La séance est ouverte.
La séance est ouverte à seize heures.
La présidente de l'Assemblée nationale a reçu du ministre délégué chargé des relations avec le Parlement une lettre l'informant de l'ajout, en dernier point de l'ordre du jour du jeudi 29 juin, du projet de loi, adopté par le Sénat, relatif à la restitution des biens culturels ayant fait l'objet de spoliations dans le contexte des persécutions antisémites perpétrées entre 1933 et 1945.
La parole est à M. le ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion.
Au mois de septembre dernier, j'ai saisi les partenaires sociaux en leur demandant d'ouvrir une négociation interprofessionnelle sur le partage de la valeur au sein de l'entreprise. Cette discussion a abouti à un accord national interprofessionnel (ANI) majoritaire, signé le 10 février 2023, relatif au partage de la valeur au sein de l'entreprise. Lors de l'ouverture de la négociation entre les partenaires sociaux, le Gouvernement s'était engagé à transcrire fidèlement l'accord, si les discussions aboutissaient. C'est ce que propose ce projet de loi.
Nous sommes fiers de vous présenter des mesures concrètes pour revaloriser le travail et mieux associer les salariés aux résultats de l'entreprise. Les dispositions du projet de loi s'inscrivent dans la continuité de l'action que nous menons depuis 2017 pour revaloriser le travail, au bénéfice du pouvoir d'achat des ménages. La loi du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises – loi Pacte – a simplifié la conclusion d'accords d'intéressement et de participation dans les PME. Plus récemment, la loi du 16 août 2022 portant mesures d'urgence pour la protection du pouvoir d'achat a facilité le recours à l'intéressement dans les PME et a créé une nouvelle prime de partage de la valeur – PPV.
Le présent projet de loi de transposition permet d'aller plus loin. À trois égards, il fait évoluer les obligations de partage de la valeur au sein des entreprises, au profit des salariés.
D'abord, les signataires de l'accord ont voulu faire de la classification une question importante. Au sein des branches, les organisations doivent en effet se réunir tous les cinq ans pour examiner la nécessité de renégocier les classifications dans le cadre des conventions collectives. En pratique, en 2021, l'ancienneté moyenne des grilles était d'environ douze ans. C'était donc un frein à la dynamique des salaires et à la lisibilité des progressions de carrière au sein des branches, qu'il fallait lever. C'est pourquoi, à l'initiative des partenaires sociaux, le premier axe du projet de loi prévoit, d'ici le 31 décembre 2023, l'ouverture d'une négociation en vue d'examiner la nécessité de réviser les classifications, au sein des branches n'ayant pas procédé à cet examen depuis plus de cinq ans. Cette mesure concrète améliorera les rémunérations et valorisera davantage les parcours professionnels des salariés dans un contexte d'inflation.
Ensuite, le projet de loi développe les dispositifs existants de partage de la valeur dans les petites et moyennes entreprises. En effet, l'application des dispositifs de partage de la valeur est trop inégale et à l'avantage des plus grandes entreprises. Ainsi, en 2020, 70 % des salariés des entreprises de plus de cent salariés disposaient d'un accès à un dispositif de participation, contre 3 % des salariés des entreprises de moins de neuf salariés, et 6 % des salariés de celles comptant entre dix et quarante-neuf salariés. De fait, les entreprises de moins de cinquante salariés ne sont pas soumises à l'obligation de disposer d'un dispositif de participation. Par cet accord, il s'agit d'aller plus loin pour développer le partage de la valeur dans les petites entreprises, grâce à quatre dispositifs essentiels.
D'abord, le projet de loi donne la possibilité aux entreprises de moins de cinquante salariés de négocier par accord de branche ou d'entreprise des formules dérogatoires à la formule légale de participation. La formule légale peut constituer un frein au développement du partage de la valeur dans les petites entreprises. Le projet de loi introduit une souplesse pour les plus petites entreprises, ce qui facilitera la conclusion d'accords de participation.
Par ailleurs, en vue de généraliser le dispositif de partage de la valeur dans les petites entreprises, celles de onze à cinquante salariés devront instaurer un tel dispositif, dès lors qu'elles auront réalisé un bénéfice net fiscal positif supérieur à 1 % de leur chiffre d'affaires pendant trois années consécutives. En effet, pourquoi les entreprises de plus de cinquante salariés devraient-elles absolument mettre en ?uvre un tel dispositif de partage de la valeur, et pas celles de moins de cinquante salariés, qui le peuvent ? Il y avait là un manque, que cet accord et le projet de loi proposent de combler.
Le troisième dispositif prévoit que les entreprises de plus de cinquante salariés auront jusqu'au 30 juin 2024 pour négocier des conséquences en matière de partage de la valeur en cas de bénéfice exceptionnel.
Enfin, l'accord prévoit que le dispositif d'exonération fiscale sur la prime de partage de la valeur, applicable aux salariés dont la rémunération est inférieure à trois Smic, sera prolongé jusqu'au 31 décembre 2026 dans les entreprises de moins de cinquante salariés.
Ce sont des mesures concrètes qui visent à étendre les dispositifs de partage de la valeur aux PME, afin qu'ils s'appliquent dans toutes les entreprises, quelle que soit leur taille, et à remédier à l'inégalité entre les salariés des petites et des grandes entreprises.
Au-delà de cet aspect, le projet de loi crée de nouveaux outils pour rénover certains dispositifs. Il s'agit d'abord du plan de partage de la valorisation de l'entreprise d'une durée de trois ans, instauré par accord et s'appliquant à l'ensemble des salariés ayant au moins un an d'ancienneté. Les salariés pourront bénéficier d'une prime dans le cas où la valeur de l'entreprise a augmenté sur les trois années de la durée du plan. Cet outil innovant intéresse financièrement les salariés à la croissance de la valeur de l'entreprise, et les fidélise.
Le projet facilite également l'utilisation de la PPV, créée par la loi du 16 août 2022 portant mesures d'urgence pour la protection du pouvoir d'achat. Par exemple, les entreprises pourront désormais verser jusqu'à deux primes par an au lieu d'une seule, et la prime pourra être versée sur un plan d'épargne salariale afin que les salariés bénéficient d'une exonération fiscale pour les sommes bloquées.
De manière plus générale, le projet de loi prévoit une série de simplifications et d'assouplissements, comme la sécurisation du versement d'avance par trimestre pour la participation et l'intéressement.
Enfin, le projet de loi développe l'actionnariat salarié, puisqu'il prévoit de rehausser les plafonds de versement d'actions gratuites de 10 à 15 % du capital social pour les grandes entreprises et les ETI – entreprises de taille intermédiaire –, et de 15 à 20 % du capital social pour les PME.
Pour conclure, je souhaite souligner que les avancées du présent projet de loi sont issues d'une méthode claire, voulue par le Gouvernement, consistant à confier cette discussion aux partenaires sociaux. Je le disais en introduction, au mois de septembre dernier, j'ai invité les partenaires sociaux à engager une négociation nationale interprofessionnelle pour améliorer les dispositifs de partage de la valeur, sur la base d'un document d'orientation. Celui-ci les invitait à négocier, d'une part, pour renforcer le partage de la valeur entre travail et capital au sein des entreprises, d'autre part, pour améliorer l'association des salariés aux performances de l'entreprise.
Le présent projet de loi est la traduction d'un exercice de démocratie sociale. Lorsque cette discussion était seulement envisagée, on nous avait prédit qu'elle échouerait de manière certaine, au moment même où d'autres négociations importantes étaient menées en parallèle. Pourtant, le dialogue social a eu lieu, ne s'est pas interrompu et a permis d'aboutir à la conclusion de l'ANI le 10 février, signé par les trois organisations patronales représentatives – le Medef, la CPME (Confédération des petites et moyennes entreprises) et l'U2P (Union des entreprises de proximité) – et par quatre des cinq organisations syndicales représentatives – la CFDT, la CFTC, FO et la CFE-CGC. Je souhaite saluer leur travail et leur esprit de consensus. C'est la preuve que le dialogue social permet de construire des solutions concrètes, consensuelles, au bénéfice direct des Français, sur des sujets qui font l'objet d'une forte attente.
Cette méthode se poursuit au Parlement. J'espère que la démocratie parlementaire saura conserver les équilibres du présent texte, issu de la démocratie sociale. Je salue les travaux menés par le rapporteur Louis Margueritte, mais également par d'autres députés, comme Eva Sas, dans le cadre de la mission d'information sur l'évaluation des outils fiscaux et sociaux de partage de la valeur dans l'entreprise, dont ils étaient corapporteurs.
Le texte, tel qu'il a été voté par la commission des affaires sociales, démontre l'attachement des députés à l'équilibre du texte et donc au respect de l'accord. Par souci de cohérence, le Gouvernement souhaite que cet équilibre soit préservé à l'issue de l'examen en séance. Cela ne signifie pas qu'il est impossible de l'améliorer, mais, comme je l'ai dit en commission, nous souhaitons que les signataires de l'accord soient favorables aux améliorations proposées. Telle est notre méthode, qui vise à garantir le respect du résultat du dialogue social, mais aussi de l'engagement à réaliser une transposition intégrale et fidèle.
Par ailleurs, certaines stipulations de l'accord n'apparaissent pas en tant que telles dans le projet de loi ; cela a été justifié par certains partenaires sociaux signataires. Nous avons considéré qu'il s'agissait de mesures qui ne nécessitaient pas de transposition législative car elles pouvaient être d'ordre réglementaire, relever de la pratique ou bien être satisfaites par le droit – je pense notamment au principe de substitution. Je salue le dépôt par votre rapporteur d'amendements visant à rétablir l'équilibre du texte, sans remettre en cause l'article L. 3312-4 du code du travail, prévoyant le principe de non-substitution.
Je pense également à la question de la définition des bénéfices exceptionnels. Sur ce point, l'ANI stipulait qu'elle relevait de l'employeur. En accord avec les partenaires sociaux signataires, nous avons proposé une nouvelle rédaction, qui propose de renvoyer la définition des résultats exceptionnels à une négociation et à un accord d'entreprise. Le travail doit se poursuivre sur cette proposition, étant donné qu'un risque juridique a été soulevé. Des amendements ont ainsi été déposés en ce sens, visant à apporter des précisions, conformément à l'avis du Conseil d'État et dans le respect de l'accord signé.
La commission des affaires sociales, à l'initiative du rapporteur et du groupe Écologiste – NUPES, a souhaité avancer à 2024 l'obligation de mise en place d'un dispositif de partage de la valeur pour les entreprises de onze à cinquante salariés. Le Gouvernement ne proposera pas de revenir sur cette disposition à l'occasion de l'examen du texte en séance.
En conclusion, la volonté de partager la valeur créée par les entreprises répond à deux demandes importantes des Français. Il s'agit d'œuvrer davantage pour le pouvoir d'achat des salariés, afin de faire face à l'inflation, mais aussi de répondre à une forte demande de participation des salariés dans la marche de leur entreprise, aspiration qui rejoint le désir de démocratie au travail. Par ce projet de loi et grâce à cet accord, nous nous donnons les moyens d'atteindre ces objectifs. C'est un projet de loi équilibré, issu d'une concertation, qui crée une solidarité accrue entre le capital et le travail. Je vous invite donc à adopter le présent projet de loi et, ainsi, à transposer fidèlement l'accord national interprofessionnel du 10 février 2023 relatif au partage de la valeur.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR.
La parole est à M. Louis Margueritte, rapporteur de la commission des affaires sociales.
« Je rêve d'un pays où l'on se parle à nouveau », déclarait le Premier ministre Michel Rocard à cette même tribune, le 29 juin 1988, lors de son discours de politique générale.
Le 10 février dernier, les organisations syndicales et patronales sont parvenues à un accord national interprofessionnel ambitieux sur le partage de la valeur au sein de l'entreprise. Peu y croyaient et pourtant, ils l'ont fait.
De FO au Medef, en passant par la CFTC, la CPME, la CFE-CGC, l'U2P et la CFDT, les partenaires sociaux sont parvenus à s'entendre et à conclure cet accord historique. Le projet de loi que j'ai l'honneur de rapporter aujourd'hui traduit en droit l'engagement du Gouvernement à transcrire fidèlement l'accord des partenaires sociaux. Mes chers collègues, cet accord nous oblige.
Le 12 avril, à l'issue de plusieurs mois d'auditions, avec ma collègue du groupe Écologiste – NUPES, Eva Sas, nous avons publié un rapport d'information portant sur l'évaluation des outils sociaux et fiscaux de partage de la valeur dans l'entreprise. Au cours de nos travaux, nous avons auditionné une quarantaine d'acteurs : organisations syndicales et patronales, économistes, universitaires, administrations publiques ainsi que des associations et fédérations spécialisées dans les outils de partage de la valeur.
Le constat que nous avons dressé ensemble est clair : si la France est la deuxième nation d'Europe en ce qui concerne le partage de la valeur, nous avons encore des marges d'amélioration en la matière. Nous pouvons être bien classés au sein des nations européennes, mais ce n'est pas une raison pour ne pas chercher à faire mieux, et à faire encore davantage pour la rémunération de nos salariés. Quand la richesse est créée, elle doit être encore mieux distribuée entre ceux qui ont contribué à la créer.
C'est tout le sens de l'accord signé par les partenaires sociaux et du projet de loi. Ce dialogue social, cette écoute, ce respect des partenaires sociaux ont été notre boussole pendant les quatre mois de travail, et ceux qui ont suivi, consacrés à la préparation de notre rapport d'information. Je tiens également à saluer mes collègues Graziella Melchior et Dominique Potier pour la qualité de leur rapport précurseur sur le partage de la valeur au sein des entreprises et ses conséquences sur leur gouvernance, leur compétitivité et la consommation des ménages, publié au mois de décembre 2020. Ce dernier préconisait un élargissement de l'accès à la participation. Grâce à ce projet de loi, que, je l'espère, nous voterons largement, ce sera désormais chose faite.
Je souhaite à présent vous dire quelques mots des principaux articles du texte, qui transposent exhaustivement et fidèlement l'ANI, conformément à l'engagement pris par le Président de la République, la Première ministre et le ministre Olivier Dussopt.
Le titre I
Le titre II rassemble les dispositions ayant pour objet de faciliter la généralisation des outils de partage de la valeur.
L'article 2 ouvre aux entreprises de moins de cinquante salariés, qui ne sont pas tenues d'appliquer un régime de participation, la possibilité de le faire, par accord, en retenant une formule de calcul de la réserve spéciale de participation – RSP –dérogatoire à la formule de droit commun et susceptible d'aboutir à un résultat plus ou moins favorable pour les salariés.
L'article 3 est important ; il vise à faire obligation aux entreprises qui emploient entre onze et quarante-neuf salariés et dont la situation économique le permet – elles doivent avoir enregistré des résultats positifs pendant trois années consécutives – d'instituer un dispositif de partage de la valeur. J'ai souhaité, avec ma collègue Eva Sas, que cette obligation entre en vigueur un an plus tôt que prévu, et je remercie les commissaires aux affaires sociales d'avoir accédé à notre demande.
Les articles 2 et 3, auxquels la commission a apporté quelques modifications pour qu'ils traduisent mieux l'intention des partenaires sociaux, s'appliqueront pour une durée de cinq ans à compter de la promulgation de la loi.
L'un des dispositifs phares de l'accord, transposé à l'article 5, est sans conteste l'obligation de mieux partager les résultats d'une augmentation exceptionnelle des bénéfices dans les entreprises de cinquante salariés et plus comptant au moins un délégué syndical. Près de 8 000 entreprises sont potentiellement concernées par cette mesure, bien plus, donc, que les grands et très grands groupes.
Le dispositif initialement envisagé par les partenaires sociaux confiait au seul employeur le soin de définir ce qu'est une augmentation exceptionnelle des bénéfices. Face au risque d'incompétence négative du législateur, le projet de loi tend à confier cette mission à la négociation collective. Toutefois, pour tenir compte des réserves émises par le Conseil d'État, les partenaires sociaux se sont à nouveau réunis pour proposer une définition qui, je l'espère, recevra un soutien massif de notre assemblée.
Dans le prolongement de la loi portant mesures d'urgence pour la protection du pouvoir d'achat, l'article 6 vise à compléter le mécanisme de la prime de partage de la valeur, la PPV, et à proroger jusqu'à fin 2026 sa composante exceptionnelle en soutien au pouvoir d'achat du personnel des seules entreprises de moins de cinquante salariés, pour qui cet outil est essentiel.
En 2022, 25 % des salariés du secteur privé avaient déjà bénéficié de la PPV, pour un montant de 4,4 milliards d'euros.
Nous souhaitons renforcer cet outil en l'inscrivant durablement dans le champ du partage de la valeur. Il s'agit, en somme, de garder ce qui fonctionne et de le pérenniser.
Sans que cela constitue une option alternative à l'actionnariat salarié, l'ANI consacre le principe de l'association des salariés à l'évolution de la valorisation de leur entreprise sur le temps long et non plus seulement à ses résultats annuels. Instauré à l'article 7, le plan de partage de la valorisation de l'entreprise permettra aux salariés, à l'issue d'une période de trois ans, de bénéficier d'une prime dont le montant dépendra du taux de progression de la valorisation au cours de la période.
Le titre III du projet de loi comporte plusieurs mesures de simplification, parmi lesquelles, par exemple, la possibilité, offerte à l'article 9, de verser en cours d'exercice des avances sur les sommes dues au titre de l'intéressement ou de la participation, ou l'aménagement des conditions d'ancienneté en matière d'intéressement et de participation dans la branche du travail temporaire, prévu à l'article 12.
Le titre IV est consacré au développement de l'actionnariat salarié. En Europe, nous sommes en pointe dans ce domaine, mais nous pouvons aller encore plus loin. Ainsi, afin d'en assurer la diffusion et de renforcer son caractère collectif, l'article 13 tend à rehausser les plafonds d'attribution d'actions gratuites, les fameuses AGA, en particulier lorsque celles-ci bénéficient à une majorité des salariés de l'entreprise. Il vise à introduire, en outre, une faculté de rechargement du plafond individuel d'attribution d'actions, fixé à 10 % du capital social de l'entreprise, en ne tenant compte que des actions détenues depuis moins de sept ans.
Enfin, l'article 14 a pour objet de renforcer le rôle de l'épargne salariale dans le financement de l'économie verte et solidaire et d'imposer que soit proposé au moins un fonds supplémentaire correspondant aux critères de financement de la transition énergétique et écologique ou de l'investissement socialement responsable. C'est une des traductions de l'ANI.
Mes chers collègues, nous nous apprêtons à débattre de la plus grande loi sur le partage de la valeur depuis la création par le général de Gaulle de l'intéressement, en 1959
Sourires et exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES
– cela vous fait rire, mais c'est le cas –, et de la participation, en 1967. Nous allons écrire une nouvelle page de l'histoire du partage de la valeur après celle qui a été écrite au sortir de la seconde guerre mondiale.
Ce projet de loi s'inscrit dans le prolongement de l'action conduite depuis 2017 par Bruno Le Maire et beaucoup d'autres ministres pour préserver le pouvoir d'achat des Français, que ce soit en les protégeant pendant la crise du covid-19 puis la crise inflationniste de 2022, en baissant leurs impôts de 52 milliards d'euros entre 2017 et 2022,…
…en supprimant la taxe d'habitation – suppression qui leur a rapporté 20 milliards de pouvoir d'achat, soit un gain de 750 euros par foyer – ou en portant à 7 500 euros le plafond des heures supplémentaires défiscalisées.
Le projet de loi ambitionne d'améliorer encore davantage le pouvoir d'achat des Français. Grâce à vous, gravons dans le marbre de la loi l'accord du 10 février conclu par les syndicats et le patronat !
De Montceau-les-Mines à Aubervilliers, en passant par Dijon, Armentières-sur-Avre, Chalon-sur-Saône, Hazebrouck, Buxy et Cayenne, le peuple français nous regarde. Du Nord au Sud, de l'Est à l'Ouest, dans l'Hexagone comme en outremer, il compte sur nous.
Exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Chers collègues, voici un texte sur lequel je vous appelle à tous nous retrouver. Il y a un an, les Françaises et les Français nous ont demandé de travailler ensemble. En adoptant ce texte largement, sans esprit partisan, nous ferons honneur à la démocratie sociale.
Votons pour le dialogue social ! Votons pour un renouveau du partage de la valeur ! Votons pour une plus grande attractivité des entreprises ! Votons pour un meilleur partage des bénéfices ! Votons pour ce qui est au fondement de notre République : l'intérêt général ! Tous ensemble.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem.
J'ai reçu de Mme Mathilde Panot et des membres du groupe La France insoumise-Nouvelle Union populaire écologique et sociale une motion de rejet préalable déposée en application de l'article 91, alinéa 5, du règlement.
La parole est à M. Matthias Tavel.
Commençons par dissiper l'enfumage. Il y a quelques instants, M. le ministre s'est gargarisé à cette tribune, vantant la démocratie sociale, qui permet que soit conclu un accord national interprofessionnel comme celui du 10 février, dont traite ce projet de loi. Mais enfin, depuis l'affaire de la pension de retraite à 1 200 euros, les Français savent bien que cette cascade a été réalisée par un professionnel du retournement de veste et du mensonge.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Lorsque M. Dussopt parle de démocratie sociale, il est aussi crédible que Gargantua qui affirmerait se lancer dans un programme minceur… Comme les ogres, les dévoreurs de droits sociaux ne sont jamais rassasiés.
En effet, monsieur Dussopt, si vous étiez sincèrement pour la démocratie sociale, et même pour la démocratie tout court, vous auriez laissé notre assemblée rejeter ou abroger la réforme des retraites.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
C'est là le premier motif de cette motion de rejet : nous ne vous laisserons pas tourner la page des retraites en instrumentalisant ce texte pour qu'il serve votre communication.
Le projet de loi que vous nous présentez n'est pour vous qu'un alibi : l'alibi du dialogue social, l'alibi du pouvoir d'achat pour un gouvernement qui n'a rien fait depuis un an pour augmenter les salaires.
C'est le second motif de cette motion de rejet : nous voulons dénoncer la censure que vous pratiquez. La hausse des salaires est, pour vous, lors de l'examen de ce texte, un débat interdit. C'est pourtant la question numéro un dans le pays, du motoriste Man Diesel à Saint-Nazaire jusqu'à Disneyland Paris, du secteur du nettoyage industriel, comme chez Atalian ou ISS, à celui de la grande distribution, comme à Carrefour ou Grand Frais, de Vertbaudet à la fonction publique.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Partout, les travailleurs réclament un juste salaire et, partout, vous y opposez !
Alors oui, nous affirmons ici que la hausse des salaires est une revendication totalement légitime. C'est une mesure d'urgence sociale, quand les prix alimentaires augmentent de 17 %.
Mêmes mouvements.
C'est une question de justice, quand les profits et les marges de bien des industries explosent, au détriment des consommateurs. C'est une nécessité économique, quand le pays va vers la récession. Enfin, c'est indispensable d'un point de vue écologique, si l'on veut que les Français puissent consommer mieux, soutenir la filière bio en difficulté et faire vivre les producteurs locaux plutôt que le low cost mondialisé.
Il y a urgence, car la prédation du capital ne ralentit pas, bien au contraire. Voyez ces grands patrons qui gagnent 1 200 fois le salaire moyen de leur entreprise, comme M. Carlos Tavares, PDG de Stellantis : il gagne plus de 4 000 fois le Smic, soit un Smic mensuel toutes les deux heures !
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
En dix ans, la rémunération des PDG du CAC40 a augmenté de 90 %. Dans les cent plus grandes entreprises françaises, entre 2011 et 2021, les versements aux actionnaires ont crû de 57 % tandis que les versements aux salariés n'ont augmenté que de 22 %.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Nous l'avons vu encore récemment chez Total : en novembre, la direction, soutenue par le Gouvernement, refusait une hausse de 10 % des salaires. Quelques semaines plus tard, le PDG s'augmentait de 23 % !
La France est un paradis pour millionnaires et actionnaires. Notre pays est le champion d'Europe du versement de dividendes aux actionnaires – champion d'Europe ! Mais, comme le disait déjà Victor Hugo, c'est de l'enfer des pauvres qu'est fait le paradis des riches.
Mêmes mouvements.
En effet, les salaires réels, c'est-à-dire une fois l'inflation prise en compte, ont baissé l'an dernier. Et le travail ne protège plus de la pauvreté, puisque la France compte 1,2 million de travailleurs pauvres.
Voilà le bilan du macronisme : l'injustice à tous les étages !
Pire encore, en 2019, 45 % des dividendes et rachats d'actions par les cent plus grandes entreprises françaises auraient suffi à couvrir leurs besoins d'investissement dans la transition écologique. Oui, les dividendes sont climaticides, les actionnaires sont écocidaires.
Mêmes mouvements.
Il y a une contradiction flagrante entre le titre et le contenu du projet de loi. Dans le titre, il est question du partage de la valeur ; dans les articles, il n'est question que du partage du profit. Or la valeur créée ne se résume pas au profit. Le profit n'est rien d'autre que la valeur créée par les salariés, valeur qui leur a été volée par un salaire plus faible que la richesse créée par leur travail. Parler de partage de la valeur en pensant au seul partage du profit, c'est exclure d'emblée d'augmenter les salaires.
M. Antoine Léaument applaudit.
Encore une fois, la V
Augmenter le Smic à 1 600 euros : irrecevable ! Indexer les salaires sur l'inflation : irrecevable ! Encadrer les écarts de salaires de 1 à 20 au sein d'une entreprise : irrecevable ! Obliger les branches à augmenter les bas salaires pour éviter l'écrasement par le Smic : irrecevable !
Revaloriser le salaire minimum des apprentis : irrecevable ! Conditionner les versements de dividendes à des hausses de salaires : irrecevable !
Exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Il en va de même quant à notre volonté de faire avancer l'égalité salariale entre femmes et hommes. Vous avez systématiquement empêché tout progrès, en refusant de renforcer la rémunération des heures complémentaires des salariés à temps partiel, de créer une commission de contrôle salarié pour vérifier l'égalité salariale dans les entreprises, d'imposer une prime dans les entreprises qui ne peuvent pas justifier qu'elles respectent l'égalité.
Telles sont les propositions que nous défendons face au refus obstiné du Gouvernement, de la minorité présidentielle, du Rassemblement national et du patronat d'augmenter les salaires et de partager les richesses !
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
Au moment du débat sur les retraites, vous avez empêché brutalement l'Assemblée de voter. Vous avez défendu ainsi le droit de veto du monarque présidentiel contre les représentants du peuple.
Voici, à l'occasion de l'examen de ce texte, une nouvelle invention de votre part. À court d'arguments, vous inventez une autre irrecevabilité, politique celle-là – patronale, devrais-je dire. Vous prétextez la nécessité de respecter l'accord pour refuser qu'on le modifie sans l'accord de tous les signataires, c'est-à-dire, selon vous, celui du patronat. Vous inventez donc à présent le droit de veto du Medef sur le Parlement.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Après l'irrecevabilité de l'article 40 sur les retraites, vous inventez l'irrecevabilité CAC40 pour les salaires !
Même mouvement.
Nous refusons cette nouvelle restriction du pouvoir de notre assemblée. Rappelons d'abord que toutes les organisations syndicales n'ont pas signé cet accord national interprofessionnel. Rappelons aussi que, le 15 juin dernier, toutes les organisations syndicales ont appelé, à l'unanimité, partout, les salariés à revendiquer, à négocier et à se mobiliser pour gagner des augmentations de salaire.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Preuve que, si ce sujet n'est pas dans l'accord du 10 février ni dans le projet de loi, ce n'est pas de la responsabilité des syndicats. C'est de votre responsabilité, monsieur le ministre, vous qui n'avez pas exigé, dans votre lettre de cadrage, qu'il fasse partie de la discussion. C'est de la responsabilité du patronat, qui a refusé qu'il en soit question. Pour notre part, nous avons toute légitimité pour défendre ce que réclame l'ensemble de l'intersyndicale unanime : des hausses de salaires !
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Plus généralement, vous faites mine d'oublier que cet accord n'est pas la démocratie sociale. La démocratie suppose l'égalité ; or il n'y a pas d'égalité entre salariés et patronat.
Cet accord est seulement l'expression d'un rapport de force dans lequel le patronat tient le stylo.
Vous faites mine d'oublier enfin qu'il est du rôle du Parlement de se prononcer sans se voir cantonné aux miettes concédées par le Medef. Il est même anticonstitutionnel d'empêcher le Parlement de se saisir pleinement de ces enjeux.
M. Louis Boyard applaudit.
En effet, l'article 34 de la Constitution prévoit que « la loi détermine les principes fondamentaux […] du droit du travail, du droit syndical et de la sécurité sociale ». C'est donc bien la loi qui décide, en la matière. Notre assemblée a donc le droit, et le devoir, d'examiner, d'amender, de compléter et, le cas échéant, de rejeter les stipulations de l'accord conclu. Les intérêts particuliers ayant conduit à la signature d'un compromis ne forment pas automatiquement l'intérêt général du pays. Telle est la conception républicaine de l'ordre public social à laquelle nous sommes si profondément attachés, comme nous le sommes à la République sociale elle-même.
En l'espèce, l'intérêt général du pays, c'est la hausse des salaires et la préservation des recettes de la sécurité sociale. Et ces deux éléments sont menacés par le projet de loi.
Ce dernier repose sur une illusion dangereuse pour les salariés. Entendons-nous bien : qu'une entreprise distribue une partie de ses bénéfices à ses salariés, c'est bien la moindre des choses. Reste que c'est déjà possible : toute entreprise, même la plus petite, a la possibilité de verser une prime exceptionnelle. En revanche, les niches sociales et fiscales au profit des primes, de l'intéressement et de la participation, sont des pousse-au-crime antisalaires et antisécu.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
C'est l'exemple de la prime Macron : elle a privé chaque salarié qui l'a touchée de 240 euros de hausse de salaire. Elle ne sert d'ailleurs qu'à ça car, pour le reste, c'est un échec : quelque 70 % des salariés ne l'ont pas touchée et ceux qui l'ont touchée ont perçu bien peu, en tout cas bien moins que les 6 000 euros du plafond relevé à grand renfort de démagogie, l'été dernier, par la minorité présidentielle.
Et vous voulez persister dans cette voie… Autrement dit, vous voulez inviter les salariés à se serrer la ceinture pour espérer percevoir une petite partie du bénéfice que leur travail gratuit aura constitué – mais après, bien sûr, que les actionnaires se seront servis du plus gros morceau.
M. Mathieu Lefèvre s'exclame.
Ce n'est pas avec des primes qu'on convainc un propriétaire de louer un appartement ni un banquier de prêter de l'argent pour l'achat d'un logement ou même une voiture ; ce n'est pas avec des primes qu'on ouvre des droits à l'assurance chômage ou à la retraite – mais avec des hausses de salaires.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Cette logique de désocialisation – comme vous l'appelez – des rémunérations est une arnaque partagée entre macronistes et lepénistes. Le mot lui-même traduit l'horreur de la chose. M. Macron comme l'extrême droite auront beau jeu ensuite de venir pleurer une prétendue décivilisation.
Mais la « désocialisation », c'est-à-dire l'affaiblissement de la sécurité sociale ,
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES
et la défiscalisation, c'est-à-dire l'appauvrissement de l'État et de ses services publics, sont au cœur de l'effondrement néolibéral de nos sociétés, de l'abandon de chacun au « tous contre tous », ce que nous nommons pour notre part la « dissociété ».
Vous versez des larmes de crocodile sur le prétendu déficit des retraites, mais vous présentez un projet de loi qui va encore affaiblir la sécurité sociale par des exonérations de cotisations.
Selon la Cour des comptes, ces dernières représentent chaque année plus de 2 milliards d'euros de manque à gagner pour la sécu. Et avec ce texte, comme avec les amendements de certains députés macronistes, vous voulez renforcer les plans d'épargne retraite par capitalisation.
Il faut également souligner que ces dispositifs de primes profitent davantage aux salaires les plus hauts qu'aux plus mal payés, davantage aux cadres qu'aux ouvriers et employés, davantage aux hommes qu'aux femmes. En les encourageant aveuglément, vous encouragez – peut-être à votre corps défendant pour certains – l'inégalité, et même l'injustice, des rémunérations. Vous avez d'ailleurs refusé, en commission, tous les garde-fous que nous avons proposés.
Le présent projet de loi ne menace pas que les salaires : il menace aussi les dispositifs existants de partage du profit. La prime Macron, décidée unilatéralement par l'employeur, risque de cannibaliser l'intéressement qui nécessite au moins un accord collectif. Le plan de valorisation de l'entreprise risque de vampiriser l'actionnariat salarié en niant, au passage, le droit de vote des salariés.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
Ce texte va menacer les maigres pouvoirs des salariés alors qu'il faudrait faire tout l'inverse – jusqu'à leur confier la direction des entreprises.
Enfin, vous prétendez lutter contre une forme de salariat à deux vitesses entre grands groupes et PME. Mais si telle était vraiment votre intention, vous lutteriez contre la sécession des ultrariches, contre les superprofits, contre les superdividendes,…
Si vous vouliez vraiment aider les PME, vous créeriez la caisse de solidarité interentreprises que nous proposons, vous plafonneriez leurs frais bancaires ,
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES
vous renforceriez les devoirs des donneurs d'ordre à l'égard des sous-traitants, vous auriez voté avec nous pour rétablir l'accès de ces mêmes PME au tarif réglementé de l'électricité, au lieu de vous y opposer.
Et, ici, vous auriez accepté les amendements de la NUPES visant à lutter contre l'évasion fiscale des grands groupes.
Mme Raquel Garrido s'exclame.
Alors, voilà : par ce texte, vous affirmez une fois de plus votre préférence actionnariale. Par notre motion de rejet, nous affirmons, nous, notre préférence salariale, notre priorité sociale.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES.
Par cette motion de rejet, nous refusons votre autoritarisme et le droit de veto du Medef sur les hausses des salaires. Nous refusons un nouvel affaiblissement de la sécurité sociale, qui vous permettra de venir ensuite exiger de nouveaux reculs en matière de droit à la retraite ou à l'assurance chômage, ou justifier de nouveaux déremboursements sur les soins dentaires, comme ceux que vous mettez déjà en œuvre, et peut-être demain sur les médicaments.
Par cette motion de rejet, nous clamons haut et fort que nous avons au contraire besoin d'une vraie loi pour la hausse des salaires et le partage des richesses.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Augmentez les salaires, pas les actionnaires ! Voilà ce que vous disent les Français. Nous refusons donc la confiscation du débat, la confiscation des richesses et, tout bonnement, la confiscation du juste salaire des travailleurs qui, seuls, dans notre pays, créent la valeur.
Les députés du groupe LFI – NUPES se lèvent et applaudissent. – M. Jérôme Guedj et Mme Sandrine Rousseau applaudissent également.
Sur la motion de rejet préalable, je suis saisie par le groupe La France insoumise-Nouvelle Union populaire, écologique et sociale d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Dans les explications de vote, la parole est à M. François Gernigon.
Le texte qui appelle notre présence aujourd'hui n'est ni plus ni moins qu'une démonstration que la démocratie sociale fonctionne en France,…
…ni plus ni moins que la transposition dans la loi d'un accord sur le partage de la valeur dans les entreprises en faveur des salariés, accord signé entre les organisations sociales et patronales qui nous demandent d'en respecter les termes.
Chers collègues, la démocratie parlementaire doit être un soutien de la démocratie sociale qui,…
…à la demande du Gouvernement, s'est exprimée pour améliorer les mécanismes existants et assurer la juste considération du travail des salariés à travers leur participation aux bénéfices de leur entreprise.
Les députés du groupe Horizons et apparentés voteront contre cette motion de rejet et espèrent que nous pourrons collectivement débattre de ce sujet crucial.
Applaudissements sur les bancs des groupes HOR et Dem ainsi que sur plusieurs bancs du groupe RE.
Affirmons-le d'emblée : ce texte n'est en rien une réponse au problème du pouvoir d'achat des Français ou de leur pouvoir de vivre.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
Les salaires augmentent moins vite que l'inflation depuis le troisième trimestre 2021 et les Français ont perdu en moyenne 720 euros de pouvoir d'achat en 2022, la facture étant encore plus salée pour les ménages ruraux et les ménages modestes.
Voilà le vrai problème des Français et ce qu'ils attendent, ce n'est pas une petite prime en 2024 mais une augmentation de salaire dès à présent car, rappelons-le, puisque vous semblez l'avoir oublié, le premier outil de partage de la valeur, c'est bien l'augmentation des salaires.
Et pourtant, rien ne figure à ce sujet dans le texte. Bien au contraire, vous développez toutes les solutions alternatives possibles pour freiner les hausses de salaires. Vous aviez déjà proposé le déplafonnement des heures supplémentaires exonérées, la monétisation des RTT, la prime Macron et maintenant ce texte sur le partage de la valeur. Le groupe Écologiste – NUPES a pourtant mis sur la table une proposition de loi comportant de nombreuses dispositions qui auraient pu relancer la dynamique salariale : augmenter le Smic et le point d'indice, conditionner les aides aux entreprises à la revalorisation des grilles salariales, réserver les exonérations dont bénéficient les bas salaires à une augmentation des salariés au Smic au bout de deux ans afin de refaire du Smic ce qu'il n'aurait jamais dû cesser d'être – un salaire d'embauche –, mais rien n'y a fait. Vous préférez la prime, alors même que vous connaissez son effet de substitution aux augmentations de salaires, en moyenne à hauteur de 30 %, selon l'Insee.
Aussi, je comprends la démarche de nos collègues du groupe LFI – NUPES face à votre cynisme et ce n'est que par respect pour la démocratie sociale qui, pour les écologistes, est l'un des piliers de la démocratie, que nous nous abstiendrons sur cette motion de rejet.
Par respect pour l'accord conclu entre les organisations syndicales et patronales, parce que le dialogue social est pour nous un bien précieux – un bien précieux que vous avez malheureusement trop souvent bafoué. Par respect, enfin, pour les organisations syndicales et leur combat pour la défense des droits des salariés – salariés auxquels je tiens à rendre hommage.
Mmes Christine Arrighi et Sandrine Rousseau applaudissent.
Bien sûr, le présent projet de loi ne réglera pas les inégalités de partage de la valeur ajoutée, pas plus qu'il ne propose de perspectives positives en matière de salaires, cela a été dit. Faut-il pour autant le balayer d'un revers de main ? Nous ne le croyons pas. Il comporte en effet des avancées qui trouveront une forme de concrétisation dans le quotidien des salariés, en matière de rémunération comme en matière de participation active à la vie de l'entreprise. Nous y tenons beaucoup et, bien que ces avancées soient timides, nous ne pouvons pas les rejeter en bloc.
Et cela d'autant plus que ce texte est la transposition d'un accord national interprofessionnel. Quel signal enverrions-nous si nous refusions d'examiner un accord né du dialogue social alors même que celui-ci avait été largement contourné par le Gouvernement, je le rappelle, ces derniers mois ? Nous avons été les premiers à appeler au respect du dialogue social dans le cadre de la réforme des retraites et les premiers à exhorter le Gouvernement à laisser les partenaires sociaux discuter des modalités de financement du système, des moyens d'améliorer notre politique en matière d'emploi des seniors ou de pénibilité. Nous voulions en effet que les partenaires sociaux présentent leurs propositions sur tout ce qui relève du travail.
Alors qu'ils parviennent à un accord majoritaire sur la question du partage de la valeur dans l'entreprise, cela nous oblige. Cela ne signifie pas que nous devons transposer à la lettre les dispositions de cet accord, que nous ne devons pas chercher à enrichir le texte de mesures supplémentaires. Nous avons notre rôle de législateur à jouer et nous essaierons de le faire du mieux possible. Au passage, le groupe LIOT regrette que le projet de loi soit si restreint. Vous aurez compris que, pour toutes ces raisons, nous ne soutiendrons pas la motion de rejet.
Chers collègues du groupe LFI – NUPES, avec cette motion de rejet, vous montrez une fois de plus qui sont vos véritables ennemis. Vous êtes les ennemis du pouvoir d'achat des Français …
Exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES
…en refusant à des millions d'entre eux l'amélioration du revenu que permettrait l'adoption de ce projet de loi. Vous êtes les ennemis de l'emploi en préconisant de manière parfaitement inconséquente des augmentations générales de salaires dont on sait bien que beaucoup d'entreprises seraient incapables de les assumer, en particulier les plus petites et les plus jeunes d'entre elles qui cesseront immédiatement d'embaucher. Vous êtes également les ennemis du dialogue social en refusant la transposition fidèle d'un accord national interprofessionnel dont on sait que la signature n'était pas du tout acquise au départ.
Je serais d'ailleurs curieux, à cet égard, de savoir ce que pensent ceux et celles qui, au sein de la NUPES, se réclament encore de la social-démocratie dont le dialogue social est un des piliers ; mais je vous laisse en discuter entre vous.
Enfin, vous êtes les ennemis du débat, tout simplement,…
…un débat qui pourrait éclairer les Français sur un sujet de préoccupation majeur pour eux.
Exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
C'est le principe même d'une motion de rejet que d'esquiver le débat. Eh bien, nous en prenons acte. Dire que tout cela nous surprend serait mentir. Voilà pourquoi le groupe Renaissance votera contre la motion de rejet.
Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe RE.
Quand on sait que c'est vous qui aviez déposé l'amendement demandant un rapport favorable à la retraite par points…
Le présent projet de loi transpose quinze des trente-six articles de l'accord national interprofessionnel voté en février dernier, ce qui permet de développer un peu plus les dispositifs en vigueur au profit des salariés. Alors, certes, le Conseil d'État indique que le critère des moins de cinquante salariés pour l'inscription dans le temps et dans le champ de l'épargne salariale de la prime de partage de la valeur marque une rupture d'égalité des salariés devant l'impôt. Certes, plusieurs mesures posent problème, comme le nouveau plan de valorisation de l'entreprise, qui consiste à intéresser financièrement les salariés à la croissance de la valeur de leur entreprise et qui concurrencera peut-être l'actionnariat salarié. Certes, le développement des outils de partage de la valeur ne doit pas se faire au détriment de l'augmentation des salaires, qui reste le meilleur partage de la valeur.
Certes, ce projet de loi ne comporte aucune disposition contre la pratique de la fraude fiscale évaluée à environ 40 milliards d'euros, soit vingt fois plus qu'au début des années 2000, ce qui grève, bien sûr, la participation des salariés.
Toutefois, ce projet de loi va permettre d'étendre la participation dans les entreprises de moins de cinquante salariés, de faire profiter les salariés des bénéfices exceptionnels de leur entreprise et de développer l'actionnariat salarié dans le capital des entreprises françaises. Surtout, c'est une transposition dans la loi de l'accord national interprofessionnel signé en février de cette année par toutes les organisations syndicales et patronales – à l'exception, il est vrai, de la CGT –, au terme de plusieurs semaines de discussions. Dès lors, ne pas en discuter serait une trahison vis-à-vis de ces syndicats et des différents organismes dont nous avons pu auditionner des représentants, qui se sont tous déclarés en faveur d'une évolution des dispositifs de partage de la valeur.
Aussi, dans la mesure où nous ne sommes pas liés à la CGT comme peuvent l'être les membres de l'intergroupe NUPES, voterons-nous contre la motion de rejet, dans l'intérêt des salariés et des Français.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RN.
Le projet de loi que vous nous demandez de voter aujourd'hui est complètement hypocrite. C'est un cadeau de plus aux patrons et aux superprofiteurs. C'est une insulte aux travailleuses et aux travailleurs du pays car il ne propose que des primes et des mesures qui affaiblissent notre système social et le mettent en danger.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Rien sur le Smic ni sur la taxation des superprofits ! Rien sur l'égalité salariale entre les femmes et les hommes !
Le pouvoir d'achat recule sous le coup de l'inflation et le pays compte 1,2 million de travailleuses et de travailleurs pauvres. Vous refusez pourtant d'agir alors que vous auriez pu améliorer cet accord en proposant, au minimum, l'augmentation du Smic. Vous préférez condamner le peuple et les générations futures à deux années de travail supplémentaires avec votre réforme des retraites brutale, injuste et impopulaire plutôt que d'exiger de vos amis super-riches de mettre la main à la poche.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES. –Mme Sandrine Rousseau applaudit également.
Vous obligez ainsi les salariés – à Monoprix, Total, Geodis, Ibis et ailleurs – à se mettre en grève pour obtenir des augmentations de salaires car c'est bien grâce à la grève que les salaires sont augmentés. Je tiens ici à rendre hommage aux soixante-douze travailleuses de Vertbaudet. Elles ont arraché la victoire après avoir tenu deux mois sans salaire.
Plusieurs députés du groupe LFI – NUPES se lèvent et applaudissent. – Les autres députés du groupe LFI – NUPES ainsi que Mme Sandrine Rousseau applaudissent également.
Adoptez notre motion de rejet et rejetez ce texte vide ! Le peuple de France, dont nous sommes les représentants, veut travailler dignement pour gagner sa vie dignement. Ce texte ne le lui permettra pas.
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES et Écolo – NUPES.
Il était temps que l'Assemblée nationale se saisisse de la question du partage de la valeur dans l'entreprise. En effet, le rapport de la mission d'information présenté en avril dernier montre les carences du droit en vigueur et la nécessité de l'aménager.
Un projet de loi sur cette question peut servir de prétexte pour évoquer l'emploi, le pouvoir d'achat, la rémunération ou même la place du travail dans notre société. C'est bien ce que cherche à faire la NUPES pour déporter notre attention du vrai sujet qui est celui du respect du dialogue social et du chemin tracé par le travail des organisations syndicales et des organisations patronales pour le bénéfice des travailleurs.
Ne pas valider cet accord national interprofessionnel serait faire insulte aux partenaires sociaux.
M. Mathieu Lefèvre applaudit.
Cela reviendrait en effet à leur dire que leur travail est à jeter et que la démocratie parlementaire, qui serait la seule détentrice de la vérité, pourrait écraser la démocratie sociale. Avec mes collègues du groupe Les Républicains, nous ne partageons pas cette vision. Nous considérons au contraire que, par respect pour les partenaires sociaux, il faut voter ce projet de loi qui vise à transcrire un accord qu'ils ont élaboré. Nous voterons donc contre la motion de rejet. Voter en sa faveur revient à opposer une fin de non-recevoir au dialogue social, aux patrons et aux salariés. Ce serait insupportable pour moi !
Applaudissements sur quelques bancs des groupes RE et Dem.
Comme de coutume, plusieurs d'entre nous écriront un livre à la fin de la législature pour raconter leur expérience de député.
Après le célèbre et excellent Manuel de survie à l'Assemblée nationale de Jean-Jacques Urvoas, nos collègues de La France insoumise pourraient sans mal publier un épais manuel de l'opposition stérile.
Exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Ils pourront y dédier un chapitre entier au tour de force qu'ils ont réalisé aujourd'hui : celui de fouler aux pieds le dialogue social en proposant de soustraire à l'examen de l'Assemblée nationale un texte majeur pour le pouvoir d'achat des salariés, en particulier ceux des petites et moyennes entreprises.
Le groupe Démocrate est impatient de commencer l'examen de ce projet de loi, fruit d'un quasi-consensus entre les partenaires sociaux. Il nous donne en effet l'occasion unique de mieux associer les salariés à la valeur qu'ils contribuent à créer. Mais comme il ne correspond pas exactement à sa vision punitive,…
…le groupe LFI – NUPES a déposé une motion de rejet préalable. Collègues mélenchonistes, obsédés que vous êtes par le grand soir, vous refusez de débattre du moindre pas en avant, du moindre compromis entre patrons et salariés.
Vous prétendez défendre les travailleurs les plus modestes, mais est-ce les aider que de refuser d'examiner ce projet de loi ? Non ! Vous dites soutenir la négociation syndicale, mais où est la logique lorsque vous vous dérobez au moment de la transcrire dans la loi ? Nulle part ! Quelles avancées concrètes proposez-vous ? Aucune !
Le partage de la valeur dans l'entreprise représente plus de 18 milliards versés chaque année, soit environ 2 500 euros par salarié dans les structures de plus de dix personnes. Si nous votons ce texte, demain, les salariés de plus de 50 000 entreprises supplémentaires bénéficieront d'un dispositif de partage de la valeur, l'actionnariat salarié sera lui aussi élargi et une épargne salariale plus importante contribuera à la transition écologique.
…le groupe Démocrate rejettera la motion de rejet : il tient à débattre avant de voter ce texte sur le partage de la valeur. Faisons-le, chers collègues !
Applaudissements sur les bancs du groupe Dem et sur quelques bancs des groupes RE et HOR.
Il y a une contradiction à, d'un côté, vanter les vertus du dialogue social et, de l'autre, comme vient de le faire à l'instant Bruno Millienne, à stigmatiser un des partenaires sociaux pour avoir refusé de signer l'accord
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES et sur plusieurs bancs du groupe Écolo – NUPES.
C'est en effet le propre du dialogue social de ne pas toujours aboutir.
Je vous invite donc à tempérer vos excès d'enthousiasme sur ce texte, comme ceux dont a fait preuve Marc Ferracci, en en faisant l'alpha et l'oméga du partage de la valeur. Le projet de loi souffre en effet d'insuffisances manifestes, qui ne procèdent pas uniquement de la qualité du dialogue social. Je rappelle que celui-ci était cadré, en application de l'article L. 1 du code du travail, par le document d'orientation de M. le ministre, qui, à aucun moment, n'a mentionné la question des salaires. C'est bien la preuve que le Gouvernement souhaite évacuer l'augmentation des salaires du dialogue sur le partage de la valeur.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES et sur plusieurs bancs du groupe Écolo – NUPES.
Nous sommes frustrés par ce cadenassage du travail des partenaires sociaux, qui n'est pas sans rappeler celui du travail des parlementaires.
Cela dit, par respect pour la démocratie sociale et pour le dialogue social, nous souhaitons que le débat ait lieu. Il sera l'occasion pour nous de vous interroger sur votre posture de gardiens zélés du dialogue social, sur ce qui est pour vous acceptable et ce qui ne l'est pas. Votre conception de la démocratie sociale se confrontera à celle que nous appelons de nos vœux, mais aussi à notre conception de la démocratie parlementaire, qui ne peut se soumettre à la démocratie sociale. Nous nous abstiendrons donc sur cette motion de rejet.
Mme Sandrine Rousseau applaudit.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 110
Nombre de suffrages exprimés 106
Majorité absolue 54
Pour l'adoption 32
Contre 74
La motion de rejet préalable n'est pas adoptée.
Depuis 2017, notre majorité a défendu plusieurs réformes ambitieuses avec pour objectif fondamental d'atteindre le plein emploi. Depuis quarante ans, le taux de chômage n'a jamais été aussi bas. Nous pouvons en être fiers, mais l'emploi ne se résume pas à des chiffres : il s'agit aussi de permettre à chacun de travailler dans de meilleures conditions et d'être mieux reconnu.
Dans cette perspective, le partage de la valeur en entreprise est un outil de premier ordre. L'accord national interprofessionnel acquiert donc une importance cruciale car il est un moyen de concrétiser des engagements et de poursuivre notre mission collective pour rendre le marché du travail plus équitable et plus inclusif. Sa signature le 10 février 2023 par les trois principales organisations patronales et par quatre des cinq organisations syndicales représentatives est le résultat d'un effort conjoint. La mobilisation des acteurs sociaux dans l'élaboration de cet accord est un exemple de collaboration et démontre que la démocratie sociale reste une force motrice pour l'amélioration des droits des travailleurs et du fonctionnement des entreprises dans notre pays.
L'ANI répond à un double objectif : améliorer la répartition de la valeur créée et mieux récompenser les salariés en cas de performances exceptionnelles des entreprises. Il le fait en incluant davantage les salariés dans le partage des bénéfices de l'entreprise.
Cet accord s'inscrit dans le prolongement des initiatives du Gouvernement et de notre majorité pour booster l'intéressement et la participation, spécialement dans les petites entreprises, initiatives dont la loi Pacte de 2019 est un exemple important. Il est également la suite logique de la loi du 16 août 2022 portant mesures d'urgence pour la protection du pouvoir d'achat, qui a créé la prime de partage de la valeur. Il renforce en effet cette prime dont ont déjà bénéficié plus de 5 millions de salariés l'année dernière et dont les limites ont été augmentées à 3 000 euros par an par bénéficiaire sans conditions et jusqu'à 6 000 euros pour les entreprises ayant adopté un accord d'intéressement ou de participation volontaire.
L'article 3 du projet de loi marque une étape importante dans le parcours vers une meilleure équité puisqu'il permet aux entreprises de onze à cinquante salariés de mettre en place un dispositif de partage de la valeur, tout en leur offrant une certaine latitude quant à sa nature : participation, intéressement, prime de partage de la valeur, contribution à un plan d'épargne entreprise ou à un plan d'épargne retraite.
L'article 5 prévoit l'obligation, dans les entreprises de plus de cinquante salariés, d'ouvrir des négociations afin de verser un supplément aux salariés en cas de résultats réalisés en France et présentant un caractère exceptionnel – que les organisations patronales et syndicales n'ont pas souhaité définir et qu'il nous appartiendra donc de préciser au cours de ce débat. J'ai ainsi déposé, avec mes collègues du groupe Horizons et apparentés, un amendement afin de préciser les critères qui devront être pris en compte pour la définition de l'augmentation exceptionnelle du bénéfice.
Pour conclure, je tiens à saluer l'engagement du Gouvernement, son soutien indéfectible à cet accord et sa détermination à transposer fidèlement et rapidement ses termes dans la loi. Cette démarche témoigne de l'importance accordée à la démocratie sociale et au travail accompli en collaboration avec les partenaires sociaux. Il va sans dire que le groupe Horizons et apparentés apportera son soutien sans réserve à ce texte.
Applaudissements sur les bancs du groupe HOR et sur quelques bancs du groupe RE.
Je l'ai déjà dit : ce texte n'est en rien une réponse aux problèmes de pouvoir d'achat des Français. Le premier outil de partage de la valeur est l'augmentation des salaires et c'est ce qu'attendent les Françaises et les Français. Nous ne sommes pas dupes : cette négociation sur le partage de la valeur est le énième épisode de votre politique constante de développement des options alternatives visant à freiner les augmentations de salaires.
Néanmoins, nous aurions pu soutenir ce projet de loi, s'il avait étendu l'obligation de la participation aux entreprises de onze à cinquante salariés. Cela aurait constitué une avancée réelle, car, dans notre pays, le salariat est à deux vitesses, avec, d'un côté, les salariés des grands groupes, qui sont les mieux rémunérés et ont accès à l'intéressement, à la participation et à l'épargne salariale, de l'autre les salariés des très petites entreprises TPE – très petites entreprises – et PME qui, outre qu'ils sont bien moins rémunérés, sont privés de ces avantages. Toutefois, le texte ne prévoit pas une telle extension ; de plus, il n'aura en l'état qu'une portée très faible, pour trois raisons.
Premièrement, vous introduisez cyniquement la prime Macron parmi les outils de partage de la valeur, en la rebaptisant habilement « prime de partage de la valeur ». C'est une nouvelle opération de communication en faveur de cette prime qui, comme je l'ai rappelé, a un effet d'éviction de 30 % en moyenne sur les augmentations de salaire, outre qu'elle cannibalisera l'intéressement, parce que le recours à celle-ci est beaucoup plus simple et moins coûteux. Alors que l'intéressement et la participation sont, eux, des dispositifs vertueux, négociés, qui fédèrent un collectif de travail autour d'objectifs partagés, vous préférez promouvoir la prime, en prétendant qu'elle est plébiscitée. Elle l'est, mais par les employeurs, puisqu'elle n'implique aucune charge, aucune négociation et leur donne un argument pour proposer de moindres augmentations de salaires. Les salariés, eux, veulent une augmentation salariale, mensuelle, pour payer leurs factures, emprunter, se projeter dans l'avenir.
Deuxièmement, si vous prévoyez l'obligation légale, pour les entreprises de onze à cinquante salariés, d'instaurer un dispositif de partage de la valeur, vous ne fixez aucun montant minimum, si bien que les employeurs pourront se contenter de verser une prime de 1 euro.
Troisièmement, le versement, prévu par le texte, d'une prime exceptionnelle quand l'entreprise réalise des résultats exceptionnels s'accompagne d'une simple obligation de négociation sur la définition des résultats exceptionnels – rien n'est prévu si la négociation échoue. Autant dire que l'effectivité de ce droit dépend entièrement de la bonne volonté de l'employeur.
Les écologistes sont de fervents défenseurs de la démocratie sociale, sans laquelle il n'y a pas de démocratie tout court – je rends ici hommage aux organisations syndicales et aux 2,5 millions de syndiqués en France, qui chaque jour ont le courage de défendre les salariés. Mais rien ne nous empêche, nous, parlementaires, d'améliorer le texte. Nos amendements visent à en renforcer la portée, en réservant les exonérations à la participation et l'intéressement ; en fixant un montant minimum pour la prime versée dans les entreprises de onze à cinquante salariés ; en proposant une définition supplétive des résultats exceptionnels, en cas d'échec de la négociation.
Surtout, nous devons absolument, au travers de ce projet de loi, nous attaquer aux employeurs peu scrupuleux qui privent les salariés de leur droit à la participation, en déplaçant la valeur ajoutée dans des holdings, en France ou à l'étranger. Comment évoquer un juste partage de la valeur si les salariés injustement privés de leur participation ne peuvent même pas poursuivre leur employeur pour obtenir réparation, à cause de l'article L. 3326-1 du code du travail, un verrou juridique qui n'a qu'un seul effet, protéger les employeurs douteux de telles poursuites ? Dans les affaires Xerox, Wolters Kluwer, MacDonalds, qui ont défrayé la chronique, les salariés demandant leur juste droit à participation ont été déboutés sur le fondement de ce fameux article. Dans le cas de Procter & Gamble, 5,5 milliards d'euros de valeur ajoutée ont été transférés en Suisse par le biais de prix de transfert, occasionnant une perte de 371 millions d'euros de participation pour les salariés. Pour General Electric, le transfert de base fiscale est estimé à 850 milliards d'euros pour les années 2015 à 2020, occasionnant une perte de participation de 10,5 millions d'euros pour les salariés. Pour nous, ce sera l'épreuve de vérité de ce texte. Êtes-vous là pour protéger les employeurs malhonnêtes ou pour défendre le juste droit des salariés à la participation ?
Je rends hommage au travail et à la qualité d'écoute du rapporteur, Louis Margueritte, avec qui le dialogue fut constructif malgré nos désaccords. Je ne peux qu'espérer qu'il soit mieux écouté, à son tour, par le Gouvernement.
Applaudissements sur les bancs du groupe Écolo – NUPES.
C'est une opération « pousse mousse ». La mousse vise à faire croire que le Gouvernement est favorable au partage ; pas n'importe quel partage, le partage de la valeur, presque le partage des richesses, un dispositif complètement disruptif – rien à voir avec la réforme des retraites. La mousse vise à nous faire croire que les relations sociales dans le pays ont atteint le nirvana, après la signature d'un accord qu'il nous est demandé d'inscrire dans la loi.
Même si, moi aussi, j'aime beaucoup la fiction, vous aurez du mal à nous embarquer dans un tel délire, car l'histoire que le Président et ses amis continuent d'écrire, jour après jour, est celle où l'abondance est réservée à quelques-uns, celle des inégalités, des bas salaires, des lendemains incertains, des comptes de la sécurité sociale asséchés et des retraites rabotées. Tout a été fait pour organiser à chaque occasion le contournement du salaire, et même sa relégation au second plan.
Nous contestons la feuille de route que vous avez imposée, dont résulte le présent accord, qui ne fait pas l'unanimité. Quand parlerons-nous du salaire ? Il faut se battre pour vous arracher la retranscription du principe, pourtant inscrit dans l'accord, selon lequel les primes prévues « complètent la rémunération salariale et ne s'y substituent pas ». C'est pourtant déjà le cas à hauteur de 30 % et le phénomène risque de s'amplifier. Nous vivons chaque jour un peu plus sous l'empire du profit. Entre 2011 et 2021, selon les derniers rapports d'Oxfam, la part dédiée à la rémunération du travail dans la valeur ajoutée a chuté de 10 points dans les cent plus grandes entreprises françaises cotées. Celles-ci ont versé à leurs actionnaires en moyenne 71 % des bénéfices réalisés chaque année. La rémunération de leurs PDG a augmenté de 66 % tandis que celle des salariés n'a crû que de 21 % et le Smic, de 14 %.
Les politiques conduites par le Président, ses gouvernements et ses majorités, ont accompagné, accrédité, accéléré ce mouvement : toujours plus pour les grands possédants, les dominants, au détriment de celles et ceux qui n'ont pour vivre que leur force de travail, alors même que c'est leur travail qui crée les richesses.
Le partage de la valeur commence par le salaire, il réside même essentiellement dans le salaire. Le salaire installe la rémunération dans la durée, garantit les droits, constitue un fil rouge tout au long de la carrière professionnelle. Ce n'est pas nous que vous devrez convaincre qu'il faut mieux partager les richesses, mais ce n'est pas à nous que vous ferez croire que vous voulez vraiment le faire avec ce texte. Pour notre part, nous proposons depuis bien longtemps, par exemple, une échelle des salaires permettant de limiter les écarts de rémunération.
Les effets positifs de cet accord seront limités. Quant aux effets négatifs, ils ne font aucun doute. Vous n'en finissez plus de priver la sécurité sociale de ressources, vous êtes allergiques à l'idée même de cotisations sociales – c'est du moins le sentiment que vous nous donnez. Pourtant, les cotisations sociales, ce n'est pas sale ; elles nous permettent de nous assurer mutuellement face aux aléas de l'existence. Vous opérez d'ailleurs un glissement : la suppression des ressources allouées à la sécurité sociale et aux retraites va de pair avec la promotion des plans de capitalisation. Nous le savions déjà, lorsque vous vous livriez à de grandes tirades selon lesquelles vous travailliez à sauver le système par répartition. La religion de la prime fait système avec la capitalisation. La valeur doit être partagée au sein de l'entreprise, bien sûr, mais aussi au sein de toute la société, grâce à l'impôt et à la justice fiscale. Vous essayez de vendre l'illusion de l'actionnariat salarié comme une libération, comme si, en distribuant quelques actions qui ne donnent aucun pouvoir réel, on abolissait le lien de subordination entre l'employeur et le salarié, la contradiction de classe. Il ne s'agit que de faire semblant, de créer la confusion.
Accordez plutôt des salaires justes et de vrais pouvoirs aux salariés ! Vous leur en avez retiré, y compris au détriment de leur santé et de leur sécurité. J'ai à ce titre une pensée mobilisée pour les salariés d'ArcelorMittal. L'inspection du travail vient de prononcer l'arrêt de l'activité pour les protéger de l'exposition grave à des émissions cancérigènes, mutagènes et reprotoxiques à Fos-sur-Mer.
Cet accord, dont on a le sentiment qu'il a été signé faute de mieux, ne fait pas, comme on dit, la rue Michel. Il fait pour partie reposer le partage de la valeur sur les finances de la sécurité sociale et de l'État. Vous avez donné une mauvaise feuille de route aux organisations syndicales et patronales. La puissance publique doit prendre parti autrement dans les rapports sociaux, en faveur de celles et ceux qui les subissent. Nous n'examinons pas ce texte de manière neutre, parce qu'au stade où nous en sommes, il nous engage et que la manière dont il transcrit l'ANI n'est pas neutre non plus. Pour faire beaucoup de mousse, il n'y a pas besoin de beaucoup de savon.
Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et Écolo – NUPES. – M. Adrien Quatennens applaudit également.
Cela a déjà été indiqué, si nous ne devions retenir qu'une donnée, ce serait celle tirée du rapport Oxfam : en dix ans, dans les cent plus grandes entreprises françaises cotées, la dépense par salarié a augmenté de 22 % et les versements aux actionnaires de 57 %. C'est la preuve d'un écueil majeur de notre système de répartition des richesses au sein des entreprises, et plus largement au sein de la société : en dépit de la volonté de développer des outils de partage de la valeur ces dernières années, nous touchons du doigt leurs limites. Nous ne pouvons demeurer indifférents, d'une part, à l'accroissement démesuré des rémunérations sous forme de dividendes et d'actions ; d'autre part, aux difficultés croissantes des salariés pour vivre des fruits de leur travail. Cette impasse doit au minimum nous pousser à nous interroger sur notre capacité à lutter réellement contre les injustices sociales.
Le présent projet de loi ne supprimera pas cet écueil. Néanmoins, notre groupe se satisfait de voir advenir un accord national interprofessionnel. Le dialogue social fonctionne bien lorsque nous laissons les partenaires sociaux négocier, d'autant que le partage de la valeur est essentiel pour accroître le pouvoir d'achat, préoccupation majeure de nos concitoyens, mais aussi pour tenir compte de l'évolution du rapport au travail et de la demande d'engagement au sein des entreprises.
Toutefois le présent projet de loi ne reprend pas toujours intégralement le contenu de l'accord national interprofessionnel, ce qui remet en cause son équilibre. Nous proposerons donc quelques ajustements. Si le groupe Libertés, indépendants, outre-mer et territoires soutient le développement du partage de la valeur, nous vous alertons sur deux points.
Tout d'abord, ces outils ne peuvent pas ni ne doivent se substituer aux salaires. Considérer que les problèmes de rémunération se régleront par ce biais serait erroné. Les primes ne constituent pas une politique salariale satisfaisante. Il conviendrait donc au moins de décorréler les négociations portant sur les salaires de celles relatives au partage de la valeur ; nous défendrons un amendement en ce sens. Il conviendra d'être très vigilants sur les effets d'aubaine : les effets de substitution de la prime Macron aux salaires sont par exemple importants ; ils ont empêché entre 15 et 40 euros d'augmentation salariale.
Autre problème, ces outils ne profitent pas à tous les salariés ni à toutes les entreprises, et le texte ne rendra pas ces primes automatiques. Enfin, le calcul des primes avantage parfois le haut de l'échelle des salaires plutôt que les plus petites rémunérations. Sur ce point, l'ANI propose toutefois des évolutions intéressantes. À l'inverse, alors que la prise en compte des résultats exceptionnels devrait constituer un point important du texte, elle ne donne lieu qu'à des dispositions timides ; rien ne garantit qu'elle aboutira.
Nos réserves s'expliquent également par la complexité de ces outils. Une réflexion sur les règles en matière de régime fiscal et social nous paraît nécessaire, pour les rendre plus accessibles, compréhensibles, mais aussi pour mesurer leur impact sur la sécurité sociale. En effet, la Dares – la direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques – estime que les dépenses fiscales et sociales liées aux dispositifs de partage de la valeur ont réduit les recettes de la sécurité sociale de 8 milliards d'euros entre 2018 et 2022. C'est loin d'être anodin alors que les recettes manquent cruellement pour pérenniser notre modèle de protection sociale. Par ailleurs, la prorogation de régimes sociaux et fiscaux qui devaient être exceptionnels risque de poser quelques problèmes en matière d'égalité devant les charges publiques. Nous y reviendrons.
Notre groupe estime qu'une discussion sur le partage de la valeur dans les entreprises doit permettre d'envisager une plus grande conditionnalité des aides. Nous défendrons un amendement ayant pour objectif d'inscrire dans la loi la possibilité d'intégrer des critères RSE – responsabilité sociale des entreprises –, les critères financiers ne devant pas être les seuls à figurer dans les accords. Dans le même esprit, la prise en compte des résultats exceptionnels dans le texte nous paraît encore timide et gagnerait à être plus encadrée, de même que la définition de ces résultats, qui demeure assez élastique.
Ces remarques faites, notre groupe soutiendra le projet de loi.
M. Karl Olive applaudit.
Depuis 2017, nous menons des réformes pour favoriser le partage de la valeur. Ainsi, depuis le vote de la loi Pacte en 2019, des accords d'intéressement et de participation existent dans les PME. Plus récemment, en août 2022, avec la loi portant mesures d'urgence pour la protection du pouvoir d'achat, le recours à l'intéressement a été facilité au sein des PME et nous avons créé une nouvelle prime de partage de la valeur, qui a remplacé la prime exceptionnelle de pouvoir d'achat, dite prime Macron.
Mais nous souhaitons aller plus loin. C'est pourquoi, en septembre dernier, le Gouvernement a invité les partenaires sociaux à engager une négociation nationale interprofessionnelle afin de renforcer le partage de la valeur au sein des entreprises et de mieux associer les salariés aux performances de ces dernières.
Les partenaires sociaux se sont approprié le sujet et ont entamé les négociations. C'est sur cette base qu'un accord national interprofessionnel a été conclu le 10 février 2023, signé par les organisations patronales – Medef, CPME et U2P – ainsi que la CFDT, la CGC, la CFTC et Force ouvrière.
Le Gouvernement s'est engagé à le transposer fidèlement, grâce à des mesures ambitieuses. La première est l'instauration obligatoire, pour les entreprises de onze à quarante-neuf salariés, d'un dispositif de partage de la valeur – accord de participation, accord d'intéressement, versement d'une prime de partage de la valeur ou abondement d'un plan d'épargne salariale. La seconde prévoit l'instauration d'une obligation de négociation afin de prendre en compte les résultats exceptionnels pour les entreprises d'au moins cinquante salariés.
Les débats en commission des affaires sociales ont été relativement constructifs. La majorité a notamment fait adopter un amendement sur la mixité des métiers, afin d'instaurer un bilan des actions des branches en faveur de la promotion et de l'amélioration de cette mixité, conformément à l'article 4 de l'ANI.
Nous avons également adopté un amendement du rapporteur visant à accélérer la généralisation des dispositifs de partage de la valeur dans les entreprises de onze à cinquante salariés, en avançant à 2024 la mise en œuvre du dispositif prévu à l'article 3 du projet de loi.
Pour faire suite à nos débats en commission et aux échanges qui avaient lieu simultanément entre les partenaires sociaux, nous proposerons un amendement d'équilibre réaffirmant le principe de non-substitution : les sommes versées au titre de dispositifs de partage de la valeur ne peuvent se substituer aux salaires. Nous proposerons également un amendement sur les bénéfices exceptionnels afin de répondre aux manques pointés par le Conseil d'État.
Un de nos amendements visera à transposer l'article 15 de l'ANI afin que les accords d'intéressement intègrent des critères relevant de la responsabilité sociale et environnementale de l'entreprise. Enfin, en accord avec les organisations syndicales signataires, nous proposons d'appliquer les obligations prévues à l'article 3 du projet de loi aux entreprises de l'économie sociale et solidaire.
Pour conclure, je souhaite exprimer un regret : celui qu'une fois de plus, un certain groupe de l'opposition se serve de cette tribune pour faire son show médiatique et mentir aux Français. Qui sommes-nous pour nous opposer à un accord signé par tant de partenaires sociaux ? Qui sommes-nous pour remettre en cause de nouveaux dispositifs qui augmenteront le pouvoir d'achat de près de 1,5 million de Français ?
Certes, nous ne serons jamais d'accord sur la question des salaires, mais comment pouvez-vous refuser les mesures issues d'un tel accord, alors que le projet de loi n'empêche à aucun moment les entreprises d'augmenter les salaires – il y a eu des hausses dans certains secteurs ?
Nous ne pouvons plus vous laisser dire que les patrons sont avides, qu'ils ne partagent pas ou rechignent à partager certains bénéfices. C'est faux !
Les masques tombent : vous ne respectez pas le dialogue et la démocratie sociale. Le groupe Renaissance, fidèle à son engagement de respect de la démocratie sociale ,
Exclamations et rires sur les bancs du groupe LFI – NUPES
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE. – Mme Anne Bergantz applaudit également.
Le partage de la valeur entre salariés et actionnaires dans les entreprises constitue un enjeu majeur des années à venir, tant pour le pouvoir d'achat que pour réconcilier les Français avec le monde de l'entreprise. Un fossé s'est creusé ces dernières années entre salariés et actionnaires : dans la répartition de la valeur ajoutée entre travail et capital, celui-ci est, depuis trente ans, avantagé au détriment de celui-là.
En 2020, la France se classe en deuxième position en Europe derrière la Slovénie pour le développement des dispositifs de partage de la valeur. La loi Pacte de 2019, la loi du 7 décembre 2020 d'accélération et de simplification de l'action publique, dite ASAP, et celle portant mesures d'urgence pour la protection du pouvoir d'achat, l'an dernier, ont beaucoup contribué au déploiement des différents dispositifs, en simplifiant les procédures administratives pour les chefs d'entreprise et en sécurisant les entreprises une fois l'accord mis en place.
Ce projet de loi transpose quinze des trente-cinq articles de l'ANI voté en février 2023 et c'est un pas de plus vers le développement des dispositifs au profit des salariés. Le déploiement de la participation et de l'intéressement dans les entreprises de moins de cinquante salariés devrait se traduire par plus de productivité dans ces dernières.
La possibilité de négocier un accord de participation d'ici juin 2024, avec une liberté totale sur la fixation de la formule du calcul de la participation – qui pourra être moins-disante que la formule légale –, ou la généralisation des dispositifs de partage de la valeur aux entreprises de onze à cinquante salariés qui réalisent des bénéfices récurrents doivent contribuer à l'extension de la participation dans les entreprises de moins de cinquante salariés. En faisant bénéficier les salariés des bénéfices exceptionnels de leur entreprise, il s'agit d'œuvrer en faveur de la justice sociale, même s'il est regrettable que le législateur n'ait pas défini ce qu'est une augmentation exceptionnelle des bénéfices.
L'inscription dans le temps et dans le champ de l'épargne salariale de la prime de partage de la valeur, prolongée jusqu'au 31 décembre 2026, vise quant à elle à répondre à la problématique du pouvoir d'achat. Toutefois, le Conseil d'État estime que le critère lié à la taille de l'entreprise – moins de cinquante salariés –, qui permet de bénéficier d'une exonération de l'impôt sur le revenu en cas de placement dans de l'épargne salariale, porte atteinte au principe d'égalité devant l'impôt.
L'augmentation des plafonds de capital pour les attributions d'actions gratuites devrait contribuer à atteindre l'objectif affiché de 10 % d'actionnariat salarié français dans le capital des entreprises françaises à l'horizon de 2030. Il s'agit d'un enjeu de souveraineté économique, de confiance et d'implication à long terme des salariés dans leur entreprise, mais aussi du renforcement de la responsabilité sociale des entreprises.
Toutefois, ce projet de loi comporte des incohérences. Ainsi, les entreprises de l'économie sociale et solidaire sont soumises aux dispositions relatives à la participation, alors qu'elles n'ont pas de but lucratif et ne dégagent donc pas de bénéfices – nous l'avons évoqué en commission.
Certaines remarques ont également été formulées lors des auditions. Ainsi, le nouveau plan de valorisation de l'entreprise, qui consiste à intéresser financièrement les salariés à la croissance de la valeur de leur entreprise, risque de concurrencer et de fragiliser l'actionnariat salarié dans certaines entreprises cotées, plus compliqué à mettre en œuvre.
Lors des auditions, on nous a aussi indiqué qu'il est nécessaire que les dispositifs de partage de la valeur soient plus lisibles et on a plaidé pour une certaine stabilité, tant sur le plan législatif que social et fiscal. Il est également important que le développement de ces outils de partage de valeur ne se fasse pas au détriment de l'augmentation des salaires, qui reste le meilleur d'entre eux. Dans le cadre des négociations obligatoires prévues par le code du travail, il faudra imposer que celles sur les salaires soient bien séparées de celles sur les dispositifs d'épargne salariale. C'est une demande des organisations syndicales.
Selon le Centre national de la recherche scientifique (CNRS), la participation et l'intéressement représentent 6 % de la masse salariale dans les entreprises où ils ont été mis en place ; l'impact négatif sur les augmentations de salaires correspond à 2 % de la masse salariale.
Contrairement à ce que répète à l'envi la NUPES, le RN permettra aux entreprises qui le souhaitent d'augmenter de 10 % les salaires inférieurs à trois fois le Smic, en exonérant ces hausses de charges patronales.
M. Louis Boyard et Mme Aurélie Trouvé s'exclament.
Enfin, le partage de la valeur est faussé par la fraude fiscale, évaluée à environ 40 milliards d'euros. Nous regrettons que le projet de loi ne comporte aucune disposition visant à lutter contre les transferts de profits, qui grèvent la participation des salariés.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Lorsque nous avons su que le Gouvernement déposait un projet de loi visant le partage de la valeur au sein de l'entreprise, je me suis dit qu'enfin, nous allions discuter des salaires et proposer – pourquoi pas – des solutions à tous les gens qui souffrent de l'inflation dans ce pays. Ce serait la moindre des choses quand on sait que les salaires subissent une chute historique de plus de 2 %, alors que l'inflation est au plus haut et que, dans le même temps, les profits augmentent de façon inouïe. Pleine d'espoir, j'ai pensé que, peut-être, le caractère exceptionnel de cette situation pourrait amener le plus néolibéral de tous les présidents de la V
J'ai donc parcouru le projet de loi avec grand intérêt, cherchant où il était question de salaires et de profits. Et là, surprise, de l'article 1er à l'article 15, pas une seule disposition n'organise la hausse des salaires. Pas une seule ! On nous propose donc un texte consacré au partage de la valeur dans l'entreprise qui ne traite, en fait, jamais du partage de la valeur.
Vous auriez dû intituler votre projet de loi « tout sauf les salaires » : primes, intéressement, participation mais, jamais au grand jamais, les salaires ! Que se passe-t-il ? Le Smic suit l'inflation, c'est bien normal – c'est la loi –, mais vous refusez de faire quoi que ce soit de plus. En conséquence, les salaires tout juste supérieurs au Smic se tassent. Et tant pis pour Sylvie, salariée de Monoprix, trente-huit ans d'ancienneté, qui gagne 50 euros de plus que le Smic.
Tout sauf les salaires, mais quelques primes que les patrons peuvent distribuer selon leur bonne volonté : Sylvie, toujours elle, en perçoit quelques-unes, minuscules et rognées en cas de congé maladie. Ces primes permettent aux grands patrons d'exiger que les salariés viennent travailler même lorsqu'ils sont malades à en crever ! Voilà ce que vous voulez encourager, et ce dont rêvent tous les patrons, notamment celui de Monoprix, dont le salaire a doublé l'année dernière pour atteindre plus de 1 million d'euros.
Tout sauf les salaires, et sauf les droits à la retraite et au chômage ! Quelle est la conséquence claire et nette de votre projet de loi – sans doute la seule ? Il vide les caisses de la sécurité sociale à coups d'exonérations de cotisations.
Si le mot « salaire » n'apparaît presque jamais dans le projet de loi, « exonérations » est, quant à lui, présent quasiment à tous les paragraphes. Vous faites comme s'il s'agissait d'un cadeau pour les salariés, mais les cotisations sociales sont aussi du salaire, un salaire socialisé, que vous leur enlevez !
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Les cotisations sociales représentent également des ressources des caisses de sécurité sociale. En les supprimant petit à petit, vous organisez vous-mêmes le déficit qui vous servira plus tard à justifier la prochaine casse des retraites ou de l'assurance chômage !
Tout sauf les salaires, voire, si possible, moins de salaire. L'Insee l'a parfaitement démontré : les primes se substituent souvent aux hausses de salaire. Plus exactement, 30 % des primes Macron se sont substituées à ces hausses, et rien dans le projet de loi ne permet de contrer ce phénomène.
Selon vous, il faut laisser faire la concurrence entre les travailleurs – c'est le marché qui va décider. Vous plaidez pour la plus pure idéologie néolibérale ! Ce libre marché vous arrange bien : l'inflation record permet d'énormes profits, reversés aux actionnaires et non aux salariés, que vous avez considérablement affaiblis, année après année, notamment grâce aux ordonnances prises sur le fondement de la loi du 15 septembre 2017 d'habilitation à prendre les mesures pour le renforcement du dialogue social, dites ordonnances Macron. Vive le laisser-faire pour les actionnaires – tout sauf les salaires ! Dormez tranquilles, actionnaires, car cette belle dynamique qui vous enrichit va se poursuivre. En dix ans, dans les entreprises du CAC40, ce fameux partage de la valeur s'est considérablement détérioré au détriment du travail.
Pour faire passer la pilule, vous nous sortez le coup de la démocratie sociale ! C'est vraiment la meilleure ! Vous osez tout – c'est à cela qu'on vous reconnaît.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Un gouvernement qui a fait passer en force une grande réforme des retraites, contre l'avis de tous les syndicats de salariés, qui a refusé tout compromis, qui a restreint le droit de grève, vient maintenant nous parler de démocratie sociale. Comme s'il n'avait pas lui-même strictement fixé le cadre de l'accord national interprofessionnel ; comme si tous les syndicats de salariés avaient signé cet accord ; comme si tous les syndicats qui l'ont signé estimaient que l'accord était suffisant.
Eh bien, non ! Tous les syndicats de salariés estiment que la priorité, ce sont les augmentations de salaire et que ce projet de loi est très insuffisant. Ils plaident aussi pour l'inscription de la non-substitution des primes aux salaires dans la loi – ce que vous vous êtes bien gardés de faire alors que cela figure dans l'accord.
C'est ce que défend le groupe LFI – NUPES, en accord avec les salariés en grève pour leurs salaires chez Ikea, chez Disneyland Paris, aux Thermes de Vichy, chez Lemercier Anjou à Angers et dans tant d'autres entreprises. Nous sommes ici pour eux, pour ceux qui produisent la valeur et qui en voient de moins en moins la couleur. Voilà ce que nous défendrons dans cet hémicycle, ne vous en déplaise !
Les députés du groupe LFI – NUPES se lèvent et applaudissent.
Le dernier accord national interprofessionnel entre les syndicats et les organisations patronales, conclu en février 2023, visait à mieux associer les salariés aux performances économiques des entreprises. Le texte que nous examinons tend à le transposer dans la loi ; son adoption rendrait l'accord opposable à toutes les entreprises.
La droite républicaine a toujours privilégié le dialogue social ; à ceux qui en douteraient, je rappelle l'article L. 1 du code du travail : « Tout projet de réforme envisagé par le Gouvernement qui porte sur les relations individuelles et collectives du travail, l'emploi et la formation professionnelle et qui relève du champ de la négociation nationale et interprofessionnelle fait l'objet d'une concertation préalable avec les organisations syndicales de salariés et d'employeurs ». C'est donc bien la droite qui a pour habitude de consulter les organisations syndicales, même lorsqu'elles sont opposées à un texte.
Avec ce projet de loi, le Gouvernement se drape à bon compte dans le dialogue social, dont il ferait le fondement de sa méthode. Tel n'est pourtant pas le principe qui guide le Président de la République depuis 2017 – personne n'osera l'affirmer.
Revenons au texte. Sur le fond, les députés du groupe Les Républicains estiment qu'il est utile, car il replace les termes du débat relatif aux rapports entre le capital et le travail. Il faut non les opposer, mais les faire converger pour aboutir à des solutions pérennes, favorables à tous. Le projet de loi y contribue et écarte ainsi la lutte des classes, que certains cherchent à réactiver.
Il contribue même à asseoir l'économie de marché – c'est indispensable – et à associer les salariés à la performance économique des entreprises – il est tout aussi nécessaire de trouver des solutions au problème du pouvoir d'achat des salariés.
Je l'ai souligné lors de l'examen du texte en commission des affaires sociales, la participation et l'intéressement des salariés sont des idées gaullistes. Je souhaite les rappeler et les défendre. La première consiste à redistribuer aux salariés une partie des bénéfices de l'entreprise ; le second les associe financièrement aux résultats ou aux performances.
L'accord de février prévoit que les entreprises de plus de onze salariés pourront accorder des primes d'intéressement et de participation. Actuellement, plus de 10 millions de personnes bénéficient de ces deux primes, mais seules les sociétés de plus de cinquante salariés sont éligibles au dispositif. Le texte vise donc à abaisser le seuil à onze salariés, avec une condition de rentabilité. En commission, j'ai exprimé une réserve sur ce seuil, qui exclut les entreprises de moins de onze salariés. Je la maintiens : je ne suis pas d'accord pour exclure du partage des bénéfices les salariés de ces petites entreprises, situées partout dans les territoires.
L'ANI prévoit également de réformer le dispositif de la prime de partage de la valeur. Toujours exonérée d'impôt, dans la limite de 3 000 euros par an, elle pourra désormais être versée deux fois chaque année.
Selon les partenaires sociaux, ces différents dispositifs permettront d'augmenter les revenus de 700 000 à 1 million de salariés. En 2022, environ 30 % des entreprises françaises ont eu recours à un mécanisme de partage de la valeur ; 86 % ont versé une prime de partage de la valeur, quand seulement 19 % ont appliqué un dispositif d'intéressement ou de participation aux bénéfices. Pour les chefs de petites entreprises, la prime de partage de la valeur est sans conteste le meilleur outil, le plus pertinent, pour associer les salariés aux performances de l'entreprise.
Conformément à l'accord national interprofessionnel, le texte prévoit également de créer une obligation de négocier une prise en compte des résultats exceptionnels, dans les entreprises de plus de cinquante salariés ; de mettre en place un plan de partage de la valorisation de l'entreprise ; de mobiliser les dispositifs d'épargne salariale ; de développer l'actionnariat salarial. Sur ces derniers points, j'émets encore des réserves. D'abord, l'actionnariat salarié est le parent pauvre du texte ; nous aurions pu améliorer les dispositifs en vigueur. Ensuite, l'affectation de l'épargne salariale est un peu maigre ; là encore, nous aurions pu aller plus loin et afficher une ambition majeure : les entreprises, qui font déjà beaucoup en ce sens, sont volontaires pour poursuivre leurs efforts.
Les députés du groupe Les Républicains ne peuvent être que favorables au présent projet de loi visant à transposer un ANI, même si, dans certains domaines, un pas supplémentaire était possible. Selon toute vraisemblance, et sous réserve d'éventuelles modifications adoptées en séance, ils voteront ce texte.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Le partage de la valeur est un facteur essentiel d'attractivité et de valorisation des entreprises, de justice et de cohésion sociales. Le 10 février dernier, après avoir mené des négociations de plusieurs mois, difficiles mais constructives, tous les partenaires sociaux, à une exception près, ont trouvé un accord, dans le but de distribuer plus justement les richesses produites par les entreprises.
Le Gouvernement a souhaité aller plus loin, et donner à cette avancée significative une assise législative. Le présent projet de loi vise donc à transposer l'accord national interprofessionnel relatif au partage de la valeur au sein de l'entreprise, avec quatre objectifs : renforcer le dialogue social sur les classifications ; faciliter la généralisation des dispositifs de partage de la valeur ; simplifier leur déploiement ; développer l'actionnariat salarié. Ces éléments sont essentiels à la justice sociale, que vous savez chère au groupe Démocrate ; ces dernières années, plusieurs lois visant à simplifier et à renforcer les dispositifs de partage de la valeur dans les entreprises sont venues les renforcer.
Le texte tend à transposer fidèlement et de manière cohérente les mesures prévues dans l'ANI. Il est donc surprenant de constater que les oppositions persistent à l'en éloigner, et difficile de comprendre leur motivation sous-jacente. Chers collègues, si nous procédions de la sorte, quelle valeur aurait demain un accord national interprofessionnel ? Que pèserait la parole d'une organisation syndicale ou patronale, si le Parlement peut détricoter ce que leurs représentants ont négocié avec leurs pairs ? Enfin, quelle serait notre légitimité pour dévoyer le sens d'un accord signé entre professionnels, après d'âpres négociations ?
M. Matthias Tavel s'exclame.
Dans le cadre d'une transposition, ce n'est pas notre rôle.
À l'évidence, l'adoption de certains amendements fausserait l'équilibre trouvé par les partenaires sociaux et altérerait l'intégrité du texte et son esprit. Je souligne que tous les amendements déposés par les membres du groupe Démocrate ont fait l'objet d'une négociation avec les partenaires sociaux.
L'accord, approuvé par tout l'arc républicain, est l'aboutissement d'un véritable compromis entre les besoins des salariés et les défis auxquels les employeurs sont constamment confrontés. Si la CGT ne l'a pas signé, elle n'a jamais remis en cause son bien-fondé en appelant à voter contre ce projet de loi.
Murmures sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
À l'inverse, l'attitude de certaines oppositions reflète une posture idéologique qui semble primer une analyse objective et approfondie des mesures contenues dans l'ANI.
Exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
En commission, certaines interventions révélaient soit de la malhonnêteté, soit une méconnaissance de ce qu'est vraiment une entreprise.
Une entreprise repose sur une idée, un projet et des espérances. Le but premier de l'immense majorité des chefs d'entreprise n'est pas d'exploiter leurs salariés, mais de faire marcher leur entreprise et de concrétiser leur idée.
M. Matthias Tavel s'exclame.
Sans les employeurs, il n'y aurait pas d'entreprises, donc pas de salariés ; sans les salariés ni leur investissement, nulle entreprise ne saurait fonctionner. Souligner leur interdépendance peut paraître candide, mais c'est bien plus réaliste que la vision manichéenne que certains plaquent sur le monde du travail. La transposition de l'accord prend en considération cet équilibre nécessaire et met en relief les vertus du dialogue social. Au regard de son importance fondamentale, le groupe Démocrate votera évidemment ce texte.
Applaudissements sur les bancs des groupes Dem et RE.
Après la séquence de la réforme des retraites, désastreuse pour le fonctionnement démocratique et pour le débat parlementaire, la méthode que vous avez choisie pour aborder la question cruciale du partage de la valeur ne peut que nous interpeller. Après avoir fait la sourde oreille pendant six mois, dont quatorze jours de mobilisation interprofessionnelle soutenue unanimement par les syndicats de salariés, le Gouvernement veut se racheter à peu de frais une vertu en se présentant comme le parangon du dialogue social.
Certains de mes collègues l'ont souligné, vous avez décidé de réduire strictement la question du partage de la valeur au champ de l'accord national interprofessionnel, dont vous avez vous-mêmes limité le périmètre d'intervention, dans le document d'orientation, en commettant la faute originelle d'évacuer le sujet central, au cœur des préoccupations de nos concitoyens : les salaires. Quand les Français vous parlent de partage de la valeur, ils parlent d'augmenter les salaires, de revaloriser le Smic ; vous leur répondez avec la prime Macron, l'actionnariat salarié, la participation et l'intéressement.
Vous donnez ainsi le sentiment d'utiliser la démocratie sociale pour limiter la démocratie parlementaire, donc de ne rien comprendre à l'une ni à l'autre. Vous nous demandez d'être les gardiens de la parole du Gouvernement, donnée aux partenaires sociaux ; de transposer tout l'ANI, rien que l'ANI.
D'abord, les négociations se sont poursuivies après le dépôt du projet de loi, même après l'examen en commission, avec la commission de suivi de la transposition de l'ANI par les partenaires sociaux. Celle-ci s'apparente à un nouveau filtre dans le fonctionnement parlementaire, puisque vous avez annoncé que vous n'émettriez d'avis favorable qu'aux amendements ayant reçu son onction.
L'ANI n'est pas un bloc, il est le résultat d'une négociation : rien ne s'oppose à ce que la représentation nationale ait un débat riche et fécond à son sujet. Nous devons nous montrer particulièrement vigilants aux effets possibles de chaque article. Le rôle des parlementaires est d'analyser, article par article, alinéa par alinéa, si chaque disposition constitue une avancée ou une régression. Nous sommes le législateur de tous les salariés et l'intérêt général est notre boussole. Nous sommes tenus par l'exigence républicaine de respecter la démocratie sociale, sans nous y soumettre.
Les manques et les paradoxes de votre démarche sont frappants. Avant tout, vous manquez de hauteur de vue. Dans tous les pays du monde, la part de la valeur ajoutée distribuée aux salariés, sous forme de traitements, de salaires ou de cotisations sociales, a diminué au cours des quatre dernières décennies. Il s'agit d'une tendance mondiale qui n'épargne pas la France : en 1981, les salariés percevaient 73 % de la valeur ajoutée, contre 65 % aujourd'hui. Plusieurs causes l'expliquent : les politiques de modération salariale, comme la désindexation des salaires de l'inflation – vous vous y complaisez ; la croissance des profits non déclarés ; la financiarisation de l'économie et la place des acteurs institutionnels dans le financement des entreprises ; la gouvernance des entreprises, qui donne davantage de pouvoir aux actionnaires, à quoi vous ne vous attaquez nullement. Tout cela nuit cruellement.
Notre position est claire : tout l'ANI, mais pas seulement l'ANI. Nous sommes favorables à la transposition législative de textes issus de la démocratie sociale, et certaines de nos propositions s'inscrivent dans ce devoir de vigilance que je mentionnais précédemment. Néanmoins, nous assumons d'aller plus loin et de proposer une palette de solutions pour mieux partager la valeur au sein de l'entreprise. Tel était le sens de plusieurs amendements que nous avons déposés, visant à revaloriser les salaires, notamment les plus petits ; à augmenter le Smic ; à convoquer une conférence nationale sur les salaires ; à instaurer un ratio relatif à l'écart salarial maximal dans une entreprise ; à revenir sur l'allègement de la fiscalité sur les actions gratuites ; à conditionner les exonérations sociales au respect d'indicateurs de partage de la valeur ; à prévoir des mesures spécifiques pour les sociétés anonymes à participation ouvrière (Sapo). Malheureusement, beaucoup d'entre eux ont été déclarés irrecevables, en raison du texte de transposition que vous avez choisi.
Vous voulez un débat sans anicroche pour faire adopter l'ANI, mais vous risquez d'annihiler le débat parlementaire. Vous aurez tout de même un débat animé, mais sans animosité.
M. Pierre Dharréville applaudit.
J'appelle maintenant, dans le texte de la commission, les articles du projet de loi.
La parole est à M. Adrien Quatennens, pour soutenir l'amendement n° 228 .
Nous abordons l'examen de ce texte, dont le titre évoque le partage de la valeur au sein de l'entreprise. Permettez-moi de rappeler où nous en étions précédemment : en août 2022, devant le Medef, Bruno Le Maire disait : « Je ne sais pas ce que c'est qu'un superprofit ». Nous avons donc l'intention de le lui expliquer, puisque les grands groupes nationaux sont les champions du monde des dividendes. Les entreprises du CAC40 ont versé 55,2 milliards aux actionnaires au printemps 2018, 63,4 milliards en 2019 et 80 milliards en 2022. Sur un échantillon de vingt-six groupes du CAC40, les versements de dividendes ont augmenté en vingt ans de 265 %, soit une multiplication par trois et demi.
Les entreprises françaises sont les plus généreuses envers leurs actionnaires, dont les rémunérations ponctionnent les richesses engendrées par les entreprises et leurs travailleurs grâce à leurs clients, grâce aux pouvoirs publics qui sans cesse inventent de nouvelles aides aux entreprises, et grâce à la collectivité dans son ensemble.
Dans ce texte qui prétend partager la valeur, une nouvelle fois vous évitez méthodiquement la question centrale de la hausse des salaires – pire, vous empêchez qu'elle soit abordée –, alors que 1,2 million de Français sont des travailleurs pauvres et qu'un Français sur trois ne dispose plus que de 100 euros sur son compte bancaire dès le 10 du mois. L'urgence absolue pour valoriser le travail, c'est évidemment la question des salaires. C'est pourquoi le présent amendement vise à modifier le titre de ce texte, afin d'élargir notre discussion à la question centrale que vous évitez, celle des salaires.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES. – M. Jérôme Guedj applaudit également.
Je suis défavorable à cet amendement, non pas qu'il ne faille pas avoir ce débat – je partage votre souhait et de nombreux amendements concernent cette question, notamment ceux portant article additionnel après les articles 1er , 2 et 3 –, mais le titre est symbolique et représentatif de la nature des discussions qui se sont tenues entre les organisations patronales et syndicales, sans le Gouvernement ni le Parlement. Il faut conserver l'équilibre du texte, mais nous aurons l'occasion de débattre des salaires et de ce qu'on appelle les compléments de salaires.
Il est également défavorable. Depuis le début des travaux sur le texte, nous avons toujours veillé à respecter cet accord. Lorsque celui-ci a été lancé, en septembre 2022, avant même que les discussions ne s'ouvrent, l'une des conditions posées par nombre de partenaires sociaux était l'engagement du Gouvernement à respecter le futur accord. Nous avons pris cet engagement, auquel nous sommes attachés.
Cela ne présume pas d'une quelconque recevabilité ou irrecevabilité des amendements des parlementaires, mais cela explique que l'avis du Gouvernement sera favorable lorsque les amendements auront obtenu le soutien des sept partenaires sociaux signataires. Aucun parlementaire n'est empêché, mais cette explication sous-tendra la totalité des avis donnés par le Gouvernement sur les amendements déposés.
Dès ce premier amendement, nous entrons dans le vif du débat. Vous dites : « nous transposerons l'ANI, rien que l'ANI », mais comme l'a rappelé notre collègue Aurélie Trouvé, l'ANI répond à une demande du Gouvernement. Si la question des salaires ne figure ni dans le projet de loi ni dans l'ANI – ni même dans les négociations –, c'est parce que votre gouvernement et vous-même, monsieur Dussopt, l'avez explicitement refusé.
L'amendement n° 228 , en inscrivant la hausse des salaires comme l'un des objectifs de ce texte, vise à réparer non pas une erreur – nous espérons que vous avez fait des progrès et que vous ne faites pas d'erreurs –, mais une volonté délibérée du Gouvernement d'interdire la discussion sur les salaires, alors que celle-ci fait partie intégrante de la discussion sur le partage de la valeur.
Par ailleurs, il est insupportable d'entendre que l'accord du Medef est nécessaire pour que les amendements soient approuvés par cette assemblée ! Nous refusons ce droit de veto patronal, en particulier lors de l'examen de ce texte.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
L'amendement n° 228 n'est pas adopté.
À travers cet article, vous souhaitez accélérer la révision des classifications des branches professionnelles d'ici à la fin de l'année. Les classifications professionnelles sont essentielles, dans la mesure où elles servent de référentiel à la fixation de seuils salariaux minimaux pour les salariés, selon leur métier. Dans le but de soutenir le pouvoir d'achat des Français, il apparaît essentiel de réviser régulièrement ces classifications, en particulier dans le contexte actuel d'inflation. Les mesures prévues à l'article 1er semblent aller en ce sens, mais elles ne vont pas assez loin.
C'est pourquoi nous proposerons d'abaisser la durée maximale pour examiner la nécessité de réviser les classifications de cinq à deux ans pour les secteurs sous tension et de cinq à trois ans pour les autres secteurs, ce qui permettrait de prendre plus rapidement en considération les évolutions économiques de notre pays.
Par ailleurs, vous l'avez dit en commission, monsieur le rapporteur : 65 % des branches disposent de grilles de classification révisées il y a plus de cinq ans, avec une moyenne de douze ans pour celles ayant procédé à cet examen en 2021. Cela démontre l'urgence, pour le législateur, d'instaurer des mesures rapides et efficaces pour changer cette situation au plus vite. C'est pourquoi nous proposerons aussi des mesures destinées à sanctionner, à partir du 1er janvier 2024, les organisations patronales n'ayant pas procédé à cet examen depuis plus de cinq ans, en supprimant le financement qu'elles perçoivent de l'association de gestion du fonds paritaire national.
Enfin, nous rappelons que seule l'augmentation des salaires pourra véritablement restaurer le pouvoir d'achat des Français. C'est pourquoi nous demandons la tenue d'une conférence nationale sur les salaires, réunissant l'ensemble des partenaires sociaux, dans les six prochains mois.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RN.
Dans ce premier article, vous ne faites que rappeler les dispositions légales en vigueur, c'est-à-dire la possibilité de discuter – je dis bien discuter – de l'opportunité de réviser les classifications. Rien de neuf sous le soleil pour les salariés ! En revanche, cet article permet de mettre au jour vos mensonges. Vous dites que vous transposerez l'ANI, rien que l'ANI, mais alors pourquoi n'avez-vous pas intégré au texte la question des métiers repères ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES. – M. Jérôme Guedj applaudit également.
Vous refusez absolument de les mentionner dans le projet de loi. Vous ne transposez pas l'ANI, rien que l'ANI ; vous mentez à ce sujet !
Le sujet des métiers repères peut paraître très technique. Ce midi, j'ai justement rencontré des représentants de salariés des boîtes de sécurité privée, qui m'ont bien expliqué ce que change l'absence de métiers repères. Leurs patrons – ceux de Fiducial ou de S3M – refusent de signer un accord sur les métiers repères, mais l'acceptent pour les classifications. Pourquoi ? Prenons l'exemple de deux métiers totalement différents : un agent de sûreté et un agent de sécurité incendie et de sécurité des personnes. Ces deux métiers se retrouvent dans une même classe et en l'absence d'accord sur les métiers repères, le patron peut tout à fait interchanger les salariés : une semaine, ils sont agents de sûreté et la suivante, agents de sécurité incendie.
Ce que vous promouvez en refusant d'intégrer les métiers repères au projet de loi, c'est une main-d'œuvre corvéable à merci, des salariés interchangeables, exactement comme le souhaite le Medef.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
L'article 1er prévoit une obligation d'engager, au niveau des branches, une négociation en vue d'examiner la nécessité de réviser les classifications avant le 31 décembre 2023 pour les branches n'ayant pas procédé à cet examen depuis plus de cinq ans. Nous y sommes bien évidemment favorables, car il est nécessaire de procéder régulièrement au réexamen des classifications, qui constituent un levier important dans la valorisation des parcours des salariés et la reconnaissance des qualifications.
D'une manière plus générale, comme l'a très justement rappelé notre collègue Stéphane Viry, Les Républicains ont toujours privilégié le dialogue social, notamment s'agissant d'EDF ou de la SNCF. Nous sommes également à l'origine de l'article L. 1 du code du travail, qui prévoit que « [t]out projet de réforme envisagé par le Gouvernement qui porte sur les relations individuelles et collectives du travail, l'emploi et la formation professionnelle et qui relève du champ de la négociation nationale et interprofessionnelle fait l'objet d'une concertation préalable avec les organisations syndicales de salariés et d'employeurs ».
C'est pourquoi nous souhaitons une transposition à l'identique de l'ANI, signé par trois organisations patronales et quatre organisations syndicales le 10 février 2023.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
J'ai été un peu étonné qu'à l'issue de cette discussion générale de qualité, M. le ministre n'ait pas souhaité répondre à quelques-unes des questions qui lui ont été posées. Peut-être est-ce parce que chacune de ses prises de paroles doit d'abord être validée par les sept organisations signataires de l'accord ?
Sourires sur les bancs des commissions.
Plus sérieusement, cela posera un problème si vous ne répondez pas quand on vous interpelle, monsieur le ministre.
Le présent amendement est fidèle aux propos que j'ai tenus il y a quelques instants à la tribune. Puisque vous annoncez transposer tout l'ANI, transposez-le vraiment en entier ! Ma collègue Aurélie Trouvé vient de le pointer dans son intervention : il y a un trou dans la raquette dans la transposition de l'article relatif à l'obligation de négociation sur la révision des classifications. Vous oubliez les métiers repères, qui sont pourtant expressément mentionnés dans l'accord, à l'article 4 ; les organisations signataires considèrent « qu'il convient d'apprécier les niveaux de rémunération au regard non seulement des classifications, mais aussi des métiers repères ».
La redéfinition des métiers repères est donc un enjeu en matière de rémunération, mais aussi de déroulement de carrière, de qualité de vie au travail ainsi que de conditions de travail et d'exercice. C'est également important pour éviter ce qui s'apparente à une forme de flexibilisation, grâce à des données un peu fourre-tout permettant de modifier la nature de l'exercice professionnel. Si vous êtes fidèles à l'ensemble de l'ANI, vous devez voter pour cet amendement, qui vise à s'assurer de sa bonne traduction législative.
La parole est à Mme Marie-Charlotte Garin, pour soutenir l'amendement n° 90 .
Dans la même logique que celui que vient de présenter M. Jérôme Guedj, l'amendement a pour objet de rappeler le constat, établi par les partenaires sociaux, de la nécessaire redynamisation du dialogue social, notamment s'agissant de l'égalité entre les femmes et les hommes, et de l'évolution des rémunérations. Il vient réparer ce qui pourrait être un oubli rédactionnel : en plus des classifications professionnelles, il s'agit de prendre aussi en considération les métiers repères, qui permettent plus de subtilité, en particulier en matière de discrimination salariale basée sur le sexe.
Du point de vue de la méthode, nous ne parlons pas qu'au Medef, mais aux sept organisations représentatives signataires, et ce, depuis le début des travaux il y a six mois, ainsi que ces tout derniers jours. Certains sujets n'ont pas plu à l'une ou à l'autre d'entre elles, mais finalement, l'accord est équilibré.
Sur le fond, deux articles de l'ANI concernent les emplois repères : l'article 3, où il est question de la nécessaire révision de certaines grilles de classification et qui est retranscrit dans l'article 1er du projet de loi ; l'article 4, qui mentionne les métiers repères, mais surtout sous l'angle de l'égalité professionnelle entre hommes et femmes.
Vos amendements me semblent satisfaits par l'amendement à l'article 1er bis que nous avons adopté en commission des affaires sociales. J'y suis donc défavorable, d'autant qu'ils ajouteraient un élément supplémentaire à la transposition. Mais cela ne signifie pas qu'il est inutile d'examiner les métiers repères à l'occasion de l'étude et de la nécessaire révision des classifications.
Comme l'a dit M. le rapporteur, la classification ne répond à aucune définition juridique précise puisque chaque branche, pour l'opérer, choisit librement sa méthode. Le code du travail la rattache à deux éléments de référence : le diplôme et le droit à la qualification. Par ailleurs, l'analyse des pratiques conventionnelles, dont relèvent les métiers repères, amène à considérer cette dernière notion comme résultant du classement par niveau de qualification ; son déploiement au sein des grilles conventionnelles est d'ailleurs libre et progressif. L'adoption de votre proposition conduirait, en définissant des métiers repères, à limiter cette liberté laissée aux branches sans entraîner pour autant d'avancée juridique puisque, je le répète, le concept tient plutôt de la pratique que du droit ; en outre, il n'est pas applicable à toutes les grilles. Nous en resterons donc à ce qui appartient au domaine du droit : l'obligation, souhaitée par les partenaires sociaux, de négociations visant à réviser les classifications. Avis défavorable.
Au-delà de ces explications techniques, je voudrais revenir au fond des amendements. Il importe de favoriser l'émergence des femmes dans les métiers les mieux rémunérés, qui sont aussi les métiers exercés essentiellement par des hommes : d'où l'importance de passer non par les classifications, qui ne révèlent pas cette discrimination salariale, mais par les métiers repères, qui la rendent parfaitement visible.
Nous irons dans le même sens que nos collègues des groupes Socialistes et apparentés et Écologiste – NUPES. S'agissant de la méthode, la référence aux métiers repères se trouve dans le texte de l'ANI : vous ne pouvez donc nous objecter que vous souhaitez vous en tenir à ce dernier. Faites du moins un effort pour rendre votre argumentation cohérente ! C'est justement en raison de la présence des métiers repères au sein de l'ANI que nous soutenons ces amendements. Il ne s'agit pas d'une question de forme : les classifications ne permettent pas d'identifier de manière aussi claire, aussi précise, les inégalités de rémunération entre hommes et femmes qui peuvent exister au sein d'une même branche. Les métiers repères servent à objectiver le résultat des classifications, à mettre en évidence les biais par lesquels s'insinue la discrimination salariale. Par conséquent, les amendements vont à la fois dans le sens de l'ANI, dont ils reprennent les termes, et dans celui de l'égalité salariale. Il serait incompréhensible que le Gouvernement et sa minorité parlementaire continuent de s'opposer à des dispositions dont l'adoption devrait constituer une évidence !
La parole est à Mme Marianne Maximi, pour soutenir l'amendement n° 279 .
Il s'agit d'un amendement rédactionnel, que je vais replacer dans son contexte afin de vous convaincre. Le préambule, toujours en vigueur, de la Constitution de 1946 dispose : « La loi garantit à la femme, dans tous les domaines, des droits égaux à ceux de l'homme. » La loi du 22 décembre 1972 relative à l'égalité de rémunération entre les hommes et les femmes a confirmé que ce principe fondamental de notre droit s'appliquait également dans le domaine du travail. Or, cinquante ans plus tard, le partage de la valeur continue de s'opérer aux dépens des femmes : dans le secteur privé, elles gagnent en moyenne 28,5 % de moins que les hommes – 9 % de moins à compétences égales et poste équivalent. Ces inégalités se retrouvent d'une extrémité à l'autre de l'échelle des revenus. Les femmes sont surreprésentées dans les métiers précaires – 78 % des salariés à temps partiel, par exemple. Leur salaire médian est inférieur de 13 % à celui des hommes. Même le 1 % de femmes les mieux payées gagne toujours 34 % de moins !
J'ignore si cet exposé était nécessaire – j'inclinerais à croire que oui, compte tenu des votes précédents : toujours est-il que l'amendement vise à insister sur le fait qu'assurer l'égalité professionnelle entre hommes et femmes constitue une obligation pour les entreprises et que celles-ci doivent en faire une priorité lors de la révision des classifications.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES.
Peut-être cette cause est-elle l'un des rares points d'accord entre nous. J'entends qu'il reste des emplois, qu'il subsiste des endroits où, même à poste égal, à expérience égale, le salaire n'est pas le même : nous essayons de faire au mieux, ce qui n'est jamais simple. En revanche, je serai défavorable à l'amendement pour une raison rédactionnelle : un certain nombre de dispositions du code du travail, y compris concernant l'obligation de négocier en la matière, utilisent le mot « objectif », que vous souhaitez supprimer.
Il ne s'agit pas tout à fait d'un amendement rédactionnel, puisque, si nous avons en commun l'objectif d'égalité professionnelle et salariale entre hommes et femmes, les termes du projet de loi sont ceux de l'ANI : nous souhaitons les conserver, d'autant qu'ils correspondent à ce qui figure dans le code du travail. L'article 1er s'inscrit pleinement dans le cadre des dispositions en vigueur en matière de négociations de branche au sujet des classifications. La rédaction que vous proposez instaurerait une obligation au demeurant incantatoire, puisqu'elle ne serait malheureusement pas aussitôt traduite dans les faits, et contredirait celle de l'ANI tel que l'ont signé les partenaires sociaux – non pas même sur la forme, mais sur le fond. Pour toutes ces raisons, avis défavorable.
Vous avez raison : ne changeons rien, les salaires n'augmenteront pas !
Monsieur le ministre, vous venez de fort bien nous expliquer le rôle des négociations entre patronat et syndicats, ainsi que celui des parlementaires. En matière d'égalité salariale entre hommes et femmes, le législateur ne peut se borner au compromis auquel sont parvenues les organisations signataires de l'ANI : fixer des objectifs, en tenir compte, ce n'est pas assez.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
Trêve de bavardage ! Il serait urgent d'instaurer des obligations de résultat, sans quoi l'inégalité est vouée à perdurer. L'amendement marque d'ailleurs notre volonté de profiter de l'examen de ce texte pour renforcer considérablement les mécanismes qui concourent à l'égalité salariale. Nous proposons ainsi d'aligner la rémunération des heures complémentaires effectuées par les salariés à temps partiel, qui sont souvent des femmes, sur la majoration des heures supplémentaires des salariés à temps plein ; de créer une commission de contrôle ad hoc au sein des entreprises ; que celles-ci, si elles ne peuvent prouver qu'elles respectent l'égalité salariale, paient une sorte d'amende sous forme de prime versée à leurs salariées ; ou encore d'accroître fortement les pénalités prévues à l'encontre des entreprises fautives.
Tel est le sens de cet amendement, qui vise à assurer l'égalité salariale : il est grand temps.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES.
Tout le monde souhaite l'égalité professionnelle des hommes et des femmes :…
…cette majorité, comme d'autres avant elle, a adopté des dispositions qui permettent d'avancer. En revanche, le fait d'affirmer que la révision des classifications doit impérativement assurer cette égalité présente une nouvelle fois un caractère incantatoire – ce dont je suis désolé, car si cette mesure devait être efficace, nous serions tous très heureux de la soutenir.
Tel n'est pas le cas, d'où l'avis défavorable du Gouvernement. Cela étant dit, madame la présidente, je sollicite une suspension de séance de dix minutes.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à dix-huit heures dix, est reprise à dix-huit heures vingt-cinq.
La séance est reprise.
Je rappelle que l'amendement n° 279 a reçu un avis défavorable de la commission et du Gouvernement.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RN et sur les bancs du groupe LFI – NUPES, dont plusieurs députés se lèvent tout en continuant à applaudir.
Sur l'amendement n° 372 , je suis saisie par les groupes Écologiste – NUPES et La France insoumise-Nouvelle Union populaire, écologique et sociale d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. Victor Catteau, pour soutenir l'amendement n° 161 rectifié .
Le présent article prévoit qu'une négociation devra s'ouvrir au sein des branches n'ayant pas procédé à une révision des classifications depuis plus de cinq ans. Comme vous le savez, agir sur les classifications, c'est aussi agir en partie sur les salaires. L'inflation galopante et la perte de pouvoir d'achat nous obligent donc à le faire, et vite. Par conséquent, nous proposons d'abaisser le délai dans lequel cette négociation devra avoir lieu à trois ans pour l'ensemble des branches, et à deux ans pour les branches des secteurs sous tension, ce qui permettra par ailleurs de répondre aux problèmes d'emploi que rencontrent les Français.
En commission, monsieur le rapporteur, vous nous avez expliqué que 65 % des branches sont en retard en matière de négociations. Nous devons apporter une solution à ce problème : tel est l'objectif de notre amendement.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Nous avions évoqué ce point en commission, à peu près dans les termes que vous avez rappelés. Il est vrai qu'un grand nombre de branches doivent réviser leurs classifications mais, un peu comme pour l'amendement précédent, je ne suis pas certain que réduire le délai changerait grand-chose, et je trouve votre proposition un peu incantatoire. Évidemment, ces révisions doivent être effectuées ; nous sommes tous d'accord là-dessus et c'est sans doute l'un des points sur lesquels nous nous retrouvons le plus largement. Mais que le délai soit de cinq ans, de trois ans, de deux ans ou même d'un an ne fait pas de grande différence : il faut surtout qu'une parole forte s'exprime à ce sujet, et c'est bien le cas dans le texte. Par ailleurs, il s'agit d'une mesure d'ordre public que l'on retrouve dans les dispositions du code du travail. Avis défavorable.
Défavorable, pour trois raisons. Tout d'abord, le fait que le délai soit passé de douze à cinq ans constitue une progression importante. Ensuite, ces révisions de classifications sont extrêmement techniques et longues à mettre en œuvre. Dans bien des cas, un délai trop serré entre deux obligations de révision ne permettra pas d'aboutir dans le temps imparti. Enfin, nous devons être fidèles au point d'équilibre de cinq ans trouvé par les partenaires sociaux. Je vous invite donc à retirer votre amendement ; à défaut, mon avis sera défavorable.
L'amendement n° 161 rectifié n'est pas adopté.
La parole est à M. Michel Castellani, pour soutenir l'amendement n° 13 .
L'article 1er prévoit l'obligation d'engager des négociations de branche pour examiner la nécessité de réviser les classifications des emplois avant le 31 décembre 2023, pour les branches qui n'ont pas procédé à cet examen depuis plus de cinq ans.
Le présent amendement vise à préciser la démarche : au cas où la partie patronale ne prendrait pas une telle initiative, une organisation représentative des salariés doit pouvoir se saisir de la procédure.
Là encore, je partage votre volonté que des négociations s'engagent, en particulier dans les secteurs et les branches où elles n'ont pas été ouvertes de longue date. Votre amendement revêt toutefois un caractère quelque peu incantatoire – atténué, toutefois, par rapport au précédent –, car il prévoit que les négociations puissent s'ouvrir à la seule initiative des organisations syndicales. Or il faut être deux pour discuter. Je partage donc votre objectif, mais je ne suis pas certain que votre amendement permette de l'atteindre. Avis défavorable.
L'amendement n° 13 , repoussé par le Gouvernement, est adopté.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RN, LFI – NUPES et Écolo – NUPES.
La parole est à M. Michel Castellani, pour soutenir l'amendement n° 20 .
Élaboré avec France universités, il vise à inclure la reconnaissance du doctorat et des compétences associées dans la négociation sur les classifications prévue à l'article 1er . La reconnaissance du grade de docteur par le tissu économique et associatif est attendue de longue date par les docteurs et les doctorants. Le réexamen des classifications doit permettre de mieux prendre en considération le titre de docteur, afin que les parcours des salariés concernés soient mieux valorisés, et que leurs qualifications soient pleinement reconnues.
Cet amendement ressemble aux précédents, à la nuance près qu'il s'intéresse aux docteurs. Le projet de loi a bien évidemment vocation à s'appliquer à ces derniers, sans compter que la loi de programmation de la recherche pour les années 2021 à 2030 prévoit une revalorisation de leurs grilles salariales. Pour ces deux raisons, votre amendement me semble satisfait ; aussi mon avis est-il défavorable.
L'amendement n° 20 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
Sur l'article 1er , je suis saisie par le groupe Renaissance d'une demande de scrutin public.
Par ailleurs, je suis saisie par le groupe La France insoumise-Nouvelle Union populaire, écologique et sociale de demandes de scrutin public sur les amendements n° 113 et 231 .
Les scrutins sont annoncés dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. Victor Catteau, pour soutenir l'amendement n° 162 .
Cela a été rappelé : 65 % des branches n'ont pas ouvert de négociations relatives à la révision de leurs classifications au cours des cinq dernières années. Celles qui y ont procédé en 2021 ne l'avaient pas fait depuis douze ans en moyenne. Si les entreprises s'abstenaient de négocier avant le présent projet de loi, il n'y a aucune raison pour qu'elles changent après. Nous proposons une solution simple pour y remédier : celles qui n'auront pas engagé de négociations en vue de réviser leurs classifications seront privées des financements qu'elles recevaient de l'Association de gestion du fonds paritaire national (AGFPN).
Franchement défavorable. Je doute fortement que nous ayons intérêt à envoyer un tel message, et à menacer les entreprises de leur retirer ce financement – dont les organisations syndicales bénéficient d'ailleurs probablement davantage que les organisations patronales, lesquelles reçoivent des cotisations de leurs adhérents. Nous voulons envoyer un message de confiance dans la démocratie sociale – c'est l'ambition du texte –, plutôt que de menace. La disposition que vous proposez serait certainement contre-productive.
L'amendement n° 162 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à Mme Christine Arrighi, pour soutenir l'amendement n° 372 .
Les femmes ont beau être plus diplômées en moyenne que les hommes, elles sont moins rémunérées et occupent moins de postes à responsabilité. C'est ainsi qu'une mère de famille monoparentale sur trois vit sous le seuil de pauvreté. Cet amendement de Marie-Charlotte Garin vise à créer un mécanisme plus coercitif, pour que l'ensemble des branches cessent de proposer des faibles rémunérations d'entrée, qui touchent en particulier les femmes. Cette proposition s'inspire de la loi visant à accélérer l'égalité économique et professionnelle, dite loi Rixain, promulguée le 24 décembre 2021, la veille de Noël.
J'entends l'argument sous-jacent à votre amendement. Il reviendrait toutefois à sanctionner des entreprises pour un manquement dont elles ne sont pas responsables – ou très indirectement –, mais qui est imputable à leur branche. Nous manquerions notre cible, puisque nous entendons sanctionner l'absence de négociations dans les branches. Avis défavorable.
Je suis défavorable à cet amendement pour deux raisons. La première a été évoquée par M. le rapporteur : une telle disposition conduirait à sanctionner une entreprise pour un défaut de dialogue lié à sa branche, sur lequel elle n'a pas de responsabilité immédiate. La deuxième raison est qu'une branche peut ne pas avoir révisé ses classifications mais avoir conclu un accord en matière d'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes. En la sanctionnant, vous iriez à l'encontre de l'objectif que vous poursuivez.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 95
Nombre de suffrages exprimés 81
Majorité absolue 41
Pour l'adoption 31
Contre 50
L'amendement n° 372 n'est pas adopté.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 94
Nombre de suffrages exprimés 94
Majorité absolue 48
Pour l'adoption 92
Contre 2
L'article 1er , amendé, est adopté.
Selon les organisations syndicales, sur les 171 grandes branches professionnelles de plus de 5 000 salariés, 86 ont des minima inférieurs au Smic. Elles n'ont pas mis à jour leurs grilles depuis la dernière hausse de celui-ci, le 1er janvier dernier. Certaines comptent jusqu'à onze échelons inférieurs au Smic. C'est le cas de la branche des industries du caoutchouc, dans la chimie : un salarié peut y grimper onze échelons au cours de sa carrière, tout en restant au salaire minimum.
La loi « pouvoir d'achat » d'août 2022 raccourcit certes à quarante-cinq jours le délai d'ouverture des négociations en cas de minima conventionnels inférieurs au Smic. Elle prévoit également qu'en l'absence d'initiative de l'employeur, la négociation doit s'engager dans les quinze jours suivant la demande d'une organisation syndicale. Le Gouvernement a prévu une sanction si ces règles ne sont pas respectées : la fusion des branches qui sont des mauvais élèves. Nous doutons que cette solution soit efficace et appropriée – d'ailleurs, elle ne semble pas fonctionner. Elle est en effet trop complexe – nous l'avions dit –, et peut créer de dangereux effets d'aubaine. Il aurait été plus profitable pour les salariés de conditionner les exonérations de cotisations sociales pour les bas salaires à la tenue de négociations.
Par ailleurs, les entreprises ne sont pas tenues d'ouvrir une négociation sur l'ensemble des salaires après chaque augmentation du Smic. Cela creuse encore l'écart avec les minima inférieurs au Smic, et contribue au tassement des grilles pour les salaires les plus faibles. Le présent amendement vise à garantir une négociation sur les salaires dans les six mois suivant toute augmentation du Smic.
Étant donné que certains minima hiérarchiques de branche se retrouvent sous le Smic quand celui-ci augmente, il paraît nécessaire de réévaluer les grilles de classification dans un délai de six mois après toute augmentation du salaire minimum. Tel est l'objet de cet amendement, qui est destiné à renforcer le pouvoir d'achat des Français et à instaurer davantage de justice sociale dans les entreprises.
Nous connaissons les difficultés liées au tassement des grilles pour les bas salaires. Nous savons aussi que, quand le Smic augmente, certains salaires de branche deviennent inférieurs au Smic. De fait, les salariés concernés restent assez longtemps au Smic, puisque celui-ci progresse plus vite que n'avancent les négociations – quand elles ont lieu.
Toutefois, je ne suis pas certain que l'obligation d'enclencher une négociation dans les six mois suivant chaque augmentation du Smic accélère les discussions que nous appelons de nos vœux dans les entreprises. En effet, les réévaluations du Smic sont fréquentes : elles sont indexées sur l'inflation mesurée pour les ménages du premier quintile de la distribution des niveaux de vie, c'est-à-dire les ménages ayant les revenus les plus bas. Le Smic a ainsi été réévalué deux fois en 2022, puis deux fois en 2023. Si ces hausses entraînaient systématiquement des négociations, les partenaires devraient sans cesse se remettre autour de la table – en réalité, il y a fort à parier que ces renégociations ne se tiendraient pas.
Rappelons aussi que la discussion peut prendre deux formes : soit, par défaut, une négociation annuelle ; soit la conclusion, entre organisations patronales et syndicales, d'un accord de méthode sur le déroulement des négociations dans un délai limite de quatre ans.
Nous aurons l'occasion de reparler de la dynamique des salaires, sujet important et connexe au projet de loi – vous l'avez évoqué dans vos interventions. Vos amendements visent certes à inciter les partenaires sociaux à négocier, mais ils induiraient des négociations bien trop fréquentes pour être soutenables. Ils auraient un effet inverse à celui que nous recherchons, à savoir l'ouverture de négociations. Pour ces raisons, mon avis est défavorable.
J'ajouterais aux arguments de M. le rapporteur que les branches répondent plutôt présentes. Alors que de nombreuses branches avaient vu leur minimum conventionnel passer sous le Smic après la revalorisation du 1er janvier 2022, dans les quatre mois suivants, plus de la moitié d'entre elles ont obtenu un accord permettant de se mettre en conformité. Notez aussi que grâce à la loi « pouvoir d'achat » que vous avez votée à l'été 2022, le délai dans lequel les branches doivent ouvrir des négociations pour revaloriser leur minimum conventionnel à l'aune du Smic est passé de quatre-vingt-dix à quarante-cinq jours.
Malgré la revalorisation du 1er mai, qui a fait passer le minimum conventionnel de nouvelles branches sous le Smic, seules neuf branches ont un minimum conventionnel inférieur au Smic depuis plus d'un an – en comparaison, elles étaient une vingtaine, en moyenne, ces dix ou quinze dernières années. C'est le signe que les branches répondent donc bien présentes, et qu'une dynamique de dialogue social est enclenchée.
Enfin, nous avons commencé à appliquer les dispositions relatives aux fusions et aux restructurations des branches dont le minimum conventionnel se maintient durablement sous le Smic. J'ai ainsi informé les partenaires sociaux de la branche des casinos de notre volonté de la fusionner en septembre, si aucun accord n'était trouvé d'ici là.
Pour toutes ces raisons, mon avis est défavorable. Nous nous trouvons dans une situation particulière, où l'inflation conduit à réévaluer le Smic plusieurs fois par an, et non une seule fois au 1er janvier, comme ces dernières années.
Les arguments opposés aux amendements me semblent peu convaincants : ils manquent singulièrement de vigueur. Si vous étiez vraiment animés d'une volonté d'augmenter les salaires, en particulier les plus bas, la mesure que nous proposons vous paraîtrait naturelle. Pourquoi ne pas étendre la réévaluation dont fait l'objet le Smic – laquelle se justifie généralement par un besoin – aux salaires situés au-dessus ? Nous sommes, vous le savez, partisans de l'échelle mobile des salaires mais, en l'occurrence, il ne s'agit même pas de cela : notre amendement vise à instaurer la tenue systématique de négociations dans les six mois suivant chaque hausse du Smic.
Les branches, qui sont, selon vous, monsieur le ministre, plutôt bonnes élèves, procèdent déjà de la sorte. Où est donc le problème ? Pourquoi ne pas obliger celles qui ne le font pas à négocier ? Ne pas reconnaître le caractère nécessaire de cette mesure, c'est contribuer à compresser les grilles salariales vers le bas et à ramener toujours plus de salariés vers le Smic, ce qui est problématique.
Un accord sur le partage de la valeur se doit de veiller à ce que l'ensemble de la grille salariale, particulièrement dans sa partie inférieure, bénéficie de la dynamique de la hausse du Smic.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
Monsieur le ministre, le problème, c'est que vous mettez toujours en avant des biais et des arguments techniques pour ne jamais augmenter les salaires. Vous osez même nous dire que les branches répondent présentes et augmentent les salaires au-dessus du Smic. J'en viens à me demander s'il vous arrive de discuter avec de vrais salariés, avec de vrais employés, avec de vrais agents. Allez donc dire que les branches répondent présentes à Djamel, que j'ai rencontré aujourd'hui, qui n'a que 200 euros pour nourrir ses enfants une fois les divers prélèvements effectués sur les 1 600 euros net qu'il reçoit chaque mois après seize années passées dans la même boîte. Allez donc dire que les branches répondent présentes à Karima, agent de maîtrise à la tête d'une équipe de neuf personnes, devant employer l'anglais, qui, avec sept ans d'ancienneté, gagne elle aussi 1 600 euros net, soit 200 euros au-dessus du Smic. Que proposez-vous pour toutes ces personnes qui, ayant des salaires situés juste au-dessus du Smic, sont prises dans une trappe à bas salaires ? Rien du tout !
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 94
Nombre de suffrages exprimés 92
Majorité absolue 47
Pour l'adoption 40
Contre 52
L'amendement n° 113 n'est pas adopté.
L'amendement n° 200 n'est pas adopté.
Sur l'amendement n° 274 , je suis saisie par les groupes Renaissance et La France insoumise-Nouvelle Union populaire, écologique et sociale d'une demande de scrutin public.
Sur les amendements n° 232 , 235 , 234 , 233 , 273 , 282 , 276 , 277 , 289 , 288 , 287 , 290 , 291 , 292 et 275 , je suis saisie par le groupe La France insoumise-Nouvelle Union populaire, écologique et sociale de demandes de scrutins publics.
Sur les amendements n° 28 , 115 et 27 , je suis saisie par le groupe Renaissance de demandes de scrutins publics.
Les scrutins sont annoncés dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à Mme Aurélie Trouvé, pour soutenir l'amendement n° 231 .
Vos sourires pendant l'annonce des demandes de scrutin public, chers collègues du groupe Renaissance, montrent que vous semblez vous rendre compte que les débats vont durer plus longtemps que prévu. Il se trouve que nous avons envie de débattre de salaires…
…car, dans ce pays, il y a un énorme problème de partage de la valeur entre les salaires et les profits.
Cet amendement traite de la smicardisation à vie que vous laissez s'installer. La France insoumise et, plus largement, la NUPES se tiennent aux côtés des salariés du privé et du public et de leurs représentants : durant l'examen de ce projet de loi, nous nous ferons l'écho de leurs aspirations.
Phénomène marquant : une multitude de personnes exerçant des métiers jugés peu qualifiés sont assignées au Smic à vie. Je pense à tous ceux que nous croisons dans notre vie quotidienne, les caissières, les agents de sécurité, les agents d'accueil, les agents de nettoyage. Comme leurs employeurs ne sont soumis à aucune obligation en matière d'évolution professionnelle, toute progression de carrière ou de salaires fait figure pour eux de mirage. Sylvie, salariée de Monoprix, gagne 1 450 euros net, soit 50 euros de plus que le Smic et n'a aucune perspective d'évolution alors qu'elle a trente-huit ans d'ancienneté. Vous avez multiplié ces dernières années les trappes à bas salaires, notamment en mettant en place des exonérations de cotisations jusqu'à 1,6 Smic qui ont eu pour effet un plafonnement des salaires.
Nous souhaitons que les entreprises soumises à une obligation de négociation collective mettent en place un dispositif d'évolution salariale dans leur grille de rémunération à défaut d'un droit opposable.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Je vous propose que nous débattions de cette question lorsque nous aborderons votre série d'amendements faisant l'objet des scrutins publics qui viennent d'être annoncés. Je suis prêt à y consacrer le temps nécessaire, d'autant que nous avons des points de désaccord sur l'indexation et les échelles mobiles de salaires.
Quant à votre amendement même, madame Trouvé, il est satisfait par le droit existant et par les dispositions de l'article 1er et de l'article 1er bis travaillées en commission. Mon avis sera donc défavorable.
Même avis.
Je rejoins ma collègue. La majorité des salariés travaillant dans des sociétés privées ne sont même pas au Smic : ils gagnent 800 à 900 euros. L'inflation est tellement forte qu'ils ne peuvent pas tenir avec des enfants à élever et des loyers à payer. Tout augmente. Les gens n'en peuvent plus ! C'est très difficile pour eux. Cette réalité existe, mes chers collègues, pensez-y et faites en sorte que les salaires augmentent.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 96
Nombre de suffrages exprimés 95
Majorité absolue 48
Pour l'adoption 38
Contre 57
L'amendement n° 231 n'est pas adopté.
L'ouverture d'une négociation sur la révision des classifications est certes nécessaire, compte tenu du nombre de salariés se trouvant bloqués au niveau du Smic, voire en dessous, mais elle n'est pas suffisante. Par cet amendement, nous proposons que se tiennent, dès la rentrée prochaine, des négociations sur l'échelle des salaires dans chaque branche.
L'inflation ne cesse de grignoter les salaires, qui n'augmentent pas. Ils baissent même, de 2 % en moyenne. En revanche, pour les grands patrons, notamment du CAC40, c'est plus que jamais la fête. Les PDG de Sanofi, de Dassault Systèmes, de Teleperformance ou encore de Kering touchent désormais chacun plus de 10 millions d'euros par an. Il faut cinq années de travail à une employée de Teleperformance pour gagner autant que ce que son patron perçoit en une seule journée. En mars 2023, TotalEnergies a augmenté de 10 % la rémunération de son PDG déjà estimée à plus de 7 millions en 2022.
Il y a quelques décennies encore, les dirigeants d'entreprise étaient considérés comme des salariés. Ils avaient des rémunérations fixes qui, même si elles atteignaient un niveau déjà élevé, n'étaient pas déconnectées du montant de celles de leurs subordonnés. Désormais, la part fixe représente à peine un cinquième des rémunérations des grands patrons et la part variable constitue 30 % du total.
Il y a urgence à augmenter les salaires ! Trop de Français ne parviennent pas à vivre de leur travail : ils survivent à peine. C'est la raison pour laquelle nous voulons que cette négociation ait lieu sans attendre, dès la rentrée.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
Par cet amendement, nous demandons l'ouverture de négociations de branche sur les salaires. Il y a urgence pour les Français qui sont dans l'impossibilité de nourrir leurs enfants et de vivre correctement, d'autant qu'arrivent les régularisations de charges. Il y a urgence pour les Français fragilisés qui sont en train de sombrer : eux qui, il y a quelques années encore, s'en sortaient doivent désormais compter chaque euro à la fin du mois.
Ce débat, nous l'avons déjà eu l'année dernière. En juillet, nous vous avions demandé une augmentation des salaires et Bruno Le Maire nous avait répondu qu'une augmentation de primes suffirait car il était impossible de prendre des mesures pérennes alors que l'inflation connaissait un pic. Vous vous êtes plantés. Bien vite, plutôt que d'un pic, vous avez affirmé qu'il s'agissait d'un plateau et même d'un « plateau haut » selon les termes de M. Véran et, avec ces discussions d'experts en géologie, les gens se sont sentis de plus en plus perdus sur le plan économique. On nous a assuré qu'à partir de 2023 l'inflation baisserait. M. Le Maire a même évoqué le 18 juillet 2022 un retour de l'inflation à des « niveaux plus raisonnables ». Mais, je le répète, vous vous êtes plantés : en fait de niveau plus raisonnable, elle a atteint 7 % en février !
Résultat : le pouvoir d'achat des gens baisse, de plus de 2 %. Si vous n'augmentez pas les salaires, cette évolution se poursuivra et vous serez confrontés à des conflits parce que les gens ne se laissent pas faire. Prenez les salariées de Vertbaudet : elles ont gagné après avoir tenu pendant deux mois de grève, non par plaisir mais parce qu'elles ne pouvaient pas faire autrement que de lutter pour nourrir leurs gamins.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Vous allez créer des situations conflictuelles au sein des entreprises si vous ne faites pas en sorte que les salaires augmentent. Une bonne politique économique serait d'aider les entreprises qui ne peuvent soutenir ces hausses, notamment en utilisant les plus de 272 milliards d'euros que la TVA a rapportés en 2022.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Par cet amendement de repli, nous proposons l'ouverture de négociations de branche destinées à augmenter les salaires. Il est temps de mettre cette question essentielle au centre du débat. C'est la vraie réponse face à l'inflation et à l'inégalité professionnelle entre hommes et femmes. On ne vous le dira pas jamais assez : le pouvoir d'achat passe par les salaires, pas par les primes.
Les superprofiteurs ne se sont jamais autant enrichis que pendant ces dernières années. Les grands patrons savent très bien augmenter leurs propres salaires : le PDG de TotalEnergies a obtenu une hausse de 52 %, celui du groupe Casino de 71 % !
En tant que représentants du peuple, nous avons le devoir de protéger les plus faibles et les plus démunis. Nous veillons ainsi à l'intérêt général du pays. Ouvrons donc des négociations sur les salaires dans les branches dès la rentrée. C'est ainsi que nous revaloriserons toutes les grilles de salaires, surtout les niveaux les plus faibles.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Par cet amendement, nous demandons, nous exigeons, que soient créées les conditions de l'ouverture d'une négociation de branche portant sur trois points : la hausse de tous les salaires jusqu'à 2 300 euros net, l'instauration d'une revalorisation automatique des salaires lorsque l'inflation dépasse un certain seuil, la mise en place de mesures tendant à assurer l'égalité salariale entre les femmes et les hommes.
Nous vous demandons non pas d'être d'accord avec nous, mais d'admettre simplement que ces questions méritent l'ouverture d'une négociation entre le patronat et les syndicats, en particulier dans le contexte actuel de l'inflation, du mouvement social sur les salaires et du retard pris en matière d'égalité salariale.
Vous nous vantez, depuis le début de l'après-midi, le dialogue social et la négociation. Si vous avez tant confiance en cette dernière, adoptez ces amendements qui ont pour objectif de la favoriser. Ils visent, en quelque sorte, à corriger le péché originel de la lettre de cadrage gouvernementale, qui a conduit à l'ANI.
L'intersyndicale demande, de façon unanime, l'engagement d'une discussion sur l'augmentation des salaires. Vous êtes donc assurés d'obtenir de leur part un oui franc et massif en faveur de négociations de branche. Par conséquent, qui bloque, puisque ce ne sont pas les syndicats ? Ce sont le Gouvernement et le patronat. Il faut choisir votre camp, monsieur le ministre : celui du patronat ou celui des syndicats.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
On parle beaucoup de ces gens qui essaient de survivre avec un Smic – car on ne vit pas avec un Smic, on survit. Or ce sont souvent des jeunes, des gens de mon âge, qui sont payés au Smic. Et savez-vous ce qu'ils me disent ? « Je ne comprends plus pourquoi je vais travailler, pourquoi je me lève le matin pour toucher un salaire qui ne me permet que de faire face à l'augmentation du prix de l'essence dont j'ai besoin pour aller bosser ; un salaire mais qui me permet à peine de payer la bouffe ou mon logement ».
Ce sont eux qui réclament des augmentations de salaires, face à l'immense crise inflationniste à laquelle ils sont confrontés et qui fait que près de 10 millions de personnes ont faim, dont beaucoup d'enfants. Ils n'attendent qu'une seule chose : une augmentation des salaires, parce que ce n'est pas sur la base de primes que l'on obtient un prêt bancaire ou que l'on planifie sa vie sur le long terme. Cela fait longtemps déjà que les prix augmentent et ils se demandent quand cela s'arrêtera.
Les jeunes de ma génération ont connu la pandémie de covid-19 ; ils devront également faire face au dérèglement climatique et connaîtront d'autres catastrophes qui justifieront, peut-être, que les prix augmentent encore et que vous ne fassiez rien. Entendez cet appel de gens de mon âge qui se demandent simplement si cela vaut la peine de continuer de travailler et de survivre, avec le peu que vous leur donnez. Votez, s'il vous plaît, cette augmentation des salaires, pour les jeunes.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Quel est l'avis de la commission sur ces amendements en discussion commune ?
Nous en arrivons au cœur du débat. Ma réponse servira aussi pour les amendements à venir. Premièrement, personne n'a le monopole de ceux qui souffrent dans ce pays : nous sommes élus depuis un an et nous en rencontrons tous dans nos circonscriptions, qui viennent nous voir parce qu'ils n'ont pas de solution.
Ensuite, les entreprises n'ont attendu ni la parole publique ni notre avis pour augmenter les salaires : depuis un an et demi, de nombreux secteurs ont été obligés de le faire, que ce soit dans la restauration, l'hôtellerie ou le bâtiment.
Certes, on peut estimer que ce n'est pas suffisant. Néanmoins, cette tendance a été massive dans certains secteurs, notamment parce qu'ils avaient du mal à embaucher. Je ne dis pas que cela s'est produit partout, ni dans toutes les entreprises au sein d'une même branche : simplement ils l'ont fait sans attendre que la parole publique le leur demande.
Je ne crois pas à une augmentation généralisée des salaires – c'est l'un des nombreux points de divergence notables entre nous.
D'ailleurs, qui sommes-nous pour imposer tel ou tel pourcentage d'augmentation ?
J'en profite pour répondre aux amendements, à venir, en faveur d'une indexation des salaires et démontrer que ce ne serait pas une bonne idée.
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES.
En 2022, les salaires ont augmenté en moyenne de 4,9 % – même si ce chiffre masque des hétérogénéités –, pour une inflation établie à 6 %.
Je ne dis pas que c'est suffisant, mais je suis objectif quant aux chiffres. C'est vrai, les salaires accusent un retard et la situation est, par ailleurs, différente selon les secteurs. Nous avons l'exemple d'un pays près de chez nous, la Belgique, qui applique des indexations automatiques : l'inflation s'établit à un peu plus de 10 %, tandis que les salaires ont augmenté en moyenne de 8 % environ, malgré ces indexations : c'est bien la preuve qu'il n'existe pas une méthode très supérieure à l'autre.
Nous ne sommes pas favorables à des augmentations généralisées, parce que nous considérons qu'il revient aux chefs d'entreprise de déterminer ce qu'ils sont en mesure d'accorder à leurs salariés. Et même si cela ne marche peut-être pas très bien partout, je répète qu'ils ne nous ont pas attendus pour agir.
Mme Clémence Guetté s'exclame.
Enfin, personne n'a dit que les primes remplaceraient la hausse des salaires : néanmoins, lorsque l'entreprise est à même de faire cet effort, il s'agit d'un complément utile. Avis défavorable à ces amendements.
Avis défavorable, pour deux raisons supplémentaires à celles évoquées par M. le rapporteur. La première, c'est que le dialogue social en matière salariale existe bel et bien puisque davantage d'accords majoritaires ont été signés entre le 1er janvier 2023 et aujourd'hui que par rapport à l'ensemble de l'année 2022 : 333 accords ont déjà été conclus et soumis à extension en cinq mois, contre 326 en 2022.
Par conséquent, la négociation fonctionne et il n'est pas nécessaire d'adopter des dispositions visant à renforcer un dialogue qui existe déjà et qui se traduit par une dynamique salariale de l'ordre de 5 %, comme vient de le rappeler M. le rapporteur.
La deuxième raison, j'en reviens à mon propos liminaire, c'est que les partenaires sociaux qui ont signé cet accord n'ont pas souhaité y inscrire une obligation de négociation. Cela ne signifie pas qu'ils y soient tous opposés ; néanmoins, le point d'équilibre trouvé, qui a permis d'obtenir un accord majoritaire entre les partenaires sociaux, les organisations syndicales et patronales, correspond au texte que nous vous proposons.
Mme Clémence Guetté s'exclame.
Madame Guetté, seul M. le ministre a la parole.
La parole est à Mme Aurélie Trouvé.
Permettez-moi de citer les chiffres du ministère du travail, du plein emploi et de l'insertion : en 2022, le salaire mensuel de base a augmenté, dans le secteur privé, de 3,8 %, alors que l'inflation, si l'on tient compte de l'indice des prix à la consommation (IPC), a augmenté, selon les données de l'Insee, de 6 % – sans parler de l'indice des prix à la consommation harmonisé (IPCH), qui me semble plus parlant et qui, lui, est de 7 %. Vous oubliez également de préciser que les plus précaires subissent une hausse de 12 % des prix de l'alimentation et de 15 % du coût de l'énergie, du gaz notamment.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
Il y a donc un énorme décalage entre les salaires et les prix.
Je suis estomaquée d'entendre M. le rapporteur dire – j'aimerais qu'il le confirme – qu'il est opposé à une hausse générale des salaires.
Pouvez-vous nous confirmer, monsieur le rapporteur, que vous n'êtes pas favorable à une hausse générale des salaires ?
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe RE.
Les salariés et les syndicats seront sans doute contents d'apprendre que vous y êtes hostile, alors que vous vous gaussez de démocratie sociale !
Vos chiffres sont faux : les salaires ont augmenté de 4,6 % et non pas de 3,8 % !
L'ANI, qui va dans le bon sens, concerne l'ensemble des entreprises. En ce qui concerne la différence entre primes et rémunérations, je rappelle que la prime est un élément de pouvoir d'achat. Si l'entreprise se porte bien, elle augmente logiquement les salaires de son personnel. Certes, les grandes entreprises peuvent le faire sans doute plus facilement que les autres.
Vous évoquez la hausse de l'inflation ; toutefois, elle concerne aussi les entrepreneurs, qui subissent des charges plus élevées d'électricité ou de gaz. Ils doivent en tenir compte, mais ils ne peuvent pas les répercuter directement sur leurs clients. S'ils sont responsables, ils devront, lorsque la négociation s'ouvrira dans l'entreprise, réfléchir à la manière d'augmenter les salaires, tout en maintenant une petite marge – il ne s'agit pas pour eux de s'en mettre plein les poches !
Vous avez évoqué les écarts de salaires entre certains grands patrons et leurs salariés : néanmoins, ces ratios sont, pour beaucoup d'entrepreneurs, au maximum de 1 à 5 – il est très rare, sauf dans de très grandes entreprises, mais nous sommes alors dans un autre monde, de constater un ratio de 1 à 1 000. L'accord concerne toutes les entreprises françaises. Cessez de faire croire qu'on peut augmenter les rémunérations d'un simple claquement de doigts : c'est bien plus compliqué.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes Dem et RE
Il ne revient pas au législateur, madame Trouvé, de décider d'une augmentation généralisée des salaires et de fixer un taux qui s'appliquerait à toutes les entreprises, quelle que soit leur taille – c'est l'idée sous-tendue dans vos amendements.
Je le répète, il est dans l'intérêt des entreprises d'augmenter les salaires si elles veulent garder leurs personnels. De nombreux secteurs rencontrent des difficultés à embaucher. Ils n'ont pas attendu la parole publique ou la parole de quelques-uns pour augmenter les salaires. Par ailleurs, le salaire n'est pas l'unique sujet qui intéresse les travailleurs : les conditions de travail comptent également, telles que le fait de travailler quatre jours sur cinq ou quatre jours et demi. Il existe une diversité de cas.
Je ne suis donc pas hostile à une augmentation des salaires, mais je dis simplement qu'elle ne peut pas s'appliquer à tous de manière uniforme et qu'elle ne peut pas être décrétée par la puissance publique.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 101
Nombre de suffrages exprimés 90
Majorité absolue 46
Pour l'adoption 31
Contre 59
L'amendement n° 274 n'est pas adopté.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 100
Nombre de suffrages exprimés 89
Majorité absolue 45
Pour l'adoption 31
Contre 58
L'amendement n° 232 n'est pas adopté.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 100
Nombre de suffrages exprimés 89
Majorité absolue 45
Pour l'adoption 31
Contre 58
L'amendement n° 235 n'est pas adopté.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 100
Nombre de suffrages exprimés 89
Majorité absolue 45
Pour l'adoption 31
Contre 58
L'amendement n° 234 n'est pas adopté.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 100
Nombre de suffrages exprimés 88
Majorité absolue 45
Pour l'adoption 31
Contre 57
L'amendement n° 233 n'est pas adopté.
Sur l'amendement n° 141 , je suis saisie par le groupe Renaissance d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Je suis saisie de cinq amendements, n° 273 , 28 , 115 , 27 et 141 , pouvant être soumis à une discussion commune.
La parole est à M. Adrien Quatennens, pour soutenir l'amendement n° 273 .
Les données du ministère du travail, du plein emploi et de l'insertion indiquent que sur les 171 branches suivies par le Gouvernement, 86 ont des minima conventionnels inférieurs au Smic. Nous savons bien que de la Macronie jusqu'à l'extrême droite, vous êtes opposés à l'augmentation du Smic ; vous avez d'ailleurs voté contre.
C'est faux ! Le Smic n'a jamais augmenté autant que sous cette majorité ! Il a progressé de 11 % !
Par cet amendement, nous prônons l'instauration d'un mécanisme de négociation automatique à chaque revalorisation du Smic : nous voulons de véritables hausses du Smic, qui s'appliquent à l'ensemble de l'échelle des salaires et profitent à tous les travailleurs modestes.
Collègues, comprenez l'absurdité du débat…
…que vous nous proposez aujourd'hui. C'est un peu comme une partie du jeu Taboo : en haut de la carte est noté « Partage de la valeur », mais le mot qu'il est interdit de prononcer, c'est « salaire » !
Vous évoquez régulièrement la valeur travail. Mais vous refusez systématiquement de parler de la valeur du travail. Or travailler a un coût – cela a été rappelé par plusieurs collègues –, notamment pour se déplacer et se rendre à son lieu de travail. Et le salaire ne permet pas toujours de vivre correctement de son travail. Encore, si tout le monde connaissait dans l'entreprise une période de vaches maigres, on pourrait en discuter. Mais vous savez que ce n'est pas le cas : les superprofits explosent et se cachent derrière l'inflation. Vous êtes la minorité présidentielle qui a consacré en 2019 la somme incroyable de 157 milliards d'euros en aides aux entreprises du CAC40, sans exiger de leur part aucune contrepartie : vous y avez consacré 6,4 % du PIB, plus de 30 % du budget de l'État, soit 10 milliards de plus que l'ensemble des aides sociales !
Or quand il s'agit de payer dignement les salariés, vous êtes aux abonnés absents : vous ne voulez absolument rien faire. Pour notre part, nous voulons accomplir l'essentiel. Nous ne vous lâcherons pas tant que durera l'examen du texte : si vous refusez l'augmentation du Smic à 1 600 euros, permettez au moins la négociation au sein de l'entreprise.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES.
Cette série d'amendements vise une mesure cruciale dont je crois qu'elle fera consensus sur de nombreux bancs, car elle concerne les minima conventionnels inférieurs au Smic, dont nous avons déjà débattu. On peut se réjouir qu'ils soient désormais moins durablement inférieurs au Smic : toutefois, le comité de suivi de la négociation salariale, réuni le 14 juin, a constaté que 140 des 171 branches – et non plus 87 – pratiquent à présent des minima conventionnels inférieurs au Smic.
Nous abordons là le cœur du débat, c'est-à-dire le phénomène de smicardisation des rémunérations : certaines grilles de rémunération créent des smicards à vie, car elles comportent des minima conventionnels trop bas qui contraignent les salariés à franchir plusieurs échelons, et donc à attendre plusieurs années, avant d'atteindre le niveau du Smic. Ce phénomène est également connu sous le nom de plancher collant. Une telle situation est inacceptable.
Nous avons présenté plusieurs propositions visant la tenue de négociations obligatoires. L'amendement tend à instaurer un outil qui rendra ces négociations efficaces plutôt que d'en laisser l'issue au bon vouloir des seules entreprises : conditionner les exonérations de cotisations sociales à des critères fondés sur le partage de la valeur. Plusieurs organisations syndicales – comme la CFE-CGC ou encore la CFDT, que Marc Ferracci et moi-même avons récemment auditionnées, à ce sujet, dans le cadre de notre mission d'évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale – recommandent de conditionner le bénéfice des exonérations sur les bas salaires à la tenue d'une négociation aboutissant à la revalorisation des minima conventionnels.
Vous qui vous en tenez aux invitations, aux incitations et aux propositions, nous vous offrons un outil qui permettra de réaliser notre objectif commun.
M. Mathieu Lefèvre s'exclame.
En effet, nous sommes tous d'accord pour dénoncer cette situation insupportable. Je m'entretenais tout à l'heure avec une députée du groupe Renaissance qui s'étonnait qu'on puisse encore, après toutes ces années, s'accommoder de l'existence de tels minima conventionnels. Plutôt que de se lamenter, adoptons cette mesure qui permettra de corriger cette injustice criante.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes SOC et LFI – NUPES.
La parole est à M. Pierre Dharréville, pour soutenir l'amendement n° 115 .
Monsieur le rapporteur, vous nous demandez – en d'autres termes, certes – de quel droit nous nous immiscerions dans la négociation concernant l'augmentation des salaires en entreprise, Smic excepté. Pour ma part, je considère que la puissance publique doit s'intéresser à ces enjeux et ne pas se contenter de laisser agir la main invisible du marché – ou, en l'occurrence, le rapport de force social, car c'est lui qui préside à la fixation des salaires. Il incombe à la République de suivre avec attention la rémunération du travail.
Monsieur le ministre, vous avez exprimé la crainte que nos amendements ne conduisent à des négociations trop fréquentes. Effectivement, nous souhaitons augmenter autant que possible la fréquence des discussions, de sorte que la progression des salaires corresponde le mieux possible aux besoins et aux réalités économiques du moment.
L'amendement, issu de propositions formulées par la CFE-CGC, s'inscrit dans cette logique. Il est nécessaire d'obliger les entreprises à l'ouverture de négociations concernant l'ensemble des minima de branche lorsque le Smic fait l'objet d'une revalorisation. Plus précisément, l'amendement est inspiré par l'inflation considérable qui a conduit, comme vous l'avez rappelé, à revaloriser par trois fois le Smic en 2022. Puisque chaque augmentation du Smic ne mène pas à la revalorisation des minima de branche, ceux-ci, un temps supérieurs au Smic, finissent logiquement par repasser dessous. Cela entraîne en outre le tassement des grilles salariales.
C'est pourquoi nous proposons la tenue d'une négociation obligatoire dans les trois mois suivant une deuxième revalorisation du Smic. Il s'agit d'un amendement de repli, mais il me semble présenter des vertus nécessaires en période d'inflation. S'il ne se plie pas à cette obligation, l'employeur ne bénéficiera plus des exonérations de cotisations sociales applicables ; dès la conclusion d'un accord de revalorisation des minima conventionnels, cette sanction sera levée, avec effet rétroactif.
Je peine à comprendre la position de certains, car je crois qu'aucun parlementaire ne peut s'accommoder de la persistance de minima conventionnels inférieurs au Smic. Personne ne trouve cela normal. Nous avons porté de quatre-vingt-dix jours à quarante-cinq jours le délai dans lequel doivent se tenir des négociations après la première revalorisation du Smic dans l'année. Toutefois, comme l'a confirmé M. le ministre, il reste neuf branches dans lesquelles cette situation persiste depuis plus d'un an.
Ce phénomène qui dure depuis plusieurs années nous indigne tous et devrait constituer l'obsession de tout ministre du travail.
Les amendements en discussion tendent à l'engagement automatique de négociations d'augmentation des minima conventionnels après chaque revalorisation du Smic. La négociation requiert le maniement de la carotte, mais aussi celui du bâton : aussi vous proposons-nous de nous doter de l'arme consistant à priver l'employeur du bénéfice des exonérations de cotisations sociales. Nous espérons ainsi détruire la trappe à bas salaires qu'entretient chaque revalorisation du Smic, sur la base duquel est calculée la réduction générale des cotisations patronales, dite réduction Fillon.
Deux mesures sont possibles pour faire disparaître les minima inférieurs au Smic : inciter les employeurs à revaloriser les minima conventionnels en les privant du bénéfice des exonérations applicables, ou inscrire clairement dans la loi l'obligation d'engager une négociation à ce sujet dans un délai donné – M. Dharréville a proposé trois mois, nous proposons ici six mois – suivant chaque revalorisation du Smic. Si nous ne nous dotons pas d'outils concrets pour atteindre un objectif que nous partageons tous, nous perdrons tout crédit. En outre, nous serons contraints de nous en remettre aux partenaires sociaux, dont la temporalité diffère de celle du législateur.
M. Arthur Delaporte applaudit.
L'amendement n° 141 de Mme Katiana Levavasseur est défendu.
Quel est l'avis de la commission ?
J'admets qu'il s'agit d'un sujet crucial : il est sain que nous en débattions en séance comme nous en avons débattu en commission. Bien sûr, nous reconnaissons que le tassement des grilles salariales constitue une anomalie.
Pour la bonne information de chacun, il convient de rappeler que nul ne perçoit une rémunération inférieure au Smic horaire. Certaines grilles comportent effectivement des échelons inférieurs au Smic, mais ces rémunérations sont ramenées au niveau du Smic horaire, ce qui produit le tassement que vous dénoncez. En outre, au fur et à mesure que le Smic augmente – pour de bonnes raisons, d'ailleurs, puisqu'il évolue en fonction du coût de la vie –, le phénomène de tassement s'amplifie, ce qui peut amener les salariés à être payés au Smic pendant de nombreuses années.
Votre amendement contient des mesures déjà existantes, puisque notre assemblée a voté la fusion des branches il y a un an et la réduction à quarante-cinq jours du délai d'engagement d'une négociation suivant une augmentation du Smic. Sans affirmer que le système est idéal ni qu'il fonctionne parfaitement, je tiens à rappeler que ces mécanismes existent. Je vous invite à faire confiance à la branche, car elle constitue l'instance appropriée pour de telles négociations.
Monsieur Dharréville, je n'ai pas dit que le législateur ne devait pas s'intéresser au niveau de rémunération des salariés, mais qu'il ne lui appartient pas de le fixer, ni de s'ingérer dans les négociations de branche.
Nos positions divergent en ce qui concerne la conditionnalité des allégements de cotisations, qui fait l'objet de ces amendements et d'autres amendements à venir. Je considère en effet que le travail réalisé depuis 2017 en matière de coût du travail – je sais que vous n'aimez pas ce terme, mais nous pourrions aussi employer celui de prix du travail ou de valeur du travail – a porté ses fruits. Si la France était un paradis fiscal, cela se saurait ! Il est vrai que le coût des bas salaires – entre 1 et 2 Smic – pour l'employeur en France est légèrement inférieur à la moyenne de l'OCDE, l'Organisation de coopération et de développement économiques, mais le coût des salaires supérieurs à ce seuil est bien plus élevé. Ces allégements ont permis la diminution du chômage, l'augmentation du nombre d'embauches et la création d'emplois. J'estime donc que notre politique fonctionne, même si je constate que nous sommes en désaccord sur ce point.
Avis défavorable à l'ensemble des amendements en discussion commune.
Avis défavorable car, au risque de me répéter, ces mesures ne sont pas prévues dans l'accord.
Par ailleurs, je tiens à souligner la vivacité du dialogue social relatif aux questions salariales. Ainsi, lors du seul premier semestre 2023, il faut savoir que 333 accords ont été proposés à l'extension, contre 326 pour toute l'année 2022. Contrairement à ce qu'on entend parfois, le niveau du salaire mensuel de base (SMB) des ouvriers et des employés qui, par définition, est le plus proche du Smic, a augmenté en moyenne de 5,5 % et de 4,9 %, respectivement alors que le SMB moyen des cadres a augmenté de 4 % et celui des professions intermédiaires de 3,6 %. Le décrochage évoqué dans certaines de vos interventions n'est donc pas réel.
En outre, les mécanismes que vous proposez conditionnent le bénéfice des exonérations de cotisations aux résultats d'un dialogue de branche. Les mesures de ce type, déjà tentées au milieu des années 2000, se heurtent à une difficulté majeure : une entreprise mettant en œuvre une politique salariale très dynamique et proposant des rémunérations supérieures à la moyenne de sa branche pourrait être pénalisée en raison d'une défaillance du dialogue social au niveau de la branche, à laquelle, d'ailleurs, elle n'a pas nécessairement choisi d'appartenir. Cela avait motivé un avis du Conseil constitutionnel soulignant l'inapplicabilité d'une telle disposition.
Enfin, le Gouvernement est défavorable aux amendements visant à instaurer davantage de négociations obligatoires, car le dialogue social fonctionne déjà. Certes, neuf branches pratiquent encore des minima conventionnels inférieurs au Smic, mais ce nombre est inférieur de moitié à celui que nous constations lors des années précédentes. Cela démontre que le raccourcissement des délais voté par l'Assemblée nationale permet d'obtenir des résultats.
Nous retirons l'amendement n° 273 au profit des amendements suivants, afin de soutenir les propositions de nos collègues quant à la suspension des exonérations de cotisations dans les branches qui conservent durablement des minima conventionnels inférieurs au Smic.
Monsieur le rapporteur, vous vous êtes déclaré défavorable à la hausse généralisée des salaires. À la lumière de vos réponses, force est de constater que vous êtes favorable à la smicardisation à durée indéterminée qui frappe les salariés de certaines branches, rémunérés au Smic non pendant trois ou quatre ans, mais pendant dix ou quinze ans.
Vous évoquez la valeur du travail : je vous répondrai que la véritable valeur du travail se mesure à l'augmentation des salaires et réside également dans l'expérience qu'on acquiert en travaillant. Or c'est insulter l'expérience que de rémunérer durablement les salariés au Smic, alors que ce salaire devrait, selon nous, être réservé aux embauches récentes.
C'est pourquoi nous soutiendrons ces amendements et défendrons la suspension du bénéfice des exonérations pour les branches qui ne négocient pas des minima conventionnels supérieurs au Smic. J'insiste sur le terme de suspension : rien n'empêche les branches de négocier, d'améliorer le sort des salariés et de retrouver le bénéfice des exonérations. Il s'agit là d'une concession, d'une main tendue de notre part : vous devriez la saisir, au lieu de vous retrancher dans un dogmatisme sclérosé.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
L'amendement n° 273 est retiré.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 105
Nombre de suffrages exprimés 91
Majorité absolue 46
Pour l'adoption 34
Contre 57
L'amendement n° 28 n'est pas adopté.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 105
Nombre de suffrages exprimés 89
Majorité absolue 45
Pour l'adoption 34
Contre 55
L'amendement n° 115 n'est pas adopté.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 104
Nombre de suffrages exprimés 102
Majorité absolue 52
Pour l'adoption 46
Contre 56
L'amendement n° 27 n'est pas adopté.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 72
Nombre de suffrages exprimés 69
Majorité absolue 35
Pour l'adoption 14
Contre 55
L'amendement n° 141 n'est pas adopté.
Sur les amendements n° 204 , 203 , 202 , 148 et 109 , je suis saisie par le groupe Renaissance de demandes de scrutin public. Je suis également saisie d'une demande de scrutin public sur l'amendement n° 210 par les groupes Renaissance et Écologiste – NUPES, ainsi que sur les amendements identiques n° 14 et 164 par les groupes Renaissance et Rassemblement national.
Les scrutins sont annoncés dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Ces huit amendements, n° 204 , 203 , 202 , 148 , 210 , 109 , 14 et 164 , peuvent être soumis à une discussion commune. Les amendements n° 14 et 164 sont, je le rappelle, identiques.
La parole est à Mme Eva Sas, pour soutenir les amendements n° 204 , 203 , 202 , 148 et 210 .
Ce sont des amendements importants. L'article 1er de l'ANI rappelle « avec force » le « principe de non-substitution » entre les outils de partage de la valeur et les salaires et dispose que « compte tenu de ce principe de non-substitution, il est opportun de prévoir un traitement différencié aux discussions sur le partage de la valeur dans le cadre des négociations obligatoires prévues par le code du travail ». Or, sauf erreur de ma part, cette disposition de l'ANI n'a pas été transposée dans le projet de loi. C'est pourquoi ces amendements visent à scinder en deux étapes distinctes la négociation sur la rémunération et le partage de la valeur. L'objectif est d'éviter que les primes et autres paiements liés au partage de la valeur ne soient utilisés comme arguments dans la négociation annuelle obligatoire sur la rémunération afin de justifier la faiblesse des augmentations.
Rappelons que les demandes d'augmentation de salaire sont légitimes, surtout dans l'actuel contexte d'inflation où les prix ont augmenté de 5,1 % en un an. Même l'Insee a souligné les effets néfastes de la prime Macron, en calculant que 30 % de son montant se seraient substitués à la hausse du salaire mensuel – autrement dit, un versement ponctuel de 1 000 euros aurait remplacé une hausse de salaire annuel de 300 euros. Pour éviter la substitution aux augmentations de salaire, nous devrions tous pouvoir nous réunir autour du même objectif, à savoir, encore une fois, la dissociation des deux temps de négociation, l'un sur la rémunération et l'autre sur le partage de la valeur.
Les amendements n° 204 , 203 et 2022 sont des amendements de repli : ils instaurent respectivement un délai d'un mois, de deux et de trois mois entre la négociation sur la rémunération et celle sur le partage de la valeur ; l'amendement n° 148 propose un délai de quatre mois. Le plus étant le mieux, c'est ce dernier amendement que nous avions défendu en commission.
Quant à l'amendement n° 210 , j'ai demandé qu'il fasse l'objet d'un scrutin public car, si tous les amendements précédents étaient hélas rejetés, il nous offrirait une dernière chance de concrétiser le principe de non-substitution entre les augmentations de salaire et le partage de la valeur. Il s'agit donc d'un amendement minimaliste qui prévoit simplement la séparation des deux temps de négociation sans fixer de délai. Je vous invite à adopter en priorité l'amendement n° 148 ou, à défaut, le n° 210, qui nous permettrait d'être fidèles à la lettre de l'ANI – puisque c'est un objectif que vous revendiquez – et aux discussions qui ont eu lieu entre organisations syndicales et patronales.
La parole est à M. Pierre Dharréville, pour soutenir l'amendement n° 109 .
Il vise lui aussi à distinguer nettement entre les négociations sur les salaires et celles qui portent sur les dispositifs dits de partage de la valeur. La négociation sur le partage des dividendes du travail devrait intervenir dans un délai de quatre mois au plus après la négociation sur les salaires. Cette distinction est essentielle pour éviter toute confusion et toute logique de substitution des salaires par les primes. Les salaires doivent rester l'objet primordial de la négociation et de la rémunération du travail ; le reste ne doit être qu'un complément.
Cet amendement répond à la préoccupation qu'ont les organisations syndicales signataires de l'ANI de lutter contre le phénomène avéré de substitution – à hauteur de 30 %, selon l'Insee – des primes dites de partage de la valeur aux salaires. Nous devons prendre une décision en la matière et transcrire dans la loi cette disposition qui figure dans l'ANI, afin, je le répète, de lutter autant que possible contre les logiques de substitution. Au reste, ces amendements et l'espacement des négociations n'y suffiront pas : on peut fort bien imaginer qu'au prétexte de négociations à venir sur les primes, les employeurs freinent la hausse des salaires. Cela étant, pour limiter la substitution, la distinction entre les deux temps de négociation est indispensable.
La parole est à M. Michel Castellani, pour soutenir l'amendement n° 14 .
Comme les précédents, cet amendement vise à décorréler la négociation sur la rémunération de celle sur le partage de la valeur. En effet, l'article 1er de l'ANI n'a pas été repris alors qu'il constitue un élément fondamental puisqu'il prévoit le principe de non-substitution entre le salaire et les dispositifs de partage tels que l'intéressement, la participation ou encore la prime de partage de la valeur. Il faut au moins que la négociation sur la revalorisation de la rémunération, qui a lieu tous les quatre ans, ne se tienne pas en même temps que celle sur le partage de la valeur et, idéalement, qu'un délai minimal soit respecté entre les deux.
La parole est à Mme Stéphanie Galzy, pour soutenir l'amendement n° 164 .
À l'article 1er de l'ANI, les partenaires sociaux ont tenu à souligner avec conviction le principe fondamental de la non-substitution des primes aux salaires. Ils ont ainsi réaffirmé que le salaire demeure la meilleure forme de reconnaissance du travail fourni par les salariés et des compétences qu'ils exercent.
C'est pourquoi cet amendement vise à séparer strictement les négociations relatives au salaire et celles relatives aux dispositifs de partage de la valeur au sein des entreprises. Dans la période que nous traversons, les salariés français voient le fruit de leur travail rongé par l'inflation, qui est elle-même amplifiée par la TVA. Ils ne sentiront une juste reconnaissance de leur effort que lorsqu'ils seront capables de subvenir correctement à leurs besoins et à ceux de leurs proches, tant pendant leur vie active que quand ils parviennent à l'âge de la retraite. Or ce sont les salaires qui cotisent, pas les primes. En décorrélant les négociations, nous permettrons aux salariés de sanctuariser des salaires justement rémunérateurs, et non soutenus artificiellement par des primes éphémères.
Les salariés qui se lèvent chaque matin méritent d'être considérés bien mieux que comme de simples acteurs économiques. Leur travail et la richesse qu'ils créent sont la condition d'une société qui contribue à la solidarité immédiate et la garantie de droits à long terme par la cotisation.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RN.
En effet, ce point a été réaffirmé dans l'ANI. S'il doit y avoir deux discussions distinctes, il me semble très difficile de fixer un délai entre les deux, comme l'ont reconnu les organisations syndicales elles-mêmes, même si je comprends qu'un amendement de repli n'est assorti d'aucun délai précis. Ensuite, plusieurs dispositifs – accord d'intéressement, par exemple – doivent faire l'objet de discussions commençant avant le milieu de l'année, ce qui permet d'en préserver le caractère aléatoire et de dissocier de facto la négociation annuelle obligatoire de celle portant sur les mesures en question. En outre, de nombreuses dispositions du code du travail précisent explicitement que les deux objets sont distincts.
Je ne nie pas le phénomène de substitution et nous avons tous lu l'étude de l'Insee selon laquelle la prime de partage de la valeur se substitue pour 30 % aux hausses de salaire – un pourcentage qui varie entre 15 % et 40 % selon les études. Néanmoins, cet outil est plébiscité, notamment par les chefs de très petites, petites et moyennes entreprises : n'étant pas certains de pouvoir procéder à des hausses durables des salaires, ils peuvent au moins accorder des primes de partage de la valeur à très court terme.
Je défendrai plus tard un amendement n° 395 portant article additionnel avant l'article 2 afin de préciser que le principe de non-substitution vaut pour tous les outils de participation – un point que ne précise pas le code du travail. Je vous invite à l'adopter. En attendant, avis défavorable aux amendements en discussion.
En effet, l'ouverture de certaines discussions est régie par la loi et doit avoir lieu au premier semestre, ce qui permet de conserver le caractère aléatoire des dispositifs concernés. Autrement dit, tous les amendements qui visent à attendre la clôture d'une discussion sur le premier sujet, quel que soit le délai éventuellement prévu, pour ouvrir la discussion sur le deuxième sujet présente le risque d'empêcher, par exemple si la discussion sur les salaires est très longue, l'ouverture d'une discussion et la conclusion d'un accord sur le partage de la valeur. Ce serait contre-productif pour les salariés concernés.
Ensuite, comme l'a indiqué le rapporteur, plusieurs amendements identiques portant article additionnel avant l'article 2 visent à inscrire dans la loi le principe de non-substitution figurant à l'article 1er de l'ANI. Les articles L. 3312-1 et suivants du code du travail prévoient déjà ce principe, et nous entendons conforter cette rédaction. Puisque nous examinons un projet de loi de transposition et qu'il existe des dispositifs particuliers en matière de partage de la valeur, il est souhaitable, comme le propose de rapporteur, de préciser explicitement qu'il ne peut y avoir de substitution entre les outils de partage de la valeur et les salaires. Le Gouvernement donnera donc un avis favorable à l'amendement annoncé par le rapporteur et aux amendements identiques, qui satisfont l'objectif de nombreux auteurs des amendements en discussion sur le principe de non-substitution. Quant à la dissociation ferme et nette entre les deux discussions, elle nous semble contre-productive ; avis défavorable.
Le ministre semble réserver son avis favorable à des amendements ultérieurs mais nous avons ici l'occasion de transposer dans la loi un principe figurant à l'article 1er de l'ANI – l'ANI et rien que l'ANI, nous dites-vous souvent. Il s'agit du principe fondamental de non-substitution des primes de partage de la valeur et d'autres dispositifs aux augmentations de salaire.
Vous avez vous-même reconnu, monsieur le rapporteur, que malgré ce principe énoncé à l'article 1er de l'ANI, la substitution existe – jusqu'à 30 % des hausses de salaire, on l'a vu. Notre rôle consiste précisément à éviter la substitution. Nous vous proposons pour ce faire des mécanismes clairs qui dissocient explicitement les périodes de discussion. Sans cela, nous continuerons d'invoquer un principe figurant dans la loi mais qui n'est pas effectif, malgré les articles L. 3312-1 et suivants du code du travail. C'est au législateur qu'il doit revenir de transcrire simplement dans la loi ce principe issu du dialogue social.
Ainsi que vient de l'expliquer M. Delaporte, il ne suffit pas d'inscrire le principe de non-substitution dans la loi pour qu'il soit effectif, comme on le voit avec la prime Macron et d'autres dispositifs.
Ensuite, je précise que l'effet de substitution n'est pas lié aux mécanismes d'intéressement et de participation mais bien à la prime Macron – c'est précisément la raison pour laquelle je vous reproche de l'avoir introduite dans les outils de partage de la valeur. Il faut donc se concentrer sur cette mesure, et non sur la participation – ce serait une erreur.
Enfin et surtout, l'ANI ne se contente pas de réaffirmer le principe de la non-substitution ; il prévoit la distinction entre les temps de discussion. Par ces amendements, nous proposons de transposer dans la loi l'ANI tel qu'il a été écrit par les partenaires sociaux.
Il est nécessaire de séquencer les négociations afin d'éviter l'effet de substitution. Il ne suffit pas d'inscrire dans la loi qu'il ne doit pas y avoir de substitution pour y remédier. Comment sait-on alors que cette disposition est appliquée ? Bien sûr qu'il faut l'inscrire dans la loi – nous débattrons de votre amendement, monsieur le rapporteur, même s'il ne couvre pas exactement la même question –, mais ce n'est pas suffisant pour que cette disposition soit effective. Si on veut qu'elle le soit, il faut prévoir des outils. Nous vous en proposons justement un par ces amendements : le séquençage dans le temps des négociations, afin de disjoindre celles qui portent sur les salaires de celles qui portent sur le partage de la valeur.
Monsieur le ministre, en adoptant votre raisonnement, je vous retourne l'argument que vous avez employé : si on séquence les négociations, on peut tout à fait imaginer que cela accélère les discussions et la conclusion d'accords sur les salaires parce que les parties prenantes voudraient passer dans les temps à la discussion suivante sur le partage de la valeur. En tout cas, il me semble vraiment nécessaire de disjoindre les deux négociations.
On pourrait élaborer d'autres outils, en examinant comment se fait le partage et comment la proportion s'établit dans les négociations. Toutefois, nous n'en sommes pas là : dans l'immédiat nous proposons au moins d'instaurer ce séquençage, cette disjonction des deux discussions.
Dans la continuité des interventions des orateurs précédents, je pose de nouveau la question à monsieur le ministre : dès lors que l'accord national interprofessionnel pose le principe de la non-substitution aux salaires des primes, en particulier de la prime Macron – c'est bien de cette prime qu'il s'agit –, où ce principe est-il transcrit dans ce projet de loi ?
Vous dites respecter l'accord national interprofessionnel à la lettre : « L'ANI, rien que l'ANI ! » Notre question est simple : où avez-vous transcrit le principe de non-substitution aux salaires de la prime Macron ? Nous ne parlons pas ici de la participation. Je rappelle les chiffres publiés par l'Insee, tandis que vous vous asseyez sur les chiffres car vous ne voulez pas vous en souvenir : 30 % du montant de la prime Macron se substituent au salaire – c'est clair et net. C'est pour y remédier que le principe de non-substitution au salaire est inscrit dans l'ANI.
Nous répéterons donc la question autant qu'il le faudra : où se trouve le principe de non-substitution au salaire dans le projet de loi ? Si vous nous répondez que vous ne savez pas, nous en conclurons que vous ne respectez pas l'accord national interprofessionnel : nous en serons tous témoins.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES. – M. Jérôme Guedj applaudit également.
Vos amendements, loin de clarifier le texte, ne font que le troubler. Le projet de loi est ordonné : le titre Ier porte sur les négociations ; le titre II définit différents dispositifs pour faciliter la généralisation des dispositifs de partage de la valeur ; le titre III simplifie leur application, tandis que vous mélangez tout cela.
Ce faisant, vous affaiblissez le texte. Ce projet de loi s'inscrit dans une démarche logique afin de transcrire l'ANI dans la loi, ce qui n'est pas facile : nous devons donc essayer de suivre la logique de l'accord lui-même. Au lieu de quoi, vous évoquez beaucoup de questions qui ne sont pas anodines, j'en conviens, mais un peu hors sujet. Revenons-y ultérieurement, mais souvenons-nous que nous devons à présent retranscrire un accord en respectant sa logique. Avec vos amendements, vous troublez le débat et on ne sait plus bien où on en est, entre le partage de la valeur et les négociations salariales.
Il faut d'abord revenir à l'accord, qui mentionne un traitement différencié des discussions, mais en aucun cas un séquençage. Le séquençage que vous proposez n'est donc fidèle ni à l'esprit de l'accord ni à son équilibre. Ensuite, Mme Trouvé m'a interpellé en demandant où est inscrit le principe de non-substitution de la prime de partage de la valeur au salaire. Il est inscrit à l'article 1er de la loi du 16 août 2022.
C'est dans le droit. Ce n'est pas vous qui l'avez voté, car vous avez voté contre les mesures de pouvoir d'achat : cette majorité a inscrit dans la loi portant mesures d'urgence pour la protection du pouvoir d'achat qu'il n'y a pas de substitution entre la prime de partage de la valeur, que les organisations syndicales et patronales proposent dans l'ANI de prolonger, et le salaire.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 101
Nombre de suffrages exprimés 99
Majorité absolue 50
Pour l'adoption 42
Contre 57
L'amendement n° 204 n'est pas adopté.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 100
Nombre de suffrages exprimés 98
Majorité absolue 50
Pour l'adoption 41
Contre 57
L'amendement n° 203 n'est pas adopté.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 100
Nombre de suffrages exprimés 98
Majorité absolue 50
Pour l'adoption 41
Contre 57
L'amendement n° 202 n'est pas adopté.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 99
Nombre de suffrages exprimés 97
Majorité absolue 49
Pour l'adoption 42
Contre 55
L'amendement n° 148 n'est pas adopté.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 101
Nombre de suffrages exprimés 98
Majorité absolue 50
Pour l'adoption 43
Contre 55
L'amendement n° 210 n'est pas adopté.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 101
Nombre de suffrages exprimés 98
Majorité absolue 50
Pour l'adoption 41
Contre 57
L'amendement n° 109 n'est pas adopté.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 96
Nombre de suffrages exprimés 94
Majorité absolue 48
Pour l'adoption 37
Contre 57
L'article que nous proposons d'insérer après l'article 1er vise à convoquer des conférences sociales annuelles par branche pour négocier la grille des salaires en prenant en compte les effets de l'inflation sur la perte de pouvoir d'achat, mais aussi en définissant l'écart maximum entre les salaires, le partage de la valeur ajoutée entre les revenus du capital et ceux du travail, ainsi que des garanties d'égalité salariale entre les hommes et les femmes.
Même avis.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 92
Nombre de suffrages exprimés 89
Majorité absolue 45
Pour l'adoption 37
Contre 52
L'amendement n° 112 n'est pas adopté.
Cet amendement du groupe Socialistes et apparentés a été déposé par Gérard Leseul, dont vous connaissez la volonté que les négociations sociales se traduisent par des revalorisations des salaires minima hiérarchiques. Il avait déjà défendu des amendements similaires lors des débats sur la loi portant mesures d'urgence pour la protection du pouvoir d'achat, il y a tout juste un an. Dans le prolongement des positions que j'ai défendues tout à l'heure, l'amendement vise à inviter, à inciter et à contraindre, si nécessaire, les partenaires sociaux à ouvrir des négociations en vue de revaloriser les salaires minima hiérarchiques dans chacune des branches. Il est donc proposé d'ouvrir des négociations pour que, six mois après la promulgation de la loi transposant l'ANI, on parvienne à des accords dans toutes les branches.
D'une certaine manière, il s'agit d'ouvrir une conférence nationale sur les salaires. En effet, nous devons tenir un débat national sur les salaires – comment y échapper ? Vous refusez de tenir ce débat dans l'hémicycle ; établissons donc le cadre pour que les partenaires sociaux et, plus largement, l'ensemble de la société puisse en débattre. C'est important non seulement pour le pouvoir d'achat, mais aussi pour l'attractivité de certains métiers et pour la qualité de vie au travail pour de nombreux salariés.
Cet amendement vise donc à instaurer un espace de dialogue social dans chacune des branches et à l'échelle nationale.
Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.
Même avis.
Là encore, l'amendement vise à augmenter réellement les salaires, tandis qu'il y a un effet de substitution des primes aux salaires auquel vous ne vous attaquez pas, monsieur le ministre. L'Insee montre que, en 2022, 30 % du montant des primes Macron se sont substitués à une augmentation de salaire. Vous avez reconnu vous-même dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2023 que les mécanismes actuels ne permettaient pas d'enrayer ce mécanisme de substitution aux salaires.
À la suite de la loi sur le pouvoir d'achat qui, c'est manifeste, est absolument inefficace, quels mécanismes proposez-vous dans le projet de loi actuel dit de partage de la valeur pour éviter cet effet de substitution des primes aux salaires ? La question est d'autant plus importante que vous favoriserez encore les fameuses primes Macron en multipliant les exonérations de cotisations.
Normalement, nous suivons la règle un pour un contre, monsieur Dharréville. Je vous donne cependant la parole.
Pour être bref, je me contenterai d'une interrogation. Monsieur le ministre, quelles mesures envisagez-vous pour faire respecter la loi et éviter cette substitution ? Comme l'a rappelé Aurélie Trouvé, l'effet de substitution de la prime dite Macron aux salaires est actuellement de l'ordre de 30 %.
Comme je l'ai dit, le projet de loi reprend l'accord national interprofessionnel : or sept des huit partenaires sociaux représentatifs l'ont adopté en y rappelant le principe de non-substitution. Nous en tenons donc au contenu de l'ANI.
Je reconnais, comme l'affirme l'Insee, qu'il y a 30 % de substitution – vous avez raison. Mais, si on retranche 30 % de 800 euros, cela n'en fait pas moins 650 euros de pouvoir d'achat en plus auxquels vous vous êtes opposés l'an passé. Vous rejetez un outil particulièrement souple conçu pour que les entreprises distribuent du pouvoir d'achat à leurs salariés, ce qui est à tout le moins indécent dans la période actuelle.
Dans votre raisonnement, jamais vous ne vous mettez à la place d'une entreprise. Vous avez l'injonction facile : vous avez considéré qu'il fallait établir le Smic à 1 400 euros comme le proposait M. Mélenchon, avant de reconnaître que 1 500 euros c'était un peu mieux, puis 1 600 euros, puis j'ai vu le chiffre de 1 800 euros dans vos amendements. Tout augmente mais, mes chers collègues, la vie réelle, ça n'est pas une vie administrée.
Dans la vie réelle, si une entreprise peut augmenter ses salariés, elle doit le faire, vous avez raison.
Toutefois, dans la vie réelle, certaines entreprises ne peuvent pas procéder à des augmentations de ce type. Mettez-vous un peu à la place des entrepreneurs.
C'est pourquoi il faut évidemment refuser ces amendements. Encore une fois, vous ne pouvez pas déplorer qu'il y ait un effet de substitution sur une prime qui a permis de rapporter 500 à 600 euros à 5 millions de salariés dans notre pays. Vous irez leur expliquer dans vos circonscriptions que vous y êtes opposés et que c'est autant de pouvoir d'achat auquel ils n'ont pas droit.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 88
Nombre de suffrages exprimés 74
Majorité absolue 38
Pour l'adoption 22
Contre 52
L'amendement n° 6 n'est pas adopté.
Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :
Suite de la discussion du projet de loi portant transposition de l'accord national interprofessionnel relatif au partage de la valeur au sein de l'entreprise.
La séance est levée.
La séance est levée à vingt heures.
Le directeur des comptes rendus
Serge Ezdra