Si, pour juger ce projet de loi, on devait s'en tenir aux arbitrages favorables de Bercy, il suffirait de dire que vous avez obtenu bien plus que les autres ministères. Nous aurions bien aimé que d'autres ministères bénéficient d'augmentations aussi importantes ! Mais on ne se prononce pas que sur un montant, on le fait aussi sur une trajectoire, sur des objectifs, sur un sens. Je m'en tiendrai ici à nos principaux points de désaccords et à nos propositions.
J'ai entendu votre volonté d'ouverture et je vous crois a priori. Mais si l'on se fie à ce qui s'est passé dernièrement, aux appels à la coconstruction qui aboutissent à des 49.3 et à des méthodes brutales, permettez-moi d'en douter. Tenons-nous-en, néanmoins, à votre engagement de ce matin.
Cette Lopmi s'aligne sur des mesures issues de la loi « sécurité globale » à laquelle, vous le savez, nous nous sommes largement opposés. Elle s'appuie aussi sur des revendications de certains syndicats policiers qui ont scandé, il y a quelque temps, devant notre assemblée, que le problème de la police était la justice. Idée que nous combattons résolument. Par ailleurs, vous proposez de renforcer la vidéosurveillance, les caméras-piétons, les policiers robots, les frontières connectées, autant d'équipements, dits de pointe, qui ne remplaceront jamais une présence humaine de proximité. En tout cas selon nous.
Vos choix budgétaires se font malheureusement au détriment des moyens de proximité, mais aussi des investigations, des filatures ou des enquêtes, qui sont déterminantes si nous voulons assurer la sûreté. Ils se font au détriment aussi de meilleures conditions de travail pour les agents de police. Je pense ici par exemple à l'alinéa 134 du rapport annexé, qui entend privilégier la compensation financière des heures supplémentaires plutôt que la récupération. En outre, cette loi troque la police judiciaire pour une police augmentée, qui ne garantira en rien l'efficacité, c'est-à-dire la protection des citoyens.
Autre point qui nous semble crucial : la relation police-citoyen. Vous aviez annoncé que c'était une des ambitions de ce texte. Force est de constater, en regardant à ce sujet le point 6 du rapport annexé, que c'est très flou, mais aussi très stigmatisant. Vous confondez délinquance juvénile et quartiers politique de la ville, en usant d'expressions aussi peu précises que « jeunes des quartiers ». Rien n'est dit, rien n'est fait concrètement pour améliorer les rapports entre les forces de l'ordre et la population. La seule idée est de proposer des stages dans la police à des jeunes de 11 ans. La confiance ne se décrète pas, elle se gagne et je crois qu'un des principaux leviers pour parvenir à relever ce défi, c'est l'égalité de traitement entre tous les citoyens. Nous déposerons donc des amendements qui proposeront la mise en place du récépissé de contrôle d'identité pour lutter contre les contrôles discriminants, ainsi que le déploiement d'une police de proximité. Les habitantes et les habitants des quartiers populaires ont droit à la sûreté. Ils la demandent, ils dénoncent les incivilités et exigent en même temps un traitement digne et respectueux de leurs droits fondamentaux. Rien de plus, rien de moins.
Améliorer le rapport police-population, c'est également condamner les policiers quand ils sont coupables de violence. L'exemplarité est une donnée primordiale du rapport de confiance. À cet égard, nous continuons de penser que l'IGPN doit être refondée pour devenir une autorité véritablement indépendante.
Par ailleurs, nulle part dans vos éléments de langage, dans les seize articles du projet de loi, dans les quatre-vingt-huit pages du rapport annexé n'apparaît ne serait-ce qu'un début de réflexion sur la doctrine du maintien de l'ordre en France, malgré la gestion désastreuse de la séquence des gilets jaunes.
Le maintien de l'ordre doit permettre l'exercice des libertés publiques. Il nécessite un strict équilibre entre liberté et ordre public.