La réunion

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La commission des affaires économiques a auditionné M. Marc Fesneau, ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire.

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Ce matin, le groupe de suivi de la préparation de la loi d'orientation agricole nous a présenté ses conclusions. M. Marc Fesneau, ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire, a pu en prendre connaissance et va ainsi pouvoir nous faire part de ses réactions. Le projet de loi étant désormais annoncé pour le début de l'année 2024, vous pourrez sans doute, Monsieur le ministre, également nous donner quelques précisions quant au calendrier définitif et aux dispositions qui seront finalement retenues.

Nos deux rapporteurs vont d'abord nous présenter les principales observations et suggestions du groupe de suivi.

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Pour la cinquantaine d'acteurs que nous avons rencontrés, le projet de loi d'orientation et d'avenir agricoles (LOAA) a d'abord suscité l'espoir, mais celui-ci s'est vite envolé avec la divulgation d'une première version du texte au début de l'été : depuis, c'est la déception qui règne, voire le renoncement. Les enjeux agricoles sont immenses mais le projet tel qu'il se dessine aujourd'hui n'y répond pas. Il prévoit certes quelques avancées, notamment sur le volet de l'éducation et de la formation, mais il reste relativement flou, voire manque sur ce sujet d'ambition, sur l'enjeu central qu'est la transmission des exploitations. Alors qu'il prétend s'attaquer au défi du renouvellement des générations, le texte ne traite en effet pas des principaux freins à l'installation.

Il ne s'attaque pas non plus à la question du revenu trop instable et peu rémunérateur, alors que l'on aurait pu s'attendre à ce qu'il détermine des prix planchers pour les producteurs. Il ne cherche pas davantage à mieux réguler le foncier agricole – ce qu'il aurait pu faire en donnant la priorité aux candidats à l'installation agricole sur tous les autres acquéreurs potentiels, ou en accordant les moyens de la transparence aux sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural (Safer), comme elles le demandent. Hormis un fonds de portage doté de 400 millions d'euros, que prévoyez-vous dans ce texte en matière de foncier ?

La concentration et l'endettement des exploitations sont d'autres enjeux importants. Comment réduire leur dépendance aux intrants, à l'énergie et aux banques ? Pour répondre à ces défis, il nous faut une vision de la souveraineté agricole et alimentaire, avec une liste de filières agricoles stratégiques à développer en priorité. Voilà ce à quoi devrait s'atteler un véritable projet de loi d'orientation.

Lors de notre rencontre début octobre Monsieur le ministre, vous nous aviez annoncé que les sujets liés à l'adaptation au changement climatique seraient traités dans le pacte, donc uniquement par voie réglementaire, ce qui nous a été confirmé depuis. Nous n'aurons donc manifestement pas de débat parlementaire sur le sujet. Je crains de savoir pourquoi : l'Assemblée est aujourd'hui capable de construire des majorités contre vous autour de mesures fortes et vous ne souhaitez donc courir aucun risque sur ce point. Ce fut le cas lors de la discussion du projet de loi de finances (PLF) pour 2024, avec l'adoption d'amendements relatifs au financement des mesures agroenvironnementales qui ne furent malheureusement pas retenus après le recours à l'article 49, alinéa 3, de la Constitution. Le modèle agricole français a besoin d'une bifurcation écologique, que l'État peut accompagner de façon décisive. Qu'avez-vous prévu sur ce volet ?

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En l'absence de projet de loi, l'exercice du groupe de suivi s'est, il est vrai, révélé un peu complexe – en dépit des informations qui ont fuité et de la présentation que vous nous avez faite des têtes de chapitre du texte.

Nous avons néanmoins auditionné de nombreux acteurs dont nous sommes en mesure d'exposer les attentes. Même s'ils n'ont pas la même vision de l'agriculture de demain, tous s'accordent sur l'importance de la souveraineté alimentaire. Notre ambition doit être que la France demeure une terre d'agriculture. La souveraineté alimentaire ne se résume pas à la question de l'autonomie et de la sécurité alimentaires : elle implique également une réconciliation entre la population et son agriculture, le rétablissement d'un lien entre les consommateurs – qui sont aussi citoyens – et les producteurs. Dans un monde urbanisé et industrialisé, la plupart des citadins ont perdu tout contact direct avec les réalités et la temporalité de l'agriculture. La lutte contre le dérèglement climatique doit s'accompagner d'un soutien politique franc à nos agriculteurs – en matière notamment de recherche, d'innovation et de développement – car ils en sont un maillon essentiel.

Le renouvellement générationnel est à cet égard très important afin de garantir la transmission des savoir-faire agricoles, la préservation des terroirs et la dynamisation des zones rurales. Il est donc primordial de susciter l'intérêt des jeunes pour l'agriculture et de leur offrir des opportunités d'installation et de développement. En bâtissant une vision globale de l'agriculture à l'horizon 2050, nous pourrons relever les défis, anticiper les changements et construire un système alimentaire résilient, durable et équitable. L'ambition de la future loi d'orientation agricole est aussi simple à exprimer qu'elle est complexe à atteindre : il s'agit de nourrir aujourd'hui et demain, dans des conditions qui préservent le climat et la biodiversité.

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Marc Fesneau, ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire

Je vous remercie de votre invitation ; nos échanges prolongeront ceux que nous avons eus avec les deux co-rapporteurs au mois d'octobre dernier au sujet du pacte et du projet de loi d'orientation agricole. Je souligne moi aussi le caractère inhabituel de la démarche que vous avez choisie, consistant à baliser des perspectives avant la rédaction du projet de loi. Ce faisant, vous préparez au mieux les débats que nous aurons au Parlement.

Je salue la qualité des travaux que vous avez menés et votre recherche de consensus, qui vous aura aussi permis d'identifier les dissensus entre vous. Votre travail fait écho à la concertation qu'a menée le ministère durant plus de six mois, dans les territoires et au niveau national, pour essayer de construire un pacte et un projet de loi dont l'objectif premier est d'assurer le renouvellement des générations d'agriculteurs tout en répondant à nos attentes en termes de souveraineté et de transition écologique. Plus de 1 500 propositions sont remontées du terrain ; certaines seront reprises dans la loi, d'autres dans le pacte.

En termes de méthode, nous avons appuyé les échanges de vue sur des constats factuels, pour penser ensuite les leviers des politiques publiques à actionner. Nous avons également assuré le respect de la diversité des avis, des pratiques, des solutions et des modèles et, enfin, cherché à projeter les parties prenantes à l'horizon 2040.

Cette concertation a permis de faire émerger un certain nombre de consensus. Certains ne figurent ni dans le pacte, ni dans le projet de loi mais ont déjà été reçus des réponses. Les lois Egalim, par exemple, ont permis de soulever la question du revenu des agriculteurs. Elles ne sont pas parfaites, certes, mais elles nous ont placés sur une trajectoire nouvelle s'agissant de la rémunération des agriculteurs. À cet égard, le système d'assurance récolte s'est déployé cette année dans de bonnes conditions.

Le deuxième consensus porte sur le cadre européen, sans lequel je ne crois pas que nous puissions penser l'agriculture française. En cherchant à nous isoler de tous, nous ferions une grave erreur en termes de compétitivité et risquerions de provoquer la défiance du monde agricole vis-à-vis des autres acteurs européens.

Il y a consensus également sur la nécessité d'avancer sur la transition écologique : l'agriculture ne sera pas en mesure de nourrir aujourd'hui et demain si elle ne se place pas dans cette perspective. Le premier défi est climatique et le statu quo serait la pire des choses. J'explique souvent à mes interlocuteurs du monde agricole que, si nous ne changeons rien, un certain nombre de territoires vont se trouver en difficulté.

Sur ces bases, la consultation a permis de déterminer plusieurs leviers. Je précise à ceux qui s'inquiéteraient des lacunes dans le futur projet de loi que je me suis fixé une règle très claire : ce qui relève du domaine réglementaire sera renvoyé au règlement, ce qui relève du domaine budgétaire sera renvoyé au budget. Nos lois sont parfois trop bavardes et nos réglementations trop nombreuses.

Le texte répondra d'abord à la nécessité d'améliorer l'attractivité des métiers du vivant. Nous savons tous que la difficulté première est liée à l'image que renvoie l'agriculture et, en ce domaine, nous sommes tous coresponsables : plus nous parlerons positivement de ces métiers, plus nous attirerons des jeunes. Ce n'est évidemment pas en dénigrant la profession que nous y parviendrons. Nous ferons en sorte que chaque jeune puisse bénéficier d'une action de découverte in situ – dès la rentrée 2024, pour les premiers d'entre eux –, conformément au souhait d'ouverture exprimé par le monde agricole lui-même.

Le pacte et la loi contiendront aussi des mesures visant la poursuite de la transformation de l'enseignement agricole. Ses missions seront renouvelées, pour intégrer notamment les questions liées à la transition écologique ; un bachelor « agro » sera créé ; un outil de contractualisation visant à mobiliser l'ensemble des acteurs d'un territoire servira à relancer et à ouvrir des classes préparant aux métiers de l'agriculture. Un programme national de formation de l'ensemble des acteurs qui gravitent autour de l'agriculture sera également lancé en 2025. Pour prendre le virage des grandes transitions, il faut que non seulement les agriculteurs soient formés, mais que ce souci de formation touche aussi tous ceux qui les conseillent, des chambres d'agriculture aux coopératives.

Le pacte et la loi doivent permettre par ailleurs de concevoir des systèmes de production à l'échelle des exploitations, des filières et des territoires. Pour ce faire, un réseau France Services Agriculture sera créé ; c'est l'un des points importants du projet. Ce réseau devra être ouvert à tous les porteurs de projets et accompagner les parcours d'installation et de transition dans leur diversité. Il devra être en lien étroit avec les régions, qui sont également compétentes en matière d'installation. L'idée de ce guichet est l'un des consensus ayant émergé au fil de la concertation.

Je veux également insister sur la nécessité de créer des outils pour agir en matière de foncier agricole – même si j'ai toujours dit que cette loi ne serait pas une loi foncière. Les acteurs que nous avons entendus lors de la concertation ont en effet exprimé le besoin que le sujet soit traité dans le pacte ou dans le projet de loi, mais ont également souligné qu'ils avaient besoin de stabilité législative, alors que la loi portant mesures d'urgence pour assurer la régulation de l'accès au foncier agricole au travers de structures sociétaires (dite loi « Sempastous ») n'est appliquée que depuis le 1er janvier 2023. Avant de faire évoluer la loi, commençons par en dresser un bilan – je ne doute pas que vous le ferez.

Je connais votre impatience. Notre objectif est de soumettre le texte au débat parlementaire au cours du premier trimestre 2024. En attendant, nous pouvons avancer sur certains sujets. Ainsi, un fonds de garantie couvrant un portefeuille de 2 milliards d'euros de prêts, dont 400 millions destinés au secteur de l'élevage, favorisera l'installation de nouveaux agriculteurs. Pour sa part, le fonds de portage évoqué par la rapporteure Aurélie Trouvé pourra être déployé dès le premier semestre 2024, sans attendre la loi. Un fonds en faveur de la souveraineté et des transitions, doté de 200 millions, est aussi prévu dans le projet de loi de finances pour 2024. Il permettra d'accompagner les filières à l'échelle territoriale, en associant l'amont et l'aval. En région Occitanie par exemple, un certain nombre de filières se trouvent dans l'impasse en raison des effets du dérèglement climatique. Or, au-delà de la réponse immédiate qu'il convient d'apporter à cette crise, il faut se projeter dans l'avenir et déterminer ainsi les filières pour lesquelles il conviendra d'accompagner la transition ou celles qu'il faudra développer. Au total, c'est un effort de près d'un milliard d'euros que nous proposons de consacrer à la planification écologique, dont 250 millions seront attribués à la réduction de l'utilisation des produits phytosanitaires et 110 millions aux haies.

Il me semble important d'ajouter que le crédit d'impôt pour les services de remplacement sera revalorisé dès cette année, conformément à une demande exprimée depuis un certain temps. Ces services bénéficient plus particulièrement aux éleveurs, dont on sait qu'ils ont souvent du mal à dégager du temps pour se former.

De la même façon que ce qui ressort du réglementaire sera renvoyé au règlement, les mesures relevant de politiques publiques seront mises en œuvre dans ce cadre. L'excès de normes et de réglementation donne en effet le sentiment que nous freinons la volonté de transition plutôt que de l'accompagner.

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Nous en venons aux questions des orateurs des groupes.

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Il est difficile de s'engager dans l'examen d'un projet de loi sans disposer d'informations sur les différents accords relatifs aux échanges internationaux. Je souhaiterais à cet égard vous interroger sur l'accord visant à faciliter les échanges commerciaux entre l'Union européenne (UE) et le Marché commun du Sud (Mercosur) – Argentine, Brésil, Paraguay, Uruguay. Il suscite en effet de sérieuses préoccupations quant à ses conséquences sur le secteur agricole français. Les pays du Mercosur bénéficient en effet de conditions de production très différentes des nôtres, s'agissant notamment des normes sanitaires, environnementales et sociales. Leurs coûts de production étant inférieurs et leurs pratiques moins réglementées, nous risquons, en ouvrant nos frontières à leurs produits, de voir nos agriculteurs confrontés à une concurrence déloyale.

Le site d'information Euractiv nous apprenait hier que les interprofessions du sucre, de la volaille, des céréales et de la viande avaient regretté, dans une lettre diffusée le 30 novembre dernier, que la Commission européenne propose un addendum environnemental n'intégrant pas de clauses miroir visant à conditionner l'accès des produits sud-américains à notre marché au respect de nos normes de production environnementales et sanitaires. Le poulet dopé aux antibiotiques, le bœuf engraissé dans des parcs de 30 000 animaux ou le maïs désherbé à l'atrazine – un herbicide interdit depuis longtemps en Europe – pourraient être commercialisés sans restriction et faire l'objet de quotas d'importation bénéficiant de droits de douane nuls ou extrêmement réduits comme cela est prévu par l'accord conclu en 2019. L'accord de libre-échange avec le Mercosur est un non-sens pour notre agriculture. Où les négociations en sont-elles, et quel est l'état des rapports de force au sein de l'Union européenne ?

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Marc Fesneau, ministre

La position de la France est simple et claire depuis le début. Je le réaffirme devant vous : les conditions d'un accord avec le Mercosur ne sont pas réunies à ce jour dans la mesure où, vous l'avez souligné, les normes de production, les clauses de réciprocité et le respect de l'accord de Paris ne figurent pas dans la version qui nous est proposée.

Mais la difficulté de l'exercice, c'est que nous sommes vingt-sept ! Il nous faut donc convaincre nos collègues européens que nous ne pouvons pas demander à nos agriculteurs et à nos économies des efforts visant à concourir au respect de l'accord de Paris, tout en nouant des accords avec des pays qui ne le respectent pas. Je le dis sans grief aucun à l'égard des pays du Mercosur, qui ne sont pas les principaux responsables du réchauffement climatique : c'est nous qui le sommes, pour avoir axé le développement de l'économie, depuis soixante ou soixante-dix ans, sur les énergies fossiles. Nous avons déjà réussi à installer l'idée de clauses miroir alors qu'elles ne faisaient pas partie de l'ADN de la Commission européenne – en particulier pas de celui de la direction générale au commerce –, et nous cherchons à faire en sorte qu'un accord ne puisse être signé que s'il respecte les conditions auxquelles nous sommes attachés.

J'ajoute trois éléments de contexte. D'abord, il existe sans doute des désaccords entre les pays signataires en Amérique latine. Ensuite, l'élection du nouveau président argentin, qui remet en cause l'idée d'un dérèglement climatique, soulève des questions. Enfin, la Commission souhaite accélérer tandis que pour notre part, nous préférons faire primer la qualité de l'accord.

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Le projet de loi d'orientation et d'avenir agricoles a d'abord été annoncé pour le début de l'été 2023, mais il a fait ensuite l'objet de plusieurs reports. Vous engagez-vous sur son arrivée au premier trimestre 2024, monsieur le ministre, ou bien un nouveau report est-il à attendre ?

L'agriculture est aujourd'hui confrontée à trois enjeux : celui de la répartition des marges, celui de la concurrence étrangère déloyale et celui non pas de la transition, mais des interdictions sans solution. Rien ne figure dans le projet de loi au sujet du premier enjeu. Vous considérez en effet que les lois Egalim ont joué leur rôle, alors que les agriculteurs ne vivent toujours pas de prix rémunérateurs.

En matière de concurrence étrangère déloyale ensuite, on voit bien la difficulté à agir au travers de clauses miroir : celles-ci en effet ne s'appliquent pas au marché européen, qui est le principal concurrent de l'agriculture française. J'ajoute que le traité de libre-échange avec la Nouvelle-Zélande approuvé récemment par les eurodéputés Renew n'arrange pas les choses.

S'agissant des moyens de production, vous avez semble-t-il perdu l'arbitrage sur le stockage de l'eau ; la nécessaire révision du statut de l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) ne sera pas examinée dans ce projet de loi. En outre, le règlement sur l'usage durable des pesticides (SUR) ayant salutairement été rejeté par le Parlement européen, le plan Écophyto s'annonce comme une nouvelle surtransposition – ce qui entre en contraction avec vos engagements.

Ce qui donnera l'envie aux jeunes de s'installer en tant qu'agriculteurs, ce ne sont pas de nouvelles aides à l'installation, de nouveaux diplômes, un guichet France Services ou des visites d'écoliers dans les fermes : c'est plutôt la garantie de pouvoir vivre de leur métier et d'avoir une rémunération décente. Or, je l'ai dit, ce projet de loi n'apporte aucune réponse aux enjeux auxquels les agriculteurs sont confrontés. Pouvez-vous nous expliquer la façon dont il pourra enrayer l'effondrement de l'agriculture française ?

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Marc Fesneau, ministre

S'agissant des clauses miroirs, je rappelle que notre pays a longtemps tiré une part importante de ses revenus de ses exportations massives, et qu'il est aujourd'hui exportateur net en lait, en céréales et dans le secteur vitivinicole. Nous ne pouvons pas refuser de façon unilatérale de signer des accords, sauf à refuser tout commerce international. Par ailleurs, il n'existe pas de clauses miroir au sein de l'Union européenne, raison pour laquelle il faut se garder des surtranspositions. Je sais que l'appartenance de la France à l'Union européenne n'est pas forcément pour vous plaire mais, depuis soixante-dix ans, les Français ont fait le choix du marché commun et d'une monnaie unique qui ont permis de protéger nos intérêts lorsque nous avons traversé des situations difficiles. C'est donc à l'échelle internationale qu'il faut envisager les clauses miroir. Quant à l'accord signé avec la Nouvelle-Zélande, il est respectueux de l'enjeu climatique. On peut aussi ne signer avec personne, mais stratégiquement les accords ne sont pas inintéressants.

S'agissant du plan Écophyto, disons-nous les choses : croyez-vous, ou non, qu'il faut réduire l'usage des produits phytosanitaires ? « Pas d'interdiction sans solutions », c'est une incantation ! S'y arrêter, ce serait commettre une erreur vis-à-vis des agriculteurs. Si nous ne cherchons pas de solutions, ils se retrouveront démunis face aux interdictions qui pourraient être décidées pour des motifs – en apparence, parfois – de santé publique.

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Après des mois de concertation et la mobilisation de milliers de personnes, le constat a été suffisamment partagé et répété : les paysans disparaissent et il est urgent, pour assurer notre souveraineté alimentaire, qu'ils s'installent de nouveau en nombre. Quant à la transition agroécologique, elle est indispensable : la biodiversité s'effondre, la pollution de nos masses d'eau se généralise et les aléas climatiques plus fréquents et plus intenses occasionnent d'importants dégâts sur les productions agricoles.

Une loi d'orientation agricole devrait avoir pour objectif de répondre à ces grands enjeux. Il faut maintenant des actes, au travers d'un texte ambitieux et fixant un cap clair, à l'instar des lois Pisani. Mais visiblement, il n'en sera rien. Dès le début, vous avez écarté la question centrale, celle du revenu paysan. Pourtant, si elle n'est pas traitée, toutes les autres mesures seront vaines. Personne ne veut d'un travail qui ne soit pas rémunérateur. Nous avons proposé des prix planchers pour garantir un prix rémunérateur aux agriculteurs, mais votre majorité s'y est récemment opposée. Les lois Egalim ne peuvent pas être un prétexte pour ne rien faire, d'autant qu'elles ne fonctionnent pas dans tous les secteurs. En vingt ans, la part revenant aux éleveurs sur la vente d'un litre de lait a baissé de 4 %, quand celle de la grande distribution augmentait de 188 % !

Vous refusez également d'aborder de façon sérieuse l'accès au foncier, qui est pourtant un frein majeur, évoqué dans la moitié des quarante témoignages recueillis au sujet des difficultés d'installation. Des paysans ne parviennent pas à s'installer à cause du foncier, alors qu'un fonds de portage de la Safer et de ses partenaires d'un montant de plus de trois milliards d'euros est déjà disponible et n'attend que la validation de votre ministère.

Au sujet de l'adaptation au changement climatique, André Pochon, pionnier de l'agriculture durable, affirmait déjà dans son livre Les Sillons de la colère qu'il était possible de nourrir nos concitoyens et de rémunérer correctement nos paysans tout en préservant l'environnement. Je le cite : « Depuis les années cinquante et soixante, on sait comment accorder une agriculture productive à forte valeur ajoutée avec la préservation de l'environnement, et on sait que le mariage entre économie et écologie produit de surcroît des aliments sains et de qualité. » Or rien n'a été fait pour accompagner le monde agricole en ce sens, et vous entendez éluder le sujet dans votre pacte, sans consulter la Représentation nationale. Vous craignez certainement une nouvelle défaite, comme celle que vous avez connue lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2024 avec le vote de l'amendement visant à abonder de 271 millions d'euros les crédits à l'agriculture biologique ou de celui visant à renforcer de 350 millions les crédits dédiés aux mesures agroenvironnementales et climatiques (Maec). Ces montants sont bien supérieurs aux 34 millions que vous promettez, largement insuffisants pour soutenir la filière bio dans la crise historique qu'elle traverse.

Que ce soit en ayant recours à l'article 49, alinéa 3, ou en renvoyant les mesures à un pacte, vous semblez déterminé à exclure le Parlement du débat sur l'avenir de l'agriculture. Quel est votre plan pour garantir une alimentation saine et locale, respectueuse de l'environnement et de nos concitoyens ? Quel est votre plan pour assurer un revenu digne aux agriculteurs et aux agricultrices, et un égal accès aux terres agricoles ? Ce sont les conditions premières pour assurer le renouvellement des générations.

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Marc Fesneau, ministre

S'agissant des revenus des agriculteurs, vous ne m'entendrez jamais dire que la loi Egalim est parfaite. Dans un certain nombre de secteurs, dont la viticulture par exemple ne fait pas partie, elle a été un premier pas. En Occitanie, j'ai réinterrogé des responsables de cette filière et je leur ai dit que la porte était ouverte à une réflexion mais il n'est pas possible d'agir contre les acteurs eux-mêmes. Ma responsabilité consiste à leur demander s'il ne convient pas de s'interroger à nouveau sur cette opportunité et de voir comment avancer ensemble.

Il est certes possible d'instaurer des prix planchers en France mais vous proposez de le faire également ailleurs, ce qui est hors de propos et favoriserait l'importation – dont nous pâtirions – de produits issus de l'agriculture de nos voisins européens.

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Par ailleurs, je rappelle qu'un vote a eu lieu et la majorité a très clairement tranché en rejetant votre proposition de loi.

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Vous avez associé certains parlementaires et certains groupes à des échanges sur la loi d'orientation agricole, ce qui est un bon point.

L'enjeu est si important que les agriculteurs ne peuvent plus se contenter des « prometeu d'bonjou », comme on dit chez moi. Nous avons besoin d'un calendrier et d'un texte clairs. Vous avez évoqué trois piliers : transmission, installation, défi climatique. Qu'en est-il, le troisième ne figurant plus dans l'avant-projet qui a circulé alors qu'il me semble indissociable des deux autres ?

Vous évoquez également le premier semestre 2024 alors qu'il a d'abord été question de l'été, puis de l'automne et ensuite de l'hiver 2023. Pouvez-vous au moins nous dire si le texte sera présenté puis débattu avant ou après le salon international de l'agriculture (SIA) ou si nous devons nous attendre à un nouveau report ? Nous devons pouvoir travailler sérieusement. Nos deux courageux collègues corapporteurs nous ont proposé une communication fondée sur les seuls éléments qu'ils ont pu recueillir auprès de certains acteurs de certaines filières mais nous manquons un peu de matière. Donnez-nous donc des perspectives !

Nous souhaiterions que vous abordiez la question de l'eau, qui sera sans doute celle de ce siècle. Quid, également, des négociations commerciales ? La loi vient d'être tripatouillée et le calendrier a été amputé de quelques jours. Êtes-vous prêt à vous engager en la matière ou n'en sera-t-il plus question, fût-ce temporairement ? Qu'en est-il, enfin, de la position du Gouvernement sur les nouvelles technologies ? Faut-il s'en affranchir ou s'en emparer ?

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Vous savez fort bien que nous adaptons tous les trois mois les dispositions du code de commerce relatives aux négociations commerciales, tout comme vous savez que Bercy s'apprête à lancer une mission sur ce sujet. Une réforme profonde des négociations commerciales ne s'impose pas à ce jour, mieux vaut d'abord attendre les résultats de cette mission du Gouvernement. Et je considère à titre personnel qu'elle doit de toute façon être indépendante du projet de loi d'orientation agricole.

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Marc Fesneau, ministre

Je suis surpris de constater que M. Dive est un partisan du grand soir et que, selon lui, un seul texte doit tout régler.

Je rappelle que la grande loi d'orientation agricole de 1962 visait essentiellement les outils fonciers et que, par exemple, la question des rémunérations n'y était pas traitée.

Il est vrai que la présentation du projet de loi a été décalée. Sans doute aurez-vous l'occasion, un jour, d'être majoritaire et vous constaterez alors combien l'organisation du calendrier parlementaire peut être compliquée.

Sur la question de la rémunération, je partage les propos du président Kasbarian : il n'est pas possible de changer les textes tous les jours. Nous ne devons pas tant mener ensemble une bataille législative que la bataille de l'opinion pour marteler que l'agriculture a un coût, donc, un prix. Or, personne n'en discute et nul n'est capable de me dire à quelle hauteur il a augmenté depuis deux ans. Le problème est de savoir si la question de l'alimentation est essentielle ou non ; si tel est le cas, il faut être conscient qu'elle a un prix. M. de Fournas passe son temps à réclamer des prix bas, mais c'est ainsi que l'on détruit notre modèle. Pour être rémunérateurs, les prix agricoles doivent être au moins à hauteur des coûts de production.

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Ce matin, lors de la communication du groupe de suivi sur la loi d'orientation agricole, nous avons constaté combien les députés attendent ce texte, qui suscite d'ailleurs des passions tant l'enjeu est de taille.

Un agriculteur sur deux partira à la retraite d'ici la fin de la décennie. Nous devons donc assurer le renouvellement des générations dans le cadre de la transition écologique et de l'objectif de souveraineté alimentaire. À défaut, la baisse du nombre d'agriculteurs, pour une même surface agricole, entraînera nécessairement un agrandissement des exploitations, ce qui mettra en péril le modèle familial auquel les Français sont attachés. Le défi est donc immense.

Avant tout, nous devons rendre ce métier plus attractif, sensibiliser dès le plus jeune âge aux enjeux du vivant, promouvoir un meilleur maillage de la formation agricole et une meilleure formation aux techniques agronomiques. Nous devons faire de nos jeunes des entrepreneurs du vivant. Je ne doute pas que la loi d'orientation agricole répondra à ces enjeux de formation mais, aussi, d'installation et de transmission. Vous pourrez compter sur notre groupe pour vous soumettre des propositions dans un esprit constructif.

Notre ancien collègue sénateur Frédéric Marchand a travaillé sur une ébauche de proposition de loi visant à renforcer le rôle des projets alimentaires territoriaux (PAT) dans la planification de nos systèmes alimentaires. À ce jour, 400 PAT sont recensés et les collectivités se montrent très volontaires, mais leur application est complexe. Les PAT peuvent nous permettre de construire un modèle durable et résilient, qu'il est nécessaire de rendre plus opérationnel.

Dès lors, la question de la gouvernance, de la planification des engagements et de la structuration des filières se pose. Les PAT, me semble-t-il, s'inscrivent parfaitement dans la stratégie nationale pour l'alimentation, la nutrition et le climat faisant suite à la loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, dite loi « climat et résilience ».

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Marc Fesneau, ministre

La question du modèle familial relève parfois de l'image d'Épinal. Elle englobe à la fois la taille des exploitations et la détention du capital et du foncier. Or, nous avons besoin d'une agriculture à la hauteur des défis de la production et de la compétitivité. Le modèle français repose plutôt sur la maîtrise des capitaux, y compris fonciers. Compte tenu des coûts, notamment dans le secteur de la viticulture, une telle maîtrise risque d'échapper aux agriculteurs. Nous devons donc travailler sur cette question.

L'Irlande compte 150 000 agriculteurs pour 6 millions d'habitants et l'Italie, moins peuplée que la France, 1,2 million. Notre ratio d'agriculteurs est donc très dégradé, ce qui explique une rupture partielle du dialogue. Nous devons assurer le renouvellement des générations.

Les PAT constituent en effet un outil essentiel. Ils ne répondent certes pas à tous les défis que pose la souveraineté alimentaire mais à celui du dialogue territorial et permettent de construire et de solidifier des filières locales – filières longues et courtes ne devant d'ailleurs pas être opposées. Dès cette année, la loi de finances prévoit 20 millions d'euros supplémentaires pour accompagner la montée en puissance des PAT, auxquels je crois également beaucoup sur un plan économique et productif.

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Vous avez évoqué la loi de 1962 et je me suis interrogé sur ce que ferait Edgard Pisani aujourd'hui. Il serait sans doute attentif au mur climatique, qui fragilisera des pans entiers de notre agriculture, et à la falaise démographique, avec le départ annoncé d'un paysan sur deux et 10 millions d'hectares qui changeront de main. Je ne pense pas que, à votre différence, il aurait défendu une loi quasiment règlementaire et budgétaire. Il se serait attaqué au cœur de la question, c'est-à-dire à l'accès au foncier, alors que les phénomènes d'accaparement sont massifs.

Vous le savez, la loi Sempastous règle fort peu de choses. Elle est même dangereuse en ce qu'elle peut autoriser un certain nombre de diversions. Surtout, elle ne traite en rien la question du travail délégué, mode d'extension des fermes contraire au développement de la valeur ajoutée écologique et économique. Il en est de même s'agissant de la question de l'actif et de l'autorité foncière. Je n'imagine pas une seconde que, devant un tel paysage, Edgard Pisani présenterait une loi aussi pauvre.

La question foncière est donc cruciale. Je mets de côté celle des régulations commerciales, tout aussi essentielle mais qui peut relever d'une autre loi. Il me paraît inconcevable d'évoquer une politique d'installation sans créer les instruments d'une capacité de régulation pour les filières et les territoires et assurer ainsi une relève vitale. Vous savez que la résolution des questions liées au foncier n'est pas coûteuse mais qu'elle demande simplement de faire preuve de courage politique. Pourquoi ne vous y attelez-vous pas ?

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Marc Fesneau, ministre

En ce qui me concerne, j'aurais le plus grand mal à faire parler les grands aînés. Je ne sais donc pas ce que ferait M. Pisani. Peut-être soulèverait-il la question de la souveraineté ? Peut-être celle de la faim dans le monde et de la manière de nourrir 10 milliards d'êtres humains quand 7 milliards ont déjà du mal à le faire ? Peut-être celle du dérèglement climatique ou de la rémunération des agriculteurs ? Peut-être, en revanche, ne soulèverait-il pas celle du foncier ?

Vous considérez que tout dépend d'elle mais quel regard portez-vous, par exemple, sur le sujet du dérèglement climatique ? Un tel défi est pourtant vertigineux ! La loi, de surcroît, s'intéressera pour une part à la question foncière à travers celle du portage mais il serait regrettable de se focaliser exclusivement sur ce sujet.

Enfin, nous disposons d'un certain nombre d'outils en la matière, mais qui sont mal utilisés dans un certain nombre de territoires. La régulation foncière, en effet, diffère selon les types de production et les régions.

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Je vous rejoins lorsque vous affirmez qu'une alimentation de qualité a un coût et un prix mais je déplore des messages contradictoires.

Première contradiction : la Première ministre a annoncé le déploiement d'1 milliard d'euros en faveur d'un plan pour la biodiversité ; vous-même travaillez en région Centre-Val-de-Loire à associer l'État et la conférence des parties (COP) régionale en vue d'une planification écologique. C'est très bien, mais cela entre en contradiction avec les conventions signées par les agriculteurs sur les Maec, ce qui place ces derniers dans une incertitude totale.

Deuxième contradiction : vous voulez moins d'élevage mais vous souhaitez dans le même temps un maintien des prairies permanentes, qui n'est possible que grâce à l'élevage.

Troisième contradiction : exigence du respect de normes sanitaires et environnementales et signature ou préparation de traités internationaux comme le CETA (Accord économique et commercial global), l'accord avec la Nouvelle-Zélande ou l'accord avec le Mercosur (Marché commun du Sud).

Jusqu'ici, la France a été un grand pays agricole au sein de l'Union européenne. La Commission européenne a donné son accord afin de discuter avec l'Ukraine d'une éventuelle entrée au sein de l'Union. Or, l'Ukraine, ce sont 42 millions d'hectares de surface agricole utile. Comment notre agriculture se prépare-t-elle à un tel enjeu ?

Nous revenons souvent sur la question du foncier parce qu'elle se confond avec celle de la spéculation et de l'accaparement des terres agricoles, telle que nous l'avons connue sous la présidence de François Hollande. Les éleveurs, notamment, ont les plus grandes difficultés à accéder au foncier. Pourquoi ignorez-vous ce sujet ?

Enfin, une grande loi d'orientation agricole se doit de proposer un plan Marshall pour favoriser l'installation de nos jeunes agriculteurs. En Bretagne, les producteurs de lait qui s'installent en bio sur une surface de 60 hectares avec soixante vaches laitières ont besoin de 800 000 euros. Comment emprunter une telle somme tout en vivant de son travail ?

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Marc Fesneau, ministre

J'ai précisément évoqué un fonds permettant de garantir les prêts au bénéfice des jeunes agriculteurs, notamment des éleveurs. La question de la rémunération, de même que celle des conditions de travail, est en effet importante et nous devons continuer à y travailler dans le cadre d'Egalim.

S'agissant des messages contradictoires, nous devrions rapidement trouver une solution à propos des Maec, sans démagogie et en responsabilité, afin de ne pas abandonner les agriculteurs qui veulent s'engager.

S'agissant du ratio élevages-prairies permanentes, nous devons collectivement faire preuve de cohérence. Il n'est pas facile de promouvoir l'élevage tout en le dénigrant. Je ne sais pas où certains voient des élevages industriels dans notre pays. De quoi parle-t-on ? Je vous invite à aller voir ce qui se passe en Belgique, aux Pays-Bas ou au Danemark.

La France a perdu sa compétitivité et sa place agricoles depuis trente ans. Parmi les accords de libre-échange que vous évoquez, un seul est appliqué, le CETA, qui bénéficie à notre pays, y compris s'agissant de la viande bovine, où les grandes craintes qui ont été évoquées se sont révélées sans objet. De plus, c'est nous qui avons fait obstacle à l'accord avec l'Australie et au Mercosur.

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Voilà plus d'un an que l'on nous a présenté le pacte d'orientation et d'avenir agricoles comme une révolution qui mettrait enfin un terme au gigantesque plan social touchant notre agriculture. Aujourd'hui, le grand soir semble encore s'éloigner. De surcroît, nous, parlementaires, en sommes réduits à attendre les déclarations du président de la Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles (FNSEA) afin d'être informés des victoires qu'il a obtenues avec l'abandon de la hausse des taxes sur les pesticides et sur l'eau.

Nous sommes disponibles pour avancer sur tous les chantiers essentiels : foncier, revenus, attractivité, adaptation. Or, vos réponses se font attendre, y compris s'agissant du calendrier.

Quid de la démocratie agricole et du pluralisme syndical ? Aujourd'hui, 55 % des voix des agriculteurs lors des élections des chambres d'agriculture ont permis au syndicat agricole majoritaire d'obtenir 95 % des sièges. Vous parlez de cohabitation des modèles et souhaitez renforcer le lien entre le monde agricole et les citoyens. Nous devinons donc que la réforme de la gouvernance des chambres d'agriculture fait partie de vos priorités. Pourtant, il semble que vous envisageriez plutôt d'affaiblir un peu plus les syndicats minoritaires. Alors que les fonds dont bénéficient les syndicats reposent à hauteur de 75 % sur le nombre de voix obtenues et de 25 % sur le nombre de sièges – alors que la logique voudrait qu'ils reposent exclusivement sur le nombre de voix – un projet de décret de votre ministère prévoirait une répartition de 50 %-50 %, ce qui n'est pas vraiment « démocrate ».

Le recul du pluralisme syndical constitue une régression démocratique, un frein à la transition et à l'amélioration du lien entre citoyens et agriculteurs. Alors que les tensions s'accroissent autour du partage de l'eau et des terres, que les attentes augmentent légitimement s'agissant de nos modèles agricoles et alimentaires, à l'heure, qui plus est, de la crise des vocations, nous n'avons pas besoin de moins de démocratie mais de plus de dialogue et de compromis entre tous les acteurs pour prendre les décisions et les appliquer, notamment en ce qui concerne les parcours d'installation.

Comptez-vous donc renforcer le pluralisme syndical ? Si oui, que ferez-vous de ce projet de décret ? Enfin, comment comptez-vous garantir le pluralisme dans l'accompagnement à l'installation, en particulier dans le cadre du guichet unique France Services agriculture prévu par le pacte et la loi d'orientation et d'avenir agricoles ?

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Marc Fesneau, ministre

Vous imaginez bien que je suis autant attaché que vous au pluralisme. Je sais ce que sont les partis dominants qui, eux, n'en veulent pas. Les Démocrates ont d'ailleurs parfois été un peu seuls à le défendre. Je soutiens donc autant la biodiversité syndicale que politique.

Dans notre pays, il est difficile de formuler quelques hypothèses sans qu'immédiatement, on soupçonne qu'il y a anguille sous roche. L'action publique, ce n'est pas le statu quo. Est-il envisageable de baisser les seuils pour atteindre un certain nombre de sièges ? Il me semble que cette hypothèse est favorable à l'expression du pluralisme et qu'elle devrait vous séduire.

Le décret n'est pas publié. Nous verrons ce qu'il en sera lorsque des équilibres auront été trouvés. En l'état, je discute avec tout le monde, y compris ceux dont vous vous faites la porte-parole, ce dont je ne vous fais d'ailleurs pas grief.

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Votre audition n'est pas un long fleuve tranquille et il ne faudrait pas que votre politique soit celle du chien crevé au fil de l'eau.

Comme mes collègues, je suis inquiet. Mois après mois, nous voyons à quel point les contradictions de la politique agricole française et européenne s'accumulent et combien le fossé s'agrandit entre, d'une part, le besoin de mesures fortes et urgentes en matière de souveraineté alimentaire et de régulation et, d'autre part, la fuite en avant libérale qui ruine tous les efforts pour maintenir nos actifs agricoles, nos productions nationales, nos élevages.

Dans un tel contexte, vous êtes contraint aux zigzags permanents, entre des arbitrages commerciaux européens catastrophiques et la poursuite de signatures d'accords de libre-échange, notamment avec la Nouvelle-Zélande, accords que vous enrobez si bien.

Vous cherchez aussi à jouer la montre autour d'arbitrages budgétaires pourtant fondamentaux pour les agriculteurs et les éleveurs les plus engagés en matière d'agroécologie en refusant de vous engager fermement sur les Maec.

Vous donnez également le sentiment de tergiverser à propos de vos propres orientations politiques avec cet Opni – objet politique non identifié – que constitue votre projet de loi d'orientation agricole, dont nous ne savons quasiment rien.

Je pourrais poursuivre cet inventaire à la Prévert : gestion de l'eau, crise alimentaire, maîtrise du foncier, bilan et contrôle de l'application des lois Egalim, absence de planification pour notre élevage en lien avec nos engagements climatiques.

Faute de grand soir divin, confirmerez-vous trois petits matins ? Vous opposerez-vous jusqu'au bout à cette folie qu'est la conclusion d'accords de libre-échange, dont l'agriculture est la victime expiatoire ? Vous engagerez-vous à assurer sur un plan budgétaire l'ensemble des engagements qui ont été pris auprès des agriculteurs et des éleveurs à propos des Maec ? Enfin, mettrez-vous rapidement sur le tapis les mesures prévues dans la loi d'orientation agricole ?

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Marc Fesneau, ministre

En deux ans, le budget du ministère de l'agriculture, hors politique agricole commune (PAC) et autre, a augmenté de quasiment 1,6 milliard sur un total de 5 milliards. Ce Gouvernement est celui qui a augmenté le plus massivement les crédits budgétaires au service de la transition agricole.

Je le répète : avec le Président de la République, nous nous sommes opposés aux accords internationaux de libre-échange, notamment au Mercosur et avec l'Australie, lesquels auraient exposé nos productions d'une manière trop importante sans comporter les clauses de réciprocité qu'il était légitime d'attendre. Vous évoquez donc des accords inexistants ! Le CETA, par ailleurs, nous est plutôt favorable comme je l'ai déjà indiqué. Enfin, accord ou pas, les échanges commerciaux internationaux se poursuivent, par exemple avec le Brésil.

S'agissant des Maec, dont les crédits sont passés de 250 à 260 millions d'euros, nous serons à la hauteur des besoins.

Enfin, vous disposez des éléments constitutifs de la loi d'orientation agricole et du pacte. Pourquoi voudriez-vous que nous allions plus vite avec ce texte alors qu'il n'a pas encore été présenté devant le Conseil d'État ou le Conseil économique, social et environnemental (Cese) ?

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Le CETA s'applique depuis cinq ans. Je me souviens que, lors des débats, certains nous expliquaient que nous serions submergés par de la viande de bœuf transgénique et du saumon frankenfish ! Force est de constater qu'il n'en a rien été.

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Le projet de loi d'orientation et d'avenir agricoles sera l'occasion de mettre à l'ordre du jour trois sujets : l'orientation et la formation ; l'installation et la transmission des exploitations ; la transition et l'adaptation au changement climatique. À ces priorités que nous partageons, nous aurions souhaité ajouter la régulation du foncier agricole.

Le Président de la République avait annoncé, il y a quatre ans déjà, une grande loi foncière. Exception faite d'une loi minimale, la loi Sempastous, qui impose une régulation du foncier par le contrôle des mutations sociétaires, les mesures se font attendre sur des questions aussi essentielles que la régulation du marché foncier rural, la concentration des fermes et le statut du fermage. La loi d'orientation et d'avenir pour l'agriculture ne devrait pas permettre de corriger le tir puisqu'à ce jour, seul le portage y est abordé. Monsieur le ministre, pourquoi refusez-vous de saisir à bras-le-corps la question du foncier agricole ?

Ensuite, les agriculteurs ne peuvent assumer seuls les conséquences du dérèglement climatique et le coût financier de la transition agricole. La réforme du système assurantiel ne semble pas tenir toutes ses promesses. Dans le Gers, les arboriculteurs et les viticulteurs souffrent du mécanisme des moyennes olympiques, c'est-à-dire de la prise en compte de la référence de production historique retenue afin de calculer les pertes indemnisables au titre de l'assurance récolte. Nombre de viticulteurs gersois envisagent de résilier l'assurance, qu'ils ont souscrite à 75 %, en raison du manque d'efficacité de la prise en charge. Un an après son entrée en vigueur, n'est-il pas temps de dresser un premier bilan de la réforme et de corriger les dysfonctionnements constatés ?

Enfin, s'agissant du mildiou, les viticulteurs du vignoble Gascogne Armagnac ont subi une pluviométrie absolument exceptionnelle. Depuis le rejet de notre amendement réclamant un fonds pérenne de 60 millions d'euros, au lieu des 20 millions d'euros adossés au régime des de minimis agricoles, le Gouvernement a pris des mesures en faveur des agriculteurs de Bretagne et du nord de la France victimes d'inondations et de tempêtes en s'appuyant sur l'indemnité de solidarité nationale (ISN). Pourquoi dès lors renvoyer systématiquement le vignoble Gascogne Armagnac vers les assurances ? Le combat pour l'indemnisation continue au Sénat et j'espère que le Gouvernement reverra sa copie.

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Marc Fesneau, ministre

Je le répète, la future loi comprendra des dispositions qui intéressent le foncier mais ce ne sera pas une loi foncière. Certaines difficultés dans ce domaine sont d'ordre financier : les gens ne peuvent pas accéder au foncier parce qu'ils n'en ont pas les moyens. À cet égard, le portage foncier n'est pas une mesure mineure. Ce n'est pas un hasard si les régions et d'autres collectivités territoriales ont créé des établissements publics fonciers.

Ensuite, s'agissant de l'assurance, vous n'attendez pas six mois après son entrée en vigueur pour juger qu'une loi, votée par les deux assemblées de façon assez unanime, ne marche pas. Je vous livre quelques chiffres : 36 % de surfaces supplémentaires – plus de 2 millions d'hectares – sont assurées cette année. Le plafond fixé par le Président de la République de 680 millions d'euros de dépenses globales sera atteint dès l'année 2024. Vous pouvez appeler cela un échec, je considère que c'est un outil qui marche et qui participe à la résilience. Cela ne nous interdit évidemment pas d'en faire un bilan et de l'ajuster.

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Le projet de loi de finances pour 2024 crée un fonds doté de 200 millions d'euros en faveur de la souveraineté alimentaire et des transitions. Celui-ci doit accompagner, à l'échelon territorial, les démarches de structuration des filières associant amont et aval qui leur permettent de s'adapter aux exigences de décarbonation et de transition écologique et climatique.

Il est de notre devoir de soutenir la filière du mareyage qui s'est engagée dans la modernisation de ses outils en misant sur la décarbonation et la digitalisation. Le mareyage et la filière halieutique seront-ils éligibles au fonds que je viens d'évoquer ? De manière plus générale, quel soutien le projet de loi apportera-t-il aux métiers de la mer ?

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Baisse de la consommation, sécheresse qui dévaste les récoltes, absurdité des règles européennes, inflation : les viticulteurs vivent un véritable enfer. Comme si cela ne suffisait pas, vous ne trouvez rien de mieux que d'alourdir leur fiscalité. Hier encore, vous aviez décidé d'augmenter les taxes sur l'eau ainsi que sur les ventes de produits phytosanitaires, et de supprimer la défiscalisation sur le gazole non routier (GNR) agricole. En vous entêtant dans la surenchère fiscale, vous condamnez une profession en pleine crise, et avec elle de nombreux territoires. Le midi gronde, les viticulteurs attendent des réponses et des actes. Comptez-vous renoncer à la remise en cause de la défiscalisation du GNR agricole ? Confirmez-vous enfin l'abandon de la hausse des taxes sur l'eau et sur les phytosanitaires promis hier par Mme Borne à la FNSEA ?

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Monsieur le ministre, je vais commencer par vous donner raison : oui, il faut que les prix couvrent les coûts de production des agriculteurs. Or on constate sur un an une hausse des prix alimentaires de 10 % et une baisse des prix agricoles de 10 %. Ça ne va pas du tout.

J'imagine que la prochaine fois, la minorité présidentielle votera l'article 1er de la proposition de loi visant à lutter contre l'inflation par l'encadrement des marges des industries agroalimentaires, du raffinage et de la grande distribution et établissant un prix d'achat plancher des matières premières agricoles, que nous avions inscrite dans notre niche parlementaire. Nous continuerons à défendre l'instauration d'un prix plancher pour les agriculteurs et je suis convaincue que cette mesure sera adoptée.

Puisque le projet de loi n'aborde ni les revenus, ni le foncier, ni l'environnement, que contient-il ?

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Vous n'ignorez pas les conséquences sur l'attractivité de notre agriculture de la complexité des normes – sanitaires, environnementales, aides de la PAC –, de surcroît en constante évolution. Les agriculteurs sont confrontés à une multiplication des sources d'information et des obligations qui complique grandement la gestion des exploitations.

Il faut y ajouter les risques considérables que font peser les accords de libre-échange en matière de concurrence et de rémunération. Tout cela inquiète fortement le monde agricole qui s'efforce pourtant de nourrir nos concitoyens avec des produits de grande qualité.

Quelles mesures concrètes comptez-vous prendre pour protéger nos agriculteurs contre les distorsions de concurrence et pour simplifier les normes – cela ne coûte rien ?

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Depuis soixante ans, l'agriculture a perdu 80 % de ses exploitations et plus de cinq millions d'emplois directs. Les groupements d'employeurs agricoles et ruraux (GEAR) ont été identifiés comme étant un outil indispensable, offrant un cadre structuré et sécurisant, sur lequel on peut s'appuyer pour mettre en place des dispositifs d'insertion au profit des nouveaux entrants ou des personnes en formation et en reconversion. Or la réglementation actuelle ne contribue pas à soutenir et à sécuriser ce modèle. Le projet de loi sera-t-il l'occasion d'adopter un plan pour développer et structurer les GEAR ?

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Le 22 novembre dernier, nos homologues du Parlement européen ont adopté en séance plénière un projet de règlement relatif aux emballages et aux déchets d'emballages. Le texte confirme le statu quo : autrement dit, les États membres pourront continuer de recourir à tout type d'emballage, y compris le plastique. Seule la France, depuis l'entrée en vigueur de la loi Agec, interdit la vente au détail de fruits et légumes frais dans des emballages plastiques, sauf lorsqu'ils sont conditionnés en lot de plus d'un kilo et demi. La norme européenne crée une énième distorsion de concurrence qui pénalisera nos entreprises, notre souveraineté alimentaire et notre indépendance stratégique.

La rapporteure du texte au Parlement européen, Frédérique Ries, défendait une position plus équilibrée en proposant d'autoriser les emballages plastiques à partir d'un kilo et demi et d'exempter les fruits et légumes avec indication géographique. Pensez-vous que cette position pourrait être reprise et promue par la France au sein du Conseil ?

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Pour favoriser la transmission dans un cadre familial des exploitations agricoles, seriez-vous favorable à adapter le dispositif Dutreil aux entreprises individuelles ?

Pour attirer des capitaux durables dans le foncier agricole, seriez-vous favorable à faire bénéficier d'un crédit d'impôt ceux qui investissent durablement dans le foncier par le biais des groupements fonciers agricoles, voire à une évolution du statut du fermage ?

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En Corrèze, comme ailleurs, le slogan : « on marche sur la tête », entendu depuis plusieurs semaines, illustre la grogne de nos agriculteurs qui dénoncent pêle-mêle l'excès de normes et de fiscalité imposés aux productions agricoles françaises, une baisse de leurs revenus, des réponses insatisfaisantes aux aléas climatiques.

Nos agriculteurs ont besoin d'une planification pluriannuelle, de pouvoir utiliser des nouvelles technologies et de s'appuyer sur la recherche. Le projet de loi d'orientation et d'avenir agricole, tant espéré, est devenu l'Arlésienne.

S'agissant de la gestion de la ressource en eau, les événements météorologiques récents nous rappellent au bon sens paysan. Il serait dommage que la future loi ne s'intéresse pas au sujet tant le défi est immense. Pourquoi les dispositions relatives au partage et la gestion de la ressource en eau ont-elles été retirées de l'avant-projet ?

En ce qui concerne l'utilisation des produits phytosanitaires, allez-vous enfin agir pour que les règles de l'Union européenne s'appliquent en France sans aucune surtransposition ? Nos agriculteurs ont besoin d'une respiration normative sans quoi ils finiront asphyxiés.

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Les territoires se sont emparés de l'agrivoltaïsme que promeut la loi relative à l'accélération de la production d'énergies renouvelables, dite loi ENR. C'est une bonne chose à la fois pour la transition énergétique et pour les agriculteurs à qui il offre un complément de revenus.

Néanmoins, comme tout nouveau dispositif, il suscite des craintes. Ainsi, dans ma circonscription, on me cite souvent l'exemple d'un exploitant qui pourrait partir à la retraite mais qui maintiendrait à un niveau d'activité agricole minimal pour continuer de percevoir les revenus issus de l'agrivoltaïsme. Alors que les décrets d'application sont en préparation, pouvez-vous nous en dire davantage ?

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Monsieur le ministre, êtes-vous conscients des dangers de la viande de synthèse ? Dangers pour nos éleveurs, nos filières, nos traditions, nos savoir-faire, donc nos emplois ; dangers pour les consommateurs parce que la viande cellulaire produite artificiellement en laboratoire relève du même modèle que celui des géants du numérique : on dit aux consommateurs : « restez bien allongés sur votre canapé devant Netflix, on s'occupe de tout et on vous livrera de la chimie comestible avec UberEats ».

Face à ce que je qualifierai d'enjeu de société, êtes-vous prêt à prendre des mesures radicales, à l'instar de l'Italie, en interdisant purement et simplement la consommation et la commercialisation de ce type de produits en France ?

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L'avenir pour nombre de nos agriculteurs, c'est aussi la retraite. L'Assemblée nationale et le Sénat ont adopté à l'unanimité l'an dernier ce qui est devenu la loi du 13 février 2023 visant à calculer la retraite de base des non-salariés agricoles en fonction des vingt-cinq années d'assurance les plus avantageuses. Pouvez-vous nous assurer qu'à compter du 1er janvier 2026, la loi garantira aux retraités agricoles concernés une meilleure retraite ?

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Depuis la loi relative à l'économie sociale et solidaire de 2014, l'obligation de révision quinquennale a été étendue à l'ensemble des coopératives, quel que soit leur secteur d'activité. Dans toutes les filières, à l'exception de l'agriculture, tout cabinet d'audit agréé peut effectuer les contrôles de conformité des coopératives.

La révision des coopératives agricoles fait l'objet d'un quasi-monopole puisque seulement cinq fédérations sont agréées. Quelle est la légitimité d'un tel système qui impose un coût de révision discrétionnaire faute de concurrence ?

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Ma question concerne les mesures de protection contre la prédation du loup.

La méthode de comptage fait débat dans de nombreux territoires, notamment dans le Cantal. Le conseil départemental de Haute-Savoie a récemment financé un dispositif expérimental de comptage qui a permis de dénombrer deux fois plus de loups que ce qui avait été annoncé. Le Gouvernement doit être aux côtés des éleveurs face à la hausse constante des dommages causés par le loup ; il est impératif de renouer le lien de confiance. Comment comptez-vous procéder pour parvenir à une méthode de comptage scientifiquement crédible et acceptée par tous ?

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Je vous rappelle tout d'abord, Monsieur le ministre, que les viticulteurs n'ont jamais eu besoin des accords de libre-échange pour exporter leur vin puisqu'ils le font depuis le Moyen-Âge.

La non-négociabilité de la matière première agricole prévue dans la loi du 18 octobre 2021 visant à protéger la rémunération des agriculteurs, dite Egalim 2, ne s'applique pas à la filière viticole. Pourtant la viticulture n'échappe pas aux difficultés que connaît l'agriculture en matière de répartition des marges. Une bouteille vendue 5 euros sur un linéaire devrait, si toutes les marges étaient respectées, rémunérer le viticulteur deux fois plus qu'il ne l'est actuellement.

J'ai constaté que le dispositif était peut-être mal compris mais aussi mal adapté. J'avais contacté votre ministère qui m'avait très bien reçu mais qui avait écarté toute possibilité d'avancer. Je vous ai écrit le 22 juin. Depuis, j'ai compris que vous aviez repris contact avec les filières. Pouvez-vous nous préciser le contenu de vos échanges ainsi que les perspectives que vous envisagez sur ce sujet ?

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En novembre, la Commission européenne a recommandé l'ouverture des négociations en vue de l'adhésion à l'Union européenne de l'Ukraine et de la Moldavie. Cette annonce a suscité émoi et inquiétude chez nos agriculteurs en raison du poids de l'agriculture ukrainienne – elle représente près d'un quart de l'agriculture européenne pour les volailles et la grande culture – mais également des conditions de production dans le pays. Les craintes portent sur la distorsion de concurrence intracommunautaire, sur les normes environnementales ainsi que sur l'octroi des aides de la PAC. Du fait de la surface moyenne des terres arables des exploitations ukrainiennes, l'Ukraine pourrait prétendre à une part considérable des financements de la PAC, ce qui pourrait entraîner une diminution concomitante massive des subventions accordées aux États membres actuels. Quelle sera la position de la France lors du sommet européen des 14 et 15 décembre qui abordera cette question ?

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En Ardèche, la saison des salons des vins a commencé. Je me suis rendue au salon de Cornas où l'adaptation des pratiques des vignerons au changement climatique, leur action pour préserver la biodiversité, leurs difficultés de recrutement ainsi que leur rôle majeur dans l'aménagement de nos territoires ont été les principaux thèmes évoqués.

L'usage des drones pour les traitements pesticides apparaît comme une piste intéressante dans les vignobles situés sur des terrains fortement pentus. Aujourd'hui, ces traitements sont réalisés par des porteurs soumis à une pénibilité importante, à des risques accrus d'exposition aux pesticides, mais aussi d'accident. Pour les vignerons bio, compte tenu du nombre élevé de passages nécessaires – après chaque pluie, il faut recommencer –, la pulvérisation par drone serait une avancée notable. Quelle est la position de votre ministère sur ce sujet ? Quelles perspectives pouvons-nous donner aux vignerons de zones de forte pente ?

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J'espère qu'il y aura dans le projet de loi un volet sur les contrôles dans les exploitations agricoles. Je prends l'exemple des contrôles dans le cadre de la directive « nitrates » qui ont lieu en ce moment dans ma circonscription. Que l'on demande les factures d'engrais, les cahiers de fertilisation, les plans de fumure et quelques autres documents, c'est normal. Mais que l'on demande le litrage journalier sur an pour les producteurs de lait, les marges brutes par production sur les cinq dernières années et le bilan comptable de l'année, c'est anormal. Les documents demandés doivent être limités à l'objet du contrôle. Qu'en pensez-vous ?

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Je vous remercie de nous transmettre, comme nous l'avions demandé il y a trois semaines, la répartition, issue du nouveau plan stratégique national (PSN), des aides de la PAC aux différentes catégories d'agriculteurs.

Envisagez-vous dans le projet de loi de revenir sur la séparation du conseil et de la vente des produits phytosanitaires, qui est un échec ?

Le prosulfocarbe est responsable d'une pollution du sarrasin qu'aucune assurance ne prend en charge compte tenu de la volatilité du produit. Prenez-vous l'engagement d'apporter une solution assurantielle à ce problème ?

Enfin, Matignon ayant accordé une remise sur la taxe sur les pesticides, si j'en crois la presse de ce matin, comment sera désormais financée la sécurisation en eau des systèmes agricoles ?

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Le Parlement européen vient de voter en faveur de l'accord de libre-échange entre l'Union européenne et la Nouvelle-Zélande. Or cet accord pose un sérieux problème à nos produits agricoles et viticoles car la Nouvelle-Zélande pratique une agriculture industrielle qui se place parmi les leaders mondiaux de l'exportation de produits laitiers, de viande d'agneau et de mouton.

Dans les sept ans à venir, les importations agricoles seront multipliées par dix. Vous imposez des normes environnementales drastiques à nos agriculteurs mais vous laissez importer des produits avec un bilan carbone désastreux, venant d'un pays qui continue d'utiliser certains herbicides comme l'atrazine pourtant interdite en Europe depuis 2003. Face à ces conséquences dramatiques, pourquoi vous entêtez-vous dans vos contradictions au détriment de nos filières et nos agriculteurs ?

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Ma question porte sur les mesures agroenvironnementales et climatiques et les projets agroenvironnementaux et climatiques (Paec). En Savoie, 90 % des surfaces pastorales sont regroupées pour présenter une candidature commune et 71 % de la superficie est classée. Le budget de l'année dernière est trois fois inférieur aux précédents pour ces territoires agropastoraux essentiels. Quand aurons-nous des précisions sur le financement par l'agence de l'eau ? Les territoires ont besoin de réponses alors qu'ils déposent leur candidature.

Comptez-vous demander un déclassement du loup dans la directive « habitats, faune, flore » pour que nous entrions dans une période de régulation et non plus de protection stricte ? C'est la seule solution pour sortir de la difficulté majeure dans lequel tout le territoire national est désormais plongé.

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Les marchandises auront à parcourir 20 000 kilomètres pour venir de Nouvelle-Zélande. Quelles sont-elles en matière agricole ? Kiwi, pomme, oignon, miel avec élimination totale des droits de douane ; 10 000 tonnes de viande bovine ; 38 000 tonnes de viande ovine qui viennent s'ajouter à ce qui avait été accordé à la suite de la catastrophe du Rainbow Warrior ; 15 000 tonnes de beurre ; 25 000 tonnes de fromage ; 15 000 tonnes de poudre de lait. Ma question est simple : quelles sont les contreparties pour la France ?

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Ma question concerne l'avenir des zones intermédiaires, comme en Lorraine. L'adaptation des pratiques culturales – des cultures d'hiver récoltables au printemps et une diminution de l'élevage – est présentée comme la seule piste. Ce n'est pas acceptable. On ne peut pas subir cette décroissance, imposée sans le dire, du modèle agricole. Il nous faut sauver le modèle de polyculture-élevage. Or les arbitrages actuels se font au détriment de l'élevage. En modifiant les usages des prairies, on aboutit à une décapitalisation cheptel et à une perte d'actifs agricoles.

Ne faudrait-il pas développer rapidement une irrigation dans les secteurs où elle n'existe pas ? Dans quelle mesure le projet de loi, fortement attendu par la ferme France, pourrait faciliter des expérimentations pour construire un modèle de rentabilité pour la polyculture-élevage, fondé sur l'innovation et la conciliation entre production et biodiversité ?

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Où en sont les discussions avec l'Union européenne sur l'apposition du nutri-score sur d'excellents produits tels que le Beaufort ou d'autres fromages de nos territoires qui font la richesse de notre agriculture ? Ce serait un coup dur porté aux filières si nous devions obtempérer sans mot dire sur ce point.

S'agissant encore et toujours du loup, je m'associe à ceux qui militent pour une régulation et non plus une protection de l'espèce, eu égard au nombre très important – bien supérieur à ce que l'on nous dit – de loups présents dans nos territoires de montagne qui causent un préjudice certain au pastoralisme.

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La profession d'agriculteur connaît l'un des plus forts taux de suicide. Marie Pochon et André Chassaigne ont organisé récemment une table ronde sur le mal-être en agriculture. Solidarité paysans y mettait en avant l'endettement comme premier facteur de mal-être. Le taux d'endettement moyen est, selon eux, passé de 80 000 euros en 2000 à 278 000 en 2020.

Quelles sont vos propositions pour faire face à ces taux d'endettement exorbitants qui freinent les évolutions nécessaires des fermes pour répondre aux attentes sociétales et gagner en autonomie ?

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Vous vous êtes rendu au salon de la betterave dans la Somme, Betteravenir, ce que les agriculteurs ont salué. À cette occasion, vous avez déclaré : « N ous serons au rendez-vous de l'engagement qui a été le mien de couvrir les risques de la jaunisse ».

L'Eure-et-Loir a été touché par la jaunisse. Je prends l'exemple d'une exploitation à Sours, près de Chartres : le rendement était de 89 tonnes sur les parcelles qui étaient non touchées et de 75 tonnes sur celles qui l'étaient, soit un écart de rendement de 14 tonnes. L'exploitation a perdu au total 497 tonnes ; au prix de 46 euros la tonne, cela représente une perte de 22 862 euros. Je me dois de relayer la question qui m'a été posée : pouvez-vous préciser aux betteraviers qui ont été touchés par la jaunisse les modalités de prise en charge des risques que vous consentez à couvrir ?

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Marc Fesneau, ministre

Une remarque avant de vous répondre aux uns et aux autres : il est très surprenant de vous entendre, d'un côté, critiquer l'excès de réglementations et de normes et, de l'autre, réclamer de tout mettre dans la loi. Mais le paradoxe est partagé, et l'ancien parlementaire que je suis, provisoirement, s'y inclut. Une simplification est nécessaire, à laquelle le ministère de l'agriculture prendra part.

Monsieur Bouyx, les entreprises de mareyage seront bien éligibles au fonds de 200 millions d'euros.

Monsieur Lopez-Liguori, on pourrait raconter que le GNR sera défiscalisé jusqu'à la nuit des temps, mais ce seraient des sornettes. Nous avons besoin d'une trajectoire qui réduise progressivement l'avantage fiscal existant. Cette trajectoire est intégralement compensée par trois dispositifs fiscaux, sur les plus-values ou sur le micro-BA (bénéfice agricole), notamment. Ce qui a été prélevé sera largement compensé. La défiscalisation du GNR coûte 1,7 milliard d'euros ; la première phase de réduction ne concernera que 50 millions en 2024.

Monsieur Potier, sur le sujet de l'eau, on a besoin de se poser tranquillement, sans démagogie. Des moyens sont nécessaires pour financer la transition hydraulique. Le pacte comprendra des éléments de réglementation destinés à faciliter la création des projets hydrauliques, qui peinent à voir le jour. Les dépenses seront ajustées, étant donné que les recettes seront moindres. Chacun doit prendre ses responsabilités, y compris ceux qui demandent de diminuer les recettes. J'aurais préféré que nous trouvions une trajectoire. Les responsables syndicaux ont d'ailleurs bien dit qu'ils étaient prêts à se remettre très vite autour de la table pour la définir. Face à l'agacement qui naît parfois du sentiment d'accumulation des contraintes, cette mesure permet de se laisser un peu de temps.

Madame Trouvé, je reconnais votre persévérance concernant les prix planchers. Ma réponse n'a pas changé : s'il n'y a des prix planchers qu'en France, les produits viendront d'Allemagne et d'Espagne et tout ce que vous aurez gagné, c'est l'affaiblissement de la ferme France. Le mécanisme économique est connu. Nous ne vivons pas sur une île en autarcie. Il n'y a que la Corée du Nord qui applique ce modèle, et ce n'est pas très encourageant.

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Marc Fesneau, ministre

M. Dive veut faire la révolution et vous voulez vous inspirer des États-Unis ! J'y perds mon latin et mon grec ! Heureusement, M. de Courson tient fièrement sa ligne.

Monsieur Vigier, vous avez raison, à force d'accumulation, nous avons créé des systèmes complexes. Et souvent, quand on a voulu simplifier, le résultat était encore plus compliqué. Il faut s'interroger sur ce que nous pouvons simplifier. La PAC est complexe, parce qu'elle a dû répondre à des cas très divers. Mais il existe des marges. Prenons l'exemple des haies : les règlements se chevauchent jusqu'à se contredire. Il faut sans doute moins de réglementation et davantage de cohérence.

Madame Le Peih, nous sommes favorables à tout ce qui encouragera le collectif.

Monsieur Girardin, il faut absolument éviter de produire une réglementation distincte de celle de l'Union européenne. On se bat au niveau européen pour arriver à ce que vous souhaitez. Mais, alors que la loi Agec n'est déjà pas allée sans difficultés, n'allons pas tout bousculer au niveau européen, sans quoi on va perdre tout le monde et ce seront nos filières qui en subiront les conséquences. La question de l'emballage est en effet d'une vraie complexité pour la filière bio.

Monsieur de Courson, les investissements dans les GFAI pourront bien bénéficier d'une défiscalisation. Attention toutefois au statut du fermage, qui est un élément de stabilité et de compétitivité qui protège le producteur. Autant il serait utile de le renforcer, autant le remettre en cause serait une erreur.

Monsieur Dubois, il est en effet indispensable de planifier la gestion de l'eau et de trouver cet équilibre délicat entre la nécessité de produire et celle de préserver la ressource. Reconnaissez que nous sommes le premier Gouvernement à poser la question !

Monsieur Marchive, le décret précisant les conditions de l'agrivoltaïsme est en cours de finalisation et sera soumis à concertation dans les prochains jours. Le ministère de l'agriculture estime qu'il ne faut pas se priver de cette occasion. La question du taux d'emprise sera aussi à étudier. Enfin, les commissions départementales de préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers (CDPENAF) permettront d'écarter les projets alibis de ceux qui se prétendraient éleveurs après avoir mis trois moutons sur 30 hectares. Des dispositifs de sanction permettront de requalifier de tels projets. Pour éviter tout risque d'exclusion, les CDPENAF auront un rôle essentiel. L'agrivoltaïsme vient utilement rappeler que l'agriculture produit de l'énergie : les méthaniseurs, le photovoltaïque ou la biomasse sous d'autres formes, qui peuvent apporter un complément de revenus. Il faudra néanmoins travailler sur la question de la répartition de la valeur : à qui ira l'argent ? Au propriétaire, à la collectivité, à l'exploitant ? Faudrait-il envisager des mutualisations pour éviter les dérives ?

Monsieur Brun, nous formulerons des préconisations sur la viande de synthèse. Mon sentiment à son égard est plus que mitigé. C'est curieux comme certains, qui passent leur temps à taper sur l'élevage, défendent dans le même temps la viande de synthèse tout en nous disant qu'il faut maintenir les prairies. Ce sont d'ailleurs les mêmes qui refusent l'hybridation ou les manipulations génétiques mais qui laisseraient aux laboratoires le soin de faire une viande dont on ne sait pas très bien comment elle sera produite et qui pose une vraie question environnementale, celle de son bilan carbone notamment. Enfin, alors qu'il y a des centaines de milliers d'éleveurs en Europe, ce modèle est aux mains de seulement cinq multinationales – la viande de synthèse, on ne la fera pas dans nos cuisines –, alors qu'on promeut le principe de gagner en souveraineté et de ne pas être dépendants des grands groupes. Certains objectent qu'il ne faut pas passer à côté d'opportunités économiques mais cela pose également des questions éthiques d'importance. Les courants à l'œuvre sont parfois anti-élevage. Si la viande de synthèse est le cheval de Troie des anti-élevage pour les faire disparaître, c'est d'autant plus grave ! Il faut estimer précisément les conséquences, notamment environnementales, et voir quel cadre envisager, sachant qu'on ne peut pas en exiger un pour l'agriculture sans rien imposer à ces sociétés.

Monsieur Dive, le travail sur les retraites relève désormais du niveau réglementaire. Plusieurs scénarios sont à l'étude : soit on applique les nouvelles dispositions aux seuls entrants, soit on fait une double liquidation. Il faut regarder les perdants. La loi ne règle pas le problème, d'autant que la reconstitution des carrières est compliquée. Si le texte fait qu'il y a plus de perdants que de gagnants, ce n'est pas une avancée.

Madame Petel, il n'y a pas de monopole de ces sociétés, le contrôle est encadré par la réglementation et a été renforcé en 2018.

Monsieur Bony et tous ceux qui m'ont interrogé sur le loup, il me reste sans doute un fond d'idéalisme, mais j'aimerais que, concernant les chiffres, on cesse de jouer à la police contre les organisateurs. La première des choses, c'est de se mettre d'accord sur un mode de comptage non seulement national mais européen. C'est d'ailleurs l'une des propositions du plan loup 2024-2029 : c'est une question de crédibilité et de confiance avec les agriculteurs. Depuis que le loup a été réintroduit en France en 1992, il ne s'est quasiment rien passé, alors que quelques Gouvernements se sont succédé. On est passé de zéro à plus de mille loups. C'est pourquoi nous avons décidé, pour la première fois, de réinterroger le statut de l'espèce. On ne peut pas laisser les arbres monter jusqu'au ciel. Ce n'est plus la démographie du loup qui est menacée, c'est le pastoralisme.

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On est content de vous l'entendre dire !

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Marc Fesneau, ministre

Je l'ai déjà dit, monsieur Rolland, et je l'ai même écrit ! C'est dans le plan loup.

C'est au niveau européen que cela se décidera. Avec plusieurs collègues, nous réclamons de réinterroger le statut de l'espèce. En juillet 2022, la Commission m'avait opposé une fin de non-recevoir ; un an plus tard, la discussion est devenue possible. Il n'y a pas de vainqueurs et de perdants : il faut seulement restaurer un équilibre qui a été rompu. Le loup est un animal très adaptable, bien supérieur à nous en matière de démographie. Nous allons continuer à travailler, en particulier sur la simplification des protocoles de tir, qui devront être prêts le 1er janvier, sur le caractère protégeable ou non de l'espèce ou sur l'indemnisation des pertes indirectes, autant de sujets en suspens depuis des dizaines d'années.

Monsieur de Fournas, je ne fais de grief à personne, mais je constate que tous les opérateurs n'étaient pas prêts au moment de la loi Egalim 2. Si l'on enclenche la marche en avant sur les matières agricoles, pourquoi la viticulture n'entrerait-elle pas dans ce mouvement ? C'est aux viticulteurs de se saisir de la question, mais ils ne peuvent pas nous reprocher de les avoir exclus alors que telle était leur demande. Nous pouvons cependant rouvrir cette question : j'y suis prêt, mais les divisions entre les zones viticoles et entre les négociants et les autres acteurs étaient grandes. Compte tenu des difficultés pesant sur la structure des prix du vin et de sujets importants comme la baisse de la consommation et le dérèglement climatique, la résolution de ce problème n'emporterait pas celle de l'ensemble des défis de la viticulture. Tout le monde me dit que l'excédent de production atteint 4 millions d'hectolitres : ce n'est pas Egalim qui résoudra ce problème ! Le vin, il faut le consommer – avec modération – pour que l'économie du secteur soit prospère.

Madame Buffet, je me suis rendu en Ukraine pour rencontrer mon homologue et j'y ai tenu le discours suivant : soit l'Ukraine entre dans l'Union européenne comme un concurrent des agricultures européennes et les négociations seront vite bloquées, soit la grande capacité productive et la haute productivité de ce pays en matière agricole contribuent à faire de l'Union européenne une puissance agricole mondiale. L'Ukraine et les pays européens doivent répondre à cette alternative. Je suis suffisamment vieux pour avoir connu les peurs ayant accompagné l'entrée de l'Espagne, du Portugal, puis de la Pologne et de la Roumanie : aucun désastre ne s'est produit.

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La Pologne est bien notre premier concurrent !

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Marc Fesneau, ministre

Vous défendez un modèle autarcique où règne le « chacun pour soi », mais ce système a très mal fini en Europe, monsieur de Fournas. Nous avons intérêt à coopérer même si cela est difficile, car nous savons où mène le repli sur soi : vous devriez vous inspirer des leçons de l'histoire : je ne vous en fais pas grief, mais regardez l'histoire, la coopération est une bien meilleure politique.

Il est nécessaire de faire converger les normes des autres pays vers les nôtres, sinon le libre marché n'est pas possible. Ce principe s'est appliqué aux Polonais et aux Espagnols, et il vaut pour tous ceux qui veulent entrer dans l'Union européenne.

Les chefs d'État et de gouvernement aborderont, lors du Conseil européen de la fin de la semaine, la question de la perspective de l'adhésion de l'Ukraine à l'Union européenne. Si nous ne prenons pas garde aux distorsions de concurrence, l'entrée de ce pays peut être un désastre pour notre agriculture, mais si les Ukrainiens suivent les règles communes, leur adhésion peut être une chance.

Madame Heydel Grillere, une expérimentation d'épandage par drones a été conduite, dont l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) analyse les premiers résultats : ceux-ci sont plutôt probants donc il convient de prolonger l'expérimentation. Le drone permet de traiter quelques endroits accidentés d'une parcelle : il ne faut pas se priver d'un tel outil.

Monsieur Bourgeaux, oui, il faut simplifier la réglementation et dépassionner les contrôles, car ces derniers sont un vecteur de sécurisation : l'immense majorité des agriculteurs respectent la réglementation et ont donc intérêt à ce que ceux qui ne le font pas soient contrôlés et sanctionnés pour ne pas subir de distorsion de concurrence. En revanche, on peut s'interroger sur la nature et le cumul des contrôles.

Monsieur Potier, vous l'avez dit vous-même, la séparation des fonctions de conseil et de vente de produits phytosanitaires n'a pas fonctionné. J'ai voté pour cette mesure, contrairement à vous, êtres parfaits qui ne commettez jamais d'erreur – en témoigne l'état de l'agriculture française lorsque nous sommes arrivés au pouvoir. Vous pourriez prendre l'initiative de déposer un texte visant à revenir sur cette réforme, mais le sujet ne figurera pas dans la loi d'orientation.

S'agissant de la RPD, une diminution des recettes entraîne une contraction des dépenses. Nous devons sortir collectivement de la situation actuelle en cherchant une voie de progrès avec les agriculteurs. J'ai eu ce matin une visioconférence avec des acteurs d'Occitanie : nous aurons besoin de moyens et nous devons crédibiliser notre capacité à sortir des ouvrages – cette question renvoie à celle de la réglementation.

Madame Goulet, l'agriculture néo-zélandaise n'est pas particulièrement industrielle ; si vous trouvez que c'est difficile d'exporter des produits à 20 000 kilomètres de la France, alors ne vendons plus de vin aux Japonais ! Quand nous exportons, c'est très bien, mais quand nous importons, c'est grave pour le bilan carbone : c'est une attitude totalement contradictoire. Nous avons rempli pendant des années des cargos avec du Beaujolais nouveau, j'en étais plutôt fier.

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Heureusement que nous exportons des produits agricoles, sinon où en serait notre déficit commercial ? Vous voyez que je ne suis pas totalement communiste.

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Marc Fesneau, ministre

Je vous remercie, monsieur Dive, de faire l'éloge de l'exportation. Ne disons pas que l'agriculture néo-zélandaise est industrielle ; c'est une agriculture hyperextensive : les parcelles sont très grandes et la densité faible. Ils remplissent ainsi facilement leurs devoirs en matière de climat, notamment ceux des accords de Paris.

Madame Bonnivard, nous allons regarder les Maec et les Paec pour encourager les candidatures des uns et des autres. Nous devons faire ce travail avec les agences de l'eau pour concrétiser nos engagements et avancer rapidement, ce mois-ci, sur le sujet.

Monsieur Chassaigne, je défends la cause des agriculteurs et la cause agricole. Beaucoup de sujets sont relatifs aux services – vous le savez d'ailleurs fort bien. Quant aux accords de libre-échange, ils ne sont pas nouveaux mais ils doivent être justes, notamment pour le climat. Nous avons besoin d'échanger avec nos voisins, surtout dans un contexte de dérèglement climatique car certaines années seront difficiles. C'est pour moi un crève-cœur, mais l'Union européenne a dû importer 20 millions de tonnes de céréales supplémentaires cette année – c'est pourquoi je demande des mesures sur les dérogations de jachère ; sans ces importations, comment nourrissons-nous les gens ? L'Espagne et l'Italie ont rencontré un problème climatique cette année, donc il faut avoir des relations non conflictuelles avec nos voisins et même avec les pays plus lointains ; sans cela, nous nous exposerions à de grandes difficultés : importer 40 millions de tonnes de céréales comme l'a fait l'Europe cette année représente une grave menace pour notre souveraineté. Les accords de libre-échange doivent être justes et nous devons porter une grande attention aux contreparties.

Monsieur Bazin, le modèle va changer : il ne faut pas dire aux agriculteurs que nous allons trouver les moyens de maintenir intégralement l'existant. Cela fait presque vingt-quatre mois qu'il ne pleut pas dans le Languedoc - Roussillon. Dans de telles conditions, le défi est de maintenir la vigne en vie et de chercher les voies de diversification : avec le changement climatique, la géographie de la production doit évoluer – cette question touche les autres régions, y compris la Lorraine. Les fonds de transition territoriaux, abondés de 200 millions d'euros, visent à anticiper et à accompagner les évolutions et non à maintenir le système jusqu'à ce qu'il s'effondre. Les zones soumises à un défi climatique immense et immédiat ainsi que les zones intermédiaires sont prioritaires ; les zones intermédiaires, comme le Berry, sont actuellement les plus menacées. Nous avons débloqué les moyens, reste à construire, avec les territoires, une trajectoire nouvelle et non à lutter pour préserver le statu quo : dans les zones intermédiaires, la nature des sols menace, davantage que dans les zones spécialisées, la polyculture et l'élevage, qui ne pourront pas s'en sortir par la seule irrigation.

Seuls six ou sept États membres de l'Union européenne possèdent un système comparable au nutri-score. Nous avons intérêt à lancer un processus d'harmonisation car le nutri-score fonctionne. Je me méfie beaucoup des étiquetages mais les gens se sont approprié celui-là. Son utilité est simplement minée par le fait que vingt pays de l'Union européenne ne l'utilisent pas.

Madame Hignet, s'agissant de l'endettement des agriculteurs, il faudrait disposer de montants en euros constants pour neutraliser l'inflation. Une partie du mal-être est liée à l'endettement, mais une partie seulement. Nous introduirons dans le projet de loi un dispositif d'allégement de la part du portage foncier et du portage de capitaux grâce à l'apport de garanties, afin de soulager le poids de l'endettement. Néanmoins, on ne peut pas à la fois demander aux éleveurs de se moderniser pour améliorer le bien-être animal et regretter leur endettement : faire plus de place aux truies et à leurs petits dans les logettes exige des aménagements onéreux. Ce surcoût ne se retrouve en outre jamais dans le prix : la grande distribution fait pression sur le producteur et celui-ci absorbe seul l'investissement.

Enfin, Monsieur le président, la crise de la betterave n'est pas généralisée, elle est même très localisée en Eure-et-Loir : nous couvrirons les risques, selon les modalités de couverture des crises de cette nature. Nous sommes sur le point de trouver un point d'équilibre : nous tiendrons nos promesses et aiderons les producteurs les plus touchés par la jaunisse – chez vous, les taux de perte se situent entre 40 % et 60 % –, mais nous ne répondrons pas favorablement aux demandes reconventionnelles. Par ailleurs, les prix sont très élevés, ce qui est une bonne nouvelle pour compenser les pertes. Nos engagements valent pour 2023 – année pour laquelle nous nous étions privés des outils relatifs aux néonicotinoïdes ; en 2024, notre action évoluera : j'ai pris des engagements clairs pour poursuivre les programmes de recherche, un chercheur m'ayant confirmé qu'il fallait entre quatre et six ans pour trouver des solutions alternatives aux néonicotinoïdes.

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Merci beaucoup Monsieur le ministre pour la qualité de vos réponses et le temps que vous nous avez consacré.

Membres présents ou excusés

Commission des affaires économiques

Réunion du mercredi 6 décembre 2023 à 15 heures

Présents. – M. Xavier Albertini, M. Laurent Alexandre, M. Antoine Armand, M. Thibault Bazin, M. Thierry Benoit, M. Éric Bothorel, M. Jean-Luc Bourgeaux, M. Bertrand Bouyx, Mme Françoise Buffet, M. Sylvain Carrière, M. André Chassaigne, M. Frédéric Descrozaille, M. Julien Dive, M. Francis Dubois, Mme Virginie Duby-Muller, M. Frédéric Falcon, M. Grégoire de Fournas, M. Éric Girardin, Mme Florence Goulet, Mme Mathilde Hignet, M. Guillaume Kasbarian, M. Pascal Lavergne, Mme Nicole Le Peih, M. Hervé de Lépinau, M. Aurélien Lopez-Liguori, M. Bastien Marchive, M. Nicolas Pacquot, Mme Anne-Laurence Petel, M. René Pilato, M. Dominique Potier, M. Vincent Rolland, M. Lionel Tivoli, Mme Aurélie Trouvé

Excusés. – Mme Delphine Batho, Mme Anne-Laure Blin, Mme Sophia Chikirou, Mme Christine Engrand, M. Perceval Gaillard, M. Sébastien Jumel, M. Maxime Laisney, Mme Hélène Laporte, M. Éric Martineau, M. Max Mathiasin, M. Philippe Naillet, M. Charles Rodwell, Mme Danielle Simonnet, M. Stéphane Travert, M. Jiovanny William

Assistaient également à la réunion. – Mme Anne-Laure Babault, Mme Émilie Bonnivard, M. Jean-Yves Bony, M. Philippe Brun, M. Charles de Courson, M. Benjamin Dirx, Mme Laurence Heydel Grillere, Mme Marie Pochon, M. David Taupiac, M. Jean-Pierre Vigier