France Insoumise (NUPES)
PCF & ultramarins (NUPES) PS et divers gauche (NUPES) EELV (NUPES)
Radicaux, centristes, régionalistes... LREM et proches (Majorité gouv.)
MoDem et indépendants (Majorité gouv.) Horizons (Majorité gouv.) LR et UDI
RN et patriotes
Non-Inscrits (divers gauche à droite sans groupe)
La séance est ouverte.
La séance est ouverte à vingt et une heures trente.
Suite de la discussion d'un projet de loi
L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi relatif à l'industrie verte (n° 1443 rectifié, 1512).
Cet après-midi, l'Assemblée a commencé la discussion des articles du projet de loi, s'arrêtant à l'amendement n° 188 à l'article 1er .
Il n'y a pas de problème de cohérence à vouloir simplifier l'article L. 4251-1 du code général des collectivités territoriales (CGCT) qui concerne le schéma régional d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires (Sraddet). Comme je l'ai indiqué au cours de la séance précédente, cet article constitue une liste à la Prévert, dans laquelle on ajoute un item chaque fois que l'on trouve une bonne idée. C'est pourquoi, dans une logique de simplification du droit, nous proposons de le réécrire afin de limiter le Sraddet, qui n'est pas un document prescriptif, à son objectif général de planification, sans dresser à l'infini une liste d'objectifs tous plus absurdes les uns que les autres.
La parole est à M. Stéphane Delautrette, pour soutenir l'amendement n° 1505 .
Il est étonnant que ces deux amendements fassent l'objet d'une discussion commune ; vous ne serez pas surpris si je vous dis que mon amendement est très différent de celui qui vient d'être présenté.
Depuis le début de l'examen du projet de loi, nous déplorons l'absence de définition de ce que vous appelez l'industrie verte, ainsi que le manque de planification. Cet amendement permet d'aborder ces enjeux sur le plan territorial et vise à introduire la notion de développement logistique et industriel – qui, telle qu'elle est rédigée, manque de précision et d'objectifs ciblés – au sein des Sraddet.
La parole est à M. Guillaume Kasbarian, rapporteur général de la commission spéciale, également rapporteur pour les chapitres Ier et V du titre Ier , pour donner l'avis de la commission sur ces amendements en discussion commune.
Votre amendement, monsieur Meurin, est cohérent avec ce que vous avez indiqué lors de la séance précédente : vous réécrivez complètement l'article L. 4251-1 du CGCT pour le synthétiser en deux lignes, et vous videz ainsi le Sraddet de sa substance : vous en faites un document très épuré et simplifié, qui ne donne que peu d'indications aux collectivités sur son contenu. Nous verrons si cette proposition est cohérente avec vos amendements à venir, qui tendent au contraire à ajouter des éléments au Sraddet – nous en reparlerons. J'émets un avis défavorable à cet amendement.
À l'inverse, l'amendement présenté par M. Delautrette est un peu trop précis quant aux objectifs à fixer en matière de développement industriel, et risque de figer dans la loi des éléments qui ont vocation à être davantage flexibles. En outre, vous proposez une réécriture globale de l'article 1er , alors que les amendements que nous examinerons ensuite permettront de préciser certains points. C'est pourquoi, plutôt que d'écraser la rédaction actuelle de l'article en proposant une formulation trop précise et contraignante, je vous invite à examiner le reste des amendements. Demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable.
La parole est à M. le ministre délégué chargé de l'industrie, pour donner l'avis du Gouvernement.
Même avis. De nombreux amendements ont été déposés sur le schéma régional d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires. L'objectif du projet de loi est d'y intégrer l'industrie, qui n'y était pas explicitement mentionnée. Désormais, les régions seront donc chargées d'élaborer une véritable planification de leurs installations industrielles. Néanmoins, nous ne souhaitons pas, comme l'a très bien expliqué M. le rapporteur général, être trop précis dans la loi. C'est pourquoi je serai défavorable à l'essentiel des amendements déposés sur l'article 1er . Je le suis donc également à ces deux amendements : au premier, parce qu'il supprime toute précision et est beaucoup trop vague ; au second, parce qu'il est trop précis.
Le projet de loi manque cruellement de précisions et d'objectifs ciblés.
Or l'installation de nouveaux sites industriels doit s'inscrire dans une logique de filière dans les territoires. L'amendement de mon collègue Delautrette relève du bon sens.
L'amendement n° 188 n'est pas adopté.
L'amendement n° 1505 est adopté. En conséquence, l'article est ainsi rédigé et les amendements suivants tombent.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RN, LFI – NUPES et SOC.
Il vise à intégrer au Sraddet des objectifs d'implantation des projets de développement industriel sur l'ensemble du territoire, en ajoutant des visées régionales en matière d'innovations dans la production d'énergies renouvelables (ENR). C'est pourquoi cet amendement de précision propose de compléter la première phrase du deuxième alinéa de l'article L. 4251-1 du CGCT en insérant, après le mot « énergie », les mots : « d'innovations dans la production d'énergie renouvelable, de lutte contre le changement climatique, de pollution de l'air, de protection et de restauration de la biodiversité, de prévention et de gestion des déchets ».
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l'amendement n° 576 .
Cet amendement, élaboré avec SUBLIME Energie, précise la définition de l'innovation, pour ne pas la réduire à sa dimension technologique. Les innovations dans le modèle social, le modèle d'affaires ou la gestion de projet doivent être valorisées dès lors qu'elles participent à l'amélioration des services écosystémiques et présentent des externalités sociales et environnementales positives pour le territoire.
Permettez-moi, pour commencer, de regretter que nous n'ayons pas pu examiner tous les amendements déposés sur l'article 1er , qui a été adopté dans une rédaction totalement nouvelle…
…et qui réintroduit les conseils départementaux dans une compétence qui n'est pas la leur ; il prévoit également un préfet régional coordonnateur chargé de la conduite des projets, ce qui n'a pas vraiment de sens non plus. Le groupe Socialistes et apparentés a décidé de surpréciser, si je puis dire, l'article 1er ;…
…nous aurons sans doute l'occasion d'y revenir en commission mixte paritaire (CMP) et nous verrons bien ce qui en découlera.
Ces deux amendements concernent les énergies renouvelables. Toutefois, nous n'examinons pas un projet de loi portant sur ces énergies, mais sur l'industrie verte. Comme je l'avais précisé en commission, je ne souhaite pas que ce texte soit l'occasion d'ouvrir de nouveau le débat sur les ENR, qui ont fait l'objet d'un précédent projet de loi, auquel vous avez d'ailleurs contribué. Avis défavorable.
J'ajoute que le Sraddet, comme son nom l'indique, concerne l'aménagement et non les processus de production appliqués par les industries. Les amendements s'éloignent largement de l'objet même du schéma régional, qui n'a pas à traiter les questions d'innovation. Avis défavorable.
Lorsque vous expliquez, monsieur le ministre délégué, que l'aménagement n'a rien à voir avec le type de production, vous ne semblez pas percevoir la dimension du problème. Produire de l'électricité grâce à des éoliennes ou à des hydroliennes implantées sur un fleuve ou une rivière, ce n'est pas la même chose que de recourir à une centrale nucléaire. L'aménagement du territoire peut donc aussi influencer le type d'industries que l'on développe.
Nous en venons à l'amendement n° 875 de M. Fabien Roussel. Qui le défend ?
Sourires sur plusieurs bancs.
Cet amendement vise à garantir une planification industrielle territoriale à l'échelle régionale qui prenne en compte les stratégies et les dispositifs d'accueil, de consolidation et d'adaptation des tissus industriels locaux. L'avis des acteurs présents sur le territoire est bien sûr primordial.
J'adhère à la logique de cet amendement. Toutefois, le CGCT se réfère à des documents ou à des projets bien précis, tels que les projets d'intérêt général, les opérations d'intérêt national et les projets de localisation des grands équipements. Or votre amendement n'est pas aussi précis et conduirait à inscrire dans la loi une formule vague, qui créerait davantage de complexité qu'autre chose. Cette fois, votre amendement manque de précision. Avis défavorable.
L'amendement n° 875 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à M. Charles de Courson, pour soutenir l'amendement n° 427 .
Le texte prévoit que la région, par l'intermédiaire du Sraddet, déterminera des localisations préférentielles en matière de développement logistique et industriel. Toutefois, afin de s'assurer que les communes définies comme localisations préférentielles ont bien été consultées dans ce choix, le présent amendement propose qu'elles soient associées à l'élaboration du Sraddet. On voit mal, en effet, la région décider de l'implantation d'un projet dans tel ou tel secteur, qui peut concerner une ou plusieurs communes, sans que celles-ci aient été consultées. À moins que le M. le rapporteur général nous confirme que ce sera le cas, ou que ça l'est déjà ?
J'ajoute, pour rebondir sur la réflexion de M. le rapporteur général concernant les conseils départementaux, que ceux-ci n'ont certes pas de compétence en matière économique, mais qu'ils en ont une en matière de voirie.
Un projet industriel peut soulever des problèmes d'accès : les investissements en la matière relèvent des conseils départementaux, si je puis me permettre.
Pour en revenir à mon amendement, il concerne les communes d'implantation qui ont, je le rappelle, un pouvoir en matière d'urbanisme.
Nous aurions pu avoir cette discussion à l'article 1er et intégrer le mot « voirie » plutôt que le mot « industrie ». Malheureusement, nous ne pouvons plus en débattre puisque l'article a été totalement réécrit.
Par votre amendement, vous voulez associer les communes concernées par une localisation préférentielle en matière de développement logistique et industriel à l'élaboration du Sraddet.
Il est vrai que les communes ne seront pas consultées, mais les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) le seront. Je crains que l'instauration d'une consultation obligatoire de toutes les communes, dont je rappelle qu'elles sont au nombre de 2 000 par région en moyenne, ne soit de nature à alourdir et à complexifier, voire à ralentir, la procédure. Je propose donc d'en rester à la consultation des EPCI et de ne pas solliciter individuellement les communes. Comme en commission, je vous demande de retirer l'amendement ; à défaut, avis défavorable.
Même avis. J'ajoute que le maire sera amené à donner son avis lors de la concrétisation du projet, puisqu'il lui appartient de délivrer le permis de construire, ce qui lui donne un droit de regard sur l'implantation des projets industriels.
La stratégie régionale est définie après consultation des EPCI : le Sraddet le prévoit déjà. M. le rapporteur général a souligné que la France compte des milliers des communes. Si l'une d'elles est concernée en particulier par un projet industriel, elle aura ultérieurement son mot à dire, mais gardons-nous d'intégrer les communes à l'élaboration de la stratégie, sous peine de transformer la définition du schéma régional en réunion des Nations unies, ce qui n'aboutirait à rien.
Je précise à l'intention de M. le rapporteur général et de M. le ministre délégué que mon amendement ne mentionne pas toutes les communes, mais seulement quelques-unes, à savoir « les communes concernées par une localisation préférentielle ». Je peine à imaginer qu'une région désigne une commune comme site préférentiel d'implantation d'un projet industriel sans avoir préalablement recueilli son avis.
L'EPCI sera consulté !
Consulter la commune relève de l'évidence ! Étant donné la manière dont les compétences sont partagées entre les acteurs, l'EPCI et la commune sont tout aussi indispensables l'un que l'autre.
Je rappelle qu'il s'agit ici des quelques communes concernées par l'implantation du projet, non de centaines ou de milliers de communes.
Je tiens à rassurer M. de Courson : l'article 9 – modifié par le Sénat, et adopté par la commission – prévoit que les communes seront consultées préalablement à l'implantation d'un projet industriel d'envergure et pourront donner ou non leur accord. Seuls les EPCI seront consultés dans le cadre de l'élaboration du Sraddet, mais les communes seront obligatoirement consultées, avec droit de refus, dans le cadre délimité par l'article 9.
L'amendement de M. de Courson me semble relever du bon sens. Il permet d'associer à la planification d'un projet l'ensemble des collectivités qui disposent des compétences nécessaires à sa mise en œuvre. Pour réussir la planification, il faut y associer toutes les collectivités parties prenantes.
M. de Courson a pris le soin de restreindre la portée de son amendement aux communes concernées – il ne s'agit pas de l'ensemble des communes de la région – et de faire en sorte que leur avis soit recueilli dès l'élaboration du Sraddet. En effet, une fois que la stratégie est définie, il est trop tard pour consulter les communes sur l'implantation d'un projet. C'est pourquoi nous soutiendrons l'amendement.
Nous soutiendrons également l'amendement, pour plusieurs raisons. Premièrement, si l'objectif est de gagner du temps, il vaut mieux se donner la peine de consulter préalablement la collectivité à qui il incombe de délivrer le permis de construire, plutôt que de la solliciter à la fin de la procédure.
Deuxièmement, dans notre organisation territoriale, l'intercommunalité n'est pas une instance supracommunale, même si certains aimeraient que ce soit le cas. Rien n'est plus important que la commune : un maire, ça se respecte.
Troisièmement, c'est bien mal connaître les maires que d'affirmer qu'ils n'ont pas de vision stratégique. Cela revient même à les insulter, à nier leur connaissance et leur intelligence du territoire, leurs liens avec les acteurs de proximité ou encore leur volonté de lutter pour le développement de leur commune, tout en restant attentifs à la gestion des risques – comme l'a fait Jean-Paul Lecoq en tant que maire de Gonfreville-l'Orcher. Rien n'est plus précieux qu'un maire lorsqu'il s'agit de développer intelligemment une industrie au niveau local. En cela, l'amendement a beaucoup de sens.
M. le rapporteur général nous renvoie à l'article 9, qui se résume à la consultation des maires a posteriori, uniquement pour les projets d'envergure, sans définir d'ailleurs ce qui constitue un tel projet. Estimant qu'un tiens vaut mieux que deux tu l'auras, nous voterons l'amendement de M. de Courson.
Le vote à main levée n'ayant pas été concluant, il est procédé à un scrutin public.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 129
Nombre de suffrages exprimés 126
Majorité absolue 64
Pour l'adoption 54
Contre 72
L'amendement n° 427 n'est pas adopté.
La parole est à M. Charles Fournier, pour soutenir l'amendement n° 793 .
Si certaines personnes publiques participent toujours à l'élaboration des Sraddet, d'autres acteurs peuvent y être associés, mais ne le sont pas systématiquement. Nous proposons donc d'associer à la définition des objectifs régionaux de développement industriel la chambre régionale de l'économie sociale et solidaire (Cress), les chambres consulaires et le conseil économique, social et environnemental régional (Ceser), soit l'ensemble des acteurs clés qui permettront de définir au mieux la stratégie industrielle.
Vous souhaitez que le Ceser, les chambres d'agriculture, les chambres de commerce et d'industrie (CCI), les chambres de métiers et de l'artisanat (CMA) et les Cress soient systématiquement – et non occasionnellement, comme c'est actuellement le cas – associés à l'élaboration du Sraddet.
Votre amendement va à l'encontre de notre objectif, car il aura pour effet d'allonger et de complexifier la procédure administrative.
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe Écolo – NUPES.
C'est pourquoi je vous propose de le retirer. À défaut, avis défavorable.
Même avis. L'objectif du Sraddet consiste à définir une stratégie régionale à laquelle seront associés les acteurs qui doivent l'être – nous pouvons faire confiance aux régions pour cela.
« Non ! » sur les bancs du groupe RN.
Si vous ne faites pas confiance aux régions, libre à vous de voter l'amendement. Pour ma part, je leur fais confiance pour associer à l'élaboration du schéma régional les acteurs qui disposent d'une compétence formelle en la matière, c'est-à-dire les intercommunalités.
Gardons-nous de créer des Nations unies dans chaque région.
Nous risquerions d'emboliser les schémas régionaux, de les rendre invotables et ingérables.
Exclamations sur plusieurs bancs des groupes LFI – NUPES, SOC, Écolo – NUPES et GDR – NUPES.
Respectez les compétences des différentes collectivités locales. Les CCI sont bien sûr consultées de manière informelle lorsque cela s'impose.
Inoffensif ? Vous voulez multiplier les comités et les sous-comités, ce qui aura pour seul effet d'emboliser le schéma régional. À l'inverse, nous souhaitons renforcer les compétences des régions en matière d'industrie. Vos propositions vont totalement à l'encontre de nos objectifs communs.
Vos propos sont insupportables ! Il faut répondre avec plus de diplomatie !
Nous ne cherchons pas à créer un comité supplémentaire, mais à garantir le caractère démocratique et collectif de la prise de décision dans les territoires. La mesure que nous préconisons est indispensable, car elle couvre la diversité de la société civile locale. Planifier la réindustrialisation sans eux, c'est prendre le risque que les projets soient freinés plus tard.
Nous proposons donc simplement de les inclure dans la concertation. Il ne s'agit nullement de créer une usine à gaz.
Bien sûr que si !
Pour y avoir pris part en tant que vice-président de région, je sais parfaitement comment se déroule l'élaboration d'un Sraddet. Je suis convaincu qu'en n'y associant pas l'ensemble des acteurs, la région s'exposera à perdre du temps par la suite, car les projets seront mis en cause au niveau local.
Contrairement à ce que vous affirmez, cette mesure représenterait donc un gain de qualité et un gain de temps.
Mme Cyrielle Chatelain applaudit.
Puisque nous parlons de perte de temps, laissez-moi vous rappeler, chers collègues, qu'il y a deux heures, vous affirmiez qu'il fallait que le plan soit national.
Protestations sur les bancs des groupes SOC et Écolo – NUPES.
Vous disiez que le déploiement d'une stratégie cohérente n'est possible qu'au niveau national.
Vous voulez rendre obligatoire la consultation de certaines instances, mais personne ne parle de l'interdire ! La compétence régionale appartient par définition à la région, qui consultera les acteurs qu'elle estime nécessaire de consulter.
La seule nouveauté de votre proposition consiste à rigidifier la procédure, ce qui entre en contradiction avec vos affirmations de l'après-midi.
Discuter avec les parties prenantes, ce n'est pas rigidifier la procédure !
Vous soutenez successivement des amendements philosophiquement incompatibles !
Il faut faire preuve de logique, sans quoi nous n'avancerons jamais. Votre position est absurde !
L'amendement n° 793 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l'amendement n° 555 , qui fait l'objet d'un sous-amendement.
Il vise simplement à inscrire explicitement dans le texte la nécessité de faire porter nos efforts sur la rénovation des friches industrielles. Comme cela a été rappelé lors de la discussion générale, nous subissons depuis le début des années 1990 une décélération industrielle qui a entraîné des conséquences sur l'emploi. Depuis 1974, 2,5 millions d'emplois ont été délocalisés hors de France. Il convient donc de concentrer nos efforts de réindustrialisation sur les friches industrielles. Le Gouvernement a prévu dans le texte certaines mesures en ce sens.
Il reste néanmoins beaucoup à faire. J'estime donc important de l'écrire noir sur blanc après l'article premier.
La parole est à M. Dino Cinieri, pour soutenir le sous-amendement n° 1664 .
Il vise à élargir aux friches commerciales la portée de l'amendement de Mme Ménard.
Quel est l'avis de la commission sur l'amendement et le sous-amendement ?
Je comprends que la question des friches vous préoccupe. Comme vous l'avez rappelé, l'article 5 ter du projet de loi prévoit déjà que les projets d'aménagement stratégique tiennent compte de l'existence de friches ; l'amendement est donc satisfait. Par ailleurs, la déclinaison territoriale des objectifs de gestion économe de l'espace et de lutte contre l'artificialisation des sols relève du domaine réglementaire, ce qui permet, le cas échéant, de prendre des mesures supplémentaires par cette voie. Demande de retrait ou avis défavorable.
Le sous-amendement n° 1664 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'amendement n° 555 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
La position du groupe Rassemblement national est claire : nous voulons une planification nationale à laquelle participent les acteurs privés, qu'il s'agisse des grands groupes ou du tissu des TPE et PME, les très petites entreprises et petites et moyennes entreprises. Constatant que vous refusez l'élaboration d'une stratégie nationale en matière d'industrie, au profit d'une quinzaine de stratégies régionales diverses et variées ; constatant également que les régions sont devenues des technostructures hors-sol sans la moindre cohérence territoriale depuis la réforme menée sous François Hollande, nous assumons notre volonté de compléter les Sraddet pour garantir qu'ils ne seront pas trop entachés de ces défauts.
Nous défendons donc plusieurs amendements en ce sens. Par cet amendement de ma collègue Florence Goulet, nous souhaitons rendre obligatoire la consultation des élus locaux comme les maires,…
…car nous savons que les régions sont bien trop déconnectées des réalités locales. L'amendement vise à ce que les élus des territoires concernés par chaque projet soient consultés lors de l'élaboration de toute stratégie portant sur le développement et l'implantation de l'industrie verte.
Il s'agit d'un pis-aller, mais, étant constructifs, au contraire de nos camarades de la NUPES ,
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES
…nous ne cherchons pas à tout détruire. Puisque vous imposez une compétence régionale en matière industrielle, nous voulons contraindre les régions à tenir compte des réalités du territoire, en instaurant la consultation obligatoire des élus locaux.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RN.
Je ne sais pas si votre position est constructive, mais elle n'a aucun sens. Tout à l'heure, vous défendiez un amendement qui vidait les Sraddet de toute compétence ; là, au contraire, vous expliquez qu'il faut consulter absolument tout le monde. Mettez-vous d'accord avec vous-mêmes !
Souhaitez-vous étoffer les consultations ou vider les Sraddet de leur substance ? On ne comprend absolument rien à ce que veut le Rassemblement national. Avis défavorable.
L'amendement n° 955 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
Un grand législateur doit faire de grandes lois. Je voudrais donc que nous inscrivions dans la loi que la réindustrialisation et la relocalisation de nos industries sont une grande cause nationale. Cette formulation aurait le mérite de lancer un vrai signal et permettrait que nous allions, dans l'unité nationale, vers la réindustrialisation.
Cela me donne l'occasion de rappeler quelques éléments sur la réindustrialisation et la relocalisation. J'appelais tout à l'heure le Gouvernement à l'humilité quant au bilan des six dernières années, voire de ces quarante dernières années puisque le ministre de l'économie a été impliqué dans diverses majorités précédentes, y compris à des postes ministériels.
La France a relégué ses emplois industriels, en leur substituant des emplois précaires : nous avons perdu 2 millions d'emplois industriels en trente ans. Parmi le million d'entreprises créées en 2022, on trouve 60 % d'autoentrepreneurs, qui cessent leur activité au bout de trois ans en moyenne : voilà la société liquide, la start-up nation d'Emmanuel Macron, une société économiquement instable.
J'en viens à la pression fiscale. La fiscalité d'une PME industrielle représente deux tiers de son résultat commercial à cause des charges sociales.
En outre, la France compte plus de 400 000 normes et réglementations. Avec cette loi, vous allez en ajouter de nouvelles, y compris pour les PME, sachant que les normes législatives ont augmenté de 65 % et les normes réglementaires de près de 46 % depuis 2002.
Alors que l'objectif est de simplifier la vie des entreprises pour réindustrialiser le pays, ce texte alourdit les contraintes…
Ce texte ne simplifiera absolument pas la vie des TPE et des PME ; il rate donc complètement sa cible. Personne n'imagine un instant qu'il permettra la réindustrialisation du pays.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Vous croyez sincèrement que c'est avec un amendement érigeant la réindustrialisation et la relocalisation en grande cause nationale que vous allez changer le cours du monde ?
Vous croyez vraiment que c'est cela, une politique industrielle à la hauteur ? Vous croyez vraiment que c'est ce que les industriels attendent concrètement ? Vous croyez vraiment que c'est cela, des mesures de simplification ? Si vous voulez relocaliser et réindustrialiser, votez plutôt les projets de loi de finances qui permettent de donner aux industries les moyens de se développer !
Votez cette loi, qui permet d'accélérer et de simplifier les procédures ! Votez les mesures concrètes que nous proposons pour réindustrialiser et relocaliser, plutôt que de parler de grande cause nationale !
En réalité, monsieur Meurin, votre amendement est déjà satisfait, car, pour le Gouvernement et la majorité, la réindustrialisation et la relocalisation sont déjà une grande cause nationale, à laquelle nous essayons de travailler concrètement, pas simplement par des déclarations.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.
Monsieur le député, vous avez défendu votre amendement en attaquant le bilan du Gouvernement, ce qui est votre droit, mais j'ai également le droit de répondre à cette attaque.
On n'a jamais créé autant de contrats à durée indéterminée en France.
Nous avons recréé 100 000 emplois,…
…là où – vous l'avez suffisamment répété – on en avait détruit plus de 2 millions au cours des quarante années précédentes. Nous avons ouvert plus d'usines en France qu'on en fermait, et c'est la première fois depuis des années.
En matière de bilan industriel, nous n'avons donc de leçon à recevoir de personne.
En ce qui concerne la demi-douzaine d'amendements qui suit, je les qualifierais d'incantatoires. Les incantations sur la réindustrialisation de la France, cela fait vingt ans qu'on en entend, de la part de ministres ou de membres de l'opposition, qui sautent comme des cabris en disant : « Il faut réindustrialiser la France ! »
Comme l'a dit M. le rapporteur général, ce n'est pas en brandissant une grande cause nationale que l'on réussira, c'est en agissant. Votez les projets de loi de finances, votez ce projet de loi, simplifiez la vie des entreprises, baissez leurs impôts ! Vous auriez dû voter les six derniers projets de loi de finances : au moins, vous auriez eu part aux succès qui sont les nôtres.
Oui à l'action, mais les incantations, ça va cinq minutes ! Je suis donc défavorable à cet amendement et aux suivants.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.
La productivité en France est stable depuis 2017, ce qui signifie que les emplois que vous créez sont non productifs. Si vous voulez vraiment parler d'industrie, faisons un peu de marteau-thérapie, puisque vous persistez dans une certaine forme d'autosatisfaction – dont je ne suis pas sûr que les Français soient dupes, pas plus que de vos certitudes. Le déficit commercial, je le rappelle, a été multiplié par quatre en dix ans, et par deux en trois ans : il est aujourd'hui de 78,5 milliards d'euros,…
…ce qui inclut le déficit de la balance commerciale industrielle. Votre autosatisfaction en matière de réindustrialisation n'a donc aucun sens. Surtout, je maintiens que ce n'est pas avec un texte comme celui-ci que vous allez réindustrialiser la France. Je doute même que vous y croyiez vous-mêmes.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
La parole est à M. Bruno Millienne, président de la commission spéciale.
J'entends vos propos, monsieur Meurin, mais je vous trouve quelque peu outrancier, car il y a quelques résultats probants.
Vous ne pouvez pas nier le fait que la France est, depuis plusieurs années, la nation la plus attractive d'Europe.
Non, monsieur Meurin ; vous ne vous ne ferez pas de mille mensonges une vérité ! Et nous créons bien des emplois industriels.
Vous nous parlez de balance commerciale mais, avec vos recommandations, nous ne sommes pas près de relancer l'industrie, et la balance commerciale continuera de s'effondrer.
En recréant de l'industrie, en accueillant sur notre territoire des projets qui, pour la plupart, dépassent 1 milliard d'euros, nous allons créer de l'emploi et redresser notre balance commerciale.
Non seulement vous ne laissez aucune chance au produit mais, encore une fois, votre déclaration de grande cause nationale n'aura aucun effet. Soyez concrets : comme l'ont dit M. le ministre délégué et M. le rapporteur général, votez le projet de loi de finances et votez cette loi, alors nous avancerons, car ce n'est pas par l'incantation que nous ferons bouger les choses.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 116
Nombre de suffrages exprimés 116
Majorité absolue 59
Pour l'adoption 26
Contre 90
L'amendement n° 636 n'est pas adopté.
L'amendement n° 656 est retiré.
La parole est à M. Alexandre Loubet, pour soutenir l'amendement n° 657 rectifié .
Il vise à inscrire dans la loi l'objectif de porter à 15 % la part de l'industrie dans le PIB à l'horizon de 2030, conformément à l'objectif annoncé par M. Le Maire dans sa conférence de presse. Vous y verrez peut-être une incantation, mais les satisfecit que vous vous décernez en sont aussi.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RN.
Comment pouvez-vous vous féliciter que la France soit une des meilleures destinations pour les investissements directs étrangers (IDE), quand certains de ces investissements ne sont rien d'autre que des prises de capital dans des fleurons nationaux stratégiques ?
Mêmes mouvements.
Je l'ai dit lors de la discussion générale : vous êtes en train de laisser des fonds étrangers racheter, piller les bijoux de famille de l'industrie française – le pire, c'est que vous vous en vantez !
Alstom, Latécoère, HGH, Souriau, Morpho… la liste de ces fleurons est gigantesque ! Nous parlons tout de même de sociétés qui équipent nos sous-marins nucléaires ! Vous vous félicitez de voir des sociétés qui équipent nos sous-marins nucléaires, notre porte-avions ou nos centrales nucléaires civiles passer aux mains d'investisseurs étrangers, tout cela avec un déficit commercial de 163 milliards d'euros. À votre place, on ferait moins les malins !
Mêmes mouvements.
Il s'agit encore d'un amendement complètement incantatoire : vous voulez fixer des objectifs dans la loi, en pensant qu'ils se métamorphoseront, par magie, en prophétie autoréalisatrice. Peut-être pourrons-nous réfléchir ensemble à des mesures d'accélération et de simplification concrètes en faveur des industriels, mais ce n'est évidemment pas en inscrivant la mention que vous proposez dans la loi que nous réussirons à réindustrialiser le pays. Vous le savez parfaitement, mais cela vous permet d'avoir une tribune. Avis défavorable.
Avis défavorable sur cet amendement incantatoire.
Je voudrais simplement rappeler à M. le rapporteur général qu'il y a quelques années a été créé le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE), grâce auquel le Medef promettait la création de 1 million d'emplois.
C'était sans doute – et même certainement – incantatoire. Il y a donc une certaine ironie à vous voir dénoncer des amendements incantatoires, là où vous-mêmes avez joué à ce jeu-là et lamentablement échoué.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
C'est aussi l'occasion de rappeler que depuis neuf ans, c'est Emmanuel Macron qui est aux manettes de l'économie : c'est donc votre politique qui s'applique depuis tout ce temps.
Vous êtes en très grande partie responsables de la désindustrialisation de la France.
Vous prétendez faire de la France un pays attractif, mais quand on regarde de plus près les investissements directs étrangers, il y a vraiment de quoi s'inquiéter : 10 % d'entre eux relèvent de la pure optimisation fiscale en provenance des Pays-Bas et du Luxembourg ;
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES
20 % profitent directement au secteur immobilier dans des zones tendues, contribuant à la crise du logement ; quant au reste, c'est du retour d'investissement de grandes entreprises françaises. En réalité, la part industrielle dans les IDE est très limitée. Bercy est incapable de nous fournir des chiffres précis, qui distingueraient, par exemple, les emplois créés des emplois maintenus. Cessez donc de parler d'amendements incantatoires, car c'est vous qui êtes incantatoires !
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES et sur quelques bancs du groupe RN.
Madame Chikirou, vous adorez transformer les bonnes nouvelles en mauvaises nouvelles.
Vous êtes des oiseaux de malheur, rien de plus. La vérité, c'est que l'objectif de 1 million d'emplois a été dépassé.
Mme Cyrielle Chatelain s'esclaffe.
Vous devriez vous en réjouir, plutôt que d'en rire. Vous n'avez rien à faire de l'emploi ni des chômeurs, sinon pour leur demander de voter pour vous. Sauf que, si vous continuez à dégrader systématiquement les bonnes nouvelles, ils ne voteront plus du tout pour vous.
La France devient plus attractive : vous devriez vous en réjouir car nous avons besoin de nouveaux projets industriels, mais vous n'en faites rien.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.
Pourrait-on nous rappeler l'étiquette politique de M. Woerth ? J'ai un doute…
M. le questeur parle d'or. Nous pourrions voter l'inversion de la courbe du chômage, ou la création de 1 million d'emplois. Nous pourrions aussi voter la fin de la guerre, du réchauffement climatique ou de la faim dans le monde…
J'ai été parlementaire pendant cinq ans, et Dieu sait si des lois, on en a voté ; mais pendant cinq ans, nous avons évité les incantations. Nous avons eu des débats avec certains d'entre vous – vous étiez moins nombreux à l'époque –…
…mais nous n'avons pas passé cinq ans à nous envoyer des noms d'oiseaux à la figure, pour défendre des amendements incantatoires qui n'engagent personne à quoi que ce soit, plutôt que d'avoir un débat de fond sur les questions de méthode – à propos desquelles nous avons, c'est vrai, de réelles divergences.
Nous défendons une vision globale et cohérente…
Exclamations sur les bancs des groupes LFI – NUPES et Écolo – NUPES.
Vous manquez de vision sur tous les paramètres écologiques ! Vous n'avez aucune vision globale !
Merci, madame la présidente. Si nous pouvons débattre tranquillement ce soir et dans les jours qui viennent,…
À condition qu'on nous donne la parole ! On ne la donne qu'à la droite de l'hémicycle !
…nous aurons l'occasion, comme cela a été le cas en commission, d'aborder les sujets qui nous séparent et sur lesquels j'espère que nous finirons par nous rejoindre. Cependant, je ne soutiendrai pas des amendements incantatoires qui voudraient, si ce n'est éradiquer la guerre, mettre fin au changement climatique ou créer 150 000 emplois ici, 150 000 autres là : ils n'ont aucun intérêt, sinon de se faire plaisir.
J'ajouterai que cela fait des années que, s'agissant du changement climatique, le monde se nourrit d'incantations.
Exclamations sur plusieurs bancs des groupes LFI – NUPES et Écolo – NUPES.
Depuis le Sommet de la Terre à Rio de Janeiro, qui remonte à 1992, cela fait trente ans qu'on se donne des objectifs lors de grandes conférences internationales, et qu'on considère avoir réglé le problème.
Exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Je l'ai dit tout à l'heure, depuis six ans…
Si vous voulez bien m'écouter un instant, madame Laernoes, je vous écouterai ensuite tant que vous le souhaitez.
Depuis six ans, la croissance française a progressé de 17 %, tandis que nos émissions de gaz à effet de serre ont baissé de 12 %.
Que vous le vouliez ou non, ce sont des faits, des chiffres.
Exclamations sur quelques bancs des groupes LFI – NUPES et Écolo – NUPES.
L'industrie française a baissé ses émissions de gaz à effet de serre de 44 %, et vous savez quoi ? Elle va continuer de le faire !
Avis défavorable sur cet amendement incantatoire.
Monsieur Jumel, j'ai déjà donné la parole à deux orateurs sur cet amendement, en l'occurrence à M. Woerth et à Mme Chikirou.
Vous avez donné trois fois la parole au ministre délégué et au rapporteur !
Je vous assure que non, monsieur Jumel.
Je mets maintenant aux voix l'amendement n° 657 rectifié .
L'amendement n° 657 rectifié n'est pas adopté.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à vingt-deux heures quinze, est reprise à vingt-deux heures vingt.
La séance est reprise.
Sur l'amendement n° 1005 , je suis saisie par le groupe La France insoumise-Nouvelle Union populaire, écologique et sociale d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. Antoine Villedieu, pour soutenir les amendements n° 813 et 812 , qui peuvent faire l'objet d'une présentation groupée.
Vous parlez d'incantations, monsieur le ministre délégué, mais les seules personnes qui se livrent à des incantations dans l'hémicycle appartiennent à la Macronie.
M. le président de la commission spéciale s'exclame.
Dans son discours du 16 mai dernier, Bruno Le Maire a annoncé que l'objectif du projet de loi était de porter de 11 à 15 % la part de l'industrie dans le produit intérieur brut d'ici à 2030. Cet objectif nous convient parfaitement, pourvu qu'il soit accompagné d'une définition solide et d'une réelle ambition.
Or les débats en séance sont le prolongement de ceux que nous avons eus en commission spéciale. Vous êtes contre toute tentative de définition de l'industrie verte, contre la fixation d'objectifs, contre toute planification, et contre tous les amendements relatifs à la formation aux métiers industriels : cela nous laisse perplexes eu égard aux annonces qui ont été faites.
Ces deux amendements ont pour seule ambition d'inscrire dans le texte les objectifs que M. le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique a lui-même annoncés. De quoi avez-vous peur en refusant de les écrire noir sur blanc : que les Français se rendent enfin compte de votre supercherie ?
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Monsieur Villedieu, ce n'est pas en inscrivant dans le texte l'objectif de 15 % d'industrie dans le PIB qu'il se concrétisera mécaniquement. Vous êtes encore dans l'incantation !
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe RN.
S'il suffisait de le dire pour que cela se réalise, je serais ravi de fixer un objectif de 20, 25 ou 30 %, et de créer ainsi 500 000, 1 million ou 1,5 million d'emplois industriels. Mais soyons sérieux : ce n'est pas en inscrivant de tels objectifs dans un projet de loi que l'on produit des résultats.
Proposez plutôt des mesures de simplification ou d'accélération, et nous pourrons nous entendre. Malheureusement, vous vous contentez d'amendements incantatoires. J'y suis donc défavorable.
Les députés du groupe Écologiste – NUPES ne voteront pas ces amendements. Nous estimons en effet qu'il faut des mesures fortes, et non se contenter d'inscrire dans la loi la part de PIB que doit atteindre l'industrie. Nous regrettons d'ailleurs que le texte ne contienne aucune mesure d'envergure, ce que démontreront nos débats.
Par ailleurs, je tiens à revenir sur deux erreurs qui ont été proférées.
La première concerne le CICE. Vous vous vantez des emplois prétendument été créés grâce à ce dispositif, mais six rapports au moins ont été publiés entre 2013 et 2018 à ce sujet, et tous soulignent clairement son maigre impact en matière de création d'emplois.
Le rapport le plus optimiste, émanant de l'OFCE – Observatoire français des conjonctures économiques –, fait état de 400 000 emplois créés, chiffre très éloigné du million d'emplois annoncés. Quant au plus pessimiste, qui est peut-être aussi le plus factuel, il évoque la création de 100 000 emplois entre 2014 et 2016. Dans ces conditions, si nos propositions pour le climat sont des incantations, défendre le CICE revient également à tenir des propos incantatoires.
Deuxièmement, je souhaite revenir sur les propos de M. le ministre délégué relatifs au réchauffement climatique. Il est complètement irresponsable d'expliquer – notamment quand on est membre du Gouvernement – que depuis des années, on se paye de mots et on ne fait rien.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes Écolo – NUPES, LFI – NUPES et SOC.
Protestations sur quelques bancs du groupe RE.
« Make our planet great again », voilà ce qu'a fait Emmanuel Macron : des mots, des mots et rien que des mots. J'en veux pour preuve la décision rendue par le Conseil d'État le 10 mai dernier, indiquant que le ministère de la transition écologique n'a toujours pas pris les mesures nécessaires pour garantir la réalisation des objectifs climatiques de la France. Voilà votre bilan en matière de lutte contre le réchauffement climatique !
C'est pourquoi j'insiste : affirmer qu'on se paye de mots est irresponsable. Si vous voulez une loi favorable à l'industrie verte, inscrivez donc des objectifs en matière de sobriété énergétique ou encore de consommation d'eau, et nous pourrons agir. Si vous estimez que nous nous payons de mots, ayez un peu de courage et élaborez une véritable loi qui permette la transition écologique de nos industries et qui accompagne les industriels !
Applaudissements sur les bancs du groupe Écolo – NUPES.
C'est gonflé de dire ça quand on ne vote pas le texte sur l'accélération de la production d'énergies renouvelables !
Je tiens également à répondre aux propos tenus par M. le ministre délégué tout à l'heure, qui ne croit pas en la force, même politique, de la loi.
Vous êtes un libéral assumé, monsieur le ministre délégué, mais je vous renverrai aux propos qu'a tenus Bruno Le Maire cet après-midi, se référant à notre histoire : à la Libération, lorsque le général de Gaulle a fixé le cap de la France, il a inscrit dans la loi un grand nombre d'objectifs politiques et d'objectifs chiffrés, dans le cadre de la planification.
Par ailleurs, quand vous supprimez la CVAE – cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises –, quand vous abondez le CICE, quand vous supprimez l'ISF – impôt de solidarité sur la fortune –, quand vous faites tout un tas de cadeaux fiscaux à ceux qui ont contribué à votre élection, vous les adossez à des objectifs en matière de création d'emplois. Certes, les résultats ne sont jamais vérifiés ni contrôlés ; en vérité, ils ne sont jamais assortis de conditions. Cela ne vous pose pas de problème de fixer de tels objectifs avec de la poudre de perlimpinpin lorsqu'il s'agit de multiplier les cadeaux pour les plus riches !
Applaudissements sur les bancs des groupes GDR – NUPES, SOC, Écolo – NUPES et sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES.
Par contre, quand nous considérons que pour réparer les territoires, pour réarmer l'industrie et pour recouvrer une part de notre souveraineté, il conviendrait de se doter d'outils de planification,…
En ce qui nous concerne, nous sommes là pour faire la loi, et nous estimons que celle-ci peut représenter une contrainte pour les gouvernements adeptes du laisser faire, laisser passer.
Applaudissements sur les bancs des groupes GDR – NUPES, LFI – NUPES et Écolo – NUPES.
La règle n'est-elle pas de donner la parole à un député pour et un député contre, madame la présidente ?
Nous peinons à comprendre pourquoi vous refusez d'inscrire dans le texte les objectifs que Bruno Le Maire a lui-même annoncés.
Vous dites que c'est incantatoire, mais cet argument ne tient pas. Vous prévoyez bien, dans la PPE – programmation pluriannuelle de l'énergie –, un objectif de réduction de la part du nucléaire à 50 % du mix énergétique d'ici à 2035,…
En revanche, il n'y a personne pour inscrire dans ce projet de loi des chiffres qui vont dans le sens de l'intérêt général.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Le règlement européen relatif à la taxonomie introduit une classification des activités économiques en utilisant des critères scientifiques, afin d'identifier les activités durables. Pour ce faire, il s'appuie sur six objectifs environnementaux : l'atténuation du changement climatique et l'adaptation à ce changement, la protection de la biodiversité, la lutte contre la pollution, la préservation de l'eau et le développement de l'économie circulaire.
Afin de garantir une planification industrielle favorable à la bifurcation écologique, nous souhaitons que les activités économiques soutenues par le présent projet de loi soient alignées sur les critères techniques de la taxonomie européenne et, partant, que les projets relatifs aux énergies fossiles, mais aussi – bien entendu – au nucléaire en soient exclus.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Ces deux amendements sont presque identiques et je m'attacherai principalement au premier, n° 1553, qui est plus précis.
Ils visent à garantir une planification industrielle tournée vers le développement durable, en phase avec le règlement européen relatif à la taxonomie. Ce dernier introduit une classification des activités économiques en prévoyant des critères scientifiques afin d'aider les investisseurs à reconnaître les activités durables, c'est-à-dire vertes – ce qui est, me semble-t-il, l'objet de ce texte.
Il serait donc pertinent de se mettre en phase avec la réglementation européenne, laquelle s'appuie sur six objectifs environnementaux relatifs à l'atténuation du changement climatique, à l'adaptation à ce dernier, à la biodiversité, à la pollution, à l'eau et à l'économie circulaire – autant de questions dont le texte doit pleinement tenir compte.
Conformément au règlement européen, les entreprises concernées seraient celles qui comptent plus de 500 salariés et qui sont déjà soumises à une obligation de reporting extrafinancier. En définitive, nous proposons de nous conformer sans attendre à ce règlement européen.
Je remercie M. le rapporteur général pour sa sollicitude et pour sa vigilance.
Mes collègues ont déjà très bien défendu leurs amendements qui, comme le nôtre, visent à ce que le texte fasse référence à la taxonomie européenne. Pour éviter de se faire plaisir avec un projet de loi sur l'industrie verte qui ne définit même pas celle-ci, retenons-en au moins une définition négative, à défaut d'une définition positive. Cet amendement propose ainsi d'exclure du bénéfice du projet de loi les activités contribuant à l'exploration, à la production, à la transformation et au transport d'énergies fossiles – charbon, pétrole ou gaz. C'est un amendement de bon sens. Je le répète, à défaut de définir précisément, de façon positive, l'industrie verte, définissons-la en creux en en excluant les actifs carbonés, comme le suggère la taxonomie européenne.
Je souhaite ajouter deux arguments à ceux que j'ai avancés précédemment lorsque nous avons discuté de la définition de l'industrie verte.
La référence à la taxonomie européenne aurait pour effet de restreindre considérablement le champ des mesures du texte, alors que notre objectif est le verdissement de l'ensemble des industries.
Par ailleurs, l'amendement n° 1005 exclut le nucléaire du champ des activités et des technologies favorables au développement durable. J'y suis fermement opposé, et j'imagine que tous ceux qui sont favorables au nucléaire le seront également.
J'entends votre volonté de définir l'industrie verte. Nous avons déjà eu l'occasion d'en discuter et je répète que nous y sommes opposés. Nous ne sommes pas opposés à la décarbonation de l'industrie, bien au contraire : nous souhaitons décarboner l'ensemble de l'industrie traditionnelle. Je rappelle qu'en France, cinquante sites émetteurs représentent 60 % du total des émissions de gaz à effet de serre du secteur industriel. Nous devons nous attaquer, si j'ose dire, à des industries sacrément polluantes.
Prenons l'exemple de l'industrie du ciment. Parmi les cinquante sites que je viens de mentionner, vingt sont liés à cette industrie, soit qu'ils produisent directement du ciment, soit qu'ils produisent, par exemple, de la chaux. Les capacités de décarbonation des cimenteries sont énormes, et nous devrons les aider. Retenir la taxonomie européenne aurait pour effet d'empêcher toutes les cimenteries françaises de bénéficier des mesures de soutien de ce projet de loi, puisqu'une seule entreprise en France produit du ciment 100 % vert et qu'elle n'est pas française. L'objectif est justement que ces industries extrêmement émettrices deviennent les meilleures de la classe.
Ces amendements vont donc à l'encontre de l'objectif, que nous partageons tous, de décarboner les industries traditionnelles afin de réconcilier industrie et écologie. Je réitère donc les fortes réserves du Gouvernement sur la définition de l'industrie verte. La cimenterie n'est pas verte, mais je souhaite qu'elle se verdisse. Ces amendements restreindraient notre capacité à accompagner les industries traditionnelles sur la voie de la vertu.
Avis extrêmement défavorable, pour les bonnes raisons que je viens d'exposer.
Je vais donner la parole à un orateur pour et à un orateur contre.
La parole est à M. Matthias Tavel.
M. le rapporteur général, M. le ministre délégué, pendant de longues minutes, vous nous avez invités à ne pas faire d'incantations. Nos amendements visent justement à éviter une loi incantatoire, en précisant quelles industries en sont l'objet. Je vous entends déjà nous répondre : « Surtout, ne précisons rien et restons dans l'incantation : l'industrie sera verte ou elle ne sera pas ! »
Quelle plus belle incantation que celle-ci, après nous l'avoir déjà servie en commission !
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Essayez d'exposer des arguments cohérents, à défaut d'être convaincants !
Nos amendements permettraient à ce texte de ne pas être simplement incantatoire, mais, au contraire, de fixer des objectifs précisément évaluables pour garantir son efficacité.
Les amendements de nos collègues socialistes ne le font pas ; vous pouvez donc leur donner un avis favorable. Nous les voterons comme des amendements de repli.
Nous considérons pour notre part que le nucléaire, qui produit des déchets demeurant radioactifs pendant 100 000 ans, n'est pas une industrie verte.
Selon vous, les mesures de l'économie circulaire visant à favoriser l'écoconception pour réduire les déchets – objectif que nous soutenons tous – devraient donc s'appliquer à toute l'économie, sauf au nucléaire ? Ici aussi, soyez cohérents : une industrie qui produit des déchets radioactifs ne peut être qualifiée d'industrie verte.
Vous faites valoir que nos amendements empêcheraient de verdir les industries traditionnelles. Certes, il faut verdir l'existant et développer une nouvelle industrie, mais ces deux objectifs ne peuvent être atteints ni avec les mêmes outils, ni avec les mêmes moyens financiers, ni avec les mêmes instruments de politique publique. En refusant que cette distinction soit clairement faite dans ce texte, vous entretenez vous-même une confusion.
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES et Écolo – NUPES, et sur quelques bancs du groupe SOC.
Sur l'amendement n° 515 , je suis saisie par le groupe Rassemblement national d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. Sébastien Jumel.
Monsieur Millienne, vous voulez parler à ma place ?
Je voudrais dire en toute fraternité à mon camarade Matthias Tavel pourquoi je voterai contre son amendement. L'objectif est de réduire la part des énergies fossiles dans la production industrielle : il s'agit d'un enjeu environnemental majeur, puisqu'il permettra de diminuer les émissions de gaz à effet de serre.
Je prends l'exemple de l'industrie verrière de la vallée de la Bresle, qui, dans le processus de fabrication de flacons de parfum, consomme beaucoup d'énergie.
Elle est non seulement utile, mais également pourvoyeuse d'emplois : ces soixante-treize entreprises, leaders du flaconnage de luxe, emploient 7 000 personnes. En outre, le verre est plus exemplaire que le plastique sur le plan environnemental.
Ces verriers souhaitent remplacer leurs fours à gaz par des fours électriques, mais comment alimenter ces derniers autrement que par le nucléaire ?
Ce n'est pas une nouveauté, et je le redis tranquillement : la gauche a des divergences concernant le nucléaire, et elle poursuivra le débat sur ce sujet. Je pense que, face à l'urgence de diminuer les émissions de gaz à effet de serre, on ne peut pas se passer du nucléaire pour décarboner l'industrie. Je voterai donc contre cet amendement.
Applaudissements sur les bancs des commissions.
Monsieur Jumel, je partage votre avis.
Monsieur Tavel, j'aimerais vous rappeler encore une fois, ainsi qu'aux autres membres de votre groupe, ces quelques chiffres : ce soir, à vingt heures, la France émet à peine 60 grammes de CO
…parce qu'elle produit des déchets radioactifs pour 100 000 ans. Or l'innovation et la haute technologie nous permettront de trouver la solution d'ici-là.
Protestations sur les bancs des groupes LFI – NUPES et Écolo – NUPES.
L'industrie nucléaire n'est pas résiliente face au réchauffement climatique !
Vous n'y croyez pas parce que vous êtes des nihilistes !
Je voudrais enfin dire à nos collègues socialistes que le but de ce projet de loi est d'entraîner l'ensemble de l'industrie vers des pratiques vertueuses, ce qu'empêcheraient les deux amendements que vous avez déposés. Je suis d'accord avec vous : la taxonomie européenne doit être prise en compte – elle le sera –, mais je m'interdis d'interdire de décarboner l'acier ou le ciment. Je suis donc défavorable à l'ensemble de ces amendements.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 168
Nombre de suffrages exprimés 162
Majorité absolue 82
Pour l'adoption 29
Contre 133
L'amendement n° 1005 n'est pas adopté.
La parole est à M. Alexandre Loubet, pour soutenir l'amendement n° 515 , qui fait l'objet d'un sous-amendement.
Monsieur le ministre délégué, monsieur le rapporteur général, je voudrais revenir sur le satisfecit indécent que vous vous êtes décerné concernant l'industrie. Le seul record que vous ayez réussi à battre – il est historique, je veux bien vous l'accorder – est celui du déficit commercial, qui atteint près de 163 milliards !
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Combien d'emplois en moins, de richesses en moins, d'impôts en moins ce déficit représente-t-il ?
Face à un tel déficit commercial, le Gouvernement doit prendre ses responsabilités et développer des filières de substitution aux importations.
J'y viens ! Dans ce contexte, il faut identifier des cibles de production des composants et des matériels nécessaires au déploiement des filières stratégiques. Or vous naviguez à vue et vous ne savez pas où vous allez. Vous pensez que vos incantations suffiront pour que les acteurs industriels vous suivent, mais telle n'est pas la réalité économique. Pratiquement tous les grands groupes industriels français ont été créés sous l'impulsion de l'État, qui a su créer les conditions nécessaires à leur développement.
Si la puissance publique n'accompagne pas nos entreprises, elles finiront par être bradées à des puissances étrangères ou par être démantelées par la Commission européenne à laquelle vous aimez vous soumettre.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
La parole est à M. Dino Cinieri, pour soutenir le sous-amendement n° 1663 .
Il vise à s'assurer que les parlementaires soient informés annuellement des cibles définies par le haut-commissariat au plan et par le Conseil national de l'industrie (CNI).
Quel est l'avis de la commission sur l'amendement et le sous-amendement ?
Monsieur Loubet, je regrette que vous n'ayez pas parlé du fond de votre amendement car il pose une question intéressante, celle des matériaux critiques. Si vous l'aviez fait de manière sereine, je vous aurais répondu que le Conseil national de l'industrie est déjà pleinement mobilisé sur ce sujet – M. le ministre délégué pourra en parler – et qu'il existe un délégué interministériel aux approvisionnements en minerais et métaux stratégiques, poste auquel M. Benjamin Gallezot a été nommé.
Rires sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Vous pouvez en rire, mais la fonction de délégué interministériel est importante – ce n'est pas un numéro vert. Il s'agit d'un sujet sérieux, parlons-en donc sérieusement.
Un fonds d'investissement dédié aux minerais et matériaux critiques a également été créé. Il est financé à hauteur de 500 millions par l'État, et son opérateur espère atteindre une levée de fonds de 2 milliards. J'ajoute enfin qu'un appel à projets sur les métaux critiques a été lancé, et que l'Observatoire français des ressources minérales pour les filières industrielles (Ofremi) a été récemment créé.
Ce sujet très important pour notre industrie mérite d'être traité sérieusement, sans humour ni moquerie ou ironie. Je laisserai M. le ministre délégué préciser l'action gouvernementale sur ce sujet.
Je demande donc le retrait de l'amendement et du sous-amendement ; à défaut, avis défavorable.
Si j'étais pleinement satisfait des résultats des actions menées depuis six ans, qui nous auraient permis d'atteindre le nirvana industriel, nous ne serions pas ici aujourd'hui.
J'essaye de répondre par des faits à ce que je considère comme des incantations. Quels sont les faits ? Le solde net de création d'usines est de 300, alors que, depuis des années, nous en détruisions par centaines.
Depuis six ans, 1,7 million d'emplois ont été créés, dont 101 000 dans l'industrie.
Avec ce projet de loi, nous vous proposons d'accélérer et d'aller plus loin grâce à la mise en œuvre de mesures dans les territoires. Nous espérons donc voir la majorité, voire la totalité des députés le soutenir. Cela a été le cas en commission à l'Assemblée nationale pour certains articles – de même que, précédemment, au Sénat. Nous pouvons nous rejoindre sur cette cause nationale, sans qu'il soit besoin de l'inscrire dans la loi.
Votre amendement, que vous n'avez pas présenté en détail, concerne les matériaux critiques. Un grand industriel français que vous connaissez sans doute, Philippe Varin, nous a remis en septembre 2021 un rapport sur la sécurisation de l'approvisionnement de l'industrie en matières premières minérales. Il recommande de mettre en place une stratégie ambitieuse de développement des matériaux critiques afin d'assurer la souveraineté des filières de demain, notamment celle des voitures électriques, du sol au plafond, des matériaux de base aux produits assemblés.
Ce rapport préconisait de nommer un délégué interministériel aux approvisionnements en minerais et métaux stratégiques, afin d'adopter une indispensable stratégie coordonnée. Nous l'avons nommé ; il est excellent. N'hésitez pas à l'auditionner en commission, il s'appelle Benjamin Gallezot.
Ce rapport préconisait en outre la création d'un fonds afin de financer l'exploration et l'extraction en France et ailleurs, pour que les mines soient responsables. Nous sommes les seuls à avoir créé un tel fonds. Il sera doté de 1 milliard d'euros – dont 500 millions d'euros d'argent public et 500 millions d'argent privé – d'ici à la fin de l'année, et permettra d'assurer l'avenir.
Le rapport demandait enfin la définition d'une doctrine d'extraction responsable, pour éviter que le retour des mines en France et en Europe nuise aux populations. Nous agissons. Au lieu de faire voter de nouveaux amendements incantatoires, soutenez les stratégies que nous déployons, car nous sommes sans doute d'accord en la matière – ce qui est suffisamment rare pour être mentionné. Avis défavorable sur l'amendement et le sous-amendement.
J'accorde deux prises de parole, une pour l'amendement, une contre. La parole est à M. Charles Fournier.
Je trouve extraordinaire que vous prétendiez élaborer une stratégie concernant les matériaux critiques. Apparemment, ils cesseront donc d'être critiques, nous les produirons par magie, et, grâce à d'importants investissements, nous en extrairons encore et encore.
Vous oubliez que les ressources en matériaux sont limitées et que le compte à rebours de leur épuisement est lancé.
C'est tout simple, il faut arrêter de produire des voitures électriques !
Alors qu'il faudrait réfléchir aux manières de réorganiser la production pour nous en passer, vous poursuivez votre logique.
Mais non, ces matériaux ne sont pas utilisés seulement dans les éoliennes – il y en a partout, en grande quantité, y compris dans votre ordinateur et votre téléphone.
Exclamations sur plusieurs bancs des groupes LR et RN.
Vous ne voulez pas entendre parler des limites planétaires, préférant continuer à produire jusqu'à ce que nous soyons au pied du mur. Puisque ces matériaux sont critiques, nous devons ajuster notre production à leur disponibilité.
Absolument pas, nous pouvons vivre tout à fait correctement en tenant compte des limites planétaires.
Applaudissements sur les bancs du groupe Écolo – NUPES ainsi que sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES.
Monsieur le ministre délégué, je ne demande qu'à vous croire. Toutefois les faits contredisent vos discours. Vous refusez nos amendements visant à autoriser l'exploration des sous-sols français. Encore récemment, dans ma circonscription, en Moselle, vous avez refusé une concession pour l'exploitation du gaz de couche. De même, alors que des gisements d'une quantité extravagante d'hydrogène blanc – correspondant à la moitié de la production annuelle mondiale de ce gaz – ont été découverts dans cette zone,…
Les députés du RN aiment l'hydrogène, à condition qu'il soit blanc. On se demande pourquoi !
Sourires.
…les services de l'État ne donnent aucune nouvelle.
Oui, nous avons envie de vous croire, de vous suivre, mais vous faites tout le contraire de ce que vous annoncez – on ne sait s'il faut en rire ou en pleurer.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Comme d'habitude, la vérité se situe entre ces deux positions extravagantes. Monsieur Loubet, vous avez raison, le gisement d'hydrogène blanc en Lorraine est estimé à 46 millions de tonnes. La ministre de la transition énergétique, Mme Pannier-Runacher, a diligenté une équipe pour étudier les possibilités d'extraction. Il ne suffit pas de décréter qu'on le peut, en rigolant !
Monsieur Fournier, je suis parfaitement d'accord avec vous concernant les matériaux critiques et vous le savez très bien.
Vous avez raison, monsieur Fournier, nous aurons encore besoin des matériaux critiques. Toutefois, et c'est une bonne nouvelle, aucun des industriels que nous avons auditionnés ne prévoit de faire reposer son approvisionnement en la matière sur la seule extraction. Certes, celle-ci sera nécessaire, mais pour des quantités limitées, et les industriels se concentrent surtout sur le recyclage et l'économie circulaire.
Si, je vous assure. Vous les connaissez aussi bien que moi. Une gigafactory à Dunkerque…
Tous les industriels savent que, s'ils veulent que leur entreprise survive, ils doivent l'engager dans l'économie circulaire – mais encore une fois, s'ils veulent qu'elle périclite, c'est leur choix.
Le sous-amendement n° 1663 n'est pas adopté.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 136
Nombre de suffrages exprimés 133
Majorité absolue 67
Pour l'adoption 33
Contre 100
L'amendement n° 515 n'est pas adopté.
La question de la réindustrialisation est si importante qu'il ne faut pas que vous en décidiez seuls – en créant d'ailleurs des exceptions. Il faut associer tout le monde, notamment nos concitoyens, qui sont directement concernés. Si nous avions déposé un amendement tendant à instaurer une convention citoyenne, celui-ci aurait été frappé d'irrecevabilité, au titre de l'article 40 de la Constitution. Le présent amendement évoque donc seulement un travail sur la création de « conférences citoyennes » – c'est pour cela que nous pouvons en débattre.
Après avoir déployé ces conférences citoyennes à l'échelle territoriale pour penser la réindustrialisation, il faudrait adopter une approche nationale. La question concernant tout le monde – les consommateurs, les riverains, les salariés des sous-traitants et des fournisseurs. Nos concitoyens doivent être impliqués dans un grand débat national à ce sujet.
Votre amendement vise à créer un comité chargé de travailler à la création de conférences citoyennes de la réindustrialisation. Ces structures, ces comités, ces commissions compliquent et ralentissent le processus de décision,…
… alors que la philosophie du présent texte consiste au contraire à le simplifier et à l'accélérer – j'aurai l'occasion d'y revenir.
En outre, je ne suis pas sûr qu'une conférence citoyenne soit en mesure d'« établir un état des lieux des ressources naturelles » ni d'« évaluer la quantité de ressources importées ». Des questions de cette nature nécessitent plutôt un comité d'experts.
Je soutiens cet amendement de M. Fournier et de ses collègues du groupe Écolo – NUPES, qui vise à créer des conférences citoyennes pour débattre des questions industrielles et des enjeux de relocalisation. Aux termes de son exposé sommaire, ces conférences citoyennes s'inspireraient de la Convention citoyenne pour le climat. Je comprends donc que vous y soyez défavorables, monsieur le rapporteur général, monsieur le ministre délégué.
En effet, après avoir créé cette instance, la majorité a jeté à la poubelle 90 % des propositions qui y avaient été formulées à l'issue de neuf mois de débats.
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES et Écolo – NUPES.
La participation de nos concitoyens, la délibération collective, fondée sur des éléments de réflexion, ce n'est pas votre truc.
Le dispositif proposé complète pourtant assez bien celui de l'Agence de la relocalisation, dont nous proposerons la création un peu plus tard, qui regrouperait des citoyens tirés au sort. En outre, il a le mérite d'articuler les niveaux local et national – même si cette logique de participation à l'échelle des territoires vous échappe, en matière industrielle. C'est une erreur.
Vous espérez gagner du temps avec la simultanéité de l'examen des dossiers et des consultations du public, ainsi que grâce à la fusion de plusieurs débats publics, que vous prévoyez respectivement aux articles 2 et 3, mais ce ne sera pas le cas car cela rendra les différents projets industriels moins acceptables.
En outre, n'oublions pas qu'il s'agit en réalité de réparer le pays, après qu'il a été meurtri en de nombreux endroits par les délocalisations, les fermetures d'usines, d'écoles, de commerces. Cela nécessite un dialogue bien plus large que celui organisé actuellement au Parlement.
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES et sur quelques bancs du groupe Écolo – NUPES. – Mme Véronique Riotton s'exclame vivement.
Je tiens à la disposition de tous mes collègues un tableau de suivi des 147 propositions de la Convention citoyenne pour le climat.
Vifs échanges entre Mme Véronique Riotton et plusieurs députés du groupe LFI – NUPES.
Celles relevant du champ de la loi ont été soumises au Parlement et adoptées par celui-ci, à trois exceptions près.
Nous pourrons en discuter à partir du tableau. Il fallait bien dans certains cas passer par voie réglementaire, parce que la loi ne doit pas être bavarde et qu'elle ne peut pas tout.
Quant à cet amendement, je suis ravi d'indiquer à ses défenseurs que son principe est satisfait par la Constitution.
Mme Clémence Guetté proteste.
Allez dire tout ça en face aux participants à la Convention citoyenne !
Outre que personne n'imagine qu'une conférence citoyenne lancera un investissement, l'engagement de nos concitoyens dans la vie industrielle française est déjà prévu par la Constitution, à travers ces entités que l'on appelle les partis politiques.
Il se fonde sur l'article 100 du règlement. Même si je n'ai rien compris à l'intervention de notre collègue à l'instant, cela ne m'a pas empêché de l'écouter poliment et attentivement. Un orateur ou une oratrice, Mme Clémence Guetté en l'occurrence, ne doit pas être insulté,…
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES et Écolo – NUPES.
Pour ma part, je me tiens à ce principe de respect, même quand je trouve les interventions désagréables.
L'amendement n° 889 n'est pas adopté.
La parole est à M. Charles Fournier, pour soutenir l'amendement n° 1374 .
Il concerne les gigafactories, un mot qui s'est invité dans notre langue après avoir été inventé et promu par Tesla. Avec ce modèle, il s'agit bien souvent, semble-t-il, d'implanter une usine sans réflexion préalable sur son intégration à la vie locale.
Nous n'y sommes pas forcément opposés. Certes, certaines productions nécessitent des sites très concentrés, mais d'autres, non. Ainsi, les panneaux photovoltaïques que nous devrons produire demain pourront l'être en s'appuyant sur les infrastructures existantes des territoires, plutôt que dans des gigafactories créées ex nihilo.
Ces usines géantes, à la production très importante, risquent d'avoir de fortes externalités négatives, si elles sont implantées sans prendre en considération le niveau de gaz à effet de serre déjà présent localement, le risque d'épuisement des matériaux – le problème se pose pour les batteries, notamment – et l'état des nappes phréatiques locales. Nous proposons donc que toute décision d'implantation d'une telle usine soit subordonnée à l'étude de ces éléments.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Écolo – NUPES.
Monsieur Fournier, les gigafactories, précisément en raison de leur taille, font déjà l'objet de contrôles extrêmement rigoureux, concernant notamment l'eau, les émissions de gaz, la nature, dans l'évaluation environnementale et l'étude d'impact sur l'environnement. Ces documents satisfont déjà exactement votre demande.
M. Charles Fournier fait un geste de dénégation.
J'indiquais tout à l'heure que nous avons créé 100 000 emplois industriels en sept ans. Même si ce n'est pas suffisant, c'est déjà pas mal – mieux que d'en détruire 2 millions, comme cela a été fait au cours des quarante années précédentes.
Aucune de ces créations n'a été permise par les gigafactories, puisque celles-ci commencent juste à être implantées.
Ne pourrait-on pas parler de « grands complexes industriels », plutôt que de gigafactories ?
Nous sommes capables de créer des emplois dans les PME – petites et moyennes entreprises –, les ETI – entreprises de taille intermédiaire – et les grandes entreprises.
Je ne souhaite en aucun cas opposer les entreprises selon leur format. Toutefois, rappelons ce que permettront les « très grandes usines », les « usines énormes » – si ces termes peuvent faire plaisir à M. Balanant.
M. Philippe Vigier applaudit.
Sourires.
À Dunkerque, ProLogium emploiera 3 000 salariés et Verkor, 1 200 salariés, à Douvin, ACC emploiera 1 200 salariés, sans parler des 1 000 emplois que créera Envision AESC, à 100 kilomètres de là. Ce sont les faits ; ou du moins des prévisions solides.
Les trois premiers sites permettront de créer 6 000 emplois industriels. Savez-vous combien Dunkerque en a détruit entre 2000 et 2020 ?
Il ne s'agit pas de dire que les créations d'emploi justifient tout. Simplement, les 6 000 destructions d'emplois qui ont eu lieu dans cette région…
Nous, nous n'étions pas au pouvoir à ce moment-là ! C'était vous et M. Le Maire.
…. ont permis à une candidate pour laquelle je ne voterai pas d'y obtenir 30 % des voix au premier tour de l'élection présidentielle. Monsieur Fournier, les très grandes usines sur la création desquelles vous demandez un moratoire vont créer de l'emploi.
Monsieur Fournier, en plus des 6 000 emplois créés par ces grandes usines, et des deux, trois, voire quatre emplois induits par emploi créé, qui vont permettre de redynamiser ces territoires désindustrialisés, la gestion des matériaux critiques sera responsable.
Vous vous inquiétez qu'on se mette à creuser partout en France comme si de rien n'était, sans prendre en considération les enjeux de sobriété. Mais, bien sûr, nous les prenons en compte !
Madame, comme nous, vous avez voté au Parlement européen un règlement qui prévoit le recyclage de 70 % des batteries au lithium.
Mme Julie Laernoes s'exclame.
Ne confondez pas tout ! Ce règlement européen dispose que, d'ici à 2030, 70 % des matériaux critiques présents dans les batteries vont devoir être recyclés.
C'est une fierté européenne. Nos représentants, ceux de votre famille politique comme ceux de la mienne, se sont rejoints sur le sujet, à Bruxelles et à Strasbourg. L'objectif est donc bien de recycler au maximum. Cela permettra d'ailleurs de renforcer la souveraineté des industries européennes, puisque nous serons les seuls à le faire.
Les gigafactories créeront de l'emploi et réindustrialiseront des territoires. Des PME et des ETI familiales ou non se positionneront également. C'est pourquoi il faut éviter les définitions trop précises, afin de soutenir tous ceux qui vont contribuer à la réindustrialisation verte de nos territoires. Ces gigafactories sont une chance pour la France.
Mme Julie Laernoes s'exclame.
Elles attirent des investisseurs du monde entier. S'il vous plaît, conservons-les ; elles sont l'avenir.
Je ne conteste pas ce que vous dites, même s'il faudra vérifier combien d'emplois réels seront créés quand ces entreprises ouvriront. N'oublions pas non plus, monsieur le ministre délégué, les emplois sacrifiés faute de formation, de prise en charge et d'accompagnement des sites concernés, car le sacrifice est également humain pour les gens sur place.
Il y a le tableau des bonnes nouvelles mais, le 8 juin, Autoliv a annoncé la suppression de 8 000 emplois en Europe, dont 2 000 en France – avec les saignées et les drames humains qui vont avec. Je vous invite à ne pas crier « Cocorico ! » trop vite en évoquant de bonnes nouvelles économiques, d'autant que, dans nos territoires, les gigafactories dont vous parlez ne sont pas de nature à compenser les emplois supprimés – sacrifiés. D'ailleurs, à l'époque, …
… on a expliqué aux salariés que leurs emplois étaient obsolètes afin de délocaliser dans des pays à bas coûts environnementaux et sociaux. Autoliv, monsieur Millienne, ce n'est pas « à l'époque » : c'était le 8 juin et on compte, je le répète, 8 000 suppressions d'emplois annoncées en Europe, dont 2 000 en France. Sachez raison garder en matière de bonnes nouvelles économiques.
L'amendement n° 1374 n'est pas adopté.
L'article 1er bis AA vise à instaurer une commission régionale pour la gestion des friches. Nous considérons que cette strate supplémentaire va complexifier le dialogue. Quel serait l'intérêt ? En outre, les friches sont déjà prises en compte dans les documents d'urbanisme des communes et des EPCI. Il faut faire confiance aux territoires et aux élus locaux. C'est pourquoi nous plaidons pour la suppression de cet article.
M. Alfandari l'a très bien expliqué, il s'agit de supprimer l'article car il est déjà possible d'identifier les friches existantes avec Cartofriches. En outre, les articles 5 et 6 du projet de loi prévoient des mesures pour réhabiliter ces friches. Enfin, l'article 3 crée une conférence régionale de gouvernance de la politique de réduction de l'artificialisation des sols. L'article 1er bis AA semble donc redondant.
Je partage l'analyse de M. Alfandari et de Mme Lebec. Le projet de loi vise à accélérer les procédures : créer une commission supplémentaire ne va pas dans le bon sens. En outre, Cartofriches intègre déjà les données des observatoires locaux. Il faut développer ces outils de cartographie, mais une commission supplémentaire n'y aidera pas.
Entre l'examen de notre texte en commission et la séance publique, nous avons adopté, la semaine dernière, la proposition de loi dite ZAN – zéro artificialisation nette –, qui crée une nouvelle instance régionale afin de coordonner la politique de réduction de l'artificialisation des sols composée de plus d'une cinquantaine d'acteurs – M. Causse, ici présent, pourrait en parler. Elle sera compétente pour les friches. Il ne serait donc pas pertinent d'instituer, quelques jours plus tard, une deuxième commission régionale.
Enfin, il y a toujours 314 commissions et instances consultatives ou délibératives placées directement auprès de la Première ministre ou des ministres.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE. M. Henri Alfandari applaudit également.
C'est certes mieux que les 394 de 2020 – le Gouvernement et la majorité ont supprimé 80 instances –, mais ne créons pas un nouveau tonneau des Danaïdes : on supprime des commissions en même temps qu'on en crée toujours de nouvelles !
Une instance qui vient d'être créée sera compétente en matière d'artificialisation des sols, n'en ajoutons pas une deuxième !
Mme Alma Dufour s'exclame.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.
Je le dis très tranquillement. Cet article sur les friches était la seule concession faite au groupe GDR – NUPES en commission, et, à peine une semaine plus tard, on assiste à sa suppression par deux ou trois marcheurs porte-flingues ! C'est inacceptable !
Vous estimez que nous avons délibéré sur la proposition de loi ZAN, mais vous avez simplement décidé de vous mettre d'accord, dans le secret de la CMP, sur une commission qui ressemble à celle que nous souhaitons créer pour les friches mais qui, comme son nom l'indique, traite, à l'échelle régionale, de l'artificialisation des sols. Ce n'est pas notre sujet !
Mme Danielle Brulebois s'exclame.
La gestion de ces friches industrielles, c'était, je le répète, votre seule concession au groupe GDR – NUPES.
Non, on ne s'en va pas, mais nous nous souviendrons que vos concessions sont de la pacotille. Il ne s'agit pas de négocier un amendement mais de vous rappeler que cette question est essentielle.
Le ministre délégué l'a lui-même rappelé. Vous avez identifié cinquante sites, anciennes friches dépolluées, pour les mettre à la disposition de l'industrie. Mais ce ne sont que 2 000 hectares sur les 10 000 dont nous avons besoin, alors que les plus de 172 000 hectares de friches industrielles sont de véritables saignées dans nos territoires, et que les maires doivent se débrouiller pour leur trouver une affectation !
Applaudissements sur les bancs des groupes GDR – NUPES, LFI – NUPES et Écolo – NUPES.
Cela ne nécessite-t-il pas de mettre tout le monde autour de la table – établissements publics fonciers, régions, départements, État… – afin de mobiliser des financements croisés au service de leur dépollution et de leur réindustrialisation ? Sinon, de quoi parle-t-on ?
Je suis donc en colère ! En plus, vous faites ça en douce en prétendant qu'il y a trop de commissions dans le pays et en parlant de simplification. Mais de qui vous moquez-vous ?
Mme Marie Lebec s'exclame.
La question des friches n'est pas réglée dans notre pays, et vous laissez les maires se démerder seuls !
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes GDR – NUPES, LFI – NUPES et Écolo – NUPES.
Je partage l'analyse de M. Jumel. Quand on parle de réindustrialisation des territoires, on ne peut pas faire l'économie de la gestion des friches, encore moins après la ZANification de la France.
Si nous considérons que l'étalement urbain est un problème – c'était la philosophie initiale du ZAN, même si le dispositif a été assoupli –, si nous estimons que le foncier doit être rendu disponible avec parcimonie, la question des friches se posera alors avec acuité dans les semaines, mois et années à venir !
Cet outil de recensement et de gestion stratégique des friches à disposition des territoires était un signal fort. M. Jumel l'a dit avec ses mots : en n'envoyant pas un tel signal aux territoires mités par les friches, vous envoyez celui d'un no future à leurs populations. À l'inverse, en affichant une stratégie territoriale régionale et en dotant les acteurs publics des outils de reconquête de ces friches, nous leur redonnions des perspectives, et des possibilités de développement économique. Nous aurions fait œuvre utile.
À chaque fois que les friches s'installent, nous donnons le sentiment aux populations que rien n'est possible, ce qui résonne avec les fermetures d'entreprises. Cet outil était bienvenu et, le collègue Jumel l'a rappelé, il ne s'agit pas d'une concession, mais d'un vote, arraché en commission, contre l'avis d'une partie de la majorité.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SOC.
Sur la base de l'article 100, madame la présidente.
Monsieur le rapporteur général, l'amendement créant l'article 1er bis AA a été adopté par la commission spéciale, dont vous êtes le rapporteur général. Vous pouvez, à titre personnel, donner un avis favorable à la suppression de cet article mais, là, vous essayez de faire passer la suppression de cet article pour une position de la commission spéciale…
… alors que l'amendement des camarades GDR – NUPES a été adopté contre l'avis d'une partie de votre majorité et de votre gouvernement.
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES et GDR – NUPES et sur quelques bancs du groupe Écolo – NUPES.
Quand on connaît les enjeux fonciers qui sont devant nous, quand on plaide pour le zéro artificialisation nette comme vous le faites, il faut se donner tous les moyens de reconvertir et de réutiliser les friches !
Exclamations sur plusieurs bancs.
En outre, monsieur le rapporteur général, votre argumentation comporte une imprécision car il ne s'agit pas d'une commission placée auprès de la Première ministre, mais présidée par le président du conseil régional ! Vous avez tout faux, du début à la fin !
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES et GDR – NUPES et sur quelques bancs du groupe Écolo – NUPES. – M. Gérard Leseul applaudit également.
Vous avez tout faux, du début à la fin ! Nous voterons contre la suppression de cet article.
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES. M. Gérard Leseul applaudit également.
Monsieur le ministre délégué, je vous l'ai déjà dit en commission la semaine dernière, l'angle mort le plus important de ce texte, c'est la lutte contre les délocalisations. Or cet article, introduit en commission, abordait le problème, même si ce n'est que du bout des doigts. C'est pourquoi il est important.
Dans nos territoires, de nombreuses industries ont fermé et laissent des friches, ce qui leur permet au passage de défiscaliser, grâce aux bâtiments vides. Or, à part le fonds friches, créé par le plan de relance…
Oui, c'est très bien, mais c'est insuffisant pour couvrir l'ensemble des besoins. En outre, ce fonds s'adresse principalement aux collectivités, et non aux entités privées. Ainsi, à 200 mètres de chez moi, une usine Nestlé a fermé en 2020, laissant 15 000 mètres carrés de bâtiments vides. Auparavant, elle investissait 2 à 3 millions d'euros pour la maintenance, mais seulement 700 000 euros ont été alloués à la revitalisation du site – autant dire rien.
Il est donc important que le projet de loi prévoie un outil de lutte contre les friches. Ça permettra au moins d'avancer.
M. Sébastien Jumel applaudit.
Dans mon territoire, il existe des friches militaires et industrielles, et cela fait quelques années que je vis avec !
Les choses évoluent. D'abord parce que le fonds « friches », que nous avons créé, permet de débloquer des financements pour traiter les friches. Ensuite, il est possible de créer des établissements porteurs afin d'aider les collectivités, Charles Fournier le sait – même s'il a disparu –, nous l'avons fait en région Centre-Val de Loire ! Arrêtons de complexifier les dispositifs.
Exclamations sur les bancs des groupes LFI – NUPES, Écolo – NUPES et GDR – NUPES. – M. Charles Fournier et Mme Sophia Chikirou s'exclament
Arrêtons de créer des commissions ad hoc ! Dans quel monde vivons-nous ? Dans chaque plan local d'urbanisme intercommunal (PLUI), dans chaque schéma de cohérence territoriale (Scot), les friches sont identifiées ! Le problème, c'est l'argent pour dépolluer et financer de nouveaux projets !
Applaudissements sur les bancs des groupes Dem et RE.
Dans la loi du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, dite climat et résilience, nous avons créé les observatoires de l'habitat et du foncier (OHF), qui sont à la disposition des élus locaux. Ils peuvent identifier tous les éléments composant le foncier d'une commune, y compris les friches et les sites industriels en activité. Grâce à eux, les collectivités pourront acquérir ou préempter les sites disponibles, afin de développer ou d'optimiser le foncier.
En outre, nous avons voté la semaine dernière la proposition de loi dite ZAN qui prévoit la création de la conférence régionale de gouvernance de la politique de réduction de l'artificialisation des sols.
Nous disposons donc désormais de plusieurs outils, mobilisables à l'échelle communale et intercommunale, et à l'échelle régionale ; ils s'ajoutent au suivi national qu'effectue l'Observatoire national de l'artificialisation des sols (Onas).
Il est vrai, monsieur Tavel, que la commission a adopté l'article 1er bis AA.
S'il vous plaît, monsieur Tavel, laissez-moi terminer mon explication ! En application de l'article 88 du règlement, la commission spéciale s'est réunie aujourd'hui pour se prononcer sur les amendements avant la séance. Tous ses membres, dont vous êtes, étaient conviés. À quinze heures quarante-cinq, la commission spéciale a ainsi émis un avis favorable sur les amendements identiques n° 1576 et 1637 . Tout à l'heure, je n'ai donc pas exprimé un avis à titre personnel : j'ai indiqué quel était l'avis de la commission spéciale.
Monsieur Jumel, vous m'avez reproché en creux qu'aucun autre amendement du groupe Gauche démocrate et républicaine – NUPES n'ait été adopté en commission. C'est faux. Vous aviez déposé à l'article 1er un amendement que la commission spéciale a adopté.
L'article était tellement mauvais qu'il a été réécrit et que notre amendement a été supprimé !
Il a été supprimé parce que vous avez voté la réécriture des Socialistes – je n'y peux rien ! Le texte adopté par la commission spéciale comportait bien votre amendement à l'article 1er .
Je n'ai pas voté l'amendement de réécriture de l'article, arrêtez de raconter n'importe quoi !
S'agissant des comités, M. Lionel Causse l'a très bien expliqué, nous disposons déjà de deux instances : l'observatoire de l'habitat et du foncier et la conférence régionale de gouvernance de la politique de réduction de l'artificialisation des sols. Comme l'a dit M. Philippe Vigier,…
Excellent député !
…élu régional, qui a longtemps été maire, et qui connaît bien le sujet, nous ne résoudrons pas la difficulté en créant des comités supplémentaires.
Néanmoins, je suis parfaitement d'accord avec vous, mesdames et messieurs les députés : les friches sont un véritable problème. Nous avons tous dans nos circonscriptions des élus locaux qui soulignent que leur dépollution coûte très cher et qu'ils ne savent pas quoi en faire. Il arrive que des entreprises renoncent à les acheter parce qu'il serait trop compliqué et trop coûteux de construire sur ces sites. Ce sont pourtant des zones à vocation industrielle déjà en partie artificialisées.
Nous nous accordons sur le constat, c'est pourquoi d'ailleurs le Gouvernement a beaucoup fait pour y remédier, en particulier avec la création d'un fonds Vert et d'un fonds « friches ». Je rejoins M. Vigier : les solutions ne viendront pas de comités ; il faut de l'argent et des modèles économiques à même de dépolluer ces friches et d'en faire des aubaines industrielles. Travaillons ensemble pour élaborer des mécanismes de financement et des dispositifs économiques, notamment avec la Banque des territoires. Nous pouvons imaginer plein de solutions. Je ne sais pas si ces amendements de suppression seront adoptés, mais, par pitié, ne faisons pas croire que la création d'un énième comité résoudra le problème. Ce n'est pas vrai. Nous savons tous que le sujet est beaucoup plus complexe et que la question des moyens est un élément primordial.
Je maintiens donc l'avis favorable de la commission spéciale sur ces amendements de suppression.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 179
Nombre de suffrages exprimés 178
Majorité absolue 90
Pour l'adoption 96
Contre 82
Je suis saisie de nombreux amendements, pouvant faire l'objet d'une discussion commune ; ils visent à rétablir l'article 1er bis A, supprimé par la commission spéciale. Plusieurs sont identiques ; certains font l'objet de sous-amendements.
Sur les amendements n° 1025 et 1024 , je suis saisie par le groupe La France insoumise-Nouvelle Union populaire, écologique et sociale de demandes de scrutin public.
Les scrutins sont annoncés dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. Laurent Alexandre, pour soutenir l'amendement n° 1026 .
« Gouverner, c'est prévoir » : nous invitons le Gouvernement à ne plus s'entêter dans le refus de toute planification de la production.
Le présent amendement tend à rétablir l'article 1er bis A, introduit par les sénateurs, puis supprimé par la commission spéciale.
Nous avons besoin d'une stratégie industrielle, donc d'une loi de programmation relative à l'industrie verte pour la période allant de 2023 à 2030. Il s'agit de définir les filières stratégiques pour le pays, de nous fixer des objectifs structurants et d'introduire un peu de démocratie et de dialogue, quand le présent texte en manque cruellement.
Mme Clémence Guetté applaudit.
Pour vous convaincre, parlons de la vraie vie, plus précisément de l'usine Bosch de Rodez. Un accord de diversification de l'activité dans l'hydrogène a été signé avec les syndicats ; le site dispose d'un projet d'avenir, la fabrication d'une pile à combustible pour le transport réfrigéré. Pourtant, la direction a récemment annoncé qu'elle ne respecterait pas ses engagements, faute de débouchés suffisants : le site est de nouveau menacé.
Si notre proposition était adoptée, la production de cette filière durable serait planifiée. Les objectifs seraient clairs : organiser les débouchés, protéger ce marché naissant en France, subordonner le versement d'aides publiques au respect des engagements réciproques.
Mettez votre dogmatisme de côté. Prévoyez, planifiez et agissez dans l'intérêt de nos emplois industriels !
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
J'ai l'honneur de défendre deux amendements déposés par des collègues ultramarins, MM. Jean-Hugues Ratenon et Perceval Gaillard, députés de La Réunion. Ils sont essentiels et j'espère vous convaincre de les voter.
Ils visent à appeler l'attention sur les territoires d'outre-mer, que nous évoquons pour la première fois au cours de l'examen de ce texte. Ceux-ci connaissent des spécificités, notamment liées à l'insularité et à la biodiversité.
Nous proposons donc d'élaborer une loi de programmation « industrie verte » pour les années 2023 à 2030. Elle déterminerait quelles filières stratégiques doivent être implantées et développées en priorité dans le territoire national, en accordant une attention particulière aux territoires d'outre-mer.
L'amendement n° 1025 prévoit que : « Pour favoriser l'approvisionnement en matière première des territoires régis par les articles 73 et 74 de la Constitution, les circuits courts sont privilégiés dans une coopération entre les pays des différents bassins océaniques. » J'insiste : il s'agit d'un amendement de première importance.
Quant à l'amendement n° 1026 , il vise à préciser que : « Dans les collectivités d'outre-mer, l'élaboration de la loi de programmation "industrie verte" est précédée d'une étude approfondie visant à avoir une vue précise du capital naturel. Elle permet d'adapter les politiques publiques de préservation. La mesure des défis environnementaux ne peut uniquement se fonder sur le seul produit intérieur brut ; d'autres méthodes peuvent être envisagées. »
Parmi ces autres méthodes, on trouve celle fondée sur l'épargne véritable, qui consiste notamment à prendre en compte corrélativement la dégradation des différents types de capitaux, naturel, physique et humain, sans dissocier le premier des derniers. La méthode Enca – Ecosystem Natural Capital Accounts –, ou comptabilité écosystémique du capital naturel, permet d'aller plus loin encore, en isolant l'évolution du capital naturel. Enfin, la méthode Esgap – Environmental Sustainability Gap –, testée en Nouvelle-Calédonie, permet de mesurer l'écart entre l'état actuel et l'état soutenable de vingt-trois dimensions environnementales essentielles, comme la pollution de l'air, l'érosion des sols et les ressources forestières.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES.
La parole est à M. Matthias Tavel, pour soutenir l'amendement n° 1019 .
Afin d'accélérer la transition écologique et la décarbonation, que vous prétendez vouloir vous aussi engager, il vise à concevoir une loi de programmation relative à l'industrie verte, pour la période 2023-2030. Elle déterminerait les filières stratégiques, favoriserait la recherche et l'expérimentation, définirait les besoins, en particulier en matériaux critiques – nous en avons parlé tout à l'heure. Elle tiendrait compte des objectifs en matière d'artificialisation des sols et de décarbonation.
Une large association de collectivités et d'acteurs, notamment des chefs d'entreprise et des salariés, seraient associés à l'élaboration de cette loi de programmation. Leur engagement ne se limiterait pas à la fabrication ou au port de pin's.
Pourquoi voulons-nous une loi de programmation ? Si nous voulons réussir la bifurcation écologique, il nous faut une stratégie pour les années 2023 à 2030. La planification consiste à définir les objectifs puis à élaborer des méthodes pour les atteindre.
Ensuite, il s'agit de reconquérir le temps long, de ne pas laisser le marché décider de tout, alors qu'il est gouverné par des investissements qui obéissent à une logique de rentabilité à court terme.
Enfin, cette démarche oblige à définir les objectifs de la loi, donc à poser la question de l'évaluation des politiques publiques afférentes, à laquelle vous devez tous être sensibles.
Le Parlement a adopté une loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur et une loi de programmation militaire ; un projet de loi d'orientation et de programmation du ministère de la justice est en cours d'examen. Le projet de loi de programmation sur l'énergie et le climat tarde à venir, mais nous l'attendons. Or, pour réussir la bifurcation, les enjeux relatifs à l'industrie, en particulier à la réindustrialisation, sont majeurs : il y va de notre souveraineté. Dans le cadre de la lutte contre le changement climatique, ce sont des sujets régaliens. Il est indispensable d'élaborer une loi de programmation pour déterminer où nous allons, et comment nous y allons.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES.
Depuis le début de son examen, nous sommes confrontés au caractère flou du texte : nous parlons sans cesse d'industrie verte, mais nous ne l'avons pas définie. Il est essentiel de clarifier la stratégie nationale visant à décarboner l'industrie, à soutenir le tissu industriel des PME et des ETI, et à œuvrer à la reconstitution de chaînes de valeur, en lien avec les collectivités territoriales, les représentants des acteurs privés et publics concernés, le Conseil national de l'industrie et les comités stratégiques de filière. Cette stratégie doit s'inscrire dans une logique d'économie des ressources et de préservation de l'environnement.
L'amendement vise à rétablir l'article 1er bis A, introduit par le Sénat. Nous l'avons évoqué en commission spéciale : il est fondamental de disposer d'une stratégie nationale que nous pourrons ensuite décliner en un Pacte vert.
Vous savez, monsieur le rapporteur général, combien les membres du groupe Socialistes et apparentés sont attachés à l'organisation d'une Conférence nationale, à même de réconcilier les Français avec leur industrie. Plusieurs de nos collègues l'ont souligné : ici et là, des territoires sont traumatisés par des catastrophes industrielles et par des suppressions d'emploi. Nous avons besoin d'une véritable concertation nationale, qui aboutisse à l'élaboration d'une stratégie.
La parole est à M. Sébastien Jumel, pour soutenir l'amendement n° 771 .
J'avais cru comprendre que le renouveau industriel et le verdissement de l'industrie étaient si stratégiques qu'ils offraient une occasion d'unité nationale. Depuis le début de l'examen du texte, votre manière d'accueillir les amendements des uns et des autres augure mal de son avènement.
Le présent amendement ne sort pas d'un chapeau. Il est issu des travaux de la commission d'enquête chargée d'identifier les facteurs qui ont conduit à la chute de la part de l'industrie dans le PIB de la France et de définir les moyens à mettre en œuvre pour relocaliser l'industrie et notamment celle du médicament. Publié en 2022, son rapport a été adopté à l'unanimité. Par ailleurs, il est fondé sur les préconisations du haut-commissariat au plan et de Louis Gallois, selon qui la réindustrialisation nécessite un fort investissement public et politique. Pour piloter le projet, il suggère de réunir régulièrement les différents acteurs, sous la forme d'un conseil du plan.
Selon l'amendement, la stratégie pluriannuelle de l'industrie comporte des volets relatifs à « l'identification des filières stratégiques qui doivent être implantées ou développées », à « l'élaboration d'un plan stratégique de souveraineté en matière d'intrants industriels » sachant que 43 % des intrants sont d'origine étrangère, à « la recherche et l'expérimentation de nouveaux produits et procédés industriels contribuant à la transition écologique », mais aussi à l'électrification des usages et les problèmes qui en résultent. Tous ces enjeux nécessitent une instance de coordination, de planification et de pilotage, œuvrant au chevet de notre industrie et au service des objectifs que nous souhaitons partager.
La parole est à M. Hubert Wulfranc, pour soutenir l'amendement n° 788 .
Comme le précédent, il vise à identifier les filières stratégiques et les engagements à long terme qui leur sont fixés par les pouvoirs publics. Votre projet de loi traite du verdissement de l'ensemble des secteurs industriels. Les enjeux, qui à terme sont financiers, demandent que nous nous intéressions aux investissements et à leur rendement. Or vous n'avez pas mené cette analyse stratégique permettant de mesurer l'engagement financier nécessaire à la réindustrialisation du pays. Sébastien Jumel vient de pointer les démarches à effectuer pour progresser sur la voie de la réindustrialisation. Vous ne les envisagez pas, c'est pourquoi nous voulons vous contraindre à établir des priorités en matière d'industries stratégiques.
Ces trois amendements visent à demander à l'État d'élaborer une stratégie industrielle pluriannuelle pour la période 2023-2030. Une puissance comme la France doit établir une stratégie industrielle nationale, et non régionale, en particulier si elle veut conserver son rang. Nous ne souhaitons pas nous cantonner au développement d'une industrie verte, mais contribuer à définir une stratégie industrielle plus globale – c'est pour cela que je défends nos trois amendements simultanément –, incluant différents volets comme l'industrie verte, qui implique le développement de nouvelles technologies, la décarbonation de l'industrie existante et la relocalisation d'un maximum d'activités. N'en déplaise aux macronistes et aux membres de la NUPES, qui nient le réel et la science, la moitié de l'empreinte carbone de la France est liée aux importations .
Mme Alma Dufour s'exclame
En produisant localement, on réduit l'empreinte carbone par la limitation du transport.
Nous devons également nous donner les moyens de nos objectifs : les amendements n° 691 et 692 visent à instaurer une stratégie en matière de formation, qui est la grande absente de ce projet de loi, ainsi qu'à examiner l'opportunité de créer un fonds souverain français. Cette proposition de Marine Le Pen pendant la campagne présidentielle…
…vise à mettre l'épargne des Français au service de la réindustrialisation et de la décarbonation de l'industrie existante, plus largement que le plan épargne avenir climat que vous proposez, qui sera malheureusement dérisoire.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Il vise à apporter une précision quant à l'objectif visé par ce projet de loi relatif à l'industrie verte, à savoir la réindustrialisation de notre pays dans le respect de l'environnement et de l'avis de ses habitants. Or dans le texte, rien ne semble être clairement indiqué en la matière. Accélérer l'implantation de sites industriels sur notre sol, c'est permettre à notre pays de produire davantage, donc de fabriquer mieux et en plus grande quantité, afin de pouvoir vendre selon ses conditions et ses tarifs, plutôt que d'acheter selon ceux dictés par d'autres puissances – de récents exemples l'ont montré.
Cet amendement a pour but de formaliser l'objectif d'accélération des procédures de concertation et d'implantation de sites industriels dans le cadre de la stratégie nationale pour l'industrie verte.
M. Jocelyn Dessigny applaudit.
La parole reste à M. Nicolas Dragon, pour soutenir l'amendement n° 368 .
Il vise à indiquer que la stratégie nationale proposée pour accélérer la transition écologique et la décarbonation de l'industrie participe à l'aménagement du territoire en prenant prioritairement en compte les bassins d'emplois ayant souffert du processus de désindustrialisation.
Nombre de nos territoires présentent encore les vestiges d'une industrie forte ayant fait rayonner notre pays de par le monde – c'est le cas de mon département de l'Aisne. Si certains de ces fleurons industriels sont désormais fermés ou malheureusement délocalisés, il n'en demeure pas moins que les sites subsistent. Les réutiliser permettrait d'éviter une augmentation de l'artificialisation des sols ; il en va de même des friches militaires, abandonnées au fil des décennies – ma circonscription en compte une.
Tous les arguments sont bons pour incorporer cette importante dimension territoriale, sans qu'il soit nécessaire d'évoquer le versant social pour les habitants, qui ont plus que pâti du délitement des industries et de la disparation de leurs emplois. Il est donc urgent de mettre en évidence la nécessaire priorité des bassins d'emplois ayant souffert de la désindustrialisation, compte tenu notamment des avantages précités, qui s'inscrivent à merveille dans les objectifs annoncés avec insistance par les auteurs de ce projet de loi.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Ils visent à définir des objectifs de relocalisation, mesurés par le ratio de la production intérieure par rapport à la consommation intérieure finale. En commission, nous avons longuement débattu de la fixation d'objectifs, démarche incantatoire qui ne garantirait en rien qu'ils soient atteints. C'est vrai : vous êtes incapables d'atteindre vos objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES. – Mme Cyrielle Chatelain applaudit également.
Vous avez d'ailleurs été condamnés deux fois par la justice pour inaction climatique. Tous les scientifiques le disent, y compris le Haut Conseil pour le climat (HCC) : personne ne sait comment réduire de 50 % les émissions de gaz à effet de serre en sept ans, compte tenu du rythme de réduction ces dernières années.
Cela dit, fixer des objectifs permet au moins de savoir où l'on en est ; mes propos en sont la preuve. Ne pas définir d'objectifs de relocalisation vous permet de raconter à peu près n'importe quoi sur les plateaux de télévision sans être contredits par les journalistes.
Le déficit commercial de la France est l'un des plus mauvais de l'Union européenne, et 117 000 emplois sont menacés dans l'industrie en raison de la crise de l'énergie. La production manufacturière a chuté de 4,7 % depuis l'élection d'Emmanuel Macron en 2017. Vous parlez des gigafactories, mais le secteur automobile a perdu un tiers de ses emplois depuis l'an 2000. Si les rythmes de destruction d'emplois observés dans les usines existantes se maintiennent, nous risquons d'en perdre 70 000 de plus au cours de la prochaine décennie.
Vous parlez de décarbonation de l'industrie, mais savez-vous que le secteur de la chimie mis à part, ce sont les délocalisations de raffineries et les crises économiques qui ont contribué à la réduction des émissions de gaz à effet de serre dans le secteur ?
M. Aurélien Saintoul applaudit.
Là encore, on ignore comment les industries atteindront les objectifs annuels de réduction de 5 % de leurs émissions, qu'elles devraient remplir pour respecter l'accord de Paris.
Ces différents éléments permettent d'éviter de parler de l'éléphant dans la pièce : l'empreinte carbone de la France est égale au double des émissions nationales ; les émissions importées représentent quasiment l'équivalent des émissions nationales ; elles ont explosé ces vingt dernières années et pour les réduire, il faudra les chiffrer, comme le demande le HCC, mais aussi reconnaître que nous devrons un jour limiter les importations. Il est impossible de décarboner certaines filières de production dans les pays du Sud qui ne sont pas engagés dans des trajectoires conformes à l'accord de Paris : celles du textile, de l'électronique et de beaucoup de secteurs de l'agroalimentaire.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
C'est pourquoi nous vous demandons d'adopter ces deux amendements, qui visent à élaborer des stratégies nous permettant enfin d'y voir clair. Fixer des objectifs est peut-être incantatoire mais, ne pas en fixer, c'est la garantie de se faire enfumer.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Ils visent à améliorer le contrôle des matières premières. Mon collègue Alexandre Loubet a très bien exposé nos motivations pour améliorer le contrôle et la production des matières premières et des matériaux nécessaires à l'autosuffisance de la France. Vous avez apporté des éléments de réponse à ce sujet, mais ils ne sont pas satisfaisants.
J'ajouterai deux éléments aux arguments présentés par mon collègue Loubet. Premièrement, vous avez compris certains enjeux défendus depuis vingt ans par les souverainistes et vous ne niez plus qu'un pays souverain a besoin d'un approvisionnement en matières premières. Bravo pour cette découverte, nous avons avancé ! Malheureusement, vous ne dégagez jamais des moyens d'ampleur suffisante pour atteindre les objectifs que vous vous fixez. Il ne s'agit pas seulement de nommer des experts, sans doute très compétents ; le fonds de 500 millions visant à assurer l'indépendance de la France en matières premières, dont vous annoncez la création, est totalement insuffisant au regard des enjeux. Il ne suffirait même pas à ouvrir des mines et des usines consacrées aux terres rares, comme il en existait en Poitou-Charentes ; c'est dérisoire.
Deuxièmement, vous refusez systématiquement d'envisager la production et l'extraction de matières premières sur le sol métropolitain ou dans les territoires d'outre-mer. Avec ces amendements, je vous mets de nouveau au défi : il faut envisager la production d'hydrocarbures sur le sol national, interdite par la loi Hulot. Il le faut, pour une raison simple : il est beaucoup plus écologique, raisonnable et responsable de produire nous-mêmes le gaz et le pétrole que nous consommerons pendant encore vingt à trente ans. La richesse et les emplois ainsi créés permettront de produire une rente, comme en Norvège, qui financera la transition écologique. Refuser, pour des raisons idéologiques,…
… de produire nous-mêmes nos hydrocarbures n'est pas écologique, mais hypocrite et économiquement suicidaire.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
La parole est de nouveau à M. Jean-Philippe Tanguy, pour soutenir l'amendement n° 668 .
Il vise à examiner les conditions de la décarbonation de la chaîne logistique et du secteur du transport lourd. On ne peut envisager la réindustrialisation et la redistribution sur le territoire des industries les plus polluantes sans réfléchir à l'organisation du transport lourd. Outre l'utilisation des fleuves et le recours au fret ferroviaire, l'hydrogène constitue la meilleure perspective en ce domaine. Avant de l'utiliser pour les véhicules individuels de tourisme, l'hydrogène est pertinent pour le transport lourd, en particulier le transport routier.
Je souhaite également rappeler une proposition figurant dans le programme présidentiel du RN : la décarbonation du transport maritime international. Des technologies recourent à la propulsion nucléaire pour de très gros navires, tels que des brise-glaces ; cette dernière n'est pas réservée à la marine militaire et peut constituer une option pour la marine civile. Or la France dispose de la technologie nécessaire pour inventer les premiers porte-conteneurs nucléaires, des navires de très grande taille. Elle pourrait disposer d'une flotte nationale, gérée par un opérateur public comme l'étaient la plupart des compagnies de marine marchande ; les porte-conteneurs nucléaires seraient entièrement propres et permettraient de décarboner le transport maritime international.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Vous souhaitez une suspension de séance, monsieur le rapporteur général ?
Oui, madame la présidente. M. le ministre délégué et moi-même avons indiqué précédemment que nous étions favorables à l'amendement n° 463 de Mme Émilie Bonnivard, qui figure dans cette longue discussion commune. De nombreux sous-amendements ont été déposés depuis lors ; certains contiennent des idées intéressantes et nous aimerions pouvoir en discuter en amont de leur présentation en séance, à des fins de coordination.
Puisqu'il ne nous reste qu'un quart d'heure de débats avant la fin de la séance, j'aimerais vous suggérer de lever avant que nous en arrivions à l'amendement n° 463 ; à défaut, je vous demande une suspension. Je vous remercie de votre compréhension, madame la présidente.
Il s'agit d'amendements relatifs à l'instauration de partenariats avec des pays européens et étrangers. Nous ne pouvons pas envisager une planification industrielle sérieuse sans une programmation relative aux chaînes de valeur et à la réindustrialisation du continent européen et de la Méditerranée. Malheureusement, l'Union pour la Méditerranée, imaginée par Henri Guaino et Nicolas Sarkozy, n'est pas mise en valeur comme il se doit.
Or on ne peut rapatrier toutes les filières de production, notamment celles qui fabriquent des produits de manière très polluante en Asie et en Asie du Sud-Est. Nous devons rapatrier une partie de ces filières en Europe, et une autre partie en Méditerranée, ce qui créera des emplois et fixera les populations jeunes dans les territoires méditerranéens, tout en instaurant des chaînes de valeur industrielles intégrées entre la France, ses partenaires européens et la Méditerranée.
Nous proposons un deuxième type de partenariats en matière d'innovation technologique avec de grands pays innovateurs dont vous ne parlez pas suffisamment, comme la Corée du Sud, le Japon ou le Canada. Ces pays, dont la superficie est convenable, ne sont pas des adversaires stratégiques, contrairement à d'autres pays. Aussi pourrions-nous conclure avec eux, d'égal à égal, des partenariats stratégiques et technologiques, sans risque de pillage ou de submersion économique. Pourtant, vous n'envisagez plus jamais de travailler de manière intensive avec la Corée du Sud, le Japon ou encore Israël, comme ce fut le cas dans les années 1980.
Une planification industrielle qui n'aurait pas réfléchi aux chaînes de valeur européennes, méditerranéennes et internationales n'aurait pas de sens. Il faut ranger cette lacune parmi les impensés de votre texte, qui n'est pas un projet de loi de réindustrialisation, mais vise seulement à défendre quelques filières ayant les faveurs du prince.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RN.
Prochaine séance, demain, à quinze heures :
Questions au Gouvernement ;
Votes solennels sur le projet de loi d'orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027, et sur le projet de loi organique relatif à l'ouverture, la modernisation et la responsabilité du corps judiciaire ;
Suite de la discussion du projet de loi relatif à l'industrie verte.
La séance est levée.
La séance est levée à vingt-trois heures quarante-cinq.
Le directeur des comptes rendus
Serge Ezdra