La séance est ouverte.
La séance est ouverte à neuf heures.
La parole est à M. Christophe Marion, pour exposer sa question, n° 222, relative à la reconnaissance des ambulances permettant le transport collectif de patients.
Ma question porte sur les difficultés que rencontrent nos concitoyens pour être pris en charge par des ambulanciers. Du fait de la pénurie de personnel – plus de 15 000 postes sont à pourvoir – et de la très forte hausse de la demande de transports sanitaires, liée notamment à l'éloignement des infrastructures de soins, au virage ambulatoire et au vieillissement de la population, il est urgent de trouver des solutions pour préserver l'égalité d'accès aux soins pour tous.
L'une d'elles consiste à recourir aux ambulances de type A2 qui permet de transporter plusieurs patients en même temps. Ce véhicule sanitaire collectif est adapté aux transports programmés ne nécessitant pas une surveillance individuelle constante. Dans les pays européens où il est autorisé, il est utilisé de manière polyvalente pour les déplacements des personnes valides et des personnes en situation de handicap, y compris sur des brancards et dans le cadre du transport bariatrique.
La norme européenne EN 1789 relative aux véhicules de transport sanitaire, édictée en décembre 1999, admet les ambulances A2. Elle a été transcrite dans notre droit par l'arrêté du 10 février 2009, remanié le 12 décembre 2017, mais l'ambulance A2 ne figure pas encore parmi les quatre catégories de véhicules de transport sanitaire définies à l'article R. 6312-8 du code de la santé publique. Le Gouvernement prévoit-il de le compléter et de proposer une tarification spécifique afin de promouvoir ce transport collectif, économique et écologique ?
Les actes des ambulanciers pourraient se décomposer en cinq catégories distinctes : urgence pré-hospitalière, nécessitant un personnel qualifié avec la possibilité de soins non invasifs ; transport allongé sous surveillance constante de patients avec risque de dégradation ; transport allongé ou appareillé de patients sans nécessité de surveillance constante avec possibilité de transport multiple ; transport assis de patients encadré par un personnel qualifié mais sans nécessité de surveillance constante, avec possibilité de transport multiple ; transport assis de patients sans aucune aide spécifique nécessitant une prescription de transport avec transport multiple conseillé.
La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l'organisation territoriale et des professions de santé.
Ouvrir la possibilité de recourir à des ambulances de type A2 serait effectivement un levier pour améliorer l'offre de transports sanitaires, essentielle dans l'organisation du parcours de soins des patients. Un rapport de l'Inspection générale des affaires sociales (Igas) d'octobre 2020 préconise ainsi d'inciter à la conversion du parc actuel de véhicules sanitaires légers (VSL) et d'ambulances vers des véhicules polyvalents, les ambulances de type A2, pour mieux répondre aux besoins spécifiques. Comme vous le soulignez, ceux-ci permettent de transporter plusieurs patients en même temps et sont donc adaptés aux transports programmés ne nécessitant pas une surveillance individuelle constante, par exemple, dans le cadre d'un rendez-vous médical prévu par avance. Les ambulances A2 sont également polyvalentes : elles peuvent convenir au transport de patients valides, en situation de handicap, en brancard ou non, et au transport bariatrique.
Les travaux nécessaires à l'ouverture du recours aux ambulances A2 sont en cours. Plusieurs échanges ont déjà eu lieu entre les services du ministère de la santé et les représentants des ambulanciers. Une mise à jour de l'arrêté du 12 décembre 2017, qui définit les conditions techniques que doivent respecter les ambulances et VSL, est nécessaire. Il est prévu de travailler à la modification de cet arrêté au cours du premier semestre 2023, notamment afin de permettre aux agences régionales de santé (ARS) d'autoriser ces véhicules A2. Il conviendra ensuite que les partenaires conventionnels, la Caisse nationale de l'assurance maladie (Cnam) et les représentants des transporteurs sanitaires privés, définissent le montant des tarifs de prise en charge des patients dans ces véhicules. Enfin, il faudra prendre en compte les délais de livraison des constructeurs automobiles.
À l'issue de ces travaux, le recours à ces ambulances pourra venir compléter les autres modalités de transport, ce qui permettra d'offrir la réponse la plus adaptée aux besoins des patients.
La parole est à M. André Chassaigne, pour exposer sa question, n° 205, relative à la reconnaissance de la mission des infirmiers libéraux.
Tous les pans de notre système de santé se fissurent : hôpital, services d'urgence, soins de ville. Les infirmières et infirmiers libéraux sont également en souffrance et se mobilisent partout en France. Présents sept jours sur sept et 365 jours par an au chevet des patients sur l'ensemble du territoire national, ils vivent de plus en plus difficilement le manque de reconnaissance de leur travail et l'absence de revalorisation de leurs missions. Beaucoup démissionnent, se reconvertissent, ou sont en burn-out.
Les actes infirmiers n'ont pas été revalorisés depuis plus de dix ans, ce qui a entraîné une perte de revenus d'environ 20 %. Malgré l'explosion des prix des carburants, leurs indemnités de déplacement n'ont pas été augmentées, à l'exception d'une hausse temporaire de 1 centime par kilomètre, qui n'est déjà plus en vigueur ! L'augmentation de leurs charges courantes de fonctionnement n'a jamais été prise en compte. Vous le savez aussi, la forfaitisation des soins pour les personnes dépendantes pose de plus en plus de difficultés et contraint certains professionnels à refuser des prises en charge, ce qui rend plus vulnérables encore des patients déjà en souffrance.
La pénibilité de leur métier n'est pas reconnue. En plein débat sur les retraites, qui peut nier que les infirmiers exercent une profession particulièrement exigeante, eux qui effectuent des déplacements incessants, avec quatre-vingts montées et descentes de véhicule en moyenne par jour, eux qui doivent assurer la mobilisation des patients et subissent une pression psychologique pour assurer l'ensemble des prises en charge ? Qu'il s'agisse de la revalorisation des actes, de l'indemnisation correcte des déplacements, de la reconnaissance de la pénibilité pour un départ anticipé en retraite, les infirmiers libéraux attendent des propositions concrètes. Que répondez-vous à leurs revendications ? Que proposez-vous pour qu'ils puissent exercer correctement et dignement leur métier et mieux soigner nos concitoyens ?
La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l'organisation territoriale et des professions de santé.
Le Gouvernement soutient l'implication indispensable des infirmiers libéraux, notamment dans la prise en charge des patients en perte d'autonomie. Vous l'avez souligné, ces infirmiers sont présents sept jours sur sept, 365 jours par an et ils effectuent un travail remarquable, nous le savons tous.
Afin de mieux prendre en compte la spécificité de la prise en charge de la dépendance à domicile, une rémunération forfaitaire journalière adaptée à l'état du patient a été créée en 2020 : il s'agit du bilan de soins infirmiers, dit BSI. Ce dispositif vise également à améliorer la prise en charge et l'accès aux soins des patients, notamment par le développement de la coordination pluriprofessionnelle et l'investissement dans la prévention. Le BSI a connu un succès important auprès de la profession. Par conséquent, l'avenant n° 8 de janvier 2022 à la convention des infirmiers libéraux prévoit un doublement de l'investissement qui lui est consacré, de 2020 à 2024, pour un montant de 217 millions d'euros contre 122 millions d'euros initialement prévus.
Par ailleurs, une révision du mode de calcul des indemnités kilométriques est déjà intervenue en 2019 et l'assurance maladie a revalorisé en 2022 celles des infirmiers libéraux pour compenser la hausse du coût du carburant. Cette mesure est venue s'ajouter aux remises consenties par l'État, accessibles à tout conducteur.
Plus largement, en tant qu'acteur majeur de l'organisation des soins de territoire, en raison de leurs effectifs et de leur polyvalence, les infirmiers libéraux et leurs conditions de travail occupent une place centrale dans les travaux de transformation du système de santé que nous menons avec le ministre de la santé et de la prévention, François Braun. C'est notamment dans cette perspective qu'a été lancée une mission conjointe de l'Inspection générale des affaires sociales (Igas) et de l'Inspection générale de l'éducation, du sport et de la recherche (IGESR) autour de la réingénierie la formation infirmière et visant à élaborer de nouveaux référentiels d'activités et de compétences.
Madame la ministre déléguée, c'est toujours la même chose. Lorsqu'on pose des questions argumentées fondées sur des cas concrets dont nous prenons connaissance sur le terrain car nous, députés, rencontrons dans nos permanences des citoyennes et des citoyens, en l'occurrence des infirmières et des infirmiers libéraux, qui viennent nous exposer leurs problèmes, les réponses du Gouvernement ne varient pas : « Tout va très bien, madame la marquise ». Vous nous parlez de bilans de soins infirmiers, de l'avenant n° 8, d'indemnités kilométriques… La mariée est trop belle.
Bien évidemment, nous allons décortiquer votre réponse et la profession sera en mesure de vérifier vos dires. Quoi qu'il en soit, nous ne lâcherons rien. Je me méfie beaucoup des grandes envolées car, en général, les atterrissages ne correspondent pas à ce qui est annoncé.
Monsieur le président Chassaigne, il ne s'agit nullement d'envolées lyriques. Nous savons très bien que le métier d'infirmière est essentiel au système de santé. L'année 2023 sera celle de sa refondation, qu'il s'agisse de la formation initiale et continue à repenser ou du socle des compétences à revoir. Tout comme vous, je suis sur le terrain et nous échangeons régulièrement avec ces professionnels, notamment sur ces chantiers. En ce qui concerne le fameux BSI, rappelons que sa revalorisation permet aux infirmiers et aux infirmières d'augmenter de manière substantielle leurs revenus.
Des travaux sont en cours sur tous ces sujets. Faites-nous confiance.
La parole est à Mme Émilie Chandler, pour exposer sa question, n° 217, relative au projet du lycée du Vexin.
Depuis plus de trente ans, des personnalités politiques parlent de la création d'un lycée dans le Vexin, trente ans d'annonces et d'attente. Malgré une annonce officielle en 2005, il n'y a pas eu de progrès. Toutefois, à l'occasion d'une rencontre organisée par le directeur des services départementaux de l'éducation nationale, Mme la rectrice est revenue sur ce projet : la décision de construction de cet établissement qu'elle nous a notifiée est une excellente nouvelle. Elle est cohérente avec les déclarations du mois de novembre de la présidence de la région qui estimait que ce lycée était « souhaitable ».
Toutefois, des incertitudes demeurent, notamment s'agissant de son implantation géographique. Les habitants du Val-d'Oise sont particulièrement inquiets de le voir construit non pas dans leur département, mais dans celui de l'Oise, qui ne dépend ni de la même région, ni de la même académie.
Ce lycée est un atout majeur qui permettra aux habitants du Val-d'Oise et, en particulier du Vexin, d'offrir à leurs enfants un cadre d'étude de qualité. C'est cela l'égalité des chances ! Rappelons que les lycéens d'Aronville ou d'Haravilliers doivent actuellement suivre leur scolarité à Osny ou à Cergy, ce qui représente plus de deux heures de transport en commun par jour alors qu'ils sont sur le point de terminer leur scolarité. De surcroît, cet éloignement suppose pour certains parents de procéder à des aménagements qui les mettent en difficulté dans leur emploi.
Ce lycée répond à une demande profonde des élus et des habitants du territoire, qui ne doivent pas être considérés comme des citoyens de seconde zone parce qu'ils résident dans des zones rurales. La lutte contre les inégalités ne repose pas sur une logique purement démographique, elle suppose avant tout de remettre l'école au centre du village en permettant à chacun de s'y rendre plus simplement.
Je vous demande donc de bien vouloir me préciser quel projet a été retenu et de m'indiquer quelles en seront les prochaines étapes.
La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l'organisation territoriale et des professions de santé.
M. Pap Ndiaye, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse, qui vous prie de bien vouloir excuser son absence, m'a demandé de vous apporter la réponse suivante.
C'est le conseil régional, non l'État, qui est compétent pour la création d'un nouveau lycée. L'implantation d'un lycée dans le département du Val-d'Oise, qui compte 33 319 élèves scolarisés dans 37 lycées – 14 lycées d'enseignement général et technologique et 23 lycées polyvalents –, dépasserait les limites de la seule région Île-de-France puisqu'elle concernerait aussi la région Hauts-de-France et la région Normandie. Aussi la réflexion est-elle conduite de manière coordonnée entre les trois régions et les trois académies limitrophes.
Pour leur part, la région Île-de-France et les trois académies franciliennes ont engagé une réflexion sur les effectifs de lycéens attendus ces prochaines années afin de prévoir les investissements nécessaires. Au-delà de la question démographique, tous les aspects doivent être examinés, comme le temps de transport raisonnable, la taille critique d'un nouvel établissement permettant une offre scolaire ambitieuse, l'offre scolaire publique et privée sous contrat existante, la mixité sociale.
Si l'on s'en tient aux seuls effectifs du collège Claude-Monet de Magny-en-Vexin, dans le Val-d'Oise, le potentiel est d'environ 400 élèves maximum sur les trois niveaux, de la seconde à la terminale. Par ailleurs, le temps de transport pour certaines familles du Vexin dont les enfants sont scolarisés dans d'autres collèges de cette région pourrait être rallongé par rapport aux implantations des lycées de Cergy. Enfin, les lycées cergyssois ne sont pas saturés, il y reste même des places vacantes.
Dans ce contexte particulier, où trois régions et trois académies sont directement concernées, il convient encore d'affiner les éléments d'analyse pour répondre au mieux aux besoins des élèves et construire une offre scolaire adaptée aux territoires. Les services des trois académies de Versailles, d'Amiens et de Normandie engagent un travail commun pour aboutir à un état des lieux conjoint sur la démographie et ses incidences sur l'offre scolaire. Cette étude sera bien sûr partagée avec les collectivités régionales.
La parole est à M. Xavier Albertini, pour exposer sa question, n° 206, relative à l'attribution du crédit d'impôt recherche à une entreprise de prestations.
La souveraineté sanitaire de la France repose notamment sur le soutien apporté aux entreprises et aux innovations, dans un marché fortement concurrentiel où sont présentes des filiales européennes de grandes entreprises le plus souvent américaines. C'est dans cette optique que le crédit d'impôt recherche (CIR) a été mis en place, pour la recherche et le développement des entreprises, quels que soient leur secteur ou leur taille. C'est un grand succès.
Le groupe Creapharm, installé à Reims, dans ma circonscription, a bénéficié de ce dispositif jusqu'en 2021, date à laquelle il n'a pas obtenu l'accord de renouvellement pour son agrément. Ce refus se fonde sur le fait qu'il ne réalise pas de travaux de recherche, mais de la prestation et de l'accompagnement. Pourtant, la division Creapharm Clinical Supplies gère les essais cliniques de nombreuses entreprises, participant ainsi largement au développement scientifique et à la recherche. Le groupe mène actuellement 1 000 essais cliniques dans le monde.
Le non-renouvellement de l'agrément CIR entraîne pour l'entreprise une perte de compétitivité de 30 % ainsi, plus globalement, qu'une perte de chiffre d'affaires et de parts de marché, au bénéfice d'entreprises étrangères. Cela ne manque pas de nous préoccuper et nous nous interrogeons sur la capacité de notre pays à préserver le travail d'un groupe français, familial, à même de concurrencer des entreprises internationales dans le domaine des biotechnologies.
Attribuer le CIR à des entreprises dites partenaires, sur lesquelles repose largement la recherche, permettrait de conserver des leaders en matière scientifique sur le territoire et de protéger la propriété intellectuelle. La crise sanitaire a démontré que l'enjeu était de taille.
Je souhaite savoir si un aménagement des critères d'attribution de l'agrément peut être envisagé, dans le cas où l'entreprise n'appliquerait pas de déduction fiscale grâce à ce dernier.
La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l'organisation territoriale et des professions de santé.
Mme Sylvie Retailleau, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche, que vous voudrez bien excuser, m'a chargée de vous répondre.
L'agrément au titre du crédit d'impôt recherche est nécessaire pour qu'un donneur d'ordre puisse déclarer au CIR des dépenses de recherche et développement qu'il sous-traite à une structure privée ou publique. L'agrément est délivré à la structure qui réalise la sous-traitance sur la base d'une expertise scientifique ; il atteste que la structure a le potentiel pour faire de la recherche et développement par ses propres moyens. Ainsi, l'agrément permet l'éligibilité de la sous-traitance au CIR pour le donneur d'ordre, tout en s'assurant de la qualité. Mme Retailleau remercie à ce titre les équipes qui ont traité 2 780 demandes en 2022, ce qui représente environ 800 millions d'euros de créances.
L'agrément a été refusé au groupe Creapharm, au motif qu'il ne réalisait pas des travaux de recherche, mais de la prestation et de l'accompagnement en conditionnement. Creapharm a bien formulé une demande en 2020, puis une autre en 2022 ; dans l'intervalle, ses représentants ont été reçus par les services du ministère, qui ont expliqué la situation et apporté leurs conseils. Mais le rapport d'expertise est formel et on ne saurait s'en éloigner.
Vous avez souligné que la perte de compétitivité vis-à-vis de concurrents agréés au CIR entraînait une perte de parts de marché. Les services du ministère le concèdent. Mais un agrément accordé au titre des activités de recherche et développement se limite à ces dernières. D'ailleurs, un concurrent qui ferait valoir cet agrément pour d'autres activités s'exposerait à un contrôle et à un redressement fiscal.
Dans ce contexte, les échanges avec les dirigeants de l'entreprise ont révélé la nécessité de réserver l'agrément aux seules activités sous-traitées éligibles. Le ministère travaille sur ce point afin d'améliorer structurellement le dispositif, sans le complexifier pour autant.
Merci pour votre réponse que je ne manquerai pas de transmettre aux dirigeants de Creapharm. À la suite de vos propos, permettez-moi de formuler un regret, le fait que le CIR demeure d'une grande complexité, en particulier pour les entreprises françaises, et un espoir, celui que les filiales puissent bénéficier un jour de ce dispositif, sous réserve du respect d'un certain nombre de règles.
Je ne change rien à ce que j'ai dit ici il y a quelques semaines à propos des aides publiques aux entreprises : il est important de libérer les énergies. Nous avons, en France, des hommes et des femmes particulièrement compétents, qui sont le cœur battant de la compétitivité nationale. Après vous avoir écoutée, je souhaite que nous puissions tenir rapidement une réunion afin de faire avancer le dossier de cette entreprise, emblématique de bien d'autres en France.
La parole est à Mme Sarah Tanzilli, pour exposer sa question, n° 221, relative à la mise en œuvre du plan Arbre.
Le 28 octobre 2022, le Président de la République a fixé l'objectif de la plantation de 1 milliard d'arbres sur le territoire français d'ici à 2032. Après les importants épisodes de sécheresse, de canicule et d'incendie, cet objectif ambitieux permettrait de renouveler l'équivalent de 10 % des forêts françaises.
Les surfaces forestières jouent un rôle majeur pour atténuer les impacts du réchauffement climatique et la filière forêt-bois permet de compenser près de 20 % des émissions de CO
Pour réaliser ce formidable chantier écologique d'aménagement du territoire, la mobilisation des acteurs de terrain me paraît essentielle. Des initiatives particulièrement remarquables, sur lesquelles nous devons nous appuyer, voient le jour. L'association Chassieu Climat propose ainsi de planter 10 000 arbres à Chassieu. Cette commune de l'Est lyonnais est particulièrement touchée par l'artificialisation des sols et par la pollution atmosphérique due, notamment, au trafic routier sur l'autoroute A46 sud. Le 25 février, l'association, soutenue matériellement par la commune et épaulée par des habitants, a pu planter 200 arbres et arbustes d'âge et d'essence variés.
Je souhaiterais connaître les modalités de déploiement de ce plan Arbres, notamment en matière de financements publics, de calendriers et de déclinaisons territoriales. J'aimerais aussi savoir comment les acteurs associatifs locaux seront inclus dans la mise en œuvre de cette stratégie.
En octobre, le Président de la République a donné un nouveau cap pour préserver les forêts, les renouveler à hauteur de 10 % et planter 1 milliard d'arbres d'ici à 2032. Vous avez raison de souligner le caractère inédit, très ambitieux de ce programme. En clair, il s'agit de doubler le reboisement annuel en France. C'est un pari fort audacieux, puisque le rythme correspond à celui qui avait été tenu après-guerre avec le Fonds forestier national.
Cette stratégie comprend plusieurs axes, dont la reconstitution de forêts sinistrées, le renouvellement de forêts vulnérables face au changement climatique et le boisement de friches agricoles pour stimuler la création de puits de carbone. Cette politique repose sur deux piliers : la plantation et la régénération naturelle. Pour relever le défi de produire les plants nécessaires, elle dépend de la mobilisation de tous, y compris des acteurs du monde associatif. Nous pouvons compter aussi sur les propriétaires forestiers, les nombreuses associations concernées, les pépiniéristes, l'Office national des forêts (ONF), le Centre national de la propriété forestière (CNPF), les collectivités et les coopératives pour tenir le cap du milliard d'arbres.
Pour accompagner cette ambition, le Gouvernement mobilise et pérennise les crédits forestiers du plan France 2030. En 2023, 150 millions d'euros seront consacrés au financement du reboisement et à l'amélioration des peuplements. À la suite de l'annonce du Président de la République, les ministres Marc Fesneau et Christophe Béchu travaillent à pérenniser ce financement car l'effort doit être tenu dans la durée.
Le ministère de la transition écologique a également dynamisé le Label bas-carbone, à l'initiative de Barbara Pompili, pour mobiliser des financements privés sur des projets de reboisement. Enfin, le Fonds vert, présenté par Christophe Béchu et doté d'une enveloppe de 100 millions d'euros, pourra être mis à contribution puisqu'il permet d'accompagner les projets des collectivités ou des associations pour la restauration. Cela concourra à la lutte contre les îlots de chaleur, grâce à la fraîcheur procurée par les arbres, et au retour de la nature en ville, source de résilience face au changement climatique. Ce plan témoigne de la volonté du Gouvernement d'user tout le potentiel des arbres et des forêts – les acteurs associatifs y auront toute leur part.
Je me permets d'insister sur la nécessité de décliner la mise en œuvre du plan en tenant compte des spécificités des territoires et en portant une attention toute particulière à ceux qui sont les plus fragiles sur le plan environnemental. Je pense notamment aux territoires qui subissent une concentration de la pollution atmosphérique et dont les sols sont fortement artificialisés. C'est le cas de Chassieu, situé à proximité de la rocade est de Lyon, qui accueille une part importante de l'une des plus grandes zones industrielles de France ainsi que le deuxième parc d'exposition après celui de Paris, Eurexpo.
La parole est à M. Emeric Salmon, pour exposer sa question, n° 227, relative à l'aménagement de la route nationale RN19.
Il est urgent que le Gouvernement s'engage clairement pour l'inscription dans le plan État-région 2023-2027 de l'aménagement de la RN19 – route nationale 19 – en deux fois deux voies, entre Vesoul et Lure. Alors que cet aménagement nous est promis depuis des décennies, l'État n'a encore accordé aucun crédit pour faire avancer ce projet.
Il s'agit d'un axe particulièrement dense, emprunté par de nombreux poids lourds, et très accidentogène. J'ai une pensée particulière pour Jeanne Laroche, habitante de Pomoy, qui a vu un poids lourd rater son virage et s'échouer dans sa propriété, le 16 juillet 2018. Elle reste profondément traumatisée. De surcroît, les assureurs ont refusé de protéger son bien à la suite de ce préjudice. La multiplication de drames de ce type suscite une crainte profonde chez les riverains.
Il est urgent d'aménager cette portion en deux fois deux voies pour renforcer la sécurité des usagers et préserver la quiétude des habitants d'Amblans-et-Velotte, de Genevreuille et de Pomoy, communes traversées par la RN19. Par ailleurs, cet aménagement permettra un accès plus facile des Haut-Saônois aux services publics de Vesoul – hôpital, tribunal… – ainsi que le développement économique du territoire.
Ce tronçon routier est utilisé par les poids lourds qui, par souci d'économie, ne souhaitent pas emprunter l'autoroute A36 entre Belfort et Dijon pour relier le nord de la Suisse à Paris. C'est donc dans le cadre des échanges commerciaux européens que cet aménagement peut apporter une vraie richesse à la Haute-Saône.
Monsieur le ministre délégué chargé des transports, dans un courrier du 8 février 2021, vous avez reconnu le caractère prioritaire de l'aménagement en deux fois deux voies de la RN 19, entre Vesoul et Lure. Les services de l'État négocient actuellement avec la région Bourgogne-Franche-Comté l'inscription de cet aménagement dans le contrat de plan État-Région.
L'indécision au plus haut sommet de l'État et le retard pris dans ce dossier pourtant prioritaire m'inquiètent beaucoup. Le 6 janvier, j'ai été reçu avec mon collègue Antoine Villedieu par le préfet Michel Vilbois, à l'occasion du déplacement à Vesoul de Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité, laquelle s'est engagée oralement sur ce dossier.
Monsieur le ministre délégué, pouvez-vous à votre tour prendre l'engagement de faire inscrire dans le volet mobilité du contrat de plan État-Région l'aménagement en deux fois deux voies de ce tronçon de la RN 19 ? Pourriez-vous éclairer les Haut-Saônois sur le calendrier des travaux et la répartition des financements entre l'État et les collectivités, sachant que le conseil départemental est maître d'œuvre – une bonne chose pour accélérer l'avancement du projet, au plus près du terrain et des acteurs concernés ?
Vous l'avez rappelé, la RN19, qui permet de relier Langres à la frontière suisse, revêt un caractère essentiel dans la Haute-Saône. Son aménagement en deux fois deux voies entre Vesoul et Lure a été déclaré d'utilité publique en 2005. Depuis, l'État s'est fortement engagé, y compris financièrement, dans l'aménagement de cette section avec la mise en service de la déviation de Lure, en 2010, et de la section entre Amblans-et-Velotte et Lure, en 2017.
Les services de l'État ont mené d'autres études détaillées de conception, afin de définir les emprises nécessaires à la réalisation d'un aménagement en deux fois deux voies de la section entre Vesoul et Calmoutier. Ces études ont permis d'enclencher les acquisitions foncières. Elles ont aussi montré qu'il était possible de réaliser un phasage du projet, entre le diffuseur de Calmoutier et celui de Mollans d'abord, entre le diffuseur Mollans et celui d'Amblans-et-Velotte ensuite.
Le financement de la première phase de l'opération sera discuté dès ce mois-ci dans le cadre de la négociation du contrat de plan entre l'État et la région Bourgogne-Franche-Comté. Un engagement collectif sera nécessaire. Notez que le sujet revêt une dimension financière, dans un contexte où nous devons donner la priorité à certains projets ferroviaires, et par conséquent être exigeants à l'égard des projets routiers.
Enfin, le transfert de la RN19 au réseau routier du département de la Haute-Saône, que j'ai confirmé au début de l'année, à la demande du département, en application de la loi « 3DS » – loi du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale –, et qui sera effectif le 1er janvier 2024, conduira le département à devenir maître d'ouvrage, et donc à se prononcer en premier lieu sur les suites qui devront être apportées au projet. Cela ne signifie pas qu'il n'y aura pas de soutien de l'État, mais cette route est désormais du ressort du département de la Haute-Saône, à sa demande.
La parole est à M. Vincent Rolland, pour exposer sa question, n° 215, relative à l'objectif zéro artificialisation nette dans les territoires de montagne.
Je souhaite appeler l'attention du Gouvernement sur le dispositif Zéro artificialisation nette (ZAN) et sur ses conséquences dans les territoires de montagne. Issu de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets – loi « climat et résilience » –, l'objectif de zéro artificialisation nette d'ici à 2050 suscite des craintes légitimes de la part des collectivités territoriales et des Français. Il restreint en effet le développement foncier des entreprises et la construction de nouveaux logements, ce qui affecte directement la vie économique des territoires et le quotidien des Français.
L'application uniforme d'une telle obligation accentuerait nécessairement la pression immobilière dans les zones déjà sous tension, notamment en matière de logement. C'est le cas des territoires de montagne, qui présentent des particularités géographiques notables : la géomorphologie y est telle que les terrains constructibles sont limités. Alors que les gens du pays sont déjà confrontés à une rareté du foncier, l'application indifférenciée de l'obligation de zéro artificialisation nette reviendrait à pénaliser les emplois et le pouvoir d'achat, davantage encore qu'ailleurs en métropole. L'absence de prise en considération des particularités locales est d'autant plus regrettable et l'incompréhension semble d'autant plus grande qu'au sein même des zones de montagne, les communes qui étaient déjà vertueuses sur le plan foncier avant l'application de la loi verront leur développement beaucoup plus limité que les autres.
Sans remettre en cause la démarche de sobriété foncière dont le pays a besoin, les communes doivent pouvoir jouer un rôle dans la maîtrise du foncier, et non se voir imposer des règles inadaptées – comme ce pourrait être le cas dans les vallées du Beaufortain, du Val d'Arly et de la Tarentaise, et dans le bassin d'Albertville-Ugine. Les habitants des zones de montagne risquent, sinon, de faire face à une hausse considérable du coût de la vie locale, déjà élevé. La réduction de l'offre foncière entraînera une hausse significative des prix de l'immobilier. Ce serait envoyer un signal inquiétant aux familles du pays, qui devront revoir leurs projets d'installation. Quelles réponses comptez-vous apporter à ces questions parfaitement légitimes, monsieur le ministre délégué ? Quels aménagements envisagez-vous ?
Vous l'avez rappelé : la loi « climat et résilience » a fixé un objectif de zéro artificialisation nette des sols en 2050, avec une étape prévoyant la réduction de moitié de la consommation d'espaces naturels, agricoles et forestiers dans les dix prochaines années. Il s'agit d'une exigence extrêmement forte, parfois difficile. L'enjeu est d'inciter les territoires, dans leur diversité, à développer de nouvelles formes d'aménagement conciliant la qualité et la sobriété foncière.
La trajectoire de réduction progressive de l'artificialisation des sols doit être conciliée avec l'objectif de soutien de la construction durable, en particulier dans les territoires où l'offre de logements et de surfaces économiques reste insuffisante ou tendue au regard de la demande. J'insiste sur le fait que le ZAN ne signifie pas l'arrêt de toute construction – Mme la Première ministre et M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires ont d'ailleurs eu l'occasion d'annoncer des flexibilités pour de grands projets d'infrastructure. Cependant, l'un des objectifs de la loi est de privilégier la mobilisation du foncier déjà artificialisé – notamment des friches ou des logements vacants, quand ils sont disponibles –, pour garantir la préservation des sols et la qualité du cadre de vie des habitants dans tous les territoires.
Dans le cas spécifique des territoires de montagne, la loi du 9 janvier 1985 relative au développement et à la protection de la montagne – loi « montagne » – a rendu inconstructibles certaines zones, en vertu du principe d'urbanisation en continuité. Selon ce principe – qui est, lui aussi, exigeant –, il n'est possible de construire que dans les zones déjà urbanisées ou dans leur continuité. Parallèlement, le législateur a pris soin de laisser aux collectivités montagnardes la possibilité de s'exonérer de cette règle de principe, en réalisant une étude de discontinuité dans leurs documents d'urbanisme, afin de tenir compte au mieux des spécificités locales.
S'agissant du ZAN, la territorialisation de la trajectoire de réduction du rythme d'artificialisation des sols doit prendre en considération la diversité et la spécificité des territoires, notamment en montagne. M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires et Mme la ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité, à mes côtés, sont à votre disposition pour mieux analyser et prendre en compte certaines spécificités, notamment pour les communes et les territoires de montagne.
J'en viens à l'inquiétude que vous exprimez s'agissant de la spéculation foncière et de la maîtrise du foncier. De nombreux outils permettent de réguler le marché immobilier, tels que le droit de préemption urbain, la constitution de réserves foncières ou la création de zones d'aménagement différé en vue d'un aménagement public par une collectivité locale. Nous devons mieux intégrer les spécificités territoriales dans l'application du ZAN. Nous y sommes engagés, et nous nous tenons à votre disposition pour approfondir la réflexion.
Merci pour votre réponse, monsieur le ministre délégué. Je suis presque rassuré – si j'ose dire – par vos propos. La rareté du foncier dans les territoires montagnards doit être intégrée dans les calculs des prochains aménagements liés à l'objectif de zéro artificialisation nette. La mission d'information que je mène actuellement au sein de la commission des affaires économiques sur le logement démontre que la rareté du foncier induit une cherté de l'immobilier : les familles ont alors du mal à se loger et les entreprises à s'installer.
La parole est à M. Benoît Bordat, pour poser la question, n° 220, de M. Xavier Roseren, relative à la centrale hydroélectrique de Sallanches.
M. Roseren souhaite appeler l'attention sur la centrale hydroélectrique de Sallanches, en Haute-Savoie. Cette centrale est prête à fonctionner depuis le lundi 5 décembre 2022. Elle pourrait actuellement produire, pour le compte de la régie électrique communale, l'équivalent de la consommation de 20 % des foyers de Sallanches. Pourtant, le tribunal administratif de Grenoble a ordonné la démolition de l'ouvrage. La justice vient d'annuler l'autorisation préfectorale du 26 décembre 2019 : une association écologique a en effet déposé un recours, arguant d'une atteinte à la biodiversité du cours d'eau.
Les travaux ont commencé en février 2020, et la construction de la centrale a coûté 6 millions d'euros d'argent public. Le projet avait été autorisé par la préfecture et validé par les scientifiques dans les études d'impact. Il était soutenu par l'État et par les élus. Aussi la décision de la justice de démolir la centrale hydroélectrique de Sallanches est-elle incomprise.
Alors que le Gouvernement a fait de la lutte contre la dépendance énergétique une priorité nationale, les juridictions administratives ont décidé de bloquer tout projet de centrale hydroélectrique, bien que l'eau soit une énergie verte. En 2022, les parlementaires ont voté la loi relative à l'accélération de la production d'énergies renouvelables, qui favorise le déploiement de projets locaux. Toutefois, le système actuel empêche le bon développement de ces derniers. Les mêmes blocages s'opposent à des projets d'aménagement dans les territoires de montagne – citons notamment les investissements dans de nouvelles remontées mécaniques ou la création de routes forestières accompagnant le développement de filières bois locales. M. Roseren souhaite faire part à M. le ministre délégué de son inquiétude quant à ces décisions qui bloquent des projets vertueux pour les territoires ; il lui demande dans quelle mesure le Gouvernement peut lever ces freins.
Le 6 décembre dernier, le tribunal administratif de Grenoble a annulé l'autorisation environnementale, délivrée en 2019 par le préfet de Haute-Savoie à la mairie de Sallanches, de construire une nouvelle centrale hydroélectrique. Les travaux de construction étaient quasiment finis quand le jugement a été prononcé. Il s'agit d'un dossier sensible, car le tronçon de cours d'eau de 4,2 kilomètres, qui est « court-circuité » par la conduite forcée entre le barrage et l'usine en aval, fait l'objet d'une protection soutenue – et légitime – contre les nouveaux obstacles à la continuité écologique : sa biodiversité est en effet d'une grande richesse. Il est identifié comme un réservoir biologique dans le schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux (Sdage), et est officiellement classé, pour ce motif, par arrêté du préfet coordonnateur de bassin.
Dans ce cas précis comme de façon générale, nous nous trouvons à un point d'équilibre entre deux enjeux essentiels : d'une part, le développement d'une production hydroélectrique renouvelable et décarbonée, d'autre part, la préservation d'un tronçon de cours d'eau en bon état de fonctionnement naturel, qui participe à la nécessaire capacité d'adaptation au changement climatique. Le projet a été suspendu par le tribunal administratif, au motif qu'il avait un impact trop important sur le fonctionnement hydrologique du réservoir – le barrage constituant, selon la décision de justice, un obstacle à la continuité écologique qui ne saurait être autorisé. En effet, le réservoir de la Sallanches joue un rôle important dans le réensemencement de l'Arve, qui est en mauvais état du fait des pressions qu'elle subit.
Le Gouvernement a fait appel du jugement le 7 février, afin que le traitement de l'autorisation et l'impact sur le réservoir biologique protégé soient de nouveaux appréciés par le juge, en conciliant davantage les objectifs que j'ai évoqués. Une solution pourrait consister à modifier l'autorisation d'exploitation, en réduisant par exemple la période de production de la centrale pour protéger le bon fonctionnement écologique de la rivière.
Au-delà de ce cas particulier, le Gouvernement accompagne le développement d'une hydroélectricité compatible avec une protection forte des écosystèmes – l'Assemblée a eu l'occasion d'en débattre. De manière générale, pour nos grandes infrastructures énergétiques et de mobilité, nous avons besoin de renforcer nos outils de conciliation, sous le contrôle du juge. Le Gouvernement est déterminé à avancer en ce sens, en graduant les dispositifs de protection davantage, peut-être, qu'il ne l'a fait ces dernières années.
La parole est à M. Philippe Brun, pour exposer sa question, n° 231, relative à la liaison autoroutière A133-A134.
Après avoir saisi M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires lors d'une précédente séance de questions orales, je me permets de vous soumettre à nouveau une question relative à un sujet épineux, qui préoccupe mon territoire : le contournement de Rouen par l'est. Il s'agit d'un vieux projet datant de 1971, promis par Georges Pompidou aux Rouennais, dont le maintien ne laisse pas de susciter des interrogations, tant il traduit une vision datée de la mobilité, qui ne correspond plus en rien aux objectifs actuels.
Ce projet à un coût très élevé, 1 milliard d'euros, dont la moitié serait couverte par des subventions publiques. Or une grande partie des collectivités s'en sont désengagées. Le département de l'Eure ne participe pas à son financement, pas plus que la communauté d'agglomération Seine-Eure ni la communauté de communes Inter Caux Vexin. Élément notable : la métropole de Rouen et la ville mêmes sont défavorables à ce contournement. La réalisation du projet serait en conséquence une première nationale, puisque le contournement ne satisfait pas la première ville concernée.
Le projet est en outre dangereux pour l'environnement : il implique la destruction de la forêt de Bord-Louviers, dans ma circonscription ; il expose la population à la pollution – il devrait provoquer l'émission de 50 000 tonnes de CO
Je vous sais attaché, monsieur le ministre délégué, à ce que certains projets qui ne correspondent plus à la politique que l'État souhaite mener soient revus. J'ai lu avec attention le dernier rapport du Conseil d'orientation des infrastructures (COI), qui fait état des difficultés que rencontre le projet de contournement de Rouen. Il indique que des désaccords locaux subsistent, et que les impacts environnementaux sont forts : les émissions liées au trafic routier augmenteront de 5 %, et 500 hectares seront artificialisés. On lit dans le rapport annexe : « Le COI ne dispose pas d'une analyse qui permettrait d'apprécier pleinement si ce projet est compatible ou en contradiction avec ces stratégies nouvelles » – à savoir, les stratégies de neutralité carbone et de zéro artificialisation nette. Le rapport annexe ajoute que « la déclaration d'utilité publique n'a pas levé tous les doutes sur la pertinence de cette concession, dont les modèles financiers sont encore incertains […]. » Enfin, le COI invite à « revisiter la pertinence du projet au regard des éléments d'appréciation postérieurs à la déclaration d'utilité publique […] ».
Ma question est simple : compte tenu de l'engagement de M. le Président de la République de créer des RER métropolitains – j'y suis favorable bien que je siège dans l'opposition –, et au vu du rapport du COI, le Gouvernement compte-t-il abandonner ce mauvais projet du contournement est de Rouen ?
Je vous remercie de vous faire l'écho du travail du COI, présidé par David Valence et composé notamment de parlementaires de diverses tendances politiques, qui a, dans son récent rapport, clairement identifié les projets ferroviaires comme prioritaires. La Première ministre elle-même, lorsqu'elle a reçu ce rapport le 24 février, a annoncé son intention de dédier 100 milliards d'euros au seul réseau ferroviaire d'ici à 2040.
Cela ne signifie pas que nous abandonnerons tous les projets routiers, car ceux-ci sont parfois nécessaires, notamment en zone rurale, et que certains sont mêmes écologiquement vertueux, comme les projets de contournement des certaines grandes villes. Il convient toutefois de s'interroger à nouveau, au cas par cas, sur leur opportunité. Ce travail, commencé par le COI, sera poursuivi par le Gouvernement, en concertation avec les collectivités locales, notamment avec les régions, dans le cadre des contrats de plan État-région (CPER) – je signerai d'ailleurs avant la fin du mois, au nom de la Première ministre, le mandat donné par l'État à chacun des préfets de région. C'est selon cette méthode que nous pourrons étudier à nouveau le projet sur lequel vous m'interrogez.
Je prends acte de la position que vous défendez, partagée par le président de la métropole de Rouen, M. Nicolas Mayer Rossignol, que j'ai reçu, mais également de celle du président de la région Normandie, M. Hervé Morin, et du président du conseil départemental de Seine-Maritime, qui sont très favorables à la poursuite du projet. Nous mènerons donc une discussion ouverte, transparente, dont je ne peux préjuger des résultats. Vous soulignez certains inconvénients du projet ; mais tout projet a ses inconvénients. Je me permets de souligner ses avantages, dont nous devons également tenir compte, comme l'économie de temps de parcours ou encore la décongestion des voies, qui peut être bénéfique pour l'environnement. Pour ce projet comme pour d'autres, nous dresserons le bilan des avantages et des inconvénients. Les CPER, qui unissent par définition l'État et les régions, semblent un cadre adéquat pour cette discussion ; je m'engage à y associer également les autres collectivités concernées, afin que tous les points de vue puissent être écoutés et pris en compte dans les prochains mois.
Merci, monsieur le ministre délégué, pour votre ouverture. Je tiens à vous rappeler que la population que je représente attend impatiemment des solutions de mobilité, qui ne sauraient rester celles du passé. Nous avons formulé plusieurs propositions, comme la réouverture de la ligne de train reliant Évreux à Rouen en passant par Louviers ou celle de la ligne reliant Pont-de-l'Arche à Gisors, visant à décongestionner la métropole rouennaise sans porter atteinte à l'environnement.
La parole est à Mme Farida Amrani, pour exposer la question, n° 209, de Mme Karen Erodi, relative au recours par la SNCF au personnel retraité.
Mme Karen Erodi attire votre attention, monsieur le ministre délégué chargé des transports, sur le recours de la SNCF à l'emploi de personnels retraités. Dans de nombreuses régions, les agents de conduite retraités de la SNCF reçoivent des propositions d'emploi en CDD, pour un salaire moyen de 3 000 euros brut, auquel s'ajoutent des primes et des allocations qui, dans certains cas, peuvent porter la rémunération mensuelle à près de 8 000 euros – voire beaucoup plus parfois. Des agents proches de l'âge de la retraite se voient proposer une prime mensuelle de 1 000 euros pour prolonger leur activité. En Occitanie, la SNCF rappelle certains cadres retraités pour assurer des missions qu'elle confiait jusqu'alors à son personnel en activité.
Il est contradictoire de supprimer des postes d'encadrement et de rappeler ensuite en mission les catégories de personnels partis à la retraite qui occupaient ces postes. La direction de la SNCF démontre par là son incapacité à assurer une gestion prévisionnelle sérieuse des emplois et des compétences. Résultant d'une logique libérale, la disparition du statut de personnel de la SNCF et la compression des salaires pendant près d'une décennie engendrent une grave crise des vocations au sein des métiers les plus difficiles de cette entreprise. Pire encore, son bilan social révèle un nombre croissant de démissions parmi les métiers dits opérationnels, comme celui d'agent de conduite.
Êtes-vous bien conscient de l'urgence de la situation ? Faudra-t-il attendre que la SNCF en arrive au même point que la RATP, contrainte de réduire son offre de transport, pour que des mesures correctives soient prises ?
La gestion des ressources humaines de la SNCF, qui conduit à la mise sous tension permanente des effectifs, crée une situation délétère. Les personnels peinent à prendre leurs jours de congé et de repos, reportés ou refusés. Dans certaines régions, la SNCF réduit ponctuellement son offre de transport à cause du manque de personnel de conduite. Au bout du compte, les agents constatent que leurs anciens collègues reviennent travailler pour un salaire quasiment trois fois supérieur au leur. L'écœurement se généralise.
Ce recours au personnel retraité amène à s'interroger également sur la capacité de la SNCF à maintenir un niveau élevé de sécurité ferroviaire. Mme Karen Erodi se pose des questions sur le suivi de l'aptitude de ces agents. Subissent-ils une visite d'aptitude systématique ?
J'assume et je défends pleinement ce recours ponctuel, ciblé, de l'entreprise publique SNCF à des personnels récemment retraités, pour faire face à une situation d'urgence. La tension des effectifs ne s'explique pas par une politique d'interruption des recrutements : au contraire, la SNCF fait partie des rares grandes entreprises qui ont toujours continué à recruter, même au cœur de la crise du covid-19. Elle provient plutôt d'un facteur commun à l'ensemble des transports publics ou privés – les régies de bus, par exemple, en sont victimes – : la pénurie de personnels liée à l'amélioration de la situation de l'emploi ainsi qu'à la reprise de l'activité après la pandémie, plus rapide qu'anticipée dans de nombreux domaines du transport public et qui nécessite l'accélération des recrutements. La comparaison de la SNCF et de la RATP est justifiée, car la situation est exactement la même. Nous ne bridons pas l'emploi ; au contraire, ces deux entreprises réalisent depuis l'an dernier des recrutements massifs, d'une ampleur d'ailleurs inédite dans l'histoire de la RATP, et cela continuera.
En attendant, il importe de maintenir l'offre de transport public ; à cette fin, il faut mobiliser toutes les solutions d'appoint disponibles. Je revendique donc l'emploi de personnels retraités pour assurer la transition en attendant que les postes nécessaires soient pourvus, et je l'ai même demandé à la SNCF dans certaines régions comme les Hauts-de-France, qui manquaient de conducteurs de transports express régionaux (TER).
Pour répondre à votre question relative à la sécurité ferroviaire, les recrutements impliquent naturellement une formation : c'est le moindre des respects dus à l'usager, et la réglementation l'impose d'ailleurs. Cette réglementation stricte, scrupuleuse, dont est garant l'EPSF, l'Établissement public de sécurité ferroviaire, s'applique bien sûr aux retraités ponctuellement mobilisés, qui subissent – je vous réponds très clairement – les vérifications d'aptitude requises en matière ferroviaire. La SNCF vérifie évidemment dès l'embauche, puis régulièrement, les certificats d'aptitude de tous les personnels, quel que soit leur statut ou leur situation. Il n'y a aucun relâchement aucune faiblesse en matière de sécurité lors de la sélection des personnels malgré les tensions que connaît le recrutement.
En somme, nous recrutons, et en attendant, nous avons besoin, pour garantir aux Français la continuité du service public, de recourir à tous les outils nécessaires. L'emploi transitoire de personnels retraités en fait partie.
La parole est à Mme Marietta Karamanli, pour exposer sa question, n° 230, relative à la desserte par le TGV du Mans et de la Sarthe.
Une convention de garantie des dessertes pour les gares du Mans conclue en 2007 entre l'État, le gestionnaire RFF – Réseau ferré de France –, la SNCF et les collectivités locales assurait le maintien pour quinze ans de seize trajets aller-retour quotidiens par TGV entre Le Mans et Paris. Après l'évocation fin 2021 d'une possible diminution, SNCF Voyageurs avait annoncé pour 2022 une desserte nominale identique à celle de 2021, à savoir seize allers-retours quotidiens en semaine entre Paris et Le Mans. En 2023, la desserte quotidienne en semaine est descendue à quatorze allers-retours par TGV. Par transport express régional (TER), le trajet dit direct dure entre deux heures et deux heures vingt minutes.
Le nombre de rames et de places proposées varie selon les TGV, ce qui influe mécaniquement sur le prix du billet. D'ailleurs, le prix médian du voyage Paris-Le Mans n'est pas vraiment public, noyé qu'il est parmi les tarifs variables en fonction des cartes, des réductions, des horaires ou des trains : il est connu de la seule SNCF. Curieusement, le site SNCF propose également des trajets reliant Le Mans à Paris par TGV avec un changement à Rennes – pour un coût encore plus élevé, bien sûr. Hors TGV, quasiment aucun autre train plus rapide que le TER n'est disponible à la réservation.
Je rappelle que la portion Le Mans-Paris de la ligne à grande vitesse (LGV) est considérée comme la plus chère du réseau. Au fil du temps, l'opérateur historique a justifié ce coût supplémentaire pour les usagers par différents motifs.
Ainsi, en 2013, le prix dépendait de la plateforme ; en 2014, la fixation du tarif était couverte par le secret des affaires ; en 2015, les tarifs étaient déterminés selon le remplissage des trains ; en 2017, ils étaient plus élevés dans la mesure où les charges fixes pesaient proportionnellement davantage pour les trajets courts que pour les trajets longs. En 2020, l'opérateur indiquait que le coût des péages, qui représentent 30 à 40 % du prix du billet, était plus élevé sur cette partie de la ligne. En 2021, il reprenait l'argument selon lequel cette portion de ligne est exclusivement dédiée aux trajets à grande vitesse et faisait valoir que les plus longs trajets doivent coûter proportionnellement moins cher. Cela est pourtant en contradiction avec l'exemple de la ligne Paris-Rennes, qui, elle aussi, est entièrement à grande vitesse !
Ma demande est simple. Je souhaite que l'État garantisse une fréquence de desserte entre Paris et Le Mans au moins équivalente à son niveau historique, qu'il veille à l'instauration d'un tarif plafonné sur cette portion, ou d'un tarif au kilomètre égal à celui des autres portions de la LGV, et qu'il renforce, en lien avec les conseils régionaux, les liaisons interrégionales entre les Pays de la Loire, la Normandie et le Centre-Val de Loire.
La réponse appropriée réside clairement dans l'instauration d'une desserte améliorée, avec des tarifs réduits, sur un réseau donnant toute sa place à des trains rapides et aux TGV sur les lignes interurbaines, selon l'exemple de nos voisins allemands ou espagnols.
Je tiens tout d'abord à réaffirmer l'engagement clair et massif du Gouvernement en faveur du secteur ferroviaire, mis en relief par les annonces budgétaires récentes de la Première ministre, qui promet d'y consacrer 100 milliards d'euros. Cela concerne notamment le réseau ferroviaire qui, comme vous l'avez rappelé, connaît certaines difficultés. « Gouverner, c'est choisir », et donc définir des priorités : en l'occurrence, je suis convaincu que la solution consiste à investir dans le réseau ferroviaire, et j'assume de lui donner la priorité par rapport à d'autres projets, comme le développement des LGV.
Vous m'interrogez d'une part sur la fréquence de la desserte de la gare du Mans par des TGV en provenance ou en direction de Paris, d'autre part sur le niveau et la lisibilité des tarifs.
En ce qui concerne la desserte, le service annuel de la SNCF pour 2023, c'est-à-dire le programme des trains pour l'année, a en effet acté l'ajustement de l'offre sur ce trajet, avec la suppression de deux trains quotidiens, dont un Ouigo, aux heures creuses – c'est-à-dire en milieu de journée –, dans le sens Paris-Le Mans. Cette décision tient compte de l'équilibre global de la ligne et de sa fréquentation. Malgré cela, l'offre globale de TGV entre Paris et Le Mans reste dense : quatorze allers-retours quotidiens, dont deux liaisons par Ouigo, constituent une desserte importante. Je suis prêt à accompagner les élus et les collectivités concernées pour examiner l'évolution du service annuel après 2023.
La question des tarifs est cruciale. Je commencerai par rappeler que la France a historiquement fait le choix – je l'assume, convaincu qu'il faut poursuivre dans cette voie – de concentrer l'effort de modération des tarifs sur les trains du quotidien, comme les TER. Si certains peuvent les trouver coûteux, leurs tarifs sont bien inférieurs à ceux que pratiquent nos grands voisins européens, y compris l'Allemagne, malgré ses récentes réformes tarifaires fixant le prix du billet mensuel à 49 euros. En revanche, le TGV n'est pas subventionné, ce qui explique que ses usagers soient effectivement soumis à des tarifs objectivement élevés.
Nonobstant l'ampleur de l'inflation et le modèle de financement des TGV, j'ai souhaité qu'un bouclier tarifaire s'applique en 2023, afin que l'augmentation des tarifs des billets ne dépasse pas 5 %. La SNCF applique à ma demande ce dispositif, qui me semble important pour préserver le pouvoir d'achat des Français et l'attractivité des transports ferroviaires.
Pour ce qui concerne la lisibilité, je serai clair : elle peut et elle doit être améliorée. Nous avons fait quelques progrès avec les cartes de réduction comme la carte Avantage, mais j'ai demandé à la SNCF de poursuivre ce chantier sur l'ensemble du territoire, pour que les usagers comprennent mieux la tarification appliquée.
La parole est à M. Belkhir Belhaddad, pour exposer sa question, n° 219, relative à la finalisation de la voie rapide 52 dans le Grand Est.
En tant que député de la première circonscription de Moselle, je sais que les migrations pendulaires compliquent la vie quotidienne de nos concitoyens. Monsieur le ministre délégué chargé des transports, vous connaissez bien cette question et vous vous êtes rendu la semaine dernière dans cette belle circonscription. Songez qu'en certains points de ce territoire, aller d'une commune à l'autre est très difficile en voiture, compliqué à vélo et impossible à pied.
À dix heures, M. Sébastien Chenu remplace Mme Naïma Moutchou au fauteuil de la présidence.
Lorsqu'il faut prendre la voiture, c'est souvent sur des trajets déjà excessivement empruntés, de sorte que les embouteillages alourdissent gravement la journée de travail de tous.
C'est, vous l'aurez compris, un réel sujet de préoccupation pour les habitants de ma circonscription puisqu'il est au cœur de leur vie quotidienne. Pour y répondre, le projet d'une nouvelle voie rapide, la VR52, a fait l'objet de réflexions depuis des années et le chantier a commencé en 2015. Ce projet d'envergure soutenu politiquement par l'État, la région et le département de la Moselle est un des plus gros investissements routiers de tout le Grand Est.
Ces travaux ont pour but de désenclaver les vallées de l'Orne et de la Fensch, de favoriser le développement économique sur ces territoires et de dissocier le trafic local du trafic de transit.
Ce projet conçu dans le respect de l'environnement comporte trois phases dont deux ont déjà été réalisées : les tronçons concernés ont été inaugurés il y a deux ans. Ma question porte sur le dernier tronçon long d'un peu moins de 4 kilomètres pour parachever cette deux fois deux voies dans la section comprise entre le giratoire de Rombas et la déviation de cette commune.
Pouvez-vous nous assurer, monsieur le ministre délégué, du soutien de l'État pour parachever ce troisième tronçon très attendu sur ce territoire et, plus largement, dans le département ? L'État restera-t-il maître d'ouvrage ? Si oui, pouvez-vous préciser le planning prévisionnel de cette dernière phase de travaux ? Quel sera le montage financier ?
Vous connaissez mon attachement au département de la Moselle, et en particulier à votre circonscription, où je me suis rendu il y a quelques jours, ainsi que l'attention que je prête aux questions de congestion sur les routes et plus généralement des transports, car cela concerne aussi les transports ferroviaires, dans une région transfrontalière.
Dans ce contexte, j'ai pleinement conscience de l'intérêt que représente l'achèvement de l'aménagement à deux fois deux voies de la VR52 entre les autoroutes A4 et A30, pour offrir un itinéraire alternatif attractif parallèle à l'autoroute A31 dans le sillon lorrain.
L'État a réalisé la phase de travaux financée dans le contrat de plan État-région (CPER) 2015-2022 sur la section comprise entre le giratoire de Jailly et celui de Rombas, qui a été mise en service en 2022.
Les études sont en cours pour permettre la réalisation de la dernière phase de travaux, que vous avez évoquée, sur la section comprise entre le giratoire de Rombas et la déviation de cette même commune. Ces études portent notamment sur la mise à jour de l'évaluation environnementale du projet, ainsi que l'impose la loi, et sur l'examen des conditions de prise de possession par l'État des terrains actuellement occupés par d'autres activités, notamment le golf d'Amnéville, et situés dans l'emprise du tracé de la dernière section.
La VR52 fait partie des sections des routes nationales, visées par la décision ministérielle que j'ai prise le 4 janvier 2023, qui sont transférées au département de la Moselle au titre des dispositions de la loi du 21 février 2022, la loi « 3DS ». Du fait de cette mesure de décentralisation, la maîtrise d'ouvrage de l'opération a vocation à être exercée par le conseil départemental de la Moselle.
Néanmoins, ce transfert ne remet pas en question l'importance que l'État accorde depuis longtemps à la réalisation et à la finalisation de ces travaux. Leur financement sera collectivement examiné dans le cadre de la nouvelle contractualisation 2023-2027, qui prolonge le CPER existant. Comme je l'ai dit un peu plus tôt en réponse à d'autres questions, ces contrats de plan État-région commenceront à être négociés à la fin du mois de mars. Je signerai dans quelques semaines les mandats aux préfets. Le concours des collectivités ayant participé aux financements des sections déjà réalisées sera nécessaire, dans un contexte où chacun doit fournir des efforts et des contributions budgétaires. L'État prendra sa part à cet effort collectif.
Pour répondre à votre interrogation portant sur le calendrier, les travaux ne pourront être engagés qu'après avoir obtenu l'autorisation environnementale à laquelle je faisais référence. Il ne faut pas sous-estimer cette procédure indépendante. Compte tenu des délais habituellement applicables, elle pourrait intervenir d'ici au début de l'année 2025.
La parole est à M. Olivier Serva, pour exposer sa question, n° 211, relative à l'application de la loi anti-gaspillage pour une économie circulaire en Guadeloupe.
Depuis le 1er janvier 2023, les restaurateurs de ma circonscription, disposant de plus de vingt places assises, sont contraints de devenir des hors-la-loi. Depuis lors, il leur est interdit de faire usage de vaisselle jetable. Ils doivent désormais utiliser de la vaisselle réemployable au moins cinquante fois.
Micheline et Jacques, propriétaires d'un établissement de restauration rapide aux Abymes, m'ont demandé comment ils allaient faire, ne disposant pas quotidiennement d'eau courante dans leur restaurant. Ils m'ont dit : « Monsieur le député, pour prendre une simple douche, pour faire une simple machine à laver, c'est le parcours du combattant. Alors, des lave-vaisselle industriels qui tournent tous les jours, n'y pensez même pas ! » Voilà ce que ce couple de restaurateurs m'a fait remarquer avec raison. Cette loi est l'illustration de l'inadéquation des normes à nos spécificités régionales.
Autre fait démontrant l'impossibilité de s'y conformer outre-mer, la Guadeloupe ne dispose pas sur son territoire de site de recyclage pour ces déchets. De ce fait, des tonnes de vaisselle réemployable en fin de vie devront être acheminées vers l'Europe, à 8 000 kilomètres. On repassera pour la réduction des émissions de CO
Enfin, en matière d'assainissement des eaux usées, permettez-moi de vous dire que ce texte est inquiétant. En l'absence de stations d'épuration opérationnelles en Guadeloupe et en Martinique, je vous laisse deviner où se déverseront les détergents utilisés durant les cycles des lave-vaisselles. Ainsi, j'en appelle à une réaction immédiate du Gouvernement par voie réglementaire afin d'instaurer sur les territoires concernés un régime transitoire à l'entrée en vigueur de cette loi, avec effet rétroactif au 1er janvier 2023.
Monsieur Serva, vous appelez mon attention et celle de Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, sur l'obligation d'utiliser de la vaisselle réemployable dans les établissements de restauration de plus vingt places et plus particulièrement sur les modalités ou, devrais-je dire, sur les difficultés pour appliquer cette obligation en Guadeloupe.
Je tiens tout d'abord à vous rappeler l'objectif de cette mesure issue de la loi du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire – loi Agec – votée par le Parlement : elle vise tout simplement à réduire la quantité de nos déchets. Chaque année, en France, 20 milliards de produits de vaisselle jetable finissent dans nos poubelles. Cette mesure n'a rien d'anecdotique : grâce à elle, presque 200 000 tonnes de déchets seront évitées chaque année, soit l'équivalent du poids de vingt tours Eiffel, pour l'illustrer concrètement.
Christophe Béchu et Bérangère Couillard, secrétaire d'État chargée de l'écologie, ont réuni le 6 janvier dernier les principales enseignes de la restauration, qu'il s'agisse de restauration rapide ou de restauration collective. Cette rencontre avait pour objectif d'évoquer trois points : leurs plans d'action pour la mise en conformité de leurs établissements, leur expérience dans l'utilisation de la vaisselle réemployable et les freins ou les difficultés qu'ils rencontrent. J'ai parfaitement conscience que la situation est différente pour de petits établissements, surtout quand il y a des difficultés locales spécifiques.
Néanmoins, pour bon nombre d'enseignes, le remplacement de la vaisselle jetable par de la vaisselle réemployable est un changement important. C'est pour cette raison que la loi donnait plus de trois ans pour engager ce changement, afin que les acteurs puissent anticiper et s'organiser. Vous parliez de période de transition ; nous en avions institué une.
Pour exposer le contexte général, je précise qu'un lave-vaisselle professionnel consomme en moyenne 3 litres d'eau pour laver près de 150 articles de vaisselle : cette consommation est très faible par rapport à la consommation d'eau totale d'un restaurant.
Je reconnais toutefois qu'il y a des situations particulières difficiles. Ainsi la Guadeloupe doit-elle faire faire aux conséquences non prévisibles de l'ouragan Fiona qui a lourdement endommagé en septembre dernier les infrastructures et les services d'eau potable dont certains étaient déjà en grande difficulté. Il en résulte que, dans une dizaine de communes de Guadeloupe, l'eau potable n'est disponible que pendant certaines plages horaires. C'est un fait. Nous devons prendre en compte cette réalité qui pose d'immenses difficultés.
Pour les restaurants situés dans ces communes, j'invite toutes les enseignes concernées à mettre à jour le plan d'action qui avait été demandé pour préciser la situation de chacun de leurs établissements et faire état de difficultés particulières, afin que les services de l'État puissent apprécier toute demande de souplesse et de flexibilité dans l'application de la loi. Pour le reste des enseignes, parce que c'est important et même essentiel dans la transition écologique collective, le Gouvernement appelle à une application rapide de la loi. Nous sommes cependant prêts à prendre en compte les situations très particulières que vous évoquez.
Je veux simplement exprimer ma satisfaction quant à la réponse donnée par le ministre délégué. Bien évidemment, l'urgence écologique est importante. Nous partageons cette préoccupation, y compris dans les territoires insulaires qui sont les premiers touchés par le dérèglement climatique. Je veillerai très attentivement à la mise en œuvre de ce que vous avez annoncé, prenant en considération la préservation de la nature dans ces territoires mais aussi la nécessité de la transition écologique, que nous rappellent par exemple les cyclones.
La parole est à M. Victor Habert-Dassault, pour exposer sa question, n° 216, relative à la contamination de la nappe phréatique de Bresles.
Le nord de l'Oise se développe au sein d'un environnement préservé où la ruralité s'épanouit autour d'un cadre verdoyant, riche en tradition, en patrimoine et en sérénité. La carte postale serait parfaite si quelques communes n'étaient pas privées de leur tranquillité. C'est notamment le cas de Bresles et de Bailleul-sur-Thérain, confrontées à un risque majeur de contamination de la nappe phréatique.
La communauté d'agglomération du Beauvaisis et les conseils municipaux des deux communes que je viens de citer s'opposent depuis 2018 à l'enfouissement de 4 millions de mètres cubes de matériaux issus des déchets du Grand Paris dans les bassins de décantation de l'ancienne sucrerie de Bresles. La préfecture de l'Oise est allée dans le sens des élus locaux en publiant un arrêté défavorable à la création de ce projet. Pourtant, la justice administrative a annulé cette décision.
L'autorisation d'enfouissement est donc en suspens. Le terrain d'enfouissement, au cœur des marais de Bresles, est situé dans une zone humide, à proximité de la nappe phréatique, à quelques mètres d'une zone naturelle d'intérêt écologique, faunistique et floristique.
On nous assure que les déchets inertes ne sont pas nocifs, or une enquête a révélé un dépassement massif des taux de sulfate contenu dans des terres issues du Grand Paris, déchets ensuite déversés dans un lac de carrière. Monsieur le ministre délégué chargé des transports, le Gouvernement est très impliqué sur les questions environnementales. Restera-t-il ferme sur ses engagements dans ce domaine en refusant que cette zone devienne un lieu de stockage des déchets du Grand Paris ?
Il est indispensable que l'État soutienne la décision des élus locaux et des habitants pleinement mobilisés pour garantir la bonne organisation et l'aménagement de leur territoire.
Vous appelez l'attention du Gouvernement sur le projet d'enfouissement de déchets inertes dans la commune de Bresles, dans l'Oise, qui fait l'objet, vous l'avez dit, d'une très forte opposition locale compte tenu des impacts négatifs de ce site pour les riverains.
Je tiens d'abord à vous rappeler que ce type d'activité est soumise à autorisation préfectorale. C'est dans ce cadre que, comme vous l'avez dit, une telle activité avait été refusée par les services de l'État, par le préfet, en septembre 2019, notamment eu égard aux nuisances que le projet pourrait engendrer.
Cependant, en application des règles, l'exploitant a contesté cette décision préfectorale, qui a été annulée par la justice fin 2021, le tribunal administratif jugeant que les nuisances n'étaient pas suffisamment établies et qu'elles ne s'opposaient pas à l'exploitation d'une telle activité sur la commune de Bresles.
Le préfet a donc été conduit à autoriser l'activité de stockage de déchets inertes sur ce site, en application de la décision de justice. Toutefois, signe de notre très grande vigilance sur ces sujets, le préfet a assorti cette autorisation de mesures strictes de préservation de la santé et de l'environnement. C'est ainsi qu'on a concilié l'application indispensable de la décision de justice et la préoccupation que l'État a toujours conservée à l'égard de ce projet. Nous avons imposé des études complémentaires pour caractériser les impacts de cette installation sur les sols, les milieux aquatiques, mais aussi, vous l'avez dit, sur la faune et la flore susceptibles d'être présentes sur ce site.
À ce jour, comme vous le savez, l'exploitation de ce site n'a pas démarré. Par ailleurs, les suites judiciaires ne sont pas encore connues et l'affaire n'est pas achevée puisqu'un recours a été déposé et devrait faire l'objet d'une audience et d'une décision subséquente d'ici à cet été.
Il va de soi que nous serons tenus d'appliquer cette décision de justice : nous serions évidemment tous satisfaits si elle empêchait le démarrage de l'activité d'enfouissement, mais sachez que, dans le cas contraire, les services de l'État seront particulièrement vigilants à ce que l'ensemble des prescriptions soient renforcées, et veilleront avec exigence à leur application scrupuleuse par l'exploitant du site.
Vous aurez donc compris la position de l'État sur le sujet, parfaitement illustrée par les refus d'autorisation préfectorale ; nous attendons désormais l'aboutissement des procédures judiciaires en cours. Soyez assuré que nous serons les plus exigeants possibles en matière de prescriptions : la préservation de l'environnement est notre priorité absolue.
Je suis satisfait que l'État soit aux côtés de nos communes et qu'il entende assumer sa politique localement. Les projets comme celui de Bresle présentent des enjeux environnementaux et sociétaux majeurs, et je suis heureux de savoir que vous serez à nos côtés jusqu'à la fin de la procédure.
La parole est à Mme Emeline K/Bidi, pour exposer sa question, n° 204, relative à la crise de la filière apicole réunionnaise.
Monsieur le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire, depuis juillet 2022, Aethina tumida, plus connue sous le nom de « petit coléoptère des ruches », met à mal l'activité apicole de l'île de La Réunion. Plus de 200 ruches ont déjà été brûlées : la situation est plus que préoccupante.
Les apiculteurs font face à des difficultés relatives à la production et au matériel, mais également à des difficultés financières. En effet, l'interdiction de transhumance et de récolte entraîne une perte de revenus considérable pour tous les acteurs de la filière. En outre, ils sont inquiets pour le devenir des colonies d'abeilles. L'éradication favorise la création de colonies sauvages : au nom de la crise, on détruit une abeille endémique, menaçant ainsi toute la biodiversité de l'île.
La Réunion est le seul département français à être concerné par ce problème. Pour y faire face, la direction de l'alimentation, de l'agriculture et de la forêt (Daaf) applique l'arrêté ministériel du 23 décembre 2009, qui prescrit les mesures d'éradication en cas de maladies réputées contagieuses des abeilles. Le protocole consiste en la destruction systématique des colonies et des ruchers dont l'infestation a été confirmée, ainsi que la désinsectisation du sol autour des ruches infestées. Pour une ruche touchée, c'est donc tout le rucher que l'on brûle.
Inspiré d'un modèle italien, ce protocole n'a jamais démontré son efficacité, encore moins sur le territoire français. Si au début de la crise, certains ont pu croire le protocole efficace, sept mois après, tous les acteurs de la filière et le monde scientifique s'accordent à dire qu'il n'est plus adapté.
Pour rappel, l'article 2 de la décision d'exécution de la Commission européenne 2023/110 dispose que « la France et l'Italie veillent à ce que les mesures d'urgence […] soient appliquées », et prévoit « [qu']en fonction des résultats de la surveillance et des enquêtes épidémiologiques […] la France et l'Italie peuvent prendre des mesures d'urgence appropriées supplémentaires […] ».
Le protocole actuel est radical, inadapté et incohérent vu les caractéristiques insulaires de La Réunion. Car notre île, monsieur le ministre, n'est pas l'Italie : apiculteurs, experts nationaux et internationaux, et syndicats nous alertent au sujet de l'urgence et de la nécessité d'adapter le protocole aux réalités de l'apiculture réunionnaise. À cette fin, l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) a formulé plusieurs recommandations dans son rapport de septembre 2022, mais l'État y reste sourd.
Pourtant, l'éradication pratiquée aujourd'hui n'est pas soutenable à long terme et ne permet pas de lutter efficacement et durablement contre le petit coléoptère des ruches, car aucun des pays affectés par le phénomène ne s'en est encore débarrassé : l'adaptation du protocole et un véritable travail de recherche sur le sujet se révèlent donc nécessaires. La crise est l'occasion de mener un travail de recherche – avec le Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (Cirad), par exemple –, afin d'approfondir les connaissances sur le petit coléoptère des ruches et de trouver des solutions adaptées à la réalité de notre territoire. Ces recherches présentent d'autant plus d'intérêt que, demain, la France hexagonale pourrait être également touchée.
Le Gouvernement est-il prêt à entendre les difficultés de la filière apicole réunionnaise et à adapter urgemment le protocole, en concertation avec les professionnels du milieu ?
Par ailleurs, au regard de la situation inédite dans laquelle se trouvent La Réunion et la France, le Gouvernement est-il prêt à financer des travaux de recherche qui serviront non seulement à La Réunion, mais aussi à tous les apiculteurs français qui pourraient être concernés par ce phénomène ?
La parole est à M. le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire.
Votre question me donne l'occasion d'aborder un sujet important pour La Réunion. Comme vous le savez, l'objectif d'éradication d'Aethina tumida du territoire de La Réunion a été retenu au vu de l'avis du laboratoire national de référence de l'Anses rendu suite à la mise en évidence du premier cas d'infestation en juillet 2022. En effet, si ce ravageur venait à infester plus largement l'île et à s'y installer durablement, les conséquences pour la filière apicole de l'île, pour la production de miel – produit à forte valeur ajoutée à La Réunion, comme dans beaucoup d'autres territoires – et pour l'environnement seraient majeures. La découverte du dernier foyer d'infestation, le 3 février ne doit pas remettre en cause cet objectif, qui reste pertinent eu égard au contexte – l'interprofession apicole, représentée par les groupements de défense sanitaire, connus sous le nom de GDS France, en convient.
Six mois après le début de la crise, l'État avait déjà engagé près de 1 million d'euros pour financer des mesures de lutte et de surveillance, et indemniser les apiculteurs pour les ruchers détruits.
À notre demande, l'Anses étudie actuellement la possibilité d'adapter les mesures de restriction de mouvement et les mesures de surveillance eu égard à l'évolution de la situation épidémiologique et à la législation européenne, tout en prenant en compte les contraintes économiques des exploitations apicoles réunionnaises.
Vous l'avez dit : le problème affecte actuellement La Réunion, mais il pourrait toucher également la France hexagonale à l'avenir. Nous devons donc nous préparer à cette éventualité, notamment grâce aux programmes de recherche menés notamment par l'Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement (Inrae) et le Cirad, mais aussi des organismes de recherche nationaux qui travaillent sur la filière apicole. Je suis prêt à évaluer toute mesure mise en évidence dans ce cadre, et qui serait de nature à éradiquer cette « bestiole », si vous me permettez l'expression, ou du moins à en limiter la propagation.
Pour conclure, si nous soutenons l'objectif d'éradication, nous sommes prêts à étudier différentes modalités d'adaptation du protocole – l'Anses y travaille. À nos yeux, la recherche est importante, car elle seule nous permettra de trouver de nouvelles mesures pour faire face à la propagation du petit coléoptère des ruches.
Les apiculteurs réunionnais qui nous écoutent sont certainement ravis de savoir que l'État est prêt, non seulement à adapter le protocole, mais aussi à engager des travaux de recherche, puisque c'est ce qu'ils réclamaient à cor et à cri sans avoir le sentiment d'être entendus. Des adaptations sont d'autant plus nécessaires qu'aujourd'hui, par exemple, seules les ruches déclarées sont contrôlées : les ruches qui ne sont pas déclarées, les ruches inaccessibles et les essaims sauvages ne le sont pas.
La parole est à M. Frédéric Zgainski, pour exposer sa question, n° 232, relative aux moyens attribués à la DFCI Nouvelle-Aquitaine.
En octobre, la DFCI, l'association Défense des forêts contre l'incendie en Aquitaine, acteur majeur de la protection du massif forestier des Landes de Gascogne, et l'Office national des forêts (ONF) ont remis au Gouvernement un rapport sur la stratégie à adopter pour accélérer la protection du territoire face aux incendies et la rendre plus efficace grâce à un plan de financement sur cinq ans.
M. Bruno Lafon, président de la DFCI de Nouvelle-Aquitaine, y souligne que si l'État accorde 16 millions d'euros par an au Sud-Est de la France au titre de la défense contre les incendies, il ne verse que 1,5 million d'euros à la région Nouvelle-Aquitaine. La DFCI de cette région souhaite donc obtenir davantage de moyens, afin d'intervenir plus efficacement et, grâce à ses connaissances du massif, de mieux accompagner les élus et les acteurs de terrain pour faire respecter les obligations de débroussaillage autour des lotissements et des habitations, et pour aménager des bandes supplémentaires sans plantation de chaque côté des pistes forestières.
Elle souhaiterait également pouvoir créer de nouveaux points d'eau ou de nouveaux ponts pour faciliter l'accès des engins de secours. Elle envisage aussi d'autres actions de sécurisation de nos forêts. Le temps presse, car la saison à risque de départs de feu démarrera bientôt – elle a même déjà commencé en Gironde.
Vous avez annoncé hier, monsieur le ministre de l'agriculture, un financement complémentaire de 7,6 millions d'euros pour la défense contre les incendies du massif des Landes de Gascogne : cette enveloppe importante permettra en particulier à la DFCI de faire face aux conséquences toujours plus importantes du changement climatique, et je tiens donc à vous en remercier. Pouvez-vous nous détailler le calendrier de déploiement et la répartition de ce soutien de l'État ?
La parole est à M. le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire.
Comme vous le savez, la région Nouvelle-Aquitaine a été frappée par d'importants incendies pendant l'été 2022. Cette situation est d'autant plus paradoxale que cette région est sans doute la mieux organisée, pour ne pas dire la plus exemplaire, en matière de lutte contre les incendies. Elle a en effet conservé la mémoire de ceux de 1949 dont elle avait tiré les leçons. Si nous voyons moins les six cents incendies évités que les quatre ou cinq événements majeurs qui ont provoqué, cet été, les dégâts que vous connaissez, je tiens, en tant que ministre chargé des forêts et de leur défense contre les incendies, à saluer le travail et le fonctionnement exemplaires de l'association régionale DFCI. Les graves événements de l'été dernier ne doivent pas conduire à mettre à bas la politique de défense de la forêt contre les incendies, qui a vocation à être étendue, plutôt que restreinte : avec mes collègues Gérald Darmanin et Christophe Béchu, nous sommes mobilisés pour avancer sur ce sujet.
Ainsi, 7,6 millions d'euros seront affectés à la défense des forêts contre l'incendie. Sur ce montant, 4,2 millions d'euros permettront, en appui conjoncturel, de financer trois axes : la remise en état, avant cet été, des pistes forestières et des fossés dégradés par la lutte contre les incendies de 2022 ; le retour à l'état opérationnel des pistes pour des actions de lutte par les pompiers, ce qui permettra, le cas échéant, de pouvoir à nouveau intervenir – même si nous espérons tous que cela ne sera pas nécessaire ; l'accompagnement des structure de défense de la forêt contre les incendies dans la gestion de l'après-crise.
En outre, 1,6 million d'euros financeront des mesures de prévention, comme la surveillance des massifs. À cette fin, un réseau de caméras, dont une première tranche sera installée dès cette année, complétera la surveillance humaine. Ces outils dits de prévention sont très attendus localement, et d'autant plus souhaitables et précieux que plus un incendie est détecté tôt, plus les chances de le maîtriser sont grandes : une fois qu'il est parti, on ne peut en effet plus faire grand-chose.
Enfin, 1,8 million d'euros seront mobilisés pour structurer plus encore le dispositif d'animation local, notamment en renforçant l'encadrement et la professionnalisation des nombreux bénévoles qui composent les équipes de la DFCI, et pour financer le suivi et l'entretien courant des infrastructures, ainsi que la réalisation de patrouilles de surveillance et d'alerte lors des périodes à risque d'incendie. En effet, on sait à quel point une présence humaine sur le terrain dissuade d'abord ceux qui ont de mauvaises intentions de les mettre à exécution et permet, ensuite, de constituer un réseau de vigies permanent.
Par ailleurs, afin que l'ONF puisse mener à bien sa nouvelle mission de surveillance et de police, j'ai décidé de renforcer ses moyens pour 2023. En effet, sous l'égide des préfets, l'Office sera chargé de contrôler le respect des obligations légales de débroussaillage (OLD) – j'aborderai ce sujet avec mes collègues ce mois-ci. Le nombre de jours dédiés à cette mission d'intérêt général sera augmenté.
Comme vous le voyez, monsieur le député, nous sommes pleinement mobilisés pour répondre aux attentes des acteurs de la défense de la forêt contre les incendies, en particulier dans votre région. Les nouveaux moyens qui ont été affectés à cette mission permettront d'aborder plus sereinement l'été 2023 et, plus largement, de financer des aménagements structurels qui renforceront la résilience de nos forêts comme les OLD et l'évolution des peuplements forestiers.
Je vous remercie, monsieur le ministre, d'avoir salué le travail mené localement par la DFCI depuis les incendies qui avaient touché la région en 1949, et pour les éléments très clairs que vous avez communiqués : ils permettront à notre région de travailler efficacement à la prévention des incendies.
La parole est à M. Jérôme Buisson, pour exposer sa question, n° 228, relative à l'élevage de crevettes d'eau douce dans l'Ain.
Mon département de l'Ain est une grande terre de pisciculture – la plus grande de France s'agissant de la pisciculture d'eau douce : les étangs de la Dombes sont exploités depuis le Moyen-Âge pour la pratique de l'aquaculture. Initialement tournée vers la carpe, celle-ci doit s'adapter au changement climatique et diversifier ses productions.
À ce titre le règlement européen n° 708/2007 du 11 juin 2007, modifié par le règlement n° 304/2011 du 9 mars 2011, autorise – et j'insiste sur ce terme –, dans des conditions très encadrées, l'élevage d'espèces exotiques dans le domaine de l'aquaculture, dont l'espèce de crevettes en eau douce Macrobrachium rosenbergii.
L'élevage de cette espèce revêt un triple avantage pour les pisciculteurs et, plus largement, pour notre pays : tout d'abord, comme je l'ai dit, en permettant l'élevage d'une espèce plus adaptée à un climat plus chaud – et donc à une eau plus chaude –, il apporte une perspective d'adaptation de l'aquaculture au changement climatique. Ensuite, il répond aux impératifs de souveraineté alimentaire de notre pays, puisque la crevette reste aujourd'hui un produit importé à 99,7 %. En effet, selon FranceAgriMer, seules 150 des 120 000 tonnes consommées en France y sont produites.
Il permet enfin de diversifier – et d'harmoniser à l'échelle d'une année – les sources de revenus des aquaculteurs, qui peuvent élever certaines espèces durant la saison chaude et d'autres à la saison froide. Or les nombreux pisciculteurs intéressés par cette variété sont freinés par des lourdeurs bureaucratiques. Plusieurs élevages ont néanmoins ouvert en France, le premier, dans le Gers, à l'issue de trois ans de lutte en vue d'obtenir, par arrêté préfectoral, une autorisation provisoire assortie d'un cahier des charges. Désormais, il commercialise ces crevettes avec succès. Dans l'Ain, les autorités préfectorales, plus précisément la direction départementale des territoires, continuent de refuser toute autorisation : en témoigne le courrier en date du 18 mai 2022 adressé à l'association locale de développement de l'aquaculture, qui avait pourtant fourni un dossier complet. Le refus s'appuie sur la version non modifiée du règlement européen en cause, laquelle n'opérait pas de distinction entre l'introduction – interdite – d'une nouvelle espèce dans le milieu naturel et son élevage au sein d'installations fermées, que le règlement modifié autorise. Ce texte est donc appliqué différemment d'un département à l'autre, ce qui pose un problème majeur d'égalité devant la loi.
Je souhaitais donc vous demander, monsieur le ministre, si vous entendez prendre les mesures nécessaires pour uniformiser l'application du règlement et laisser enfin les pisciculteurs de la Dombes commencer, dans le respect de la biodiversité, l'élevage de cette espèce de crevette d'eau douce.
La parole est à M. le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire.
J'aurais pu partager cette question avec Bérangère Couillard, puisqu'elle concerne à la fois la biodiversité et la production ; mais l'aquaculture est comprise dans mon périmètre. Cette activité se trouve particulièrement réglementée – du fait, reconnaissons-le, de l'introduction malheureuse d'espèces exotiques envahissantes, en particulier la fameuse écrevisse de Californie, dont l'arrivée en Suède puis en France a eu des conséquences néfastes en matière de biodiversité. Par ailleurs, vous avez raison : le développement des activités aquacoles contribue à notre souveraineté alimentaire, si bien que nous devons l'encourager, en fonction des possibilités – telle crevette ici, tel poisson là –, d'autant que le dérèglement climatique en perturbe les cycles.
La réglementation européenne, plutôt ferme et restrictive, soumet l'élevage de crevettes d'eau douce à une évaluation environnementale préalable, sauf dans le cas des installations considérées comme fermées, caractère qui relève de l'appréciation des services de l'État. J'entends parfaitement ce que vous me dites, à savoir que cette appréciation varierait en fonction du territoire ; je vais demander à mes services de se pencher sur le cas de l'Ain, afin d'examiner les motifs de la décision que vous avez évoquée et de les comparer à ceux invoqués dans le Gers et en Charente-Maritime. J'ai également souhaité, dans chaque région, un référent aquaculture : la chose est quasiment faite. Nous avons en effet besoin d'une coordination nationale, que j'ai bien l'intention d'organiser, mais aussi régionale, afin que puissent se développer de tels projets, dont nous avons besoin. C'est pourquoi, encore une fois, il importe de mettre un terme aux contraintes imposées dans l'Ain, étant donné leur absence dans d'autres départements : la nation est une et indivisible.
Au-delà de la question des normes, j'ajouterai que selon les experts, cette crevette s'élève en eau saumâtre et ne survit pas au-dessous de 13 ou 14 degrés, ce qui serait de nature à empêcher sa prolifération.
La parole est à Mme Anaïs Sabatini, pour exposer sa question, n° 225, relative aux restrictions sur l'usage de la ressource en eau dans les Pyrénées-Orientales.
Monsieur le ministre, la sécheresse inédite que subissent les Pyrénées-Orientales impose à tous la plus grande sobriété dans l'utilisation des ressources en eau. Les agriculteurs sont les premiers conscients que le déficit de précipitations, qui dure depuis juin 2022, les oblige plus que jamais à être attentifs à optimiser leur consommation ; du reste, ils n'avaient pas attendu cette sécheresse pour affecter à bon escient les ressources disponibles. Cependant, ils subissent depuis des années les attaques répétées de quelques associations écologistes, le plus souvent dirigées par des idéologues d'extrême gauche qui ne connaissent rien au monde rural. Le 29 novembre 2022, le tribunal administratif de Montpellier, saisi par l'une d'elles, a ainsi décidé de réduire drastiquement les possibilités de prélever de l'eau dans un fleuve côtier, la Têt, qui traverse ma circonscription.
Cette hausse du débit réservé s'est révélée directement et fortement préjudiciable à toute l'économie locale. De nombreux agriculteurs du département craignent à juste titre pour la survie de leur exploitation : ils n'arrivent plus à joindre les deux bouts et redoutent de nouvelles restrictions, qui sonneraient le glas de leur activité. Lors de ma visite au Salon de l'agriculture, certains m'ont fait part de cette inquiétude, qui vire parfois au désespoir. En mettant les exploitants en péril, la multiplication des recours fragilise l'activité économique des Pyrénées-Orientales. Cet acharnement judiciaire n'a en réalité d'autre objectif que d'annihiler toute initiative. La tyrannie de ces associations extrémistes n'a que trop duré : un territoire entier est menacé de sombrer dans l'immobilisme à cause de l'action procédurière d'une petite minorité de donneurs de leçon, défendant une idéologie radicale de la déconstruction et de la table rase.
C'est pourquoi il conviendrait de soulever la question des financements publics perçus par ces associations : Frene 66, par exemple, particulièrement active, se déclare affiliée à France nature environnement, qui a reçu en 2021 plus de 2 millions d'euros de subventions d'exploitation. Le contribuable doit-il continuer à mettre la main au portefeuille pour gaver quelques structures qui promeuvent une écologie punitive, sont résolues à avoir la peau de nos paysans et fragilisent le tissu économique local ? Face à leurs attaques, monsieur le ministre, quand allez-vous restaurer l'autorité de l'État ?
La parole est à M. le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire.
Merci de votre question, qui me permet de faire un point général au sujet de l'accès à l'eau. Avant toute chose, je ne me lasserai jamais de rappeler que sans eau, n'en déplaise à certains, aucune production agricole, aucune souveraineté alimentaire n'est possible. Cela ne signifie pas qu'il soit superflu de faire des efforts, d'avoir conscience que l'eau est rare, donc précieuse, et doit être utilisée avec parcimonie : telle est d'ailleurs l'attitude des arboriculteurs, maraîchers et autres agriculteurs de votre département, rompus de longue date à l'alternance des périodes d'abondance et de pénurie. Ensuite, nous sommes en train de concrétiser les mesures prévues dans le cadre du Varenne agricole de l'eau et de l'adaptation au changement climatique – tout le Varenne et rien que le Varenne, comme l'a rappelé, entre autres, Christophe Béchu. Le but de ces travaux était d'établir de quels cycles, de quels ouvrages – 300 ont été identifiés, près d'une soixantaine seront prêts dès 2023, soit en moins d'un an – l'agriculture avait besoin. Certains de ces ouvrages sont petits, d'autres grands : dans les deux cas, nous devons en assumer la charge. Ainsi, cette année, si nous n'avions pas disposé du barrage de Serre-Ponçon, une vallée entière aurait été privée de ressources touristiques, de production agricole et même d'eau potable, sans parler de la lutte contre les incendies. Le Gouvernement sera toujours favorable à de telles mesures.
Vous me demandiez si nous comptons faire respecter la loi : nous le faisons déjà, y compris s'agissant de la future retenue d'eau de Sainte-Soline – pardonnez-moi, là encore, de m'éloigner un peu de votre département. Dans les Pyrénées-Orientales comme ailleurs, lorsqu'un projet a résisté à toutes les études environnementales et économiques requises, et que les voies de recours ont été épuisées, le soutien de l'ensemble du Gouvernement lui est acquis : c'est pourquoi nous défendons Sainte-Soline, de même que tous les projets ayant vocation à assurer notre souveraineté alimentaire. Vous dénoncez l'attitude de ceux qui cherchent à les entraver : les Égyptiens, les Grecs, les Romains, d'autres encore, nous ont appris que l'histoire plurimillénaire de l'agriculture est, je le répète, une histoire d'accès à l'eau. D'aucuns dénoncent un accaparement de la ressource : ce n'est pas pour eux que les agriculteurs prélèvent de l'eau, mais afin de nourrir la population ; si accaparement il y a, c'est à nous de nous remettre en question. Encore une fois, nous soutiendrons tous les projets découlant du Varenne, tous les travaux visant à économiser l'eau, à faire évoluer les choses dans les territoires où elle est appelée à se raréfier, et tous les agriculteurs ; le sujet de la Têt est bien présent dans les esprits, nous allons y travailler. L'été s'annonce compliqué dans votre département : il conviendrait que le partage de l'eau soit aussi peu conflictuel que possible.
Je vous invite, monsieur le ministre, à venir expliquer tout cela dans ma circonscription, où certains agriculteurs se sentent totalement abandonnés par les pouvoirs publics.
La parole est à M. Didier Lemaire, pour exposer sa question, n° 207, relative à l'accueil des gens du voyage et aux occupations illicites.
Monsieur le garde des sceaux, l'accueil des gens du voyage concerne l'ensemble de notre territoire, du Nord au Sud, de l'Est à l'Ouest. Depuis plusieurs mois, dans la troisième circonscription du Haut-Rhin, où j'ai été élu, des membres de cette communauté, de nationalité française, s'installent sauvagement afin de travailler du côté suisse de la frontière. Les communes de Saint-Louis, de Blotzheim, d'Hésingue, ainsi que leurs entreprises, comme SES-Sterling à Hésingue et Primeo énergie à Saint-Louis, subissent – le mot est faible – d'importantes détériorations : transformateurs électriques abîmés, déchets sur la voie publique, gaspillage d'eau – la liste complète serait longue. Des aires d'accueil sont pourtant à la disposition des gens du voyage. Loin de moi l'idée de stigmatiser qui que ce soit, mais lorsque les lois de la République ne sont pas respectées, il en résulte de fortes tensions, car nos concitoyens ne parviennent pas à s'expliquer un tel laisser-faire. Les élus locaux, avec qui je me trouvais hier encore, sont dépourvus des moyens nécessaires pour lutter contre ces troubles à l'ordre public ; ils se sentent abandonnés par l'État. En cette période de repli et de tensions sociales, je crains que tout cela se termine par une catastrophe humaine. Aussi, ma question est simple : que comptez-vous faire pour accompagner élus et citoyens ?
La loi doit évidemment être respectée : c'est pourquoi mon ministère est engagé de longue date dans la lutte contre les occupations du terrain d'autrui, et c'est pourquoi cette majorité en a renforcé l'arsenal avec la loi du 7 novembre 2018 relative à l'accueil des gens du voyage et à la lutte contre les installations illicites. Le fait de s'installer en réunion, en vue d'y établir une habitation, même temporaire, sur un terrain appartenant soit à une commune qui s'est conformée aux obligations lui incombant en vertu du schéma départemental, soit à tout autre propriétaire, sans justifier d'une quelconque autorisation, est ainsi passible d'un an d'emprisonnement et 7 500 euros d'amende. En cas de dégradations, les peines peuvent aller jusqu'à cinq ans de prison et 75 000 euros d'amende, en vertu de l'article 322-3 du code pénal. Par ailleurs, plusieurs procédures visent à libérer les lieux : s'il y a occupation illicite du domaine privé, l'expulsion peut être demandée en référé devant le tribunal judiciaire ; lorsque le terrain est public, et que sa libération présente un caractère utile et urgent, la collectivité territoriale peut saisir d'une demande d'expulsion le juge administratif statuant en référé ; si le stationnement est de nature à porter atteinte à la salubrité, la sécurité ou la tranquillité publiques, le maire ou le propriétaire peut demander au préfet de mettre en demeure les occupants sans titre de quitter les lieux et, le cas échéant, de procéder à l'évacuation forcée des résidences mobiles. Enfin, le ministère de la justice, en relation avec ceux de l'intérieur et des outre-mer, œuvre actuellement à l'amélioration de ces dispositifs, afin de faciliter et accélérer les évacuations : je vous propose, monsieur le député, de vous associer à ces travaux.
Merci beaucoup de votre réponse, monsieur le ministre ; c'est bien évidemment avec plaisir que j'accepte votre proposition.
Bienvenue !
Suspension et reprise de la séance
Nous avons pris de l'avance sur l'ordre du jour ; je vais suspendre la séance quelques instants, en attendant l'arrivée de l'oratrice suivante.
La séance, suspendue à dix heures quarante-cinq, est reprise à dix heures cinquante.
La séance est reprise. Dans l'attente de l'arrivée de Mme Virginie Duby-Muller, je vous propose de passer à la question de M. Éric Girardin.
La parole est à M. Éric Girardin, pour exposer sa question, n° 218, relative à l'encadrement de la suspension du repos hebdomadaire des travailleurs saisonniers.
Je souhaite attirer l'attention du Gouvernement sur l'encadrement de la suspension du repos hebdomadaire des travailleurs saisonniers des filières agricoles et viticoles. Celles-ci sont confrontées à de fortes contraintes qualitatives et techniques qui, couplées à un besoin massif de main-d'œuvre, imposent un temps très bref pour la récolte et certains aménagements dans l'organisation du travail. Chaque année, les agriculteurs et viticulteurs sollicitent l'administration pour bénéficier de la mesure d'exception prévue par l'article L. 714-1 du code rural et de la pêche maritime. Celle-ci permet, « en cas de circonstances exceptionnelles, notamment de travaux dont l'exécution ne peut être différée », de suspendre pour une durée limitée le repos hebdomadaire des salariés affectés aux travaux saisonniers.
Depuis plusieurs années, l'administration conteste néanmoins la légitimité des opérateurs à recourir à ce dispositif pendant les vendanges, la moisson ou les cueillettes. Elle estime que dans la mesure où elles se répètent chaque année, ces périodes ne constituent pas une circonstance exceptionnelle justifiant légalement la suspension du repos hebdomadaire. Elle entend réserver cette possibilité aux seules situations dans lesquelles des événements ponctuels et imprévisibles – comme des aléas météorologiques – affecteraient le déroulement des vendanges, de la moisson ou des cueillettes. Cette analyse met gravement en péril le bon déroulement de ce moment clé de l'activité des entreprises de ces filières. Le Président de la République, alerté sur le sujet en 2019, avait donné instruction à ces services de revenir sur leur interprétation du cadre légal.
Or aucune inflexion positive n'a été constatée depuis. L'administration a même infligé d'importantes sanctions financières à certains opérateurs qui avaient suspendu le repos hebdomadaire de leurs vendangeurs. Je rappelle que cette position fait fi de la volonté des partenaires sociaux, puisqu'elle ignore un accord conclu à l'unanimité des organisations syndicales entérinant la possibilité de suspendre le repos hebdomadaire. Quelles mesures le Gouvernement souhaite-t-il prendre pour éviter à l'avenir ce blocage administratif, qui se fait au détriment du bon sens économique ?
Je tiens d'abord à vous remercier, monsieur le député, pour votre implication de longue date sur ce sujet. Comme vous le savez, tout salarié bénéficie d'un repos hebdomadaire d'au moins vingt-quatre heures consécutives, auquel s'ajoute le repos quotidien de onze heures – soit un repos hebdomadaire d'une durée minimale de trente-cinq heures. Ces dispositions sont également applicables à l'agriculture. La réglementation vise avant tout à préserver la santé et la sécurité des salariés.
Des dérogations de droit existent pour le repos dominical – notamment pour les vendanges, comme vous l'avez souligné. Cependant, la dérogation au repos dominical ne vaut pas dérogation au repos hebdomadaire. Les professionnels font parfois une confusion entre travail du dimanche et suspension du repos hebdomadaire – ce dernier s'inscrivant dans le cadre de la semaine civile. La dérogation au repos dominical permet de faire travailler les salariés douze jours consécutifs dans le respect du repos hebdomadaire. Cette possibilité répond aux attentes des professionnels, puisque la récolte s'étend le plus souvent sur une période de neuf à douze jours.
Un point de tension demeure concernant les dates des vendanges, choisies en fonction des éléments climatiques. Il nous faut trouver une voie entre la préservation des droits sociaux des salariés employés et les contraintes de l'activité. Vous savez que le ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion, Olivier Dussopt, et le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire, Marc Fesneau, suivent de très près ce dossier. Parallèlement, le service public de l'emploi soutient et accompagne les professionnels viticoles dans le cadre de leurs besoins de main-d'œuvre.
Vos propos constituent une ouverture et une avancée, monsieur le secrétaire d'État. Je répète que l'administration a durci sa position, en particulier en Champagne – d'où ma question – et qu'en matière de récolte des cultures, c'est la politique du « juste-à-temps » qui s'applique : avant l'heure, ce n'est pas l'heure, après l'heure, ce n'est plus l'heure. Il y va de la qualité sanitaire des produits récoltés. Une nouvelle fois, j'attire donc l'attention du Gouvernement : la prise en compte du bien-être et du repos des travailleurs – certes nécessaire – ne doit pas conduire à anéantir des récoltes. Celles-ci doivent se faire au moment où il faut cueillir.
Vous avez parfaitement raison. Le Gouvernement vous propose de faire preuve de bon sens en traitant ce sujet avec le service public de l'emploi et avec les préfectures et les services de l'État. Comme vous l'avez très bien dit, la situation dépend vraiment des zones et des éléments climatiques. Je vous propose donc que nous travaillions ensemble dans le but d'accompagner les professionnels au plus près des attentes du terrain.
La parole est à M. Jean-Luc Bourgeaux, pour exposer sa question, n° 214, relative aux accords entre l'Union européenne et la Norvège sur l'activité des navires Français.
Ma question concerne les impacts, pour l'activité des navires français, du blocage des négociations relatives à l'accord entre l'Union et la Norvège sur les accès réciproques. Du fait de ce blocage, l'activité de toute une partie de la flotte de pêche démersale de l'Union européenne est suspendue, notamment celle du navire congélateur Émeraude, qui cible le cabillaud arctique, et potentiellement celle des chalutiers pêche fraîche de l'armement Euronor, qui ciblent le lieu noir. Les conséquences économiques sont considérables pour les flottilles de l'Union européenne et plus d'une centaine de navires européens pourraient rester à quai – soit environ 2 000 marins.
Force est de constater que les Norvégiens, qui ont perdu l'accès aux eaux écossaises pour la pêche du merlan bleu, considèrent que l'accès à l'Irish box est une condition sine qua non à la signature de l'accord. Leur demande se concentre principalement sur le merlan bleu et la crevette du Groenland prélevés sur les parts danoise et française. Or la position inflexible des Irlandais s'agissant de l'accès à l'Irish box bloque toute marge de manœuvre dans les négociations, au détriment de l'intérêt général des autres flottilles européennes et de la stabilité relative instaurée par la politique commune de la pêche (PCP). Une proposition française de compromis pourrait néanmoins être trouvée pour un accès limité à la partie nord-ouest de l'Irish box.
Il est urgent de trouver un compromis ou un accord avec l'Irlande, sans quoi plusieurs pays européens tels que la France, l'Espagne, l'Allemagne et le Portugal n'auront plus accès au cabillaud arctique et la flottille hauturière française sera affectée dans son ensemble. Pouvez-vous nous dire, monsieur le secrétaire d'État, si des avancées ont pu être obtenues lors du dernier Conseil des ministres de l'Union européenne en charge de de la pêche pour dénouer cette situation de blocage ? Les enjeux sont majeurs pour l'équilibre financier des deux armements concernés.
Je voudrais d'abord vous remercier, monsieur le député, pour votre implication en faveur du territoire breton et de la pêche française ; je sais que vous suivez de près les sujets qui les concernent. Comme vous l'avez très justement expliqué, les négociations en cours entre l'Union européenne et la Norvège sont aujourd'hui bloquées. L'absence d'accord empêche nos pêcheurs d'aller pêcher le cabillaud arctique dans les eaux norvégiennes. Ce qui se joue ici, c'est la pérennité de la pêche française et la solidité des armements que vous avez mentionnés.
La Norvège réclame l'accès à l'Irish box, une zone de pêche située entre la Grande-Bretagne et l'Irlande, et la réduction drastique des accès européens à ses stocks démersaux. Aucune de ces éventualités n'est satisfaisante : elles pénaliseraient soit la flotte irlandaise, soit les flottes danoise, suédoise et allemande. Comme je l'ai de nouveau évoqué avec le commissaire européen à la pêche M. Sinkevièius la semaine dernière, la France a donc donné mandat à la Commission pour défendre une position extrêmement ferme vis-à-vis de la Norvège. La Commission continue de négocier en utilisant tous les leviers à sa disposition pour parvenir à une solution satisfaisante. Je souhaite, avec mes collègues du Gouvernement, que nous parvenions à un accord le plus rapidement possible : comme vous le savez, les armements ne peuvent pas demeurer en situation de blocage et la pêche française vit une accumulation de crises liées au covid, au Brexit ou encore au gazole.
Cela est d'autant plus important que nous avons obtenu de belles avancées lors du Conseil des ministres de l'Union européenne en charge de la pêche qui s'est réuni en décembre dernier, notamment dans le cadre de l'accord sur les totaux admissibles de capture (TAC) et les quotas, avec le maintien des possibilités de pêche au cabillaud dans les eaux norvégiennes du Svalbard jusqu'au 1er avril. Les modalités en seront fixées très prochainement.
Soyez assuré que je suis ce dossier de très près, car j'ai la conviction qu'il constitue un élément primordial de la capacité de la pêche française à défendre ses intérêts. À travers la prolongation des aides au gazole accordées aux entreprises de pêche, pour un montant avoisinant désormais plus de 100 millions d'euros, la décarbonation de la filière d'ores et déjà engagée et la bataille menée pour défendre les intérêts et les quotas français, nous agissons afin de garantir la souveraineté alimentaire de notre pays et la capacité économique et financière des entreprises que vous avez mentionnées. Nous entendons poursuivre dans cette voie.
Je vous remercie de cette réponse ; je sais à quel point vous êtes engagé pour défendre la pêche française. Toutefois, à la différence des Norvégiens, les zones de report d'effort de pêche sont quasi inexistantes pour les navires français. Le quota accordé à la France pour la pêche du lieu noir ne pourra pas suffire à couvrir l'activité de tous les navires. Il faut également rappeler la situation dans la zone du Svalbard : depuis 2021, la Norvège refuse de rétrocéder à l'Union européenne un quota de 5 000 tonnes de cabillaud. Comme vous l'avez rappelé, le temps presse et il est urgent de trouver des solutions.
Vous avez raison, le temps presse. C'est la raison pour laquelle j'ai évoqué ce dossier la semaine dernière avec le commissaire européen. Je l'évoquerai de nouveau la semaine prochaine, lors du Conseil européen : nous défendrons, avec d'autres pays, une position très ferme afin d'aboutir à un accord. La pêche est en effet un sujet politique prioritaire pour le Gouvernement et pour la Commission européenne. Comptez sur moi pour continuer à me battre.
La parole est à M. Luc Geismar, pour exposer sa question, n° 203, relative à la situation dramatique des Carsat.
Ma question, qui s'adresse à M. le ministre de la santé et de la prévention, vise à attirer son attention sur la situation difficile des caisses d'assurance retraite et de santé au travail (Carsat), qui appliquent des délais de plus de six mois pour le traitement des dossiers de retraite.
Dans les Pays de la Loire, la multiplication des transferts de dossiers d'un département à l'autre pose de nombreuses questions quant à la qualité et à la diligence du traitement et soulève des problèmes de gestion et de suivi. Nombre de nos concitoyens m'ont fait part de leurs grandes difficultés s'agissant du traitement de leur dossier.
L'un d'entre eux vit même une situation dramatique : la Carsat de la région Pays de la Loire lui a notifié, en décembre 2021, son départ à la retraite pour le 1er octobre 2022. Il a donc, comme demandé, déposé son dossier plus de six mois avant cette date. La veille de la date prévue pour son départ, c'est-à-dire le 30 septembre 2022, il a reçu un simple appel téléphonique l'informant que son dossier venait d'arriver sur le bureau de l'agent et qu'une erreur s'était produite : son départ était repoussé d'un an, soit le 1er octobre 2023. En raison de cette prise en charge tardive, inadmissible, cette personne se retrouve depuis six mois sans activité professionnelle, sans revenus et sans réponse de la Carsat quant à l'étude de son dossier en commission. Une telle injustice n'est pas acceptable et doit être rectifiée en urgence.
La situation de ce citoyen est loin d'être un cas isolé ; je suis très régulièrement sollicité pour des problèmes du même type liés à l'organisation régionale de la Carsat et aux transferts de dossiers d'un département à l'autre qui déprécient la qualité de la prise en charge des dossiers des futurs retraités. Lorsque la Carsat est interrogée sur les raisons de tels dysfonctionnements, l'argument avancé est celui du manque de personnel, notamment dans certains départements qui font face à une augmentation significative des demandes. L'urgence de la situation dans laquelle se trouvent nombre de nos concitoyens appelle donc une action rapide et efficace.
C'est pourquoi nous devons nous interroger sur un potentiel plan d'action permettant de réduire le délai de traitement et de s'assurer qu'aucun des futurs bénéficiaires de l'assurance vieillesse ne se retrouve prévenu la veille de son départ de la survenue d'un problème. Quelles exigences envisagez-vous quant au délai de validation des dossiers ? Pouvez-vous, monsieur le secrétaire d'État, rassurer les futurs bénéficiaires de l'assurance vieillesse en faisant en sorte qu'ils obtiennent la validation de leur dossier au moins deux mois à l'avance ? Quelles sont les pistes envisageables afin d'améliorer les conditions de prise en charge des dossiers au sein des départements de la Carsat des Pays de la Loire ? Pouvez-vous nous confirmer que ces dossiers, qui font l'objet d'une prise en charge très insatisfaisante conduisant à une situation alarmante, seront bien pris en compte en urgence ?
L'accroissement des délais de traitement par les Carsat est avant tout conjoncturel : il est lié à l'augmentation des demandes de liquidation de droits en raison de la démographie. À titre d'illustration, on dénombrait 716 000 entrées en 2018 et plus de 780 000 en 2021. Les délais de liquidation et de paiement des retraites par la Caisse nationale d'assurance vieillesse (Cnav) ont fait l'objet d'objectifs contractuels entre la Cnav et l'État, déclinés ensuite par les Carsat. Ils sont en cours de définition pour la période 2023-2027, mais le but est que 80 % des dossiers soient notifiés un mois avant la date de départ en retraite de l'usager. Cela nécessite encore des efforts, certes, mais la situation s'améliore par rapport à l'objectif précédent. Dès 2021, en effet, le Gouvernement a fixé un objectif de réduction d'un tiers des délais de traitement, soit un délai de soixante-quinze jours, qui a été atteint en décembre 2022 : la Cnav a ainsi liquidé en soixante-neuf jours les dossiers sans interaction longue avec des partenaires extérieurs.
Par ailleurs, la Cnav a engagé un plan d'action en quatre points : premièrement, une meilleure information des usagers en attente et une proposition de rendez-vous afin d'accélérer le traitement des dossiers ; deuxièmement, la lutte contre les dépôts tardifs qui augmentent les difficultés de délais de certaines Carsat – ainsi les dossiers déposés plus de quatre mois à l'avance représentaient 43 % du total en 2018 et 59 % en 2021 ; troisièmement, l'amélioration de la communication des données entre les régimes ; quatrièmement, l'instauration d'une équipe dédiée afin de débloquer tous les dossiers, notamment les plus urgents ou les plus atypiques.
Vous l'avez souligné, il est essentiel que les futurs retraités sachent à quel moment ils pourront partir et quels seront les éléments de leur dossier. Dans le cadre de la réforme des retraites, nous veillerons tout particulièrement à ce qu'une attention particulière soit apportée à tous nos concitoyens et ferons en sorte que la Cnav et les Carsat aient les moyens de mettre en œuvre cette politique.
La parole est à M. Grégoire de Fournas, pour exposer sa question, n° 229, relative à la situation de l'usine Magna à Blanquefort.
Ma question concerne la situation de l'usine Magna – anciennement Ford –, site industriel majeur situé à Blanquefort, en Gironde, dans ma circonscription. Inauguré en 1970 sous l'impulsion de l'ancien maire de Bordeaux, Jacques Chaban-Delmas, le site a connu son heure de gloire dans les années 2000, employant alors 3 600 salariés spécialisés dans la fabrication de boîtes de vitesses. Depuis, sous les coups de boutoir de la mondialisation, il a connu un inexorable déclin.
Après de multiples déconvenues et changements de propriétaire, cette usine a été vendue il y a une semaine à la société Mutares, qui se prétend spécialisée dans le retournement économique d'entreprises en difficulté. Mutares a pourtant déjà un passif en France : Pixmania, Artmadis ou Grosbill, autant d'entreprises reprises par cette société sans stratégie industrielle claire, si ce n'est celle de siphonner les actifs avant de procéder à leur liquidation. C'est bien ce qui est à craindre pour le site industriel de Blanquefort, puisque l'actionnaire n'a pour l'heure dévoilé aucun projet industriel précis ni investissement permettant d'assurer l'avenir du site.
Le Gouvernement n'a de cesse de vanter son programme de réindustrialisation. Commençons déjà par préserver le tissu industriel existant : quelles garanties avez-vous obtenues de Mutares quant au maintien de l'activité industrielle à Blanquefort ?
L'usine de Magna à Blanquefort, qui emploie environ 700 salariés, travaille uniquement pour Ford. Elle produit des boîtes de vitesses dont les fins de série sont prévues au cours des prochaines années. Elle fait donc partie de ces usines qui sont directement touchées par la transition du moteur thermique vers le moteur électrique et que nous accompagnons dans ce cadre.
L'enjeu pour le territoire et son tissu industriel est donc de pérenniser le site, son savoir-faire et ses compétences – à la fois dans le secteur automobile, en fabriquant d'autres produits que les boîtes de vitesses, et en dehors de ce secteur. La diversification de l'entreprise est donc importante pour garantir sa pérennité et sa capacité à maintenir les emplois.
C'est l'un des axes du projet de reprise de Mutares. Au-delà du sujet industriel, il y a bien entendu un sujet social. À ce titre, la garantie financière apportée par Magna à Mutares pour un montant de 78 millions d'euros en cas de départ collectif des salariés est importante, même si nous souhaitons éviter un tel scénario. Ce dossier est suivi de près par les équipes du ministre délégué chargé de l'industrie, Roland Lescure, dont je vous prie de bien vouloir excuser l'absence et qui m'a chargé de vous répondre.
Plus généralement, le Gouvernement a engagé un programme de soutien important à la filière automobile et à ses sous-traitants, afin de les accompagner dans la transition du moteur thermique vers le moteur électrique et de les aider à se diversifier en dehors de la filière pour ceux qui ne retrouveraient pas les mêmes niveaux de marché dans l'automobile. À titre d'exemple, nous avons lancé un appel à projets, doté de 1 milliard d'euros, destiné aux sous-traitants de la filière automobile : c'est en investissant et en se tournant vers les marchés d'avenir – dans le secteur automobile et en dehors de ce secteur – que nous arriverons à maintenir et à créer de l'emploi industriel dans les territoires.
Votre réponse demeure relativement vague. L'avenir de l'industrie automobile réside certes dans les investissements, mais également dans la préservation de l'industrie – sans cela, compte tenu des règles actuelles en matière de libre-échange, nous n'y arriverons jamais. D'ailleurs, l'industrie automobile décline depuis des dizaines d'années.
Ce qui m'inquiète, c'est que vous n'avez apporté aucune réponse sur la société Mutares qui, je le répète, est une entreprise vautour dont le fonds de commerce consiste à brader des entreprises pour le compte de plus grandes. Ford a, en définitive, sous-traité la liquidation du site industriel de Blanquefort et vous n'avez, semble-t-il, aucune réponse à apporter à cette situation. Il fut un temps où nous avions en France un ministre de l'industrie, Arnaud Montebourg, qui faisait preuve d'un certain volontarisme pour trouver des solutions pour les entreprises menacées de fermeture, même s'il n'a pas pu mettre en œuvre sa politique industrielle, qui était pourtant une bonne politique. Nous ne percevons aucun signe en ce sens de la part du Gouvernement pour sauver ce site qui compte 700 salariés dont l'emploi est aujourd'hui menacé.
D'ailleurs, monsieur le secrétaire d'État, vous avez envisagé dans votre réponse la fermeture du site, en évoquant un plan de licenciement. Je me suis interdit moi-même de mentionner cette possibilité, le but étant de sauver des sites industriels. Lors de l'examen du projet de loi relatif à l'accélération de la production d'énergies renouvelables, Mme Pannier-Runacher affirmait qu'il n'était pas possible de produire des panneaux photovoltaïques made in France, du fait de l'absence de capacité industrielle. Vous disposez pourtant à Blanquefort d'un site clé en main, avec des salariés compétents et formés, pour réaliser cette ambition. Servez-vous-en ! Faites preuve de stratégie et de volontarisme : notre industrie en a besoin !
Je n'ai jamais évoqué, monsieur le député, la fermeture potentielle du site.
Non ! Je n'ai jamais évoqué la fermeture du site, que cela soit bien clair ! D'autre part, vous dites que ma réponse est vague. Pas du tout ! J'apporte des éléments en matière de garanties financières : 78 millions d'euros.
Ensuite, afin de maintenir les emplois et de développer le site, j'évoque la diversification dans le secteur automobile et en dehors de ce secteur, avec le plan d'action et l'appel à projets de 1 milliard d'euros. Je ne peux pas être plus précis !
Enfin, pour vous répondre quant à notre volontarisme en matière industrielle, je rappelle que c'est la première fois depuis quarante ans que notre pays crée de nouveau de l'emploi industriel. Au-delà des signes, nous apportons une illustration très concrète de ce volontarisme : nos concitoyens le constatent sur le terrain.
La parole est à Mme Virginie Duby-Muller, pour exposer sa question, n° 213, relative aux difficultés du tribunal de Thonon.
M. le garde des sceaux a confié à M. le secrétaire d'État Hervé Berville le soin de lui répondre.
Ma question s'adressait en effet au garde des sceaux et je remercie le secrétaire d'État chargé de la mer de bien vouloir me répondre à sa place.
Je souhaite appeler l'attention du ministère de la justice sur le manque de moyens dont souffre le tribunal judiciaire de Thonon-les-Bains. En moyenne, le parquet fonctionne avec 2,4 magistrats pour 100 000 habitants. Si l'on applique ce ratio, le tribunal de Thonon aurait besoin de neuf magistrats, contre six actuellement, pour fonctionner correctement. À cela s'ajoute une pénurie de greffiers : 20 % des postes sont vacants à Thonon et 30 % à Annemasse. Ce phénomène est évidemment lié au coût de la vie et du foncier.
Quant aux conditions de détention, elles sont extrêmement problématiques, comme dans l'ensemble des prisons françaises. Non seulement le parc pénitentiaire n'est pas adapté, mais il reste saturé en raison de la surpopulation carcérale, ce qui entraîne promiscuité, manque d'intimité, sommeil à même le sol, absence de séparation des différentes catégories de détenus et augmentation des tensions et violences – je pense par exemple à l'agression mortelle d'un prisonnier sur son codétenu qui a eu lieu au centre pénitentiaire d'Aiton, en Savoie, le 10 février, ou encore à une bagarre en septembre dans le quartier des mineurs de la prison de Bonneville, maison d'arrêt en proie à une surpopulation carcérale et qui pâtit de sous-effectifs chroniques que dénoncent d'ailleurs les agents pénitentiaires.
En Haute-Savoie, toute la chaîne pénale est aujourd'hui sous tension car en ce qui concerne les forces de l'ordre, le constat est le même : leurs effectifs sont jugés insuffisants. Policiers et gendarmes ont de plus en plus de travail sur le terrain et doivent effectuer en plus des formalités administratives lourdes et chronophages, notamment les transferts des détenus. Ils ont donc moins de temps à consacrer à leurs investigations et aux appels d'urgence des habitants. Il est urgent d'agir, alors que l'activité pénale est en très nette hausse dans notre département. Les mesures à prendre sont simples : augmenter les moyens de la justice pour créer plus de places de prison et renforcer les effectifs humains.
Dès lors, monsieur le secrétaire d'État, quelles mesures entend mettre en œuvre le garde des sceaux pour permettre à la chaîne pénale de fonctionner correctement en Haute-Savoie comme sur l'ensemble du territoire ?
Tout d'abord, je vous remercie, madame la députée, pour votre implication sur ce sujet dans votre territoire. Je sais qu'il est important pour vous que l'État et les services publics soient présents sur nos territoires. Je vais vous transmettre une réponse qui devrait être la plus précise possible s'agissant des enjeux judiciaires que vous évoquez.
Comme vous le savez, l'activité du tribunal judiciaire de Thonon-les-Bains a justifié la création d'un poste de juge non spécialisé en 2022, faisant ainsi passer le nombre total de postes localisés à vingt-trois, dont dix-sept au siège et six au parquet. Si actuellement les effectifs du parquet de Thonon-les-Bains sont au complet, ceux du siège connaissent deux vacances de postes qui n'ont pu être pourvus sur le vecteur de la transparence annuelle publiée le 17 février 2023. Le tribunal judiciaire de Thonon-les-Bains bénéficie en plus de deux juristes assistants, un au siège et le second au parquet. S'agissant des effectifs de greffe, il est prévu l'arrivée d'un greffier en mobilité le 1er juin 2023. Un recrutement d'adjoints administratifs par la voie contractuelle réservée aux titulaires d'une reconnaissance de travailleur handicapé est également prévu, avec une prise de fonction le 1er juin 2023. Enfin, dans le cadre du plan de soutien à la justice de proximité, le tribunal judiciaire de Thonon-les-Bains a reçu le renfort de trois contractuels de catégorie A, dont l'un dédié à la lutte contre les violences intrafamiliales, de quatre contractuels de catégorie B et de deux contractuels de catégorie C. Soyez assurée que les services du ministère de la justice continueront de porter une attention particulière au tribunal judiciaire de Thonon-les-Bains, notamment dans le cadre de l'élaboration des mouvements de nomination, dans toute la mesure des possibilités offertes par les candidatures exprimées.
Vous le savez, le garde des sceaux mène une action volontariste pour augmenter les moyens de ce tribunal et plus généralement de tous les tribunaux judiciaires de France, action qui aboutira grâce au vote par l'Assemblée nationale – nous l'espérons – d'une loi de programmation qui prévoira 7,5 milliards supplémentaires en cinq ans pour porter le budget de la justice à près de 11 milliards, et permettra d'engager 1 500 magistrats et 1 500 greffiers et de finaliser le plan de 15 000 nouvelles places de prison. De plus, la création de 10 000 postes de gendarmes et de policiers depuis cinq ans permet d'avoir une action pleinement coordonnée entre la police, la gendarmerie et la justice.
Je vous remercie pour cette question, qui a permis au garde des sceaux de vous montrer que les moyens sur le terrain arrivent et qu'il poursuivra cet effort. Aussi vous invite-t-il à voter la loi de programmation de la justice.
La parole est à Mme Fanta Berete, pour exposer sa question, n° 223, relative à la consommation par les mineurs des mini e-cigarettes jetables.
Ma question concerne la problématique de la consommation par les mineurs de mini-cigarettes jetables appelées « puffs ». Composées d'une résistance, d'une batterie et d'un e-liquide, préremplies et préchargées, elles sont vendues avec des arômes de bonbon ou de fruit ; mais elles contiennent aussi des taux de nicotine pouvant atteindre 5 % selon les produits. Ces mini-cigarettes jetables sont vendues de 6 à 12 euros chez les buralistes, dans certains magasins de cigarettes électroniques, sur internet, mais aussi dans les supermarchés, notamment à Paris et plus particulièrement dans le 15
Ma question sera donc double. Comment le Gouvernement contrôle-t-il la vente de ces mini e-cigarettes électroniques ? Quel est le bilan des contrôles menés et des contraventions dressées ces dernières années suite à la vente de ces produits dans la capitale ?
La parole est à Mme la ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité.
Comme vous le savez, le cadre légal de ces produits de vapotage a été prévu par la directive européenne 2014/40 du 3 avril 2014, qui a été appliquée en droit national en mai 2016. Les textes en vigueur interdisent aux mineurs la consommation et la vente des cigarettes électroniques et des liquides associés ainsi que leur publicité et leur promotion directe ou indirecte. Le code de la santé publique dispose qu'une affiche doit être placée à la vue du public dans les établissements et dans les distributeurs vendant ces produits, précisant notamment l'interdiction de vente aux personnes mineures ; un bandeau de même nature doit être prévu sur les sites en ligne dédiés à cette activité. Toutefois, la consommation par le public mineur se développe sous l'effet des pratiques de promotion et de vente au moyen des réseaux sociaux. Le ministre de la santé et de la prévention a déjà eu l'occasion de faire un signalement à ce titre au parquet en application de l'article 40 du code de procédure pénale.
S'agissant des bilans statistiques, il est à noter que les services de police ne disposent pas d'un agrégat dédié aux mineurs consommant des mini-cigarettes jetables sur la voie publique. Conformément à la répartition des compétences entre la préfecture de police et la mairie de Paris, les services municipaux interviennent pour réprimer les dépôts illégaux de déchets sur la voie publique – ces infractions relèvent des contraventions pénales de 4
Face au développement de ce marché, le ministère de la santé et de la prévention mène une réflexion pour identifier les meilleurs leviers permettant de mieux protéger les jeunes de ce produit. Ce sujet de santé publique mérite que l'on prenne le temps de réfléchir et de travailler à un cadre fiscal plus adapté pour rendre le prix des puffs beaucoup moins attrayant pour nos jeunes.
La parole est à M. Benoît Bordat, pour exposer sa question, n° 224, relative aux travaux de rénovation de la caserne Deflandre.
La caserne Deflandre, à Dijon, dans ma circonscription, est la plus importante de la Côte-d'Or. Elle compte plus de 461 logements vétustes habités par plus de 450 familles. J'étais jusqu'en juin 2022 adjoint au maire de Dijon chargé des anciens combattants et de la défense nationale ; j'ai également été réserviste opérationnel de la gendarmerie et ai pu fréquenter ce site à de nombreuses reprises. L'urgence est là car cette caserne, construite en 1971, est dans un état très vétuste. L'isolation des bâtiments n'est plus du tout en adéquation avec les enjeux climatiques de notre époque. La phase des appels d'offres pour le marché public de la rénovation des logements s'est achevée en septembre 2022, ce qui devrait permettre de débuter au plus vite les travaux.
Je souhaiterais des précisions sur les modalités de mise en œuvre des travaux, notamment les différents aménagements prévus dans le cadre de cette rénovation d'ampleur. Je souhaite aussi que ce projet de rénovation soit en adéquation avec les enjeux énergétiques et climatiques, et que les locaux deviennent suffisamment confortables pour permettre à l'ensemble du personnel de la caserne de gendarmerie d'assurer le très honorable travail qu'est la défense et la sécurité de nos concitoyens. Par ailleurs, comment sera organisé le relogement du personnel pendant la rénovation ? Il faut permettre à ce dernier de poursuivre ses missions dans les meilleures conditions. Enfin, je souhaite connaître le calendrier prévisionnel des travaux. Une première phase était prévue dès 2022, mais elle a été retardée. Quelle est désormais la date retenue pour débuter les travaux ? Plus globalement, quelles sont les informations que je peux apporter à l'ensemble du personnel de gendarmerie de cette caserne si importante pour le département ?
La parole est à Mme la ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité.
La qualité de vie et les conditions de travail des militaires de la gendarmerie et de leurs familles demeurent une préoccupation majeure du Gouvernement. Il continuera à investir massivement, à l'image du quartier Deflandre à Dijon, dont le coût de réhabilitation des logements et des locaux de service est estimé à 78 millions d'euros. Le projet de traitement des 461 logements de cette emprise en est au stade de la conception, pour des travaux envisagés de début 2025 à fin 2028. Les travaux porteront sur la performance énergétique, le traitement complet du clos et du couvert des bâtiments, mais également la rénovation intérieure des logements – désamiantage, réfection des pièces sèches et humides. Au titre de la phase préparatoire à cette opération complexe et de grande envergure, la livraison d'un bâtiment tertiaire de 1 900 mètres carrés, fin 2023-début 2024, libérera vingt-huit logements actuellement déclassés en bureaux qui, une fois réhabilités, permettront de réaliser une opération en tiroir et de reloger les gendarmes au fur et à mesure des travaux. En complément de la rénovation des logements, la réhabilitation de onze bâtiments de bureaux ou à usage technique existants est programmée sur la période 2028-2030. Enfin, pour optimiser l'occupation du site, des locaux tertiaires et des logements seront construits sur le foncier disponible de la caserne pour accueillir un nouvel escadron de gendarmerie mobile, et ce pour un coût supplémentaire de 30 millions d'euros.
La parole est à M. Emmanuel Blairy, pour exposer sa question, n° 226, relative à la tornade du 23 octobre 2022 dans le Pas-de-Calais.
Le dimanche 23 octobre 2022 restera gravé dans la mémoire des habitants de ma circonscription, notamment des administrés de Bihucourt, d'Hendecourt-lès-Cagnicourt et de Mory. Des vents tourbillonnaires, dépassant les 200 kilomètres à l'heure, ont dévasté des maisons, des entreprises, des champs et le domaine public. Tous les services ont été mis à contribution, de la préfecture aux élus locaux, en passant par nos gendarmes, par nos sapeurs-pompiers, la Croix-Rouge et RTE, le réseau de transport d'électricité. Tous ont été remarquables d'humanité et de professionnalisme, et nous devons les saluer. Quatre mois plus tard, je souhaite faire un point d'étape avec le Gouvernement.
Premier point : des réductions budgétaires ayant pu rendre plus difficile la détection préventive de cette tornade par les services de Météo France, quels moyens sont-ils prévus demain pour prévenir ce risque ?
Deuxième point : la question se pose de savoir si le système hospitalier, affaibli par tant d'années de politique à courte vue, aurait eu la capacité d'accueillir et de sauver un nombre important de victimes.
Troisième point : sachant que les premières minutes avant le déploiement des secours sont importantes pour sauver des vies, que fait-on pour former les populations aux bonnes pratiques et aux gestes de premiers secours ?
Quatrième et dernier point : de nombreuses familles ont été relogées moyennant le paiement d'un loyer ; plusieurs de leurs membres se sont de ce fait éloignées de leur lieu de travail, ce qui entraîne un surcoût qu'elles peinent à absorber dans un contexte d'inflation record. J'ai reçu dans ma permanence des gens qui m'affirmaient qu'il leur restait 50 euros pour vivre en fin de mois. Où en est le processus d'indemnisation des victimes ?
La parole est à Mme la ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité.
Je tiens tout comme vous à souligner l'excellence, dans leur intervention, des services de secours.
La capacité d'accueil des services hospitaliers en cas de catastrophe d'ampleur fait l'objet d'une attention toute particulière du ministère de la santé.
Concernant le renforcement des moyens des services de secours, le Gouvernement est aux côtés des collectivités territoriales qui sont en charge du financement des SIS, les services d'incendie et de secours. La loi de finances pour 2023 et la loi de programmation du ministère de l'intérieur ont permis d'ouvrir 158 millions d'euros de crédits pour accompagner l'investissement des SIS.
Les tornades et l'ensemble des phénomènes venteux violents sont exclus du régime de la garantie catastrophes naturelles dès lors qu'ils ne sont pas associés à un événement cyclonique. Les dégâts sur les biens assurés des particuliers, des entreprises et des collectivités sont couverts par un régime de garantie spécifique prévu à l'article L. 122-7 du code des assurances, la garantie tempête, que le législateur a rendu obligatoire pour tous les contrats d'assurance dommage. Les assurés sont indemnisés par leur assureur sans qu'une intervention préalable des pouvoirs publics ou de l'État soit nécessaire.
Le Gouvernement considère que ces différents dispositifs permettent une indemnisation rapide et efficace des sinistrés et n'envisage pas de les modifier. L'État mobilise par ailleurs d'autres dispositifs d'aide au profit de certaines catégories de sinistrés. Ainsi, à l'initiative de Gérald Darmanin, 22 000 euros de crédits de secours d'extrême urgence ont été mobilisés au profit de trente-trois familles de Bihucourt, afin qu'elles puissent faire face à leurs besoins de première nécessité. Le Gouvernement est pleinement mobilisé et déterminé à répondre efficacement aux conséquences des catastrophes naturelles, tant du point de vue de l'organisation des secours que de l'indemnisation des sinistrés.
M. Darmanin, que j'ai accueilli à Bihucourt le 24 octobre, au lendemain de la tornade, s'est engagé à ce que personne ne soit lésé. Malheureusement, ce n'est pas le constat que je fais sur les lieux. Madame la ministre déléguée, est-il possible de refaire un point avec les services de l'État sur l'ensemble des sinistrés ? Je pense qu'ils en ont besoin.
La parole est à Mme Élodie Jacquier-Laforge, pour exposer sa question, n° 202, relative au moratoire sur les machines à voter.
Madame la ministre déléguée, je souhaite appeler votre attention sur un sujet sur lequel le ministère de l'intérieur est régulièrement sollicité, celui des machines à voter. Près d'une soixantaine de communes les utilisent. Or, depuis le moratoire de 2008, aucune évolution n'est possible. C'est le cas pour la ville de Voiron, située dans ma circonscription en Isère : elle utilise les machines à voter et doit créer quatre bureaux de vote supplémentaires, mais elle se retrouve dans l'impossibilité d'acquérir de nouvelles machines. De ce fait, ces quatre nouveaux bureaux de vote seraient contraints d'avoir recours au vote papier alors que dans les douze autres, les électeurs continueraient à voter avec les machines qu'ils sont habitués à utiliser depuis plusieurs années. Cette situation n'est pas acceptable, tant pour la ville de Voiron que pour de nombreuses autres communes, regroupées au sein de l'association des villes pour le vote électronique (AVVE).
Ce blocage était principalement motivé par des questions de sécurité. Or vous le savez, ces machines à voter ne sont pas similaires à des ordinateurs connectés qu'il faudrait mettre à jour régulièrement ; ce sont des automates non modifiables, scellés, dont la fiabilité et l'intégrité seraient justement protégées par l'absence de mise à jour. À ce jour, aucun incident de nature à remettre en cause la sincérité d'un scrutin n'a été signalé sur le territoire français. L'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (Anssi) s'est donc vu confier une étude approfondie visant à envisager une sortie du moratoire après l'élection présidentielle et les élections législatives de 2022, afin d'apporter une réponse claire à toutes ces communes.
Compte tenu des inquiétudes de la ville de Voiron et des autres communes utilisant ces machines, il me semble nécessaire de faire évoluer ce dossier qui dure depuis plusieurs années – le statu quo n'est plus tenable. Je me réjouis de la réflexion entamée par le Gouvernement pour envisager la levée du moratoire. À la suite de ces annonces, je souhaiterais connaître plus précisément les avancées que prévoit le ministère de l'intérieur pour laisser le temps aux communes volontaires de s'approprier les machines à voter, notamment en prévision des prochaines élections en 2024.
La parole est à Mme la ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité.
Les machines à voter existent en droit français depuis 1969 et des modèles électroniques sont autorisés depuis 2003. Actuellement, soixante-trois communes sont équipées de machines à voter, ce qui représente environ 1 500 bureaux de vote, soit 3 % du corps électoral. En raison de risques de sécurité que vous relevez, réitérés dans le rapport d'information remis par les sénateurs Alain Anziani et Antoine Lefèvre le 9 avril 2014, le ministère de l'intérieur et des outre-mer a maintenu jusqu'à présent le moratoire de 2008 gelant le périmètre des communes équipées. Le rapport s'est fait l'écho des alertes de l'Anssi. Actant que les communes utilisatrices se déclarent pleinement satisfaites des machines à voter et défendent leur maintien, comme vous le soulignez, il a proposé la levée du moratoire pour sécuriser la situation de ces communes en agréant une nouvelle génération d'appareils.
Les services du ministère de l'intérieur et des outre-mer ont donc mené, en lien avec l'Anssi, une réflexion visant à réexaminer les évolutions possibles. Dans cette perspective, le Gouvernement a remis au Parlement, le 17 décembre 2021, un rapport sur la possibilité de recourir aux machines à voter, afin d'éclairer les débats parlementaires. Parallèlement à ces débats, indispensables à toute évolution sur le sujet, le ministre Gérald Darmanin a décidé de lancer un groupe de travail avec les représentants des élus des communes utilisatrices, qui aura pour objectif d'entendre leurs propositions, d'échanger sur les conclusions du rapport et d'identifier ensemble des solutions permettant de garantir la sincérité et la sécurité du vote. Un second groupe de travail, à vocation technique, sera mis en place afin d'évaluer la faisabilité des évolutions techniques préalables à une éventuelle levée du moratoire.
Je vous remercie d'avoir apporté ces éléments de réponse à la fois sur la partie juridique et sur la partie technique, madame la ministre déléguée. Pourriez-vous me communiquer un calendrier ?
Je ne suis pas habilitée à répondre, monsieur le président.
La parole est à Mme Estelle Youssouffa, pour exposer sa question, n° 212, relative à la gestion de l'eau à Mayotte.
Ma question s'adresse au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Alors que nous entendons sur les ondes le ministre Béchu évoquer en long et en large la sécheresse et le risque de coupures d'eau dans l'Hexagone, sans jamais mentionner l'outre-mer, je veux ici rappeler au Gouvernement que Mayotte connaît des coupures d'eau depuis plusieurs années. Chaque foyer mahorais subit les coupures institutionnalisées, avec des robinets à sec deux jours par semaine, de dix-sept heures à sept heures du matin, sans compter les coupures intempestives sans alerte, qui laissent les habitants sans eau courante parfois trois jours d'affilée. Je vous laisse imaginer le cauchemar logistique pour les malades, les enfants, les personnes âgées, la cuisine et l'hygiène, alors que le prix des packs d'eau atteint 9 à 12 euros. Je vous le demande, madame la ministre déléguée : cette situation aurait-elle été tolérée sur le territoire hexagonal ?
Le plan d'urgence Eau Mayotte de 2017, piloté par le ministère des outre-mer, était censé répondre à la crise et surtout apporter des solutions pérennes. C'est malheureusement un échec ! Le rehaussement d'un mètre de la retenue collinaire de Combani a été livré en retard, pour n'ajouter que 250 000 mètres cubes de stockage d'eau brute, ce qui correspond à seulement sept jours de consommation – et je ne parle même pas de la progression démographique, qui fait augmenter nos besoins à Mayotte.
Malgré les millions d'euros investis, l'usine de dessalement de Petite-Terre ne produit toujours pas à hauteur des promesses et des besoins. La sixième campagne de prospection de forages ne sera mise en route que sur la période 2024-2026. Le ministre me répondrait sans doute que 416 millions d'euros ont été mis sur la table avec le nouveau contrat de progrès 2022-2026 conclu entre l'État et Les Eaux de Mayotte, qui est le seul syndicat à disposer de la compétence relative à l'eau. C'est la troisième fois que l'État passe un contrat sans aucun résultat avec une institution notoirement défaillante, actuellement sous le coup d'une enquête du parquet national financier (PNF). Nous, Mahoraises et Mahorais, ne pouvons attendre que l'on nettoie les écuries d'Augias ni que vous vous mettiez d'accord pour enfin nous fournir de l'eau potable tous les jours et entamer les travaux nécessaires pour la deuxième usine de dessalement et la troisième retenue collinaire !
Samedi dernier, j'ai pu survoler la retenue collinaire de Dzoumogné, qui doit alimenter le nord de la Grande-Terre. Elle est quasiment vide – je l'ai vu de mes propres yeux –, alors que nous sommes en pleine saison des pluies : elle devrait être à son maximum et servir de réserve. La situation est gravissime. Comment allons-nous pouvoir tenir à Mayotte ? Nous allons vers de très longs mois sans la moindre goutte d'eau courante pour notre île.
Quelles actions comptez-vous mettre en œuvre pour répondre à l'urgence de la crise de l'eau qui perdure à Mayotte ? Quelles dispositions entendez-vous prendre pour les trois années à venir, en attendant les grandes infrastructures annoncées pour 2026, qui paraissent déjà bien en retard ?
La parole est à Mme la ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité.
Afin de répondre aux besoins croissants et d'accompagner le syndicat Les Eaux de Mayotte dans la mise en œuvre de ses missions, l'État a mis en place de nombreuses actions en matière de financement, d'investissement et de soutien à l'ingénierie. Dans le cadre du plan Eau DOM, 64,2 millions d'euros ont été mobilisés depuis 2016 et 85 millions d'euros de prêts ont été consentis. Par ailleurs, 10,1 millions d'euros du plan de relance ont été fléchés vers le département, dont 3,2 millions pour l'eau potable.
Cela a notamment permis de lancer la création de l'usine de dessalement à Grande-Terre. Dans un contexte de changement climatique, et compte tenu de la dépendance du territoire à la pluviométrie que vous avez décrite, la sortie durable de la crise repose nécessairement sur un accroissement de la part des usines de dessalement dans les moyens de production d'eau potable. L'usine de Grande-Terre, d'une capacité de 16 000 mètres cubes par jour, devra alimenter à la fois le nord et le sud de l'île ; sa capacité devra ensuite être portée à 48 000 mètres cubes par jour d'ici 2032.
S'agissant de l'usine de dessalement de Petite-Terre, des travaux sont en cours afin d'augmenter au plus tôt la capacité de production de 2 000 mètres cubes par jour. Enfin, concernant la troisième retenue collinaire, nous mettons tout en œuvre, aux côtés du syndicat, pour une livraison en 2032, afin d'augmenter la capacité de production de 5 000 mètres cubes par jour.
J'en viens au contrat de progrès et ses 411 millions d'euros, au titre duquel l'État accompagne fortement Les Eaux de Mayotte pour que ses capacités d'exécution progressent et que le calendrier soit strictement tenu. Après l'installation d'une assistance technique composée de cinq postes d'ingénieur et de chargé d'opérations, quatre postes supplémentaires ont été créés et seront bientôt pourvus. Les forages prévus dans le contrat permettront par ailleurs d'augmenter la capacité du réseau à court terme.
À côté de tout cela, le Gouvernement se tient évidemment prêt à agir et à réagir, en lien étroit avec les acteurs locaux, en cas de sécheresse importante.
Les solutions que vous présentez reposent toutes sur Les Eaux de Mayotte qui, je le répète, s'avèrent être un syndicat particulièrement défaillant. La situation de sécheresse est déjà notre quotidien. C'est pourquoi je vous demande de réfléchir à un financement de citernes pour les maisons individuelles, mais aussi à un plafonnement du prix de l'eau, que l'on est obligé d'acheter dans les supermarchés. C'est un bien de base qui atteint des prix records à Mayotte. Pour les foyers mahorais, touchés par une très forte pauvreté, c'est une dépense impérative dont les montants astronomiques ne font qu'enrichir la grande distribution.
Prochaine séance, cet après-midi, à quinze heures :
Questions au Gouvernement ;
Discussion de la proposition de loi visant à étendre le champ d'application de la peine complémentaire obligatoire d'inéligibilité aux cas de condamnation pour des violences aggravées ayant entraîné une incapacité temporaire de huit jours ou moins ;
Suite de la discussion de la proposition de loi relative à la prévention de l'exposition excessive des enfants aux écrans.
La séance est levée.
La séance est levée à onze heures quarante-cinq.
Le directeur des comptes rendus
Serge Ezdra