La séance est ouverte.
La séance est ouverte à vingt et une heures trente.
La parole est à M. Alexandre Holroyd, rapporteur de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire.
Nos entreprises ont besoin de financements pour recruter et créer des emplois pérennes, partout sur nos territoires ; pour investir dans la transition écologique de leurs modèles de production ; pour soutenir leurs ambitions sur de nouveaux marchés, contribuant ainsi à redresser notre balance commerciale ; pour échapper à la dépendance technologique, notamment en matière numérique, et asseoir notre souveraineté collective ; pour innover et rester à l'avant-garde de la recherche et du développement, dans un monde plus concurrentiel que jamais.
Soyons réalistes : sans un financement adéquat et compétitif des entreprises, les ambitions pour la France de chacune et chacun d'entre nous, quelles qu'elles soient et quelles que soient nos convictions politiques, ne sont que des vœux pieux.
La proposition de loi présentée ce soir vise donc à simplifier et à faciliter ce financement. Elle est le fruit d'un travail mené avec le Gouvernement, qui s'appuie sur de multiples travaux préalables documentant les sujets qu'elle aborde. Tout d'abord, les réflexions du Haut Comité juridique de la place financière de Paris (HCJP), institution qui regroupe notamment les moyens matériels et techniques de l'Autorité des marchés financiers (AMF), de l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) et de la Banque de France. Ensuite, les travaux conduits par la Commission des Nations unies pour le droit commercial international, dont la transposition dans le droit national a été défrichée par la mission de Mme Béatrice Collot et de M. Philippe Henry. Enfin, les multiples rapports parlementaires qui se sont penchés sur ces questions, parmi lesquels celui de Paul Midy sur l'investissement dans les petites et moyennes entreprises (PME) innovantes et de croissance, celui de Charles Rodwell sur l'attractivité, ou encore celui du sénateur Albéric de Montgolfier sur la compétitivité des places financières.
Comme je l'ai indiqué en commission des finances, cette proposition de loi ne prétend pas à l'exhaustivité, mais propose au Parlement une série de mesures visant à assurer à nos entreprises qu'elles trouveront en France les modalités de financement qui leur conviennent et que la place de Paris offre toute la gamme de services financiers disponibles dans d'autres places dans l'Union européenne et au-delà. Ainsi, elle s'inscrit dans la continuité des efforts consentis depuis 2017 pour que la France redevienne un pôle d'attractivité économique, efforts qui ont porté leurs fruits.
En 2023, pour la quatrième année consécutive, la France est la première destination européenne en matière d'investissements internationaux. En quelques années, elle est devenue le principal centre financier de l'Union européenne.
Dans le seul secteur financier, rien qu'en Île-de-France, plus de 7 000 emplois directs et indirects ont été créés depuis 2017. Dans le même temps, les effectifs des cinq principales banques d'investissement implantées à Paris ont plus que doublé.
Si chacun peut – et devrait – se réjouir de ces succès, nous ne pouvons ignorer l'écart qui se creuse depuis quinze ans entre l'économie européenne et l'économie américaine en matière de financement des entreprises. Nous nous devons de proposer des solutions pour permettre à celles-ci de se financer dans des conditions équivalentes à celles auxquelles elles ont accès outre-Atlantique. Pour ce faire, il convient de créer un véritable marché européen des capitaux, sur lequel l'épargne abondante des ménages pourra financer directement et efficacement les entreprises européennes. Le Président de la République et le ministre de l'économie entendent faire de cet objectif, absolument essentiel, une priorité de la prochaine Commission européenne.
Dans l'intervalle, nous pouvons parfaire nos dispositifs nationaux, afin de mobiliser cette épargne au service des entreprises, et soutenir les acteurs de la place financière de Paris pour qu'ils remplissent leur principal rôle, celui de financeurs de l'économie. Telle est la raison d'être de cette proposition de loi : apporter des réponses concrètes à des sujets bien identifiés, qui se déclinent selon trois volets.
Le titre I vise à faciliter le financement des entreprises par des levées de fonds, dans le cadre de l'introduction en Bourse ou de l'augmentation de capital ; elle entend également lever les entraves à l'attractivité de notre industrie financière.
L'article 1 tend à créer un type d'actions, qualifiées d'actions à droits de vote multiples, qui existent déjà sur pratiquement toutes les places financières concurrentes de Paris. Ces actions s'adressent aux PME à forte croissance et à forts besoins de financement ; elles leur permettront de trouver ce financement en France et de préserver les projets industriels et entrepreneuriaux des exigences de rentabilité à court terme des marchés financiers. L'introduction de ces droits de vote multiples dans notre droit sera encadrée ; le recours à ces actions restera une simple possibilité offerte aux entreprises qui souhaitent être cotées. De la même manière, les investisseurs pourront faire leur choix en toute connaissance de cause. Cela ne constitue donc nullement une obligation.
L'article 2 vise à permettre à une catégorie spécifique de fonds de mieux accompagner les entreprises en développement, sans rien changer à leur raison d'être, à savoir l'investissement dans des PME non cotées pour soutenir leur croissance et leur développement.
L'article 3 propose de faciliter les levées de fonds des entreprises, en les rendant plus rapides et moins complexes, tout en maintenant une réglementation équilibrée.
Les articles 4 et 5, quant à eux, opèrent de légères modifications de points spécifiques de notre droit, qui pénalisent explicitement certains acteurs financiers français par rapport à leurs concurrents. Ces modifications n'auront aucune incidence sur les épargnants ou notre souveraineté.
Le titre II de la proposition de loi est issu des travaux de la Commission des Nations unies pour le droit commercial international. Bien qu'il porte sur un sujet peu connu du grand public, son adoption aurait un impact rapide et concret au niveau national ; il fluidifierait notamment le dispositif d'aval de FranceAgriMer, permettant aux agriculteurs céréaliers d'être payés plus rapidement. Ce sujet peu connu est la dématérialisation des lourdes procédures en vigueur dans le commerce international et dans le financement de ces opérations par nos entreprises ; toutes ces procédures sont encore effectuées sur papier.
Si le titre II est adopté, leur dématérialisation et leur numérisation permettraient une économie moyenne de 36 documents et de 240 copies par transaction, représentant un gain de 3,8 milliards d'euros en France d'ici à 2030.
Au-delà de son impact concret au niveau national, la dématérialisation des procédures facilitera le développement des entreprises à l'international.
Le titre III, quant à lui, regroupe trois articles et a pour objectif de démocratiser la participation des petits actionnaires à la vie de l'entreprise.
L'article 10 prévoit la retransmission en direct et en différé des assemblées générales ; il vise également à faciliter le vote électronique, évitant à ceux qui ne peuvent se déplacer d'être exclus du vote.
L'article 11 a pour objet une mesure de bon sens et de lisibilité du point de vue de l'attractivité : il vise à consacrer le rôle que joue déjà la Cour d'appel de Paris en matière d'arbitrage international dans le commerce.
Enfin, l'article 12 a pour objectif la mise à jour d'un article de loi relatif à une catégorie d'opérateurs du secteur financier, appelés « preneurs de risques », en accord avec les évolutions du droit européen. Il s'agit simplement d'une actualisation de notre droit.
Le texte qui vous est soumis aujourd'hui est un texte de compétitivité et de souveraineté…
…qui vise à fournir à nos entreprises des outils nécessaires pour poursuivre leur croissance et leur transition en France. Elles ont besoin de capitaux pour ce faire : aidez-les à en trouver.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem.
La parole est à Mme la ministre déléguée chargée des entreprises, du tourisme et de la consommation.
La proposition de loi que nous allons examiner au cours des prochains jours aura un impact notable et direct sur les entreprises, notamment les PME, et, par conséquent, sur la compétitivité de notre pays. Pour développer une entreprise, l'énergie des entrepreneurs et de leurs salariés ne suffit pas – ils n'en manquent pourtant pas ; il faut aussi un financement abondant et facilement accessible, ainsi que des procédures adaptées aux modes d'action actuels. En somme, un environnement attractif.
Une introduction en Bourse, une fusion, le lancement d'un nouveau produit, ou simplement un carnet de commandes bien rempli : autant de moments critiques dans la vie des entreprises, où la performance de cet environnement peut faire toute la différence. À ces défis propres à la vie d'une entreprise s'ajoutent les grands défis de notre temps : la réussite des transitions numérique et écologique, qui, selon la Commission européenne, requerront plus de 700 milliards d'investissement par an en Europe aux cours des dix prochaines années ; le renforcement de la souveraineté économique, de la relocalisation et de la réindustrialisation.
Nous ne relèverons pas ces défis avec le seul argent public : ce n'est ni possible économiquement ni souhaitable socialement. Nous devons donc mobiliser massivement l'épargne privée et l'argent des investisseurs, afin de soutenir les entreprises. C'est pourquoi nous avons besoin d'un écosystème financier solide, sophistiqué et diversifié. C'est le seul moyen pour que le financement des entreprises soit à la hauteur des défis immenses qui se présentent à nous. Nous ne partons pas d'une page blanche ; depuis 2017, nous nous sommes attelés à relever ces défis, sous l'autorité du Président de la République et de Bruno Le Maire.
En 2016, le choix du Brexit par le peuple britannique a constitué un tournant. Les acteurs financiers installés à Londres ont alors perdu leur passeport, qui leur permettait de servir le marché européen depuis le Royaume-Uni. Ils se sont massivement tournés vers Paris pour y relocaliser leurs services et leurs équipes. Depuis 2017, Paris est devenue la première place financière de l'Union européenne, de loin.
Nous avons attiré les plus grands acteurs financiers internationaux et Paris est désormais la seule place, dans l'Union européenne, à offrir toute la gamme des services financiers en un même lieu. Nous avons ainsi créé plus de 6 000 emplois directs et des milliers d'emplois indirects, qui ont induit des milliards d'euros de recettes fiscales supplémentaires ; les exportations de services qui en découlent enrichissent notre pays.
En 2016, les services financiers sont devenus le troisième secteur le plus important en matière d'exportations de services, après le tourisme et les transports. L'excédent commercial annuel des services financiers est passé de 5 milliards d'euros à 12 milliards en sept ans.
Pour gagner cette première place, notre stratégie de compétitivité a été cruciale. Nous avons ainsi mené des réformes de structure ambitieuses, avec la réforme du marché du travail de 2017, mais aussi la loi du 22 mai 2019 relative à la croissance et à la transformation des entreprises (loi Pacte). Nous avons réformé notre fiscalité pour favoriser la prise de risque, nous avons transformé l'impôt sur la fortune (ISF) en impôt sur la fortune immobilière (IFI) et introduit une flat tax sur les revenus de valeurs mobilières, avec le prélèvement forfaitaire unique.
Enfin, nous avons soutenu les investissements d'avenir, grâce au co-investissement de l'État et d'acteurs privés. C'est d'ailleurs l'ambition du plan France 2030, qui mobilise pas moins de 54 milliards d'euros de fonds publics pour soutenir l'investissement dans les technologies qui seront demain décisives.
Aujourd'hui, les premiers résultats de cette politique sont tangibles : la France est déjà sur les rails de la réindustrialisation et du plein emploi. Le résultat le plus visible, c'est la réindustrialisation qui est en cours dans notre pays. Depuis 2017, nous avons créé plus de 100 000 emplois supplémentaires, et rien qu'en un an, nous avons ouvert plus de 200 usines.
Grâce à la compétitivité retrouvée de nos entreprises, le taux de chômage est au plus bas depuis quarante ans. Derrière ces usines, derrière ces entreprises innovantes, il y a toujours des financements. Il faut tout un biotope financier pour faire sortir une usine de terre ou pour financer un plan de recrutement ambitieux.
Aujourd'hui, nous devons ouvrir une nouvelle page de cette stratégie et faire en sorte que ses résultats se diffusent dans l'ensemble du tissu économique. Nous devons continuer à attirer des épargnants, des banques et des fonds d'investissement à Paris, et nous assurer que leurs moyens financiers profitent directement aux entreprises. C'est justement l'objet de la proposition de loi défendue par le rapporteur Holroyd.
Cette proposition de loi vise avant tout les entreprises de l'économie réelle, nos petites et moyennes entreprises innovantes, à fort potentiel, et nos entreprises de taille intermédiaire (ETI). Elle tend à offrir aux entreprises de plus grandes facilités de financement, afin qu'elles puissent se développer et que leurs dirigeants puissent en garder le contrôle – en effet, se financer auprès d'acteurs étrangers implique trop souvent de perdre la main sur son entreprise.
Nous avons attiré les plus grands acteurs financiers à Paris grâce aux réformes de compétitivité appliquées entre 2017 et 2022. Nous en avons fait profiter et nous continuons à en faire profiter nos entreprises, en accroissant leur capacité à mobiliser des financements.
La proposition de loi comprend trois axes principaux, développés dans chacun de ses trois premiers titres. Le premier tend à développer le financement des entreprises sur les marchés financiers et grâce aux fonds. Ainsi, elle tend à rendre possible l'introduction en Bourse avec actions à droits de vote multiples – une mesure très concrète, cachée par des termes techniques.
Aujourd'hui, le droit exige que la détention d'une action procure une voix en assemblée générale. Ainsi, lorsque le fondateur d'une entreprise innovante souhaite coter en Bourse son entreprise, il répartit les actions entre différents financeurs et perd ainsi bien souvent la majorité en assemblée générale. De fait, il perd le contrôle de son entreprise. Pour éviter d'atteindre une telle situation, ce même fondateur renoncera bien souvent à coter son entreprise en Bourse ou à le faire à Paris, préférant à cette place une autre, située par exemple aux États-Unis.
Grâce à la proposition de loi que nous examinons ce soir, il sera désormais possible qu'une action octroie plus d'une voix, pendant dix à quinze ans. Notre fondateur pourra ainsi coter son entreprise à Paris et en conserver le contrôle. L'enjeu est important, il y va de la souveraineté économique de notre pays : grâce à cette disposition, les entrepreneurs pourront faire le choix de la France, tout en maintenant le siège social de leur entreprise à Paris. La France se prévaudra ainsi du régime d'introduction en Bourse le plus compétitif d'Europe.
Le texte vise également à simplifier les modalités de réalisation des opérations d'augmentation du capital, ce qui permettra aux petites et moyennes entreprises et aux entreprises de taille intermédiaires cotées de mobiliser plus facilement et plus rapidement les fonds nécessaires au financement de leur croissance, de leur développement international ou de la transition écologique de leur appareil productif.
Le deuxième titre de la proposition tend à dématérialiser la trade finance, c'est-à-dire le financement des imports et exports de nos PME et ETI, ce qu'a rappelé le rapporteur Holroyd. Cette disposition, très concrète, sécurisera les activités internationales des entreprises et leurs flux de paiements à l'étranger. Comme vous le savez, la procédure de trade finance peut se révéler lourde – plus d'une trentaine de formulaires doivent être remplis pour l'appliquer – alors que le code civil impose de recourir à des titres transférables imprimés. La dématérialisation doit donner une nouvelle impulsion à la trade finance, en la rendant plus simple et plus attractive. La France serait ainsi le premier pays de l'Union européenne à dématérialiser intégralement son cadre législatif.
Le rapport de la mission confiée par Bruno Le Maire à Philippe Henry, pour accélérer la digitalisation des activités de financement du commerce international, estime que cette réforme pourrait générer plus de 36 milliards d'euros d'économies dans les dix prochaines années.
Le troisième titre du texte vise à simplifier notre droit, pour renforcer l'attractivité juridique de la France. Pendant la crise du covid-19, les périodes de confinement ont révélé le manque de souplesse d'un droit de la gouvernance d'entreprise, qui ne permet pas d'exploiter pleinement les possibilités offertes par le numérique. Certaines de ses règles datent du XX
La principale disposition de ce titre étend la possibilité de tenir des assemblées générales au format hybride : certains actionnaires étant présents physiquement, tandis que d'autres participeraient à distance. Afin de sécuriser leur organisation, il est proposé d'encadrer les risques de nullité de ces assemblées en cas de défaillance des systèmes électroniques utilisés par des actionnaires connectés à distance.
Vous l'aurez compris, ce texte comprend des mesures de simplification et de modernisation pour nos PME et ETI. Pour leurs dirigeants, il crée les conditions d'un choix patriote, celui de Paris.
Si je sais que nous ne serons pas d'accord sur tout, il me semble que les dispositions techniques permettant d'améliorer l'attractivité de notre place financière pourront nous rassembler.
Ce texte n'est certainement pas un cadeau au monde de la finance. C'est un texte dont les mesures techniques visent à moderniser et à améliorer les conditions de financement de notre économie réelle, de nos PME et de nos ETI. Simplifier les conditions de financement, c'est garantir un meilleur développement aux PME et aux ETI, qui sont le poumon économique de la France. Je ne doute pas que vous serez au rendez-vous.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE. – M. le rapporteur applaudit également.
La parole est à M. le président de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire.
Le 8 janvier 2024, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique annonçait vouloir présenter un texte portant sur l'attractivité financière de la France, c'est-à-dire sur des mesures de dérégulation renforcées, pour attirer plus de groupes financiers. Le projet du ministre n'était pas technique, mais éminemment politique : il consistait à accentuer toujours plus sa politique favorable aux grands détenteurs de capitaux, qui conduit à concentrer le pouvoir de décision des actionnaires dans toujours moins de mains.
Je rappelle d'ailleurs que les dix premiers actionnaires des entreprises cotées au CAC 40 détiennent 28 % de l'indice.
C'est finalement notre collègue Alexandre Holroyd, aidé par les services de Bercy – si j'étais taquin, je me demanderais si ce n'est pas l'inverse qui s'est produit –, qui a été missionné.
Certes, c'est une reconnaissance de son travail, mais la méthode employée pose un problème non négligeable – à moins qu'il ne s'agisse d'une solution de facilité ? –, celui de priver la représentation nationale de l'étude d'impact qui aurait pu l'informer des conséquences des dispositions proposées.
Ce texte serait justifié par ses effets attendus en matière de création d'emplois, de rentrées fiscales et d'amélioration de la balance des paiements, mais aucune analyse, même succincte, n'a pu le démontrer. Cette absence est d'autant plus regrettable que le Gouvernement s'est empressé d'inscrire le texte à l'ordre du jour : son choix a alors privé le rapporteur de la possibilité d'organiser toutes les auditions nécessaires pour mesurer pleinement l'impact des changements prévus.
Il est ainsi regrettable que l'autorité des marchés financiers n'ait pu être consultée. C'est pour cette raison que j'ai écrit à sa présidente, afin qu'elle communique à l'ensemble des membres de la commission des finances ses éventuelles observations.
Je la remercie chaleureusement pour sa réponse, qui vient éclairer nos débats en séance publique. Les orientations globales du texte sont certes partagées par l'AMF, qui émet toutefois de telles réserves que le tableau s'en trouve largement assombri.
L'absence d'audition publique de ses représentants est d'autant plus fâcheuse que si je n'avais pas pris l'initiative de solliciter la présidente de l'AMF, nous aurions été amenés à nous prononcer sur des mesures, sans être informés des observations que je m'apprête à partager avec vous.
Sur l'article 1er , qui prévoit d'autoriser l'émission d'actions à droits de vote multiples, l'AMF relève que la durée de validité des droits de votes multiples retenue par la loi – dix ans au plus, prolongeables de cinq ans – s'éloigne de la celle que préconisait, par souci d'équilibre, le Haut Comité juridique de la place financière de Paris, à savoir sept ans. Nous sommes donc confrontés à un problème de durée.
M. Daniel Labaronne s'exclame.
Le ratio maximum entre les droits de vote attachés aux actions de préférence et ceux attachés à une action ordinaire est fixé à vingt-cinq pour un pour les sociétés dont les titres sont admis à la négociation sur un système multilatéral de négociation. En revanche, aucun ratio maximum n'a été fixé pour les sociétés cotées sur le marché réglementé. L'AMF recommandant de fixer un ratio maximum de dix pour un, nous sommes confrontés à un problème de concentration exagérée.
Ensuite, l'Autorité considère qu'une liste restrictive des bénéficiaires des droits de votes multiples aurait été souhaitable : seuls les fondateurs et dirigeants auraient pu être concernés, par exemple. Enfin, les cas de « désactivation » des droits multiples auraient gagné à être décrits de manière plus exhaustive, ce que l'AMF recommandait également.
Au sujet de l'article 3, qui assouplit les modalités d'augmentation de capital sans droit préférentiel de souscription, l'AMF estime que les actionnariats existants pourront être dilués de manière significative. Un transfert majeur de compétences de l'assemblée générale au profit du conseil d'administration, sans contrôle a priori des actionnaires sur le bénéficiaire de cette augmentation de capital, est également pointé du doigt. Nous voilà donc face à un problème de contrôle des actionnaires.
Enfin, l'AMF, dont je restitue quasiment le verbatim, craint que cet article ne conduise à des opérations financières particulièrement dilutives, susceptibles de générer une forte pression baissière sur le cours des sociétés concernées, au détriment des actionnaires existants.
Deux amendements du rapporteur – également critiqués par l'AMF – révèlent encore cette volonté de se passer du régulateur. L'amendement n° 30 tend à supprimer le rapport de l'AMF sur le gouvernement d'entreprise, alors qu'il comporte des informations importantes sur la bonne gouvernance des entreprises cotées. L'amendement n° 79 vise, quant à lui, à supprimer une compétence de l'AMF, celle de l'approbation des règles de fonctionnement des marchés réglementés et des systèmes multilatéraux de négociation. S'il était adopté, l'impact sur les pouvoirs du régulateur des marchés serait considérable.
Avant de jouer à l'apprenti sorcier avec les procédures et les délais de traitement des règles de marché, le rapporteur devrait peut-être attendre que soient présentées les conclusions des travaux des régulateurs européens sur un allègement des procédures.
Vous l'aurez compris, mon désaccord politique avec ce texte est profond, mais je me suis ici limité à exprimer des critiques techniques et à me faire le porte-voix du régulateur, ce qui devrait alerter jusqu'à ceux de mes collègues qui sont d'accord avec l'économie globale du texte. Nous n'avons pas pu prendre connaissance suffisamment tôt des réserves de l'AMF pour proposer des amendements, mais elles sont si importantes que le texte doit être retravaillé. Je vous demande donc de revenir devant nous – vous, cher collègue, ou le gouvernement – avec des dispositions plus sécurisantes.
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES et Écolo – NUPES.
J'ai reçu de Mme Mathilde Panot et des membres du groupe La France insoumise-Nouvelle Union populaire, écologique et sociale une motion de rejet préalable déposée en application de l'article 91, alinéa 5 du règlement.
La parole est à Mme Marianne Maximi.
Nous avons déposé une motion de rejet préalable de ce texte pour marquer notre profond désaccord avec la méthode qui a présidé à sa préparation, la vôtre. Vous présentez ce texte comme une proposition de loi, qui émanerait des députés. Pourtant, nous savons tous ici qu'elle arrive tout droit de Bercy et du Gouvernement.
Le 8 janvier 2024, Bruno Le Maire a annoncé qu'un projet de loi sur l'attractivité financière – précisément l'objet du texte du jour – serait présenté à l'Assemblée nationale au printemps. Comme par magie, le projet de loi du Gouvernement s'est, deux mois plus tard, transformé en proposition de loi, défendue par un député.
La manœuvre est terriblement grossière. En passant par une proposition de loi plutôt que par un projet de loi, vous contournez en effet le Conseil d'État, que vous n'êtes plus tenus de consulter. Plus grave encore, vous échappez à l'obligation de réaliser une étude d'impact, applicable aux projets de loi, mais pas aux propositions de loi.
Notre assemblée doit donc examiner aujourd'hui un texte qui ne dit pas son nom, pour lequel nous n'avons ni avis du Conseil d'État ni étude d'impact. Ce ne sont pas des conditions pour légiférer correctement.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
Ce texte n'est pourtant pas une proposition de loi mineure, qui modifierait le droit à la marge seulement. Il comporte quinze articles, qui tendent à modifier de façon substantielle le fonctionnement des marchés financiers français. Avant de toucher à la réglementation d'un secteur aussi sensible que la finance, une étude d'impact semble être le minimum : nous ne comprenons pas pourquoi vous ne l'avez pas réalisée, sauf si vous avez quelque chose à cacher.
Par ailleurs, le Gouvernement a déposé trois amendements demandant une habilitation à légiférer par ordonnance. Ils concernent le droit des sociétés, les organismes de placement collectif et le fractionnement des placements financiers, sujets très sensibles, qui mettent en jeu la stabilité financière de la France.
Utiliser le droit d'amendement vous permet une fois encore de ne pas avoir à évaluer l'impact de la loi. Si vous aviez déposé un projet de loi d'habilitation à légiférer par ordonnance, vous auriez dû nous présenter notamment les objectifs, les autres options possibles, la liste prévisionnelle des textes d'application. Si ces trois amendements étaient en revanche adoptés, voter ce texte de loi reviendrait à vous habiliter à l'aveugle à légiférer par ordonnance, ce qui n'est pas sérieux.
Ce n'est pas le seul point qui porte atteinte à la sincérité de ce texte. Nous avons reçu la liste des auditions réalisées par le rapporteur au nom de la commission des finances. Nous avons ainsi constaté que les acteurs essentiels n'avaient pas été auditionnés. C'est le cas, par exemple, de l'Autorité des marchés financiers, qui aurait pourtant dû être le premier organisme auditionné, puisque ce texte concerne précisément sa mission, c'est-à-dire la régulation des marchés financiers.
En commission des finances, nous avons soulevé ce point. Le rapporteur a d'abord menti en prétendant avoir auditionné l'AMF, avant de reconnaître que cela n'avait pas été pas le cas.
Des échanges ont, semble-t-il, eu lieu mais pas dans un cadre institutionnel transparent et ouvert, qui aurait permis à l'opposition que nous sommes d'interroger directement l'Autorité au sujet de cette proposition de loi. En l'absence de l'opposition lors de vos auditions ou rencontres informelles, vous pouvez bien faire dire ce que vous voulez à l'AMF. Heureusement, le président de la commission des finances l'a interrogée : son analyse n'est pas tout à fait celle que vous prétendez. Je ne dresserai pas de nouveau la liste entière des réserves énoncées par le président Éric Coquerel mais je reviendrai sur certaines d'entre elles, que nous devons prendre très au sérieux et qui doivent éclairer la représentation nationale, ce soir.
D'abord, l'article 1er prévoit d'introduire en France la possibilité pour des dirigeants d'entreprise de s'octroyer des actions à droits de vote multiples – adieu le principe, une action, une voix. L'AMF soulève plusieurs points qu'elle considère comme inquiétants. Par exemple, le fait que ces droits de vote multiples pourraient être octroyés pendant quinze ans ou que les dirigeants pourraient s'octroyer jusqu'à vingt-cinq droits de vote par action, ce qui est énorme. Je vous demande de réfléchir au pouvoir de décision qu'un tel dispositif donnerait et aux rapports de force déséquilibré qui en résulteraient.
L'article 3 inquiète également l'AMF, et nous tout autant. Il permet à des dirigeants d'entreprise de diluer leur capital selon des modalités assouplies, notamment en se passant de l'avis de l'AMF. Actuellement, ces opérations doivent respecter un décret – sur lequel l'AMF a été consultée –, qui fixe un prix plancher pour les nouvelles actions émises. Mais demain, avec cette loi, ce ne sera plus le cas, ce qui est problématique car ces opérations sont dangereuses pour les actionnaires, en particulier les petits actionnaires qui sont parfois des salariés. Alors que le Gouvernement n'a que la défense des petits actionnaires à la bouche et veut augmenter l'actionnariat salarié, il est curieux d'assouplir ainsi le recours à des opérations très dangereuses pour eux.
Je cite l'exemple de Casino, au sein duquel un consortium d'hommes d'affaires a fait son entrée au capital, grâce à une opération de dilution. Un actionnaire qui possédait 1 % de l'entreprise a vu sa part diluée à 0,0003 %. Il est d'autant plus problématique de se passer de l'avis de l'AMF sur ce point que ce n'est pas la première fois qu'elle alerte sur ces opérations de financement dilutives. Pour rappel, dans un communiqué du 14 février 2023, elle a demandé aux entreprises qui ont recours à ces opérations de mieux informer les investisseurs sur les risques. Elle note également une augmentation des signalements et des réclamations émanant de particuliers qui ont perdu leur investissement en raison de telles opérations. En principe, il faut non pas ignorer ni faire taire le messager, mais l'écouter.
Vous l'avez compris, nous dénonçons le processus qui a conduit à cette proposition de loi loin d'être à la hauteur du sujet. Alors pourquoi une telle précipitation sur ce texte ? Pourquoi une telle fuite en avant ? Finalement, ce texte est un aveu de l'échec de votre politique économique, celle d'Emmanuel Macron. Quelle surprise, le ruissellement n'a pas marché ! Votre gouvernement a coupé, encore et encore, dans les impôts : nous en sommes à 60 milliards d'euros par an de cadeaux fiscaux faits aux plus riches et aux plus grandes entreprises. En matière d'enfer fiscal, on peut faire pire.
Malgré ces coupes, ni la croissance ni les emplois n'atteignent le niveau que vous attendiez. Après cinq ans de travail et pas moins de quatre rapports, le Comité d'évaluation des réformes de la fiscalité du capital, ne parvient toujours pas à détecter le moindre impact de la suppression de l'impôt de solidarité sur la fortune ou de la flat tax, sur les créations d'emploi ou sur les investissements. C'est d'ailleurs pour cette raison que vous allez chercher des investisseurs étrangers.
Les milliards versés aux entreprises sans contrepartie n'ont aucun effet. Vous et le Medef aviez promis la création de 1 million d'emplois grâce au CICE – crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi. Selon France Stratégie, moins de 160 000 emplois ont été créés : vous conviendrez que cela fait cher l'emploi.
Votre politique prétendait redresser les comptes de la nation alors que vous l'avez menée tout droit au déficit. Vous qui êtes en permanence obsédés par la dette, qui nous faites des leçons budgétaires, vous qui prétendez être de bons gestionnaires, vous avez creusé le déficit non seulement de l'État mais également des collectivités territoriales. Si vous aviez géré ainsi une entreprise, je doute que les actionnaires vous auraient reconduits comme dirigeants.
Pour corriger vos erreurs, vous voulez faire payer à peu près tout le monde. En une nuit, en catimini, vous avez brutalement coupé 10 milliards d'euros de dépenses par décret : 2 milliards en moins pour la politique écologique, 11 % en moins pour l'aide au développement, 700 millions en moins pour l'éducation nationale, l'équivalent de 7 500 postes dans la recherche, 100 millions en moins pour l'apprentissage, 50 millions en moins pour l'inclusion sociale, 38 millions en moins pour la protection de l'enfance. Le coup de rabot budgétaire est tellement massif et brutal que seuls deux ministères ont réussi à proposer les coupes budgétaires demandées.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Désormais, vous voulez faire payer les chômeurs avec une nouvelle réforme de l'assurance chômage qui n'entraînera aucune économie. Au contraire, elle augmentera la précarité et les dépenses sociales, déjà en hausse du fait de votre politique sociale brutale. Mais ce n'est pas fini : vous voulez aussi faire payer les retraités, en revenant sur votre promesse d'indexer les retraites sur l'inflation – le président de votre groupe à l'Assemblée nationale a parlé d'une année blanche pour les retraites et les prestations sociales.
Vous voulez aussi faire payer les collectivités territoriales alors qu'elles rencontrent déjà des difficultés budgétaires du fait de votre politique. Alors que vous avez supprimé leurs ressources fiscales…
…et que vous les abandonnez face à l'inflation et à l'augmentation des dépenses sociales, vous leur demandez de participer encore à l'effort.
Tout le monde doit payer… enfin, pas tout à fait : tout le monde sauf les riches. Vous persistez dans votre obsession de ne pas augmenter les impôts des plus riches car cela ne vous dérange pas de faire payer davantage d'impôts aux plus pauvres, en raison des répercussions de l'inflation et de votre refus de bloquer les prix sur la TVA.
Le texte de loi a malgré tout un mérite, celui de nous révéler vers quel modèle économique Emmanuel Macron veut nous conduire : celui des États-Unis où le marché décide à la place de la puissance publique et des citoyens.
C'est un modèle où la protection sociale a été réduite à presque rien, où l'État n'est plus capable de mener des politiques publiques ambitieuses tant il a vidé ses propres caisses en supprimant les impôts. C'est davantage de financiarisation de l'économie au détriment de la stabilité financière, ce qui a entraîné de l'instabilité, des fraudes aux investissements, des crises financières, comme celle des subprimes, qui ont mis le monde en danger.
Nous rejetons la logique politique de ce texte. Sur ce point, je sais que nous serons en désaccord. Néanmoins, s'agissant de la méthode, aucun de nous, en notre qualité de parlementaire, ne peut rester indifférent au fait que le Parlement n'ait pas correctement été informé des conséquences qu'il entraîne, en raison du choix d'un véhicule législatif qui permet de se passer d'étude d'impact. C'est pourquoi je vous invite à voter cette motion de rejet préalable.
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES et GDR – NUPES.
Sur la motion de rejet préalable, je suis saisie par les groupes Renaissance et La France insoumise-Nouvelle Union populaire, écologique et sociale d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Nous en venons aux explications de vote.
La parole est à M. Daniel Labaronne.
Voulons-nous rejeter le travail que nous avons accompli en commission,…
…au cours duquel nous avons examiné 121 amendements, dont la moitié ont été adoptés ? La réponse est non.
Souhaitons-nous rejeter un texte sur lequel 102 amendements ont été déposés, dont la moitié par la NUPES ?
Tel n'est pas votre cas, car si nous adoptions votre motion de rejet, nous ne pourrions examiner vos amendements.
Exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Cela semble vouloir dire que vous ne croyez ni en la qualité ni en la pertinence de vos amendements, comme s'ils étaient inutiles.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.
Monsieur le président de la commission des finances, c'est une première, vous vous faites le porte-voix de l'AMF. C'est vraiment formidable !
Exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Mais vous avez omis de dire que l'AMF soutient les orientations de la proposition de loi, dont certaines résultent d'évolutions européennes et qui trouvent en partie leur source dans les travaux du Haut Comité juridique de la place financière de Paris. Cet organisme a étudié l'impact des différentes mesures reprises dans le texte. L'AMF a indiqué que la proposition de loi prévoyait des garde-fous bienvenus et préconisés par le Haut Comité, dont vous n'avez pas parlé. Pour toutes ces raisons, nous voterons contre la motion de rejet préalable.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE. – M. Mohamed Laqhila applaudit également.
Je n'avais pas forcément prévu de répondre à la motion de rejet. Rappelons que l'AMF n'est pas aussi favorable à la proposition de loi que vous le prétendez. En commission, vous aviez conseillé à mon collègue Jean-Philippe Tanguy de lire un rapport dont vous vous seriez inspirés pour rédiger la proposition de loi. Vous auriez mieux fait de ne pas lui recommander cette lecture, il vous en reparlera très certainement.
Cela étant dit, nous nous opposerons à la motion de rejet préalable,…
…non pas parce que nous sommes favorables au texte mais parce que nous voulons débattre du financement des entreprises, qui soulève de vraies questions. Nous souhaitons montrer aux entreprises que nous sommes derrière elles…
…et que nous avons envie de trouver des solutions.
Ce texte donne un nouveau prétexte à la NUPES pour tout casser et arrêter les débats avant qu'ils ne commencent. Du reste, nous ne sommes pas dupes : nous savons que cette proposition de loi vient de Bercy, elle n'émane pas d'un député, comme cela devrait être le cas. Il s'agit d'un premier contournement du système.
Les amendements du Gouvernement déposés en séance, qui visent à l'habiliter à légiférer par ordonnance, nous dérangent. Il s'agit d'un deuxième contournement du Parlement.
Cela vient d'être rappelé lors de la défense de la motion de rejet préalable : il manque une étude d'impact sur un texte aussi technique et ses incidences – toutes les oppositions sont peu ou prou d'accord avec cela.
Nous voterons donc contre la motion de rejet afin de débattre et d'obtenir des avancées, sans préjuger de notre vote sur le texte final.
Ne vous en déplaise, vous, les députés du groupe LFI – NUPES, avez pris l'habitude de déposer une motion de rejet préalable sur chaque texte.
Exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Vous avez toujours de bonnes – ou plutôt, de mauvaises – raisons qui justifient ce dépôt.
D'ailleurs, vous avez évoqué des sujets qui n'ont rien à voir avec le texte, notamment le chômage ou les retraites.
Les mesures de la proposition de loi sont très attendues par les entreprises concernées, afin de répondre tout simplement à leurs besoins de financement pour investir, se développer, innover. Vous constatez tous dans vos circonscriptions que les entreprises ont de plus en plus de mal à se financer ; il faut donc les aider.
Par ailleurs, il faut accélérer l'avance de la place financière de Paris, en passe de supplanter celle de Londres depuis le Brexit, mais qui doit faire face à la concurrence mondiale redoutable d'autres places, notamment celle de Francfort.
Il faut soutenir nos entreprises, les aider à se réindustrialiser, à exporter et à investir dans l'innovation. Pour toutes ces raisons nous appelons à débattre et nous voterons contre la motion de rejet préalable.
Nos collègues de la NUPES tentent de museler le débat. Ils défilent par factions…
Exclamations prolongées sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Après les communistes cet après-midi, voilà maintenant les Insoumis ; demain les écologistes et après-demain, les socialistes !
Ils connaissent des turbulences mais le blocage les unit ! Nous autres démocrates restons partisans d'un dialogue constructif et apaisé, partisans de l'échange, même lorsque nous sommes en désaccord.
Des défis se présentent à nous, notamment en matière économique. Le texte a conquis la commission, pourquoi ne séduirait-il pas l'assemblée ? Grâce à nos réformes, la France brille à nouveau sur le plan financier, elle dépasse même la place de Londres. Les séances à venir seront cruciales pour peaufiner ce texte visant à renforcer notre attractivité et à relever les défis futurs.
Refusant de voir le débat national réduit au silence alors que l'enjeu est vital, nous voterons évidemment contre la motion de rejet.
Applaudissements sur les bancs du groupe Dem et quelques bancs du groupe RE.
Je serai brève : nous voulons tous avoir un débat constructif et poussé sur la proposition de loi de notre collègue Alexandre Holroyd. Il s'agit selon nous d'un texte sérieux, qui répond à des problématiques réelles. Certains des sujets qu'il aborde sont complexes mais le débat permettra certainement de lever des craintes ou des difficultés. L'examen du texte en commission des finances a donné lieu à des discussions de qualité, et je ne doute pas qu'il en sera de même en séance publique. Le groupe Horizons et apparentés déplore cette motion de rejet préalable, qui vise, une fois de plus, à museler le débat parlementaire. Nous voterons résolument contre.
Les députés du groupe Socialistes et apparentés n'ont pas déposé de motion de rejet préalable sur ce texte. Avant la réforme de 2017, notre règlement prévoyait une motion de renvoi en commission, qui eût été plus adaptée, compte tenu du débat organisé en commission mercredi dernier. Le propos liminaire du rapporteur soutenait alors que l'Autorité des marchés financiers avait été auditionnée et qu'elle était favorable à ce texte. Or nous apprenons aujourd'hui, dans une lettre transmise par le président Coquerel, que la présidente de l'AMF a émis de fortes réserves sur ses principales dispositions. Pour toutes ces raisons, nous pensons qu'un débat doit à nouveau se tenir en commission. Puisque la motion de renvoi en commission n'existe plus, le groupe Socialistes et apparentés votera cette motion de rejet préalable.
M. Antoine Léaument applaudit.
L'exposé de cette motion de rejet par notre collègue de La France insoumise ne comporte pas que des inexactitudes.
« Ah ! » sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Sur la forme, tout d'abord, M. Holroyd le sait bien : il n'est pas le père de ce texte ! Celui-ci a été préparé par la direction du Trésor, tout le monde le sait !
Ceci dit, chers collègues, ce n'est pas la première fois que nous assistons à ce genre de choses.
De là à penser que cet argument de forme est suffisant pour voter la motion de rejet… ce n'est pas la position du groupe LIOT.
« Ah ! » et sourires sur divers bancs.
Mme Maximi a encore raison de souligner que l'AMF, qui connaît tout de même le sujet, n'a pas été consultée officiellement. Je trouve d'ailleurs la lettre de près de quatre pages que nous a transmise le président de la commission des finances très équilibrée et pleine de bon sens. J'espère d'ailleurs que le rapporteur soutiendra les amendements de notre groupe…
…qui correspondent aux suggestions de la présidente de l'AMF. Les critiques de notre collègue sont donc fondées. Sont-elles suffisantes pour voter en faveur de cette motion de rejet ? Nous ne le croyons pas. Aussi voterons-nous contre.
« Oh ! » sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Le groupe Écologiste – NUPES exprime des réserves identiques à celles détaillées par notre collègue Marianne Maximi. Sur la forme, la proposition de loi qui nous est présentée semble avoir été concoctée dans ses moindres détails par le ministère de l'économie et des finances. On pourrait l'accepter, si cela ne nous privait pas d'une indispensable étude d'impact, qui manque cruellement pour évaluer notamment les effets de l'introduction des droits de vote multiples ou ceux des augmentations de capital sans droit préférentiel de souscription, deux dispositions qui risquent de déstabiliser les structures actionnariales en place. Il aurait fallu un cycle d'auditions supplémentaires pour travailler correctement ce texte. Dépourvus d'étude d'impact, nous n'avons eu le temps d'échanger, en commission, sur les réserves exprimées par l'AMF. Les conditions n'étant pas réunies pour un examen de qualité de ce texte, nous soutiendrons la motion de rejet.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 164
Nombre de suffrages exprimés 164
Majorité absolue 83
Pour l'adoption 46
Contre 118
La motion de rejet préalable n'est pas adoptée.
M. Daniel Labaronne s'est déjà montré plus pertinent. D'un côté, la ministre explique que la proposition de loi va avoir des conséquences importantes, sans que nous disposions d'une étude d'impact. De l'autre, nous recevons de l'AMF des remarques qu'elle n'a pas pu faire puisqu'elle n'a pas été auditionnée – nous n'avons pas eu le temps –, alors qu'elle le demandait. Si je ne lui avais pas demandé de nous transmettre ce courrier afin d'éclairer nos décisions, je n'aurais pas été dans mon rôle !
Mmes Karen Erodi et Christine Arrighi, ainsi que MM. Philippe Brun et Jean-Philippe Nilor applaudissent.
L'intervention de Mme Maximi à la tribune était éclairante : nous n'avons pas discuté d'une motion de rejet préalable du texte, mais d'une motion de rejet préalable de l'idée même de débat parlementaire ! Ces motions sont systématiques !
MM. Mathieu Lefèvre et David Valence applaudissent. – Exclamations prolongées sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Chaque fois qu'un texte est déposé, vous voulez en suspendre la discussion ! Nous avons pourtant discuté en commission, des avis ont été exprimés. Tout le monde n'était pas d'accord, mais le débat fut riche, et il promet de l'être à nouveau dans l'hémicycle. Vous n'aimez pas débattre : pour un groupe politique prétendument « parlementaire », c'est l'hôpital qui se moque de la charité !
Au-delà de l'obsession de La France insoumise, qui cherche systématiquement à écarter tout débat parlementaire et qui voudrait déshabiller totalement le Parlement et l'Assemblée nationale,…
…je veux remercier le président Coquerel d'avoir sollicité par écrit l'avis de l'AMF.
La lettre de réponse de la présidente de l'autorité, Mme Marie Anne Barbat-Layani, apporte en effet au débat des éléments complémentaires,…
…dont nous pourrons heureusement discuter puisque la motion de rejet préalable n'a pas été adoptée.
Même si ces éléments étaient déjà présents dans le rapport du HCJP auquel contribuent l'AMF, l'ACPR et la Banque de France, ce courrier de l'AMF est bienvenu, et j'en suis ravi. Je remarque cependant que dans la première phrase de la lettre, l'AMF dit avoir eu, ces derniers mois, l'occasion de contribuer aux réflexions portant sur le financement des entreprises ; elle dit aussi soutenir la disposition principale du texte.
Ensuite, nous devons faire preuve d'une plus grande transparence vis-à-vis de cette auguste chambre. Monsieur le président Coquerel, vous avez fait référence à un courrier de l'AMF évoquant des amendements déposés par mes soins, qui ont été jugés irrecevables au titre de l'article 45 et qui portaient, en l'occurrence, sur les compétences de ladite AMF. J'aimerais que vous partagiez les réponses apportées par l'AMF au sujet de ces amendements, car je continue de croire en leur pertinence – j'ai le droit d'y croire en tant que législateur ! Ce n'est pas à l'AMF, autorité indépendante chargée de réguler les marchés, d'informer tel député de son opposition à certaines dispositions législatives, sans les partager avec l'ensemble des députés !
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.
J'ai en effet déposé un amendement sur la définition des règles de marché et le rôle de l'AMF, qui a été jugé irrecevable. Je veux connaître la position de l'AMF à ce sujet. Nous n'aurons malheureusement pas l'occasion de débattre de cet amendement qui me tient à cœur, mais l'Assemblée doit être parfaitement informée : l'AMF n'a visiblement pas été convaincue par tous nos arbitrages, mais n'est-ce pas la volonté du législateur qui doit prévaloir ? Ce n'est pas au régulateur de définir le cadre des régulations !
« Eh oui ! » et sourires sur plusieurs bancs du groupe RE.
Je me réjouis que nous puissions examiner l'un après l'autre les éléments de ce texte et notamment ceux qui restent encore flous, monsieur Charles de Courson. J'ai choisi des seuils différents de ceux que préconisent l'AMF ou le HCJP…
Quel crime !
Libre à moi de le faire ! Libre à vous de voter contre ! Le régulateur, en revanche, n'est certainement pas libre de s'autodéfinir ! Je remercie de nouveau le président de la commission des finances : je suis impatient de débattre pied à pied de chaque argument et de chaque mot contenu dans cette lettre.
Je voulais juste préciser que les amendements de mon collègue Holroyd ont été jugés irrecevables par la présidente de l'Assemblée. Je n'ai pas été consulté.
La France doit fournir à nos TPE (très petites entreprises), PME, ETI et start-up un environnement propice à l'investissement, à l'innovation et à la compétitivité, pour qu'elles puissent véritablement prospérer. C'est avant tout une question de souveraineté.
Depuis 2017, l'action de notre majorité a fait de la France la nation la plus attractive pour les investissements directs étrangers en Europe, et ce pour la quatrième année consécutive.
Nous avons su saisir l'occasion du Brexit pour attirer à Paris les plus grands établissements financiers de la planète, et nous devons nous en féliciter. Grâce à la loi Pacte, nous avons donné un coup d'accélérateur à la croissance de nos entreprises – et vous y avez fortement contribué, madame la ministre, ce dont nous vous remercions
M. Paul Midy applaudit
–, à chacune des étapes de leur développement : de leur création à leur transmission, en passant par leur financement.
Nous devons amplifier ces efforts – et concevoir peut-être une loi Pacte 2 consacrée au financement des entreprises – pour renforcer l'attractivité financière de la France au service du financement de notre économie.
Ces efforts ont déjà porté leurs fruits et bénéficié aux Français puisque, entre 2017 et 2022, plus de 7 000 emplois directs ont été créés dans différents secteurs d'activité liés à l'industrie financière – dont font d'ailleurs partie un certain nombre d'entreprises de ma circonscription –, auxquels s'ajoutent la création d'emplois indirects et d'importantes recettes fiscales supplémentaires. Si nous avons su être une place attractive dans le contexte du Brexit, nous devons aller plus loin, plus vite, plus fort, en poursuivant nos efforts.
Nous devons continuer d'agir avec détermination et audace en faveur des TPE, PME, ETI et start-up, qui sont les moteurs de notre économie. Tel est précisément l'objet de la proposition de loi – et je remercie notre rapporteur pour son initiative – que nous avons adoptée en commission des finances, après un débat riche…
…intéressant, soutenu, au cours duquel nous avons examiné 121 amendements, dont la moitié ont été adoptés. Grâce à ce texte, nous allons simplifier le financement de nos entreprises, soutenir l'innovation et renforcer l'attractivité de notre pays par l'investissement, ce qui aura pour effet de développer la croissance économique,…
…le nombre des emplois et les recettes fiscales. Cette perspective devrait vous ravir, cher collègue !
Cette proposition de loi nous offre la chance de renforcer la compétitivité de notre économie, en particulier en matière de financement du développement des entreprises. En effet, de nombreux chefs d'entreprises – que vous rencontrez, comme nous –…
…nous ont fait part de leurs difficultés à obtenir un financement adéquat de leur croissance, les banques étant parfois un peu frileuses.
Cependant, ils hésitent à se tourner vers les marchés financiers, de peur de perdre le contrôle de leur entreprise. Nous avons entendu leurs préoccupations légitimes ; cette proposition de loi y répondra. Elle vise en effet à créer les conditions nécessaires à la croissance de nos PME, à simplifier les procédures de financement et celles des échanges commerciaux internationaux, à favoriser les occasions d'investissement des épargnants français et à dématérialiser les outils de financement des échanges internationaux.
Le groupe Renaissance votera donc pour cette proposition de loi, qui provoquera un véritable choc de compétitivité au service de nos TPE, PME, ETI et start-up, lesquelles représentent 98 % du parc des entreprises françaises, sont présentes partout dans nos circonscriptions et sont gérées par des chefs d'entreprise qui attendent de cette loi les moyens financiers d'assurer leur croissance, leurs innovations et leurs investissements, au service de notre pays !
Applaudissements sur les bancs du groupe RE.
Selon l'orateur précédent, tout va bien, madame la marquise – ou plutôt monsieur Labaronne !
Exclamations sur les bancs du groupe RE.
Sourires.
Permettez-moi d'exprimer une opinion opposée.
L'attractivité de la France et de nos entreprises est un enjeu majeur dans la situation économique actuelle, très dégradée, de notre pays, situation qui est le produit de sept ans de macronisme et de décennies de gestion de notre pays par le désormais célèbre arc républicain, qui, de la NUPES à LR, n'a toujours fait que tirer des flèches contre sa propre nation.
Si nous partageons le constat selon lequel nos petites et moyennes entreprises manquent d'un accès au financement, nous sommes, en revanche, beaucoup plus prudents quant aux solutions. Alors que vous ouvrez le financement des entreprises françaises à une forme de dérégulation sans garde-fous, nous souhaitons, au Rassemblement national, borner les leviers et donner la priorité à une forme de patriotisme financier.
Au reste, rappelons que l'attractivité de la France dépend aussi de la sécurité des personnes. Or le réseau des conseillers du commerce extérieur révèle que l'indice d'attractivité de notre pays baisse régulièrement et qu'il a atteint son niveau le plus bas depuis 2017,…
…principalement en raison d'inquiétudes liées à la sécurité des personnes. De fait, votre laxisme conduit à un contexte d'insécurité générale si grand qu'il affecte même l'attractivité de notre pays. Or cette question n'est pas abordée dans ce texte relatif à l'attractivité. Une fois de plus, vous n'allez pas au bout des choses !
Mais revenons au seul sujet qui vous intéresse ici : la finance.
Rappelons que le rapport à l'argent est différent selon que vous jouez dans la cour de l'économie réelle ou dans celle de la finance pure. Pour l'entreprise, l'argent est un moyen – d'investir, d'embaucher, d'innover ; pour le secteur de la finance, il est une fin : son objectif est bien de gagner de l'argent avec de l'argent.
Dès lors, l'objectif du Rassemblement national a toujours été le même, pour la France et, en l'espèce, pour nos PME : maintenir, récupérer et conserver notre souveraineté. Nous regrettons que vous ne vous soyez pas inspiré de la proposition de Marine Le Pen
Exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES
de créer un fonds souverain français, pour augmenter la rémunération de l'épargne des Français et orienter celle-ci vers des secteurs stratégiques, qui participent de l'attractivité de notre pays et de l'innovation.
Vous avez opté pour l'ouverture aux PME de la cotation en bourse au travers d'actions dites de préférence. Vous choisissez également de permettre aux fonds communs de placement à risques (FCPR) d'accompagner les entreprises cotées jusqu'à une capitalisation boursière de 500 millions d'euros, contre 150 millions à ce jour.
Comme nous l'avons déjà dit en commission, nous ne sommes pas fermés à l'idée d'ouvrir aux PME l'accès aux actions de préférence. Toutefois, cela ne peut pas se faire de manière totalement dérégulée, en les exposant à des risques importants.
Le financement d'une entreprise doit être pensé de manière concentrique : il doit provenir d'abord de la famille, puis des salariés, d'investisseurs régionaux, nationaux, européens et, enfin, internationaux, en dernier recours – le tout en offrant un service de conseil, rattaché à l'Autorité des marchés financiers, aux patrons de PME, qui ne sont pas des professionnels des marchés financiers et pourraient prendre des risques trop importants.
L'objectif est clair et relève du bon sens : si une PME doit lever des fonds pour investir, qui est le mieux placé pour les lui fournir, sinon le cercle familial ou celui de l'entreprise, qui ont en tête l'intérêt de son développement ? Dans cette configuration vertueuse, la PME peut financer ses projets sans perdre sa souveraineté ; elle renforce, ce faisant, l'implication des salariés dans son devenir, tout en leur offrant la possibilité de compléter leurs revenus.
Cela s'appelle l'intéressement et la participation : cela existe déjà !
Telle est la vision qu'a le Rassemblement national d'un fonctionnement idéal. Quant à vous, vous préférez laisser, de manière délibérée, nos entreprises vendre leur souveraineté à des financiers du bout du monde plutôt que de choisir la première option, pourtant gagnant-gagnant.
Par ailleurs, vous proposez de multiplier par cinq le plafond d'accompagnement des entreprises cotées par les FCPR. Or cette mesure va poser deux problèmes. D'abord, elle augmente le risque financier pour les fonds communs de placement (FCP), en créant un déséquilibre entre la recherche de rendements plus élevés et la préservation du capital des investisseurs. Ensuite, étant liée à une niche fiscale, elle va réduire les recettes de l'État, dont vous avez déjà mis les finances à genoux, et contrevient donc à l'article 40.
Enfin, et pour conclure, cette proposition de loi, certes technique mais aux conséquences potentiellement importantes, pâtit de l'absence d'un élément crucial : une étude d'impact sérieuse. L'investissement de nos PME, leur souveraineté et l'attractivité du pays méritent tellement mieux qu'une loi créée par-dessus la jambe et dépourvue d'une étude d'impact qui mesure ses conséquences pour le tissu économique et analyse sa recevabilité.
Pour ces différentes raisons, le groupe Rassemblement national réserve son vote, qui dépendra de l'évolution des débats. Nous sommes, pour l'instant, plutôt opposés au texte, mais nous espérons que la Macronie, qui brandit le débat comme un totem d'immunité, sera ouverte à la discussion, nous écoutera et votera pour les amendements de bon sens.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
« Nous avons maintenant le monde à conquérir ! » C'est par ces mots que le président Emmanuel Macron a conclu ses vœux d'anniversaire à Euronext, le 20 mars dernier.
Voilà le nouveau Chief Executive Officer (CEO) de la place financière parisienne. Banquier d'affaires un jour, banquier d'affaires toujours !
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Nous sommes donc convoqués pour exaucer les vœux du premier financial president. Que veut-il ? Aller plus loin dans la simplification, accélérer les efforts pour « favoriser un continuum de financement » entre « coté et non coté » et permettre aux start-up de compter sur des marchés européens liquides. Mais pourquoi tout cela ? Pourquoi, se demandent les Français ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
De fait, cette proposition de loi s'inscrit parfaitement dans le projet macroniste. Vous avez concocté un texte à la demande des lobbys de la finance. Du reste, l'une de ses mesures les plus emblématiques ne vise-t-elle pas à rendre le licenciement des banquiers et des traders plus aisé et moins coûteux, comme plusieurs grandes banques étrangères l'ont demandé à Bercy ?
Mais que serait une loi macroniste sans des attaques contre le code du travail ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
En tout cas, cela en dit long sur le sort que vous réservez aux travailleurs des PME et ETI, qui seront les pions de vos jeux de boursicoteurs.
Friands de la langue de bois et de l'antiphrase, vous affirmez que ce texte facilitera l'accès des PME et des ETI françaises au financement et qu'il évitera que certaines d'entre elles n'aillent se coter sur les places boursières étrangères. La réalité, c'est que celles qui ont besoin de financer leurs investissements trouvent souvent une solution bancaire dans notre pays.
Venez le leur dire dans mon bureau !
Ainsi, l'Insee précise qu'en 2020, l'accès au crédit d'investissement se situe à un niveau élevé, puisque 98 % des PME obtiennent entre 75 % et 100 % des crédits demandés.
Il ajoute même : « L'autocensure paraît marginale avec seulement moins de 1 % des PME qui indiquent ne pas demander de crédit de trésorerie ou d'investissement en raison d'une crainte d'un refus du banquier. »
Je vous le dis clairement : votre texte n'a aucune des vertus dont vous le parez. Il vise uniquement à financiariser l'économie productive française et à placer sous la tutelle des marchés des PME et des ETI qui doivent, au contraire, être tenues loin de ces logiques. Nous ne sommes pas d'accord pour que les sociétés qui interviennent dans le secteur du grand âge ou celui de la petite enfance, par exemple, soient soumises à des logiques boursières, qui conduisent, dans ces secteurs, à la maltraitance des salariés et des usagers.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Ainsi cette loi augmentera-t-elle les risques pour tout le monde sans relever le défi de l'investissement, notamment dans la transition écologique.
Un premier risque concerne le contrôle de ces entreprises, notamment à cause de l'article 1er , puisque les actions à droits de vote multiples pourraient déstabiliser leur gouvernance. Vous n'y introduisez même pas les règles, pourtant élémentaires, que le Haut Comité juridique de la place financière de Paris recommandait en 2022, comme celles relatives à la qualité du souscripteur – le fondateur, l'exclusion d'un fonds étranger, par exemple, qui fera l'objet d'un amendement – ou à la détention par le bénéficiaire d'une quotité minimale du capital social qu'on pourrait fixer à 20 % au moins.
Autre risque : le principal intérêt des fonds communs de placement à risques est qu'ils financent l'économie réelle et investissent dans des PME-PMI non cotées et plutôt en phase d'amorçage. C'est, du reste, ce qui justifie l'avantage fiscal sur les plus-values – d'où l'impact fiscal de la loi, qu'il faudra mesurer. Or, en portant le plafond de capitalisation de 150 à 500 millions d'euros, l'article 2 va renforcer la financiarisation des FCPR, ce qui va à l'encontre de leur objectif initial.
Faute de temps, je ne développerai pas le troisième risque, mais j'y reviendrai ultérieurement, mais vous voulez faciliter la publicité pour les placements boursiers et prétendez attirer l'épargne des Français, qui viendrait ainsi grossir la bulle financière. Si l'État veut mobiliser cette épargne, il peut appliquer de bonnes vieilles recettes qui fonctionnent très bien : l'épargne réglementée, en laquelle les Français ont confiance pour financer la transition écologique, le logement social et les entreprises à mission, par exemple.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Il y a des alternatives à votre monde de la finance. Il faut séparer le monde de la spéculation du monde réel, et non les fusionner ! L'urgence est de définanciariser l'économie et d'aider les PME et les ETI à protéger les emplois, les savoir-faire et les innovations de la prédation du marché financier. Investir dans l'économie, oui, mais en respectant des conditions sociales, fiscales et écologiques, pas aux conditions du marché !
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Tout d'abord, je regrette que ce texte ait pris la forme d'une proposition de loi et non d'un projet de loi, comme le ministre de l'économie Bruno Le Maire l'avait pourtant annoncé en janvier.
Cette méthode est regrettable, car elle ne permet de bénéficier ni d'une étude d'impact ni de l'avis précieux du Conseil d'État. Je remercie le président de la commission des finances d'avoir sollicité les observations de l'AMF et de nous les avoir communiquées. Accroître les capacités de financement des entreprises depuis la France, en particulier sur les marchés financiers, et faciliter les introductions en Bourse sont des sujets qui devraient tous nous réunir. Les entreprises ne pourront se développer, croître, innover, exporter et investir sans recourir à des financements.
Si ce texte prend en compte l'enjeu de la compétition mondiale, des garde-fous doivent être instaurés. Je pense notamment à deux mesures : l'introduction, dans le droit français des sociétés cotées, d'actions à droits de vote multiples ; la simplification des augmentations de capital, sans droit préférentiel de souscription. Je soutiens la première mesure, sous réserve d'ajustements dans ses modalités de durée et de nombre. S'agissant de la seconde, il convient d'analyser le risque que représenterait une décote sans limite, dans le cas d'une augmentation de capital jusqu'à 30 %. Il paraît légitime de s'interroger sur les effets du plafond que propose le texte, qui plus est en l'absence d'étude d'impact. Ce sera l'intérêt du débat en séance.
Par ailleurs, il est fort regrettable que des amendements déposés à l'initiative de députés Les Républicains, relatifs au prêt garanti par l'État (PGE) instauré en 2020 pour permettre aux entreprises françaises de maintenir leur outil de production dans le contexte de la crise sanitaire, aient été déclarés irrecevables et ne puissent donc être examinés. Pourtant, l'allongement de deux années supplémentaires de la durée de remboursement des PGE en cours, par exemple, constituait une mesure pleine de bon sens ; j'appelle votre attention, madame la ministre, sur cette demande formulée par un grand nombre d'entreprises.
Monsieur le rapporteur, vous auriez pu intégrer d'autres mesures dans ce texte relatif au financement des entreprises : flécher l'épargne des Français vers les sociétés cotées, ou rendre le plan d'épargne en actions destiné au financement des petites et moyennes entreprises et des entreprises de taille intermédiaire (PEA-PME) plus attractif, en simplifiant le critère d'éligibilité. J'avais déposé des amendements en ce sens, mais certains ont été déclarés irrecevables. Il aurait pourtant été bienvenu de simplifier et d'augmenter le seuil de capitalisation des sociétés éligibles, et de créer une incitation forte au financement des PME et des ETI en allégeant le régime fiscal s'appliquant au décès du titulaire d'un PEA-PME, ou en exonérant des droits de mutation à titre gratuit, dans le cas d'une donation entre vifs, les sommes issues d'un tel plan d'épargne.
À la lecture du texte, il apparaît clairement que la volonté du rapporteur et de la majorité est de gâter les acteurs de la place financière de Paris, les banquiers d'affaires et les investisseurs institutionnels. Cependant, face au dérapage sans précédent des comptes publics, l'image de la France et sa crédibilité auprès de la communauté financière internationale auront bien du mal à être redorées si des efforts substantiels ne viennent pas s'ajouter à cette proposition de loi.
Je veux rappeler la dégradation historique de la balance commerciale de la France – qui manifeste une détérioration de notre compétitivité –, avec un déficit commercial de 100 milliards d'euros en 2023, après un déficit de 163 milliards d'euros en 2022. Par ailleurs, nous regrettons que le texte – dont le périmètre ne semble pas pouvoir être élargi – ne traite pas du financement bancaire.
Pour finir, et malgré les points de divergence évoqués, il convient de reconnaître que les mesures proposées restent attendues par les entreprises concernées, qui ont de plus en plus de mal à se financer sur les marchés et doivent être aidées. Les députés Les Républicains voteront cette proposition de loi qui va dans le bon sens, c'est-à-dire en faveur des entreprises.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LR, ainsi que sur plusieurs bancs du groupe RE et sur quelques bancs du groupe Dem. – M. le rapporteur applaudit également.
La proposition de loi que nous avons à examiner est essentielle pour préparer l'avenir économique de notre pays. En renforçant l'attractivité de notre place financière et en modernisant notre cadre juridique à l'ère du numérique, ce texte offrira, je le crois fermement, un soutien accru à l'innovation et à la croissance des entreprises – de toutes les entreprises, petites et grandes.
Nous faisons face à un monde en complète mutation, où la technologie redéfinit les marchés et où la compétition internationale s'intensifie. En outre, l'avenir économique de notre pays et de l'Union européenne devra relever des défis de financement nombreux et colossaux : transition écologique, vieillissement de la population, réindustrialisation, course à l'intelligence artificielle.
Cette proposition de loi répond précisément à ces enjeux. D'abord, en modernisant le cadre juridique et réglementaire, elle facilitera les entrées en Bourse – notamment des PME et des ETI –, simplifiera les augmentations de capital et favorisera la croissance internationale des entreprises par la dématérialisation des titres transférables.
Ces mesures, essentielles à la dynamisation de notre économie, permettront de libérer le potentiel des entreprises et de consolider la place de Paris comme première place financière de la zone euro.
La numérisation des instances de gouvernance d'entreprise constitue un autre volet crucial de ce texte. En facilitant les procédures et en s'adaptant aux réalités technologiques contemporaines, il favorisera une meilleure participation et une plus grande réactivité des entreprises dans la gestion de leurs affaires.
Notre réponse se doit d'être à la hauteur des enjeux. La dématérialisation des titres transférables et la numérisation des instances de gouvernance initiées dans cette proposition de loi ne sont pas seulement des mesures de modernisation, mais des nécessités pour maintenir notre compétitivité sur la scène mondiale.
Certains argueront que ces mesures, comme l'introduction d'actions à droits de vote multiples, posent des risques de gouvernance. En réalité, c'est tout le contraire : encadrées par des critères stricts qui protègent l'équilibre des pouvoirs au sein des entreprises, elles offrent une protection essentielle aux entrepreneurs et favorisent une vision à long terme, essentielle pour l'innovation et une croissance durable.
D'autres pourraient s'inquiéter de la complexité accrue que ce texte engendrerait. S'il est vrai que l'introduction de nouveaux instruments financiers exige une adaptation, une réponse complexe demeure nécessaire face à un environnement financier lui-même complexe et diversifié – d'autant que plusieurs mesures visent à simplifier et à démocratiser l'accès des PME au capital, tout en encourageant l'épargne des ménages à soutenir directement l'économie réelle.
S'agissant de l'impact environnemental et social de cette proposition de loi, il faut souligner qu'en permettant un financement accru des entreprises, elle stimulera l'innovation dans des secteurs clés tels que la transition écologique et l'intelligence artificielle. Ainsi, même si l'objectif premier de ce texte est financier, son effet sera multiple et positif pour notre société et l'environnement.
M. Nicolas Sansu s'exclame.
Enfin, à ceux qui expriment des doutes quant à la sécurité juridique et quant à l'adoption rapide de ces mesures, je rappellerai que l'harmonisation de nos règles avec les standards internationaux, ainsi que l'instauration de meilleures pratiques, sont au cœur de cette proposition de loi. Cette dernière renforcera la confiance des investisseurs et notre souveraineté économique, en nous permettant de naviguer avec assurance dans les eaux internationales de la finance.
Pour conclure, ce texte constitue l'occasion pour la France de se positionner en leader de l'harmonisation des pratiques financières et de la modernisation juridique à l'échelle européenne et mondiale. Il s'agit d'une étape décisive pour assurer l'avenir financier de notre pays, de ses entreprises, et par extension de l'ensemble de son économie. C'est pourquoi le groupe Démocrate votera en faveur de cette proposition de loi.
Applaudissements sur les bancs du groupe Dem et sur quelques bancs du groupe RE. – M. le rapporteur applaudit également.
Tout d'abord, je tiens à remercier notre collègue Alexandre Holroyd pour son travail précis et technique sur cette proposition de loi visant à accroître le financement des entreprises et l'attractivité de la France.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes RE et Dem.
Le but principal de ce texte est de renforcer l'attractivité de la place financière de Paris. Ses diverses dispositions visent à renforcer les capacités de financement des entreprises depuis la France, notamment des PME et des ETI ; de faciliter le déploiement à l'international des entreprises françaises par la dématérialisation des titres transférables ; ou encore de moderniser et de simplifier le droit français, et de renforcer son attractivité en faveur de l'économie. Cette proposition de loi poursuit la dynamique de modernisation de notre cadre juridique, en levant les obstacles à la croissance des entreprises, et ce à toutes les étapes de leur développement – de leur création à leur transmission, en passant par leur financement.
Dans le contexte particulier de l'après-Brexit, Paris est devenu le premier marché financier européen pour ce qui est de la capitalisation boursière. Ce nouveau statut est évidemment une chance majeure pour la France, avec des effets sur les entreprises, l'économie, l'emploi, et donc la santé de notre pays ; il requiert cependant des adaptations juridiques afin d'être pérennisé et de permettre aux entreprises de saisir pleinement ces nouvelles opportunités.
Tel est l'objectif de cette proposition de loi, qui s'inscrit parfaitement dans la démarche engagée depuis plusieurs années : moderniser le cadre législatif applicable aux entreprises, afin de favoriser le développement du tissu économique et l'attractivité de la France. Avec la loi Pacte de 2019, de nombreuses réponses ont été apportées, et des obstacles à la croissance des entreprises ont été levés. Par la suite, le partage de la valeur a été significativement amélioré par la loi du 29 novembre 2023 portant transposition de l'accord national interprofessionnel relatif au partage de la valeur au sein de l'entreprise.
Ce texte apporte aux entreprises de nouvelles réponses, plus techniques, mais qui seront grandement utiles au renforcement de leur attractivité, ainsi qu'au bon fonctionnement de l'écosystème financier français. Quelques mesures me paraissent significatives à cet égard. Tout d'abord, l'augmentation de 150 à 500 millions d'euros du plafond de capitalisation boursière des entreprises accompagnées par les fonds communs de placements à risque, qui permettra de poursuivre la montée en puissance des capitalisations sans créer de rupture.
Ensuite, grâce à l'autorisation d'actions de préférence à droits de vote multiples, l'introduction en Bourse des entreprises sera facilitée et leurs stratégies de financement gagneront en souplesse. Enfin, il était essentiel de renforcer la numérisation des procédures. Il suffit d'énoncer une partie seulement des mesures contenues dans le texte pour comprendre qu'il ne vise pas seulement à renforcer l'attractivité des entreprises françaises en Europe et à l'international, mais aussi à moderniser et à simplifier les processus et les mécanismes relatifs à leur développement.
Je me réjouis de l'adoption de cette proposition de loi, la semaine dernière, en commission des finances. Ce texte est essentiel pour les entreprises et pour notre pays. Le groupe Horizons et apparentés votera en sa faveur, avec force et conviction.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE. – M. le rapporteur applaudit également.
Aux yeux du groupe Socialistes et apparentés, cette proposition de loi de notre collègue Holroyd…
…apporte une réponse insatisfaisante au vrai problème – que nous connaissons – du sous-financement critique de nos entreprises à forte croissance, et en particulier de nos start-up.
Nous voyons combien la France est en retard vis-à-vis de l'Europe et du monde, qu'il s'agisse des États-Unis ou de la Chine, en matière de financement des actifs technologiques. Considérons l'ampleur des levées de fonds : elles se sont élevées à 8 milliards d'euros en 2023, soit 5 milliards de moins qu'en 2022 et 2 milliards de moins qu'en 2021. Un tel affaissement du financement des entreprises à forte croissance doit amener les pouvoirs publics à se saisir de la question.
Monsieur le rapporteur, madame la ministre, vous auriez pu nous proposer un texte visant à mieux orienter l'épargne des Français vers les PME et ces entreprises à forte croissance.
Il était en effet possible de mobiliser ces 17,4 % de revenu disponible brut qui se trouvent dans les produits d'épargne réglementée des Français et qui constituent une mine d'or pour défendre la croissance d'entreprises françaises.
Vous auriez également pu mieux utiliser les 500 millions d'euros dépensés ces dernières années par la Banque publique d'investissement (BPIFrance) pour favoriser la montée en puissance de nos start-up.
Au fond, cette proposition de loi vise à assouplir certaines règles, mais ces dernières concernent-elles spécifiquement les entreprises à forte croissance ? Je ne le pense pas et je vais m'efforcer de le démontrer.
Premièrement, la mesure phare du texte, qui figure à son article 1er , est l'instauration d'un système de droits de vote multiples pour une seule action, lequel, cela a été dit avant moi, remettrait en cause le principe fondamental selon lequel une action donne droit à une voix. Fidèles à l'article 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, nous sommes attachés à ce principe qui, en consacrant le droit à la propriété, garantit aussi la capacité, pour chaque porteur d'action, d'exprimer librement son avis.
Il n'y a pas de rapport ! On ne va pas avoir la seule Bourse au monde à ne pas le faire !
Nous estimons en outre que ce principe procure une certaine stabilité financière. La chronique économique suffit en effet à prouver que de nombreux chefs de grande entreprise qui se sont retrouvés seuls aux commandes ont conduit leur société à la catastrophe, car ils ne disposaient pas, pour l'éviter, des essentiels contre-pouvoirs exercés par les actionnaires minoritaires. Prenez l'exemple du groupe Casino, dont le président, Jean-Charles Naouri, à force de dilutions et d'un exercice sans doute excessif de ses prérogatives, a été accusé de mauvaise gestion par un grand nombre d'actionnaires et de petits porteurs.
M. Philippe Vigier s'exclame.
Voilà pourquoi nous estimons que le principe « une action, une voix » est important.
Les socialistes ont eux-mêmes défendu et instauré, par la loi du 29 mars 2014 visant à reconquérir l'économie réelle – c'était il y a dix ans –, l'option du droit de vote double pour les actionnaires de long terme. Mais cette possibilité est tout de même différente d'un droit de vote multiplié par vingt-cinq, qui permettrait à quelqu'un qui ne possède que 4 % d'une société cotée d'en exercer le plein contrôle.
Nous estimons donc que l'article 1
M. Daniel Labaronne s'exclame.
Notre deuxième réserve, que nous avons déjà exprimée par le passé, porte sur l'augmentation de 150 millions à 500 millions d'euros du seuil de capitalisation boursière d'une société pouvant être soutenue par les FCPR. Nous craignons qu'une telle augmentation, censée accompagner la croissance des start-up en favorisant leurs levées de fonds, ne produise l'effet inverse de celui attendu par le rapporteur. Des entreprises de plus grande taille pourront en effet bénéficier du dispositif au détriment des start-up, qui seront donc moins financées.
M. Arthur Delaporte applaudit.
Enfin, nous avons aussi des réserves sur le fait que les augmentations de capital auprès d'un cercle restreint d'investisseurs puissent désormais représenter chaque année jusqu'à 30 % du capital social d'une entreprise, contre 20 % actuellement.
Mes chers collègues, regardez la situation des start-up françaises. Sur les vingt-neuf licornes françaises, seules deux ont procédé à une introduction en Bourse.
Ces deux entreprises l'ont fait en France, selon les règles actuelles. Quant aux autres, elles n'ont pas choisi de le faire aux États-Unis.
Parce que nous défendons les petits porteurs, parce que nous défendons la démocratie actionnariale, et parce que nous défendons l'innovation dans notre pays, nous exprimons de fortes réserves sur cette proposition de loi.
Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et Écolo – NUPES.
La présente proposition de loi d'Alexandre Le Maire, ou de Bruno Holroyd, je ne sais plus, n'a rien d'une initiative parlementaire émanant du groupe majoritaire.
…le rapporteur l'a en partie reconnu et c'est d'ailleurs Bruno Le Maire lui-même qui l'avait annoncé en janvier dernier.
Cette manœuvre permet au Gouvernement d'éviter de rédiger une étude d'impact, mais aussi de se soustraire à l'avis du Conseil d'État. Quel mépris du Parlement !
Eu égard au caractère technique des dispositions, nous regrettons une telle manœuvre, qui ne permet pas aux députés de légiférer avec une pleine connaissance des enjeux. Monsieur le rapporteur, vous êtes un porte-voix de mauvais aloi !
Ce qui est certain, c'est que ce texte s'inscrit pleinement dans les canons macronistes. À l'instar de sa grande sœur, la loi Pacte,…
…cette proposition de loi dérégule, financiarise, ne s'adresse qu'à une infime partie des entreprises et favorise la compétition internationale entre les différentes places financières. Elle se révèle donc très éloignée des enjeux du monde économique, que vous semblez bien mal connaître.
Je fais référence à celui des TPE-PME, qui sont davantage alertées par le montant de leurs factures d'énergie ou d'assurance, et par les difficultés d'accès au crédit bancaire, que par les modalités de cotation de leurs titres.
Votre proposition de loi ne parle qu'à un petit monde, composé d'une poignée de start-up, que vous allez néanmoins fragiliser avec les dispositions qu'elle contient.
Même si nous percevons les avantages que peuvent procurer les actions de préférence pour les fondateurs d'une entreprise ,
« Ah ! » sur quelques bancs du groupe RE
nous constatons aussi les menaces qu'un tel outil fera peser s'il se trouve entre les mains d'investisseurs voraces. À ce jeu, c'est le rapport de force qui déterminera qui détient ces actions, et il n'est pas certain que celui-ci soit favorable aux entreprises.
S'agissant des promesses d'action et des dérogations à la souscription préférentielle, force est de constater que ces deux mesures conduiront les entreprises à croître rapidement – sans doute trop rapidement –, tout en fragilisant leur gouvernance. Les risques sont parfaitement identifiables. Comment une entreprise en croissance peut-elle établir une stratégie de développement de long terme lorsque le capital veut un rendement toujours plus important et toujours plus rapide ?
Pour Joseph Stiglitz, prix Nobel d'économie que vous connaissez, la financiarisation signifie que les financiers président aux décisions des directions d'entreprise, donc de l'ensemble de l'économie. Et vous en êtes fiers ! En favorisant la financiarisation de nouvelles entreprises, vous soumettez encore un peu plus l'économie réelle aux règles de la finance : une finance déconnectée des territoires, des secteurs économiques, mais aussi des enjeux écologiques, et qui, par le jeu de la concurrence, crée des vides de financement dans de nombreux domaines jugés insuffisamment lucratifs.
Comment accepter que les entreprises du CAC40 aient versé 97 milliards d'euros de dividendes et de rachats d'actions en 2023 ?
Progressivement, le capital productif est étouffé par la position dominante de la finance au sein des entreprises non financières. Et lorsqu'à la fin du processus, la rentabilité n'est plus au rendez-vous, la variable d'ajustement est presque toujours l'emploi.
Le capitalisme financier n'a pas d'avenir, à plus forte raison dans un contexte où l'enjeu écologique nous oblige à planifier, à appréhender le temps long et à accepter une rentabilité faible, incertaine ou lointaine. À ce titre, l'exercice d'attractivité auquel vous vous livrez pour consolider le premier rang de Paris, depuis le Brexit, au classement des places financières d'Europe semble dénué de toute utilité pour notre économie.
Il satisfera bien sûr l'ensemble des professionnels du secteur, qui ont d'ailleurs été plus que consultés pour la rédaction du texte : je pense aux banquiers d'affaires, aux gérants d'actifs, aux investisseurs institutionnels, à l'opérateur boursier Euronext, aux nombreuses associations professionnelles ou encore à la présidente de l'AMF, qui s'est réjouie de l'arrivée massive de banquiers d'affaires. En revanche, la commission des finances a été laissée de côté alors que, je le répète, elle aurait dû se saisir d'un texte déposé par le Gouvernement.
J'y insiste, la proposition de loi ne permettra en rien d'accroître l'attractivité réelle de notre territoire, qui se fonde sur des éléments plus concrets et palpables, c'est-à-dire sur des travailleurs qualifiés, des infrastructures de qualité et un système de protection sociale développé.
Financé par qui ?
Faire de Paris une grande place financière ne constitue pas, selon nous, un objectif de politique publique utile économiquement et socialement. La financiarisation sur laquelle vous vous appuyez pour atteindre cet objectif fait, au contraire, peser un risque sur nos entreprises et, de manière plus générale, sur l'économie réelle. En agissant de la sorte, vous participez à la déshumanisation des relations économiques et financières.
Vous vous trompez, monsieur le rapporteur, madame la ministre ! Et je vous invite toutes et tous à vous plonger dans L'Orgie capitaliste, le formidable livre d'entretiens entre Adrien Rivierre et Marc Dugain.
M. Benjamin Lucas-Lundy applaudit.
Oui, il est temps de changer de modèle. Le groupe GDR – NUPES s'opposera fermement à ce texte et défendra des amendements visant à supprimer ses dispositions les plus néfastes.
Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et Écolo – NUPES, ainsi que sur quelques bancs du groupe GDR – NUPES.
Avant d'aborder le fond de la proposition de loi, je souhaite revenir sur la forme. Le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique avait annoncé en début d'année un texte relatif à l'attractivité. Nous nous retrouvons avec une proposition de loi fourre-tout, très technique et manifestement rédigée – ou corédigée – par Bercy.
Compte tenu de l'implication de Bercy, pourquoi nous soumettre une proposition de loi ? Difficile de trouver une autre raison, pour le Gouvernement, que d'éviter une étude d'impact et un avis du Conseil d'État.
Alors que l'inintelligibilité de la loi est souvent reprochée, une telle méthode fait sourire. Elle est en tout cas peu respectueuse du Parlement.
Au-delà de ce constat d'un projet de loi déguisé et d'une volonté claire de réduire l'information du Parlement, j'évoquerai plusieurs points.
S'agissant de l'article 1er , les actions de préférence ne sont pas une mauvaise chose en soi.
En revanche, le ratio maximal entre la quantité de droits de vote et le capital détenu est bien trop élevé,…
…un coefficient de vingt-cinq ayant été retenu. Ainsi, un actionnaire qui détiendrait 4 % du capital pourrait disposer de la majorité des droits de vote, à hauteur de 53 % !
Si, monsieur le rapporteur. Si vous multipliez 4 par 25, cela fait 100. Si vous additionnez 100 et 96, cela donne 196. Et si vous divisez 100 par 196, cela équivaut à 53 %, cher ami.
L'Autorité des marchés financiers considère d'ailleurs qu'il serait opportun de définir un ratio maximal plus faible, de l'ordre de 10 – un chiffre qui a également été jugé plus cohérent par le Haut Comité juridique de la place financière de Paris dans son rapport du 15 septembre 2022. Le groupe Libertés, indépendants, outre-mer et territoires soutiendra un amendement en ce sens. J'ai noté, monsieur le rapporteur, que vous étiez ouvert à une réduction de ce ratio, mais il faudrait également limiter aux seuls fondateurs et dirigeants le bénéfice de ces actions de préférence.
S'agissant de l'article 2, nous sommes particulièrement opposés à sa rédaction actuelle, qui change l'objet même des fonds communs de placement à risque. En commission, monsieur le rapporteur, vous avez soutenu que cet article limitera les effets de seuil, qui obligent actuellement les FCPR à liquider leur position. S'il s'agit réellement de votre opinion, vous soutiendrez l'amendement que nous avons déposé à ce sujet. Dans le cas contraire, cela signifiera que votre argumentation n'était qu'un moyen de cacher le véritable objectif de cet article, à savoir la financiarisation du dispositif.
M. Antoine Léaument applaudit.
J'aimerais également profiter de nos débats pour évoquer les fonds d'investissement de proximité (FIP), car il est nécessaire d'évaluer leur pertinence au regard de leurs résultats. Plusieurs remontées de terrain font état d'instruments particulièrement spéculatifs entraînant des pertes importantes en capital pour les particuliers. Or l'État n'est pas neutre dans ce domaine, étant donné que la dépense fiscale annuelle les concernant oscille entre 25 et 30 millions d'euros.
Devons-nous soutenir publiquement des placements dans des FlP dont aucun n'a eu un rendement positif ? Une demande de rapport serait la bienvenue avant le vote de la loi de finances initiale pour 2025.
Nous sommes réservés sur l'article 3. Les limites à l'augmentation du capital doivent être levées, c'est certain. Mais il faut respecter les actionnaires minoritaires, c'est pourquoi nous vous proposerons un amendement en ce sens.
Je cite à nouveau la lettre de l'AMF : « la proposition de loi, qui supprime le renvoi au décret en Conseil d'État après consultation de l'AMF pour définir les modalités de fixation du prix, supprime toute exigence de décote maximale en la matière. Les actionnaires existants pourront ainsi être dilués de manière significative, avec un niveau de décote potentiellement important par rapport au cours de Bourse. »
S'agissant de l'article 5, nous sommes défavorables à l'ouverture de la publicité de la part des Bourses non européennes auprès des particuliers français. Pourquoi étendre le dispositif au-delà de l'Espace économique européen ?
En ce qui concerne les autres dispositions, nous soutenons sans réserve la numérisation des assemblées générales d'actionnaires, qui modernise le droit des sociétés et contribue à la défense des actionnaires minoritaires.
Nous sommes aussi favorables à l'équivalence entre support électronique et support papier des titres transférables. Il faudra veiller à ce que le décret d'application prévoie toutes les garanties pour que les titres électroniques soient au moins aussi sûrs que les titres papier actuels.
Le groupe LIOT réserve son vote, qui sera lié à vos réponses et au sort de nos amendements.
Applaudissements sur les bancs du groupe LIOT.
Avec cette proposition de loi visant à accroître le financement des entreprises et l'attractivité de la France, la minorité présidentielle affiche une ambition claire : faire de Paris une place financière de premier plan.
Disons-le d'emblée, ce n'est pas le projet que nous avons pour l'économie française.
Cela ne correspond pas à notre vision de l'entreprise et du développement économique.
Avec ce texte, vous proposez surtout de renforcer la financiarisation de notre économie,…
…en favorisant le recours aux marchés financiers comme levier de financement des ETI, en particulier des licornes. Cette option est à rebours du projet des écologistes.
Le capitalisme financier, c'est le profit à court terme contre l'investissement à long terme ; c'est la primauté aux intérêts des actionnaires, face à ceux des salariés ; c'est l'appropriation des fruits de la croissance par quelques-uns, actionnaires ou acteurs du secteur financier, au détriment de l'ensemble de la société.
Les études de l'OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques) ont clairement établi les conséquences néfastes de la financiarisation sur l'accroissement des inégalités.
Le capitalisme financier, enfin, c'est la réduction de l'entreprise à un actif financier, reléguant au second plan tout projet industriel, tout progrès collectif et tout effort de lutte contre le dérèglement climatique.
Pourtant, l'entreprise, c'est et ce doit être plus encore, le lieu d'un projet commun, partagé, qui redonne du sens au travail et à l'activité économique, et qui prenne en compte les préoccupations sociales et environnementales.
Nous ne soutiendrons donc pas un texte qui vise à accroître la financiarisation de notre économie, là où il faudrait au contraire bâtir une économie robuste, sur trois piliers : le renforcement du poids des salariés dans la gouvernance d'entreprise, pour mettre en place une cogestion sur le modèle allemand ; la responsabilisation des entreprises sur leur impact social et environnemental, en particulier leur responsabilité dans le dérèglement climatique ; la reconnaissance du caractère pluriel de notre économie, et donc de la place de l'économie sociale et solidaire (ESS), au-delà du couple État-marché.
L'économie, ce n'est pas d'un côté le secteur public et, de l'autre, les sociétés privées : c'est aussi l'ESS, qui représente 10 % des emplois en France. Ces 2,4 millions de salariés, créateurs de sens, créent aussi de la richesse. Ils ont toute leur place dans notre économie et sont appelés à en avoir plus encore – l'ESS a créé plus de 80 000 emplois en deux ans.
C'est pourquoi nous nous félicitons de l'adoption en commission de notre amendement facilitant l'accès au financement des sociétés coopératives de production (Scop) sous forme de titres participatifs.
Que prévoit le texte ? Tout d'abord, il vise à développer les actions de préférence, c'est-à-dire les droits de vote multiples, pour inciter les fondateurs d'entreprise – en particulier ceux des licornes – à réaliser des augmentations de capital, tout en conservant le contrôle.
Nous vous proposerons de limiter cette possibilité aux seuls salariés, et surtout d'en exclure l'application aux votes sur les rémunérations des dirigeants.
Nous plaidons également pour que le Say on climate, c'est-à-dire les résolutions soumises aux votes des assemblées générales sur les politiques climatiques des entreprises cotées, devienne une obligation. Nous avons été particulièrement surpris qu'en commission, à l'inverse de son vote sur le projet de loi relatif à l'industrie verte, et contrairement aux recommandations du rapporteur, le groupe Renaissance vote contre cet amendement alors qu'il prétend défendre la transition écologique.
Vous proposez d'élargir les possibilités d'augmentation de capital sans droit préférentiel de souscription, c'est-à-dire sans laisser de priorité aux actionnaires déjà en place. Cela risque de renforcer la dispersion de l'actionnariat et la domination des marchés financiers, et de rendre plus instable la structure actionnariale. Il aurait fallu en évaluer l'impact sur la gouvernance des entreprises.
Nous regrettons d'ailleurs qu'aucune étude d'impact n'accompagne ce texte. Bien que préparé par Bercy, il nous est soumis, étonnamment, sous la forme d'une proposition de loi. N'est-ce pas une façon pour le Gouvernement de contourner l'obligation d'étude d'impact qui accompagne tout projet de loi ?
Enfin, pour conclure, je regrette qu'en cette période où la priorité devrait être au pouvoir d'achat, au renforcement des services publics et à la transition écologique, les efforts de Bercy se concentrent sur le développement des marchés financiers. Cela ne réglera en rien les problèmes de nos concitoyens et risque au contraire de dégrader le quotidien de milliers de salariés, soumis à une pression financière accrue dans leur entreprise.
Les écologistes croient à un développement économique juste, robuste, humain et respectant les limites planétaires. Ils ne soutiendront pas un texte qui relève d'une vision néolibérale et dépassée du capitalisme.
Applaudissements sur les bancs des groupes Écolo – NUPES, SOC et GDR – NUPES.
J'appelle maintenant, dans le texte de la commission, les articles de la proposition de loi.
Lors de la discussion générale, un collègue a estimé que ce texte était technique.
L'examen de cette proposition de loi sera l'occasion d'un débat politique nourri. Le rapporteur et la majorité tiennent à réaffirmer une ambition politique pour l'économie française.
Nous l'assumons : l'économie française a besoin d'un secteur financier fort. Elle a besoin d'une finance forte – la finance n'est pas un gros mot.
Et la finance est puissante en France : elle emploie des centaines de milliers de personnes ; elle est présente dans tous nos territoires. Sans la finance, la France ne pourrait pas tourner.
Notre ambition, présentée par Alexandre Holroyd, est la suite logique des résultats positifs que nous avons obtenus pour l'économie française depuis sept ans : le taux de chômage, réduit à 7 %, était de 10 % quand nous sommes arrivés aux responsabilités.
Protestations sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES.
Forcément, chaque mois vous radiez les demandeurs d'emploi par milliers !
Le bilan des ouvertures et fermetures de sites industriels en France affiche un solde net positif, alors qu'il était négatif en 2017.
La place financière de Paris est devenue la première place financière de l'Union européenne, devant Francfort et Amsterdam.
Et nous venons de chuter à la cinquième place du classement des puissances diplomatiques !
Nous sommes désormais la cinquième place financière mondiale, et en passe de devenir la quatrième, talonnant Tokyo.
Avec cette proposition de loi, nous voulons donner à la place financière française les moyens de devenir l'une des plus puissantes au monde.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.
J'ai effectivement mentionné l'aspect technique de la proposition de loi, mais un texte peut très bien être technique et politique – les deux ne sont pas incompatibles. Et, avec ce texte, vous faites de la politique avec du technique, nous ne dirons pas le contraire !
Vous semblez fiers de votre bilan économique – c'est même le prétexte pour avancer vers la marche supérieure. Mais votre bilan financier, ce sont aussi des records de déficit, 3 100 milliards d'euros de dette publique, une charge de la dette qui sera le premier poste de dépense publique dans les prochaines années. Je n'ai donc pas trop envie de m'engager sur le tapis roulant sur lequel vous êtes montés !
Presque toutes les oppositions s'en inquiètent – nous aussi –, plusieurs éléments de l'article 1
Si la souveraineté de la France passe par une place financière forte, comment également protéger nos entreprises ?
Justement !
Il faut trouver un équilibre – c'est l'objet de nos amendements, mais aussi de ceux de certains collègues d'autres groupes.
Notre vote sur l'article dépendra du sort de ces amendements. J'y insiste, nous ne sommes pas opposés au renforcement de la place financière française, car nos entreprises – notamment nos PME – ont besoin de financements. Mais elles ont aussi besoin d'être protégées. Vous brandissez très régulièrement la souveraineté en étendard. C'est le moment de démontrer vos ambitions en la matière.
Je tiens à faire valoir les réserves de mon groupe sur l'article 1er . Nous estimons qu'il passe à côté de l'objectif que lui ont assigné le rapporteur et le Gouvernement. Jeff Bezos, Steve Jobs ou les autres fondateurs des plus importantes start-up américaines ont-ils eu besoin de titres à droit de vote multiple pour financer leurs entreprises ? Non. En France, ni Frédéric Mazzella de Blablacar, ni Xavier Niel, ni les fondateurs de Deezer, entré en Bourse il y a deux ans, ni ceux d'OVHcloud, en Bourse depuis 2021, ne s'en sont servis pour financer leurs entreprises.
Vous prenez un risque en octroyant vingt-cinq droits de vote par action – en l'état du droit, la loi du 29 mars 2014 visant à reconquérir l'économie réelle, dite loi Florange, autorise seulement les droits de vote doubles.
Ce risque, c'est celui d'accroître démesurément l'influence d'un dirigeant dans les grosses entreprises. Ainsi, Patrick Drahi, PDG du groupe Altice, qui n'est plus coté, mais rencontre quelques difficultés pour se financer et réduire sa dette, pourrait être tenté de se saisir de l'article 1
Avec l'article 1er , nous mettons le doigt dans un engrenage particulièrement dangereux, aussi bien pour la stabilité financière de la place parisienne que pour le financement de l'économie.
C'est pourquoi nous exprimons de très fortes réserves sur cet article et demandons au rapporteur de revoir sa position.
Je suis saisie de trois amendements identiques tendant à supprimer l'article, n° 32, 49 et 83.
La parole est à Mme Marianne Maximi, pour soutenir l'amendement n° 32 .
Nous souhaitons effectivement supprimer cet article, véritable fuite en avant sous couvert d'alignement sur les États-Unis ou le Royaume-Uni, alors qu'ils sont beaucoup plus en avance que la France dans la financiarisation de leur économie.
L'article propose une série d'instruments pour inciter les entreprises à se coter en Bourse. Votre solution miracle consisterait donc à tenter de concurrencer les autres places financières en proposant les mêmes instruments – des actions à droits de vote multiples.
Vous nous présentez un joli récit : il s'agirait de protéger le pouvoir des fondateurs des entreprises. Pourtant, le texte ne prévoit pas de réserver le bénéfice de ces titres aux fondateurs, tous types d'actionnaires pouvant y prétendre, y compris les plus gourmands en dividendes.
En outre, pourquoi les fondateurs ou les actionnaires seraient-ils plus légitimes que les salariés pour décider de l'avenir d'une entreprise ?
M. Antoine Léaument applaudit.
Puisque vous nous parlez beaucoup des actionnaires, évoquons les travailleurs – ce sont eux qui font vivre les entreprises !
Applaudissements sur les bancs des groupes Écolo – NUPES, LFI – NUPES et GDR – NUPES.
Avec votre texte, un dirigeant pourrait avoir vingt-cinq fois plus de droits de vote qu'un actionnaire salarié ! Comme l'AMF, nous sommes opposés à cette proposition – en son principe même comme en ce qui concerne la durée de quinze ans prévue par le texte.
Monsieur le rapporteur, en l'absence d'étude d'impact, je veux cependant conclure en vous posant une question sur l'impact de votre proposition de loi : à part Stellantis, avez-vous des exemples d'entreprises qui ont choisi d'entrer en Bourse sur une place de marché étrangère faute de pouvoir mettre en place des droits de vote multiples ?
C'est un amendement d'appel, comme en commission. Nous ne nous opposons pas à l'article 1
…mais êtes-vous prêts, comme vous le répétez partout, à discuter les amendements que nous avons déposés et à en retenir certains ? J'imagine que ce ne sera pas le cas de tous les amendements, car nous ne sommes pas toujours sur la même ligne. Acceptez-vous de négocier avec nous, dans un esprit d'ouverture et de bonne foi, pour instaurer les garde-fous que nous proposons ?
La question posée par les députés NUPES est également intéressante :
M. Benjamin Lucas-Lundy s'exclame
comme nous ne disposons pas d'étude d'impact, pourriez-vous nous donner quelques éléments à ce sujet ?
Je maintiendrai cet amendement d'appel dans un premier temps, car j'aimerais entendre vos éclaircissements. De vos réponses dépendent son retrait et notre position de vote sur les amendements de suppression.
Je suis ravi d'entrer dans le vif du sujet avec cet article, éminemment important.
La première chose à noter, c'est que nous parlons ici d'une possibilité, et non d'une obligation. Est-ce que toutes les entreprises y recourraient, si elle était instaurée ? La réponse est non : ce n'est qu'un outil de plus pour permettre à nos entreprises de se développer, de garder le contrôle de l'outil de production et de maintenir ce contrôle en France.
On compte de nombreux entrepreneurs souhaitant lever des capitaux pour innover, pour recruter, pour conquérir le monde avec tous les talents dont dispose notre pays. Ils veulent y arriver à moindre coût, avec des investisseurs, et la meilleure façon de procéder, c'est de se tourner vers les marchés financiers. Mais ces entrepreneurs veulent aussi continuer à piloter leur projet entrepreneurial. C'est pour cette raison que cette disposition est absolument essentielle.
Monsieur Brun, vous avez évoqué certaines entreprises qui ne recourent pas au droit de vote multiple – c'est vrai ! Si vous faites une recherche sur Google, comme je viens de le faire, vous verrez que de nombreuses entreprises font le choix contraire, comme Airbnb. Chaque entreprise doit être libre de choisir son mode de financement :…
Eh oui !
…donnez-leur la liberté de le faire, ne les restreignez pas ! Je fais plus confiance à nos entrepreneurs pour choisir le mode de financement qui convient à leur entreprise qu'au groupe La France insoumise !
Exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Monsieur Mauvieux, je ne suis pas sûr de bien comprendre la position du groupe Rassemblement national.
Vous avez déposé cinq amendements qui tendent à élargir le dispositif de l'article 1er , notamment dans le temps – et, en parallèle, vous déposez un amendement de suppression !
C'est très surprenant : êtes-vous pour ou contre le dispositif ?
Vous devriez être heureux de voir votre grand principe inspirer le RN !
Par ailleurs, il est quand même paradoxal que vous vous opposiez à un dispositif qui assure la souveraineté de nos entreprises !
Exclamations sur les bancs du groupe RN. – Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.
L'article protège nos entrepreneurs contre les fonds vautours que vous évoquez ! Le Rassemblement national, qui se veut le chantre du patriotisme ,
Exclamations sur les bancs du groupe RN
abandonne en rase campagne les entrepreneurs français quand il s'agit de les aider à se financer – c'est absolument remarquable !
Vous êtes pathétique : le pays est plongé dans 3 milliards de dette par votre faute, et vous nous donnez des leçons de morale ! Vous faites quoi pour les entreprises ?
Monsieur le président Courson, vous ne vous êtes pas exprimé sur cet article, mais je veux évoquer les différents débats qui vont animer nos discussions dans les heures qui viennent. Dans son courrier, l'AMF a souligné quelques points à propos desquels elle est en désaccord avec ce qui est défendu dans cette proposition de loi. Soulignons d'abord que l'AMF souscrit au principe des droits de vote multiples – d'autant plus qu'ils ont fait l'objet d'un consensus au niveau européen qui a débouché sur l'adoption en 2022 du règlement visant à rendre les marchés des capitaux de l'Union plus attractifs pour les entreprises et à faciliter l'accès des petites et moyennes entreprises aux capitaux, dit Listing Act, qui les a fait entrer dans le droit européen. Dans cet hémicycle, j'entends très souvent des collègues interpeller à juste titre le Gouvernement sur le risque de surtransposition du droit européen : c'est la question qu'il faut se poser ici.
Le premier point de contention avec l'AMF, c'est la séparation entre marchés réglementés et systèmes multilatéraux de négociation. Le règlement européen ne prévoit pas de plafond en matière de marché réglementé – en l'occurrence, ma proposition de loi correspond à l'accord qu'ont conclu les vingt-sept chefs d'État européens et qui a abouti au Listing Act. Ce dernier prévoit en revanche un plafond de multiples s'agissant des systèmes multilatéraux de négociation : je propose à l'Assemblée un plafond de vingt-cinq voix pour une action, mais je sais que ce sujet occupera nos débats.
Je veux le dire ici devant l'Assemblée de la façon la plus claire et la plus transparente…
…possible : s'il n'y avait pas eu l'accord européen, j'aurais proposé de ne pas retenir de plafond.
En effet, quand une entreprise veut lever des fonds et qu'elle propose une adéquation entre ses besoins en capitaux et les droits à la gouvernance dont bénéficieront les investisseurs, ces derniers sont libres d'investir ou non. Par définition, si vous restreignez leurs droits à la gouvernance, ils investiront moins, jusqu'au moment où ils n'investiront plus du tout.
C'est la rencontre entre l'investisseur et l'entrepreneur qui détermine cet équilibre. Nous reviendrons sur cette question à l'occasion d'autres amendements.
Ces amendements sont les premiers d'une longue série d'amendements de suppression que La France insoumise a déposés pour supprimer tous les articles de cette proposition de loi – comme elle le fait sur tous les articles de tous les projets de loi qui passent par cet hémicycle…
Il s'agit pourtant d'une demande de nos entreprises, de nos entrepreneurs, de nos innovateurs :…
Non, c'est un mensonge, ce n'est pas ce dont les entreprises ont besoin !
M. Benoît Mournet applaudit
ne les condamnez pas à l'exil en faisant de la France le seul pays d'Europe qui interdit le droit de vote multiple.
Avis défavorable.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE. – Exclamations prolongées sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Je voudrais ajouter un point ou deux.
Je n'ai pas envie de crier ce soir – qu'ils se taisent ou non, je ne forcerai pas ma voix.
Je peux comprendre vos interrogations quant à la remise en cause…
Brouhaha.
…du principe « une action, une voix ».
Mais rappelons quelques éléments : c'est une majorité socialiste qui a introduit en 2014 les droits de vote doubles après deux années de détention d'une action, par la loi dite Florange.
Exclamations sur plusieurs bancs des groupes LFI – NUPES, SOC, Écolo – NUPES et GDR – NUPES.
Monsieur le député Brun, je vous ai écouté avec attention. Multiple, cela commence à deux : ce sont donc les socialistes qui ont ouvert cette porte. Je comprendrais donc mal que ceux qui ont défendu cette proposition s'y opposent aujourd'hui avec force.
Le produit d'épargne préféré des Français est l'assurance vie : il y a là séparation entre le droit de vote et les avantages financiers.
Exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
On n'attribue pas de droit de vote aux assurés qui investissent dans des unités de compte ! Je n'ai pourtant jamais entendu dire que l'assurance vie remettait en cause les droits des épargnants. De nombreux dispositifs mettent donc à mal le principe « une action, une voix ».
Le rapporteur a rappelé qu'il ne s'agissait que d'une possibilité. Il importe d'ajouter que cet article ne s'appliquera qu'à des entreprises qui s'apprêtent à entrer en Bourse mais qui ne sont pas encore cotées. J'ai écouté la discussion générale avec beaucoup d'attention, notamment les logorrhées sur les entreprises du CAC40 et les grandes entreprises mondiales :
Exclamations prolongées sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES
elles ne sont pourtant pas concernées par le discussion d'aujourd'hui, contrairement aux PME, aux entreprises innovantes…
…de taille réduite qui souhaitent accéder à la Bourse pour devenir des ETI.
On peut quand même entendre, du moins si l'on a envie d'entendre, et que l'on s'intéresse au sort des entreprises, qu'une entreprise jeune, performante, en recherche d'investissements, ait besoin de concilier sa capacité à lever des fonds et le maintien du contrôle du fondateur dirigeant !
Cela semble assez simple à comprendre. Madame la députée Maximi, vous me demandiez des noms d'entreprises françaises qui ont quitté le pays pour entrer en Bourse ailleurs. Criteo, Pluxee, Banijay : voilà des entreprises qui ont choisi une autre place financière que la France pour leur cotation – c'est ce que nous cherchons à éviter.
Vous l'aurez compris, c'est un avis défavorable.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE et HOR.
Les explications du rapporteur ne m'ont pas vraiment rassuré. Les remarques de l'AMF portent principalement sur l'article 1er .
Il ne faut pas s'énerver, monsieur le rapporteur général : laissez-moi parler tranquillement, vous répondrez après, car, tout comme moi, vous avez le droit de vous exprimer ; en attendant, écoutez mes arguments.
Je suis d'accord avec vous : ce n'est pas à l'autorité régulatrice de dicter au législateur ce qu'il doit voter – il en va de même pour toute personne auditionnée.
Mais si elle existe, c'est justement pour réguler les marchés. Elle doit veiller à ce qu'on ne mette pas en péril la sécurité des actionnaires et qu'il ne se passe rien de problématique sur les marchés au nom de la libéralisation. En l'occurrence, elle pense que l'orientation globale est bonne, mais elle émet des réserves sur trois points absolument essentiels de l'article 1er
Vous nous dites que ce dispositif évite que les entreprises se tournent vers d'autres marchés financiers.
L'AMF suggère une durée de sept ans, durée généralement observée sur les marchés étrangers.
Le Haut Comité juridique de la place financière de Paris a d'ailleurs proposé de retenir ce délai plutôt que celui, beaucoup plus long, inscrit dans la proposition de loi. À cet égard, Philippe Brun a eu raison souligner que la solution que vous préconisez va à l'encontre de la règle « une action, une voix ».
Je veux bien entendre vos arguments selon lesquels cette durée serait gage d'efficacité. Toutefois, si nous adoptons cette vision très libérale, on peut craindre d'aboutir à une concentration plus poussée encore des pouvoirs, alors qu'elle est déjà accrue par les modalités de possession des actions.
Deuxièmement, vous insistez sur le fait que ces dispositions contribuent à une certaine souveraineté et permettent aux fondateurs et aux dirigeants de conserver le pouvoir au sein de leurs entreprises. Toutefois, tout cela n'est nullement garanti puisque vous n'avez pas pris soin de dresser une liste des bénéficiaires des actions à droits de vote multiples restreinte à ces deux catégories, ce que l'AMF vous a d'ailleurs reproché. Lors de l'entrée d'une entreprise sur le marché, il se peut fort bien que ce dispositif bénéficie à un actionnaire principal tout sauf français. Non seulement vous ne garantissez pas aux dirigeants et fondateurs de garder la main, mais vous ouvrez la possibilité aux investisseurs étrangers de gagner du pouvoir.
Je ne comprends pas pourquoi vous n'avez pas pris en compte les recommandations de l'AMF, fondées sur un principe de précaution face à un libéralisme dont on sait les désavantages pour le marché même. C'est une chose de vouloir que la place de Paris supplante celle de Londres, c'en est une autre d'adapter nos propres règles au libéralisme anglo-saxon le plus débridé.
M. François Piquemal applaudit.
Je suis saisie de plusieurs demandes de prises de parole. Avant que vous ne fassiez votre rappel au règlement, monsieur Brun, je propose de donner la parole à deux orateurs pour et deux orateurs contre.
Exclamations sur les bancs du groupe RE.
La parole est à M. Paul Midy.
Je voudrais évoquer ces enjeux de manière concrète en prenant l'exemple d'entreprises innovantes figurant parmi les trente licornes françaises qui ont prouvé leur utilité sur le marché.
Back Market contribue à la transition écologique dans le secteur du numérique en développant un marché de la seconde main des téléphones portables.
Mme Sophia Chikirou s'exclame.
EcoVadis aide des milliers d'entreprises à aller vers le zéro carbone à l'horizon 2050. Verkor, en produisant des batteries bas carbone, nous permettra de décarboner les transports et favorisera la réindustrialisation de la France.
Ces entreprises représentent des milliers et des milliers d'emplois industriels, à Dunkerque notamment, madame Chikirou.
Mme Sophia Chikirou s'exclame.
Elles ont besoin de financements élevés pour se développer, ce qui implique pour elles d'être valorisées en Bourse. Il faut donc qu'elles puissent compter sur une place financière parisienne extrêmement forte.
On entend, dans cette assemblée, certains se plaindre à longueur de débats que les géants du numérique soient tous américains. N'oublions pas qu'ils ont bénéficié dans leur pays de places financières très puissantes. Nous devons avoir des Bourses d'un tel niveau en Europe. Paris est la première Bourse du continent en termes de capitalisation. Il importe de la consolider en lui offrant les meilleurs standards. Tel est l'objectif de cet article 1er .
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE et LIOT.
Monsieur le rapporteur, vous nous dites que ce nouvel outil sera une faculté offerte aux entreprises et non pas une obligation. Vous ne pouvez toutefois pas exclure le risque de dérives dans l'utilisation des actions à droits de vote multiples, surtout en période d'euphorie boursière. Je vous pose la question : croyez-vous vraiment que les forces du marché suffiront toujours à assurer une stabilité ? Ne pensez-vous pas qu'il faut poser des garde-fous pour le recours à ce dispositif ?
Ils ne sont pas difficiles à déterminer. Pourquoi ne pas réserver les droits de vote multiples aux fondateurs de l'entreprise ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Pourquoi ne pas exclure les fonds d'investissement étrangers ? Je pense notamment aux fonds souverains de pays comme le Qatar ou Abou Dhabi, en particulier au fonds Mubadala qui, à force de prendre des parts dans les grandes entreprises françaises, en est arrivé à détenir 25 % du capital de certaines d'entre elles. Pourquoi ne pas limiter les droits de vote multiples attachés à chaque action de préférence en retenant un ratio d'un à dix, comme le suggère l'AMF, et non d'un à vingt-cinq comme vous le proposez ?
Pourquoi ne pas revenir sur la durée maximale de détention des actions à droits de vote multiples ? Un délai de sept ans suffirait peut-être au lieu du délai de quinze ans que vous avez retenu. Une autre piste consisterait à limiter à certaines résolutions d'assemblée générale la possibilité d'exercer des droits de vote multiples.
Tous ces garde-fous, qui seraient bien sûr à combiner les uns aux autres, vous refusez de les introduire dans le texte. Pour quelles raisons ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES. – M. Benjamin Lucas-Lundy applaudit également.
Vous préférez laisser aux entreprises toute latitude pour décider, vous écartant des préconisations de l'AMF. Ce faisant, vous ne posez pas les conditions nécessaires pour écarter les risques.
Je vais vous dire une chose, monsieur le rapporteur : vous n'avez pas fait d'étude d'impact et vous avez eu tort ! Vous n'avez pas auditionné suffisamment de personnes et vous avez eu tort ! Ces propositions, ce n'est pas Sophia Chikirou, tout intelligente qu'elle soit, qui les invente ,
Exclamations sur de nombreux bancs
c'est le Haut Comité de la place financière de Paris qui les a émises dans son rapport.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES. – M. Benjamin Lucas-Lundy applaudit également.
Nous n'allons pas soutenir ces amendements de suppression, car nous considérons que l'article 1
Ce dispositif permet à des entreprises moyennes souhaitant s'introduire en Bourse de protéger leurs fondateurs ou un investisseur majeur acceptant de prendre plus de risques que d'autres. Certes, il faut le considérer avec une certaine distance,…
…mais il importe de ne pas fixer trop de règles ; sinon, le recours à ce nouveau vecteur juridique risque de devenir très compliqué. Rappelons que le ratio d'un à vingt-cinq n'est pas obligatoire, pas plus que la durée maximale. Ce sont les fondateurs qui en décideront lors de l'entrée de leur entreprise sur le marché. Les investisseurs connaîtront donc clairement la règle du jeu posée.
Applaudissements sur les bancs du groupe Dem et sur quelques bancs des groupes RE et LIOT.
Sur le fondement de l'article 100 relatif aux règles qui régissent la discussion des amendements. Dans un premier temps, vous avez proposé de donner la parole à un orateur pour et un orateur contre, puis vous avez élargi à deux pour et deux contre. Alors que je me suis inscrit juste après Mme Chikirou, c'est M. Mauvieux qui va intervenir alors qu'il n'avait que la troisième place.
Exclamations sur les bancs du groupe RN.
C'est votre choix, madame la présidente, mais j'aimerais que, dans la suite de nos débats, les prises de parole soient équitablement réparties en fonction de l'ordre d'inscription.
Exclamations sur les bancs des groupes RE et Dem.
J'en prends bonne note, monsieur Brun. Même si c'est un exercice compliqué, je m'efforce d'équilibrer les prises de parole.
La parole est à M. Kévin Mauvieux – et vous aurez, bien évidemment, la possibilité de vous rattraper, monsieur Brun.
Je vais aller dans le sens de mon collègue Brun. Nous examinons la mesure phare de cette proposition de loi et j'estime, sans vouloir remettre en cause la présidence, qu'il aurait été opportun de donner la parole à un orateur de chaque groupe.
Monsieur Mauvieux, veuillez noter qu'aucune demande ne m'a été formulée en ce sens.
Lorsque j'ai présenté mon amendement de suppression, j'ai bien précisé qu'il s'agissait d'un amendement d'appel. En député républicain du Rassemblement national…
…je vous ai tendu la main, en laissant ouverte la possibilité d'un débat, notamment autour de certains de nos amendements susceptibles d'être adoptés. Contrairement à ce que vous dites, ils établissent des garde-fous en proposant une ouverture progressive de l'investissement, au-delà du dirigeant, du fondateur et de leurs familles, et en posant des conditions pour que les employés aient un accès prioritaire.
Dans votre réponse, monsieur le rapporteur, vous vous êtes montré particulièrement condescendant et donneur de leçons. De la part d'un membre d'une majorité qui envoie les finances de la France dans le mur, cela me semble malvenu.
Dans ces conditions, le Rassemblement national votera en faveur des amendements de suppression.
Vous vous montrez en effet fermés à tout débat et à l'introduction de garde-fous. Bercy vous impose un texte et vous restez droit dans vos bottes, sans écouter les propositions qui vous sont faites, y compris celles qu'a formulées l'Autorité des marchés financiers dans cette fameuse lettre que le président Coquerel a réussi à obtenir.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Je serai rapide, madame la présidente, compte tenu de l'heure tardive. Monsieur Mauvieux, ne voyez aucun mépris dans mes réponses, j'essaie simplement de comprendre les arguments des uns et des autres. En ce qui me concerne, je pense que la seule chose qui devrait orienter nos votes, c'est l'intérêt général et l'utilité de telle ou telle disposition pour nos entreprises.
Les amendements que vous avez déposés ont pu me laisser croire que, sous certaines conditions, le dispositif proposé vous paraissait utile et que vous étiez ouvert à un échange.
Je rappelle que le texte prévoit bien que les bénéficiaires des droits de vote multiples soient nominativement désignés. Par ailleurs, la durée maximale est de dix ans et non de quinze ans. Une durée complémentaire de cinq ans est accordée une fois, à la majorité des deux tiers de l'assemblée générale, sans compter les droits de vote multiples.
Enfin, monsieur le président, je déduis de votre intervention, pleine de bonnes questions, que vous appelez de vos vœux un débat sur l'article 1er .
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 135
Nombre de suffrages exprimés 135
Majorité absolue 68
Pour l'adoption 55
Contre 80
Prochaine séance, demain, à quatorze heures :
Questions au Premier ministre ;
Discussion, sur le rapport de la commission mixte paritaire, du projet de loi visant à sécuriser et réguler l'espace numérique ;
Discussion, sur le rapport de la commission mixte paritaire, du projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne en matière d'économie, de finances, de transition écologique, de droit pénal, de droit social et en matière agricole ;
Discussion, selon la procédure d'examen simplifiée, du projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de l'État indépendant de Papouasie-Nouvelle-Guinée relatif à la coopération en matière de défense et au statut des forces ;
Discussion, selon la procédure d'examen simplifiée, du projet de loi, adopté par le Sénat après engagement de la procédure accélérée, autorisant l'approbation de l'accord global dans le domaine du transport aérien entre les États membres de l'association des nations de l'Asie du Sud-Est, et l'Union européenne et ses États membres ;
Suite de la discussion de la proposition de loi visant à accroître le financement des entreprises et l'attractivité de la France.
La séance est levée.
La séance est levée à minuit.
Le directeur des comptes rendus
Serge Ezdra