Commission de la défense nationale et des forces armées

Réunion du mercredi 27 mars 2024 à 11h00

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

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La réunion

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La séance est ouverte à onze heures cinq.

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Mon général, mon colonel, Monsieur le directeur, je vous prie tout d'abord de bien vouloir excuser l'absence du président, M. Thomas Gassilloud, qui est actuellement en route vers l'Ukraine avec la présidente de l'Assemblée nationale pour réaffirmer le soutien de la France au gouvernement et au peuple ukrainien.

Après les auditions de ce matin, dédiées à l'apport de la culture à l'esprit de défense, nous poursuivons notre cycle d'auditions consacrées à la défense globale à travers la question essentielle de la sécurité civile et de sa coordination avec la défense militaire afin de garantir la résilience d'ensemble de notre nation.

À cet effet, j'ai le plaisir d'accueillir aujourd'hui M. Jean-François de Manheulle, directeur général adjoint de la sécurité civile et de la gestion des crises (DGSCGC) au ministère de l'intérieur et des outre-mer, le général Joseph Dupré La Tour, commandant de la brigade des sapeurs-pompiers de Paris et le lieutenant-colonel Jean-Paul Bosland, président de la fédération nationale des sapeurs-pompiers de France.

Monsieur Jean-François de Manheulle, votre direction est au cœur des situations d'urgence et de l'organisation de la réponse aux crises, anticipant des crises majeures qui entraîneraient de probables rétroactions sur le territoire national. Certains acteurs appellent à développer une approche davantage interministérielle de la défense du territoire. Nous attendons de vous que vous nous livriez votre regard sur les réflexions et sur le rôle des acteurs de la sécurité civile en coordination avec les forces armées, les réseaux associatifs de protection ou de sécurité civile ainsi que, le cas échéant, sur les pistes d'amélioration que vous avez identifiées afin de renforcer cette coopération sur le territoire national. Un bilan des enseignements que vous avez tirés de la crise de la covid-19 pourrait également s'avérer très éclairant pour nos travaux, de même que les défis auxquels vous êtes confrontés dans la perspective des Jeux olympiques et paralympiques de 2024.

Mon Général, en tant que commandant de la brigade des sapeurs-pompiers de Paris, vous êtes sans doute le mieux placé pour évoquer ce que certains appellent « le continuum » entre défense civile et défense militaire. Vous pourriez nous éclairer sur l'apport de la militarité aux missions de protection des biens et des personnes et de lutte contre les incendies que vous conduisez non seulement en région parisienne, mais également jusqu'en Guyane. Votre regard sur la montée en puissance de la réserve opérationnelle de la brigade des sapeurs-pompiers de Paris et ses interactions avec les autres réserves nous intéressera.

Enfin, mon Colonel, en tant que président de la fédération nationale des sapeurs-pompiers de France, vous êtes parmi les personnes les plus qualifiées pour évoquer la perception de cette notion de défense globale par les acteurs de la sécurité civile. Nous serons intéressés par votre regard sur les interactions qu'entretiennent aujourd'hui les acteurs de la sécurité civile, y compris les réserves communales de la sécurité civile.

La défense d'une nation est d'autant plus efficace qu'elle sait associer à la force militaire l'ensemble des forces vives de la nation, y compris les citoyens eux-mêmes. L'enjeu consiste à les préparer à être en mesure d'agir et à faire preuve de résilience en cas de crise majeure. C'est pourquoi nous serions heureux de vous entendre sur les moyens que vous mettez en œuvre pour sensibiliser davantage les citoyens et en particulier sur le bilan que vous dressez de la mise en place d'une journée nationale de résilience (JNR), dont la prochaine édition est programmée le 13 octobre prochain. Vous nous direz si ce dispositif a porté ses fruits et s'il conviendrait de développer d'autres outils plus adaptés.

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Jean-François de Manheulle, directeur général adjoint de la sécurité civile et de la gestion des crises au ministère de l'intérieur et des outre-mer

Je vous remercie d'avoir convié la direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises et je vous prie, dans un premier temps, de bien vouloir excuser l'absence du directeur général qui n'a pas pu se libérer.

En préambule, je souhaite rappeler qu'au-delà de la sémantique, il existe une frontière assez complexe entre la sécurité et la défense civile. Nous nous perdons toujours à rechercher dans nos archives la preuve qu'en réalité ces deux termes, qui parfois se confondent et parfois se distinguent, ont été également liés à notre histoire. Dans les moments difficiles des guerres mondiales, la défense civile était institutionnellement incarnée par le ministère des armées, pour devenir progressivement une mission dévolue au ministre de l'intérieur. Cette évolution correspond à des réalités historiques, d'actualité et de grands mouvements de fond. Je ne dis pas que l'histoire est un éternel recommencement, mais force est de constater que cette boucle se pose à nouveau et que nous employons alternativement défense et sécurité civile. Au-delà des mots, il convient sans doute d'adapter nos dispositifs aux circonstances et je pense naturellement au conflit en Ukraine.

La direction générale de la sécurité civile est une direction d'administration centrale du ministère de l'intérieur. Elle est une direction générale non seulement parce qu'elle dispose de services propres qui mènent à bien, définissent les doctrines d'emploi et coordonnent les moyens, mais également d'une forme de réseau sur lequel elle n'a pas autorité, mais qu'elle coordonne, qu'elle anime, via les services départementaux d'incendie et de secours (SDIS). Cette répartition entre l'activité des services départementaux d'incendie et secours qui relèvent des collectivités locales, de l'action des communes et de leur maire, et l'action de l'État et de ses représentants, de ce socle premier constitué des maires et des préfets, représente pour la direction générale une valeur importante de cette politique publique qui vise à protéger nos concitoyens.

Une pluralité d'acteurs intervient dans ce schéma institutionnel, ce qui constitue une force du modèle français de la sécurité civile. Elle repose d'abord sur un corps de sapeurs-pompiers professionnels auquel sont largement alliés au quotidien les sapeurs-pompiers volontaires. Ce volontariat représente, pour le ministre de l'intérieur, une forme de pacte important puisqu'il reflète la réalité d'une action de nos concitoyens dans les territoires, une perméabilité entre la société et celles et ceux qui interviennent.

La structuration du corps des sapeurs-pompiers professionnels présente des singularités, à Marseille et à Paris, avec des effectifs militaires qui officient dans ses missions. Plus généralement, à disposition du ministre de l'intérieur et par la délégation du directeur général, trois formations militaires de la sécurité civile (ForMiSC) interviennent autant que de besoin sur le territoire national, dans les territoires ultramarins et parfois même à l'étranger.

Ce schéma institutionnel reste fondamentalement au cœur de nos organisations et lorsque l'on évoque la résilience, la défense civile, c'est également cette organisation qui concourt. Cela ne signifie pas qu'elle ne mérite pas d'évoluer, puisque toute structure vivante évolue, et il est nécessaire qu'elle évolue.

Dire que la déclinaison des politiques de sécurité civile consiste à prendre en compte ce quotidien, cette réalité climatique, ces risques technologiques naturels, est presque devenu un lieu commun. Pourtant, qui aurait pu imaginer il y a vingt ans que les risques climatiques seraient aussi prégnants sur le territoire national ? J'en veux pour preuve l'enchaînement de trois séquences d'inondations dans le Nord-Pas-de-Calais. Lorsqu'une inondation survient dans notre pays, nous sommes tous dans un état de sidération et nous nous disons un peu que c'est « la faute à pas de chance » ; lorsque nous sommes confrontés à trois inondations en un mois, cela ne relève plus de l'accumulation de hasards malencontreux qui au lieu de se répartir sur un siècle, se répartissent en un mois. C'est seulement une réalité et sans faire preuve de catastrophisme, il importe de tenir compte de cette réalité dans la politique publique et de la traduire au quotidien par la mise en œuvre de nos forces, de nos actions et aussi peut-être de construire une forme de chaînage dans le temps.

Nous étions très centrés sur l'action qui permet de circonvenir et d'agir face à des événements, quels qu'ils soient ; il s'agit de « l'action d'après ». De plus en plus, nous nous positionnons dans « l'avant » et le ministère de l'intérieur dispose désormais objectivement d'un maillage, d'une action, de moyens financiers, de compétences humaines, notamment le corpus des sapeurs-pompiers dans toute sa pluralité. Je crois que leur action est désormais toujours saluée dans les territoires. Bien entendu, il importe encore de progresser, mais dans « l'avant », c'est-à-dire en matière de prévention, de capacité à planifier. Il s'avère nécessaire que nous progressions dans la résilience.

Ce terme de « résilience » connaît un peu un effet de mode, mais en réalité, il est désormais chargé d'un contenu. D'ailleurs, je crois que chacun aurait sa propre définition de la résilience. Qu'est-ce que la résilience ? C'est la résilience des individus dans leur vie privée ; c'est la résilience des organisations ; c'est la résilience des États, etc. Si nous déclinons cette résilience dans le domaine de la sécurité civile, elle représente cette capacité à éduquer au plus près, dans les premiers âges, une population qui est désormais consciente des risques climatiques et, pour certains d'entre nous, la vivent dans leur chair, à leur détriment. Cette prise de conscience doit nous conduire à avoir des arcs réflexes dès les premiers âges de la vie, plus encore qu'aujourd'hui. En ce sens, le ministère de l'intérieur peut et doit être porteur de cet « avant ».

Vous évoquiez la journée de la résilience. Elle reste un moment fort et nous avons besoin de cette journée. Nous souhaitons développer un corpus, qui peut être normatif via la représentation nationale, mais également un corpus de cette administration qui est capable d'évoluer, de s'organiser et de donner tout son sens à cette résilience.

Au sein de la population française, peu de personnes imaginent qu'un conflit armé puisse survenir sur notre territoire, quelles qu'en soient les déclinaisons. Il appartient à la sécurité civile de réfléchir quant à notre capacité à nous projeter dans des conflits armés qui nous concernent. D'ailleurs, la France est désormais clairement inscrite dans ces dimensions. Je rappelle également que certains États de l'Union européenne souhaitent voir substantiellement avancer les réflexions sur la coopération européenne en matière non pas de défense, mais de sécurité civile, c'est-à-dire la prise en charge de réfugiés, la prise en considération d'atteintes aux personnes et aux biens liées directement à des faits de guerre et à des traumatologies spécifiques dans les proportions importantes. Dans le cadre de la mutualisation, de la coopération de la sécurité civile au sein de l'Union européenne, plusieurs États ont d'ores et déjà manifesté leur volonté de réorienter une partie de la notion de sécurité civile, de défense civile, vers des conflits qui pourraient nous toucher directement. Il s'agit bien entendu d'États directement contact ou proches de la Russie ou de l'Ukraine. Nous notons notamment une forte sensibilisation non seulement des pays scandinaves, des pays baltes, mais également de l'Allemagne qui est située entre deux ensembles. Cette prise en considération des conflits armés doit également amener à une réflexion relative à la résilience de nos populations et à notre capacité à prévoir des dispositifs qui existent, mais qu'il convient de faire évoluer.

Il y a quelques semaines, le ministre a annoncé la mise en place d'un « Beauvau de la sécurité civile ». Il en définira prochainement la méthode, le contenu et son inscription dans un calendrier. Ce « Beauvau de la sécurité civile » sera occasion de faire émerger sur l'ensemble du territoire des propositions d'évolution des schémas institutionnels, de la sécurité civile et la prise en compte et la définition de la résilience.

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Général Joseph Dupré La Tour, commandant de la brigade de sapeurs-pompiers de Paris (BSPP)

Je vous remercie d'avoir invité la BSPP au sein de la commission de la défense et des forces armées de l'Assemblée nationale. Mon chef d'État-Major, le colonel Guillaume Trohel, qui m'accompagne, et moi-même en sommes très honorés.

Je scinderai ma présentation de la brigade et de ses atouts vis-à-vis de la Défense globale en trois parties.

La première partie concernera les six caractéristiques principales de la brigade, qui est une unité singulière que j'ai l'honneur de servir depuis un peu plus d'un an et demi. D'abord, la brigade est une unité bicentenaire. Elle a été fondée en 1811 par l'empereur Napoléon qui a mis – c'est une formule assez audacieuse et originale - une unité militaire de l'armée de terre sous l'autorité d'emploi du préfet de police de Paris. Depuis 1811, la brigade a poursuivi sa mission sans interruption, malgré les guerres et les crises, et notre cher et vieux pays en a connu de nombreuses depuis cette époque.

La deuxième caractéristique de la brigade réside dans son statut militaire, décidé par Napoléon après le dramatique incendie de l'ambassade d'Autriche. Je vous rappelle le contexte de cet incendie. Napoléon se rend à l'ambassade d'Autriche pour festoyer, dans le cadre de son futur mariage avec Marie-Louise d'Autriche. Un incendie se déclare et fait des dizaines de morts, notamment dans la future belle-famille de l'empereur. Napoléon, fort courroucé, diligente une enquête qui se traduit par quatre reconnaissances d'absences du corps des garde-pompes de l'époque : absence de préparation opérationnelle, absence de discipline, absence de motivation et absence d'encadrement de qualité. Napoléon décide de militariser et crée le bataillon de sapeurs-pompiers de Paris. Depuis deux cents ans, les différents chefs qui se sont succédé à la tête de cette belle unité essaient de faire en sorte que les quatre absences soient corrigées et qu'elle mérite la confiance de nos concitoyens.

La troisième caractéristique la BSPP consiste à être une unité interdépartementale couvrant Paris et les trois départements de la petite couronne. Avec ses huit mille sept cents militaires et ses quatre-vingts centres de secours, elle assure entre quatre cent quatre-vingt-quinze mille et quatre cent quatre-vingt-dix-huit mille interventions, ce qui correspond environ à une intervention par minute, soit 10 % des interventions de France. Cette caractéristique nous différencie des autres services départementaux d'incendie et de secours (SDIS).

La quatrième caractéristique la BSPP réside dans sa totale intégration à la préfecture de police de Paris. Nous nous réunissons très régulièrement avec le préfet de police et avec ses équipes que sont la direction de la sécurité de proximité de l'agglomération parisienne (DSPAP), la direction de l'ordre public et de la circulation (DOPC), la direction du renseignement de la préfecture de Police (DRPP), la direction de la police judiciaire (DPJ) de la préfecture de police, et nous entretenons des liens très étroits avec tous les grands opérateurs sur la plaque parisienne tels que la RATP, la SNCF, Enedis, etc., ce qui nous permet de travailler, dans le continuum sécurité civile et sécurité défense, avec les opérateurs de services publics, parce que tous participent à la résilience de la nation. Au-delà de cette intégration, nous disposons d'un centre d'appels commun avec la DSPAP. Chaque appel au 17 ou au 18 ou au 112 arrive au même endroit, Porte de Champerret, dans des locaux partagés avec la police nationale.

La cinquième caractéristique de la brigade consiste à disposer d'un service de santé très important constitué de soixante-quinze médecins urgentistes et autant d'infirmiers qui arment les ambulances de réanimation équivalentes à des unités mobiles hospitalières (UMH) des Samu. Nous participons donc à la couverture opérationnelle de l'agence régionale de santé (ARS). Ces médecins sont très précieux non seulement dans le cadre de nos interventions de secours, mais également dans le cadre de grands événements.

Enfin, la sixième et dernière caractéristique réside dans le fait que la BSPP est habituée aux grands événements. Elle détient cette expérience depuis deux cents ans, mais elle couvre de plus en plus de grands événements et elle a notamment en ligne de mire les Jeux olympiques.

Depuis longtemps, nous cultivons une innovation doctrinale. Nous avons conçu le plan rouge, nous avons conçu le célèbre casque de pompier que nous voyons maintenant partout. Il a été inventé par le bureau d'études de la brigade de sapeurs-pompiers de Paris. Actuellement, nos travaux portent sur l'innovation diphasique, une lance qui utiliserait moins d'eau et plus d'air, mais qui présenterait bien entendu des performances identiques à celles des lances habituelles pour éteindre les incendies. Nous travaillons également sur la robotique, les drones et l'intelligence artificielle.

La deuxième partie de mon exposé concerne le champ de compétences réglementaires de la BSPP. La brigade répond bien sûr au Code général des collectivités territoriales, mais étant militaire, elle est inscrite dans le Code de la défense. Ses missions traditionnelles sont axées sur la prévention des risques de sécurité civile, la protection des personnes, des biens, de l'environnement, tout ce qui concerne le secours classique, etc., et elle se prépare aux scenarii de haute intensité.

La BSPP déploie également des forces à l'étranger dans le cadre des missions qui lui sont confiées par l'état-major des armées (EMA). Actuellement, des forces sont déployées au Liban et au Gabon, dans le cadre des missions au profit des armées françaises.

Nous disposons d'une réserve opérationnelle dont les célèbres RO1 et RO2, cette dernière pouvant être appelée dans le cadre des exercices Vortex.

Je terminerai cette présentation en mentionnant cinq atouts de la BSPP, dans le cadre des missions de défense globale. Le premier atout réside dans son statut militaire qui garantit aux autorités, quelles que soient les circonstances, disponibilité, neutralité, jeunesse et bonne préparation physique. Les pouvoirs publics peuvent ainsi disposer d'une réserve constituée de huit mille quatre cents pompiers d'active et environ neuf cents réservistes entraînés et fiables.

Le statut militaire emporte des spécificités de formation initiale. À titre d'exemple, nos jeunes suivent une semaine de stage d'aguerrissement, de cohésion dans un camp de la gendarmerie nationale dans les Yvelines et ils font du service en campagne, du tir au Famas, etc. Bref, ils apprennent à vivre en commun et à s'aguerrir. C'est très précieux. Cette même cohésion est au cœur de la formation que les sous-officiers suivent à l'École nationale des sous-officiers d'active (Ensoa) de l'armée de terre pendant cinq semaines de sorte à acquérir le certificat militaire de premier degré (CM1). Au cours de cette formation, ils pratiqueront également du tir, du service en campagne, etc. Nos sous-officiers – qui, du reste, sont tous d'anciens militaires du rang - suivent ainsi une véritable formation militaire de base comme pour les militaires du rang.

Les officiers font de nombreux allers-retours entre l'armée de terre et la brigade de sapeurs-pompiers de Paris.

Cet esprit militaire est cultivé. Ainsi, lorsque nos jeunes recrues viennent découvrir notre état-major à Champerret, elles découvrent le monument aux morts des sapeurs-pompiers de Paris. Ce monument aux morts regroupe deux cent soixante-quinze noms de morts pour la France et la moitié de morts au feu. Cela signifie que la BSPP compte un plus grand nombre de morts pour la France que de morts au feu parmi les engagés pompiers de Paris. Ces engagés ont décidé, en 1914, que le devoir les appelait pour combattre sur le front. Ils ont demandé l'autorisation au colonel qui commandait à l'époque le régiment et le colonel les a autorisés à partir au front. Il est important de le rappeler à nos militaires qui s'engagent, de leur dire qu'ils sont des militaires, des militaires un peu particuliers qui agissent en périphérie du rôle habituel des militaires, mais qu'ils sont des militaires à 100 %.

J'ai mentionné précédemment la projection de sapeurs-pompiers à l'étranger, actuellement au Liban, au Gabon et au sein des missions Aigle et Lynx. J'ai par ailleurs indiqué au chef d'état-major de l'armée de Terre (CEMAT) que s'il fallait renforcer le dispositif en Roumanie, par exemple, nous étions en mesure de fournir des hommes le cas échéant. Nous avons envoyé régulièrement des formateurs en Afrique subsaharienne et nous continuons d'envoyer des formateurs y compris dans les pays en crise.

Notre réserve opérationnelle est composée de neuf cents hommes en RO1. Chaque année environ mille sapeurs-pompiers de Paris nous quittent pour mille qui rentrent. Dès lors, sur cinq ans, nous pouvons compter sur un vivier d'environ cinq mille hommes en RO2. En 2022, nous avons organisé un exercice « pseudo Vortex » de la RO2 au cours duquel, sans nous assurer de l'aptitude opérationnelle réserve, nous avons vérifié que nos « jeunes anciens » étaient disponibles et que les adresses e-mail étaient à jour. Nous avons été moyennement satisfaits, car nous avions envoyé trois mille invitations et nous avons reçu mille messages de disponibilité. Deux mille hommes n'étaient pas disponibles pour nous rejoindre. Il serait souhaitable de réitérer régulièrement ce genre d'exercice de façon à instaurer une forme de routine.

Le deuxième atout de la brigade réside dans le fait qu'elle constitue une unité tournée vers les forces vives de la nation, vers la jeunesse. La moyenne d'âge des sapeurs-pompiers de Paris et de ses réservistes est de trente ans. Nous formons chaque année mille jeunes qui nous rejoignent et, parallèlement, nous avons mis en place un dispositif jeunesse c'est-à-dire que nous accueillons trois cents volontaires du service civique (VSC) qui effectuent des missions de sapeurs-pompiers au sein de nos véhicules de secours et d'assistance aux victimes (VSAV). Chaque année, nous accueillons deux cent cinquante élèves de bac professionnel dans les métiers la sécurité avec lesquels nous avons signé un partenariat. Nous comptons de nombreux alternants. Des stagiaires des classes de troisième et seconde nous rejoignent régulièrement. Deux cent cinquante jeunes sapeurs-pompiers de Paris (JSPP) effectuent trente samedis par an de formation à l'esprit civique, au développement de l'esprit de défense et au métier de pompier. Nous travaillons également avec la mairie de Paris sur les sujets de résilience.

Le troisième atout de la brigade réside dans sa forte capacité de mobilisation et de montée en puissance. Deux mille sept cents sapeurs-pompiers sont logés sur place ou à proximité directe. Lors des attentats de 2015, nous avons pu armer des moyens supplémentaires très rapidement. Lors des violences urbaines de la fin juin 2023, nous avons aussi pu armer des moyens supplémentaires très rapidement pour faire face aux nombreux feux, parfois mille quatre cents incendies par nuit, non seulement des feux de voitures et de poubelles, mais également des feux d'habitations ou de locaux publics. Lors de la pandémie de covid-19, nous avons également mobilisé nos personnels.

Le quatrième atout réside dans notre organisation et notre expertise. Nous disposons de quatre-vingts centres de secours répartis dans notre périmètre d'action. En cas de mode dégradé, cela permet de disposer de lieux de commandement et opérationnels de proximité pour nos concitoyens. Nous disposons d'une capacité de planification et de conduite d'opérations à Champerret grâce à des officiers aguerris à ces tâches. Nous armons cet état-major très régulièrement et il sera bien entendu armé pour les Jeux olympiques. Nous sommes interopérables avec les autres services publics, avec les armées, avec le Centre de planification et de conduite des opérations (CPCO), avec le centre opérationnel de gestion interministérielle des crises (Cogic) de la direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises (DGSCGC), avec le ministère de la santé, puisque 83 % des interventions sont des interventions de secours à victimes et il est donc important d'être très lié avec les différents Samu et l'ARS, et puis les différentes collectivités territoriales et les opérateurs.

Notre dernier atout réside dans notre déploiement au-delà de la région parisienne puisque nous disposons d'une unité à Kourou et une autre à Biscarosse. Des sapeurs-pompiers sont projetés en permanence en opérations extérieures. Nous formons des stagiaires étrangers. Dans le cadre de la défense globale, de même que nous déployions des militaires en Afrique subsaharienne pour combattre le terrorisme, loin des frontières, nous y participions également dans nos métiers de formation.

En conclusion, en raison des six caractéristiques que j'ai énoncées en première partie de mon exposé et puis des cinq atouts que j'ai présentés, je pense que les autorités politiques savent qu'en cas de crise grave, elles pourront compter sur les militaires de la BSPP partout où elles le décideront. L'histoire récente, mais aussi plus ancienne, des sapeurs-pompiers de Paris a montré leur participation active à la défense des intérêts supérieurs de la nation.

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Lieutenant-colonel Jean-Paul Bosland, président de la fédération nationale des sapeurs-pompiers de France

Je vous remercie de m'avoir invité au sein de votre commission pour parler au nom de la fédération des sapeurs-pompiers de France.

Cette fédération a été créée en 1882 sur la volonté d'officiers qui se sont réunis dans l'Aisne et elle regroupe aujourd'hui deux cent quatre-vingt-cinq mille adhérents, répartis sur l'ensemble du territoire, auprès des six mille deux cents amicales existant au sein des centres de secours.

La fédération a créé en 1926 l'œuvre des pupilles qui prend en charge les orphelins laissés par des collègues décédés. En 1993, elle a également créé sa propre mutuelle de sorte à accompagner les sapeurs-pompiers.

Je compléterai les deux interventions précédentes en axant mon propos sur l'organisation territoriale de nos SDIS. L'histoire des sapeurs-pompiers de France s'est construite au début du XVIIIe siècle et elle est progressivement devenue plus opérationnelle. Elle a démarré sur un engagement de citoyens à servir les communes et progressivement, les sapeurs-pompiers bénévoles citoyens engagés sont devenus des sapeurs-pompiers volontaires dans les unités urbaines, avec une activité opérationnelle importante, puis complétés par des sapeurs-pompiers professionnels, fonctionnaires territoriaux. Selon un récent rapport de l'inspection générale de l'administration (IGA), 54 % de ces derniers sont également sapeurs-pompiers volontaires sur leur commune de résidence, ce qui nous permet de disposer d'une colonne vertébrale d'accompagnement.

Notre organisation est un peu atypique. Le général a évoqué le lien avec la préfecture de Paris. Ce système hybride existe dans nos départements, dans un fonctionnement associant à la fois de l'État, via les préfets, pour la gestion opérationnelle et les élus territoriaux avec les conseils départementaux et bien sûr une participation des collectivités locales représentées par les maires pour la gestion administrative et financière.

Nous comptons quarante-trois mille sapeurs-pompiers professionnels, cent quatre-vingt-dix-huit mille sapeurs-pompiers volontaires et onze mille personnels administratifs et techniques qui font fonctionner l'ensemble de cette organisation. Nous travaillons en étroite collaboration avec nos collègues militaires, non seulement la brigade des sapeurs-pompiers de Paris, mais également le bataillon des marins-pompiers de Marseille et les formations militaires de sécurité civile qui ont été créées dans les années 60 pour assurer des renforts lors d'événements importants.

L'engagement citoyen qui construit ce modèle de sécurité civile à la française compte six mille deux cents centres de secours, ce qui nous permet d'apporter une réponse de proximité, d'assurer une réponse opérationnelle vingt-quatre heures sur vingt-quatre chaque jour de l'année. En effet, les citoyens s'engagent en plus de leur activité professionnelle, en plus de leur activité familiale. Il s'agit d'une véritable armée citoyenne ; en tout cas, d'une armée de réserve. Certains de nos collègues, quand ils ne sont pas militaires à la brigade ou au bataillon, sont souvent pompiers volontaires dans nos communes. Cela constitue un pilier de la solidarité nationale.

Les sapeurs-pompiers ont une capacité d'adaptation grâce à leur force humaine qui peut répondre en toutes circonstances. Ce fut le cas notamment lors de la pandémie de covid-19 puisque nous avons armé des centres de vaccination sur l'ensemble du territoire. Nous avons pu former rapidement nos sapeurs-pompiers à être des injecteurs de cette vaccination, grâce aux services de santé et de secours médicaux de nos services d'incendie et de secours, à leurs médecins, pharmaciens et infirmiers, ces cadres de santé qui nous permettent de former nos sapeurs-pompiers au-delà de leur activité et de nous adapter.

Cette adaptation est aujourd'hui permanente en raison du dérèglement climatique qui nous impacte beaucoup. Depuis deux ans, nous constatons une augmentation des feux de forêts et d'espaces naturels. Historiquement plutôt réservé au sud de la France, le feu migre progressivement en direction du nord, comme en 2022 dans la couronne parisienne, en Bretagne, dans le Jura, ce qui était inimaginable il y a une vingtaine d'années. C'est pourtant la réalité d'aujourd'hui qui nous impose de nous adapter.

Le dérèglement climatique ne se limite pas aux feux de forêt. Il génère de nombreux événements climatiques : des orages, des tempêtes dans les départements d'outre-mer, qui nécessitent de s'adapter sur des temps longs. En effet, un événement climatique peut nécessiter quatre mille interventions en quelques minutes, ce qui impose de disposer d'une réserve citoyenne de sorte à tenir dans le temps.

80 % de l'activité sont liés au secours aux personnes. Volontairement, je n'évoque pas le secours d'urgence aux personnes puisque le « U » du secours d'urgence est un peu en détresse vitale. Désormais, nous pallions clairement non seulement la carence de médecins dans l'ensemble des territoires, mais également le choix de certaines structures hospitalières de fermer leur service des urgences ou de fermer les lignes de structures mobiles d'urgence et de réanimation (Smur). Dès lors, ce sont souvent les sapeurs-pompiers qui arment les lignes de Smur avec leurs médecins et leurs infirmiers. Cela représente un allongement du temps de transport puisque les fermetures de centres hospitaliers ou de services des urgences des centres hospitaliers de proximité imposent des déplacements plus longs à nos ambulances.

Le volontariat sous-entend que nous devons négocier la disponibilité du sapeur-pompier, de ce citoyen qui s'engage, avec son employeur. La négociation se déroule bien lorsqu'il s'agit d'une mission d'urgence, elle est plus complexe lorsque la mission consiste à transporter une entorse sur un trajet qui peut durer trois, quatre, voire parfois cinq heures dans certains secteurs. Nous sommes confrontés à un effet ciseau qui impacte directement l'ensemble des sapeurs-pompiers, professionnels ou volontaires, et on n'a parfois pas toujours dit la vérité au moment du recrutement, puisqu'aujourd'hui, la réalité des sapeurs-pompiers ne consiste pas uniquement à lutter contre le feu ou à assurer des missions d'urgence, mais également à pallier toutes les carences que j'ai évoquées. Cela impacte directement le sens de l'engagement de nos sapeurs-pompiers.

Actuellement, au-delà de la pression opérationnelle, nous subissons une pression juridique. En effet, la directive européenne de 2003 sur le temps de travail (DETT) impacte non seulement les sapeurs-pompiers, mais également d'autres corporations telles que la gendarmerie. Cette directive européenne concerne toute personne placée sous l'autorité d'une autre, soumise à une astreinte et indemnisée pour ce faire. Nous travaillons avec l'ensemble des fédérations et associations européennes de sapeurs-pompiers à écarter la menace de cette directive européenne. Nous avons eu un premier échange dans un binôme franco-allemand à Berlin. Nous souhaitons orienter Bruxelles vers la rédaction d'une directive européenne du citoyen engagé de protection civile de manière à protéger cette activité de toute assimilation à un travail. Toutefois, en France, malgré plusieurs recours contentieux, deux textes de loi protègent encore le sapeur-pompier volontaire, stipulant que le sapeur-pompier volontaire n'est pas reconnu comme travailleur.

S'agissant des défis, il me semble que l'histoire des sapeurs-pompiers atteint la fin d'un chapitre. Il est temps d'écrire un nouveau chapitre au regard de l'évolution sociétale. Être sapeur-pompier représente un engagement citoyen. Le citoyen d'aujourd'hui est un consommateur au sens large du terme, y compris des engagements. Dans le passé, les sapeurs-pompiers volontaires assuraient leur engagement jusqu'à la fin ; désormais, péniblement, l'engagement dure environ onze ans. Cette diminution de l'engagement constitue un sujet prégnant, tant au sein des sapeurs-pompiers volontaires que des sapeurs-pompiers professionnels qui quittent le métier en raison d'une perte de sens. Il importe que nous tenions compte de cette alerte. Il nous appartient d'assouplir et de fluidifier. Au 1er janvier 2001, la départementalisation a transféré la gestion communale à l'échelon départemental. Il importe désormais d'adapter la formation et l'engagement du sapeur-pompier aux activités qui seront les siennes. Nous aurons probablement des pompiers de zones urbaines et, à l'avenir, des pompiers de zones rurales parce que ce n'est pas la même mission opérationnelle. Nous avons besoin d'ouvrir ce recrutement.

Depuis 1950, nous disposons de sections de jeunes sapeurs-pompiers qui nous rejoignent à l'âge de douze ans qui peuvent rester jusqu'à dix-huit ans. Ensuite, ils intègrent les compagnies de sapeurs-pompiers à la hauteur de 70 %, comme pompiers volontaires, professionnels ou militaires. Ces jeunes reçoivent une formation incendie, secourisme et ils évoluent dans un cadre bien nécessaire aujourd'hui.

Le ministre de l'intérieur et des outre-mer a annoncé l'ouverture de ce « Beauvau de la sécurité civile », qui devrait être lancé le 23 avril 2024. Cette initiative nous fournira une véritable occasion de retravailler notre copie et, surtout, de redéfinir le champ de la mission opérationnelle.

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La directive européenne menace-t-elle réellement le statut de pompier volontaire ?

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Lieutenant-colonel Jean-Paul Bosland, président de la fédération nationale des sapeurs-pompiers de France

Il s'agit d'un sujet prégnant. Nous subissons des attaques régulières, notamment des organisations syndicales. À titre d'exemple, en 2018, un sapeur-pompier volontaire belge a attaqué sa commune. Sur la base de l'argument qu'étant soumis à une astreinte, à une autorité, etc., il a demandé la reconnaissance de son statut de sapeur-pompier volontaire comme un statut de travailleur. Les conséquences sont sévères. Les Belges ont contractualisé le sapeur-pompier volontaire.

Le sapeur-pompier volontaire français perçoit une indemnité non imposable visant à compenser ses frais de carburant, etc, et non une rémunération. On ne s'engage pas comme sapeur-pompier volontaire pour devenir riche.

Les sapeurs-pompiers volontaires belges sont désormais contractualisés. Ils touchent un vrai salaire et ils sont soumis à l'impôt. Le plus grave réside dans le fait que le sapeur-pompier volontaire belge donne un temps précis à la disponibilité et lorsque ce temps est épuisé, il n'a plus de disponibilité.

Les Allemands ont une organisation un peu différente et ils comptent environ un million de sapeurs-pompiers volontaires. Ils disposent d'une véritable réserve citoyenne. Ils n'effectuent cependant pas sauf dans certains Länder le secours d'urgence aux personnes.

Lorsque de violentes inondations ont eu lieu en juillet 2022 en Allemagne et en Belgique, les Allemands se sont engagés en réaction immédiate et surtout en tenant dans le temps. Grâce à leur ressource humaine, ils ont pu relever le pays très rapidement. Les Belges ont également réagi immédiatement. Malheureusement, faute de disponibilités, ils n'ont pas pu tenir dans le temps et ne sont pas parvenus à redresser le pays dans les mêmes délais.

Telles sont les conséquences que nous fait courir la directive européenne du temps de travail. Un récent rapport de l'inspection générale de l'administration et de l'inspection générale de la sécurité civile nous alerte précisément sur ce risque d'affaiblissement de notre potentiel de réponse opérationnelle.

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Lorsque j'étais maire d'une commune, j'ai constaté qu'organiser des sorties de sapeurs-pompiers volontaires dans l'après-midi posait souvent de gros problèmes. La situation a-t-elle évolué ?

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Lieutenant-colonel Jean-Paul Bosland, président de la fédération nationale des sapeurs-pompiers de France

Le volontariat est très dépendant de l'activité économique du secteur. Dans les secteurs agricoles qui comptent de nombreuses fermes, il est plus facile de négocier la disponibilité du pompier volontaire. C'est souvent plus complexe dans les secteurs par exemple frontaliers, quand les citoyens travaillent dans un autre pays.

Historiquement, le sapeur-pompier volontaire donnait une semaine d'astreinte complète. Cette situation est révolue, car il est obligé de s'adapter à son activité professionnelle. Nous ne rencontrons pas des faiblesses uniquement en journée, mais également parfois pendant les week-ends parce que la nouvelle génération a d'autres contraintes que la contrainte professionnelle et elle souhaite aussi profiter d'un peu plus de temps de disponibilité et ne le rend pas toujours au service.

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Je vous remercie, Messieurs, en vos grades et qualités, pour votre présence parmi nous aujourd'hui. Au nom du groupe Renaissance, je vous remercie pour cette présentation passionnante qui me semble être au cœur des enjeux et des problématiques non seulement actuels, mais surtout futurs.

En effet, la mission première des forces de sécurité civile réside dans le secours aux personnes, la protection des biens et de l'environnement, ainsi que dans la gestion des crises. Elle contribue à notre défense globale, constituant notre défense civile en veillant vingt-quatre heures sur vingt-quatre, sept jours sur sept, à préserver nos concitoyens de tout type de crises pouvant leur nuire ou nuire à notre pays.

Depuis le début du XXIe siècle, la France et ses voisins européens sont confrontés à des menaces diverses, d'un genre nouveau et de plus en plus nombreuses, renforçant le rôle de nos forces de sécurité civile et de défense globale. À titre d'exemple, lors des attentats qui ont frappé la France en 2015, les militaires de la brigade des sapeurs-pompiers de Paris ont été confrontés à une situation inédite au cours de laquelle ils sont intervenus dans des circonstances hors-normes, se retrouvant souvent sous le feu de l'ennemi. Nous les en félicitons.

Dans ce même temps, le dérèglement climatique et ses effets ont des conséquences majeures, entraînant notamment une augmentation des catastrophes qui s'annoncent de plus en plus violentes à l'avenir, sur des périodes plus longues et des territoires plus vastes.

Il semble donc évident que nos forces de défense civile et nos forces de défense militaire sont étroitement liées, répondant toutes au même objectif, à savoir assurer en tout temps, en toutes circonstances et contre toutes les formes d'agressions, la sécurité et l'intégrité du territoire, ainsi que la vie de la population.

En cohérence avec ce lien étroit et face à ces augmentations de catastrophes, il me semble pertinent de s'interroger quant à l'avenir de notre sécurité civile et en particulier quant à ses moyens en lien avec les opportunités de coopération entre les différents acteurs de notre défense. Dans le cadre de la lutte contre les feux de forêt, par exemple, les forces de défense civile et militaire coopèrent depuis 1984 via l'opération Héphaïstos.

Quelles opportunités les équipements de nos armées peuvent-ils représenter dans la lutte contre les feux de forêt ?

À ce sujet, le Président Emmanuel Macron évoquait, le 28 octobre 2022, l'usage possible de l'A400M pour lutter contre les flammes et la nécessité, je cite, « d'aller vite sur les campagnes de test ». Je rentre de Séville où j'ai pu constater les avancées considérables réalisées par Airbus depuis deux ans dans le développement de son kit A400M fire fighting. Quel regard portez-vous sur ces éventuelles coopérations entre moyens de sécurité civile et moyens militaires ?

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Monsieur le Directeur général adjoint, mon général, mon colonel, nous n'avons pas fréquemment l'occasion d'évoquer les questions de sécurité civile au sein de la commission de la défense de l'Assemblée nationale. Nous nous réjouissons donc de votre venue.

Face aux défis urgents du changement climatique, des catastrophes technologiques ou naturelles, des pandémies, de l'escalade des tensions géopolitiques ou du risque terroriste, penser à notre modèle de sécurité civile au sein de cette commission s'avère essentiel. En effet, la frontière entre la défense et la sécurité civile est souvent mince. Quelle que soit la crise qui se profile, sapeurs-pompiers, sapeurs-sauveteurs, marins-pompiers et l'ensemble des professionnels de la sécurité civile restent et resteront en première ligne pour y faire face. Un système de sécurité civile insuffisamment robuste non seulement compromettrait notre autonomie et notre souveraineté, mais mettrait également en péril la sécurité de nos concitoyens ainsi que celle des générations futures. C'est pourquoi je souhaite vous interroger sur plusieurs sujets stratégiques majeurs.

Tout d'abord, pourriez-vous nous dire où en est le processus d'implantation de la quatrième unité d'instruction et d'intervention de sécurité civile qui doit être inaugurée en décembre 2024, à Libourne ?

Par ailleurs, Emmanuel Macron avait annoncé à la suite des importants feux de forêt de 2022, le renouvellement complet de notre flotte de canadairs et son extension, la faisant passer de douze à seize d'ici 2027. Ce renouvellement se fait attendre puisque nous ne disposons pas de solution industrielle européenne et que les délais de production au Canada risquent d'être particulièrement longs. Croyez-vous que l'objectif fixé par le Président de la République est tenable ?

Dans ce contexte, que voyez-vous comme solution alternative ? Étudiez-vous, par exemple, la solution du kit modulaire de l'A400M, actuellement développé par Airbus, visant à convertir temporairement le célèbre avion de transport militaire en un avion bombardier d'eau ? Je précise qu'Airbus ne présente pas ce kit comme ayant vocation à remplacer les canadairs, mais plutôt comme un outil complémentaire permettant notamment d'augmenter notre capacité opérationnelle en cas de périodes critiques.

Enfin, la directive européenne relative à l'aménagement du temps de travail nous menace depuis un certain nombre d'années, mais l'étau se resserre de plus en plus au fil des jurisprudences. Pourriez-vous nous dire en quoi cela serait une menace non seulement pour nos sapeurs-pompiers volontaires, mais aussi peut-être pour nos pompiers militaires, également menacés par cette directive, si elle venait à être appliquée ?

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Messieurs, en vos grades et qualités, permettez-moi d'abord de saluer le travail des sapeurs-pompiers, tant professionnels que bénévoles, qui sont mobilisés quotidiennement sur notre territoire.

Dans le cadre de cette audition, je souhaiterais évoquer les moyens attribués à la brigade des sapeurs-pompiers de Paris, notamment en vue des Jeux olympiques et paralympiques (JOP). Le statut militaire de la BSPP lui confère une disponibilité et une efficacité opérationnelle dans la mission de sécurité civile qui est la sienne. Face à l'événement d'envergure que constitueront les Jeux olympiques et paralympiques et aux risques spécifiques qui leur sont liés, à savoir l'aggravation des risques courants liés à l'afflux massif de population, la cybercriminalité, la menace terroriste, etc., la brigade constitue un point essentiel de la sécurité de ces Jeux et il est impératif que sa mobilisation se déroule dans les meilleures conditions.

Pourtant, les travaux du rapporteur spécial, M. Florian Chauche, sur la mission sécurité civile dans le cadre de l'examen du PLF pour 2024, montrent que l'augmentation des financements de l'État à la brigade semble insuffisante. En effet, la BSPP, après avoir identifié des pistes d'économies, avait évalué son budget 2 024 à plus vingt-trois millions d'euros, ainsi qu'elle l'a exprimé dans un courrier adressé à la direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises, au mois de juillet. Néanmoins, la direction générale a répondu que le budget primitif 2024 pour la brigade s'élèverait seulement de 8,16 millions d'euros, tout en proposant de rattraper cet écart ultérieurement en gestion au budget supplémentaire. Cette solution pose évidemment un problème puisqu'elle reviendrait à affaiblir les effectifs et donc la capacité opérationnelle de la BSPP, en pleine période des JOP. Pour pallier cette situation, la BSPP a accepté de réduire encore son budget, ce qui placerait la contribution de la direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises à 5,05 millions d'euros. Cependant, la brigade souhaite recevoir la totalité du budget en un seul versement, sans le recours au budget supplémentaire.

Une décision a-t-elle été prise sur le financement de la brigade par la direction générale ? Dans l'affirmative, quelle décision ?

Au vu de ces discussions, pensez-vous que la BSPP disposera des effectifs et des investissements suffisants pour assurer pleinement sa mission lors des Jeux olympiques et paralympiques de 2024 ?

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Lieutenant-colonel Jean-Paul Bosland, président de la fédération nationale des sapeurs-pompiers de France

Je répondrai à la question relative à la tactique opérationnelle.

Vous avez évoqué les moyens aériens. La technique française opérationnelle, testée et enviée d'ailleurs au sein de l'Europe, réside dans l'attaque massive des feux de forêt naissants. Il s'agit de positionner des troupes au sol avec un appui aérien de manière à bloquer un feu avant qu'il atteigne cinq hectares. On sait que, dès lors qu'un feu de forêt dépasse cette dimension, il est plus complexe à maîtriser et mobilise beaucoup plus de moyens. La technique consiste donc à associer les troupes au sol des SDIS et les moyens aériens de la direction générale de la sécurité civile.

Ces moyens aériens sont de trois types. D'abord, l'avion amphibie, le fameux Canadair qui présente l'avantage de pouvoir se poser sur l'eau, d'écoper très rapidement et de pouvoir aller larguer. Entre le moment où on remplit la cuve d'un avion et celui où on procède au largage, le vol doit être le plus court possible. À titre d'exemple, si on écope en mer Méditerranée pour larguer à Avignon, ce ne sera pas très efficace.

Le Dash, deuxième type d'avion, nécessite de disposer d'un « pélicandrome », petit aéroport qui permet de poser un avion, et sur lequel des sapeurs-pompiers formés remplissent la cuve de l'avion, le plus souvent avec un retardant. Cet avion est pratique au centre de la France parce qu'il n'a pas besoin d'étendue d'eau.

L'hélicoptère bombardier d'eau constitue le troisième type de moyens aériens que nous utilisons, notamment lorsque le feu présente des dénivelés un peu importants, car il permet une frappe beaucoup plus chirurgicale.

Ces moyens appartiennent à la Sécurité civile. Certains SDIS louent en complément des moyens aériens dans le sud de notre pays.

S'agissant du test réalisé avec l'A400M, les spécialistes du feu de forêt nous ont indiqué qu'il présente un problème de pulvérisation trop important parce que l'A400M largue de trop grosses quantités et que, de fait, la pulvérisation n'est pas très efficace sur l'attaque des feux naissants. Néanmoins, une commande est ciblée vers la société Canadair qui nécessite de reconstruire les chaînes de production puisque la production du Canadair était arrêtée. Cela demandera du temps, et on peut légitimement s'interroger quant à la priorité qui risque d'être donnée aux Canadiens, qui ont subi d'importants feux l'année dernière.

Quoi qu'il en soit, la Fédération réfléchit avec Airbus quant à une éventuelle capacité européenne à construire des avions bombardiers d'eau. La réflexion n'écarte pas l'éventualité d'une coopération militaire avec d'autres moyens.

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Jean-François de Manheulle, directeur général adjoint de la sécurité civile et de la gestion des crises au ministère de l'intérieur et des outre-mer

L'objectif consiste à disposer de vecteurs aériens qui correspondent à nos besoins. Nous sommes en réalité un peu tributaires d'une compagnie qui propose le seul avion amphibie, qui a connu une maturité technique dans le passé, avec une chaîne de production qui fonctionne sur un système en quelque sorte « de la poule à l'œuf ». En effet, pour que la chaîne se mette en route, il faut des commandes et pour que nous commandions, il faut que nous soyons sûrs que les avions correspondent à nos besoins. Mettre en fabrication et en certification un avion, même si cet avion présente une forte antériorité, même s'il reprend l'architecture essentielle des modèles précédents, consiste à construire un nouvel avion. Une telle démarche s'inscrit donc dans une certaine durée.

Pour autant, il faut bien commencer par passer commande et pour répondre à la question relative aux canadairs, nous avons inscrit la commande de deux canadairs au travers d'une coopération avec les États de l'Union européenne et sur un achat direct. Je ne ferai pas mystère des contraintes que rencontre chaque ministère qui nous conduiront à réfléchir quant à ces achats. Je n'ai ni mandat ni d'ailleurs la connaissance précise des arbitrages qui seront réalisés, mais il m'appartient de vous faire part de ces éléments de contraintes. Il n'en demeure pas moins que la France se positionne dans un achat de canadairs, en particulier avec ses partenaires européens.

Je n'ai pas l'ambition d'être un spécialiste de la question relative à l'A400M. Toutefois, l'A400M ne peut pas se substituer à l'avion amphibie parce qu'il n'est pas amphibie. Nous avions mené une expérimentation avec des Hercules C-130, des avions américains un peu plus petits, mais qui restent des avions tactiques et qui ont démontré certaines limites. L'A400M présente également des limites opérationnelles à telle enseigne que nous avons récemment rencontré le directeur général d'Airbus industrie qui nous a confirmé que l'avion avait fait l'objet d'une expérimentation avec des kits et principalement avec des retardants, mais que l'opération présente des problèmes de dispersion d'eau et l'effet de souffle attendu n'est pas avéré dans le cadre opérationnel. Pour autant, le dispositif reste une piste de réflexion.

Enfin, certains industriels proposent des projets dont ils ont présenté les premiers schémas qui semblent attrayants. Néanmoins, ils s'inscrivent également dans des temps relativement longs.

S'agissant de la quatrième unité d'instruction et d'intervention de sécurité civile, elle est bien confirmée. Il existe actuellement trois forces, réparties sur le territoire national. Une quatrième force a été créée et les premiers recrutements ont été lancés au travers des d'effectifs militaires à Libourne. Un comité de pilotage gère les aspects immobiliers et d'aménagement. Selon une expression chère à l'Administration, nous sommes sur une ligne nominale. Nous ne rencontrons aucune difficulté, qu'il s'agisse du recrutement ou de la disponibilité financière et budgétaire pour démarrer ce programme et cette action qui s'inscrit sur plusieurs années. Son existence non seulement juridique, mais surtout formelle devrait être officialisée cet été. Les premières personnes arriveront en décembre dans des prémices de locaux puisque cette unité nécessite des aménagements structurels importants qui s'étaleront sur les deux années à venir. Ce projet est donc sur les rails et surtout, il concrétise la volonté du ministre de l'intérieur de disposer une quatrième force d'intervention sous statut militaire.

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Général Joseph Dupré La Tour, commandant de la brigade de sapeurs-pompiers de Paris (BSPP)

Quelle menace la DETT fait-elle peser sur les sapeurs-pompiers ? Je pense que la DETT ne représente plus une menace, car elle a été évacuée par le Président de la République. Pour autant, certains souhaitent toujours faire appliquer la DETT aux militaires. Il faut savoir que la DETT militaire a été portée par un sous-officier slovène, gardien de refuge. Ceux qui souhaitent tuer la brigade de sapeurs-pompiers de Paris pourront édifier un monument à la gloire de cet homme, s'il nous est imposé d'appliquer la DETT.

La DETT représente en réalité trois menaces. La première menace réside dans l'évolution de l'état d'esprit. Mes pompiers ne comptent pas leurs heures. Quand la mission est là, ils assurent la mission. Quand Notre-Dame de Paris est en feu, je ne relève pas les pompiers au cœur de la mission sous le prétexte qu'ils n'ont pas fait leur temps de repos. C'est ce que j'appelle l'état d'esprit. Dès lors, je refuse de faire appliquer la DETT parce qu'elle modifiera fondamentalement l'état d'esprit des sapeurs-pompiers de Paris.

Le deuxième péril réside dans l'expérience. Les sapeurs-pompiers de Paris font beaucoup d'heures parce qu'ils exercent un métier de compagnonnage, un métier pour lequel il n'est pas possible de provoquer l'expérience ; elle vient à vous. On ne met pas le feu pour avoir de l'expérience. Dès lors, ce métier nécessite de la présence. En effet, les sapeurs-pompiers font beaucoup de gardes, ils sont souvent présents, mais ils accumulent une expérience qui leur sera capitale quand, à trois heures du matin, ils seront appelés sur le feu de la rue Erlanger, dans le XVIe arrondissement, où malheureusement nous déplorerons dix morts, mais où ils parviendront à sauver soixante-quatre personnes. Dès lors, l'expérience, le travail au quotidien et la présence sont essentiels dans ce métier.

Le troisième péril ne concerne pas le général de la brigade, mais le contributeur. En effet, la même qualité de service rendu (QSR) en appliquant la DETT fera exploser les coûts plus 30, 40 ou 50 % ; il faudrait effectuer le calcul, mais c'est impensable. Les pompiers de Paris travaillent trois mille quarante heures par an. Nous n'appliquons donc pas les trente-cinq heures. Bien sûr, ce temps de travail comprend les gardes, les mises à disposition de l'employeur, car ils ne sont pas en permanence en intervention. Ils ont des moments de repos, des moments au cours desquels ils déjeunent, etc. Pour autant, ils sont présents trois mille quarante heures par an. Le même temps de travail en application de la DETT fera exploser les coûts. Ce système n'est pas envisageable.

S'agissant de la question relative aux Jeux olympiques, en effet, le directeur général de la sécurité civile et de la gestion des crises (DGSCGC) et moi-même avons été un peu en conflit lors de la construction du PLF. La situation s'est apaisée dans la mesure où le DGSCGC avait ses contraintes et nous avons convenu qu'il débloquerait un budget supplémentaire parce que la BSPP a la possibilité de bénéficier d'un budget supplémentaire à mi-année, voté au Conseil de Paris. Il s'agit d'un budget de contribution auquel contribuent l'État, les collectivités, les trois départements de la petite couronne et les cent vingt-trois communes. En accord avec le préfet de police de Paris, il a été convenu que ce budget supplémentaire couvrirait donc les montants nécessaires à la bonne réalisation des Jeux olympiques.

Fort de cette assurance de ce budget supplémentaire, je n'ai pas réduit mon recrutement. En effet, les vingt-trois millions d'euros dont nous avions besoin devaient servir à mettre en œuvre les mesures de l'État, liées notamment aux revalorisations salariales. La garantie de ce budget m'a permis de poursuivre mes recrutements ce qui nous permettra de disposer des personnels nécessaires à la bonne réalisation des Jeux olympiques. Néanmoins, bien que je n'applique pas la DETT, je ne suis pas un esclavagiste et je ferai appel à cinq cents sapeurs-pompiers civils pour renforcer les effectifs pour la période des Jeux olympiques.

Nous travaillons donc en collaboration très étroite avec la DGSCGC pour la montée en puissance. Ces renforts de sapeurs-pompiers civils, professionnels et volontaires, arriveront de toute la France.

S'agissant de la question relative à la vulnérabilité contre les cyberattaques, nous sommes extrêmement prudents de sorte à ne pas mettre le système d'information opérationnel en péril. S'il était attaqué, nous ne pourrions plus faire partir les engins, bien que nous soyons habitués à travailler en mode dégradé, avec un téléphone, un crayon et un paperboard. Néanmoins, nous souhaitons nous protéger et nous avons récemment été audités par des entreprises agréées par l'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (Anssi) et par l'Anssi elle-même qui est venue qualifier notre système. Il nous appartient d'opérer encore quelques légères remédiations avant les Jeux. Je suis tout à fait serein. Il est probable que, pendant les Jeux, nous limitions les accès à Internet sur nos ordinateurs de bureau afin d'éviter tous risques.

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Jean-François de Manheulle, directeur général adjoint de la sécurité civile et de la gestion des crises au ministère de l'intérieur et des outre-mer

L'État tiendra évidemment ses engagements. Il s'agit d'un continuum absolu, sans frontière. La soutenabilité est assurée pour la BSPP dans le contexte des Jeux olympiques.

S'agissant de la DETT, je pense qu'il existe un point d'équilibre. Naturellement, nous ne pouvons pas minorer cette directive dont je rappelle malgré tout qu'elle date d'une vingtaine d'années ; il ne s'agit donc pas d'un cadre nouveau. La nouveauté réside dans le fait qu'elle remette en cause le secteur d'activité des sapeurs-pompiers volontaires. Le mécanisme fonctionne via des recours individuels dans lesquels des requérants contestent leur rapport avec leur employeur, estimant nécessaire une requalification en contrat de travail. Je ne cherche pas à minorer le problème, mais à expliquer que la démarche est ponctuelle. Les inspections générales de l'administration et la sécurité civile ont rendu un rapport qui a permis de définir le cadre, mais qui n'apporte pas des solutions fondamentalement extraordinaires parce qu'elles n'existent pas. Ce rapport prend la DETT en considération et affiche une capacité à comprendre qu'il faut veiller à se mettre en conformité avec la DETT. Des travaux sont en cours afin d'identifier des pistes d'adaptation du dispositif. Le cœur réside dans le maintien du volontariat. L'ensemble des SDIS en a bien conscience. Ce sujet crée beaucoup d'inquiétude et génère parfois des débats un peu vifs. Cela démontre son importance et nous en sommes parfaitement conscients. La direction générale souhaite travailler avec l'ensemble des organisations syndicales et la fédération, bien entendu, afin d'identifier des solutions juridiques pour que ce pacte fondamental demeure.

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Messieurs, votre présence conjointe devant nous constitue une preuve du continuum entre sécurité intérieure et sécurité extérieure et donc, du concept de défense globale qui seul est de nature à assurer la sécurité de nos concitoyens.

Nous rencontrons des difficultés dans nos SDIS à recruter des volontaires et à les fidéliser. Par ailleurs, les jeunes sapeurs-pompiers (JSP) sont formidables, mais la transformation de cette jeunesse qui s'engage en véritables pompiers pose des problèmes liés aux études ou encore à la longue formation pour devenir pompier, malgré la formation de JSP. Quelles seraient les voies de simplification pour améliorer le recrutement et la fidélisation des jeunes ?

La Seine-et-Marne disposait à une époque d'un hélicoptère Dragon. Savoir quel jour il était armé par les rouges et quel jour il était armé par les blancs, croyez-moi, n'était pas nécessairement une tâche facile. Ce fonctionnement en silo s'est-il amélioré ou ses difficultés entre les différents acteurs persistent-elles ?

Monsieur le directeur général, on nous avait promis à nouveau un Dragon en Seine-et-Marne. Savez-vous où nous en sommes à ce sujet ?

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Au nom du groupe Démocrate, je vous remercie pour vos propos très éclairants, mais également en mon nom personnel, en tant qu'ancienne présidente du SDIS des Pyrénées-Atlantiques.

Il est vrai que les SDIS contribuent à brosser le tableau de la défense globale que nous étudions dans notre cycle d'auditions, cycle qui est d'ailleurs fort instructif et intéressant pour nous.

L'ensemble des acteurs de la sécurité civile et les sapeurs-pompiers sont fortement mobilisés en cas de crise pour venir en aide aux populations. Qu'ils en soient d'ailleurs ici vivement remerciés par votre intermédiaire. Nous sommes familiers de leurs interventions lors d'incendies ou d'inondations. Cependant, ces acteurs sont également mobilisés lorsque notre sécurité nationale est attaquée, comme ce fut le cas lors des attentats de Paris, en novembre 2015, où les acteurs de la sécurité civile ont été aux premières loges. Un rapport de l'inspection générale de l'administration de mai 2016 affirme que cinq associations de sécurité civile auraient déclaré avoir effectué presque douze mille heures à l'occasion de ces attentats. Ces chiffres nous montrent bien qu'ils représentent un maillon essentiel de la chaîne de secours.

Quel retour d'expérience tirez-vous de ces événements ?

Les modèles d'intervention des sapeurs-pompiers de la sécurité civile ont-ils été modifiés à la suite de ces attentats pour s'adapter à ce type de crise ?

Quelles sont les améliorations qui pourraient encore être y être apportées ?

Je me permets de féliciter M. le Président Bosland parce que c'est la première fois que la présidence de cette fédération nationale est assurée par un sapeur-pompier volontaire. Il me semble que le symbole est très fort et porte un beau message aux volontaires et aux JSP.

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En premier lieu, je vous remercie de m'accueillir au sein de cette commission de la défense nationale et des forces armées.

Depuis plusieurs années, la France est confrontée à une accélération des phénomènes de crise de différentes natures, à savoir technologiques, naturels, etc. Ces crises interrogent quant à notre capacité à y faire face, à trouver des ressources humaines et des techniques pour les anticiper afin de protéger les populations et de préserver l'environnement.

Le groupe Horizons est conscient de ces enjeux et a demandé la création d'une mission d'information relative aux capacités d'anticipation et d'adaptation de notre modèle de protection et de sécurité civile. Cette mission rendra d'ailleurs ses conclusions très prochainement.

Nous avons aussi proposé, dans le cadre de notre niche parlementaire, une loi visant à valoriser la réserve communale de sécurité civile, placée sous l'autorité des maires. Je voudrais saluer nos élus locaux et l'ensemble de nos concitoyens qui s'engagent au sein des réserves, car ils participent à leur niveau à l'esprit de défense de la nation. La proposition de loi de mon collègue, M. Didier Lemaire, a été adoptée à l'unanimité en commission, mais n'a malheureusement pas pu être examinée en séance. Elle permettait de flexibiliser la durée des activités à accomplir pour les réservistes, de réduire le délai de réponse laissé à l'employeur en cas de crise majeure et de valoriser l'engagement des jeunes réservistes.

Dans la continuité de ses travaux, je souhaite vous interroger sur vos rapports avec les réserves communales de sécurité civile. Comment s'articule le travail des sapeurs-pompiers avec les élus locaux lors de crises majeures ? Pensez-vous que les réserves communales sont suffisamment adaptées pour réagir de manière proportionnée face aux urgences ?

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Je souhaite d'abord saluer l'engagement de l'ensemble des personnes que vous représentez sans lesquelles notre sécurité au quotidien ne serait pas celle qu'elle est aujourd'hui. Je salue leur engagement, car nous en avons besoin, et leur courage.

S'agissant de la DETT, j'adhère totalement à vos propos, mais je souhaiterais savoir comment cela se passe dans les autres pays européens. En effet, pour le moment, sauf à produire une directive du temps de travail qui permette de limiter les accidents, les incidents, les incendies, les inondations, etc., aux seuls jours et heures ouvrables, il sera complexe d'appliquer la DETT.

Compte tenu du nombre de citoyens engagés autour de sujets de sécurité civile, soit plus de deux cent cinquante mille en comptabilisant uniquement ceux que vous représentez et près de cinq cent mille en regroupant l'ensemble des acteurs, quelle réflexion vous inspire la création d'un éventuel ministère ou secrétariat d'État dédié à la seule sécurité civile ?

Que pensez-vous du diplôme anglo-saxon de paramédic, qui n'a pas du tout d'équivalent en France ? Pensez-vous qu'il serait pertinent en France ? En Australie, les paramédics, par exemple, fournissent des soins d'urgence dans un environnement extra-hospitalier. Ce fonctionnement s'avère très efficace.

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Lieutenant-colonel Jean-Paul Bosland, président de la fédération nationale des sapeurs-pompiers de France

S'agissant de la question relative au recrutement, nous constatons une légère augmentation du recrutement, notamment dans le volontariat. Le problème de la fidélisation est plus prégnant. L'expérience s'apprend sur le terrain et c'est souvent au moment où nos collègues ont acquis cette expérience qu'ils mettent fin à leur engagement.

La fidélisation nécessite une reconnaissance. Actuellement, nous étudions la piste d'une bonification de trimestres pour ce citoyen engagé. Cette reconnaissance vise à aider le citoyen qui s'engage. Les recrutements concernent principalement deux générations. Les JSP, la génération des dix-huit/vingt ans qui s'engagent et veulent donner de leur temps, vont être rapidement confrontés à l'engagement professionnel, à l'engagement familial, aux études et nous les perdrons au bout de deux, cinq, six ou sept ans. La deuxième vague de recrutements concerne les quadras qui ont passé toutes les étapes de leur vie professionnelle, de leur vie familiale, qui veulent donner du sens à leur engagement et qui viennent s'engager. En général, ces quadras restent jusqu'à la fin de l'engagement.

La commission des sapeurs-pompiers volontaires de la Fédération a édité l'année dernière un Livre blanc du volontariat que nous avons d'ailleurs remis au ministre de l'intérieur et des outre-mer, lors du congrès de Toulouse. Cette publication prône la simplification de mesures internes à nos SDIS dont les curseurs ont été réglés trop haut avec la départementalisation. Nous travaillons à l'échelon des SDIS pour redonner un peu de bon sens et surtout de la souplesse.

S'agissant des gardes héliportées, je viens d'un département où, à l'intérieur de l'hélicoptère de la sécurité civile, peuvent se retrouver un bleu, un blanc et un rouge. Il existe une mixité entre gendarmerie, Samu et sapeurs-pompiers. Cette organisation est possible et fonctionne avec beaucoup d'efficacité quand de bons chefs s'entendent bien à l'échelon local.

Les associations agréées de sécurité civile, c'est-à-dire des associations qui sont inscrites dans un dispositif de la DGSCGC, ont leur place dans notre système d'organisation opérationnelle, sous l'autorité du commandant des opérations de secours. Cela rejoint les dispositifs de réserves communales de sécurité civile qui s'inscrivent dans le cadre des plans communaux de sauvegarde. Ces différents dispositifs sont intéressants pour nous, notamment sur le plan logistique, sur les aspects de la connaissance du terrain, de la proximité. Et puis ce sont des citoyens engagés d'une commune qui connaissent bien leur territoire et qui, parfois, sont plus disponibles que nous et nous déchargent de certaines fonctions très chronophages. À titre d'exemple, quand une fuite de gaz importante nécessite d'évacuer des habitants pendant plusieurs heures, les associations agréées de sécurité civile nous aident sur cet aspect logistique, se chargent des citoyens évacués, etc., tout en restant sous l'autorité du commandant des opérations de secours. D'ailleurs, nous militons pour que le directeur départemental du SDIS évolue vers une fonction de directeur départemental de la sécurité civile au sens large du terme.

S'agissant de la question des paramédics, je viens de la Haute-Savoie, voisine de la Suisse. Le canton de Genève a une organisation qui compte des paramédics, des ambulanciers qui ont suivi une formation de paramédics pendant trois ans. Les ambulances sont armées à deux et cela fonctionne très bien. Toutefois, contrairement à ce qui se passe en France, le secours n'est pas gratuit.

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Général Joseph Dupré La Tour, commandant de la brigade de sapeurs-pompiers de Paris (BSPP)

S'agissant de la question relative au recrutement et à la fidélisation, nous n'avons pas de sapeurs-pompiers volontaires, mais nous disposons de réservistes, ce qui est presque l'équivalent. Nous ne rencontrons pas de véritables problèmes de recrutement des réservistes et nous poursuivons notre trajectoire de montée en charge. En revanche, nous rencontrons des problèmes de fidélisation. En général, nos réservistes tiennent quatre ans.

La population qui nous rejoint est plutôt constituée de jeunes, d'étudiants. Ils disposent de temps libre et ils assurent des gardes. Au bout de quatre ans, parfois, certains quittent la région parisienne et partent en province, d'autres trouvent du travail, se mettent en famille, etc., et ont peut-être un peu moins de liberté.

S'agissant du fonctionnement en silo, je constate que les pompiers de Paris entretiennent des liens très forts avec le Samu de Paris et avec les Samu de la petite couronne. À titre d'exemple, pendant les Jeux olympiques, le centre opérationnel de secours santé sera basé à Champerret. Le préfet de police m'a confié la mission d'héberger l'ensemble du secours santé à Champerret. Des associations agréées de sécurité civile, les Samu, des SDIS de la grande couronne seront aussi représentés et nous les accompagnerons. Nos ambulances de réanimation participent au dispositif des ambulances de réanimation de l'ARS. Nos six ambulances de réanimation couvrent chacune un secteur de Paris ou de la proche couronne, au même titre que des UMH des hôpitaux. Nous ne fonctionnons pas en silo.

S'agissant du retour d'expérience à la suite des attentats, à l'époque, le plan rouge existait déjà. Malheureusement, nous étions rodés parce que Paris avait déjà vécu des vagues d'attentats dans le passé. Nous avons néanmoins progressé grâce à la mise en place de trois groupes d'extraction. Ce sont des pompiers qui arrivent protégés avec des gilets pare-balles des casques balistiques protégés et qui ont l'habitude de faire des exercices fréquents avec les forces d'intervention tels que la brigade de recherche et d'intervention (BRI), le RAID et le groupe d'intervention de la gendarmerie nationale (GIGN). Bref, nous travaillons avec les forces de police pour être encore plus rapides sur les lieux parce que chaque minute compte pour sauver les victimes. Il faut rapidement extraire les victimes, les blessés graves, du danger pour les transporter à l'hôpital.

S'agissant de la question relative aux paramédics, dans de nombreux pays, les pompiers pratiquent les deux métiers, à savoir dans tous les pays d'Afrique, à Singapour, à Tokyo, à New York, etc. De nombreux sapeurs-pompiers de Paris préfèreraient se consacrer aux incendies et laisser le secours à des paramédics. Cependant, j'estime qu'il est important pour eux, pour leur connaissance du secteur, d'effectuer des interventions de secours aux victimes. Lorsqu'ils pratiquent une intervention dans la journée, ils doivent en profiter pour repérer la colonne de gaz, la courette, les escaliers de service, etc. Ainsi, si un feu se déclare à trois heures du matin dans le même type d'immeuble haussmannien, ils auront les bons réflexes.

Dès lors, j'incite les hommes à continuer à pratiquer du secours aux victimes et de l'incendie. Je pense que les deux métiers se complètent merveilleusement bien et je ne suis pas favorable à spécialiser les sapeurs-pompiers.

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Je pensais à l'inverse à l'insertion d'un paramédic au sein de vos unités pour que vous puissiez travailler en binôme.

Je suis médecin et j'ai pratiqué en service d'urgence. J'ai constaté que les pompiers étaient souvent accompagnés d'un médecin, ce qui est très bien, mais qui mobilise un médecin.

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Général Joseph Dupré La Tour, commandant de la brigade de sapeurs-pompiers de Paris (BSPP)

Je n'avais pas compris et vous prie de m'excuser. En fait, vous évoquez des infirmiers protocolisés qui sont un peu l'équivalent des paramédics. Nous disposons d'infirmiers protocolisés, bien que nous soyons en retard sur ce recrutement. Dans certains véhicules, des infirmiers remplacent les médecins parce qu'effectivement, nous manquons de médecins. J'avais compris que vous souhaitiez la création d'unités composées uniquement de paramédics.

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Jean-François de Manheulle, directeur général adjoint de la sécurité civile et de la gestion des crises au ministère de l'intérieur et des outre-mer

S'agissant de l'emploi des hélicoptères, je souscris totalement à la réponse apportée précédemment. Il existe réellement une coopération entre l'ensemble des forces disposant d'un hélicoptère, je pense en particulier aux gendarmes. Chacun a bien sûr son domaine de compétence, mais il n'en demeure pas moins que, dès lors qu'on se situe dans un schéma opérationnel, les forces réciproques viennent en appui.

Pour autant, nous ne vivons pas dans un monde irénique. Chacun ayant ses domaines de compétence, chacun déroule ses protocoles, y compris dans le domaine aéronautique qui reste un domaine à la fois d'excellence et de grand danger. La coopération existe malgré quelques problèmes de fonctionnement ponctuels. Objectivement, plus que jamais, nous collaborons avec nos collègues gendarmes, à telle enseigne que, cet été, ils appuieront la sécurité civile en lui donnant des heures.

J'en viens à la question piège du Dragon dans le 77. Je mentirais en vous disant qu'il n'y a pas de projet pour avoir un dragon dédié. En revanche, il y a une vraie problématique sur la plaque parisienne d'hélicoptères qui aujourd'hui, sont basés sur Paris, ce qui permet des interventions dans le périmètre francilien. Nous vous apporterons une réponse, Monsieur le Député, mais sachez que les besoins opérationnels sont couverts.

S'agissant de la réserve communale, j'ai déjà eu l'honneur d'être auditionné par la représentation nationale et vous connaissez donc la position de la direction générale à ce sujet. Elle est très favorable à cette perspective, mais les évolutions dans le cadre du débat m'échappent, comme vous pouvez l'imaginer, en vertu de la séparation des pouvoirs. Une compétence communale et intercommunale concourrait à une forme d'interpénétration dans la société, dans la vie quotidienne de jeunes qui participeront à cette réserve, tout ce qui permet de créer une boucle vertueuse amenant à ancrer plus encore et à fixer le volontariat.

La durée moyenne du volontariat se situe entre dix et onze ans. C'est un phénomène de société. La société est nettement moins rurale et plus urbaine, avec des usages de vie qui guident de nombreux jeunes à segmenter la vie par séquences de temps et le volontariat représente peut-être un de ces segments. Il convient de mettre ce constat en perspective et je salue le travail mené par le Conseil national des sapeurs-pompiers volontaires avec l'administration ainsi que des élus locaux et nationaux. Je crois qu'il n'existe pas de solution miracle. Il importe de parvenir à démontrer que l'engagement au quotidien de cette résilience impose également le volontariat parce qu'il assure le maillage le plus fin du territoire sur ces politiques publiques.

Le directeur général a récemment rencontré l'ensemble des associations agréées de sécurité civile qui représentent un acteur incontournable et ce sera encore plus le cas lors des Jeux olympiques.

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Ma question s'adresse plus particulièrement à Monsieur le directeur général. Je souhaite en effet vous interroger sur l'organisation et les enjeux de la journée nationale de la résilience, qui se tient chaque année le 13 octobre, sous l'impulsion de votre direction générale, et qui a vocation à améliorer la culture du risque chez nos concitoyens à travers différentes actions portées localement. Ce sont ainsi plus de trois mille projets qui ont été menés l'an dernier par les associations, les collectivités ou encore les établissements scolaires. Je tiens à saluer cette impulsion qui est donnée grâce à cette journée puisqu'elle participe à renforcer la résilience collective chez nos concitoyens et à mobiliser l'ensemble des forces vives dans les territoires.

Quel bilan tirez-vous des deux premières éditions de cette journée nationale ?

Cet appel à projets a-t-il permis d'identifier localement de bonnes pratiques qui pourraient être déployées localement afin de renforcer la résilience dans les territoires ?

Estimez-vous qu'elle constitue un levier utile pour faire prendre conscience des risques auxquels nos concitoyens peuvent être exposés ?

Quelles actions mettez-vous en œuvre pour faire connaître cette journée aux acteurs des territoires et ainsi en augmenter le nombre d'événements labellisés ?

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Jean-François de Manheulle, directeur général adjoint de la sécurité civile et de la gestion des crises au ministère de l'intérieur et des outre-mer

Ces journées sont indispensables. Elles sont à la fois le point de départ et la partie la plus émergée. Elles représentent le phare du projet que nous voulons porter, qui consiste notamment à faire entrer plus profondément la résilience dans le monde de l'Éducation nationale, en collaboration avec nos collègues et partenaires du monde éducatif.

Ces journées concernent également le monde du travail. L'objectif est largement partagé. Il nous revient, avec les ministères porteurs et notamment celui en charge du travail, de mieux définir le cadre réglementaire pour que cette résilience ne soit pas un frein dans le cadre du travail compte tenu de la pluralité des employeurs de ce pays.

Nous travaillons également avec l'Association des maires de France, les départements de France, les régions de France et toute la sphère intercommunale afin de mettre en place une éducation à la résilience de l'ensemble des agents territoriaux.

Nous avançons progressivement dans ce travail de concertation, de partage et puis de présentation devant le législateur quand cela s'avère nécessaire et d'en tirer les conséquences au niveau réglementaire.

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le sous-directeur général de la sécurité civile et de la gestion des crises au Ministère de l'intérieur et des outre-mer

La journée nationale de la résilience se déroule effectivement le 13 octobre. Elle représente un point d'orgue, mais c'est du 1er janvier au 31 décembre que les actions doivent être mises en place par l'ensemble des porteurs de projets, à savoir associations, administrations de l'État, collectivités locales ou des partenaires privés tels que les entreprises. Nous recherchons l'ensemble de ces acteurs à travers des référents qui seront dans les préfectures ou dans les directions des territoires afin de densifier le nombre d'actions qui peuvent être mises en place.

En 2023, trois mille actions ont été labellisées, mais en réalité, le nombre d'actions mises en œuvre est beaucoup plus important, parce que nous avons engagé un travail de valorisation de l'existant, à savoir les exercices que mettent en place des différents porteurs de projets et notamment les maires via les plans communal et intercommunal de sauvegarde qu'ils sont tenus de construire. Ils offrent l'occasion de mettre en place des exercices faisant jouer un certain nombre d'acteurs, des actions de sensibilisation des populations, autant d'actions qui doivent être labellisées dans le cadre de cette journée nationale de la résilience.

Nous devons poursuivre nos efforts en ce qui concerne la mobilisation des employeurs, privés comme publics, pour qu'ils informent leurs agents ou leurs salariés des risques qui les entourent, dans le cadre de leur activité professionnelle. Un amendement avait été déposé dans le cadre de la loi du 10 juillet 2023, mais il n'a pas été poursuivi. Cependant, cela constitue un axe important puisqu'il vise à intégrer dans le Code du travail cette capacité à former et surtout à sensibiliser les salariés publics et privés.

Actuellement, la majorité des actions menées dans le cadre de l'édition de 2023 est orientée vers le risque naturel. Il convient également de développer des actions en direction des risques technologiques, industriels et nucléaires. Les territoires qui ont mis en place des actions de sensibilisation sont déjà exposés aux risques, notamment les territoires ultramarins. Il importe désormais de travailler avec les territoires qui sont moins enclins à développer ces actions.

Il importe enfin d'orienter nos efforts, dans le cadre de la JNR, vers le volet menaces. L'édition 2025 nous guidera dans cette direction.

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Depuis plusieurs années, nous avons constaté une multiplication et une augmentation du nombre des agressions contre les sapeurs-pompiers L'Observatoire des violences contre les pompiers a dénombré mille soixante-douze agressions au cours de l'année 2023. Au-delà des dégradations matérielles et des insultes, une forte proportion de ces agressions sont des attaques physiques parfois très violentes. Si la loi Matras a durci les sanctions contre ce genre d'agressions, elles se poursuivent néanmoins, entravant la mission déjà difficile de nos sapeurs-pompiers. Ce constat nous semble inquiétant et nécessite une prise de conscience importante de nos gouvernants pour lutter contre ce fléau.

Pouvez-vous nous détailler les mesures en cours d'élaboration par nos organisations ?

Qu'attendez-vous du Gouvernement pour lutter efficacement contre ces agressions, beaucoup trop fréquentes ?

Je profite d'ailleurs de cette intervention pour vous adresser, au nom du groupe Rassemblement national, un soutien total à l'ensemble des sapeurs-pompiers et une pensée évidemment particulière pour ceux qui sont victimes des agressions.

Enfin, Messieurs, je vous remercie pour votre franchise au sujet de la directive européenne qui inquiète actuellement les sapeurs-pompiers volontaires.

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Jean-François de Manheulle, directeur général adjoint de la sécurité civile et de la gestion des crises au ministère de l'intérieur et des outre-mer

Il est inacceptable que des femmes et des hommes soient agressés alors qu'ils interviennent pour secourir des victimes ou pour concourir à la sécurité des biens.

L'Observatoire des violences contre les sapeurs-pompiers a récemment publié son rapport annuel. Son bilan est en effet celui que vous indiquez, mais il note tout de même une légère diminution de ces agressions. Si nous ne pouvons pas nier l'existence de ces violences, les protocoles écrits et mis en œuvre avec les forces de police et de gendarmerie semblent porter leurs fruits. Les effectifs sont également désormais plus prudents et ils ont conscience qu'il est dangereux de se rendre dans certains lieux.

Cette tendance baissière est également due au fait qu'un grand nombre de sapeurs-pompiers répugnent à porter plainte. C'est pourquoi mes propos doivent être entendus avec circonspection. Le risque est réel et inacceptable. C'est la moindre des choses que de le dire et de le répéter.

Il importe néanmoins de sensibiliser les sapeurs-pompiers dans toutes leurs composantes à porter plainte. Il appartient également à leur hiérarchie de créer les conditions d'accompagnement psychologique, etc., et de comprendre que porter plainte constitue une façon de donner une suite judiciaire à ces agressions.

Quoi qu'il en soit, ce sujet est majeur pour la direction générale. Il nous appartient de nous mobiliser encore davantage et d'amplifier cet accompagnement.

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Général Joseph Dupré La Tour, commandant de la brigade de sapeurs-pompiers de Paris (BSPP)

En effet, les agressions ont singulièrement diminué. En 2022, la brigade déplorait deux agressions par jour ; actuellement, nous en recensons une tous les deux jours. Néanmoins, chacun se rappelle ici la mort tragique du caporal Henri, tué d'un coup de couteau en septembre 2018, par un schizophrène en rupture de traitement.

Les agresseurs sont principalement des victimes ou des proches des victimes. 95 % des agresseurs sont des hommes.

Nous avons réagi d'abord en protégeant nos équipages. Dès 2018, nous les avons équipés de gilets pare-lames, plus légers d'emploi que des gilets pare-balles, mais qui n'en sont pas moins lourds et pesants.

Nous les avons également équipés de caméras piétons qui, généralement, calment les agresseurs, mais parfois les énervent au point qu'ils redoublent de virulence.

Dans le cadre de nos formations, nous avons mis au point des attitudes à tenir pour éviter la montée en pression et pour essayer de calmer les requérants.

À la BSPP, le dépôt de plainte est absolument systématique et le traitement de ces plaintes est accéléré par le procureur. J'ai signé des conventions avec les trois procureurs de banlieue et le procureur de Paris de sorte à accélérer ces procédures. Enfin, nous diffusons de la publicité des condamnations. J'ignore dans quelle mesure la publicité atteint les citoyens, mais nos pompiers y sont sensibles et c'est ce qui importe.

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J'aimerais avoir une pensée toute particulière pour les sapeurs-pompiers de ma circonscription et de toutes celles de notre territoire. On ne les remerciera jamais assez pour leur engagement auprès de la population, et cela parfois, malheureusement, au péril de leur vie.

Le corps des sapeurs-pompiers du Nord est régulièrement amené à intervenir hors de la région. Je peux citer en exemple l'intervention lors des attentats du 13 novembre 2015, mais encore lors des feux de forêt dans les Bouches-du-Rhône, en 2016 et 2017. J'ai d'ailleurs eu l'honneur de remettre une médaille à l'adjudant-chef Jonathan Dujardin pour sa bravoure et son dévouement lors de ses interventions.

Force est de constater que les sapeurs-pompiers de France n'hésitent pas à intervenir régulièrement sur tout le territoire pour prêter main-forte à leurs confrères si nécessaire.

C'est pourquoi je me permets de vous demander s'il est envisagé ou envisageable de réquisitionner une partie des sapeurs-pompiers du Nord, voire des autres régions, afin de consolider les équipes déjà présentes lors des Jeux olympiques de Paris. Si tel est le cas, comment s'assurer que les casernes en région ne soient pas en sous-effectif lors de la période estivale au cours de laquelle le besoin de vos équipes est le plus prégnant, notamment pour maîtriser les feux de forêt de plus en plus fréquents en raison de la sécheresse ?

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Jean-François de Manheulle, directeur général adjoint de la sécurité civile et de la gestion des crises au ministère de l'intérieur et des outre-mer

Nous ferons effectivement appel à des équipes régionales. Cependant, stricto sensu et juridiquement, il ne s'agit pas de réquisitions, mais de colonnes de renfort qui seront positionnées sur les sites olympiques, avec évidemment une concentration sur l'aire francilienne en raison de la densité.

Ces colonnes de renfort seront constituées de pompiers professionnels et volontaires qui évolueront dans un cadre normé, avec une prise en charge des transports, de la restauration et de l'hébergement. Il n'est donc pas nécessaire de réquisitionner.

Je n'ai pas à l'esprit précisément le volume des colonnes de renfort s'agissant de votre département en particulier. Je pourrai vous le communiquer ultérieurement, si vous le souhaitez.

Ce cadre que nous avons construit symbolise notre engagement sur les Jeux olympiques, dans la mutualisation et l'entraide. Cependant, nous retrouvons cet esprit sur les feux de forêt ou tout autre événement dramatique. Les Jeux olympiques ne représentent pas un événement dramatique, mais nous avons néanmoins besoin de ces renforts dans le schéma général qui est posé.

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Général Joseph Dupré La Tour, commandant de la brigade de sapeurs-pompiers de Paris (BSPP)

Pour ma part, j'ai requis le renfort de cinq cents sapeurs-pompiers. J'ignore d'où ils viennent, mais je pense qu'ils viennent très majoritairement de province. Je crois que les SDIS de la grande couronne en ont demandé chacun cent à cent cinquante. Globalement, nous mobiliserons environ huit cents sapeurs-pompiers sur les deux cent cinquante mille sapeurs-pompiers professionnels militaires et volontaires de France. Je doute que l'appel à ces renforts mette en péril la couverture opérationnelle estivale en France.

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Je vous remercie pour vos interventions claires et utiles, car elles abordent des sujets qui nous concernent tous.

De quelle manière concrète pourriez-vous envisager, si cela s'avérait nécessaire, une complémentarité accrue de nos services de sécurité civile et de défense nationale dans le but de renforcer notre résilience face aux risques majeurs que connaît notre pays ?

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Jean-François de Manheulle, directeur général adjoint de la sécurité civile et de la gestion des crises au ministère de l'intérieur et des outre-mer

La question est très importante, mais elle est très large. Actuellement, dans nos territoires, nous travaillons avec les forces armées grâce aux délégués militaires départementaux. N'oublions pas que non seulement les sapeurs-pompiers de la brigade de Paris, mais également les marins-pompiers de Marseille constituent des forces militaires avec lesquelles les services de secours des Bouches-du-Rhône et de l'ensemble de la couronne parisienne travaillent. Pour autant, je ne dis pas qu'il faut créer des forces de pompiers spécialisées qui relèvent du statut militaire, mais qu'il existe une grande pratique et une capacité dans les territoires à travailler avec les forces armées.

Je n'ai pas mandat pour poser la réflexion à ce sujet, mais je retiens cette question importante qui sera probablement posée lors du Beauvau de la sécurité.

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Général Joseph Dupré La Tour, commandant de la brigade de sapeurs-pompiers de Paris (BSPP)

L'unité militaire qu'est la Brigade de sapeurs-pompiers de Paris entretient un lien étroit avec les équipes du Gouverneur militaire de Paris (GMP), que ce soit par exemple pour préparer les Jeux olympiques et pour l'opération « Sentinelle », dans le cadre de laquelle nous faisons des exercices au quotidien. Les équipes nous connaissent, nous les connaissons, nous avons la même culture, et nous ne rencontrons aucun problème d'interopérabilité.

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Lieutenant-colonel Jean-Paul Bosland, président de la fédération nationale des sapeurs-pompiers de France

Nous avons déjà de l'expérience dans ce domaine, notamment dans la réponse apportée par l'organisation de la sécurité civile sur des événements d'ampleur. Bien sûr, nous avons besoin de moyens militaires et ils peuvent tout à fait coexister avec des moyens de la sécurité civile.

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Je souhaite préciser que l'arrêt « Matzak » de la Cour de justice européenne préserve l'intégrité physique des sapeurs-pompiers volontaires. En effet, le sapeur-pompier volontaire qui prend une garde de nuit dans une caserne et qui passe la nuit en intervention n'est probablement pas en bonne condition physique pour aller travailler le lendemain. Cette préservation physique du pompier est importante pour le préserver dans le temps.

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Nous avons terminé et je vous renouvelle tous mes remerciements. Vos propos nous ont éclairés et nous ont été d'une grande utilité.

La séance est levée à treize heures cinq.

Membres présents ou excusés

Présents. - M. Xavier Batut, M. Mounir Belhamiti, M. Pierrick Berteloot, M. Christophe Bex, M. Frédéric Boccaletti, Mme Caroline Colombier, M. Jean-Pierre Cubertafon, M. Olivier Dussopt, M. Jean-Marie Fiévet, Mme Anne Genetet, M. Frank Giletti, M. Christian Girard, M. José Gonzalez, M. Pierre Henriet, M. Hubert Julien-Laferrière, M. Loïc Kervran, M. Bastien Lachaud, Mme Gisèle Lelouis, Mme Patricia Lemoine, Mme Pascale Martin, M. Pierre Morel-À-L'Huissier, Mme Josy Poueyto, Mme Natalia Pouzyreff, M. Julien Rancoule, Mme Marie-Pierre Rixain, Mme Nathalie Serre, M. Bruno Studer, M. Jean-Louis Thiériot

Excusés. - M. Jean-Félix Acquaviva, M. Julien Bayou, M. Christophe Blanchet, M. Benoît Bordat, Mme Yaël Braun-Pivet, M. Vincent Bru, M. Steve Chailloux, Mme Martine Etienne, M. Thomas Gassilloud, Mme Claire Guichard, M. Benjamin Haddad, M. Laurent Jacobelli, Mme Murielle Lepvraud, Mme Jacqueline Maquet, M. Olivier Marleix, Mme Alexandra Martin (Alpes-Maritimes), M. Frédéric Mathieu, Mme Lysiane Métayer, Mme Valérie Rabault, M. Fabien Roussel, M. Aurélien Saintoul, M. Mikaele Seo, M. Michaël Taverne

Assistait également à la réunion. - M. Jean-Philippe Ardouin