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Intervention de Marianne Maximi

Séance en hémicycle du mardi 9 avril 2024 à 21h30
Accroître le financement des entreprises et l'attractivité de la france — Motion de rejet préalable

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarianne Maximi :

Des échanges ont, semble-t-il, eu lieu mais pas dans un cadre institutionnel transparent et ouvert, qui aurait permis à l'opposition que nous sommes d'interroger directement l'Autorité au sujet de cette proposition de loi. En l'absence de l'opposition lors de vos auditions ou rencontres informelles, vous pouvez bien faire dire ce que vous voulez à l'AMF. Heureusement, le président de la commission des finances l'a interrogée : son analyse n'est pas tout à fait celle que vous prétendez. Je ne dresserai pas de nouveau la liste entière des réserves énoncées par le président Éric Coquerel mais je reviendrai sur certaines d'entre elles, que nous devons prendre très au sérieux et qui doivent éclairer la représentation nationale, ce soir.

D'abord, l'article 1er prévoit d'introduire en France la possibilité pour des dirigeants d'entreprise de s'octroyer des actions à droits de vote multiples – adieu le principe, une action, une voix. L'AMF soulève plusieurs points qu'elle considère comme inquiétants. Par exemple, le fait que ces droits de vote multiples pourraient être octroyés pendant quinze ans ou que les dirigeants pourraient s'octroyer jusqu'à vingt-cinq droits de vote par action, ce qui est énorme. Je vous demande de réfléchir au pouvoir de décision qu'un tel dispositif donnerait et aux rapports de force déséquilibré qui en résulteraient.

L'article 3 inquiète également l'AMF, et nous tout autant. Il permet à des dirigeants d'entreprise de diluer leur capital selon des modalités assouplies, notamment en se passant de l'avis de l'AMF. Actuellement, ces opérations doivent respecter un décret – sur lequel l'AMF a été consultée –, qui fixe un prix plancher pour les nouvelles actions émises. Mais demain, avec cette loi, ce ne sera plus le cas, ce qui est problématique car ces opérations sont dangereuses pour les actionnaires, en particulier les petits actionnaires qui sont parfois des salariés. Alors que le Gouvernement n'a que la défense des petits actionnaires à la bouche et veut augmenter l'actionnariat salarié, il est curieux d'assouplir ainsi le recours à des opérations très dangereuses pour eux.

Je cite l'exemple de Casino, au sein duquel un consortium d'hommes d'affaires a fait son entrée au capital, grâce à une opération de dilution. Un actionnaire qui possédait 1 % de l'entreprise a vu sa part diluée à 0,0003 %. Il est d'autant plus problématique de se passer de l'avis de l'AMF sur ce point que ce n'est pas la première fois qu'elle alerte sur ces opérations de financement dilutives. Pour rappel, dans un communiqué du 14 février 2023, elle a demandé aux entreprises qui ont recours à ces opérations de mieux informer les investisseurs sur les risques. Elle note également une augmentation des signalements et des réclamations émanant de particuliers qui ont perdu leur investissement en raison de telles opérations. En principe, il faut non pas ignorer ni faire taire le messager, mais l'écouter.

Vous l'avez compris, nous dénonçons le processus qui a conduit à cette proposition de loi loin d'être à la hauteur du sujet. Alors pourquoi une telle précipitation sur ce texte ? Pourquoi une telle fuite en avant ? Finalement, ce texte est un aveu de l'échec de votre politique économique, celle d'Emmanuel Macron. Quelle surprise, le ruissellement n'a pas marché ! Votre gouvernement a coupé, encore et encore, dans les impôts : nous en sommes à 60 milliards d'euros par an de cadeaux fiscaux faits aux plus riches et aux plus grandes entreprises. En matière d'enfer fiscal, on peut faire pire.

Malgré ces coupes, ni la croissance ni les emplois n'atteignent le niveau que vous attendiez. Après cinq ans de travail et pas moins de quatre rapports, le Comité d'évaluation des réformes de la fiscalité du capital, ne parvient toujours pas à détecter le moindre impact de la suppression de l'impôt de solidarité sur la fortune ou de la flat tax, sur les créations d'emploi ou sur les investissements. C'est d'ailleurs pour cette raison que vous allez chercher des investisseurs étrangers.

Les milliards versés aux entreprises sans contrepartie n'ont aucun effet. Vous et le Medef aviez promis la création de 1 million d'emplois grâce au CICE – crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi. Selon France Stratégie, moins de 160 000 emplois ont été créés : vous conviendrez que cela fait cher l'emploi.

Votre politique prétendait redresser les comptes de la nation alors que vous l'avez menée tout droit au déficit. Vous qui êtes en permanence obsédés par la dette, qui nous faites des leçons budgétaires, vous qui prétendez être de bons gestionnaires, vous avez creusé le déficit non seulement de l'État mais également des collectivités territoriales. Si vous aviez géré ainsi une entreprise, je doute que les actionnaires vous auraient reconduits comme dirigeants.

Pour corriger vos erreurs, vous voulez faire payer à peu près tout le monde. En une nuit, en catimini, vous avez brutalement coupé 10 milliards d'euros de dépenses par décret : 2 milliards en moins pour la politique écologique, 11 % en moins pour l'aide au développement, 700 millions en moins pour l'éducation nationale, l'équivalent de 7 500 postes dans la recherche, 100 millions en moins pour l'apprentissage, 50 millions en moins pour l'inclusion sociale, 38 millions en moins pour la protection de l'enfance. Le coup de rabot budgétaire est tellement massif et brutal que seuls deux ministères ont réussi à proposer les coupes budgétaires demandées.

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