en doutez, sont à l'origine de tous les amendements du RN. Puisque vous n'avez pas la volonté de défendre les libertés et la sécurité des femmes de notre pays, nous allons nous en occuper.
Au moment où nous ouvrons le débat sur ce texte, impossible de passer sous silence les événements du week-end dernier, à Sainte-Soline. Comme l'a rappelé mon collègue Ugo Bernalicis, les faits sont graves. Une fois de plus, la question de la doctrine du maintien de l'ordre se pose. Nous déposerons d'ailleurs un amendement visant à garantir le droit de manifester, entravé aujourd'hui dans notre pays par un usage disproportionné de la force.
Nous demanderons aussi l'interdiction des LBD (lanceur de balles de défense) et je vous rassure, monsieur le ministre, nous demanderons en outre la suppression de la BAC.
La répression policière de ce week-end, lors de la manifestation légitime contre la mise en place de bassines dans le département des Deux-Sèvres, est inacceptable. Une élue de la République, notre collègue députée Lisa Belluco, frappée par les forces de l'ordre, un jeune homme victime d'un tir de LBD en plein visage, des dizaines de gardes à vue : mais de quoi parle-t-on, monsieur le ministre ? D'une manifestation de militants écologistes contre l'accaparement des ressources en eau pour une minorité, et sûrement pas d'écoterrorisme, comme vous l'avez prétendu lors d'une conférence de presse. Une notion qui d'ailleurs n'existe pas dans le droit français et ne peut, en aucun cas, correspondre à la notion de terrorisme édictée par la directive européenne de 2019.
Les mots ont un sens. En employant celui-là, ou en le reprenant à son compte, on minore ce qu'est le terrorisme et on insulte celles et ceux qui en sont victimes. Une fois de plus, vous avez fait le choix de la tension pour évacuer la question de fond, au moment où le Gouvernement refuse d'agir sur la question climatique. Avec 1 700 policiers sur place, le dispositif était totalement disproportionné.
Je remarque que ce Gouvernement est bien plus intéressé à réprimer les mobilisations sociales et écologiques qu'il ne l'est à le faire pour les manifestations d'extrême droite, qui se déroulent dans le pays en toute tranquillité. Où étaient les policiers lors des manifestations racistes organisées à Lyon, à Rennes et à Paris par des groupuscules identitaires, la semaine dernière ? Comment se fait-il que ces manifestations aient pu se dérouler alors même que des slogans racistes y étaient prononcés ?
Le droit de manifester est une liberté constitutionnelle. Allez-vous retirer le terme d'écoterrorisme pour qualifier ces mobilisations de militants écologistes ? Allez-vous revoir la stratégie du maintien de l'ordre pour permettre aux gens de manifester en toute sécurité ?
Monsieur le ministre, le groupe Démocrate est très satisfait du montant que vous allez débloquer pour améliorer le quotidien des forces de l'ordre. C'est notamment le cas pour ce qui est des crédits destinés à la cybersécurité, à la technologie et aux systèmes d'information, qui doivent permettre à nos forces de l'ordre d'intervenir plus efficacement contre les nouvelles menaces.
L'ensemble de cet écosystème, de la cybersécurité notamment, se demande si ces améliorations, cette mise à niveau technologique du ministère de l'intérieur intégrera un volet souveraineté. La commande publique s'adressera-t-elle, autant que faire se peut, à des entreprises nationales, afin d'assurer à notre pays une certaine autonomie, au-delà des cinq prochaines années ?
Votre collègue, Jean-Noël Barrot, qui est issu du groupe Démocrate, a expliqué qu'il ne pourrait pas y avoir de cybersécurité sans souveraineté. Cette vision du ministre délégué chargé de la transition numérique et des télécommunications est-elle partagée par le ministre de l'intérieur ?
Vous allez avoir l'impression que je me répète et, je vous rassure, ce n'est pas qu'une impression. Rien dans ce texte n'est prévu pour faire face aux risques psychosociaux. Or si vous souhaitez que les institutions régaliennes de sécurité publique soient pleinement mobilisées, il faut que nos forces de l'ordre retrouvent du sens à leur métier ainsi que le soutien d'une hiérarchie, devenue comptable.
Ici même, il y a quelques semaines, je vous avais interrogé, à propos des suicides parmi les forces de l'ordre. Pas l'ombre d'une réponse. J'ai donc abordé à nouveau ce point la semaine dernière, lors des questions au Gouvernement. Mais c'est la secrétaire d'État chargée de la citoyenneté qui m'a apporté une réponse. Enfin, je ne sais pas si le mot « réponse » est celui qui convient, puisque nous avons surtout assisté à deux minutes d'agonie de Sonia Backes, qui manifestement s'était trompée de fiche. Le fait qu'elle se soit ridiculisée devant la France pourrait prêter à sourire si le sujet n'était pas si grave et si, derrière ces drames, il n'y avait pas des familles et des enfants qui doivent apprendre à vivre sans celui qui a décidé d'en finir. Monsieur le ministre, avant de répondre à mon intervention, je vous demande de penser à eux, en mettant deux minutes la politique de côté.
Vous êtes le ministre de l'intérieur depuis seulement deux années ; je ne vous tiens donc pas pour responsable de cette vague de suicides, qui dure depuis vingt ans. Mais vous le deviendrez, vous aussi, si vous n'agissez pas. Chaque semaine, nous perdons du temps. Des responsables hiérarchiques continuent, en toute impunité et pour servir leurs propres intérêts, à mettre la pression sur des agents, à en mettre d'autres au placard et à pousser les plus fragiles à commettre l'irréparable. On déplore plus de 1 200 suicides depuis vingt ans, rien que dans la police nationale.
Alors, va-t-on changer de méthode ou continuer à simplement poster un tweet lorsqu'un membre des forces de l'ordre se tire une balle de 9 millimètres dans la tête ?
Ces 15 milliards d'euros, qui sont dédiés aux forces de police, doivent contribuer aussi à améliorer la justice. On ne peut pas l'imaginer autrement. À cet égard, j'aurais apprécié qu'il y ait une vraie solidarité gouvernementale, du pouvoir législatif et de l'autorité judiciaire pour contrer les propos populistes, très graves, que l'on a pu entendre quant au caractère expéditif que devrait revêtir la justice. L'irresponsabilité des médias qui relaient ces propos doit être dénoncée. Nous demandons que le pouvoir judiciaire soit protégé et que les juges d'instruction, comme les procureurs, soient libres de disposer des moyens de police judiciaire dont ils ont besoin, sans en référer au préfet. Cela nous paraît indispensable et nous avions d'ailleurs déposé un amendement en ce sens.
Je tiens à vous remercier, au nom de mon groupe, pour l'avis que vous émettez à propos de l'amélioration du dispositif initialement prévu en matière d'éthique. La mise en place d'un collège de déontologie, dans la suite de la loi de 2016, est un pas important, dans la mesure où des personnalités extérieures viendront travailler avec les professionnels du ministère de l'intérieur sur l'ensemble des compétences de celui-ci. Je vous demande seulement que l'arrêté ministériel qui sera pris soit mis en consultation, comme c'est de plus en plus souvent demandé par les universitaires, par les associations et par les législateurs.
Monsieur le ministre, avec votre loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur, aviez-vous annoncé, nous allions voir ce que nous allions voir. À la « Sarko 2007 », vous nous promettiez de sortir les gros bras. Mais voilà, la réalité est là ! Si personne ne peut nier que votre projet de loi comporte quelques avancées appréciables, personne non plus ne peut nier sa faiblesse.
Vous me direz, les parlementaires que nous sommes sont là pour enrichir ce projet. D'ailleurs, j'appelle de mes vœux un avis favorable du Gouvernement sur les excellents amendements préparés par les députés du RN. Peut-être même que les députés LR retrouveront un brin de courage et qu'ils voteront nos amendements. Une hypothèse aussi crédible que la fin de la haine du flic chez nos collègues d'extrême gauche. Mais il n'est pas interdit de rêver qu'un jour la droite défende, enfin, avec nous, la sécurité des Français.
Même si, évidemment, nous allons proposer des amendements pour tenter de corriger les faiblesses de votre projet de loi, nous ne pourrons malheureusement pas lui donner l'inflexion qu'il mériterait. Car de l'aveu même du président de la commission des lois, le périmètre de ce projet est très restreint. D'ailleurs, ce même président a déclaré irrecevable un certain nombre d'amendements ; plus précisément, il les a déclarés comme étant des cavaliers législatifs, sans lien avec votre texte. Deux exemples : le renforcement du régime de rétention de sûreté et le renforcement des sanctions liées à l'idéologie islamiste ont été déclarés comme tels. Pourtant, monsieur le ministre, dans votre projet, vous soulignez, « qu'au-delà des crises, notre société devra également être plus robuste dans sa réponse à toutes les formes de délinquance et de criminalité, du terrorisme et de la criminalité organisée jusqu'aux actes de petite délinquance ».
Est-il normal, selon vous, que les représentants du peuple se voient opposer une fin d'irrecevabilité non justifiée quand ils introduisent de nouvelles dispositions pour protéger les citoyens, qui en ont tant besoin ?
Cher collègue, je suis seul juge de l'irrecevabilité. Ainsi, vos amendements sont irrecevables lorsqu'ils visent à modifier des dispositions relatives à la rétention de sûreté et sur les lois antiterroristes, alors que nous examinons, non pas un texte antiterroriste, mais un texte de police générale et de programmation du ministère de l'intérieur. Quant à celui qui concernait l'idéologie islamique radicale, à supposer qu'il le soit, il n'aurait pu être recevable que dans le cadre du texte sur le séparatisme. Je maintiens donc avec fermeté ces deux irrecevabilités.
Je suis l'élu de Mantes-la-Jolie où, le 6 décembre 2018, 151 jeunes lycéens, pour la plupart âgés de 12 à 21 ans, ont été forcés à rester agenouillés, mains derrière la tête, pendant plusieurs dizaines de minutes. Un policier filmant la scène avait eu ces propos : « Voici une classe qui se tient sage ».
Je crois qu'il y a un impensé dans votre action et dans ce projet de loi, c'est la façon dont nous pouvons restaurer le lien de confiance entre nos concitoyens et la police. On peut avoir des divergences idéologiques, nous en avons et elles ont été exprimées par mes collègues, mais je voudrais vous demander ce que je peux dire aux mères de famille que je rencontre tous les jours et qui, depuis cet épisode, ont la peur au ventre quand elles aperçoivent un fourgon de police ? Que puis-je leur dire alors que rien n'a été dit, rien n'a été fait pour qu'une telle humiliation ne se reproduise plus ?
Concernant l'épisode de ce week-end, je constate que vous n'avez pas un seul mot pour les soixante-six gendarmes blessés, dont certains parmi eux ont la mâchoire écrasée et ne pourront peut-être plus jamais parler. Je regrette que, tant dans les communiqués de presse ou dans les déclarations publiques, vous n'ayez pas eu un mot d'équilibre pour ces pères et ces mères de famille, qui ont subi une extrême violence, comme les Français ont pu le constater sur certaines images.
Je rappelle que cette manifestation était interdite, et cela avait été validée comme tel par le juge – qui parfois nous interdit d'interdire des manifestations. Alors que la France entière a pu voir les provocations de certains élus, des excuses auraient été plus appropriées que des insultes aux policiers. Un député n'est pas une immunité vivante, il doit respecter toutes les règles de la République. Quand on veut être respecté, il faut être respectable.
Chacun a pu prononcer des mots fermes, des mots qui engagent, dans le plus grand calme. Je vous remercie de bien vouloir laisser répondre le ministre dans les mêmes conditions. Il a supporté vos observations, vos commentaires et vos appréciations, qu'il ne partage probablement pas toujours.
On peut le dire… Il se trouve que le ministre a lui aussi été élu parlementaire et que, donc, il ne dévalue en rien votre travail. Il reste que ni les députés ni les sénateurs ne sont au-dessus des lois de la République. Et les députés de la Nupes ne sont pas davantage au-dessus des lois de tous les autres députés. Il n'y a pas les règles des uns ni les règles des autres, il y a la loi de la République.
Je rappelle en outre que cette infrastructure agricole a été validée par des gouvernements autres que les nôtres et par des députés qui se disaient écologistes et qui étaient ministres à l'époque.
Je veux dire ici que je suis fier de la façon dont les gendarmes se sont comportés, malgré les provocations et les attaques à coups de pierres, de pieux et de cocktails Molotov. Les événements de Sainte-Soline n'avaient rien à voir avec les manifestations de Gandhi. Vous étiez manifestement du côté de ceux qui ont attaqué les gendarmes à coups de pierres de quinze centimètres et dont la mâchoire a été écrasée. Je le répète, il n'y a pas de pouvoir extraordinaire pour les parlementaires. La grandeur du parlementaire, c'est justement de respecter les lois qui sont votées par le peuple souverain. Alors qu'on a pu noter malheureusement le comportement inacceptable de certaines personnes, élues, je regrette à nouveau, profondément, que vous n'ayez pas eu un mot pour ces pères et mères de famille, pour ces fonctionnaires qui n'ont fait que leur travail sans se livrer à aucune provocation – tout le monde a pu le constater.
J'entends dans vos interventions beaucoup de critiques à l'égard de la police, mais pas un seul soutien. Reconnaître que ce week-end n'avait pas été très flatteur, vous aurez grandi. L'écologie est sans doute trop noble pour être la proie de l'hyperviolence.
Pour ce qui est des suicides évoqués par le groupe RN, ceux-ci existent dans la police, mais aussi dans la gendarmerie ou dans d'autres administrations, comme les douanes. Les raisons sont nombreuses qui peuvent expliquer ces gestes, professionnelles sans aucun doute, personnelles parfois également. Nous manquons, il est vrai, de psychologues. La Lopmi prévoit précisément le recrutement de quarante psychologues par an, dans la police nationale. Se rendre sur une scène de crime – je pense ici aux policiers qui ont découvert le corps de la petite Lola – ou devoir regarder des images pédopornographiques, ça laisse des traces. Or ces policiers, ces gendarmes ne sont pas toujours débriefés psychologiquement. Le risque est alors que les traumatismes, les névroses s'accumulent.
Quant au management, il peut lui aussi être nocif, en effet – je ne cesse d'ailleurs de le répéter. L'ensemble de la chaîne de hiérarchie doit se sentir concernée, car le management ne peut pas être nocif. Vous avez tout à fait raison de dire que nous devons mettre en place un dispositif d'alerte. Il faut, sans aucun doute, améliorer les choses. Je donnerai d'ailleurs un avis favorable à un amendement visant à demander un rapport au Gouvernement sur les suicides dans les forces de l'ordre. Je propose que nous discutions de cette question avec tous les commissaires aux lois des deux assemblées.
Il y a aussi un problème de formation car nous manquons de formateurs dans la police nationale. La formation initiale s'est beaucoup améliorée mais il faut travailler aussi sur la formation continue. La Lopmi prévoit de recruter et de former des formateurs.
Je ne sous-estime pas la question du suicide et je partage la peine de toutes celles et de tous ceux qui sont concernés par de tels drames. Le monde professionnel, extrêmement violent, dans lequel ces agents évoluaient n'a sans doute pas été au rendez-vous de leur accompagnement. Je suis en contact personnel avec la quasi-totalité des familles qui ont été frappées.
Monsieur Latombe, notre souveraineté est essentielle, notamment en matière de cybersécurité. Prenons l'exemple du RRF : malgré le code des marchés publics, ce sont des entreprises françaises qui ont remporté l'intégralité du marché. Airbus, Capgemini, Bouygues, Orange et Atos vont développer ce réseau haut débit sécurisé, tandis que c'est Crosscall, une entreprise d'Aix-en-Provence, qui fournira le téléphone de chaque policier et gendarme. La totalité de ce marché à 2 milliards d'euros revient donc à des acteurs nationaux.
Cela étant, le code des marchés publics ne permet pas de sélectionner uniquement des entreprises françaises. Nous devons donc d'abord favoriser le développement de filières de souveraineté. J'ai par exemple demandé au secrétaire général du ministère de travailler avec les acteurs économiques à recréer une filière souveraine pour les munitions. De même pour l'équipement des policiers ou des gendarmes, qui avant mon arrivée au ministère était fabriqué à Madagascar.
Pour que cela soit possible, il nous faut définir précisément les besoins en amont. C'est comme cela que nous avons pu sélectionner l'Alpine A110 comme voiture rapide d'intervention de la gendarmerie nationale. Cette commande a permis de relancer en partie la production du véhicule, à Dieppe. Il en a été de même pour les 5008.
Appliquée aux nouvelles technologies, et pour que nous n'ayons pas à dépendre de la Chine, d'Israël ou des États-Unis, il faut que nous puissions dire à chacun ce que la loi autorisera demain. Si elle permet l'utilisation de l'intelligence artificielle sur les images de caméra de vidéoprotection, lors des JO notamment, il est préférable de montrer aux investisseurs et aux entreprises que l'on travaille sur la question, pour qu'ils s'intéressent au marché français. À nous de mettre en place des règles d'utilisation des données ou des images afin que ce soit, ensuite, uniquement des entreprises qui les respectent qui soient retenues.
Je crois également beaucoup à l'importance des normes que nous pourrions édicter– nous aurons l'occasion d'en débattre dans l'hémicycle à propos de l'article 4 notamment. Je parle bien de normes et pas de labels, même si ceux-ci peuvent être très respectables. En effet, il faut aborder le cyber comme un incendie dans le monde réel. Les normes en matière d'incendie qui ont été définies et qui doivent être respectées lors de la construction d'un immeuble d'habitation, d'une entreprise ou d'un hôpital public permettent d'assurer un certain niveau de sécurité et de faciliter l'intervention des sapeurs-pompiers, lorsqu'un feu se déclare.
Comment peut-on imposer des normes cyber à une entreprise, à une collectivité locale ou à un particulier ? Ce texte ne prévoit rien en la matière, je veux bien l'avouer, mais cette idée nourrira à coup sûr notre réflexion demain et après-demain. Qui définit les normes, définit le marché. Si c'est nous qui établissons, dans notre droit, les normes que nous souhaitons imposer, nous pourrons aussi accompagner nos investisseurs et nos entreprises, françaises ou européennes, pour les aider à répondre à ces normes. Partant, nous n'aurons pas à subir les normes imposées par les États-Unis, la Chine ou par d'autres pays.
Enfin, je vous précise, et cela ne relève pas du législatif, que nous inspirant de ce que font les militaires, nous allons créer deux directions au sein du ministère. La première aura en charge la recherche, la seconde les partenariats avec les entreprises. Aujourd'hui, nous n'avons pas d'entité chargée des coopérations économiques qui permettrait de travailler très en amont avec les PME, pour mieux comprendre les besoins et les difficultés de chacun. Nous pourrons ainsi prévoir les normes que j'ai évoquées.
La discussion générale est close. Nous passons maintenant à l'examen des articles. L'examen de l'article 1er et du rapport annexé est réservé après l'article 16.
Article 2 : Programmation budgétaire 2023-2027
Amendement CL291 de Mme Raquel Garrido.
Détrompez-vous, monsieur le ministre : nous avons une pensée pour les victimes de la répression policière mais aussi pour les policiers qui s'y sont livrés car nous sommes bien conscients qu'ils n'ont pas succombé à une propension naturelle à la violence mais ont obéi à des ordres venus d'en haut. Quant aux suicides, ni le Gouvernement ni les partis qui se targuent de défendre la police contre vents et marées n'ont voulu accepter la proposition de résolution que nous avons déposée en 2019 pour créer une commission d'enquête sur les risques psychosociaux dans les forces de gendarmerie et de la police nationales.
L'amendement tend à supprimer l'article 2 qui prévoit de programmer pour cinq ans le budget du ministère de l'intérieur dont les ressources s'élèveront à 15 milliards d'euros courants sur la période 2023-2027.
Or ces crédits nous semblent beaucoup trop élevés, d'autant plus que la moitié, soit 7,5 milliards environ, sont dédiés à la transformation numérique du ministère, dans des conditions qui nous semblent trop floues pour garantir le respect des libertés publiques. Il serait démesuré d'allouer une telle somme pour les missions de police en l'état. Cette augmentation exponentielle ne peut s'expliquer que par l'achat d'un matériel très technique et coûteux, pour financer une « technopolice » que nous refusons car nous privilégions l'humain aux moyens technologiques qui, par leur automaticité, confèrent un caractère industriel à la répression, comme en témoigne le principe de l'amende forfaitaire délictuelle.
Le groupe GDR-NUPES a déposé un amendement au rapport annexé pour supprimer une partie des mesures destinées à lutter contre les subversions violentes. C'est une manière de nier la réalité. Le droit de manifester, que personne ne conteste, ne s'accompagne pas d'un droit de casser. C'est, hélas, ce qui s'est passé ce week-end à Sainte-Soline. Je suis élu de Nouvelle-Aquitaine et je peux vous assurer que nos concitoyens, tout comme les forces de l'ordre, en particulier la compagnie de gendarmerie de Libourne, sont sous le choc.
J'en viens à l'amendement. Bonne nouvelle : vous ne contestez pas l'augmentation du budget du ministère de l'intérieur. Vous considérez en revanche qu'elle est trop élevée. Je pense, au contraire, que ces crédits sont nécessaires pour financer les recrutements et mener les réformes engagées. Je le précise, je déposerai un amendement au rapport annexé, avant l'examen du texte en séance publique, pour détailler l'emploi de ces crédits par mission et par programme. Avis défavorable.
L'augmentation des moyens du ministère de l'intérieur de 15 milliards d'euros est une bonne nouvelle. Je m'étonne d'ailleurs que les auteurs de l'amendement se plaignent de la transformation numérique de ce ministère car nous étions nombreux à regretter, en séance publique, la faiblesse des moyens consacrés à celle du ministère de la justice. Il suffit de visiter les gendarmeries, les commissariats de police, les palais de justice pour se rendre compte que les fonctionnaires perdent un temps précieux à numériser des dossiers parce que leurs imprimantes sont obsolètes ou que les logiciels fonctionnent mal.
Je suppose qu'il n'a pas été décidé par hasard d'allouer 7,5 milliards d'euros à la transformation numérique du ministère et que ce montant correspond à l'évaluation des besoins. Cette réforme permettra aux enquêteurs de travailler plus efficacement en consacrant aux enquêtes et à la sécurité de nos concitoyens le temps qu'ils perdaient à photocopier des milliers de documents en huit exemplaires !
Ces mesures s'inscrivent dans une trajectoire plus globale, défendue par le Gouvernement à l'échelle de tous les ministères, de stabilité des effectifs de la fonction publique et de réduction de la dépense publique, hors inflation. Cela signifie que, lorsque vous accordez 8 500 effectifs supplémentaires au ministère de l'intérieur, vous en enlevez autant aux autres administrations : le problème est donc plus général et dépasse votre propre ministère, monsieur Darmanin, même si l'Assemblée nationale a rejeté le projet de loi de programmation des finances publiques. Les 15 milliards que vous allouez au ministère de l'intérieur sont autant d'argent que le ministère de la justice n'aura pas. C'est pour cette raison que nous avions proposé de réduire le budget du ministère de l'intérieur pour revaloriser celui de la justice.
Votre budget nous donne l'impression que vous n'êtes pas partis des besoins pour quantifier les crédits. Tout le monde est d'accord pour financer la rénovation des commissariats, engager la transformation numérique du ministère de la justice ou accélérer les procédures – cela étant, vous nous aviez promis monts et merveilles ainsi que des moyens faramineux mais nous attendons toujours la procédure pénale numérique et les logiciels ne fonctionnent pas. En revanche, nous ne sommes pas d'accord pour développer des logiciels de reconnaissance faciale et autoriser les croisements de fichiers en vue d'assurer la sécurité des Jeux olympiques et paralympiques !
Comme nous ne disposons pas du détail de l'emploi de ces 15 milliards, je suis bien incapable de savoir s'ils suffiront ou s'ils sont excessifs mais je penche plutôt pour la deuxième hypothèse en raison de la pauvreté des autres ministères.
La commission rejette l'amendement.
Amendement CL260 de M. Jordan Guitton
L'article 2 prévoit que les crédits de paiement du ministère de l'intérieur et les plafonds des taxes affectées à ce ministère, hors charges de pensions, évoluent durant la période 2023-2027 conformément au tableau présenté dans cet article.
Or le terme « évoluer » est ambigu car il ne traduit pas clairement le principe d'une augmentation constante des crédits de paiement du ministère de l'intérieur Aussi vous proposons-nous de le remplacer par le verbe « augmenter ».
Mon inquiétude est d'autant plus justifiée que des députés LFI-NUPES considèrent quant à eux, comme ils l'écrivent dans leur exposé sommaire, que « nous vivons dans un pays relativement calme et dont le niveau de délinquance de voie publique demeure stable ». Cette vision ne correspond pas du tout au quotidien de nos concitoyens. Aussi suis-je soucieux de leur garantir le maintien des crédits qui assureront leur sécurité.
Votre amendement est présenté à juste titre comme rédactionnel car il n'emporte pas de conséquence pour le texte. L'emploi du verbe « évoluer » est usuel dans les lois de programmation et je vous propose de le conserver d'autant plus que, vous l'aurez constaté vous-même, les crédits augmentent. Avis défavorable.
Faute de vision politique d'envergure, le Rassemblement national en est réduit à proposer de remplacer le terme « évoluer » par celui d'« augmenter ». Au fond, ce ne serait pas si grave si, en plus, il ne se rendait coupable de malhonnêteté intellectuelle en refusant d'admettre ce que tout le monde reconnait : la délinquance ne se mesure pas à l'aune du nombre d'infractions constatées ou de plaintes déposées mais par les enquêtes de victimation. Ce n'est pas le boucher-charcutier de Tourcoing qui donne son avis mais les sociologues ou les statisticiens de l'Insee. Or, ces enquêtes de victimation établissent que la délinquance en général, et celle que le Rassemblement national a en tête en particulier, est stable voire en baisse. En revanche, elle révèle l'explosion de l'escroquerie en ligne et de la délinquance économique et financière, auxquelles nous devrions porter une attention particulière. Il faut arrêter de tout confondre. Par exemple, vous ne pouvez pas affirmer que les cas de violence sexuelle ou sexiste augmentent. Ce n'est pas vrai : ils ont toujours existé mais leur dénonciation par les victimes est un fait nouveau.
Vous n'êtes pas conscient du quotidien des Français pour oser écrire que nous vivons dans un pays calme où la délinquance s'est stabilisée! Si c'était le cas, le Gouvernement aurait-il autant augmenté les moyens de la sécurité ?
La commission rejette l'amendement.
Amendement CL535 de M. Éric Ciotti
L'amendement tend à augmenter de 900 millions d'euros par an les moyens dédiés à la reconstruction ou à la restructuration d'une partie de l'immobilier de la gendarmerie et de la police nationales. Les crédits que vous avez prévus dans le rapport annexé pour rénover les locaux de la gendarmerie sont très insuffisants, monsieur le ministre, surtout si vous comptez créer 200 nouvelles brigades. Si je me réfère au coût de 80 millions qu'a représenté la construction de onze brigades de gendarmerie dans le cadre d'un partenariat fructueux entre les Alpes-Maritimes et le ministère de l'intérieur, la création d'une brigade coûterait 5 millions. D'autre part, aucun crédit ne semble alloué à la construction ou la rénovation de bâtiments de la police nationale.
Pour répondre aux enjeux climatiques, l'État doit engager la rénovation thermique des bâtiments. Elle coûtera des centaines de millions d'euros au ministère de l'intérieur et absorbera sans doute une bonne partie des crédits que vous prévoyez dans ce texte. Pas moins de 80 % des casernes de gendarmerie ont plus de 25 ans, un commissariat sur quatre est considéré comme vétuste – 22 % des immeubles de la direction générale de la police nationale (DGPN) et 28 % de ceux de la préfecture de police.
Votre mesure nous ferait gravement dévier de notre trajectoire budgétaire. Avis défavorable.
L'amendement présente un intérêt : il affecte les crédits à la rénovation des commissariats et des gendarmeries qui sont dans un état lamentable. Vous reprochez à cette proposition, monsieur le rapporteur, son coût prétendument exorbitant qui nous ferait dévier de la trajectoire budgétaire. Or, avant de faire cette remarque, il faut se poser la question de la rénovation énergétique des commissariats et des gendarmeries et, si elle est nécessaire, y consacrer les moyens suffisants. Nous ne savons pas de quelle manière le Gouvernement compte dépenser ces 15 milliards d'euros supplémentaires mais nous sommes bien certains de la nécessité de rénover les commissariats et les gendarmeries.
Nous voterons cet amendement parce qu'il va dans le bon sens, monsieur Ciotti, mais nous n'oublions pas que le Gouvernement que vous souteniez a supprimé 10 000 postes de policiers et de gendarmes. Vous avez beau jeu aujourd'hui de recoudre ce que vous avez-vous-même décousu.
N'oublions pas que le budget du ministère de l'intérieur ne se réduit pas à ces 15 milliards d'euros supplémentaires puisque ces derniers s'ajoutent au stock de crédits existant. Dès lors, la question de leur emploi se pose. La Cour des comptes, les parlementaires, les policiers, les gendarmes savent tous que le ministère de l'intérieur a accordé la priorité aux dépenses de personnel du titre II. C'est la première fois que nous ne consacrons que 15 % des 15 milliards supplémentaires aux dépenses du titre II, le reste étant dédié au hors titre II. Ne raisonnons donc pas comme si le ministère de l'intérieur ne disposait que d'un budget de 15 milliards. Votre amendement me gêne en ce que vous faites mine d'ignorer que nous pouvons réorienter nos priorités lors de l'allocation des crédits ordinaires que l'on m'a déjà octroyés. Par exemple, cela fait deux ans, depuis que je suis ministre de l'intérieur, que l'on dépense 320 millions d'euros chaque année pour rénover des brigades de gendarmerie et des commissariats. Nous en avons déjà rénové 700. Les crédits supplémentaires s'ajoutent à ces 320 ou 340 millions que nous dédions chaque année à cette tâche. Ne pensez pas que seuls les crédits de la Lopmi seront affectés aux dépenses hors titre II.
D'autre part, nous ne savons pas encore où les nouvelles brigades de gendarmerie seront affectées. Je prévois de créer des brigades de dix gendarmes chacune, soit 2 000 postes de gendarmes mais le député de Guyane m'a déjà demandé deux brigades fluviales pour le Maroni et l'Oyapock. Leur formation ne sera pas la même que celle d'une brigade dans les Alpes-Maritimes où les besoins sont différents. On ne construit pas une brigade de douze ou de quatorze gendarmes comme une brigade de cinquante !
Rien ne nous interdit, par ailleurs, de mutualiser les moyens, par exemple avec ceux de la police municipale comme me l'ont proposé plusieurs maires de communes rurales. C'est une très bonne initiative qui nous éviterait de dépenser 5 millions d'euros pour construire une brigade. Nous devons être imaginatifs et ne pas hésiter à occuper des bâtiments publics appartenant à des collectivités locales et qui cherchent preneurs, en échange de la prise en charge des frais de rénovation. Une brigade ne doit pas coûter 5 millions.
Nous devons également nous demander si le ministère de l'intérieur gère correctement son parc immobilier sachant qu'il vieillit et que des objectifs thermiques et écologiques doivent être atteints. Je ne le pense pas. Les types de bâtiments sont si différents les uns des autres, qu'il s'agisse de la brigade de Saint-Martin-Vésubie, des bâtiments de Satory, de l'hôtel de Beauvau, du site Lumière, des préfectures, des commissariats de police que le ministère, et plus généralement l'État, est bien incapable de les gérer. Nous devons créer une foncière pour s'en occuper. Les crédits qui y seraient affectés et les ressources qu'elle pourrait tirer des loyers seraient dédiés à la rénovation thermique des bâtiments, ce qui reviendrait beaucoup moins cher que de créer une brigade de gendarmerie.
Surtout, monsieur Ciotti, plus de la moitié des gendarmeries n'appartiennent pas à l'État mais aux collectivités locales, voire aux bailleurs sociaux. Certains maires peuvent construire des brigades de gendarmerie parce que les gendarmes vivent au sein de la brigade. Ils s'entendent avec leur bailleur départemental ou métropolitain pour qu'il leur construise la brigade et les logements. Ce n'est pas le même coût qu'une construction classique de brigade de gendarmerie ! Nombreuses sont les collectivités locales à avoir contracté des emprunts, parfois toxiques, pour financer la construction de brigades. Certaines perçoivent un loyer pour compenser l'investissement qu'elles ont consenti. Toutes ne sont pas déficitaires, loin de là, mais la Lopmi prévoit des mesures pour aider celles qui le seraient à renégocier les emprunts.
Admettons que nous parvenions à rénover tous les commissariats et les gendarmeries de notre pays, comme nous le faisons à Nice où vos concitoyens, monsieur Ciotti, pourront témoigner des sommes très importantes que l'État a versées pour construire un nouveau commissariat, ou à Marseille : nous devrons nous demander de quelle police et de quelle gendarmerie nous aurons besoin dans quinze ou vingt ans. Si nous débloquons 7 milliards pour engager la transformation numérique du ministère, permettre le dépôt de plainte en ligne et en visio, c'est parce que nous imaginons une police et une gendarmerie bien différentes de celles d'aujourd'hui. Dès lors, auront-elles besoin des mêmes types de bâtiments ? Dans quinze ans, le métier des motards de la police ne sera plus le même ! Sur des routes intelligentes et à bord de véhicules autonomes, ils n'arrêteront plus les go fast comme aujourd'hui !
Les crédits qui sont alloués au ministère de l'intérieur permettront, bien sûr, de rénover les commissariats et les gendarmeries et de créer 200 nouvelles brigades, à moindre prix que celui que vous proposez, mais ils s'inscrivent dans une réflexion prospective. Demain, nous aurons moins besoin d'un nouveau modèle de police et de gendarmerie, dans lequel les effectifs seront plus présents à l'extérieur, sur le terrain, que dans leurs locaux et il ne sera plus nécessaire de disposer d'autant de mètres carrés qu'à présent.
Je le reconnais, la dépense que je vous propose est très élevée. C'est un appel à ouvrir le débat, simplement.
L'état de nos commissariats et de nos gendarmeries est indigne de forces de sécurité qui doivent imposer l'autorité et le respect. Des efforts ont été consentis, j'en conviens, mais le chiffre de 300 millions que vous avez cité pour financer la construction, la rénovation ou la maintenance de commissariats chaque année, est extrêmement faible. Le commissariat de Nice, à lui seul, aurait besoin de 200 millions d'euros de crédits de l'État pour un budget total de 300 millions. C'est pour cette raison, d'ailleurs, que son ouverture est sans cesse reportée. Le Président de la République en a posé la première pierre et votre si peu illustre prédécesseur, M. Castaner, avait promis son ouverture en 2022 mais, en raison de son coût, cette promesse ne sera pas tenue.
Nous vous proposons d'augmenter les crédits, quitte à en discuter le montant, mais il est évident que nous ne pouvons pas en rester là. Qu'entendez-vous par un « nouveau modèle » ? Voulez-vous remettre en cause le logement des gendarmes ? Je veux bien que l'on mutualise les moyens – je peux même vous proposer l'ancienne caserne de sapeurs-pompiers de Tourrette-Levens – mais je ne suis pas d'accord pour construire des brigades low cost ou remettre en cause le principe du logement des gendarmes.
La commission rejette l'amendement.
Amendements CL532, CL539 et CL540 de M. Éric Ciotti
Ces amendements tendent à créer des places supplémentaires dans les centres de rétention administrative (CRA) pour les étrangers en situation irrégulière. Compte tenu de la gravité de la situation et de la faible exécution des mesures d'expulsion, le seul dispositif susceptible d'améliorer les résultats est le placement en CRA. Je regrette que, sous la présidence de M. Hollande, le Gouvernement de M. Valls ait décidé d'évacuer la question du placement au profit de l'assignation à résidence. Un simple courrier est adressé aux personnes soumises à une obligation de quitter le territoire français (OQTF). Du reste, cette procédure est plus régulièrement appliquée aux étrangers qui sortent de prison, grâce à vous, monsieur le ministre de l'intérieur.
Notre pays compte officiellement 1 800 places en CRA mais 5 à 10 % sont gelées en raison du covid-19 et certaines ne sont plus utilisables du fait de leur vétusté. En réalité, nous ne disposons que de 1 300 places, ce qui est très insuffisant par rapport aux 120 000 OQTF. Le débat est ouvert mais je vous propose de créer 5 000 places en CRA. Il faut pouvoir éloigner de notre territoire les étrangers délinquants ou criminels. Si une OQTF a été prononcée, elle doit être exécutée pour honorer la parole de la République.
Vos amendements soulignent les deux questions que posent les centres de rétention : leur capacité, d'une part, et à cet égard, l'un d'entre eux correspond peu ou prou à la trajectoire du Gouvernement sur laquelle le ministre s'est à l'instant dit ouvert à la discussion ; les conditions de la rétention, en particulier leur dignité, d'autre part.
Je vous propose de retirer vos amendements afin que nous déterminions ensemble la capacité souhaitable des CRA qui ferait l'objet d'un amendement en séance.
Actuellement, 1 300 places de CRA sont disponibles. Ce chiffre est appelé à augmenter prochainement sous l'effet du changement de doctrine que j'ai décidé. Désormais, ne seront placées en CRA que les personnes dangereuses – fichées S ou ayant été condamnées à des peines d'emprisonnement lourdes. Le nombre de personnes délinquantes dans les CRA est passé de 37 % à 87 % depuis que je suis ministre de l'intérieur. Par ailleurs, 90 % des personnes visées étant des hommes, j'ai demandé à ce que soit mis fin aux quotas de places réservées aux femmes et aux familles. Ainsi, 300 places devraient être libérées dans les prochaines semaines.
En outre, j'avais eu l'occasion de le dire à M. le président, si la commission des lois propose un amendement interdisant de placer des mineurs en CRA, à l'exception de Mayotte, j'y serai favorable. Non seulement ils y sont aujourd'hui peu nombreux, mais, en tout état de cause, un tel placement n'est pas souhaitable, d'autant que nous disposons d'alternatives.
M. Ciotti a raison, le nombre de places en CRA est insuffisant. Il est prévu d'en créer 500 supplémentaires dans les six mois qui viennent. J'ai ainsi choisi à Lyon de construire un nouveau centre qui s'ajoutera à l'actuel, lequel sera rénové. En mars ou avril, nous devrions disposer de 1 700 places.
Je suis favorable à l'amendement qui prévoit 3 000 places, soit un doublement de la capacité actuelle. Toutefois, soyons honnêtes, les maires ne se bousculent pas pour accueillir un centre dans leur commune. Si vous connaissez des volontaires dans les Alpes-Maritimes, monsieur Ciotti, faites-le-moi savoir, je suis prêt à débloquer les crédits nécessaires. L'implantation sur le site d'un aéroport peut être une solution mais elle ne permet pas d'accueillir plus de quinze ou vingt personnes. Le doublement du nombre de places ne sera pas facile à atteindre. Trois projets d'installation sont en cours, dont l'un en Gironde. J'ai retenu d'une discussion avec la maire de Nantes qu'elle admettait la nécessité d'un centre dans l'agglomération nantaise, ce dont je me félicite.
Enfin, il ne suffit pas de prévoir les crédits pour la construction ; il faut également penser à ceux qui permettent de l'armer, autrement dit d'employer les policiers nécessaires – à titre d'exemple, il faut 200 policiers de la PAF pour faire fonctionner le CRA de Lyon vingt-quatre heures sur vingt-quatre.
Nous devrons donc tirer les conséquences sur les dépenses de personnels des 3 000 places en CRA visées par l'amendement CL540 de M. Ciotti auquel je suis favorable. Il ne me paraît pas réaliste d'aller au-delà de ce nombre.
Je vous remercie de votre avis favorable à un amendement visant à interdire la rétention des mineurs. Toutefois, celui-ci ne pourra être déposé, sous peine d'irrecevabilité, que sur le futur projet de loi relatif à l'immigration puisqu'il modifiera le code d'entrée et de séjour des étrangers auquel le présent projet de loi ne fait pas référence.
L'amendement de M. Ciotti est aussi un moyen d'améliorer les conditions de détention dans les CRA.
Toutefois, il faut également être attentif au positionnement géographique des CRA et prendre en considération notamment les flux de migrants. Je suis élu dans un département frontalier avec la Suisse, dont la neutralité n'empêche pas de connaître des flux qui peuvent poser problème sur notre territoire. Les CRA sont très éloignés et les transferts sont très chronophages pour les forces de l'ordre mobilisées.
Il faut donc réfléchir à un positionnement efficace des CRA eu égard aux flux constatés. Leur installation à proximité d'un aéroport, suggérée par Éric Ciotti, me semble pertinente. L'aéroport de Bâle-Mulhouse-Fribourg paraît tout désigné.
Le groupe de La France insoumise est opposé aux amendements de M. Ciotti, nous y reviendrons lors de l'énième débat à venir sur l'immigration.
Sous la précédente législature, l'interdiction de placement des enfants en CRA que nous avions défendue nous avait valu anathèmes et procès en irresponsabilité, en dépit du soutien unanime des associations de protection des droits humains et de protection de l'enfance. La majorité semble avoir évolué sur ce point et les nombreuses condamnations de notre pays aux niveaux international et européen n'y sont sans doute pas étrangères.
J'invite tous mes collègues, qui ne l'ont pas encore fait, à visiter régulièrement les CRA afin de prendre conscience des conditions de détention déplorables sur lesquelles nous sommes régulièrement alertés. Ces conditions sont nuisibles non seulement pour les personnes retenues mais aussi pour les personnels qui seraient plus utiles à l'intérêt général si elles étaient affectées à d'autres missions. Elles justifient, à mes yeux, de renoncer à de nouvelles constructions et de fermer les centres existants.
J'avais déposé, sous la précédente législature, une proposition de loi visant à encadrer strictement la rétention administrative des familles avec mineurs, signée par l'ensemble des membres du groupe La République en marche. J'ai l'intention de la déposer de nouveau en espérant qu'elle sera soit examinée dans le cadre d'une niche, soit reprise dans le futur texte sur l'immigration.
Elle n'avait pas été inscrite à l'ordre du jour car je n'étais pas parvenu à trouver un compromis entre les partisans de l'interdiction totale de la rétention des familles et ceux qui plaident pour le statu quo.
Madame Obono, La France n'a pas été condamnée par la Cour européenne des droits de l'homme sur la rétention des mineurs.
Je retire les amendements CL532 et CL539 au profit du CL540 auquel le ministre est favorable et je l'en remercie. Le doublement des places en CRA est un premier pas que je salue vers une amélioration des procédures d'expulsion indispensable des étrangers en situation irrégulière.
Les amendements CL532 et CL539 ayant été retirés, la commission adopte l'amendement CL540.
La commission adopte successivement les amendements rédactionnels CL737, CL738, CL739 et CL740 du rapporteur.
Amendements CL446 et CL447 de M. Christophe Naegelen.
L'objet de l'amendement CL446 est de renforcer les pouvoirs de contrôle des parlementaires sur l'exécution de la programmation budgétaire du ministère de l'intérieur. Si le Haut Conseil des finances publiques venait à constater des écarts importants entre exécution et programmation, le Gouvernement serait tenu de se justifier. L'amendement CL447 est un amendement de repli.
Avis défavorable. Plusieurs demandes de rapport, faites par voie d'amendement – j'en ai déposé sur les amendes forfaitaires délictuelles (AFD) dont le champ est étendu par le projet de loi –, seront acceptées.
En revanche, en ce qui concerne la programmation budgétaire, l'examen des missions et du projet de loi de finances dans son ensemble ainsi que les documents qui les accompagnent me semblent déjà répondre à votre préoccupation.
J'en profite pour plaider en faveur de mes anciens collègues des directions de l'immobilier au sein des secrétariats généraux pour l'administration du ministère de l'intérieur. Le plafond d'emplois du programme 216 Conduite et pilotage des politiques de l'intérieur de la mission Administration générale et territoriale de l'État, sur lequel je suis rapporteur pour avis, diminue de sept ETP en 2023. Pourquoi dépenser 15 milliards d'euros dans la Lopmi si vous ne disposez pas des fonctionnaires pour la mettre en œuvre, notamment dans le domaine immobilier ? Si vous ne voulez pas que votre plan échoue, je vous conseille d'y affecter les effectifs nécessaires, monsieur le ministre. Cela vaut aussi dans le domaine numérique, dans lequel le ministère de l'intérieur a connu quelques plantages et perdu quelques millions par le passé, à cause de logiciels dont l'installation a été externalisée sans pilotage suffisant.
Il serait dommage de dilapider une fois encore du temps et de l'argent parce que les moyens du programme 216 ne garantissent pas une bonne exécution. Sans eux, vous allez au-devant de nouveaux problèmes.
La commission rejette successivement les amendements.
Elle adopte l'article 2 modifié.
Article 3 (art. 706-154 du code de procédure pénale) : Saisies d'actifs numériques par les officiers de police judiciaire, sur autorisation du procureur de la République ou du juge d'instruction
La commission adopte l'amendement rédactionnel CL723 du rapporteur.
Amendement CL650 de M. Benjamin Lucas.
L'article 3 permet de procéder à une saisie d'actifs numériques sur autorisation de la justice. L'amendement vise à renforcer l'encadrement du dispositif en imposant le respect du droit de propriété et du principe de proportionnalité dans la continuité de la jurisprudence. Il s'agit d'éviter un recul des libertés et de l'État de droit.
Le mécanisme de saisie, quel qu'en soit l'objet, est par définition incompatible avec le droit de propriété. Il appartient au juge, en particulier au juge des libertés et de la détention, d'en apprécier la proportionnalité. Votre amendement est donc partiellement satisfait.
Il est intéressant qu'un député écologiste propose de renforcer le droit de propriété après les événements qui se sont déroulés à Sainte-Soline le week-end dernier. Ce sont des militants écologistes qui ont violé le droit de propriété en organisant sur des terrains agricoles une manifestation interdite à laquelle ont pris part des députés de votre mouvance. Vous préférez défendre le droit de propriété numérique des délinquants plutôt que celui des agriculteurs qui nous nourrissent.
La commission rejette l'amendement.
Amendement CL449 de M. Christophe Naegelen.
L'amendement vise à étendre le champ d'application des saisies de cryptoactifs en incluant les actifs numériques détenus dans des portefeuilles numériques cachés ou gérés par des prestataires qui ne sont pas enregistrés auprès des régulateurs institutionnels, notamment l'Autorité des marchés financiers (AMF). Cette omission regrettable pourrait nuire à l'efficacité du dispositif.
Je soutiens l'amendement qui donne aux forces de l'ordre tous les moyens de contrôler l'utilisation frauduleuse de fonds numériques.
Tous les cryptoactifs ne transitent pas par des sociétés soumises à l'AMF. Je pense aux NFT – jetons non fongibles – qui constituent aujourd'hui une filière de blanchiment de l'argent pour les organisations criminelles.
Il serait incompréhensible de ne pas couvrir tous les cryptoactifs dans un article dont le but est de lutter contre le réemploi de fonds. Contrairement à ce que dit le rapporteur, ce n'est pas le cas pour l'instant.
Je vous confirme que d'après notre expertise, tous les cryptoactifs sont couverts.
Je vous propose que nous confrontions nos arguments techniques lors d'une réunion. Dans cette attente, je vous invite à retirer l'amendement.
Compte tenu de l'importance du sujet, adoptons l'amendement et nous l'améliorerons d'ici à la séance.
La commission adopte l'amendement.
Amendement CL448 de M. Jean-Félix Acquaviva.
L'amendement vise à préciser que la saisie d'actifs numériques doit être proportionnée. Il s'agit, non pas d'entraver les nouvelles compétences octroyées aux forces de l'ordre, mais d'assurer le strict respect de notre État de droit et de guider les juges.
La commission rejette l'amendement.
Elle adopte l'article 3 modifié.
Article 4 (art. L. 12-10-1 [nouveau] du code des assurances) : Encadrement des clauses de remboursement des cyber-rançons par les assurances
Amendements de suppression CL201 de M. Roger Vicot et CL292 de M. Ugo Bernalicis.
Le dispositif envisagé – le fait de conditionner l'indemnisation par les assurances en cas de rançongiciel au dépôt d'une pré-plainte – pourrait avoir pour effet pervers de créer un marché des rançongiciels, à rebours de l'objectif recherché.
Outre le risque pointé par mon collègue, l'article soulève plusieurs difficultés.
Celui-ci impose de déposer une pré-plainte dans un délai de vingt-quatre heures suivant l'attaque. Le ministre a comparé, à l'instant, une cyberattaque à un incendie. Or, lorsqu'un incendie se déclare chez soi, la première chose à laquelle on pense n'est pas forcément de déposer une plainte. Le délai est bien trop court.
Finalement, l'article protège non pas les victimes de cyberattaque mais les assurances en définissant des conditions très restrictives pour l'indemnisation. Il faudrait investir davantage dans la prévention pour lutter contre les cyberattaques.
Enfin, une fois encore, les forces de l'ordre sont sollicitées sur des questions d'assurance. Or elles nous l'ont dit lors des auditions que nous avons menées, elles souhaitent que le dépôt de plainte ne soit pas un préalable à la prise en charge par les assurances. De surcroît, l'indemnisation est déjà si difficile à obtenir qu'il n'est sans doute pas nécessaire de la compliquer encore.
Si j'ai bien compris, M. Léaument souhaite laisser la main aux assureurs.
D'abord, si j'en crois les propos tenus lors d'une table ronde absolument pas univoque que j'avais organisée, les policiers et les gendarmes demandent, pour protéger la victime et pour faciliter les investigations, de la célérité dans la réaction. Dès la constatation de l'attaque – plusieurs amendements visent à préciser ce moment –, il faut agir.
Ensuite, très rares sont les plaintes déposées. Elles sont traitées par la section J3 du parquet de Paris, dédiée à la cybercriminalité, qui, en dépit d'une compétence nationale, compte trois magistrats seulement, là où il en faudrait au moins deux de plus. Dans mon rapport, je mettrai en exergue ce problème même s'il ne relève pas du projet de loi.
On dénombre 136 familles de rançongiciels. Le marché existe donc déjà. Les rançongiciels sont vendus à des organisations criminelles qui s'attaquent à une maternité, à un hôpital, etc. – les exemples ne manquent pas.
Lors des Jeux olympiques de Tokyo en 2021, 70 000 cyberattaques ont été répertoriées, soit neuf fois plus qu'aux jeux de Londres en 2012. On peut supposer que ce nombre augmentera encore fortement lors des prochains jeux de Paris. Nous devrons être dotés alors d'un dispositif efficace.
Des moyens significatifs sont consacrés à la lutte contre la cybercriminalité. La sous-direction cyber de la direction centrale de la police judiciaire compte 160 agents, des effectifs appelés à monter en puissance tandis que CyberGend, l'unité de la gendarmerie, dispose aujourd'hui de 8 000 référents – 10 000 en 2024.
L'article n'a pas pour objet de consolider le marché de l'assurance. L'assurance cyber représente aujourd'hui 219 millions d'euros de cotisations contre 62 milliards d'euros pour les dommages aux biens, soit 0,35 % du marché de l'assurance.
Aucun pays de l'OCDE n'interdit le marché de l'assurance pour les rançongiciels et les cyberattaques. Il est normal qu'il se développe. Nous devons cependant inciter les victimes à déposer plainte. Certaines entreprises sont réticentes pour diverses raisons : parfois, elles ne respectent pas le règlement général sur la protection des données (RGPD) ; parfois, elles veulent protéger leur image en taisant une fragilité interne.
Il faut donc trouver un mécanisme qui permette à la fois de protéger la victime, à travers le dépôt d'une plainte et l'engagement de poursuites, et de donner aux enquêteurs la possibilité de capter toutes les données nécessaires à une lutte plus efficace contre les cyberattaques et les rançongiciels en particulier.
Au vu de l'ampleur prise par la cybercriminalité, qui relève du crime organisé, il est urgent que nous nous dotions d'un tel dispositif. Lors des auditions que nous avons menées, le commandant de la gendarmerie dans le cyberespace (ComCyberGend) nous a expliqué qu'une attaque cyber était une scène de crime, et qu'il fallait donc arriver aussitôt pour détecter tous les éléments nécessaires et en assurer la traçabilité. Certains groupes ont déposé des amendements visant à porter à une ou deux semaines le délai dont disposent les victimes pour réagir. Un tel délai serait trop long pour les enquêteurs : il ouvrirait une autoroute aux cybercriminels !
Pour toutes ces raisons, la suppression de l'article 4 serait une véritable erreur dans un monde qui bouge beaucoup et où la cybercriminalité se développe chaque jour davantage.
Avec les sénateurs, qui ont été les premiers saisis du présent projet de loi, nous avons beaucoup réfléchi à ce sujet et nous avons conclu que la rédaction originelle de l'article 4 n'était pas la bonne. Elle aurait pu favoriser les cyberattaques menées contre les entreprises françaises, au motif que ces dernières étaient assurées contre ce risque et qu'elles étaient donc en mesure de payer une rançon. Le développement de ce type d'assurances permettrait cependant de renforcer la protection des entreprises contre de telles attaques, dans la mesure où les compagnies fixeraient certainement des niveaux d'exigence importants. Il faut mettre ces deux arguments dans la balance. Dès lors, la suppression de l'article tel qu'il résulte des travaux du Sénat aurait pu s'entendre, si ce n'est qu'elle aurait pour effet de faire disparaître ce sujet du projet de loi. Or nous devons absolument doter nos entreprises d'une capacité de réponse et d'assurance contre ce genre d'attaques tout en permettant aux services de police et de gendarmerie d'instruire des plaintes et de récupérer des traces numériques afin d'éviter la réitération d'infractions similaires. C'est pourquoi nous proposerons d'autres rédactions de l'article 4, travaillées avec l'ensemble des parties prenantes, y compris avec les sénateurs, qui permettront d'apporter une réponse concrète à ce problème. Nous ne parlerons plus de cyberrançons, ce qui était une très mauvaise idée.
Il faut dire aussi que les assureurs nous ont beaucoup pressés à adopter l'article 4 tel qu'il était rédigé, sans aucune discrimination ni contrainte. Un tel lobbying n'est pas bon signe.
Il ne s'agit pas de supprimer l'article 4 mais de rallonger les délais. Vingt-quatre heures ne suffisent pas toujours à une personne victime d'un piratage ou d'une escroquerie sur internet pour réunir les preuves et réagir. Je compte donc sur M. le rapporteur pour accepter les amendements qui vont suivre.
Les entreprises ont besoin d'une double protection : à la protection privée apportée par les assurances doit s'ajouter une protection publique garantie par la police, d'où l'intérêt de la plainte ou de la pré-plainte.
Nous voterons donc contre la suppression de l'article, mais pour son amélioration.
Je comprends que les opinions soient partagées. Cependant, le directeur général de la gendarmerie nationale s'est exprimé très clairement contre ce dispositif, de même que la magistrate présente à la même table ronde.
Nous devons être très vigilants quant au lobbying exercé par les compagnies d'assurances, qui ne font que défendre leurs intérêts en s'appuyant d'ailleurs sur un rapport publié par la direction générale du Trésor. Il nous faut, au contraire, veiller à la protection des victimes. Or, en termes de moyens dont disposent les enquêteurs et les magistrats, le compte n'y est pas. Il serait préférable de concevoir un système public qui ne soit pas au service des intérêts privés des assurances mais qui consiste à accompagner les entreprises, en particulier les plus petites d'entre elles, ainsi que les institutions publiques dans la mise en œuvre de dispositifs techniques de protection contre ces menaces. Nous devons toutefois être conscients du fait que cela encouragera les demandes de rançon et n'évitera pas aux victimes de subir de nouvelles attaques.
La commission rejette les amendements.
Amendements identiques CL417 de Mme Anne Le Hénanff, CL488 de M. Philippe Latombe et CL605 de M. Mounir Belhamiti ; amendements CL286 de M. Éric Bothorel, CL472 de Mme Sandra Regol, CL250 de M. Davy Rimane, CL473 de Mme Sandra Regol, CL219 de Mme Gisèle Lelouis et CL283 de Mme Marie-France Lorho (discussion commune).
Il est tout à fait bienvenu qu'un article de la Lopmi prévoie un dispositif permettant de prendre en charge les victimes de cyberattaques, d'accompagner et de renforcer l'action des services d'enquête et de fixer un cadre pour l'évaluation des dommages. C'est une première étape majeure vers une montée en compétences des organisations victimes de cyberattaques. Cependant, la doctrine des structures chargées de la lutte contre les cybermenaces et de l'accompagnement de la cyberprotection – je pense, entre autres, à l'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (Anssi) et à la plateforme cybermalveillance.gouv.fr – a toujours été de ne pas payer de rançon. La démarche proposée est plutôt d'informer la police ou la gendarmerie de la cyberattaque et des dommages subis, en utilisant par exemple la plateforme que je viens de citer, et de porter plainte.
Dès lors, il convient de modifier la formulation de l'article 4 afin de conforter l'action et la méthode de travail promues depuis des années par les services de sécurité. Il s'agit de protéger les victimes, qui peuvent être des PME, des artisans, des commerçants, des collectivités locales, des associations ou d'autres types de structures, tout en favorisant un renforcement de leur niveau de cyberprotection et en faisant du lien entre assurances et assurés un levier permettant d'améliorer le niveau de sécurité des systèmes d'information.
Aussi l'amendement CL417 vise-t-il à élargir l'obligation de dépôt de plainte à tout remboursement assurantiel de dommages matériels ou immatériels causés par une cyberattaque, plutôt que de la limiter au remboursement des rançons, qui ne sont pas si nombreuses. En outre, il porte de vingt-quatre à quarante-huit heures le délai dont disposent les victimes pour porter plainte à partir du moment où elles constatent l'infraction.
Il faut absolument bannir de l'article 4 la notion de paiement de rançon, qui est contre-productive. Par ailleurs, la remise à niveau d'un système coûte cher, mais elle est assurable, au même titre que le vol. Nous devons absolument protéger nos entreprises et faire en sorte qu'elles soient capables de procéder à la remédiation de leur système, voire à récupérer leurs données, le cas échéant en faisant appel à des prestataires externes. Tel est l'objet de l'amendement CL488, que nous avons travaillé non seulement avec les entreprises de cybersécurité, mais aussi avec la gendarmerie nationale, le ComCyberGend, les structures délivrant des labels dans ce domaine – je pense au label CyberExpert développé par la plateforme cybermalveillance.gouv.fr – et les sénateurs, en vue d'une discussion apaisée lors de la future commission mixte paritaire. Le sujet est suffisamment important pour que la réponse apportée soit transpartisane.
Il faut absolument prévoir le dépôt de plaintes, et non de pré-plaintes, car la plateforme dédiée à ces dernières indique que cette démarche est réservée aux affaires non urgentes, ce que ne sont pas les infractions de ce genre. En revanche, pour un chef d'entreprise qui se retrouve la tête dans le guidon du fait d'une cyberattaque, le délai de vingt-quatre heures est trop court. Il n'est donc pas opportun de conditionner le remboursement des dommages par l'assurance au dépôt d'une plainte dans les vingt-quatre heures suivant l'attaque. Nous proposons, pour notre part, de laisser aux victimes quarante-huit heures après la constatation de l'infraction, un délai que le ComCyberGend et l'ensemble des entreprises travaillant dans ce domaine jugent suffisant tant pour retrouver des traces informatiques en cas d'attaque que pour garantir la bonne couverture de ces risques pour les entreprises.
Notre groupe vous invite à adopter cette position équilibrée, consensuelle, en votant notre amendement identique CL605. Celui-ci vise deux objectifs qui vont dans le bon sens : tout en élargissant au-delà des demandes de rançon le champ des dommages matériels et immatériels résultant de cyberattaques couverts par les assurances, il oblige les victimes à déposer une plainte dans un délai de quarante-huit heures.
M. le rapporteur l'a dit, très peu de plaintes sont déposées concernant des cyberattaques par rançongiciel. On sait très bien pourquoi : cette démarche nuit à l'image des entreprises qui en sont victimes et accentue le risque d'attaques contre l'intégrité des données qu'elles gèrent. Or, en imposant le dépôt de plainte, nous nous assurerons que les investigations nécessaires sont réalisées et, ce faisant, nous éviterons d'autres victimes. Ne nous focalisons pas trop sur le délai de vingt-quatre ou quarante-huit heures : notre intention est bien d'obliger les victimes à porter plainte afin qu'elles soient, in fine, moins nombreuses. Nous verrons bien dans les décrets d'application et la jurisprudence ultérieure comment la notion de constatation de l'infraction, qui constitue le point de départ du délai, sera interprétée tant par les assureurs que par les juges.
L'amendement CL286 s'inscrit dans la même logique. Je souscris aux propos des collègues qui viennent de s'exprimer : il convient en effet de trouver le bon équilibre, sans rompre avec la doctrine actuelle visant à ne pas envoyer un signal aux organisations criminelles qui s'adonnent au cryptolockage par ransomware. C'est justement l'inverse que nous faisons : la situation deviendra de plus en plus complexe pour celles et ceux qui s'essaieraient à de telles attaques, peut-être moins élaborées mais sans doute plus massives car organisées de manière strictement commerciale. De même, le délai de quarante-huit heures me paraît mieux correspondre aux nécessités du moment.
Alors que les rançongiciels et les pratiques de cryptolockage peuvent sembler très immatériels, permettez-moi d'avoir une pensée pour tous les anciens salariés de Camaïeu – nous en connaissons tous –, dont l'entreprise avait été cyberattaquée à l'été 2021. Il ne s'agissait pas de cryptolockage, mais le site internet de l'enseigne avait été bloqué pendant une semaine, occasionnant une perte de chiffre d'affaires de 40 millions d'euros. Nous voyons là que les conséquences des cyberattaques vont bien au-delà de la situation financière de telle ou telle entreprise. Je salue le travail de l'Anssi, de la plateforme cybermalveillance.gouv.fr ainsi que de l'ensemble de l'écosystème qui se porte au secours des victimes.
Bien que nous comprenions la nécessité et l'intérêt de porter plainte, le délai de vingt-quatre heures nous semble beaucoup trop court. L'amendement CL472 vise à le supprimer, tandis que l'amendement CL473 est un amendement de repli.
L'amendement CL250 vise à allonger le délai de vingt-quatre heures accordé aux victimes pour porter plainte, qui nous semble trop court.
En décembre 2021, l'étude « Les Français et les risques numériques » menée par Harris Interactive dévoilait que 51 % des Français s'estimaient mal informés sur les risques cyber. Selon l'enquête « Les TPE-PME et la cybersécurité » réalisée au même moment par l'Ifop, un tiers des TPE et PME seulement déclarent disposer en leur sein d'un spécialiste informatique chargé de la cybersécurité.
Nous préconisons la fixation d'un délai de quinze jours, d'autant que la situation s'avère plus compliquée dans certains territoires français comme la Guyane, où des entreprises et administrations n'ont pas accès au numérique sur le réseau national et doivent donc utiliser le réseau du pays voisin, le Suriname.
L'amendement CL219 vise à porter à quarante-huit heures le délai dont disposent les victimes pour déposer une pré-plainte. Je parle bien de pré-plainte car ce délai nous paraît trop court pour une vraie plainte. J'expliquerai tout à l'heure pourquoi il est très difficile voire parfois impossible, en pratique, de porter plainte.
Comme mes collègues, je m'interroge quant au point de départ du délai imparti pour déposer la pré-plainte qui conditionne le remboursement de la rançon versée. La victime ne peut en aucun cas accomplir cette démarche auprès des autorités compétentes si elle n'a pas conscience de l'existence de l'infraction. Or les personnes qui mènent ces cyberattaques peuvent aisément pénétrer dans le système d'information d'une entreprise sans que celle-ci ne s'en rende compte ; certaines attaques ne se manifestent d'ailleurs que par des dysfonctionnements dont nombre d'utilisateurs seraient bien en peine de déterminer la nature, surtout dans le délai très court de vingt-quatre heures qui pourrait finalement porter préjudice aux victimes.
Madame Martin, vous avez fait référence à une table ronde que nous avons organisée. Vous avez raison s'agissant de la position de la section J3 du parquet de Paris, mais moins, me semble-t-il, s'agissant de celle du ComCyberGend, le Général Boget, qui a beaucoup insisté sur la nécessité d'agir très vite – d'où le débat au sujet du délai, sur lequel je reviendrai dans quelques instants. Surtout, vous oubliez que les remarques faites par les uns et les autres portaient sur la rédaction votée par le Sénat, que nous ne pouvons pas conserver, comme l'a bien expliqué M. Latombe. En effet, cette rédaction traite des seules cyberattaques par rançongiciels, auxquels elle tend en réalité à offrir un havre de paix en Europe et dans l'OCDE. Nous cherchons, au contraire, à nous rapprocher de ce qui se passe en Allemagne, par exemple, où l'on observe une coopération entre les victimes, les enquêteurs et les assureurs. Aussi vos critiques visaient-elles une rédaction que nous entendons modifier – j'ai évidemment contribué à la réécriture proposée par un certain nombre de nos collègues.
La pré-plainte n'est pas une bonne idée car cette démarche est sommaire. Pour avoir moi-même déposé une pré-plainte en ligne après m'être fait voler un vélo il y a trois semaines, je peux vous confirmer que très peu d'éléments sont à communiquer, même si la procédure est un peu longue. Vous êtes rappelé deux, trois ou quatre jours plus tard, selon la disponibilité des services enquêteurs, pour prendre un rendez-vous physique au cours duquel vous signerez votre plainte. Or nous parlons ici d'attaques très complexes. La pré-plainte n'est donc vraiment pas un outil adapté. Un certain nombre de nos collègues préconisent de fixer le délai à quarante-huit heures, ce qui permettrait tout à fait à la victime de déposer une plainte en ligne, puisque les cyberattaques sont comprises dans le champ d'application de cette procédure.
Pour en revenir au délai, il faut trouver un compromis. Vingt-quatre heures, c'est trop tôt. Soixante-douze heures, une semaine ou quinze jours, c'est trop tard, tant pour la victime, qui ne pourrait pas profiter de l'engagement de poursuites pénales, que pour les enquêteurs, qui ont besoin d'arriver rapidement sur la scène de crime dont je parlais précédemment.
Madame Lorho, nous convenons tous que la rédaction du Sénat, qui évoque « les vingt-quatre heures suivant l'attaque », n'a pas de sens, car ce qui compte est le moment auquel la victime a constaté l'attaque. Ce n'est qu'à partir de cet instant qu'elle a des éléments tangibles qui lui permettent de porter plainte. Par ailleurs, comme le Général Boget nous l'a très bien expliqué lors de son audition, une cyberattaque, par rançongiciel ou non, se déroule généralement en deux temps : après une première pénétration dans le système informatique et une extraction des données, il se passe plusieurs jours, plusieurs semaines voire plusieurs mois avant que le pirate pénètre une nouvelle fois dans le système informatique pour crypter les données, qui deviennent alors indisponibles pour la victime. La première étape étant masquée, elle ne permet pas à la victime de constater l'attaque.
Par rapport à la rédaction insatisfaisante du Sénat, nous remplaçons donc la pré-plainte par une véritable plainte, qui pourra être effectuée en ligne, et le délai de vingt-quatre heures suivant l'attaque par un délai de quarante-huit heures après la constatation de l'attaque. Par ailleurs, nous ne visons plus simplement les rançongiciels mais l'ensemble des cyberattaques. Cela nous permet d'imaginer que les coûts de remédiation, pour reprendre les termes de M. Latombe, ou de remise à niveau des systèmes soient pris en charge par l'assurance, ou encore que les garanties ne couvrent pas uniquement le paiement de la rançon, mais également les coûts liés à la perte d'exploitation. Nous devons agir vite.
Je donne un avis favorable aux amendements identiques CL417, CL488 et CL605, qui vont dans la bonne direction et répondent à de nombreuses questions posées par les uns et les autres en défendant vos amendements et par M. Guitton s'agissant des délais. Je donne un avis défavorable aux autres amendements de la discussion commune, tout en rappelant le contexte que j'ai décrit et notre volonté de trouver des solutions à la fois équilibrées et très opérationnelles.
Ce débat est très compliqué. La majorité des entreprises touchées par des cyberattaques, parfois dix à quinze fois par jour, sont des PME, des TPE ou des artisans qui ont bien du mal à se faire accompagner en amont. Nous parlons ici beaucoup de réparation, avec la question des assurances, mais nous devrons aussi nous demander, peut-être en séance publique, comment faire de la prévention, sur le terrain, dans une logique d'« aller vers », en lien avec les gendarmes et les policiers. La question est de savoir comment les entreprises sont accompagnées, non seulement par le milieu économique, notamment par les chambres de commerce et d'industrie dont l'action s'avère aujourd'hui insuffisante, mais également par les ministères de l'intérieur et de la justice, qui ont un grand rôle à jouer compte tenu de la protection apportée par le code pénal. Il s'agit de mieux protéger les données, de les enregistrer et de les mettre à l'abri, dans le cadre de systèmes souverains gérés au niveau national et permettant d'éviter toute récupération, y compris par les Américains dont les lois sont très offensives en la matière. Il serait donc intéressant d'avoir ce débat de fond en séance publique, autour d'un amendement visant à permettre aux agents de la gendarmerie et de la police d'accompagner les chefs d'entreprise, lesquels ne sont malheureusement parfois pas assez conscients de ces enjeux.
La difficulté vient du fait que ce sujet important est abordé dans la Lopmi, au détour d'un article visant simplement à régler la question du risque assurantiel du paiement de la rançon. C'est très pénible ! Nous avons globalement de bonnes idées mais, sans étude d'impact ni avis du Conseil d'État, nous ne pouvons pas en mesurer vraiment tous les effets.
La plainte arrive toujours trop tard. Un bon attaquant ferme les tuyaux dans les trente minutes suivant l'infraction, empêchant ainsi de remonter jusqu'à lui. Je comprends donc l'idée initiale de se focaliser sur le paiement de la rançon, puisqu'il s'agit non seulement d'un flux d'argent, mais aussi d'un flux numérique que l'on peut tracer. Il y a un intérêt, pour les services enquêteurs, à recommander le paiement de cette somme pour tenter de mettre la main sur l'attaquant ou une partie du réseau. Avec la réécriture proposée, on ne parle plus de la rançon. C'est un peu dommage, d'un certain point de vue : on aurait pu subordonner le paiement de la rançon à l'accord des services enquêteurs, à des fins d'investigation.
L'entreprise n'est pas toujours la seule victime de ces attaques : les données volées sont souvent les données personnelles de ses clients – de vous et moi –, qui subissent donc eux aussi un préjudice. En cela, il s'agit d'un sujet d'intérêt général. Ce risque doit-il être couvert par un système assurantiel privé ou public ? Ne pourrait-on pas renforcer l'Anssi et tous les moyens de prévention qui vont avec ?
Je partage le constat de M. Bernalicis : nous traitons d'un vrai sujet, sur lequel nous n'avons encore jamais légiféré, de manière partielle puisque nous ne parlons ni de prévention ni des actions à entreprendre en aval. Nous balayons pour ainsi dire 10 % du spectre ! Après le vote de la Lopmi, nous devrons donc revenir à cette question très rapidement, très sérieusement, en la considérant dans son intégralité. Dans cette attente, l'article 4 proposé par le Sénat est déjà mieux que rien. Nous voterons les amendements identiques visant à l'améliorer, qui sont des amendements de bon sens – un délai de vingt-quatre heures serait en effet trop court.
Si l'article 4 a le mérite d'exister, nous ne pourrons effectivement pas nous passer d'un vrai débat de fond sur l'accompagnement des organisations touchées par ce type d'attaques. Cet accompagnement doit aller de la prévention, de la sensibilisation, à la gestion de la crise que représente une attaque cyber majeure.
Les attaquants ont de l'avance ! Je ne partage pas tout à fait le point de vue de M. Bernalicis. L'article 4 vise à traiter le plus gros du problème des ransomwares, dont le succès tient principalement à une forme de stupeur. En effet, c'est au moment où elles reçoivent un mail d'Everest ou d'autres organisations dont je ne veux pas faire la promotion que la plupart des entreprises découvrent qu'elles ont été victimes d'un cryptolockage de leurs données, de longue date ou de manière plus récente : elles apprennent en même temps que leur système a été pénétré, que leurs données ont été chiffrées et qu'une entreprise cybercriminelle « commerciale » leur réclame 10 000 euros, 50 000 euros ou 1 million d'euros pour ne pas publier les données volées ou livrer les clés de déchiffrement.
La commission adopte les amendements CL417, CL488 et CL605.
En conséquence, les autres amendements tombent.
La séance est levée à 13 heures.
Membres présents ou excusés
Présents. - Mme Caroline Abadie, M. Jean-Félix Acquaviva, Mme Sabrina Agresti-Roubache, M. Romain Baubry, M. Ugo Bernalicis, Mme Pascale Bordes, M. Ian Boucard, M. Florent Boudié, Mme Blandine Brocard, Mme Émilie Chandler, Mme Clara Chassaniol, M. Éric Ciotti, Mme Mathilde Desjonquères, Mme Edwige Diaz, Mme Elsa Faucillon, M. Yoann Gillet, M. Philippe Gosselin, M. Guillaume Gouffier-Cha, M. Philippe Guillemard, M. Jordan Guitton, M. Benjamin Haddad, M. Sacha Houlié, M. Timothée Houssin, M. Jérémie Iordanoff, Mme Emeline K/Bidi, M. Andy Kerbrat, M. Philippe Latombe, M. Gilles Le Gendre, M. Antoine Léaument, Mme Marie Lebec, Mme Julie Lechanteux, Mme Marie-France Lorho, M. Benjamin Lucas, M. Emmanuel Mandon, Mme Élisa Martin, M. Thomas Ménagé, M. Ludovic Mendes, Mme Naïma Moutchou, M. Didier Paris, M. Jean-Pierre Pont, Mme Marie-Agnès Poussier-Winsback, M. Philippe Pradal, M. Stéphane Rambaud, Mme Sandra Regol, M. Davy Rimane, Mme Béatrice Roullaud, M. Thomas Rudigoz, M. Raphaël Schellenberger, Mme Danielle Simonnet, Mme Sarah Tanzilli, M. Jean Terlier, Mme Cécile Untermaier, M. Roger Vicot, M. Guillaume Vuilletet, M. Jean-Luc Warsmann, M. Christopher Weissberg, Mme Caroline Yadan
Excusés. - M. Aymeric Caron, M. Philippe Dunoyer, Mme Élodie Jacquier-Laforge, M. Mansour Kamardine, M. Didier Lemaire, Mme Mathilde Panot
Assistaient également à la réunion. - M. Xavier Batut, M. Mounir Belhamiti, M. Éric Bothorel, M. Jean-François Coulomme, Mme Anne Le Hénanff, M. Stéphane Mazars, Mme Danièle Obono, M. Karl Olive, M. Thomas Portes, Mme Josy Poueyto, Mme Andrée Taurinya