Face aux attentes toujours plus fortes de la population en matière de sécurité, il était nécessaire que l'État accorde enfin un soutien budgétaire et matériel à la hauteur des enjeux. En ce sens, il paraît nécessaire de redonner à l'ensemble des acteurs de la sécurité et des secours une capacité d'action renforcée, certes, mais sans excès. C'est pourquoi je m'exprime aujourd'hui au nom du groupe LIOT, qui souhaite saluer les objectifs budgétaires ambitieux, même s'ils devront être confirmés au cours de la législature.
On ne peut nier l'effort budgétaire consenti, soit une hausse cumulée sur cinq ans de 15 milliards d'euros. Notre groupe constate que cette trajectoire est respectée pour 2023, avec un budget sécurité qui dépasse les 22 milliards d'euros. Nous rejoignons cependant les critiques du Conseil d'État sur le rapport annexé. Les objectifs sont listés de manière éparse, sans hiérarchisation et il y a une absence presque systématique de corrélation entre moyens et objectifs.
Notre groupe regrette également que le calendrier ait déjà conduit à un examen de la mission Sécurité, avant d'avoir débattu de la Lopmi et des priorités. D'autre part, nous suivrons avec attention le retour annoncé dans les territoires des 200 nouvelles brigades de gendarmerie. Nous appelons néanmoins à une concertation réelle pour établir le lien avec les élus locaux et territoriaux. Ce déploiement doit se faire en partenariat avec les collectivités. De quelle marge de manœuvre disposent les élus, notamment les maires, dans leurs échanges avec les préfets ? L'efficacité des actions dépend donc intrinsèquement de la densité du maillage territorial et de la capacité d'adaptation des brigades. C'est pourquoi notre groupe souhaite obtenir des éclaircissements : concrètement, quelle sera la répartition de ces nouvelles brigades entre collectivités ?
Les réformes liées à la police judiciaire ont suscité de vives réactions. Notre groupe attire l'attention du Gouvernement sur la nécessité de garantir la spécificité de la PJ, alors que l'étude d'impact évoque un besoin de 5 000 OPJ dès 2023, en plus des 17 000 qui ont déjà cette qualité. Les mesures prévues dans ce projet de loi semblent toujours insuffisantes. Nous relevons la volonté de former tous les nouveaux policiers et gendarmes à la fonction d'OPJ, dès la formation initiale, mais cela ne permettra pas de répondre au manque à court terme. Il faudra des formateurs et réviser les programmes dans un laps de temps restreint pour susciter des vocations.
Les députés de notre groupe n'ont pas de réticence particulière à l'égard de la création des assistants d'enquête, au contraire. Ces greffiers de police devraient permettre d'alléger la charge procédurale des enquêteurs pour que ceux-ci puissent se concentrer sur leur cœur de métier.
Certains points devront en outre être clarifiés. Sur le terrain, les enquêteurs redoutent ainsi fortement d'être placés sous l'autorité d'un directeur départemental de la police nationale. Ils craignent de se voir entravés dans la conduite de leurs investigations et de ne plus pouvoir assurer leur mission avec toute l'indépendance nécessaire. En Corse, des collectifs antimafia redoutent ainsi de voir réduites les missions de la PJ pour lutter contre le grand banditisme.
Concernant ce que vous appelez les nouvelles menaces, les députés LIOT prennent note de la possibilité de saisir les cryptoactifs, ce qui leur paraît être une bonne mesure.
Par ailleurs et comme vous pouvez vous en douter, je suis réservé sur les prérogatives renforcées que vous souhaitez accorder au préfet de département sur les services de l'État en cas de crise. Pour cela, il y a des états d'urgence, qui sont des régimes d'exception et qui ne doivent en aucun pas glisser vers le droit commun. Notre groupe a l'ADN très décentralisateur et considère que l'efficacité se situe, non pas dans le renforcement des prérogatives des préfets, mais dans le partage et l'accroissement des compétences et des responsabilités des collectivités. Ce sont, selon nous, les mieux à même de régler les difficultés rencontrées dans leur territoire.
Nous ne nous opposerons pas aux nombreuses améliorations apportées par les sénateurs, qui ont permis de corriger les principales failles du texte. C'est le cas par exemple du choix opéré par le rapporteur de réduire le champ des AFD, alors que le texte initial allait beaucoup trop loin et concernait 3 400 infractions.
Enfin, nous tenons à souligner l'introduction dans le texte d'une plus forte répression des agressions contre les élus locaux. Les chiffres 2021 parlent d'eux-mêmes : plus de 160 parlementaires et plus de 600 élus municipaux agressés, soit une hausse de 47 % en un an. Il était nécessaire d'améliorer la réponse pénale sur ce point.