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Intervention de Lieutenant-colonel Jean-Paul Bosland

Réunion du mercredi 27 mars 2024 à 11h00
Commission de la défense nationale et des forces armées

Lieutenant-colonel Jean-Paul Bosland, président de la fédération nationale des sapeurs-pompiers de France :

Je vous remercie de m'avoir invité au sein de votre commission pour parler au nom de la fédération des sapeurs-pompiers de France.

Cette fédération a été créée en 1882 sur la volonté d'officiers qui se sont réunis dans l'Aisne et elle regroupe aujourd'hui deux cent quatre-vingt-cinq mille adhérents, répartis sur l'ensemble du territoire, auprès des six mille deux cents amicales existant au sein des centres de secours.

La fédération a créé en 1926 l'œuvre des pupilles qui prend en charge les orphelins laissés par des collègues décédés. En 1993, elle a également créé sa propre mutuelle de sorte à accompagner les sapeurs-pompiers.

Je compléterai les deux interventions précédentes en axant mon propos sur l'organisation territoriale de nos SDIS. L'histoire des sapeurs-pompiers de France s'est construite au début du XVIIIe siècle et elle est progressivement devenue plus opérationnelle. Elle a démarré sur un engagement de citoyens à servir les communes et progressivement, les sapeurs-pompiers bénévoles citoyens engagés sont devenus des sapeurs-pompiers volontaires dans les unités urbaines, avec une activité opérationnelle importante, puis complétés par des sapeurs-pompiers professionnels, fonctionnaires territoriaux. Selon un récent rapport de l'inspection générale de l'administration (IGA), 54 % de ces derniers sont également sapeurs-pompiers volontaires sur leur commune de résidence, ce qui nous permet de disposer d'une colonne vertébrale d'accompagnement.

Notre organisation est un peu atypique. Le général a évoqué le lien avec la préfecture de Paris. Ce système hybride existe dans nos départements, dans un fonctionnement associant à la fois de l'État, via les préfets, pour la gestion opérationnelle et les élus territoriaux avec les conseils départementaux et bien sûr une participation des collectivités locales représentées par les maires pour la gestion administrative et financière.

Nous comptons quarante-trois mille sapeurs-pompiers professionnels, cent quatre-vingt-dix-huit mille sapeurs-pompiers volontaires et onze mille personnels administratifs et techniques qui font fonctionner l'ensemble de cette organisation. Nous travaillons en étroite collaboration avec nos collègues militaires, non seulement la brigade des sapeurs-pompiers de Paris, mais également le bataillon des marins-pompiers de Marseille et les formations militaires de sécurité civile qui ont été créées dans les années 60 pour assurer des renforts lors d'événements importants.

L'engagement citoyen qui construit ce modèle de sécurité civile à la française compte six mille deux cents centres de secours, ce qui nous permet d'apporter une réponse de proximité, d'assurer une réponse opérationnelle vingt-quatre heures sur vingt-quatre chaque jour de l'année. En effet, les citoyens s'engagent en plus de leur activité professionnelle, en plus de leur activité familiale. Il s'agit d'une véritable armée citoyenne ; en tout cas, d'une armée de réserve. Certains de nos collègues, quand ils ne sont pas militaires à la brigade ou au bataillon, sont souvent pompiers volontaires dans nos communes. Cela constitue un pilier de la solidarité nationale.

Les sapeurs-pompiers ont une capacité d'adaptation grâce à leur force humaine qui peut répondre en toutes circonstances. Ce fut le cas notamment lors de la pandémie de covid-19 puisque nous avons armé des centres de vaccination sur l'ensemble du territoire. Nous avons pu former rapidement nos sapeurs-pompiers à être des injecteurs de cette vaccination, grâce aux services de santé et de secours médicaux de nos services d'incendie et de secours, à leurs médecins, pharmaciens et infirmiers, ces cadres de santé qui nous permettent de former nos sapeurs-pompiers au-delà de leur activité et de nous adapter.

Cette adaptation est aujourd'hui permanente en raison du dérèglement climatique qui nous impacte beaucoup. Depuis deux ans, nous constatons une augmentation des feux de forêts et d'espaces naturels. Historiquement plutôt réservé au sud de la France, le feu migre progressivement en direction du nord, comme en 2022 dans la couronne parisienne, en Bretagne, dans le Jura, ce qui était inimaginable il y a une vingtaine d'années. C'est pourtant la réalité d'aujourd'hui qui nous impose de nous adapter.

Le dérèglement climatique ne se limite pas aux feux de forêt. Il génère de nombreux événements climatiques : des orages, des tempêtes dans les départements d'outre-mer, qui nécessitent de s'adapter sur des temps longs. En effet, un événement climatique peut nécessiter quatre mille interventions en quelques minutes, ce qui impose de disposer d'une réserve citoyenne de sorte à tenir dans le temps.

80 % de l'activité sont liés au secours aux personnes. Volontairement, je n'évoque pas le secours d'urgence aux personnes puisque le « U » du secours d'urgence est un peu en détresse vitale. Désormais, nous pallions clairement non seulement la carence de médecins dans l'ensemble des territoires, mais également le choix de certaines structures hospitalières de fermer leur service des urgences ou de fermer les lignes de structures mobiles d'urgence et de réanimation (Smur). Dès lors, ce sont souvent les sapeurs-pompiers qui arment les lignes de Smur avec leurs médecins et leurs infirmiers. Cela représente un allongement du temps de transport puisque les fermetures de centres hospitaliers ou de services des urgences des centres hospitaliers de proximité imposent des déplacements plus longs à nos ambulances.

Le volontariat sous-entend que nous devons négocier la disponibilité du sapeur-pompier, de ce citoyen qui s'engage, avec son employeur. La négociation se déroule bien lorsqu'il s'agit d'une mission d'urgence, elle est plus complexe lorsque la mission consiste à transporter une entorse sur un trajet qui peut durer trois, quatre, voire parfois cinq heures dans certains secteurs. Nous sommes confrontés à un effet ciseau qui impacte directement l'ensemble des sapeurs-pompiers, professionnels ou volontaires, et on n'a parfois pas toujours dit la vérité au moment du recrutement, puisqu'aujourd'hui, la réalité des sapeurs-pompiers ne consiste pas uniquement à lutter contre le feu ou à assurer des missions d'urgence, mais également à pallier toutes les carences que j'ai évoquées. Cela impacte directement le sens de l'engagement de nos sapeurs-pompiers.

Actuellement, au-delà de la pression opérationnelle, nous subissons une pression juridique. En effet, la directive européenne de 2003 sur le temps de travail (DETT) impacte non seulement les sapeurs-pompiers, mais également d'autres corporations telles que la gendarmerie. Cette directive européenne concerne toute personne placée sous l'autorité d'une autre, soumise à une astreinte et indemnisée pour ce faire. Nous travaillons avec l'ensemble des fédérations et associations européennes de sapeurs-pompiers à écarter la menace de cette directive européenne. Nous avons eu un premier échange dans un binôme franco-allemand à Berlin. Nous souhaitons orienter Bruxelles vers la rédaction d'une directive européenne du citoyen engagé de protection civile de manière à protéger cette activité de toute assimilation à un travail. Toutefois, en France, malgré plusieurs recours contentieux, deux textes de loi protègent encore le sapeur-pompier volontaire, stipulant que le sapeur-pompier volontaire n'est pas reconnu comme travailleur.

S'agissant des défis, il me semble que l'histoire des sapeurs-pompiers atteint la fin d'un chapitre. Il est temps d'écrire un nouveau chapitre au regard de l'évolution sociétale. Être sapeur-pompier représente un engagement citoyen. Le citoyen d'aujourd'hui est un consommateur au sens large du terme, y compris des engagements. Dans le passé, les sapeurs-pompiers volontaires assuraient leur engagement jusqu'à la fin ; désormais, péniblement, l'engagement dure environ onze ans. Cette diminution de l'engagement constitue un sujet prégnant, tant au sein des sapeurs-pompiers volontaires que des sapeurs-pompiers professionnels qui quittent le métier en raison d'une perte de sens. Il importe que nous tenions compte de cette alerte. Il nous appartient d'assouplir et de fluidifier. Au 1er janvier 2001, la départementalisation a transféré la gestion communale à l'échelon départemental. Il importe désormais d'adapter la formation et l'engagement du sapeur-pompier aux activités qui seront les siennes. Nous aurons probablement des pompiers de zones urbaines et, à l'avenir, des pompiers de zones rurales parce que ce n'est pas la même mission opérationnelle. Nous avons besoin d'ouvrir ce recrutement.

Depuis 1950, nous disposons de sections de jeunes sapeurs-pompiers qui nous rejoignent à l'âge de douze ans qui peuvent rester jusqu'à dix-huit ans. Ensuite, ils intègrent les compagnies de sapeurs-pompiers à la hauteur de 70 %, comme pompiers volontaires, professionnels ou militaires. Ces jeunes reçoivent une formation incendie, secourisme et ils évoluent dans un cadre bien nécessaire aujourd'hui.

Le ministre de l'intérieur et des outre-mer a annoncé l'ouverture de ce « Beauvau de la sécurité civile », qui devrait être lancé le 23 avril 2024. Cette initiative nous fournira une véritable occasion de retravailler notre copie et, surtout, de redéfinir le champ de la mission opérationnelle.

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