Intervention de Mathilde Hignet

Réunion du mercredi 6 décembre 2023 à 15h00
Commission des affaires économiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMathilde Hignet :

Après des mois de concertation et la mobilisation de milliers de personnes, le constat a été suffisamment partagé et répété : les paysans disparaissent et il est urgent, pour assurer notre souveraineté alimentaire, qu'ils s'installent de nouveau en nombre. Quant à la transition agroécologique, elle est indispensable : la biodiversité s'effondre, la pollution de nos masses d'eau se généralise et les aléas climatiques plus fréquents et plus intenses occasionnent d'importants dégâts sur les productions agricoles.

Une loi d'orientation agricole devrait avoir pour objectif de répondre à ces grands enjeux. Il faut maintenant des actes, au travers d'un texte ambitieux et fixant un cap clair, à l'instar des lois Pisani. Mais visiblement, il n'en sera rien. Dès le début, vous avez écarté la question centrale, celle du revenu paysan. Pourtant, si elle n'est pas traitée, toutes les autres mesures seront vaines. Personne ne veut d'un travail qui ne soit pas rémunérateur. Nous avons proposé des prix planchers pour garantir un prix rémunérateur aux agriculteurs, mais votre majorité s'y est récemment opposée. Les lois Egalim ne peuvent pas être un prétexte pour ne rien faire, d'autant qu'elles ne fonctionnent pas dans tous les secteurs. En vingt ans, la part revenant aux éleveurs sur la vente d'un litre de lait a baissé de 4 %, quand celle de la grande distribution augmentait de 188 % !

Vous refusez également d'aborder de façon sérieuse l'accès au foncier, qui est pourtant un frein majeur, évoqué dans la moitié des quarante témoignages recueillis au sujet des difficultés d'installation. Des paysans ne parviennent pas à s'installer à cause du foncier, alors qu'un fonds de portage de la Safer et de ses partenaires d'un montant de plus de trois milliards d'euros est déjà disponible et n'attend que la validation de votre ministère.

Au sujet de l'adaptation au changement climatique, André Pochon, pionnier de l'agriculture durable, affirmait déjà dans son livre Les Sillons de la colère qu'il était possible de nourrir nos concitoyens et de rémunérer correctement nos paysans tout en préservant l'environnement. Je le cite : « Depuis les années cinquante et soixante, on sait comment accorder une agriculture productive à forte valeur ajoutée avec la préservation de l'environnement, et on sait que le mariage entre économie et écologie produit de surcroît des aliments sains et de qualité. » Or rien n'a été fait pour accompagner le monde agricole en ce sens, et vous entendez éluder le sujet dans votre pacte, sans consulter la Représentation nationale. Vous craignez certainement une nouvelle défaite, comme celle que vous avez connue lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2024 avec le vote de l'amendement visant à abonder de 271 millions d'euros les crédits à l'agriculture biologique ou de celui visant à renforcer de 350 millions les crédits dédiés aux mesures agroenvironnementales et climatiques (Maec). Ces montants sont bien supérieurs aux 34 millions que vous promettez, largement insuffisants pour soutenir la filière bio dans la crise historique qu'elle traverse.

Que ce soit en ayant recours à l'article 49, alinéa 3, ou en renvoyant les mesures à un pacte, vous semblez déterminé à exclure le Parlement du débat sur l'avenir de l'agriculture. Quel est votre plan pour garantir une alimentation saine et locale, respectueuse de l'environnement et de nos concitoyens ? Quel est votre plan pour assurer un revenu digne aux agriculteurs et aux agricultrices, et un égal accès aux terres agricoles ? Ce sont les conditions premières pour assurer le renouvellement des générations.

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