La séance est ouverte à neuf heures trente.
La commission poursuit l'examen du projet de loi, adopté par le Sénat après engagement de la procédure accélérée, pour le plein emploi (n° 1528) (M. Paul Christophe et Mme Christine Le Nabour, rapporteurs).
Mes chers collègues, depuis lundi, nous avons examiné 319 amendements. Il en reste 807 en discussion.
Article 2 (suite) : Redéfinir les droits et devoirs des demandeurs d'emploi
Amendement AS111 de M. Arthur Delaporte
L'amendement vise à garantir que les carences de l'organisme référent dans l'accompagnement du signataire du contrat d'engagement sont constitutives d'une faute susceptible d'engager sa responsabilité, conformément à la jurisprudence du Conseil d'État, notamment rappelée dans sa décision du 28 décembre 2018 et dans le point 8 de son avis sur le présent texte de loi, d'après lequel il faut « clarifier la rédaction des dispositions [...] en identifiant notamment le plan d'action comme une composante à part entière » du contrat d'engagement, et qui rappelle que « les carences de France Travail dans l'exercice de ses missions d'accompagnement personnalisé seront susceptibles de constituer des fautes ».
Je ne vois pas l'intérêt d'inscrire dans la loi la jurisprudence du Conseil d'État. Avis défavorable.
La commission rejette l'amendement.
Amendements identiques AS861 de M. Yannick Monnet et AS1177 de Mme Marie-Charlotte Garin
L'amendement AS861 est issu de propositions de l'Union nationale interfédérale des œuvres et organismes privés non lucratifs sanitaires et sociaux. Il ouvre la possibilité de changer de conseiller ou de conseillère sur demande. Cette relation doit s'établir sur de bonnes bases, afin que le contrat corresponde aux besoins du demandeur d'emploi et qu'il se sente à l'aise.
Mon amendement est issu d'une proposition du collectif Alerte. Ouvrir aux demandeurs d'emploi la possibilité de changer de conseiller sur demande replace le choix et le pouvoir d'agir des allocataires au centre de leur accompagnement.
Suivant l'avis du rapporteur, la commission rejette les amendements.
Amendements identiques AS99 de M. Arthur Delaporte, AS480 de Mme Marie-Charlotte Garin et AS560 de Mme Farida Amrani
Il s'agit de supprimer les alinéas 12 à 17 afin de supprimer toute référence, dans le contrat d'engagement, au concept d'offre raisonnable d'emploi (ORE). Dans la continuité de l'opposition historique des parlementaires socialistes à la création de ce concept dans la loi du 1er août 2008 relative aux droits et aux devoirs des demandeurs d'emploi, nous rappelons que le demandeur d'emploi ne choisit pas sa situation de chômage et que la notion d'offre raisonnable d'emploi entretient le mythe du chômage volontaire.
Par ailleurs, l'accompagnement des allocataires du RSA ne vise pas nécessairement à les orienter vers l'emploi. Nous regrettons donc qu'ils soient inscrits en qualité de demandeurs d'emploi.
Ces amendements font peu de cas du rapport demandé par notre collègue Pierre Dharréville lors de l'examen, l'an dernier, de la loi portant mesures d'urgence relatives au fonctionnement du marché du travail en vue du plein emploi. Ce rapport, relatif à l'ORE, nous permettra d'en savoir un peu plus sur son efficacité. Il serait de bon ton d'attendre qu'il soit remis pour porter un jugement sur le concept.
Merci de préciser qu'il faut évaluer ce concept : on peut effectivement s'interroger sur son efficacité. C'est pourquoi il n'est pas justifié de l'imposer aux allocataires du RSA. Attendons d'en connaître l'évaluation pour les demandeurs d'emploi à titre plein bénéficiaires de l'allocation chômage d'aide au retour à l'emploi.
La commission rejette les amendements.
Amendement AS95 de M. Arthur Delaporte
Cet amendement de repli vise à empêcher d'imposer l'acceptation d'une offre raisonnable d'emploi. Même si l'ORE est élaborée conjointement avec l'allocataire, celui-ci doit conserver la liberté de l'accepter ou non. C'est son libre consentement qui nous guide depuis le début de l'examen du texte.
Il n'est nullement remis en cause, dès lors que l'ORE est élaborée conjointement par l'allocataire et son référent. Avis défavorable.
L'élaboration est certes conjointe, mais à la fin, ce n'est pas l'allocataire qui tranche. C'est là qu'est le problème. Le texte prévoit qu'il en élabore une, pas qu'il peut choisir de l'accepter ou non.
La commission rejette l'amendement.
Amendement AS864 de M. Yannick Monnet
Notre opposition à la notion d'offre raisonnable d'emploi est constante, et le texte rend sa définition encore plus stricte. Les modifications rédactionnelles proposées ne seront pas sans conséquences.
Pour qui l'offre raisonnable d'emploi est-elle raisonnable ? Monsieur le rapporteur, vous partez du principe qu'une discussion entre un salarié de France Travail et quelqu'un qui joue sa vie et son quotidien se déroule à égalité. Celui qui doit décider en dernier ressort est la personne demandeuse d'emploi.
Les mots employés dans le projet de loi révèlent une volonté d'imposer le travail aux gens, dans un contexte de salaires très bas et de pénibilité que rien ne contrarie, dans lequel les employeurs font la pluie et le beau temps. Il s'agit d'un cadeau aux grands groupes et aux employeurs en général, qui auront une arme contre les salariés.
La commission rejette l'amendement.
Amendement AS116 de M. Arthur Delaporte
Cet amendement, comme mon précédent amendement, a été rédigé en concertation avec l'association Départements Solidaires, dont les membres s'inquiètent des dispositions du présent projet de loi, notamment relatives à l'ORE.
Cet amendement de repli vise à garantir la possibilité de rejeter au moins une ORE pour des motifs dits légitimes, comme le permet le droit en vigueur. Tel qu'il est rédigé, l'article 2 emploie le concept d'offre raisonnable au singulier, ce qui suggère qu'un seul refus pour des motifs dits légitimes, et non deux, sera recevable. Il s'agit donc d'un durcissement du droit en vigueur pour les allocataires du RSA. Si le projet de loi ne modifie pas l'article L. 5412-1 du code du travail fixant à deux le nombre d'ORE qu'il est possible de refuser pour des motifs dits légitimes, il convient d'adopter la modification rédactionnelle que nous proposons pour lever tout doute dans son application aux allocataires du RSA.
L'alinéa 12 ne modifie en rien l'article L. 5412-1 du code du travail. Les demandeurs d'emploi peuvent d'ores et déjà refuser une ORE, le manquement n'étant caractérisé qu'au second refus.
Avis défavorable.
L'alinéa 12 dispose : « le contrat d'engagement définit les éléments constitutifs de l'offre raisonnable d'emploi que le demandeur d'emploi est tenu d'accepter ». Le contrat fixe donc les termes de l'offre d'emploi qu'il sera ensuite obligé d'accepter, même en cas de différences d'appréciation.
Nous considérons que cette façon de procéder ne va pas du tout, d'autant que, parmi les paramètres que vous avez modifiés, figure le niveau de rémunération. Plusieurs facteurs peuvent expliquer le refus d'une offre d'emploi. Le texte place le demandeur ou la demandeuse d'emploi en position de subsidiarité, ce qui créera des situations intenables.
Cher collègue, je vous invite à lire l'alinéa 13, qui est très clair. Il dispose : « Les éléments constitutifs de l'offre raisonnable d'emploi comprennent la nature et les caractéristiques de l'emploi ou des emplois recherchés, la zone géographique privilégiée et le niveau de salaire attendu ». Ainsi définie, l'ORE n'impose rien.
Il dispose également : « Ces éléments peuvent être révisés, dans le cadre d'une actualisation du contrat d'engagement, notamment afin d'accroître les perspectives de retour à l'emploi du demandeur d'emploi ». Le contrat d'engagement réciproque est clairement discuté et négocié avec le bénéficiaire du RSA ou le demandeur d'emploi.
La commission rejette l'amendement.
Amendement AS561 de Mme Danielle Simonnet
Nous souhaitons que l'organisme référent ne puisse pas imposer aux demandeurs d'emploi dont le projet professionnel inclut une activité salariée la création d'entreprise sous statut d'autoentrepreneur ou d'indépendant.
Le rapport de la commission d'enquête relative aux révélations des Uber Files a démontré l'absence de contrôle efficace, par Pôle emploi, des offres d'emploi dans ce domaine. Plus d'une sur deux est frauduleuse, inexistante ou mensongère. Tel est notamment le cas des offres d'emploi sous statut d'autoentrepreneur publiées par les plateformes relevant de l'ubérisation. Certaines, StaffMe par exemple, se livrent à une concurrence déloyale et devraient être condamnées pour travail illégal. Elles tentent un grand remplacement du travail salarié, en commençant par le travail salarié intérimaire.
Il faut préserver le droit du demandeur d'emploi et de l'allocataire du RSA en recherche d'emploi à l'emploi salarié. Nul ne doit être soumis à une pression visant à lui faire accepter n'importe quel boulot pourri dans le cadre de l'autoentrepreuneuriat, sous contrat précaire, sans aucune protection, sous peine de radiation.
L'alinéa 12 commence bien par : « Si le projet professionnel du demandeur d'emploi comporte la recherche d'une activité salariée ». L'ORE devra donc tenir compte de ce critère.
Demande de retrait ou avis défavorable.
La commission rejette l'amendement.
Puis elle adopte l'amendement rédactionnel AS1435 de M. Paul Christophe.
Amendement AS862 de M. Pierre Dharréville
Monsieur Le Gac, je conteste également l'alinéa 13, qui repose aussi sur la notion d'ORE ! Qui appréciera la validité du contrat proposé à l'aune des critères fixés ? Ce devrait être le demandeur d'emploi, mais tel n'est pas le cas.
Pour contrecarrer les effets négatifs de l'alinéa 12, nous proposons de le compléter afin que le demandeur d'emploi soit étroitement associé à l'actualisation du contrat d'engagement.
L'amendement est satisfait. Il s'agit d'un contrat d'engagement réciproque, lors de son élaboration comme de sa signature. Vous êtes libre de douter de son application, mais notre ambition est de faire en sorte que chaque partie, notamment la personne concernée, soit partie prenante.
Demande de retrait ou avis défavorable.
Cet argument a été souvent avancé. Or il y a un déséquilibre entre les contractants – une grande institution d'un côté, un individu de l'autre – qu'on ne peut ignorer. Il faut donc protéger la partie la plus défavorisée dans l'équilibre des forces.
Pour aller chercher les personnes les plus éloignées de l'emploi, car tel est bien l'objectif du présent projet de loi, il faut, comme le font les missions locales, intégrer l'ensemble des dimensions du chercheur d'emploi ou de la personne en difficulté. La manifestation de sa volonté en fait évidemment partie. Interrogez les acteurs des missions locales : on ne peut rien faire sans s'appuyer sur la volonté du jeune, c'est condamné à l'échec.
La commission rejette l'amendement.
Amendement AS562 de M. Hadrien Clouet
L'amendement pose la question de la signification de l'ORE, sous l'angle des obligations imposées aux allocataires du RSA et aux usagers du service public de l'emploi dans leur parcours.
Ces obligations peuvent être vues de deux façons. La première, dont procède le texte, voit dans les critères opposables aux demandeuses et aux demandeurs d'emploi un moyen de boucher les trous du marché du travail. Plus longtemps la personne est inscrite à Pôle emploi, plus sa valeur est révisée à la baisse, sans tenir compte de son parcours et de ses besoins sociaux. Tous les six mois, en vertu d'une clause de revoyure, on dégrade la valeur de la personne sur le marché du travail.
La seconde, qui est la nôtre, accepte des échanges réguliers sur le contrat avec un conseiller ou une conseillère, pour faire le point sur les besoins et les envies de la personne, et éventuellement modifier son projet. Pour qu'une telle démarche soit opérationnelle et respecte la dignité humaine, il faut empêcher toute évolution à la baisse. On ne doit pouvoir discuter que d'un changement de secteur, de métier, de formation, d'appétence, plutôt qu'être réduit, par des logiques de dumping et d'usure physique et morale, à vendre sa force de travail pour rien.
Je trouve votre proposition un peu dangereuse. Le demandeur d'emploi peut aspirer à trouver une autre activité, peut-être à la suite d'une formation ou d'un changement de situation géographique : vous l'en priveriez de prime abord !
Avis défavorable.
Il y a une différence entre les termes du contrat et ce que les gens doivent faire. Qu'un contrat prévoie qu'il faut accepter un boulot payé 1 800 euros par mois n'interdit pas d'en accepter un à 1 700. C'est un choix qui s'offre à vous. Nul ne vérifie ni n'interdit d'opter pour un moins-disant. Mais l'engagement formel du contrat ne doit pas vous être opposé pour dégrader le prix de votre force de travail. La question est de savoir qui décide : une administration, qui peut réduire votre valeur, ou vous-même, qui pouvez, pour de multiples raisons, souhaiter entamer un autre parcours ?
La commission rejette l'amendement.
Amendement AS870 de M. Yannick Monnet
Nous souhaitons rétablir la notion de salaire attendu, qui est fondamentale pour le retour à l'emploi. Le salaire n'est pas uniquement un moyen de vivre dignement de son travail, il est aussi une reconnaissance d'une force de travail. S'il est trop faible, la force de travail n'est pas reconnue, d'où un effet de dévalorisation de la personne. Les personnes éloignées de l'emploi ont besoin d'être valorisées dans l'acte de production qu'elles fourniront. Nous sommes très attachés à la notion de salaire attendu.
Nous aussi, à tel point que nous légiférons à droit constant sur ce point. Nous ne modifions en rien l'article L. 5411-6-1 du code du travail, qui fait bien référence au niveau de salaire attendu.
Monsieur le rapporteur, vous venez vous-même d'introduire une nuance, passée un peu inaperçue. On passe du « salaire attendu » au « niveau de salaire attendu ». Cette nuance aura son importance dans la réalité concrète.
Un salaire attendu est arrêté en fonction de la formation, de la qualification et des compétences d'une personne, mais aussi des grilles de salaires : il ne peut pas leur être 20 % ou 30 % supérieur !
La commission rejette l'amendement.
Amendement AS738 de Mme Katiana Levavasseur
L'amendement vise à préciser que les éléments considérés comme constitutifs d'une ORE proviennent bien des souhaits exprimés par le demandeur d'emploi et lui conviennent. L'organisme référent n'a pas à se substituer à la personne en recherche d'emploi et à lui imposer des éléments qui pourraient aller à l'encontre de ses attentes.
Suivant l'avis du rapporteur, la commission rejette l'amendement.
Amendement AS113 de M. Arthur Delaporte
Ce débat est singulier. Sous couvert de s'aligner sur le droit en vigueur, le texte durcit discrètement la définition de l'ORE en en modifiant légèrement les termes. Le nombre d'ORE que l'on peut refuser ne figurera plus dans la loi, et le « salaire » deviendra le « niveau de salaire », ce qui est plus subjectif.
Nous proposons de garantir le respect de la volonté du demandeur d'emploi dans la révision de la définition et des caractéristiques de l'ORE. Si cet amendement n'est pas adopté, étant donné que le contrat d'engagement n'est pas librement débattu et que le demandeur sera la partie en difficulté pour négocier ses stipulations – l'égalité entre les parties ne sera pas assurée : le droit du travail repose sur ce constat –, ces éléments pourront élargir considérablement le champ d'offres que le demandeur sera obligé d'accepter.
Il faut donc encadrer strictement la révision de l'ORE, pour ne pas mettre en difficulté le demandeur d'emploi et plus encore l'allocataire du RSA.
Cet amendement a été élaboré avec l'association Départements Solidaires.
Chers collègues de la NUPES, vos amendements démontrent surtout votre niveau de défiance à l'égard des agents du service public de Pôle emploi et des missions locales, dont vous vous faisiez pourtant les porte-parole hier.
Le contrat d'engagement réciproque est signé entre un demandeur d'emploi ou bénéficiaire du RSA et un conseiller. Croyez-vous que celui-ci lui imposera un emploi, une zone géographique, un secteur d'activité ? À l'évidence non ! Une discussion a lieu ; elle aboutit à un diagnostic et à une confrontation. Faites confiance aux agents du service public dont c'est le métier d'accompagner les bénéficiaires du RSA.
Je suis un peu affligé par ces remarques répétées. Ce petit jeu est assez pénible.
En réalité, nous sommes en train de construire le cadre, les outils et les objectifs qui seront imposés aux agents par la hiérarchie. Dans ce cadre, les demandeurs d'emploi mais aussi les agentes et agents seront contraints de faire des choses qu'ils n'ont pas envie de faire. Tel est d'ores et déjà le cas depuis que l'ORE a été introduite dans la loi.
Cessez de nous raconter des histoires et de vous présenter comme les défenseurs des agents et des agentes de Pôle emploi. Nous savons très bien qu'il n'en est rien. Nous demandons qu'ils puissent exercer leur métier dans de bonnes conditions et que leur métier ait véritablement le sens qu'ils souhaitent lui donner.
La commission rejette l'amendement.
Amendement AS871 de M. Yannick Monnet
Nous souhaitons que l'accord du demandeur d'emploi soit explicitement requis pour la révision des éléments constitutifs de l'ORE.
Le procès d'intention qui nous est fait sur les salariés de Pôle emploi est tout de même un peu fort de café, s'agissant d'un texte qui verrouille leur activité par le biais d'un contrat d'engagement très rigide. Si vous leur faites confiance, pourquoi soumettre le contrat d'engagement à de telles contraintes ? Faites-leur confiance jusqu'au bout ! Laissez-les gérer l'accompagnement avec plus de liberté, sans imposer un contrat d'engagement spécifique. Pour notre part, nous leur faisons confiance, ce qui dispense d'ailleurs de leur consacrer un texte de loi.
Quant à la notion de niveau de salaire, je maintiens qu'elle est distincte de celle de salaire. Bien sûr, il ne s'agit pas d'un métier, mais seriez-vous prêt à être député pour « approximativement » 5 000 euros, à 2000 ou 3 000 euros près ? Sans doute pas, compte tenu du travail à fournir. Le niveau de salaire est une approximation qui ne place pas le salaire au cœur du travail.
Avis défavorable.
En l'état, l'article L. 5411-6-1 mentionne bien le « niveau de salaire attendu ». Vérifiez. Vous nous faites un faux procès, ce qui n'est pas très sympathique. Nous légiférons à droit constant et conservons cette formulation.
J'ai rédigé en 2013, ce qui remonte à loin, certes, un rapport d'information sur Pôle emploi et le service public de l'emploi, que je remercie M. Delaporte d'avoir mentionné hier, même s'il m'est parfois difficile de l'écouter jusqu'au bout.
Les agents de Pôle emploi sont assez militants. On ne leur fait pas faire ce qu'on veut. Ils sont très professionnels et très attentifs aux demandeurs d'emploi. On ne peut penser qu'ils seront aux ordres et qu'ils ne tiendront pas compte des situations particulières dès lors qu'on les a rencontrés et qu'on les a vus travailler, ce que j'encourage chacun à faire.
Mes chers collègues, je suis assez étonnée que vous parliez au nom des agents de Pôle emploi. Pourquoi n'avez-vous pas auditionné les organisations syndicales de Pôle emploi ? Toutes vous diraient que vous n'avez cessé de dégrader leurs conditions de travail, de mener une politique visant à mettre en faute en permanence les demandeurs et les privés d'emploi. Inscrire dans la loi l'accord du demandeur d'emploi est un minimum.
Vous avez évacué sans débat mon amendement sur les jobs de l'autoentrepreneuriat. Faut-il en conclure que, demain, un agent de Pôle emploi pourra être contraint par sa hiérarchie d'imposer aux demandeurs d'emploi n'importe quel boulot non salarié en statut d'autoentrepreneur ? Dans quelle logique vous inscrivez-vous ? Celle qui consiste à accepter n'importe quel emploi, donc à contribuer à la dégradation du niveau de qualification et de rémunération du salarié pour faire baisser les salaires ? Cette logique, nous n'en voulons pas. Nos amendements visent à protéger les droits des demandeurs et privés d'emploi.
La commission rejette l'amendement.
Amendement AS563 de M. Hadrien Clouet
Il s'agit de supprimer la possibilité de réviser à la baisse, donc en défaveur du demandeur d'emploi, les critères de l'ORE lors de l'actualisation périodique du contrat d'engagement.
Vous dites faire confiance aux agents de Pôle emploi pour ne pas chercher à maltraiter les demandeurs d'emploi, à leur imposer un travail exigeant, loin de chez eux, aux conditions dégradées. Nous souhaitons tous leur garantir un haut niveau d'emploi et de qualification.
Si, comme nous, vous ne doutez pas que les agents de Pôle emploi n'imposeront pas, par une sorte de sadisme, des conditions de travail dégradées, inscrivez dans la loi, en adoptant le présent amendement, l'impossibilité de renégocier le contrat d'engagement en défaveur du demandeur d'emploi. Il faut une garantie pour protéger le demandeur d'emploi et combler le déséquilibre entre les deux parties lors de l'établissement du contrat d'engagement.
Nous faisons confiance aux travailleurs sociaux et aux salariés de Pôle emploi pour proposer des offres d'emploi toujours plus favorables.
Madame Simonnet, nous avons auditionné les syndicats de Pôle emploi. C'était même la première d'une longue séquence d'auditions très instructives.
À propos de confiance, il en est qui ne font pas confiance à l'article 2. Tel est notamment le cas des organisations syndicales, qui ne font pas davantage confiance aux autres articles du projet de loi. Quant au conseil d'administration de Pôle emploi, il a émis un avis défavorable à cet article 2. Je veux bien entendre tous les arguments, mais il faut aussi regarder la réalité en face.
Monsieur le rapporteur, notre sympathie n'est pas en cause. La version de l'article L. 5411-6-2 du code du travail en vigueur depuis le 3 août 2008 dispose : « La nature et les caractéristiques de l'emploi ou des emplois recherchés, la zone géographique privilégiée et le salaire attendu, tels que mentionnés dans le projet personnalisé d'accès à l'emploi, sont constitutifs de l'offre raisonnable d'emploi ». C'est la loi, et donc vous la modifiez.
La commission rejette l'amendement.
Amendement AS564 de M. Jean-Hugues Ratenon
La réforme de l'assurance chômage de 2019 fait peser une contrainte démesurée sur les sans-emploi, désormais sommés d'accepter la première offre d'emploi venue, au prix d'une dégradation de leurs conditions matérielles d'existence. Le présent amendement vise à la réintégration d'un droit au refus au motif que le salaire proposé est inférieur au salaire antérieur ou que le temps de transport pour rejoindre le lieu de travail est supérieur à une heure.
Avis défavorable. Les dispositions proposées relèvent du champ réglementaire ou contractuel.
Cher Pierre Dharréville, l'alinéa dont nous parlons porte bien sur l'article L. 5411-6-1, pas sur le L. 5411-6-2.
Tout ce que nous examinons là, ce sont les paramètres juridiques qui seront intégrés dans les logiciels de gestion de Pôle emploi, dont ils sont le principal outil de travail. La confiance que l'on porte aux travailleurs ou travailleuses sociaux ainsi qu'aux conseillers ou conseillères n'est pas en cause, pas davantage que leur responsabilité personnelle : il ne s'agit pas d'une question individuelle.
Depuis de nombreuses années, leur capacité d'autonomie dans leur travail et de gestion humaine des personnes qui sont dans leur portefeuille est complètement entravée et réglementée. Elle est régie par deux considérations : un nombre élevé de personnes à gérer, qui pèse sur leur capacité à calibrer humainement les réponses, et des obligations imposées dans le cadre d'une gestion par les chiffres de tout ce dont nous discutons. Dire qu'ils auront une marge de manœuvre humaine est faux, hélas.
La commission rejette l'amendement.
Amendement AS115 de M. Arthur Delaporte
L'alinéa 14, comme bien d'autres, introduit dans la loi ce qui n'y était pas et durcit les dispositions de nature réglementaire. Il dispose : « Conjointement à la définition des éléments constitutifs de l'offre raisonnable d'emploi, le contrat d'engagement précise les actes positifs et répétés de recherche d'emploi que le demandeur d'emploi est tenu de réaliser ». Cela va plus loin que le droit en vigueur qui, à l'article R. 5411-11 du code du travail, ne donne aucune précision sur les « actes positifs et répétés ». L'assumez-vous ?
Cher Arthur Delaporte, nous respectons le droit en vigueur. La notion d'actes positifs et répétés figure à l'article L. 5411-6 du code du travail.
Avis défavorable.
L'article R. 5411-11 prévoit que le demandeur d'emploi « accomplit » de tels actes. Le texte dont nous discutons dispose que le contrat d'engagement les « précise ». Ce n'est pas la même chose. Vous ne pouvez pas faire comme si vous ne durcissiez pas la loi en vigueur, en introduisant dans le contrat d'engagement des dispositions qui n'y figurent pas actuellement. Nous nous opposons à une mise sous contrôle intégral de la vie de l'allocataire du RSA.
Depuis le début de l'examen du texte, des visions très différentes de la place du travail dans notre société s'opposent. À mes yeux, le travail est essentiel. Toutes nos entreprises cherchent à recruter, quels que soient les qualifications, métiers et salaires ; en face, nous avons 2 200 000 chômeurs. Il faut resserrer un peu les règles !
Ce dont nous parlons est bien une « assurance » chômage. Quand on a une assurance voiture, on ne rentre pas dans un arbre juste pour se faire rembourser. Or beaucoup de gens profitent de l'assurance chômage. Ils disent avoir un « droit ». On entend beaucoup parler de droits, très peu de devoirs. Je regrette, mais il existe en France, des devoirs, notamment dans l'éducation nationale, dans l'éducation tout court et dans le travail.
La commission rejette l'amendement.
Amendement AS875 de M. Yannick Monnet
J'imagine que la majorité acquiesce aux propos de Mme Valentin. Pas nous. C'est d'ailleurs un point de divergence entre nous : à gauche, nous demeurons avec une certaine constance opposés à la loi Sarkozy d'août 2008, alors qu'un certain nombre de membres de la majorité s'y sont apparemment ralliés. Chacun son parcours politique et sa cohérence. Nous, nous continuons à la combattre car nous pensons qu'elle est le pire outil pour amener les gens à l'emploi.
Mon amendement vise à préciser l'alinéa 14. Aux « actes positifs et répétés », nous préférons « les actions de recherche d'emploi que le demandeur d'emploi a pour objectif de réaliser ». Cette formulation est plus claire et plus saine. Elle distingue ce que doit faire le demandeur d'emploi et ce que doit produire la structure d'accompagnement à l'emploi.
Qui est responsable d'une radiation ? L'article L. 5411-6 du code du travail ne le précise pas. Mais lorsqu'on signera un contrat d'engagement, on sera non seulement suivi par un conseiller référent – il n'y a quasiment aucune radiation dans ce cas – mais aussi par des équipes dites « CRE » (contrôle de la recherche d'emploi), qui sont des plateformes externes faisant du contrôle téléphonique ou par formulaire écrit. Il est donc faux d'affirmer que ce sont les conseillers placement qui opèrent le contrôle de l'offre raisonnable d'emploi : cela ne se joue pas pendant l'entretien, mais après.
La commission rejette l'amendement.
Amendement AS1088 de M. Jocelyn Dessigny
Autre problème, le contrôle de l'ORE relève de la compétence du juge judiciaire pour les contentieux relatifs aux allocations chômage, et de celle du juge administratif pour les litiges avec l'État – inscription, désinscription, erreurs de calcul, trop-perçu, etc. Cette division explique que des radiations soient prononcées sans que des recours soient exercés, d'autant que vous avez imposé un filtre avec la saisine de la direction régionale de Pôle emploi. Bref vous avez multiplié les acteurs extérieurs à Pôle emploi. Nous contestons ces magistratures administratives qui ont pour mission quasi exclusive de contrôler les gens sans jamais les recevoir.
La commission rejette l'amendement.
Amendement AS739 de Mme Katiana Levavasseur
L'amendement vise à imposer à l'organisme référent une obligation de juste suivi des demandeurs d'emploi, qui se sentent trop souvent abandonnés dans leurs démarches. Si les demandeurs doivent respecter des engagements, l'organisme, lui, doit avoir une responsabilité accrue et faire le maximum pour les aider.
Suivant l'avis du rapporteur, la commission rejette l'amendement.
Amendement AS1089 de M. Jocelyn Dessigny
Suivant l'avis du rapporteur, la commission rejette l'amendement.
Amendement AS657 de M. Jean-Hugues Ratenon
L'amendement vise à supprimer l'obligation pour le demandeur d'emploi dont le projet comporte la reprise ou la création d'une entreprise d'en définir les éléments et actes qu'il est tenu de réaliser. C'est trop contraignant.
Suivant l'avis du rapporteur, la commission rejette l'amendement.
Amendement AS1090 de M. Jocelyn Dessigny
La commission rejette l'amendement.
Amendements identiques AS117 de M. Arthur Delaporte et AS877 de M. Pierre Dharréville, amendements AS565 de Mme Danielle Simonnet et AS1138 de M. Victor Catteau (discussion commune)
Mon amendement, élaboré avec le Collectif Handicaps, vise à étendre la dispense de contrat d'engagement aux aidants obligés d'interrompre leur activité professionnelle pour s'occuper d'un proche en situation de handicap ou de perte d'autonomie. Ces aidants, qui jouent un rôle social important, sont parfois dans une grande précarité et contraints de ne vivre qu'avec le RSA. Il faut reconnaître leur situation, d'autant que le secteur de l'autonomie peine à recruter.
Nous insistons sur cette question. Je précise par ailleurs que la radiation d'une personne qui refuserait de signer ou d'actualiser le contrat qui lui est proposé débouchera sur une exclusion de droits : cela soulève des questions en cascade auxquelles nous devrons répondre.
Nous devons absolument exempter les personnes aidantes de l'obligation de signer un contrat d'engagement et d'effectuer 15 heures hebdomadaires. Je vous garantis qu'elles effectuent déjà bien plus ! Vous avez reconnu qu'il n'est pas possible de ne pas tenir compte de leur situation, alors adoptez ces amendements.
Effectivement, il faut éviter de pénaliser les personnes aidantes qui ont suspendu leur activité professionnelle pour s'occuper de leurs proches et les exempter de l'obligation de signer un contrat d'engagement.
Ces amendements sont satisfaits par l'alinéa 17 de l'article 1er, qui prévoit de dispenser de l'acceptation d'une ORE toutes les personnes en accompagnement social. Les situations de proche aidant et les difficultés pour la garde d'enfant sont intégrées dans les critères permettant l'orientation vers un accompagnement social.
Demande de retrait ou avis défavorable.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement AS1018 de Mme Danielle Simonnet
L'amendement vise à exempter des obligations inhérentes au contrat d'engagement les personnes qui sollicitent un accompagnement par un organisme de placement spécialisé dans l'insertion professionnelle des personnes en situation de handicap. Le handicap est le premier motif de saisine du Défenseur des droits en matière de discrimination, et l'emploi le premier domaine dans lequel s'exercent ces discriminations. C'est à la collectivité de lutter contre les discriminations liées au handicap, cessons d'en faire porter la responsabilité aux personnes qui en sont victimes ! Nous devons augmenter les moyens consacrés à l'accessibilité universelle, notamment dans l'emploi. Pour ce faire, tout le monde devrait être formé, à Pôle emploi comme dans bien d'autres secteurs.
Je partage votre ambition concernant la formation.
Avis défavorable à votre amendement car il reviendrait à exclure ces personnes de l'accompagnement social qui est proposé dans le contrat d'engagement.
La commission rejette l'amendement.
Amendement AS872 de M. Pierre Dharréville
La commission rejette l'amendement.
Amendement AS805 de M. Fabien Di Filippo
L'amendement a pour objet de systématiser les radiations et les suppressions des allocations en cas de manquement, et d'allonger la durée des sanctions. Tous les pays qui sont très généreux en matière d'indemnisation du chômage ou d'aides sociales ont une grande exigence en termes de retour à l'emploi. Il n'y a qu'en France qu'on s'est permis de s'affranchir pendant trop longtemps de ces règles. Alors que tant de secteurs peinent à recruter, il me paraît nécessaire que chacun contribue à l'effort productif de la nation.
Si les chiffres nous invitent à revoir la question des contrôles effectués par Pôle emploi et demain par France Travail, ils ne nous incitent pas à durcir les sanctions sous cette forme. En revanche, nous souhaitons instaurer un régime de sanctions plus progressif pour les bénéficiaires du RSA : c'est l'objet de l'article 3.
Demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable.
Il n'est pas vrai que les régimes d'assurance chômage et de protection sociale français soient particulièrement généreux ou laxistes. Ainsi, en Allemagne, une insuffisante recherche d'emploi entraîne une réduction d'indemnisation de deux semaines, alors qu'elle entraîne une radiation en France. Le refus d'un contrat entraîne en France quinze jours de radiation la première fois, puis la durée augmente jusqu'à six mois ; en Allemagne, c'est trois semaines de réduction. On peut comparer avec tous les pays voisins : le régime français d'assurance chômage est plus dur – ce n'est pas forcément le cas pour le RSA. Il n'y a donc aucun lien entre le caractère rigoriste et disciplinaire d'un régime et ses effets en matière d'emploi.
Vous prenez toujours les exemples qui vous arrangent, en évitant de parler du niveau des indemnisations. Vous ne citez pas non plus les pays du nord de l'Europe et le Royaume-Uni, où le nombre de refus toléré est bien moindre. On peut se draper dans la naïveté, mais il y a tout de même des personnes qui refusent de reprendre un emploi parce que leurs prestations sociales sont plus confortables. A-t-on encore le luxe de se permettre cela ? Cela est-il souhaitable en matière de rapport culturel au travail ? Cela n'aboutit qu'à la lente paupérisation du pays.
La commission rejette l'amendement.
Amendement AS881 de M. Pierre Dharréville
L'amendement vise à redéfinir les conditions dans lesquelles un demandeur d'emploi pourrait être sanctionné en cas de refus répété d'une offre d'emploi, en précisant quelles doivent être les principales caractéristiques de cette offre. Il s'agit d'écrire le droit de manière un peu plus protectrice.
Suivant l'avis du rapporteur, la commission rejette l'amendement.
Amendement AS1125 de Mme Sophie Taillé-Polian
Le système d'engagement que vous proposez a déjà été expérimenté, avec le contrat d'engagement jeune (CEJ). Or le rapport de l'Inspection générale des affaires sociales (Igas) sur le CEJ met en évidence les limites d'un « accompagnement » qui est en réalité un système de surveillance et de flicage. Les personnes en difficulté sont celles à qui l'on impose le plus d'obligations : c'est non seulement injuste mais également inefficace. Il faut trouver d'autres formes d'accompagnement, plus respectueuses et plus à l'écoute des besoins des personnes, notamment des jeunes.
Les alinéas que vous souhaitez supprimer sont indispensables au mécanisme du contrat d'engagement. Avis défavorable.
Le contrat d'engagement tient évidemment compte de la situation et des compétences des personnes concernées. Vous avez une vision procédurière du contrat d'engagement, alors que nous souhaitons renforcer les bases de l'accompagnement. Lorsque je travaillais dans le milieu social, j'ai rencontré bon nombre de bénéficiaires du RSA qui n'avaient pas rencontré le moindre conseiller pendant un an. Ils se sentaient abandonnés. Nous voulons y remédier, et accompagner ces personnes.
Puisque M. Di Filippo m'a reproché de ne pas citer les pays du nord de l'Europe, examinons le cas de la Suède : au premier refus, vous encourez un avertissement ; au deuxième, un jour de suspension ; au troisième, trois jours de suspension ; au quatrième, dix jours de suspension. La Suède est donc bien moins sévère que la France. Je reste à votre disposition pour passer tous les pays en revue : vous constaterez que le système français est un des plus durs en Europe.
La commission rejette l'amendement.
Amendement AS101 de M. Arthur Delaporte
Toutes les études montrent que les sanctions n'ont pas d'effet positif sur l'insertion – celle de l'Igas est carrément écrite au vitriol. Lorsque nous demandons des données sur le sujet, personne ne nous les donne. Ce qui est clair, c'est que vous allez précariser les bénéficiaires en leur retirant une partie importante de leurs droits. La sanction est limitée à 25 % de l'indemnité pour le CEJ, mais elle pourra porter sur la totalité pour le RSA. C'est ce que nous voulons éviter avec cet amendement.
L'augmentation permanente des contrôles et des sanctions à l'encontre des personnes privées d'emploi ne fonctionne pas, et provoque une paupérisation massive. Mais vous refusez de rompre avec ce système. Si vous voulez favoriser l'insertion, il faut changer de logiciel.
Il faut arrêter de dire que le système repose sur des sanctions à tout-va : en pratique, il y a très peu de sanctions. Par nature, un contrat comporte des obligations réciproques, une procédure de contrôle et de sanction. Si l'on est contre, il faut abandonner le principe du contrat.
Dans les faits, peu de sanctions sont prononcées, parce qu'il existe en amont un mécanisme de prévention : le bénéficiaire sait à quoi il s'expose. La relation contractuelle a le mérite d'être claire.
La commission rejette l'amendement.
Amendements AS310 de M. Arthur Delaporte et AS566 de Mme Danielle Simonnet (discussion commune).
Monsieur Viry, il n'y a pas de sanction dans un contrat moral, par exemple. Et si un contrat prévoit des sanctions, elles doivent concerner les deux parties ; or, la sanction pour non-respect de l'accompagnement n'existe pas. La Défenseure des droits insiste sur la proportionnalité des sanctions et sur l'existence d'un accompagnement adapté. Votre régime de sanctions est à sens unique et vise simplement à contrôler les bénéficiaires. L'amendement vise à rétablir l'équilibre en imposant également le contrôle des engagements de l'organisme référent.
La politique fabrique des pauvres et dans les temps qui viennent, le nombre d'allocataires du RSA va exploser. Alors que le taux de non-recours au RSA s'élève à 35 %, la priorité absolue devrait être d'octroyer celui-ci de façon automatique et de le revaloriser pour qu'il ne demeure pas sous le seuil de pauvreté. Or la vôtre est de trouver les moyens de sanctionner les bénéficiaires.
Vous dites que c'est un contrat d'engagement réciproque. Mais dès lors que l'État et les départements sont défaillants dans l'accompagnement, acceptez au moins que des sanctions puissent être appliquées à l'encontre de l'organisme référent en cas de manquement !
La responsabilité de l'organisme pourra être engagée en cas de carence dans l'exercice des missions. Avis défavorable.
Plutôt que de lire des notes, je préfère parler de mon expérience. Quand on est élu local, on accompagne des personnes en grande difficulté. On essaye d'aborder la personne dans sa globalité. Parfois, elle ne sait pas exactement vers quels métiers se tourner et on doit la guider. La sanction n'est pas formalisée : elle consiste à ne plus accompagner la personne si elle ne se mobilise pas. C'est cette démarche globale qu'appliquent déjà les missions locales et qu'il faut généraliser aux différents acteurs de l'emploi.
Ne faisons pas comme si le RSA fonctionnait : ce n'est pas le cas. Seules sept personnes sur dix ayant droit au RSA y ont recours – il faudrait rendre son attribution automatique, et c'était d'ailleurs une promesse du Président de la République – et seules quatre sur dix ayant droit à un accompagnement en bénéficient réellement. Ce ne sont pas les allocataires qui sont défaillants, c'est l'État et les départements et ce sont eux qui devraient se voir appliquer des sanctions.
M. Turquois se targue de connaître des vraies gens, mais nous connaissons tous des personnes au RSA en galère, qui peinent à faire valoir leurs droits ! J'ai croisé une dame, à Bordeaux, qui ne savait pas où elle allait passer la nuit. Ayant quitté son conjoint et déménagé, elle n'avait pas reçu la lettre lui demandant d'actualiser sa situation, et voilà : son RSA a été suspendu et elle s'est retrouvée à la rue. Voilà la réalité des sanctions.
Je veux rappeler à nos collègues de la NUPES qu'ils n'ont pas le monopole de la défense des personnes en grande précarité. Votre verbiage n'est rien d'autre que du racisme de classe. Vous partez du principe que quand on est pauvre ou en grande difficulté, on n'est pas capable de respecter les règles. J'ai été maire de Rillieux-la-Pape, ville qui compte plus de 55 % de logements sociaux, et des personnes en difficulté, j'en ai aidé plus que beaucoup d'entre vous. Je peux vous assurer que ces personnes respectent les règles et veulent vivre dans la dignité. Elles ne veulent pas qu'on rase gratis, mais qu'on les accompagne. Arrêtez de les prendre pour ce qu'elles ne sont pas.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement AS481 de Mme Marie-Charlotte Garin
L'amendement vise à supprimer la mention relative au contrôle des engagements des demandeurs d'emploi, des bénéficiaires du RSA et des jeunes accompagnés par les missions locales. Alors que l'on manque de moyens, ne serait-il pas préférable de consacrer toute notre énergie à les accompagner plutôt qu'à les contrôler ? Parce que, oui, elles veulent retourner vers l'emploi, et c'est d'accompagnement qu'elles ont besoin !
Les alinéas que vous souhaitez supprimer sont inhérents au nouveau contrat d'engagement. Avis défavorable.
Vous nous accusez de racisme de classe, monsieur Vincendet. Parce que nous sommes favorables à un droit universel à l'accompagnement ? Vous rendez-vous compte de ce que vous dites ? Ce que nous disons, c'est que la sanction produit de la précarité et freine l'accès aux droits. Vous avez dû vous en rendre compte, à Rillieux-la-Pape.
Nous sommes tous sensibles aux situations d'extrême précarité. C'est pourquoi l'anti-intellectualisme de M. Turquois, qui préfère parler des gens qu'il rencontre, est insupportable. Je vous garantis qu'il y a aussi des universitaires qui démontrent que les sanctions freinent l'accès aux droits.
Vous parliez de la personne que vous avez rencontrée à Bordeaux : l'un des enjeux de ce projet de loi est justement de faire travailler les différents opérateurs de l'emploi ensemble afin que l'information soit partagée et que les démarches administratives, qui sont particulièrement stressantes, ne soient réalisées qu'une seule fois. Et les chercheurs vous confirmeront que la déclaration de ressources est l'une des étapes les plus angoissantes pour les demandeurs du RSA. Un des objectifs du texte est de faciliter cela.
La commission rejette l'amendement.
Amendement AS1080 de M. Hadrien Clouet
L'amendement vise à supprimer l'alinéa 27, qui réaffirme les missions de contrôle et de radiation des demandeurs d'emploi par le service public de l'emploi. Nous contestons le renforcement des tâches de contrôle, alors que les agents ne disposent pas des moyens pour faire face à l'explosion à venir des bénéficiaires du RSA. Le report de l'âge légal de départ à la retraite va entraîner des centaines de milliers de personnes supplémentaires, sans compter le contrôle des conjoints des allocataires. Or les agents sont déjà en grande souffrance.
Vous voulez contrôler des personnes qui devraient avoir simplement droit à ce minimum vital. Cela me choque que l'on ne comprenne pas qu'il s'agit souvent de personnes qui n'arrivent pas à travailler parce qu'il n'y a pas d'accueil pour la petite enfance, parce que leurs difficultés psychologiques ne sont pas diagnostiquées ou parce qu'ils sont brisés par le manque de logement décent.
La suppression isolée de cet alinéa n'a pas de cohérence légistique puisque la loi doit bien prévoir l'organisme compétent pour effectuer des contrôles et prendre, le cas échéant, des mesures de sanction.
Avis défavorable.
Les règles qui s'imposent à ces personnes sont parfois totalement absurdes. Une conseillère Pôle emploi m'a raconté qu'en Île-de-France, on cherche à recruter tous azimuts pour assurer la sécurité des jeux Olympiques. Des centaines de personnes ont donc été convoquées pour occuper un job dans la sécurité – sauf que nombre d'entre elles n'ont pas la capacité d'occuper ces emplois ! On leur demande de venir à ces réunions, et on les sanctionnera si elles ne viennent pas : c'est absurde. C'est une logique bureaucratique et non pas humaine.
Le fait qu'il y ait autant de personnes au RSA et en situation de grande dépendance est un scandale. Pour aller chercher ces personnes, pour les aider, le projet de loi entend faire davantage travailler ensemble les différents acteurs de l'emploi ; il aborde l'ensemble des problématiques, notamment celle de la petite enfance, traitée à l'article 10 ; il consacre davantage de moyens à l'accompagnement. Ce n'est peut-être pas suffisant, mais nous avons la volonté de soutenir leurs projets et cela n'avait pas été fait jusqu'à présent.
La commission rejette l'amendement.
Amendements identiques AS1457 de M. Paul Christophe, AS1250 de Mme Michèle Peyron et AS1266 de M. François Gernigon
Par cohérence avec les dispositions votées à l'article 1er, il s'agit de rétablir le changement de dénomination de l'opérateur Pôle emploi en France Travail.
Ce changement de dénomination est un marqueur fort de la transformation attendue de l'offre d'accompagnement en direction des demandeurs d'emploi et des entreprises, et du positionnement de l'opérateur parmi les acteurs de l'insertion et de l'emploi. Il se verra confier de nouvelles missions, comme l'a proposé Thibaut Guilluy à la suite des travaux de la mission de concertation et de préfiguration.
Les sanctions vont exclure les personnes les plus en difficulté du dispositif, et donc nous faire rater notre cible. Ce sont en effet les moins à même de répondre aux exigences d'un contrat d'engagement. C'est pourquoi nous nous opposons aux contrôles et aux sanctions.
Cet amendement a pour intérêt de mettre en cohérence la dénomination de l'opérateur et la philosophie de votre projet. En effet, le réseau des acteurs de l'insertion et de l'emploi devient « Rail » : on a donc France Rail et France Travail. Le problème est que France Travail ne va pas gérer que des travailleurs, mais aussi des allocataires du RSA qui ne pourront pas travailler. Peut-être pourrait-on l'appeler « France Travail et Non-Travail » ?
La commission adopte les amendements.
Amendement AS1228 de Mme Gisèle Lelouis
L'objet de l'amendement est d'éviter les radiations abusives. En effet, les demandeurs d'emploi sont parfois radiés sans en comprendre la raison, car ils n'ont pas toujours connaissance de certains détails. Il faut donc prévenir la radiation afin qu'elle demeure une solution de dernier recours, après plusieurs rappels.
Nous sommes presque ravis d'entendre la voix d'un membre du Rassemblement national. Vous avez déposé très peu d'amendements. Vous prétendez être les représentants et les défenseurs du peuple, mais on ne vous entend pas sur un projet qui vise à contrôler davantage les plus pauvres et à rendre leur vie encore plus difficile. Vous êtes d'accord pour fustiger la politique dite de l'assistanat et de remise en cause des minima sociaux. Les masques tombent, clairement. Ce projet vous met mal à l'aise.
Nous sommes ici pour travailler. Les propos qui viennent d'être tenus sont hors sujet, madame la présidente.
La commission rejette l'amendement.
Puis elle adopte l'amendement rédactionnel AS1436 de M. Paul Christophe.
Amendement AS121 de M. Arthur Delaporte
Cet amendement vise à prévoir l'information du demandeur d'emploi en amont de sa radiation de la liste des demandeurs d'emploi. La radiation ne pourrait intervenir qu'après un rappel des engagements réciproques pris dans le contrat, mis en parallèle avec les mesures réellement adoptées par l'organisme référent, les droits du demandeur et les voies et délais de recours à sa disposition.
Les études montrent que la sanction risque d'augmenter le taux de non-recours au dispositif. À l'heure actuelle, la motivation des sanctions est très laconique. On peut lire, par exemple : « Ne s'est pas présenté à un rendez-vous ». C'est insuffisant pour une radiation du RSA. Un effort de pédagogie mettrait l'intéressé en mesure d'intenter un recours s'il estime que la sanction n'est pas justifiée.
La commission rejette l'amendement.
Amendements identiques AS1473 de M. Paul Christophe, AS1249 de Mme Michèle Peyron et AS1265 de M. François Gernigon, et amendement AS882 de M. Yannick Monnet (discussion commune)
Cet amendement revient sur l'articulation systématique, instaurée par le Sénat, entre la liste des demandeurs d'emploi et la liste des bénéficiaires du RSA. Le président du département doit garder le pouvoir de radier quelqu'un de la seconde liste. Inversement, il n'est pas opportun que cette radiation entraîne automatiquement celle de la liste des demandeurs d'emploi : l'ancien allocataire a intérêt à rester demandeur d'emploi pour continuer à être accompagné.
Le Sénat a prévu que France Travail, lorsqu'il est l'organisme référent, propose, s'il y a lieu, au président du conseil départemental la radiation de la liste des bénéficiaires du RSA pour les motifs prévus aux articles L. 5412-1 et L. 5412-2 du code du travail, lesquels définissent la gestion de la liste des demandeurs d'emploi. Or la radiation de la liste des bénéficiaires du RSA intervient après une période où la personne ne perçoit plus l'allocation, le cas échéant pour des raisons extérieures. Pour bénéficier à nouveau de ce droit, il faut déposer une nouvelle demande et procéder à une nouvelle instruction.
Cet amendement constitue la traduction de la recommandation numéro 10 de l'avis du Conseil d'État, qui consiste à prévoir l'information du président du conseil départemental pour toute radiation d'un bénéficiaire du RSA.
Ces amendements soulèvent une vraie question. Vous voulez éviter l'automaticité de la radiation de la liste des bénéficiaires du RSA à la suite de la radiation de la liste des demandeurs d'emploi. Malheureusement, cela se produit déjà dans un certain nombre de départements. À la caisse d'allocations familiales du Calvados, on peut lire, parmi les motifs de radiation de la liste du RSA, que la personne a été radiée de la liste des demandeurs d'emploi par exemple, ou qu'elle ne s'est pas présentée à son rendez-vous à Pôle emploi. Une sanction peut avoir des conséquences terribles.
La commission adopte les amendements identiques.
En conséquence, l'amendement AS882 tombe.
La réunion est suspendue de onze heures cinq à onze heures quinze.
Amendement AS567 de M. Hadrien Clouet
Par votre projet de loi, vous voulez continuer à écraser toujours davantage les plus pauvres et les plus faibles. Le RSA s'élève à 607,75 euros, soit un niveau nettement inférieur au seuil de pauvreté, qui, selon l'Insee, est de 1 102 euros. Avez-vous déjà vécu avec 600 euros pendant plusieurs mois, voire plusieurs années ? Non, parce que, si c'était le cas, vous ne seriez pas ici pour défendre votre projet de loi immonde. Le RSA est un revenu vital. Il faut supprimer l'alinéa 28 et abandonner les nouvelles conditions de versement du RSA.
La logique des droits et des devoirs existe depuis bien longtemps. Nous poursuivrons cette discussion lors de l'examen de l'article 3. Défavorable.
Madame Keke, dans un débat politique, on peut nourrir des désaccords, mais cela ne vous autorise pas à considérer que la position de vos adversaires politiques est immonde. Vous n'avez pas le droit de dire des choses pareilles. Nous ne sommes pas immondes et vous n'êtes pas vertueux. Personne n'a le monopole du cœur.
Par ailleurs, qui paye pour le RSA ? Tout le monde, y compris les salariés les plus modestes. Il faut donc instaurer une contrepartie. Or, par cet amendement, vous entendez supprimer toute contrepartie : vous considérez que le RSA est un acquis. Nous estimons que c'est un droit dont on peut bénéficier en contrepartie de devoirs.
Chacun parle en fonction de son histoire et de son expérience. Le collègue qui vient de dire qu'il y aurait du racisme de classe sur nos bancs, ce qui est une vue de l'esprit, joue avec un délit. S'il y a une politique de classe dans notre pays, c'est bien celle qui supprime l'impôt de solidarité sur la fortune et non celle qui entend secourir les gens au RSA. Nous jugeons votre texte moralement inacceptable, et nous le disons. Ce ne sont pas des personnes qui sont qualifiées d'immondes.
La commission rejette l'amendement.
Puis elle adopte l'amendement rédactionnel AS1437 de M. Paul Christophe.
Amendement AS711 de Mme Karine Lebon
Cet amendement vise à ce qu'au moins trois rappels soient effectués avant le prononcé d'une sanction. Le texte durcit les conditions, ce qui va entraîner un certain nombre de radiations, notamment pour les personnes les plus en difficulté. Il nous arrive, dans nos permanences, de demander la réintégration de personnes dans leurs droits. Si le projet de loi est adopté, de telles demandes paraîtront malvenues ! Faisons preuve d'un peu de cohérence.
Défavorable.
La suspension du versement ne peut intervenir sans que le bénéficiaire, assisté à sa demande par une personne de son choix, ait été mis en mesure de faire connaître ses observations aux équipes pluridisciplinaires dans un délai d'un mois. Je rappelle que ces équipes sont composées de professionnels de l'insertion sociale et professionnelle, de représentants du département et des maisons de l'emploi ou, à défaut, des personnes morales gestionnaires des plans locaux pluriannuels pour l'insertion et l'emploi, ainsi que de représentants des bénéficiaires du RSA. Concrètement, le bénéficiaire est informé par un courrier lui indiquant les motifs pour lesquels la procédure est engagée et les conséquences qu'elle peut avoir. Il est informé de la possibilité d'être entendu par l'équipe pluridisciplinaire et, à l'occasion de cette audition, d'être assisté de la personne de son choix. Compte tenu de ces garanties procédurales, je suis défavorable à votre amendement.
On ne peut pas dire que jusqu'à maintenant, ça ne fonctionnait pas et que désormais, ça marchera mieux alors qu'on ne change rien ! Les personnes concernées par les radiations sont celles qui sont le plus en difficulté.
La commission rejette l'amendement.
Amendement AS104 de M. Arthur Delaporte
Cet amendement de repli vise à ce qu'une mesure de suppression du RSA ne puisse intervenir qu'après une mesure de suspension, et non de manière alternative. Autrement dit, nous vous proposons une progressivité de la sanction.
Vous visez les alinéas 28 et 29, qui concernent le contrôle des engagements et non la sanction. Avis défavorable.
Avec cet amendement, le président du conseil départemental prendrait, s'il y a lieu, les mesures de suspension « puis » de suppression du versement du RSA, et non « ou » de suppression. Cela transforme l'alternative en progression.
La commission rejette l'amendement.
Amendements AS884 de M. Yannick Monnet et AS102 de M. Arthur Delaporte (discussion commune)
Nous souhaitons dissocier très nettement la radiation de la liste des bénéficiaires du RSA et la radiation de la liste des demandeurs d'emploi.
Mon amendement de repli vise à supprimer la possibilité pour le département de radier un allocataire du RSA. Le Gouvernement, dans le texte initial, prévoyait déjà la possibilité de suspendre et de supprimer le versement de l'allocation. La droite, au Sénat, a accordé en outre au département la faculté de radier une personne de la liste des allocataires du RSA. Cette mesure nous semble très excessive car, en cas de non-respect du contrat d'engagement, le département pourra prendre des mesures financières. En outre, la radiation peut avoir des conséquences graves pour l'allocataire, qui devra demander à nouveau le RSA et sera privé de ressources pendant l'instruction du dossier.
Votre amendement est satisfait par les amendements identiques que nous venons d'adopter. Demande de retrait ou avis défavorable.
Il s'agit d'un ajout du Sénat au texte initial. Nous vous proposons simplement de revenir à la rédaction du Gouvernement.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement AS880 de M. Louis Boyard
Par cet amendement, nous souhaitons rendre impossible la suppression du versement du RSA aux victimes de violences conjugales, qui sont un problème majeur de notre société. Cent dix-huit femmes ont été tuées par leur compagnon ou ex-compagnon en 2022. On ne peut pas ne pas en tenir compte dans les décisions politiques importantes. Les victimes de féminicides souffrent pour la plupart d'entre elles d'une grande précarité économique et d'isolement. Leur retirer le RSA les plonge dans l'horreur et risque d'entraîner un surcroît de violences. La société doit les protéger.
Les sanctions éventuelles sont prises après avis d'une commission pluridisciplinaire, qui examine au cas par cas la situation des bénéficiaires. Par ailleurs, il ne semble pas opportun d'inscrire dans la loi des exceptions, car on risque d'en oublier certaines. Faisons confiance au discernement des équipes pluridisciplinaires.
Avis défavorable.
La commission rejette l'amendement.
Amendements AS483 et AS482 de Mme Marie-Charlotte Garin (discussion commune)
L'amendement AS483, que nous avons élaboré avec le centre d'information sur les droits des femmes et des familles, vise à protéger les victimes de violences conjugales en l'absence de solution de protection pérenne face au risque de précarité et de dépendance. Nous souhaitons préserver ces femmes du risque de suspension du RSA. La précarité est souvent la première étape du continuum de la violence.
L'amendement AS482 concerne les personnes en situation de monoparentalité, qui sont en grande majorité des femmes. Une femme sur trois se trouvant à la tête d'une famille monoparentale se situe sous le seuil de pauvreté. L'État a la responsabilité de les prémunir contre une précarité accrue et de les accompagner au mieux.
Défavorable. La loi prévoit déjà que l'octroi du RSA est facilité pour les femmes victimes de violences conjugales.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement AS568 de M. Hadrien Clouet
Nous proposons de supprimer la possibilité de contrôler et de sanctionner les bénéficiaires du RSA. Il s'agit en effet d'un minimum vital, qui devrait être inconditionnel. Vous dévoyez son sens en contraignant les intéressés à accepter des emplois, qui plus est inadaptés.
Vous persistez à ne réclamer que des droits et aucun devoir. L'esprit de la loi de 1988 qui a instauré le revenu minimum d'insertion (RMI) conciliait les deux. Ce qui est immonde, ce n'est pas d'instaurer un devoir, à savoir l'engagement dans des actions d'insertion, c'est que des personnes soient, depuis dix ans ou plus, allocataires du RSA sans bénéficier d'aucun suivi personnel. On leur donne une allocation universelle, on se donne bonne conscience, tant pis si elles sont assignées dans une trappe à précarité !
Un certain nombre d'allocations sociales, à l'image des aides personnalisées au logement (APL) ou des allocations familiales, ne sont assorties d'aucune obligation. Par ailleurs, lorsque vous donnez des milliards aux grandes entreprises, hier par le biais du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi, aujourd'hui par des niches fiscales, vous ne leur imposez aucune contrepartie, ne leur assignez aucun devoir ! Ce deux poids, deux mesures met au jour la réalité de votre projet. Les salauds de pauvres sont responsables de leur situation, les hyper-riches ont droit depuis six ans à toutes les largesses.
La commission rejette l'amendement.
Amendement AS103 de M. Arthur Delaporte
Cet amendement vise à supprimer la possibilité que le Sénat a conférée à Pôle emploi, lorsqu'il est l'organisme référent, de radier un allocataire du RSA. Cette mesure est excessive et pourrait avoir des conséquences graves. Par ailleurs, l'exemple des APL nous montre que toutes les allocations ne sont pas assorties de sanctions. Or le taux de non-recours est de 5 % pour les APL, contre 30 % pour le RSA. Lorsqu'une allocation n'est pas assortie de sanction, les gens y recourent davantage : c'est scientifiquement prouvé.
Nous avons réécrit les dispositions en question par les amendements AS1473 et identiques, dans le respect de l'avis du Conseil d'État. Avis défavorable.
Concernant les APL, le terme de sanction est inapproprié : lorsque le revenu de l'allocataire augmente, leur montant diminue. On ne peut pas comparer avec le RSA.
La commission rejette l'amendement.
Amendement AS569 de M. Hadrien Clouet
S'il y a quelqu'un à sanctionner, c'est l'État, pour manque d'accompagnement.
Nous voulons supprimer la possibilité de sanction accordée aux missions locales, d'une part car cela risque de détruire la relation de confiance nouée entre leurs agents et les jeunes, et d'autre part parce que le RSA est le seul filet de sécurité des jeunes : sans cela, ils passeront de la pauvreté à l'extrême pauvreté. Vous nous reprochez de ne pas vouloir de devoirs, mais depuis six ans, vous n'en avez jamais imposé aucun aux entreprises dont vous avez massivement baissé les impôts ! Là, il ne s'agit pas de 560 euros, mais de plusieurs millions ! L'aide pour vous est un coût lorsqu'elle s'adresse aux plus précaires, mais un investissement lorsqu'elle est en faveur des plus riches.
Avis défavorable. Il est logique que les missions locales disposent des mêmes pouvoirs de contrôle que les autres organismes référents.
Les missions locales ont une histoire particulière. On ne peut résumer leur action à la gestion des demandeurs et demandeuses d'emploi. À leur création, dans les années 1980, elles ont été chargées d'assurer un accompagnement global incluant le logement, la santé, etc. Elles entretiennent un lien étroit, de confiance, avec les jeunes. N'instituons pas des sanctions que l'Igas juge inefficaces dans son rapport sur le contrat d'engagement jeune.
Il est évident que vous préférez des chômeurs en nombre, bien indemnisés, à des personnes en emploi ou en insertion. C'est votre philosophie, et c'est ce qui explique que, pendant des années, on n'a pas réussi à juguler le chômage. Aujourd'hui, on y est arrivé, ce qui vous contrarie. Vous nous traitez d'une manière inadmissible, mais les masques sont bel et bien tombés. Les Français jugeront.
La commission rejette l'amendement.
Amendement AS119 de M. Arthur Delaporte
Les Français jugeront en effet ce texte à l'aune de ses effets ! Ils verront si les sanctions que vous instituez conduisent ou non à une augmentation du non-recours. Mais personne ne conteste l'étude de Sylvain Chareyron, Rémi Le Gall et Yannick L'Horty, qui montre que si les sanctions augmentent marginalement la participation aux actions d'insertion, elles accroissent aussi le non-recours au RSA. La réduction du RSA entraîne, selon eux, des sorties nettes de 12 %, et sa suspension des sorties de 28 %. Or, le texte va déboucher sur des suspensions.
L'amendement vise à ce que les missions locales aient le pouvoir exclusif de sanctionner les jeunes demandeurs d'emploi – lesquels n'ont pas droit au RSA. En effet, ce sont elles qui ont la vision la plus humaine des choses. Il a été proposé par l'association régionale des missions locales Auvergne-Rhône-Alpes.
Les missions locales ne sont pas des usines destinées à boucher les trous en remettant très rapidement les jeunes dans l'emploi, mais des instances dédiées à la citoyenneté sociale, alors que vous continuez à refuser aux jeunes le droit au RSA. Plutôt que d'opérer un contrôle, voire de suspendre un revenu, elles doivent favoriser le droit à exister en faisant le point sur les problèmes de santé, de formation et de qualification des jeunes ainsi que sur leurs ambitions professionnelles, et les accompagner jusqu'au point où ils pourront s'émanciper par eux-mêmes. C'est précisément parce qu'elles n'ont pas d'aspect disciplinaire et ne procèdent pas à des radiations ou à des contrôles qu'elles permettent aux jeunes de se réaliser. En Haute-Garonne par exemple – situation que Mme Monique Iborra connaît bien –, la mission locale envoie un bus chercher les jeunes dans les petites communes du Comminges pour les aider !
Vous ne citez que partiellement le rapport de l'Igas, qui juge le régime de sanctions inefficace et inadapté, « même si son principe est bien accepté par les conseillers », car il est complexe et trop lent. Pour rencontrer presque chaque semaine les conseillers dans la mission locale de ma circonscription, je confirme que le problème tient d'abord à la lenteur des sanctions, au cumul et à la situation des mineurs. Ne mélangez donc pas tout, ne dites pas que les missions locales ne demandent pas de sanctions, qui pourraient être aussi un outil de remobilisation.
La commission rejette l'amendement.
Amendement AS655 de M. Jean-Hugues Ratenon
L'amendement tend à supprimer la possibilité de retirer aux jeunes les allocations liées au CEJ en cas de manquement aux engagements des demandeurs d'emploi. En effet, votre texte durcit et accélère les sanctions, abandonnant la logique des droits et devoirs au profit d'une logique unilatérale fondée sur la seule contrainte.
Ces contrats bénéficient aux jeunes les plus précaires, les 16-25 ans et ceux de moins de 30 ans en situation de handicap, qui ne sont ni en études, ni en activité, ni en formation, et qui peinent à accéder à un emploi durable. Sans cette allocation, ces jeunes, souvent issus de familles très défavorisées, que ce soit dans certaines cités de l'Hexagone ou, surtout, en outre-mer, qui ne perçoivent pas le RSA, comme l'a rappelé M. Delaporte, et qui sont souvent livrés à eux-mêmes, pourraient sombrer davantage dans la pauvreté. Tout cela est absurde.
Le projet de loi ne fait pas évoluer le droit en vigueur sur ce point. Le code du travail dispose déjà que le versement de l'allocation « peut être supprimé, en tout ou partie, lorsque le jeune, sans motif légitime » – précision importante – « est absent à une action prévue dans le cadre de son contrat d'engagement jeune ou ne peut justifier l'accomplissement d'actes positifs définis dans ce même cadre ».
Avis défavorable.
Selon le rapport de l'Igas que vous avez cité, « l'UNML précise d'ailleurs que la qualification de la sortie du jeune en “sanction” ne peut en outre intervenir que lors de l'exclusion définitive du jeune soit à la troisième sanction et encore sans pouvoir connaître le motif de cette troisième sanction ». Le régime est donc très différent : le projet de loi généralisera l'exclusion à la première sanction, pas la troisième ! Le régime des sanctions va donc être encore durci par rapport à un système déjà décrit par les missions locales comme impossible à évaluer et lacunaire.
La commission rejette l'amendement.
Amendement AS712 de Mme Karine Lebon
Il s'agit encore de demander qu'une éventuelle sanction soit précédée de trois rappels.
Vous évoquez souvent le débat entre droits et devoirs, mais on voit bien, depuis le début de l'examen de ce texte, que de nombreuses personnes n'ont pas accès à leurs droits : elles ne sont pas accompagnées, ni conseillées. Et votre seule réponse consiste à contraindre et à augmenter leurs devoirs ! Je regrette que vous n'ayez pas eu le courage de discuter, depuis que vous êtes au pouvoir, de la façon de rendre leurs droits accessibles aux gens. C'est la seule question qui vaille.
Pour les mêmes raisons que tout à l'heure, avis défavorable. Je précise toutefois que le caractère réciproque du contrat d'engagement encourage toutes les parties à respecter leurs droits et leurs devoirs.
Cette question est importante dans le contexte des CEJ.
Je poursuis la lecture du rapport de l'Igas : « lors de ces enquêtes dans les sept régions visitées, comme lors des analyses de dossiers individuels il a pu être constaté [...] que le motif de sortie pour abandon sans demande expresse du jeune concerné avait été utilisé par des conseillers confrontés à l'absence de réponse du jeune aux courriers recommandés et suite à des absences non justifiées à entretiens et sans aucune activité visible. Le dispositif de sanction, considéré comme chronophage [...] n'obtenant pas de réponse [...], c'est bien une refonte du dispositif des sanctions qui doit être rapidement envisagée, afin de permettre [au jeune], le cas échéant [...] , d'expliquer les raisons qui ont pu l'amener à ne pas respecter ses engagements ». Cela signifie donc que cela lui est aujourd'hui impossible. « La mission propose ainsi que l'échelle des sanctions soit à la fois enrichie avec la possibilité d'une “suspension” mais aussi simplifiée [...]. Le conseiller pourrait ainsi adapter, après l'avertissement, le niveau de la sanction à l'importance du manquement » – ce qui signifie qu'elle n'est pas proportionnée aujourd'hui.
Cette discussion de fond est très intéressante. Certains continuent à prétendre que le RSA devrait être versé sans aucune contrepartie : que l'on cherche un travail ou non, que l'on se bouge toute la journée pour se sortir d'une situation chaotique ou que l'on reste toute la journée à manger des chips les fesses sur le canapé, cela ne fait aucune différence. Le contribuable, qui paie le RSA, aurait donc une obligation unilatérale, alors que celui qui reçoit le RSA n'en aurait aucune ? Nous croyons – et c'est une vraie différence entre nous – que le bénéficiaire du RSA, aussi modeste que soit le niveau de ce dernier, a lui aussi des obligations.
La commission rejette l'amendement.
Amendements identiques AS349 de M. Arthur Delaporte et AS1014 de M. Benjamin Saint-Huile, et amendement AS1477 de M. Paul Christophe (discussion commune)
Mon amendement vise à instaurer une part minimale de contrôle aléatoire des demandeurs d'emploi. En effet, on observe aujourd'hui un certain ciblage des contrôles, qui se traduit par une rupture d'égalité, alors qu'un contrôle aléatoire maintient une forme d'égalité statistique en évitant la stigmatisation de certaines personnes. De fait, il est possible de glisser dans le ciblage des critères discriminants, en préidentifiant de potentiels fraudeurs. Nous sommes évidemment tous opposés à la fraude sociale, mais les études montrent qu'elle est marginale – inférieure à 1 %, et même à 0,5 %. La part du contrôle aléatoire, sur laquelle nous avons travaillé avec différents interlocuteurs, dont la CFDT, pourrait être fixée à un minimum de 30 %.
Mon amendement, travaillé en lien avec la CFDT, vise à ce que les contrôles soient aléatoires afin de les rendre effectifs et d'éviter les difficultés liées au ciblage des personnes contrôlées.
Je suis moi aussi favorable à l'instauration d'une part minimale de contrôle aléatoire des demandeurs d'emploi. Toutefois, il ne me semble pas opportun de renvoyer cette disposition à un décret, a fortiori en Conseil d'État. Je propose donc le retrait de ces amendements au profit du mien. À défaut, avis défavorable.
Nous aurions pu travailler en commun à cette rédaction. Je retire donc mon amendement, en signe de bonne volonté, mais je compte sur vous pour que ce seuil ne soit pas fixé trop bas. J'espère que nous aurons en séance des engagements de votre part.
Considérant que la proposition du rapporteur va dans le bon sens, je retire également mon amendement.
Les deux autres amendements étant retirés, la commission adopte l'amendement AS1477.
Amendement AS932 de M. Christophe Bentz
En quarante ans, les missions locales ont acquis, en matière d'insertion socioprofessionnelle des jeunes, une expérience et même une expertise, s'agissant d'un public aux besoins spécifiques. Malgré l'autosatisfaction du Gouvernement, le nombre de jeunes hors études, apprentissage et emploi reste très élevé – près d'un million en France. Or, tel qu'il nous est présenté, le projet France Travail mutualise moins qu'il ne met en concurrence sur le segment qui nous intéresse, France Travail et France Travail Jeunes. Un demandeur d'emploi de 16 à 25 ans pourrait ainsi se présenter à l'un ou l'autre de ces guichets, alors que la recherche d'emploi dans cette tranche d'âge s'inscrit bien souvent dans un contexte social qui doit être pris en compte globalement.
L'amendement tend donc à conserver à la branche Jeunes la spécificité de l'accueil et du suivi des jeunes demandeurs d'emploi de 16 à 25 ans.
En l'état, il n'est pas prévu de renommer les missions locales en France Travail Jeunes. D'autre part, l'article L. 5131-3 du code du travail pose un principe d'accompagnement des jeunes en difficulté, mission générale qui doit rester sous le contrôle de l'État.
Avis défavorable.
La commission rejette l'amendement.
Amendement AS203 de M. Arthur Delaporte
L'amendement vise à supprimer les alinéas 36 à 41 et à vous alerter quant aux conséquences terribles de ce système de contrôle et de sanctions quasi automatiques des demandeurs d'emploi, au détriment de l'individualisation des sanctions.
Je reprends ma lecture du rapport de l'Igas : « Le conseiller pourrait ainsi adapter, après l'avertissement, le niveau de la sanction à l'importance du manquement constaté en se fondant sur les éléments d'appréciation à sa disposition et il pourrait dans certains cas, prononcer directement la suspension de l'allocation voire solliciter une exclusion directe en cas de comportement fautif grave. L'exclusion directe ne pourrait être prononcée que par le directeur de la structure. [...] Enfin, la mission a constaté que lorsque le jeune bénéficiaire du CEJ indemnisé ou non par l'ARE ne procédait pas à l'actualisation de sa situation au titre de sa qualité de demandeur d'emploi, sa radiation automatique de la liste des demandeurs d'emploi ne permettait plus au conseiller d'activer le parcours CEJ ce qui aboutit à interrompre le parcours du jeune et constitue manifestement une anomalie. » Les dysfonctionnements qui affectent ce modèle de sanction, qui demanderait à la fois de la souplesse et de l'adaptation, remettent donc en cause l'automaticité et le caractère quasi systématique que vous proposez de donner à vos sanctions-massues.
Suivant l'avis du rapporteur, la commission rejette l'amendement.
Amendement AS886 de M. Pierre Dharréville
Cet amendement de repli vise à ce que les organismes privés accompagnant les jeunes bénéficiaires du CEJ soient à but non lucratif. En effet, dans certains secteurs du social, l'intervention d'organismes à but lucratif – je ne citerai pas de noms – a été une catastrophe. L'ouverture à la concurrence doit donc être limitée aux organismes à but non lucratif car, en faisant le choix du secteur concurrentiel, vous renoncerez à la qualité de l'accompagnement au profit des bénéfices que ces organismes peuvent en tirer.
Le fait que des organismes à but lucratif puissent accompagner des jeunes dans le cadre d'un CEJ est très dangereux. La recherche de profit par ces organismes peut se faire au détriment des jeunes. La plateforme StaffMe, par exemple, spécialisée un temps dans l'accompagnement des jeunes par le biais de l'insertion dans l'autoentrepreneuriat, et qui était donc en concurrence avec les agences d'intérim, a touché – on ne sait pourquoi – de l'argent de la Banque publique d'investissement et fait actuellement l'objet de contrôles de l'Urssaf. En effet, forcer à prendre le statut d'autoentrepreneur pour se substituer, en concurrence déloyale, à des entreprises d'intérim relève manifestement du travail illégal.
Des plateformes vont ainsi faire du profit sur le dos de jeunes en situation de précarité, et qui plus est pour les orienter vers des emplois non salariés. Il ne faut donc pas recourir à des structures à but lucratif !
La commission rejette l'amendement.
Amendements identiques AS836 de M. Jean-Claude Raux et AS1126 de Mme Sophie Taillé-Polian
L'introduction d'une sanction à l'encontre des bénéficiaires de l'allocation mensuelle du contrat d'engagement jeune est un exemple typique de la précarisation des plus fragiles – ici des jeunes entre 16 et 25 ans qui ne sont ni en emploi, ni en formation, ni en études, accompagnées en vue de favoriser leur insertion. La proposition du Gouvernement pour ces jeunes consiste à suspendre ou à supprimer leur allocation, comprise entre 211 et 528 euros par mois, bien au-dessous du seuil de pauvreté et bien en deçà du RSA – auquel, pour de mauvaises raisons, vous leur refusez toujours l'accès.
Cette mesure est disproportionnée et contradictoire. Disproportionnée, car il suffira que le contrat signé par le jeune soit considéré comme non respecté pour lui asséner cette sanction-massue qui l'empêchera de subvenir à ses besoins primaires. Contradictoire, car l'objectif affiché du CEJ est d'écouter et d'accompagner ces jeunes dans leurs difficultés multifactorielles et vers l'insertion. En quoi le fait de suspendre ou de supprimer une allocation qui est leur principale, sinon leur seule ressource financière permettra-t-il d'améliorer leur insertion ? Tout au contraire, s'engager dans la voie de la sanction conduira à insécuriser les parcours.
Le Gouvernement n'a toujours pas de politique d'envergure pour la jeunesse, mais seulement trois mots : contrôle, sanction et hypocrisie. L'amendement tend donc à supprimer la possibilité de sanctions pesant sur l'allocation.
La jeunesse de notre pays est en grande souffrance, qu'il s'agisse de la jeunesse étudiante, de la jeunesse salariée, qui souffre énormément de la précarité, et, bien sûr, des jeunes qui ne sont ni en emploi, ni en études, ni en formation (Neet).
Et que propose le Gouvernement à cette jeunesse ? La généralisation du service national universel. Aucun projet émancipateur, rien pour répondre ni à ses besoins primaires immédiats, ni à ses angoisses, ni d'ailleurs à ses formidables potentialités ! Tout serait de la faute des jeunes ou de leurs parents, qui les auraient mal élevés, et il faudrait donc les recadrer dans un bon service national universel et leur retirer ces quelques centaines d'euros par mois, qui ne suffisent même pas à les maintenir au-dessus du seuil de pauvreté. Vous n'avez aucune politique pour la jeunesse ; vous vous contentez d'appliquer, en regardant par le petit bout de la lorgnette, une politique répressive.
Cet amendement vise donc à corriger l'un des effets de votre loi sur le CEJ en supprimant les sanctions. Pour le reste, nous demandons à nouveau une vaste politique jeunesse, avec un droit aux minima sociaux et un droit social qui vienne compléter le droit citoyen qu'ils ont à partir de 18 ans. Il s'agirait donc, au moins, de l'extension du RSA, que nous aurions voulu voir figurer dans un texte de loi et que le Gouvernement précédent avait d'ailleurs évoquée.
Je rappelle que nous avons exclu les jeunes qui ne seraient pas signataires d'un contrat d'engagement réciproque. Contrairement à ce que vous sous-entendez, nous ne modifions pas le droit en vigueur, puisque tout est déjà prévu dans le code du travail au titre des droits et devoirs.
Avis défavorable.
Ce que nous entendons est quelque peu caricatural. Il en faut beaucoup, aujourd'hui, pour arriver à une extrémité telle que la sanction ou la radiation ! Les jeunes concernés font l'objet d'un bilan personnel, qui porte aussi sur leur volonté et sur leurs besoins, ainsi que sur les difficultés qu'ils peuvent rencontrer, y compris en termes de mobilité.
Si donc une décision de sanction est prise, c'est parce qu'ils ont manqué à leurs obligations et à leurs déclarations, c'est-à-dire qu'ils refusent des formations correspondant parfaitement à ce qu'ils avaient déclaré : cela reste très gentil ! Il faut se départir des œillères de la naïveté et éviter de considérer la moindre contrainte qu'on pourrait imposer aux demandeurs d'emploi comme une violence sociale.
Et lorsqu'on leur aura retiré cela, que leur proposera-t-on ? Une fois admis le constat d'échec, que se passera-t-il pour ces jeunes en grande difficulté et en grande rupture ? Vous ne leur proposez rien. Certains jeunes sont certes en situation d'échec, mais vous faites peser toute la responsabilité sur eux sans rien prévoir d'autre.
La directrice de la mission locale de mon territoire me dit que, s'agissant des 15 heures hebdomadaires, elle ne sait pas quoi proposer à ces jeunes si éloignés du travail. Elle n'arrive pas à trouver des intervenants, ni à construire des activités en lien avec leurs attentes. Ne niez pas la réalité et essayons plutôt de recréer des liens, au lieu de punir et de sanctionner.
La commission rejette les amendements.
Amendements AS743 de Mme Katiana Levavasseur et AS1020 de M. Hadrien Clouet (discussion commune)
Mon amendement vise à rappeler que la suspension ou la suppression du RSA peut ne se faire qu'en partie, et non pas obligatoirement en totalité, afin de conserver une certaine proportionnalité entre le manquement observé et la sanction. Il vise aussi à assurer la protection des demandeurs d'emploi contre d'éventuels manquements ou erreurs imputables à l'organisme référent. Il faut en effet être vigilants et ne pas sanctionner la personne en recherche d'activité pour une faute qui découlerait du manquement aux obligations de l'organisme, comme l'absence répétée d'un agent, un contrat d'engagement inapproprié ou une défaillance technique.
Dans une période de très forte inflation, où les jeunes ont de plus en plus de difficultés et où les étudiants prennent place dans d'immenses files d'attente devant les banques alimentaires pour obtenir un repas, vous nous proposez de pérenniser la possibilité de supprimer la toute dernière aide qu'ils peuvent recevoir. Ils n'ont en effet pas accès au RSA, ce qui est particulièrement injuste puisqu'à 18 ans ils ont atteint la majorité pénale, qui leur permet d'aller en prison, et la majorité électorale, qui leur permet de voter. Il n'y a pas de majorité sociale : ils peuvent payer des impôts, mais pas percevoir le RSA !
Comment pouvez-vous envisager de supprimer l'allocation de 500 euros qui va avec le CEJ, déjà destiné à ceux qui ont des difficultés ? Avec 500 euros, n'en déplaise à notre collègue, on n'a pas les moyens de manger des chips toute la journée, et encore moins avec l'inflation actuelle ! Si donc vous leur enlevez ces 500 euros, ces jeunes n'auront plus rien. Pensez-vous qu'ils s'en inséreront plus facilement ? Vous ne réalisez pas le danger d'une telle mesure. Aujourd'hui, un quart des jeunes sont pauvres : si vous leur enlevez ce seul petit filet de sécurité, puisqu'ils ne peuvent pas toucher le RSA, ce sera une catastrophe.
Avis défavorable aux deux amendements. Pour le premier, on ne change pas le droit constant, et pour le second, j'ai déjà rappelé les jurisprudences et les procédures qui s'appliquent.
Avec 5 millions de chômeurs et alors que toutes les entreprises nous disent qu'elles cherchent en vain à embaucher, la vraie question est de savoir comment sortir de cette situation absurde. En proposant que l'allocation mensuelle ne puisse « en aucun cas être suspendue ou supprimée », l'amendement AS1020 crée, sans le dire, le revenu universel. C'est un autre débat : parlons-en ! Mais lorsqu'une allocation mensuelle est soumise à des obligations, ces obligations doivent être remplies. Rendre impossible la suppression de l'allocation quelle que soit l'attitude de la personne qui la touche ne peut pas fonctionner.
Monsieur Juvin, il n'est pas toujours vrai que les entreprises ne parviennent pas à recruter. Dans ma circonscription, par exemple, l'industrie aéronautique, où les salariés sont très bien payés et ont de bons horaires de travail, recrute très bien. Il faut donc considérer les effets de secteur.
Mais même : en quoi le fait de retirer 500 euros aux gens aidera-t-il les entreprises à recruter – sauf à ce que votre objectif soit de n'embaucher que des gens à 500 euros ? Il y a un tel monde entre 500 euros et le Smic, plus qu'un doublement, que maintenir l'allocation n'incitera absolument personne à refuser d'aller travailler. Cela n'a aucun sens car, comme vous le disiez du reste vous-même hier, avec 500 euros, on peut survivre, pas vivre.
La commission rejette successivement les amendements.
Puis elle adopte l'amendement rédactionnel AS1438 de M. Paul Christophe.
Amendement AS1481 de M. Paul Christophe
Les alinéas 42 et 43, issus d'un amendement adopté par le Sénat, visent à permettre aux prescripteurs habilités de l'insertion par l'activité économique de prescrire les périodes de mise en situation en milieu professionnel (PMSMP) définies à l'article L. 5135-2 du code du travail.
Or cette possibilité existe déjà, sur le fondement du 5° de l'article L. 5135-2, qui dispose que font partie de ces prescripteurs « les organismes employant ou accompagnant des bénéficiaires de périodes de mise en situation en milieu professionnel, lorsqu'ils sont liés à l'un des organismes mentionnés aux 1° à 3° et 4° bis du présent article par une convention leur ouvrant la possibilité de prescrire ces périodes dans des conditions définies par décret ».
Concrètement, l'ensemble des prescripteurs habilités de l'insertion par l'activité économique ont la possibilité de prescrire des PMSMP sur la base d'une convention conclue avec les acteurs du service public de l'insertion et de l'emploi. Les structures de l'insertion par l'activité économique peuvent également procéder de plein droit à ces prescriptions.
La disposition dont il est question permettrait aux prescripteurs de procéder à ces prescriptions sans cette convention conclue préalablement. Il est essentiel de maintenir ce système de conventionnement afin de garantir que les prescripteurs soient en capacité d'assumer les obligations légales et réglementaires liées à ce dispositif, qu'il s'agisse de s'assurer en amont de sa pertinence, d'assurer un lien avec la structure d'accueil, de procéder à une évaluation, ou d'assumer certaines responsabilités qui lui incombent en matière d'accidents du travail et de maladies professionnelles et de responsabilité civile.
Merci, monsieur le rapporteur, pour cet amendement et pour la clarté de votre explication. Je saisis cette occasion pour répéter ma question d'hier à propos de la rémunération des formations de Pôle emploi (RFPE). Sachant qu'une personne engagée dans une PMSMP conservera sa rémunération antérieure, par exemple la RFPE, pouvez-vous me confirmer qu'une personne percevant le RSA qui suivra une formation entrera dans le régime de RFPE ?
La commission adopte l'amendement.
Amendement AS806 de M. Fabien Di Filippo
On commence à prendre conscience qu'il ne peut y avoir de droit pérenne sans que des devoirs y soient associés. Cet amendement vise donc à ce que le bénéfice des aides sociales ou des indemnisations soit subordonné au fait que le bénéficiaire « justifie de quinze heures de formation hebdomadaire visant une insertion professionnelle rapide [...] ou de quinze heures d'activité hebdomadaire au service de la collectivité ». Je ne me satisfais pas que l'on puisse refuser de contribuer à la création de richesses et à la marche en avant de notre pays. En tout cas, on ne peut pas demander à d'autres concitoyens qui travaillent de l'assumer.
Nous avons observé une évolution en ce sens et certains départements ont travaillé sur cette question. L'inactivité est une prison destructrice : plus longtemps on y reste, moins on a de chances d'en sortir. Il est donc très important que les personnes en inactivité n'y restent pas et que, même dans la période où elles sont au RSA, elles participent à une action de formation ou d'intérêt général pour remercier la collectivité qui pourvoit à leurs besoins.
L'alinéa 9 a été modifié pour tenir compte de la durée hebdomadaire d'activité à réaliser. Je propose donc le retrait de l'amendement.
Monsieur Di Filippo, vous avez vraiment l'air obsédé par l'idée de soumettre les bénéficiaires du RSA à des contraintes. Vous voulez des droits et des devoirs. Or, pour nombre de prestations sociales, ce n'est absolument pas le cas.
Permettez-moi un petit calcul : le salaire horaire minimum étant de 11,52 euros et la durée minimum du travail à temps partiel de vingt-quatre heures par semaine, conditionner le RSA à 15 heures de travail hebdomadaire revient à payer 7 euros de l'heure un travail à des personnes qui se trouvent déjà dans une très grande difficulté. Vous rendez-vous compte de ce que vous êtes en train de demander à ces gens ?
Avec de tels raisonnements, il ne nous restera plus dans quelques années que nos yeux pour pleurer sur le décrochement de notre pays. Nous parlons ici d'actions de formation et d'insertion professionnelle, avec lesquelles il n'y a pas lieu de lier le montant du RSA.
Certaines personnes disent qu'elles n'ont tout simplement pas envie de travailler. Elles veulent rester chez elles avec l'argent public qui leur est versé – 480 euros voilà quelques années, passés à 500, puis 570 et aujourd'hui 600 euros, auxquels s'ajoutent diverses autres aides, pour le logement par exemple. Je ne dis pas que l'on vit bien avec 600 euros, mais considérez-vous qu'il soit acceptable de les prendre sans vouloir travailler ? Dites-le clairement.
La commission rejette l'amendement.
Puis elle adopte l'amendement rédactionnel AS1439 de M. Paul Christophe.
Amendements AS1015 de M. Benjamin Saint-Huile, AS894 de M. Matthias Tavel, AS713 de Mme Karine Lebon et AS105 de M. Arthur Delaporte (discussion commune)
Nous regrettons beaucoup de pas connaître les résultats de l'expérimentation avant d'envisager une massification du dispositif, ce qui nous aurait paru logique. On nous a expliqué hier que la loi servait à fixer le cadre juridique et l'expérimentation à mettre au point les modalités. Nous ne souscrivons pas à cet argumentaire et regrettons vraiment d'en rester là.
L'amendement AS894, qui tend à reporter l'application de l'article à la fin des expérimentations en cours, nous semble nécessaire pour faire sortir cette discussion du café du commerce. Certains de nos collègues s'imaginent que les allocataires du RSA restent chez eux en mangeant des chips sur un sofa. Les expérimentations actuellement menées permettront de connaître les sanctions effectivement prises, le retour à l'emploi constaté, les qualifications acquises, l'état de santé des personnes concernées, l'évolution de leurs revenus et la situation de leur famille. Ces questions sont essentielles pour juger du bien-fondé de ce projet de loi.
Nous y avons, du reste, tous intérêt : vous parce que vous êtes convaincus que mettre la tête des allocataires du RSA sous l'eau va les aider, nous parce que nous sommes convaincus du contraire. L'expérimentation sera un juge de paix qui nous permettra de trancher. Le fait que vous ne le vouliez pas trahit chez vous une sorte d'incertitude et de fébrilité, parce que vous savez que ce résultat ne servirait pas votre cause. Vous voulez passer en force avant de disposer de ces résultats, car la vérité vous importe moins que vos préjugés.
Par l'amendement AS713, nous demandons en effet à disposer de quelques éléments de diagnostic à la suite des expérimentations qui ont été menées.
Monsieur Di Filippo, on ne peut pas légiférer par l'anecdote – à moins de considérer que tous les allocataires du RSA sont des gens qui ne veulent pas travailler, ce qui n'est pas le cas. Les études sociologiques montrent que les personnes éloignées de l'emploi et abîmées par l'inactivité tiennent un discours de l'honneur : il leur est plus facile de dire qu'elles ne veulent pas travailler que d'avouer qu'elles sont en difficulté face au travail. Légiférer par l'anecdote, tirer une phrase de son contexte pour l'ériger en règle, c'est du populisme. Ce n'est pas acceptable.
Mon amendement vise à repousser d'un an l'entrée en vigueur de cet article, en la portant au 1er janvier 2026. Une conseillère départementale de Mayenne a fait état de l'augmentation des radiations dans le cadre des expérimentations, suite à des non-présentations au premier rendez-vous. Nous partageons votre volonté d'accroître l'activité, mais en l'occurrence, c'est l'exclusion qui va augmenter.
La loi fixe les principes généraux, là où les expérimentations s'attachent aux modalités opérationnelles des parcours d'accompagnement. Il appartiendra au comité national France Travail de tenir compte du résultat de ces expérimentations, dont je rappelle à M. Delaporte qu'elles se déroulent dans le cadre du droit actuel et non dans celui que nous sommes en train d'élaborer : évitons les procès d'intention.
Avis défavorable.
La loi fixe en effet des principes généraux, et voilà que M. Di Filippo nous parle de telle ou telle personne qui refuserait de travailler ! Admettons même que des personnes aussi méchantes existent : légifèrerons-nous à partir de ces exceptions ? À moins que vous ne pensiez que la grande majorité des bénéficiaires du RSA ne sont pas gentils et ne voudraient pas travailler ? Sommes-nous d'accord pour affirmer que tel n'est pas le cas, qu'ils subissent la situation dans laquelle ils se trouvent ? Dès lors, ce système de sanction est démesuré. Il ne va que leur enfoncer la tête sous l'eau.
Dans le dispositif du CEJ lancé le 1er mars 2022, il n'y a plus que 3,5 % de radiations, contre 6 % dans celui de la garantie jeunes. L'accompagnement est donc meilleur, plus intensif et régulier.
Le CEJ Jeunes en rupture permet quant à lui aux plus fragiles d'être accompagnés à la fois par la mission locale et une association plus spécialisée.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement AS931 de M. Matthias Tavel
C'est un amendement de repli, qui demande le report de l'entrée en vigueur de la loi au moins dans les dix-huit départements expérimentateurs, par simple respect des agents et des usagers.
Nous savons qu'Emmanuel Macron et le Gouvernement adorent lancer des expérimentations, des concertations, des grands débats, des cahiers de doléances dont ils n'ont finalement que faire. Mais en l'occurrence, il est question de radier des personnes qui perçoivent une allocation 50 % inférieure au seuil de pauvreté !
Madame Taillé-Polian , tâchons d'être un peu plus subtils que ces histoires de méchants et de gentils. Ce que mon collègue a voulu dire, c'est que lorsqu'on est blessé par la vie et qu'on veut s'en sortir, on doit être aidé ; mais qu'il y a des assistés professionnels, si peu nombreux soient-ils, qui font un bras d'honneur à la société. Vous ne pouvez pas nier leur existence. L'argent des Français ne doit pas leur être versé.
Nous commençons à percevoir vos véritables intentions. Vous essayez de faire croire que votre projet est bienveillant et inclusif, mais dès hier, vous avez montré que ce que vous appelez l'« activité » était une sorte de travail gratuit. Maintenant, vous ouvrez une espèce de chasse aux fraudeurs. Mais les contrôles existent ! De surcroît, un tiers des personnes qui pourraient bénéficier du RSA ne le demandent pas : le principal problème, c'est celui du non-recours. Enfin, à ceux qui considèrent qu'on ne peut bénéficier de la solidarité nationale si on ne travaille pas, je rappelle que, si les allocataires du RSA ne sont pas dans la sphère marchande, beaucoup d'entre eux travaillent : ils font du bénévolat, ils travaillent dans les associations, ils ne passent pas leur temps à regarder la télévision dans leur canapé.
La commission rejette l'amendement.
Amendement AS570 de M. Jean-Hugues Ratenon
Nous proposons la suppression de l'alinéa 45, prévoyant notamment la substitution du contrat d'engagement au projet personnel d'accès à l'emploi.
D'aucuns nous reprochent de présenter une loi introduisant le principe de la radiation. Je leur rappelle que cette sanction est en vigueur depuis 1988 et la loi sur le RMI. Les départements l'utilisent tous les jours.
À propos des personnes qui sont supposées ne pas vouloir travailler, je rappelle que nous comptons huit à dix fois plus de demandeurs d'emploi qu'il n'y a d'emplois disponibles.
La commission rejette l'amendement.
Amendement AS122 de M. Arthur Delaporte
Il s'agit d'éviter l'intégration rétroactive dans le champ du contrat d'engagement, au 1er janvier 2025, des bénéficiaires du RSA. Ce sont les nouveaux allocataires qui doivent être soumis à ce contrat.
Cet amendement vise d'une certaine manière à protéger 1 900 000 foyers allocataires, et plus de 3 millions de personnes en incluant les enfants.
Je parlais ce matin avec une amie qui habite la vallée de la Roya. Après les graves inondations qui ont eu lieu, nombre d'agriculteurs pauvres, qui sont au RSA, doivent travailler jour et nuit. Et vous leur demanderez de signer ce contrat d'engagement réciproque !
Comment peut-on imaginer que les conseillers d'insertion se lèvent le matin avec un objectif de radiations et de suspensions ? Nous l'avons dit et répété, ces dispositifs figurent déjà dans le code du travail. Cela ne me choque pas car ils participent à la responsabilisation des demandeurs d'emploi et des jeunes et, ainsi, à leur reconnaissance en tant que personnes capables, autonomes et responsables.
La commission rejette l'amendement.
Amendement AS652 de M. Jean-Hugues Ratenon
Cet amendement d'appel vise à ce que l'État prenne en charge la création de nouveaux postes afin de permettre aux organismes référents de mettre en place correctement le référent unique.
Le texte ne garantit en rien les moyens nécessaires permettant un réel droit à l'accompagnement. Ainsi, on ne sait toujours pas combien de personnes seront effectivement suivies par un conseiller. Le département de la Seine-Saint-Denis a quitté le dispositif d'expérimentation car il considère ne pas avoir les garanties suffisantes ni le budget adéquat pour préserver le droit à l'accompagnement des allocataires du RSA. À La Réunion, même des élus Macron-compatibles sont inquiets.
À Pôle emploi, le ratio du nombre d'équivalents temps plein (ETP) par demandeur d'emploi suivi n'est déjà pas soutenable. En 2019, France Info révélait que les agents de Pôle emploi suivent deux fois plus de chômeurs que les chiffres affichés par la direction. Le nombre maximum par agent est officiellement fixé à 350 personnes, mais il n'inclut que les demandeurs des catégories A et B.
Selon les acteurs de l'insertion, il faudrait 4 milliards d'euros par an pour que France Travail puisse remplir ses objectifs d'accompagnement, alors que le rapport de concertation prévoit seulement la mobilisation de 2,3 à 2,7 milliards en financements cumulés sur la période 2024 2026. Le compte n'y est pas.
Une telle évaluation relève des missions dévolues au comité national France Travail mais aussi au Parlement, au titre des travaux de la mission d'évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale ou à partir des différents documents budgétaires. De plus, la loi se fonde sur une montée en charge progressive qu'il conviendra d'accompagner. Avis défavorable.
Vouloir lutter contre la fraude, cela n'a rien d'infamant et ne signifie pas que l'on stigmatise une partie de la population.
Je ne voudrais pas que des propos qui ont été tenus hier soient déformés. Il s'agissait de l'exclusion des bénéficiaires du RSA qui ne se seraient pas rendus à un contrôle en raison d'une toxicomanie. Pour ma part, je trouve assez hypocrite de continuer à verser une allocation à des toxicomanes au lieu de leur proposer une prise en charge. Ne leur permettons pas d'acheter leur dépendance !
Je crois qu'une formation s'impose sur les questions liées aux addictions. Il serait utile que certains membres de cette commission se regardent en face s'agissant de ces problématiques.
Ces propos sont honteux. On ne lutte pas contre une addiction en supprimant une allocation. En réalité, le manque de moyens consacrés à l'accompagnement des bénéficiaires du RSA, des jeunes des missions locales ou des personnes en situation de handicap est patent. Au lieu d'y remédier, comme M. Le Maire annonce 16 milliards d'euros d'économies dans le projet de loi de finances pour 2024, vous commencez par couper dans les dépenses liées au RSA ! Vous faites payer les pauvres !
La commission rejette l'amendement.
Puis elle adopte l'article 2 modifié.
Article 2 bis (nouveau) : Obliger les offres d'emploi à inclure des éléments décrivant l'environnement de travail
Amendements AS1304 de M. Sébastien Peytavie, AS967 de M. Pierre Dharréville et AS1287 de Mme Anne Bergantz (discussion commune)
Issu d'une recommandation du Collectif Handicaps, mon amendement vise à ce que les offres d'emploi contiennent également une description de l'environnement de travail afin de mieux informer les demandeurs d'emploi en situation de handicap.
Le Gouvernement a annoncé le lancement d'une expérimentation tendant à ce que les demandeurs d'emploi handicapés puissent distinguer les offres d'emploi proposées par des employeurs engagés dans ce domaine. La simple mise en avant des employeurs qui respectent un peu plus que les autres leurs obligations en matière d'accessibilité ne suffit pas. Alors que la discrimination à l'emploi est la première à laquelle se heurtent les personnes en situation de handicap, nous devons franchir un cap et exhorter tous les employeurs à indiquer précisément dans les offres d'emploi les conditions d'accessibilité des emplois proposés.
Cette description, dont le contenu précis sera déterminé par décret en Conseil d'État, peut notamment traiter de l'environnement de travail – bruit, luminosité, accessibilité – ainsi que des modalités éventuelles d'organisation du poste, tel que le recommandait le rapport de préfiguration de France Travail.
Mon amendement, issu de propositions formulées par le Collectif Handicaps, vise également à préciser que les offres d'emploi doivent être enrichies d'éléments décrivant l'environnement de travail de l'entreprise et du poste ainsi que des modalités éventuelles d'organisation du poste pour aider le demandeur d'emploi à se positionner sur les offres qui lui correspondent.
Je partage l'objectif de renforcer l'engagement des employeurs et de mobiliser le service public de l'emploi pour atteindre le plein emploi des personnes en situation de handicap.
Afin de soutenir l'engagement des employeurs, et outre l'expérimentation à venir de mise en relation sur la plateforme pole-emploi.fr, un groupe de travail autour de Pôle emploi réfléchira à l'amélioration de la rédaction des offres d'emploi.
Je demande toutefois le retrait des amendements car ajouter des critères légaux dans le contenu d'une offre d'emploi pourrait avoir l'effet contraire à celui que vous recherchez et entraîner une diminution de la transparence du marché du travail en décourageant certaines entreprises, notamment les plus petites, de faire connaître leurs besoins. La plupart de nos entreprises comptent moins de cinquante salariés, voire moins de dix, et ne disposent pas de service de ressources humaines. Ce sera le rôle de France Travail de les accompagner dans la rédaction de leurs offres.
D'abord, cessez de tout renvoyer à des expérimentations. Ensuite, vous parlez beaucoup de droits et de devoirs, mais vous rejetez toutes nos propositions visant à favoriser l'accès aux droits. Rendre les offres plus lisibles, c'est rendre accessible un droit fondamental, vote réponse ne devrait pas dépendre de la taille d'une entreprise !
La commission rejette successivement les amendements AS1304 et AS967.
Puis elle adopte l'amendement AS1287.
Après l'article 2
Amendement AS127 de M. Arthur Delaporte
S'engager dans des activités de formation a un coût qu'on ne peut pas demander à un bénéficiaire du RSA d'assumer. La nation doit se fixer pour objectif la prise en charge intégrale et sans délai des frais occasionnés par la réalisation des heures d'activité tels que les frais de transport, de nourriture, de garde d'enfants à charge, d'accès à des services numériques, de liaison téléphonique et les frais d'habillement. C'est la contrepartie du contrat d'engagement.
Selon la Fondation Jean-Jaurès, le coût de ces « freins périphériques » à l'emploi représente 50 % de l'investissement nécessaire. Mais rien n'est prévu pour les financer. Les 250 millions d'euros annoncés par le ministre sont anecdotiques, alors que les obligations s'imposeront dès l'entrée en vigueur de la loi.
Les entretiens avec les travailleurs sociaux ont justement vocation à identifier les difficultés rencontrées par les allocataires et à trouver des solutions pour les accompagner au mieux. Nous avons modifié l'obligation introduite par le Sénat pour ne pas les mettre plus encore en difficulté.
Avis défavorable.
Il ne s'agit pas des allocataires mais de l'État : a-t-il prévu les moyens financiers nécessaires pour les accompagner, pour payer les tickets de bus par exemple ? Personne n'a répondu à cette question.
L'expérimentation coûte 21,7 millions d'euros pour dix-huit départements, en ne profitant qu'à un nombre très restreint de personnes. En moyenne, cela représente 600 euros qui doivent couvrir à la fois les heures supplémentaires des agents pour le contrôle ou la saisie des informations et tickets de transport, frais de garde et autres !
La nation doit faire en sorte que ce projet de loi soit réaliste.
La commission rejette l'amendement.
Amendement AS1102 de M. Jocelyn Dessigny
Les personnes les plus éloignées du marché du travail ne sont pas immédiatement disponibles pour être présentées à un employeur parce qu'elles ne sont plus insérées dans le tissu social. À l'écart de la vie active, elles doivent, préalablement à toute recherche d'emploi, se rendre employables et acquérir le savoir-être nécessaire dans le monde du travail : ponctualité, assiduité, respect du lien hiérarchique ou des consignes de sécurité...
Des formations et des stages leur seront donc proposés par leur organisme référent afin de donner à leur profil les meilleures chances de recrutement. Les stages et les formations qui sont déjà mis en place pour les allocataires du RSA seront réorientés selon ces critères d'employabilité lorsque le profil de l'allocataire le nécessite. Aucune charge supplémentaire n'est créée.
Le cadre du contrat d'engagement réciproque tel que nous l'introduisons à l'article 2 est suffisant pour répondre à cet objectif puisqu'il prévoit un parcours progressif en fonction du profil du demandeur d'emploi. L'emploi reste toujours l'objectif à atteindre mais la résolution de difficultés sociales peut être un préalable nécessaire pour y parvenir.
Avis défavorable.
La commission rejette l'amendement.
Amendement AS1109 de M. Jocelyn Dessigny
Les branches et secteurs d'activités dits en tension représentent une banque d'offres d'emplois urgentes. Les bénéficiaires du RSA et chômeurs de longue durée doivent être orientés prioritairement vers les métiers concernés, en fonction du lieu de leur domicile.
Votre amendement est satisfait puisque l'alinéa 10 de l'article 2 prévoit que le contrat d'engagement réciproque tient compte « de la situation locale du marché du travail ».
Demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable.
L'amendement est retiré.
Amendement AS1005 de Mme Danielle Simonnet
Plutôt que de contraindre à 15 heures d'activité les bénéficiaires du RSA sous peine de supprimer leur allocation, autrement dit de les affamer et de les appauvrir encore, nous ferions mieux de nous demander comment la collectivité et France Travail garantiront un accompagnement dans de bonnes conditions.
Tout le monde reconnaît que l'accompagnement est insuffisant mais vous avez choisi de ne pas recourir à une loi-cadre. Nous demandons un rapport qui permette d'évaluer les moyens matériels et humains des organismes référents et définisse, par conseiller, un ratio maximal de demandeurs d'emploi, par catégorie, et de bénéficiaires du RSA suivis.
On sait qu'il faut augmenter les effectifs, d'autant que 10 % des agents de Pôle emploi sont en service civique ou en CDD. La Seine-Saint-Denis, par exemple, a refusé de poursuivre l'expérimentation faute des ETP nécessaires. À budget constant, ce serait déjà une catastrophe, et Bruno Le Maire a annoncé des coupes de 16 milliards d'euros !
La commission rejette l'amendement.
La séance est levée à treize heures.
Présences en réunion
Présents. - M. Éric Alauzet, Mme Farida Amrani, Mme Clémentine Autain, M. Christophe Bentz, Mme Fanta Berete, Mme Anne Bergantz, M. Victor Catteau, M. Paul Christophe, M. Hadrien Clouet, Mme Josiane Corneloup, Mme Laurence Cristol, M. Arthur Delaporte, M. Pierre Dharréville, Mme Sandrine Dogor-Such, Mme Nicole Dubré-Chirat, Mme Karen Erodi, M. Olivier Falorni, M. Emmanuel Fernandes, M. Marc Ferracci, M. Philippe Frei, Mme Marie-Charlotte Garin, M. François Gernigon, M. Jérôme Guedj, Mme Claire Guichard, Mme Monique Iborra, M. Cyrille Isaac-Sibille, Mme Caroline Janvier, Mme Sandrine Josso, M. Philippe Juvin, Mme Rachel Keke, M. Didier Le Gac, Mme Christine Le Nabour, M. Laurent Leclercq, Mme Katiana Levavasseur, Mme Brigitte Liso, M. Laurent Marcangeli, M. Matthieu Marchio, M. Didier Martin, M. Bryan Masson, M. Damien Maudet, M. Kévin Mauvieux, M. Yannick Monnet, M. Serge Muller, M. Yannick Neuder, Mme Astrid Panosyan-Bouvet, Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, Mme Maud Petit, Mme Michèle Peyron, M. Sébastien Peytavie, M. Jean-Hugues Ratenon, Mme Stéphanie Rist, Mme Sandrine Rousseau, M. Jean-François Rousset, M. Benjamin Saint-Huile, M. Freddy Sertin, Mme Danielle Simonnet, M. Emmanuel Taché de la Pagerie, M. Nicolas Turquois, Mme Isabelle Valentin, M. Frédéric Valletoux, Mme Annie Vidal, M. Alexandre Vincendet, M. Stéphane Viry
Excusés. - M. Thibault Bazin, M. Elie Califer
Assistaient également à la réunion. - M. Xavier Breton, M. Jocelyn Dessigny, M. Fabien Di Filippo, M. Jean-Claude Raux, M. François Ruffin, Mme Sophie Taillé-Polian