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Intervention de Général Joseph Dupré La Tour

Réunion du mercredi 27 mars 2024 à 11h00
Commission de la défense nationale et des forces armées

Général Joseph Dupré La Tour, commandant de la brigade de sapeurs-pompiers de Paris (BSPP) :

Je vous remercie d'avoir invité la BSPP au sein de la commission de la défense et des forces armées de l'Assemblée nationale. Mon chef d'État-Major, le colonel Guillaume Trohel, qui m'accompagne, et moi-même en sommes très honorés.

Je scinderai ma présentation de la brigade et de ses atouts vis-à-vis de la Défense globale en trois parties.

La première partie concernera les six caractéristiques principales de la brigade, qui est une unité singulière que j'ai l'honneur de servir depuis un peu plus d'un an et demi. D'abord, la brigade est une unité bicentenaire. Elle a été fondée en 1811 par l'empereur Napoléon qui a mis – c'est une formule assez audacieuse et originale - une unité militaire de l'armée de terre sous l'autorité d'emploi du préfet de police de Paris. Depuis 1811, la brigade a poursuivi sa mission sans interruption, malgré les guerres et les crises, et notre cher et vieux pays en a connu de nombreuses depuis cette époque.

La deuxième caractéristique de la brigade réside dans son statut militaire, décidé par Napoléon après le dramatique incendie de l'ambassade d'Autriche. Je vous rappelle le contexte de cet incendie. Napoléon se rend à l'ambassade d'Autriche pour festoyer, dans le cadre de son futur mariage avec Marie-Louise d'Autriche. Un incendie se déclare et fait des dizaines de morts, notamment dans la future belle-famille de l'empereur. Napoléon, fort courroucé, diligente une enquête qui se traduit par quatre reconnaissances d'absences du corps des garde-pompes de l'époque : absence de préparation opérationnelle, absence de discipline, absence de motivation et absence d'encadrement de qualité. Napoléon décide de militariser et crée le bataillon de sapeurs-pompiers de Paris. Depuis deux cents ans, les différents chefs qui se sont succédé à la tête de cette belle unité essaient de faire en sorte que les quatre absences soient corrigées et qu'elle mérite la confiance de nos concitoyens.

La troisième caractéristique la BSPP consiste à être une unité interdépartementale couvrant Paris et les trois départements de la petite couronne. Avec ses huit mille sept cents militaires et ses quatre-vingts centres de secours, elle assure entre quatre cent quatre-vingt-quinze mille et quatre cent quatre-vingt-dix-huit mille interventions, ce qui correspond environ à une intervention par minute, soit 10 % des interventions de France. Cette caractéristique nous différencie des autres services départementaux d'incendie et de secours (SDIS).

La quatrième caractéristique la BSPP réside dans sa totale intégration à la préfecture de police de Paris. Nous nous réunissons très régulièrement avec le préfet de police et avec ses équipes que sont la direction de la sécurité de proximité de l'agglomération parisienne (DSPAP), la direction de l'ordre public et de la circulation (DOPC), la direction du renseignement de la préfecture de Police (DRPP), la direction de la police judiciaire (DPJ) de la préfecture de police, et nous entretenons des liens très étroits avec tous les grands opérateurs sur la plaque parisienne tels que la RATP, la SNCF, Enedis, etc., ce qui nous permet de travailler, dans le continuum sécurité civile et sécurité défense, avec les opérateurs de services publics, parce que tous participent à la résilience de la nation. Au-delà de cette intégration, nous disposons d'un centre d'appels commun avec la DSPAP. Chaque appel au 17 ou au 18 ou au 112 arrive au même endroit, Porte de Champerret, dans des locaux partagés avec la police nationale.

La cinquième caractéristique de la brigade consiste à disposer d'un service de santé très important constitué de soixante-quinze médecins urgentistes et autant d'infirmiers qui arment les ambulances de réanimation équivalentes à des unités mobiles hospitalières (UMH) des Samu. Nous participons donc à la couverture opérationnelle de l'agence régionale de santé (ARS). Ces médecins sont très précieux non seulement dans le cadre de nos interventions de secours, mais également dans le cadre de grands événements.

Enfin, la sixième et dernière caractéristique réside dans le fait que la BSPP est habituée aux grands événements. Elle détient cette expérience depuis deux cents ans, mais elle couvre de plus en plus de grands événements et elle a notamment en ligne de mire les Jeux olympiques.

Depuis longtemps, nous cultivons une innovation doctrinale. Nous avons conçu le plan rouge, nous avons conçu le célèbre casque de pompier que nous voyons maintenant partout. Il a été inventé par le bureau d'études de la brigade de sapeurs-pompiers de Paris. Actuellement, nos travaux portent sur l'innovation diphasique, une lance qui utiliserait moins d'eau et plus d'air, mais qui présenterait bien entendu des performances identiques à celles des lances habituelles pour éteindre les incendies. Nous travaillons également sur la robotique, les drones et l'intelligence artificielle.

La deuxième partie de mon exposé concerne le champ de compétences réglementaires de la BSPP. La brigade répond bien sûr au Code général des collectivités territoriales, mais étant militaire, elle est inscrite dans le Code de la défense. Ses missions traditionnelles sont axées sur la prévention des risques de sécurité civile, la protection des personnes, des biens, de l'environnement, tout ce qui concerne le secours classique, etc., et elle se prépare aux scenarii de haute intensité.

La BSPP déploie également des forces à l'étranger dans le cadre des missions qui lui sont confiées par l'état-major des armées (EMA). Actuellement, des forces sont déployées au Liban et au Gabon, dans le cadre des missions au profit des armées françaises.

Nous disposons d'une réserve opérationnelle dont les célèbres RO1 et RO2, cette dernière pouvant être appelée dans le cadre des exercices Vortex.

Je terminerai cette présentation en mentionnant cinq atouts de la BSPP, dans le cadre des missions de défense globale. Le premier atout réside dans son statut militaire qui garantit aux autorités, quelles que soient les circonstances, disponibilité, neutralité, jeunesse et bonne préparation physique. Les pouvoirs publics peuvent ainsi disposer d'une réserve constituée de huit mille quatre cents pompiers d'active et environ neuf cents réservistes entraînés et fiables.

Le statut militaire emporte des spécificités de formation initiale. À titre d'exemple, nos jeunes suivent une semaine de stage d'aguerrissement, de cohésion dans un camp de la gendarmerie nationale dans les Yvelines et ils font du service en campagne, du tir au Famas, etc. Bref, ils apprennent à vivre en commun et à s'aguerrir. C'est très précieux. Cette même cohésion est au cœur de la formation que les sous-officiers suivent à l'École nationale des sous-officiers d'active (Ensoa) de l'armée de terre pendant cinq semaines de sorte à acquérir le certificat militaire de premier degré (CM1). Au cours de cette formation, ils pratiqueront également du tir, du service en campagne, etc. Nos sous-officiers – qui, du reste, sont tous d'anciens militaires du rang - suivent ainsi une véritable formation militaire de base comme pour les militaires du rang.

Les officiers font de nombreux allers-retours entre l'armée de terre et la brigade de sapeurs-pompiers de Paris.

Cet esprit militaire est cultivé. Ainsi, lorsque nos jeunes recrues viennent découvrir notre état-major à Champerret, elles découvrent le monument aux morts des sapeurs-pompiers de Paris. Ce monument aux morts regroupe deux cent soixante-quinze noms de morts pour la France et la moitié de morts au feu. Cela signifie que la BSPP compte un plus grand nombre de morts pour la France que de morts au feu parmi les engagés pompiers de Paris. Ces engagés ont décidé, en 1914, que le devoir les appelait pour combattre sur le front. Ils ont demandé l'autorisation au colonel qui commandait à l'époque le régiment et le colonel les a autorisés à partir au front. Il est important de le rappeler à nos militaires qui s'engagent, de leur dire qu'ils sont des militaires, des militaires un peu particuliers qui agissent en périphérie du rôle habituel des militaires, mais qu'ils sont des militaires à 100 %.

J'ai mentionné précédemment la projection de sapeurs-pompiers à l'étranger, actuellement au Liban, au Gabon et au sein des missions Aigle et Lynx. J'ai par ailleurs indiqué au chef d'état-major de l'armée de Terre (CEMAT) que s'il fallait renforcer le dispositif en Roumanie, par exemple, nous étions en mesure de fournir des hommes le cas échéant. Nous avons envoyé régulièrement des formateurs en Afrique subsaharienne et nous continuons d'envoyer des formateurs y compris dans les pays en crise.

Notre réserve opérationnelle est composée de neuf cents hommes en RO1. Chaque année environ mille sapeurs-pompiers de Paris nous quittent pour mille qui rentrent. Dès lors, sur cinq ans, nous pouvons compter sur un vivier d'environ cinq mille hommes en RO2. En 2022, nous avons organisé un exercice « pseudo Vortex » de la RO2 au cours duquel, sans nous assurer de l'aptitude opérationnelle réserve, nous avons vérifié que nos « jeunes anciens » étaient disponibles et que les adresses e-mail étaient à jour. Nous avons été moyennement satisfaits, car nous avions envoyé trois mille invitations et nous avons reçu mille messages de disponibilité. Deux mille hommes n'étaient pas disponibles pour nous rejoindre. Il serait souhaitable de réitérer régulièrement ce genre d'exercice de façon à instaurer une forme de routine.

Le deuxième atout de la brigade réside dans le fait qu'elle constitue une unité tournée vers les forces vives de la nation, vers la jeunesse. La moyenne d'âge des sapeurs-pompiers de Paris et de ses réservistes est de trente ans. Nous formons chaque année mille jeunes qui nous rejoignent et, parallèlement, nous avons mis en place un dispositif jeunesse c'est-à-dire que nous accueillons trois cents volontaires du service civique (VSC) qui effectuent des missions de sapeurs-pompiers au sein de nos véhicules de secours et d'assistance aux victimes (VSAV). Chaque année, nous accueillons deux cent cinquante élèves de bac professionnel dans les métiers la sécurité avec lesquels nous avons signé un partenariat. Nous comptons de nombreux alternants. Des stagiaires des classes de troisième et seconde nous rejoignent régulièrement. Deux cent cinquante jeunes sapeurs-pompiers de Paris (JSPP) effectuent trente samedis par an de formation à l'esprit civique, au développement de l'esprit de défense et au métier de pompier. Nous travaillons également avec la mairie de Paris sur les sujets de résilience.

Le troisième atout de la brigade réside dans sa forte capacité de mobilisation et de montée en puissance. Deux mille sept cents sapeurs-pompiers sont logés sur place ou à proximité directe. Lors des attentats de 2015, nous avons pu armer des moyens supplémentaires très rapidement. Lors des violences urbaines de la fin juin 2023, nous avons aussi pu armer des moyens supplémentaires très rapidement pour faire face aux nombreux feux, parfois mille quatre cents incendies par nuit, non seulement des feux de voitures et de poubelles, mais également des feux d'habitations ou de locaux publics. Lors de la pandémie de covid-19, nous avons également mobilisé nos personnels.

Le quatrième atout réside dans notre organisation et notre expertise. Nous disposons de quatre-vingts centres de secours répartis dans notre périmètre d'action. En cas de mode dégradé, cela permet de disposer de lieux de commandement et opérationnels de proximité pour nos concitoyens. Nous disposons d'une capacité de planification et de conduite d'opérations à Champerret grâce à des officiers aguerris à ces tâches. Nous armons cet état-major très régulièrement et il sera bien entendu armé pour les Jeux olympiques. Nous sommes interopérables avec les autres services publics, avec les armées, avec le Centre de planification et de conduite des opérations (CPCO), avec le centre opérationnel de gestion interministérielle des crises (Cogic) de la direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises (DGSCGC), avec le ministère de la santé, puisque 83 % des interventions sont des interventions de secours à victimes et il est donc important d'être très lié avec les différents Samu et l'ARS, et puis les différentes collectivités territoriales et les opérateurs.

Notre dernier atout réside dans notre déploiement au-delà de la région parisienne puisque nous disposons d'une unité à Kourou et une autre à Biscarosse. Des sapeurs-pompiers sont projetés en permanence en opérations extérieures. Nous formons des stagiaires étrangers. Dans le cadre de la défense globale, de même que nous déployions des militaires en Afrique subsaharienne pour combattre le terrorisme, loin des frontières, nous y participions également dans nos métiers de formation.

En conclusion, en raison des six caractéristiques que j'ai énoncées en première partie de mon exposé et puis des cinq atouts que j'ai présentés, je pense que les autorités politiques savent qu'en cas de crise grave, elles pourront compter sur les militaires de la BSPP partout où elles le décideront. L'histoire récente, mais aussi plus ancienne, des sapeurs-pompiers de Paris a montré leur participation active à la défense des intérêts supérieurs de la nation.

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