Je vous remercie d'avoir convié la direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises et je vous prie, dans un premier temps, de bien vouloir excuser l'absence du directeur général qui n'a pas pu se libérer.
En préambule, je souhaite rappeler qu'au-delà de la sémantique, il existe une frontière assez complexe entre la sécurité et la défense civile. Nous nous perdons toujours à rechercher dans nos archives la preuve qu'en réalité ces deux termes, qui parfois se confondent et parfois se distinguent, ont été également liés à notre histoire. Dans les moments difficiles des guerres mondiales, la défense civile était institutionnellement incarnée par le ministère des armées, pour devenir progressivement une mission dévolue au ministre de l'intérieur. Cette évolution correspond à des réalités historiques, d'actualité et de grands mouvements de fond. Je ne dis pas que l'histoire est un éternel recommencement, mais force est de constater que cette boucle se pose à nouveau et que nous employons alternativement défense et sécurité civile. Au-delà des mots, il convient sans doute d'adapter nos dispositifs aux circonstances et je pense naturellement au conflit en Ukraine.
La direction générale de la sécurité civile est une direction d'administration centrale du ministère de l'intérieur. Elle est une direction générale non seulement parce qu'elle dispose de services propres qui mènent à bien, définissent les doctrines d'emploi et coordonnent les moyens, mais également d'une forme de réseau sur lequel elle n'a pas autorité, mais qu'elle coordonne, qu'elle anime, via les services départementaux d'incendie et de secours (SDIS). Cette répartition entre l'activité des services départementaux d'incendie et secours qui relèvent des collectivités locales, de l'action des communes et de leur maire, et l'action de l'État et de ses représentants, de ce socle premier constitué des maires et des préfets, représente pour la direction générale une valeur importante de cette politique publique qui vise à protéger nos concitoyens.
Une pluralité d'acteurs intervient dans ce schéma institutionnel, ce qui constitue une force du modèle français de la sécurité civile. Elle repose d'abord sur un corps de sapeurs-pompiers professionnels auquel sont largement alliés au quotidien les sapeurs-pompiers volontaires. Ce volontariat représente, pour le ministre de l'intérieur, une forme de pacte important puisqu'il reflète la réalité d'une action de nos concitoyens dans les territoires, une perméabilité entre la société et celles et ceux qui interviennent.
La structuration du corps des sapeurs-pompiers professionnels présente des singularités, à Marseille et à Paris, avec des effectifs militaires qui officient dans ses missions. Plus généralement, à disposition du ministre de l'intérieur et par la délégation du directeur général, trois formations militaires de la sécurité civile (ForMiSC) interviennent autant que de besoin sur le territoire national, dans les territoires ultramarins et parfois même à l'étranger.
Ce schéma institutionnel reste fondamentalement au cœur de nos organisations et lorsque l'on évoque la résilience, la défense civile, c'est également cette organisation qui concourt. Cela ne signifie pas qu'elle ne mérite pas d'évoluer, puisque toute structure vivante évolue, et il est nécessaire qu'elle évolue.
Dire que la déclinaison des politiques de sécurité civile consiste à prendre en compte ce quotidien, cette réalité climatique, ces risques technologiques naturels, est presque devenu un lieu commun. Pourtant, qui aurait pu imaginer il y a vingt ans que les risques climatiques seraient aussi prégnants sur le territoire national ? J'en veux pour preuve l'enchaînement de trois séquences d'inondations dans le Nord-Pas-de-Calais. Lorsqu'une inondation survient dans notre pays, nous sommes tous dans un état de sidération et nous nous disons un peu que c'est « la faute à pas de chance » ; lorsque nous sommes confrontés à trois inondations en un mois, cela ne relève plus de l'accumulation de hasards malencontreux qui au lieu de se répartir sur un siècle, se répartissent en un mois. C'est seulement une réalité et sans faire preuve de catastrophisme, il importe de tenir compte de cette réalité dans la politique publique et de la traduire au quotidien par la mise en œuvre de nos forces, de nos actions et aussi peut-être de construire une forme de chaînage dans le temps.
Nous étions très centrés sur l'action qui permet de circonvenir et d'agir face à des événements, quels qu'ils soient ; il s'agit de « l'action d'après ». De plus en plus, nous nous positionnons dans « l'avant » et le ministère de l'intérieur dispose désormais objectivement d'un maillage, d'une action, de moyens financiers, de compétences humaines, notamment le corpus des sapeurs-pompiers dans toute sa pluralité. Je crois que leur action est désormais toujours saluée dans les territoires. Bien entendu, il importe encore de progresser, mais dans « l'avant », c'est-à-dire en matière de prévention, de capacité à planifier. Il s'avère nécessaire que nous progressions dans la résilience.
Ce terme de « résilience » connaît un peu un effet de mode, mais en réalité, il est désormais chargé d'un contenu. D'ailleurs, je crois que chacun aurait sa propre définition de la résilience. Qu'est-ce que la résilience ? C'est la résilience des individus dans leur vie privée ; c'est la résilience des organisations ; c'est la résilience des États, etc. Si nous déclinons cette résilience dans le domaine de la sécurité civile, elle représente cette capacité à éduquer au plus près, dans les premiers âges, une population qui est désormais consciente des risques climatiques et, pour certains d'entre nous, la vivent dans leur chair, à leur détriment. Cette prise de conscience doit nous conduire à avoir des arcs réflexes dès les premiers âges de la vie, plus encore qu'aujourd'hui. En ce sens, le ministère de l'intérieur peut et doit être porteur de cet « avant ».
Vous évoquiez la journée de la résilience. Elle reste un moment fort et nous avons besoin de cette journée. Nous souhaitons développer un corpus, qui peut être normatif via la représentation nationale, mais également un corpus de cette administration qui est capable d'évoluer, de s'organiser et de donner tout son sens à cette résilience.
Au sein de la population française, peu de personnes imaginent qu'un conflit armé puisse survenir sur notre territoire, quelles qu'en soient les déclinaisons. Il appartient à la sécurité civile de réfléchir quant à notre capacité à nous projeter dans des conflits armés qui nous concernent. D'ailleurs, la France est désormais clairement inscrite dans ces dimensions. Je rappelle également que certains États de l'Union européenne souhaitent voir substantiellement avancer les réflexions sur la coopération européenne en matière non pas de défense, mais de sécurité civile, c'est-à-dire la prise en charge de réfugiés, la prise en considération d'atteintes aux personnes et aux biens liées directement à des faits de guerre et à des traumatologies spécifiques dans les proportions importantes. Dans le cadre de la mutualisation, de la coopération de la sécurité civile au sein de l'Union européenne, plusieurs États ont d'ores et déjà manifesté leur volonté de réorienter une partie de la notion de sécurité civile, de défense civile, vers des conflits qui pourraient nous toucher directement. Il s'agit bien entendu d'États directement contact ou proches de la Russie ou de l'Ukraine. Nous notons notamment une forte sensibilisation non seulement des pays scandinaves, des pays baltes, mais également de l'Allemagne qui est située entre deux ensembles. Cette prise en considération des conflits armés doit également amener à une réflexion relative à la résilience de nos populations et à notre capacité à prévoir des dispositifs qui existent, mais qu'il convient de faire évoluer.
Il y a quelques semaines, le ministre a annoncé la mise en place d'un « Beauvau de la sécurité civile ». Il en définira prochainement la méthode, le contenu et son inscription dans un calendrier. Ce « Beauvau de la sécurité civile » sera occasion de faire émerger sur l'ensemble du territoire des propositions d'évolution des schémas institutionnels, de la sécurité civile et la prise en compte et la définition de la résilience.