La séance est ouverte à 17heures 05.
Présidence de M. Sacha Houlié, président.
La Commission auditionne M. Gérald Darmanin, ministre de l'Intérieur et des Outre-mer, sur les violences urbaines.
Lien vidéo : https://assnat.fr/j9qb9R
Nous accueillons M. Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur et des outre-mer, pour une audition consacrée aux violences urbaines survenues dans notre pays le 27 juin et les jours suivants, lesquelles ont donné lieu à des actes très graves et ont provoqué une vive inquiétude au sein de la population et chez les élus – je pense en particulier au maire de L'Haÿ-les-Roses et à sa famille, qui ont été violemment agressés et ont été la cible de menaces inacceptables.
Ces violences urbaines de grande ampleur ont débuté après l'annonce du décès, le 27 juin à Nanterre, de Nahel, un jeune de 17 ans touché, alors qu'il se trouvait au volant d'une voiture, par le tir d'un policier à la suite d'un refus d'obtempérer, une vidéo montrant cette scène étant diffusée sur les réseaux sociaux peu de temps après. Ces faits, qui font actuellement l'objet d'une enquête, ont soulevé beaucoup d'émotion et d'interrogations, et ont conduit à la mise en détention provisoire du policier qui a fait usage de son arme.
Le bilan des violences urbaines qui ont suivi est particulièrement lourd : on compte plus de 2 500 bâtiments incendiés ou dégradés, dont une centaine de mairies, plus de 6 000 voitures brûlées, plus de 700 blessés parmi les forces de l'ordre et près de 3 600 personnes placées en garde à vue.
Vous avez mobilisé à cette occasion, monsieur le ministre, un nombre impressionnant de membres de forces de l'ordre, près de 45 000 sur plusieurs jours, qui ont permis de rétablir l'ordre en un temps record – ceci étant un commentaire personnel.
Pouvez-vous tirer les conséquences du déploiement des forces de l'ordre durant ces journées ? Comment ont-elles été déployées, et quel bilan tirez-vous ? Que pensez-vous de l'usage des vidéos et du traitement judiciaire qui en a été fait ?
Pouvez-vous également revenir, puisque c'est le fil rouge de notre action, sur les « sept péchés capitaux » de la sécurité que vous évoquiez lors de votre audition par la commission des lois en novembre 2020, et qui sous-tendaient une réforme importante, à l'occasion du Beauvau de la sécurité : le manque de moyens, le manque d'encadrement, le manque de formation, le fonctionnement des inspections, le recours à la vidéo, les relations de la police avec les citoyens et, enfin, avec la justice ? Ces thèmes ont donné lieu à plusieurs interventions et à un renforcement inégalé des moyens dans le cadre de la loi du 24 janvier 2023 d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur (Lopmi), avec des évolutions en cours, portant notamment sur l'encadrement dans la police et l'augmentation de la durée de formation. Étant donné qu'il s'agit là de mesures de long cours, appelant des évolutions profondes qui ne peuvent pas se traduire par des changements immédiats, quel bilan en tirez-vous aujourd'hui et qu'en attendez-vous à l'avenir ?
Je tiens à saluer une fois encore l'action des élus, notamment des maires, des policiers, des gendarmes, des sapeurs-pompiers et des policiers municipaux qui, durant la semaine du 27 juin au 4 juillet, ont connu plusieurs nuits d'émeutes et d'actes de délinquance très graves. Une fois de plus, ils ont démontré qu'ils étaient – le mot n'est pas trop fort – des héros du quotidien de la République, en protégeant nos concitoyens, le bien public et les biens privés. Entre le 27 juin et le 4 juillet, 850 policiers, gendarmes, sapeurs-pompiers ou policiers municipaux ont été blessés, parfois grièvement. Ce sont eux qui ont permis à l'État de tenir bon face au désordre et de rétablir l'ordre public, merci de l'avoir souligné monsieur le président, aussi rapidement que possible.
Les violences ont démarré après le drame survenu à Nanterre le 27 juin, avec le décès d'un jeune homme lors d'une action de police menée par deux motards de la direction de l'ordre public et de la circulation, dépendant de la police des Hauts-de-Seine. Dès le début, la transparence a été totale à propos de ce drame, tant dans mes expressions publiques que dans celles de la Première ministre et, bien évidemment, dans le travail de la justice, qui a été saisie très rapidement. Le policier en cause a été immédiatement entendu, puis placé en garde à vue pendant quarante-huit heures, avant d'être mis en examen et placé en détention provisoire. L'Inspection générale de la police nationale (IGPN) a été saisie par les services de la justice – d'abord par le procureur de la République, puis par les juges d'instruction.
La mort de ce jeune homme a suscité chez nombre de nos concitoyens une émotion très forte et légitime. La perte de la vie d'un homme, singulièrement d'un adolescent de 17 ans, est toujours un drame. Quel lien y a-t-il, cependant, entre ce drame et les violences très fortes qui l'ont suivi ? Quel lien entre la mort de ce jeune homme et l'attaque de 90 établissements scolaires, dont certains ont été totalement détruits, de 103 mairies, de 180 commissariats, casernes de gendarmerie, brigades de sapeurs-pompiers ou bureaux de police municipale ? Quel lien entre la mort d'un jeune homme et les menaces et agressions physiques, parfois très graves, qui ont touché vingt-sept élus dont, comme vous l'avez rappelé, le maire de L'Haÿ-les-Roses, ainsi que ceux de Charleville-Mézières et de Pontoise et bien d'autres encore, auxquels nous apportons tout notre soutien ? Rien ne peut justifier ces violences destructrices et spectaculaires, parfois particulièrement belliqueuses envers les institutions et nos forces de sécurité, sans parler des milliers de commerces pillés ou détruits.
Ces attaques ont principalement visé des services publics, un peu partout sur le territoire national, sans distinction de quartiers ou de communes. Beaucoup ont été touchés, aussi bien dans des centres urbains très importants que dans des communes plus rurales qui ne connaissaient jusqu'à présent pas de violences urbaines particulières – là où nous avons, d'habitude, d'autant plus besoin de la République.
Étant élu de ces quartiers populaires, je sais, comme beaucoup d'entre vous, que les auteurs de ces désordres, ces quelques dizaines de milliers de personnes dont le nombre est très difficile à évaluer, ne représentent évidemment pas l'immense majorité des habitants des quartiers populaires, notamment des plus jeunes d'entre eux, qui veulent vivre au sein de notre République et y être protégés dans leur épanouissement personnel, leurs études ou leur vie professionnelle – comme tous les Français qui, je le sais, condamnent ces violences, et qui en sont d'ailleurs les principales victimes, eux qui n'ont parfois pas pu sortir de chez eux pendant plusieurs nuits et ont vu brûler leurs médiathèques, leurs écoles, leurs mairies, leurs postes de police, leurs commerces et leurs bureaux de poste.
Dès le début de cet épisode de violence, nous avons pris, à la demande du Président de la République, des mesures d'une grande fermeté, pleinement proportionnées aux difficultés que nous avons connues. Tout cela s'est fait sans recourir à aucun article de la Constitution prévoyant un état d'urgence ou d'exception, ni prendre de mesures de restriction des libertés, et en laissant l'autorité judiciaire faire son travail sans la moindre restriction et avec les moyens de droit commun mis à disposition du ministre de l'intérieur et des préfets de la République.
Le jour de ce drame, nous attendions évidemment quelques réactions au cours des manifestations qui étaient annoncées. Nous nous préparions à une soirée ou à une nuit d'ordre public où nous devrions encadrer ces manifestations, éventuellement spontanées ou « sauvages », c'est-à-dire non déclarées en préfecture. Nous nous sommes aperçus dès la première nuit qu'il ne s'agissait pas de manifestations, mais d'actes de délinquance et donc que le dispositif d'ordre public n'était pas le plus adapté, car ce sont deux choses différentes que de faire face à des violences urbaines et à des manifestations, même spontanées. Après cette première nuit donc, il y a eu un changement de posture du ministère de l'intérieur pour passer à la lutte contre ces violences urbaines, dont rien ne laissait prévoir les proportions, et contre ces actes de délinquance.
Dès le lendemain, donc, j'ai décidé de déployer 45 000 policiers et gendarmes sur l'ensemble du territoire national, avec le soutien, selon leurs zones de compétence, d'unités d'intervention spécialisées – le Raid (recherche assistance intervention dissuasion), la BRI (brigade de recherche et d'intervention) et le GIGN (Groupe d'intervention de la gendarmerie nationale) – et de moyens spécialisés, comme les hélicoptères de la gendarmerie nationale – dont un tiers ont volé et non pas 100 %, comme je l'entends parfois dire –, de drones, dont vous avez autorisé l'utilisation, mesdames et messieurs les parlementaires, et de véhicules blindés, appartenant à la gendarmerie nationale et autorisés par la Première ministre, dont relève ce dispositif, sur proposition du ministre de l'intérieur.
La consigne donnée était l'interpellation systématique de toute personne commettant des actes de délinquance. Les moyens inédits déployés ont été à la fois dissuasifs et efficaces. Au bout de quatre jours, les émeutes urbaines, que certains ont comparées aux épisodes survenus en 2005 – qui avaient néanmoins duré bien plus longtemps et avaien donné lieu à la proclamation de l'état d'urgence – ont cédé la place à un calme relatif, puis désormais total : deux week-ends sont en effet passés, dont les fêtes des 13 et 14 juillet, pour lesquelles certains prédisaient un match retour.
Les instructions de très grande fermeté données ont donc permis, avec les moyens exceptionnels déployés, de réaliser un nombre important d'interpellations : 988 dans la nuit du 29 au 30 juin, 1 999 dans la nuit du 30 juin au 1er juillet et 781 dans la nuit du 1er au 2 juillet. En tout, près de 3 800 personnes ont été interpellées et, ainsi, retirées des rues et empêchées de nuire et de s'en prendre aux bâtiments publics ou aux personnes. M. le ministre de la justice est à votre disposition pour évoquer les suites pénales réservées à ces interpellations, qui ont été, comme on l'a vu, fortes et fermes, ce qui est d'autant plus remarquable qu'un tiers des personnes interpellées sont des mineurs, que leur moyenne d'âge, tout confondu, est entre 17 et 18 ans et que plus de la moitié ne sont connus d'aucun service de police ou de justice. Je tiens à souligner le travail accompli par le ministère de la justice, avec la circulaire de M. le garde des sceaux et les décisions prises par l'autorité judiciaire, qui non seulement ont contribué à renforcer le travail des policiers et des gendarmes, lesquels ont pu mener dans l'urgence un travail d'investigation complexe, mais qui ont également permis de condamner sévèrement des individus qui s'en prenaient aux personnes ou aux biens.
Compte tenu du rôle joué dans cette crise, à la différence de celle de 2005, par les réseaux sociaux, le ministre en charge du numérique et moi-même avons reçu, à la demande du Président de la République et de la Première ministre, les représentants en France des principaux réseaux sociaux, à qui nous avons demandé de se montrer particulièrement réactifs pour le retrait des contenus signalés en lien avec des actes de violence, conformément à la loi. Nous avons également pu compter sur la coopération des grands sites de vente en ligne pour retirer les objets incendiaires de leur catalogue – on sait le rôle qu'ont joué les mortiers d'artifice pendant ces émeutes urbaines.
La plateforme Pharos de la police judiciaire (plateforme d'harmonisation, d'analyse, de recoupement et d'orientation des signalements) a par ailleurs été très mobilisée, avec 2 032 signalements de contenus illicites pris en compte, ce qui a contribué à lancer des centaines de procédures judiciaires et à identifier de nombreux auteurs d'infractions, qui sont encore aujourd'hui en cours d'interpellation.
Ces différents facteurs, joints au fait que la police judiciaire a été associée dès le début aux atteintes aux personnes et aux biens, ont permis de faire intervenir la police technique et scientifique dès le début de chaque affaire, plutôt que de commencer classiquement par un travail d'officier de police judiciaire (OPJ) de commissariat ou de gendarmerie. Avec le concours de la police judiciaire, 345 interpellations ont ainsi été réalisées postérieurement aux émeutes et une très grande partie des méfaits constatés ont vu au moins l'un de leurs auteurs traduit devant la justice grâce à l'exploitation de la vidéoprotection, particulièrement efficace dans cette période. La différence est, du reste, sensible entre les communes qui avaient installé des caméras de vidéoprotection et celles qui ne l'avaient pas fait.
Permettez-moi de remercier une fois encore les élus, et particulièrement les maires qui, pour accompagner la réponse de l'État, ont mobilisé toutes leurs ressources, notamment leurs polices municipales, dont les membres ont payé un lourd tribut face aux difficultés, aux agressions et aux insultes, ainsi qu'aux menaces reçues hors de leur service. Ayant été maire et connaissant la police municipale, je sais que ce n'est pas de gaieté de cœur qu'un maire rappelle ses agents en congés et fait travailler avec le ministère de l'intérieur une police dont ce n'est pas le quotidien. Sans les polices municipales, nous aurions eu plus de difficultés à rétablir l'ordre public dans les temps records que vous avez évoqués, monsieur le président.
Dès la fin de ces violences urbaines, le Gouvernement s'est employé très rapidement, sous l'autorité du Président de la République, à penser le temps d'après, en prenant des mesures d'accompagnement des collectivités territoriales, notamment pour la réparation des caméras de vidéoprotection, attaquées en premier lieu et de façon coordonnée par les émeutiers. Vingt millions d'euros seront ainsi dégagés dès cette année pour réparer les 1 000 caméras de vidéoprotection détruites ou attaquées.
À plus long terme, la réponse ne pourra évidemment pas se situer seulement sur le terrain de la sécurité. Quand des adolescents de 11 ou 12 ans attaquent au mortier des policiers, pillent des magasins – accompagné parfois de leurs parents – ou mettent le feu à une école, ce n'est pas la police ou la gendarmerie qui peuvent répondre, mais l'ensemble de la société.
Depuis le 6 juillet, nous avons donné instruction aux préfets, en lien avec l'autorité judiciaire et, pour les douanes, le ministre des comptes publics, Gabriel Attal, de multiplier les contrôles de véhicules dans les départements frontaliers, afin de prévenir les importations d'articles pyrotechniques désignés sous le nom de mortiers et destinés à un usage illégal. Entre le 6 et le 15 juillet, plus de 160 000 saisies ont été opérées sur tout le territoire national et l'usage d'artifices contre les forces de sécurité intérieure et les bâtiments publics a diminué de 60 % pour les 13 et 14 juillet, dont les soirées ont paradoxalement été relativement calmes, à quelques exceptions près : le nombre d'incendies de véhicules a ainsi diminué de 21 % et celui des blessés parmi les forces de sécurité et chez les pompiers de 74 %. Dans le même temps, nous avons procédé à 252 interpellations de personnes qui pouvaient s'en prendre aux bâtiments publics ou aux personnes.
Pour répondre directement à votre question, monsieur le président, il est évident que les conséquences du Beauvau de la sécurité commencent à se voir en termes financiers. L'année prochaine sera en effet la première année budgétaire où elles se concrétiseront. Mais certaines dispositions ont été prises en amont, comme la construction systématique de stands de tir pour les forces de l'ordre : en effet, le manque actuel empêche souvent les policiers et gendarmes d'exécuter leurs trois séances annuelles réglementaires de tir – seulement 60 % d'entre eux les accomplissent.
Nous avons également porté de huit à douze mois la durée de la formation, comme nous l'avions annoncé, avec par exemple une augmentation de 100 % des cours sur les techniques d'interpellation. Les policiers ou gendarmes qui sont en train de subir cette nouvelle formation et sortiront à partir de cette année illustreront les changements dus au Beauvau de la sécurité.
Les caméras-piétons équipent l'intégralité de la police nationale et de la gendarmerie nationale, dans les conditions que vous connaissez. Dans le cas du drame de Nanterre, il est apparu que les motards ne pouvaient pas les porter, du fait de leur équipement de protection. C'est une bévue que de ne pas l'avoir vu auparavant et j'ai donné instruction au directeur général de la police nationale et au préfet de police d'y remédier d'ici à la fin de l'année.
Voilà trois semaines, l'ensemble de notre pays était frappé par de violentes émeutes urbaines, perpétrées par des individus résolus à en découdre avec les forces de l'ordre, à s'en prendre aux institutions républicaines et aux élus, et à piller des commerces. Face à l'épreuve de ces violences d'une ampleur inédite, la police et la gendarmerie ont fait montre d'un courage et d'un dévouement exemplaires pour défendre nos mairies, nos écoles et nos commissariats. Sept cent vingt-deux policiers et gendarmes ont été blessés, ainsi que trente-cinq pompiers, et je tiens à leur redire notre total soutien.
Face à cette situation, des responsables politiques de La France insoumise ont refusé de condamner les émeutiers et n'ont cessé de jeter de l'huile sur le feu. Nos concitoyens ont été consternés par cette irresponsabilité car, lorsqu'on exploite ainsi les colères, on sort de l'arc républicain, comme l'a si bien rappelé Mme la Première ministre.
Ces émeutes marquent un moment où les violences changent de dimension. Les forces de l'ordre ont essuyé des milliers de tirs de mortiers d'artifice, et parfois même des tirs de fusil à pompe. En réaction, monsieur le ministre, vous avez déployé 45 000 policiers et gendarmes, soit 40 % des effectifs des forces de l'ordre françaises, appuyés par des éléments d'élite tels que le GIGN, la BRI et le Raid.
Parmi les forces déployées, je n'oublierai pas les polices municipales, qui ont été mobilisées en deuxième rideau, en appui de notre police nationale. Ainsi, dans mon département du Rhône, la maire socialiste de Vaulx-en-Velin ou le maire LR de Rillieux-la-Pape ont réalisé un travail partenarial de grande qualité avec la préfecture et le directeur départemental de la sécurité publique. Malheureusement, tel ne fut pas le cas à Lyon, où le maire écologiste a refusé le concours de sa police municipale.
Monsieur le ministre, quels seraient, selon vous, les points à améliorer dans le continuum de sécurité face à de telles violences ? Quel bilan faites-vous de la coordination entre les différents services – police nationale, police municipale et gendarmerie ?
Des émeutes ont embrasé le pays. Chacun a pu constater la violence des émeutiers, leur désir de piller, de détruire les symboles de la République, voire de tuer. Nos compatriotes ont été sidérés de voir que de jeunes adultes, voire de très jeunes adolescents, ont activement participé à ces émeutes. Les Français ont été témoins de toutes ces exactions et réclament à juste titre des actes. Ils s'interrogent tout aussi légitimement sur le profil des émeutiers. En effet, si nous voulons tirer des conséquences de ces événements dramatiques, il convient d'identifier d'abord les émeutiers.
Monsieur le ministre de l'intérieur, je n'irai pas par quatre chemins : pouvez-vous nous communiquer des informations précises sur le profil socioprofessionnel des émeutiers ? Parmi les délinquants arrêtés, quel est le pourcentage d'individus étrangers et quelles sont leurs nationalités ? Parmi eux, combien sont des binationaux, et quelles sont ces binationalités ? Parmi les mineurs ou jeunes adultes, combien ont des parents de nationalité étrangère et combien sont des binationaux ? Parmi les mineurs, combien sont déscolarisés ? Parmi ces délinquants, quelle est la proportion de ceux qui sont sans activité étudiante ou professionnelle ? Combien touchent-ils ou, pour les mineurs, combien touchent leurs familles en minima sociaux, RSA, allocations de la caisse d'allocations familiales ?
Comme vous l'aurez compris, je vous demande une pleine transparence. Vous ne réglerez pas le problème tant que vous refuserez d'être transparents et, surtout, tant que vous nierez la réalité et tenterez de faire croire aux Français que les émeutiers s'appellent Mattéo et Kevin. En un mot, vous ne réglerez pas le problème tant que vous ferez l'impasse sur les conséquences de l'immigration massive, dont les Français ne veulent plus.
Le 19 novembre 2020, Michel Zecler, un citoyen comme vous et moi, compatriote Martiniquais vivant dans l'Hexagone, était violemment et gratuitement tabassé par quatre policiers alors qu'il se rendait sur son lieu de travail. En décembre 2020, en Guadeloupe, M. Claude Jean-Pierre, âgé de 67 ans, mourait à la suite d'un contrôle policier. Le 29 juin dernier, le jeune Nahel, âgé de 17 ans, mourait des suites du tir mortel d'un policier lors d'un contrôle.
S'agissant de ces faits policiers – ou de ces faits d'armes –, heureusement que les vidéos ont parlé, livrant une vérité crue et difficile à tronquer : elles contredisent les assertions, relayées à grand renfort de médias, tendant à nier les contrôles au faciès et les violences policières. Des actes racistes sont perpétrés quotidiennement en France, tout comme des discours racistes sont prononcés quotidiennement dans cette Assemblée nationale.
La liste des victimes de ces méfaits est longue. Dans nos territoires dits d'outre-mer, laboratoires de répression, en 1967, quatre-vingt-sept Guadeloupéens qui réclamaient leurs droits sont tombés sous les balles des forces de l'ordre ; en Martinique, en 1974, deux ouvriers ont été assassinés, le préfet ayant ordonné de tirer sur la foule sans discernement. Ces faits têtus incriminant les forces de la République, que vous soutenez sans réserves, se sont bien déroulés dans ce territoire, ancienne colonie, avec une férocité rarement atteinte dans l'histoire de la férocité, là où les populations ont la mélanine la plus colorée.
Sur cela, pas de mea culpa, et encore moins d'hommage de la nation. Nulle trace non plus dans les livres d'histoire. Simple oubli, mépris ou déni assumé ? N'y voyez-vous pas la preuve de violences policières institutionnalisées et systémiques ? La délinquance de certains jeunes, la responsabilité parentale et le choc des civilisations ne sauraient être votre mantra.
Fin juin, quatre nuits durant, notre pays a été frappé et meurtri par des émeutes d'une violence inouïe. Attaque des symboles de la République et des figures d'autorité que sont nos forces de l'ordre et de nos institutions, pillage de commerces : autant d'atteintes à notre État de droit, injustifiables et inexcusables. Rien ne peut justifier un tel déferlement.
Face à ces violences urbaines, de nombreuses polices municipales, troisième force de sécurité du pays, ont été sollicitées pour appuyer les forces de sécurité nationales et investies, de fait, d'une mission régalienne de maintien de l'ordre. Les policiers municipaux ont pris toute leur part, aux côtés de la police nationale et de la gendarmerie, avec professionnalisme et courage, dans l'interpellation des 3 800 délinquants pendant les nuits d'émeutes. Les policiers municipaux sont et sont devenus des forces de sécurité incontournables.
Je souhaiterais donc que vous nous indiquiez le nombre de policiers municipaux en service pendant les émeutes ainsi que pendant les festivités du 14 juillet, le nombre de blessés dans leurs rangs et la répartition géographique territoriale de ces effectifs.
Enfin, quelle stratégie partenariale envisagez-vous de déployer afin de rendre cette coopération et cette complémentarité encore plus opérationnelles ? Envisagez-vous de mettre à l'honneur le dévouement de nos policiers municipaux, ce que nos maires appellent de leurs vœux ?
Nous avons tous été sidérés, individuellement et collectivement, par l'ampleur de l'explosion de violence qui a embrasé nombre de quartiers de nos villes entre le 27 juin et le 5 juillet, durant dix jours de violence incontrôlable et imprévisible. Nous avons été choqués par les atteintes aux personnes, visant notamment les forces de l'ordre et les services de secours, auxquels nous exprimons notre soutien, ainsi que les élus locaux. Les dernières estimations relatives aux biens matériels sont tout à fait édifiantes et chacun, sur son territoire, a assisté, impuissant, à ce déchaînement de violence.
Dans mon département de la Loire, le bilan a été très lourd, que ce soit à Saint-Étienne ou, dans ma circonscription, à Rive-de-Gier. Avec commerces et mairies détruits, la situation pouvait paraître incontrôlable, ce qui a beaucoup préoccupé nos concitoyens, les élus et tous les acteurs. Heureusement, les services de l'État déconcentré ont été très réactifs, et nous devons nous en féliciter : ils se sont mobilisés très vite aux côtés des élus pour accompagner les municipalités en veillant à la continuité du service public et, autant que faire se pouvait, en rétablissant l'ordre public.
Nous adopterons d'ici la fin de la semaine un texte habilitant le Gouvernement à accélérer la reconstruction des bâtiments dégradés lors des violences urbaines. Face aux attentes légitimes des maires, nous serions preneurs d'annonces en matière de procédure et, le cas échéant, de calendrier.
Pour ce qui est de la vidéosurveillance, dont vous avez souligné l'importance, tous les territoires ne sont malheureusement pas équipés et, lorsqu'ils le sont, les images ne sont pas exploitées en temps réel. Avez-vous des éléments permettant une meilleure articulation entre les différents acteurs publics et une meilleure efficacité du dispositif ?
Même si la colère qui a suivi la mort de Nahel est tout à fait compréhensible, rien ne peut excuser les pillages qui ont eu lieu par la suite, et encore moins les attaques contre tous les symboles du service public.
Par coïncidence, il se trouve que nous venons d'auditionner Mme Pauline Schnapper, professeure de civilisation britannique contemporaine à la Sorbonne, dans le cadre de la mission d'information sur l'activisme violent, notamment sur les violences urbaines. Mme Schnapper nous a décrit un tout autre monde, à quelques centaines de kilomètres d'ici, au Royaume-Uni – non qu'il ne s'y passe rien, mais le discours, au plus haut niveau de la police comme du gouvernement, y est très axé sur la proximité et surtout, pour ce qui nous intéresse, sur la protection du droit à manifester. Un exemple : le fait que, durant les cérémonies du couronnement du roi Charles, un militant républicain ait été arrêté et placé en garde à vue a été considéré, au Royaume-Uni, comme un véritable scandale.
Je vous poserai deux questions. Tout d'abord, il a beaucoup été question de la loi Cazeneuve de février 2017 sur l'utilisation des armes par les policiers en état de légitime défense. Nous avons demandé une mission d'évaluation de cette loi. À titre personnel, pensez-vous que cette loi doive être évaluée, et comment ? Qu'est-ce qui n'a pas été compris dans cette loi et comment pourrait-elle être, éventuellement, améliorée ?
Deuxièmement, la formation de nos policiers doit-elle être modifiée et que faudrait-il y changer, hormis l'allongement de sa durée ? Sur quels points cette formation pourrait-elle être améliorée afin d'éviter demain les excès que nous déplorons ?
Après les violences urbaines que le pays vient de vivre, le calme est fort heureusement revenu. Il faut saluer la fermeté dont a fait preuve le Gouvernement et son action coordonnée, notamment des ministères de l'intérieur et de la justice. Je rends hommage aux policiers, aux gendarmes et aux sapeurs-pompiers, une fois de plus en première ligne.
Ma question porte sur l'équipement des forces de sécurité intérieure. Pour que les sapeurs-pompiers puissent intervenir en toute sécurité dans ces circonstances, ils ont besoin des forces de l'ordre – j'ai d'ailleurs une pensée pour mes anciens collègues pompiers de Mulhouse qui, comme tant d'autres, ont vécu un odieux guet-apens qui aurait pu mal tourner. Alors que des commissariats et des brigades de gendarmerie ont été attaqués, il semble que les équipements de protection aient été insuffisants. Pourtant, il est impératif que les forces de l'ordre en disposent, tant pour se protéger dans leurs casernements que pour renforcer les effectifs dans les secteurs les plus affectés.
Par ailleurs, la généralisation des caméras embarquées dans les véhicules ne permettrait-elle pas de faciliter les enquêtes judiciaires pour intercepter puis juger les auteurs de ces méfaits abjects ?
Chacun ici regrette et condamne le fait que les quartiers les moins dotés en services publics et les plus défavorisés soient ceux qui aient le plus souffert des destructions. Nous l'exprimons avec des mots différents mais chacun se rejoint sur ce point : il serait bien que l'on sorte des attaques permanentes.
La semaine dernière, lors de l'audition de l'IGPN et de l'IGGN (Inspection générale de la gendarmerie nationale), nous avons acté le fait que la critique était constructive et qu'elle permettait d'avancer : j'espère que vos réponses iront en ce sens. Le chef de l'IGGN nous a rappelé qu'il n'y avait eu aucun mort en 2022 du côté de la gendarmerie lors de refus d'obtempérer, contre treize morts du côté de la police. Selon lui, ce résultat n'est pas un hasard mais le fruit d'un travail coordonné de l'ensemble de la gendarmerie pour former les agents au tir et aux interventions difficiles, afin de leur éviter de se retrouver dans des situations qui les poursuivront le reste de leur vie.
Je m'interroge également sur le parcours de certains policiers. Ainsi, celui qui est incriminé pour avoir causé la mort du jeune Nahel était passé par la Brav-M (brigade de répression de l'action violente motocycliste) et, auparavant, par la compagnie de sécurisation et d'intervention CSI 93, peu de temps avant que celle-ci ne soit dissoute en raison des actes très graves qu'elle avait commis.
Tout d'abord, je tiens à exprimer ma profonde reconnaissance envers les forces de l'ordre, les pompiers et toutes les personnes qui sont intervenues pour protéger nos compatriotes. Je pense également aux élus, tout particulièrement à Stéphanie Von Euw, maire de Pontoise, très choquée par l'agression dont elle a été victime.
La géographie des mouvements violents, nouvelle, soulève la question des moyens humains et des ressources dont nous disposons en cas de mobilisation massive. Que pouvez-vous nous dire à ce sujet ?
Alors que plus de 1 000 condamnations ont été prononcées, avec près de 600 détentions, que déduisent vos services du profil des émeutiers ?
Enfin, envisagez-vous des adaptations de la doctrine d'intervention ?
Pour conclure, je veux souligner votre implication, monsieur le ministre, et vous remercier pour tout ce que vous avez fait jusqu'à maintenant.
Concernant l'amélioration du continuum de sécurité évoqué par M. Rudigoz, le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 20 mai 2021 relative à la loi pour une sécurité globale préservant les libertés, a déclaré contraire à la Constitution l'article autorisant, à titre expérimental, les agents des polices municipales à exercer des attributions de police judiciaire, au motif qu'ils ne sont pas sous l'autorité du procureur de la République, contrairement aux policiers et aux gendarmes – car, quoi que fasse le ministère de l'intérieur pour les recruter ou les équiper, ces derniers agissent toujours sous l'autorité du procureur de la République, même pour un contrôle d'identité. Un tel renforcement de la coopération entre la police, la gendarmerie et la police municipale suppose donc soit de modifier la Constitution, ce qui peut sembler excessif, soit que les maires acceptent de mettre leurs agents à la disposition du procureur de la République, ce qu'ils ne me semblent pas du tout prêts à faire.
Si nous voulons améliorer le continuum de sécurité, nous sommes donc allés au bout de ce que nous pouvions faire juridiquement. Le Conseil constitutionnel a été très clair, alors que nous en étions restés à une expérimentation limitée et encadrée.
La coordination entre la police nationale et la gendarmerie nationale est l'illustration de ce que nous essayons de faire. Les zones de compétence de la police et de la gendarmerie n'existent que dans la tête des policiers, des gendarmes et des préfets. Certes, en application du code général des collectivités territoriales, la police est plutôt compétente dans les zones où la population dépasse 20 000 habitants mais, d'une part, il existe des exceptions, notamment en outre-mer, et d'autre part, il n'y a pas de délimitation précise puisqu'il existe un droit de poursuite au-delà des frontières de la zone.
De plus, ces zones sont à proscrire pour atteindre les buts de sécurité que fixe le préfet sous l'autorité du ministre de l'intérieur. Les policiers peuvent aller en zone gendarmerie et vice-versa. Comme cela n'avait rien d'évident, j'ai mis en place des Corat (coordinations opérationnelles renforcées dans les agglomérations et les territoires) afin que les préfets répartissent les policiers et les gendarmes en fonction des besoins. Si l'envoi des uns dans la zone des autres arrive en général rarement, cela s'est produit quotidiennement pendant ces quatre jours. Si nous avons pu tenir le terrain, c'est parce que nous avons demandé aux PSIG (pelotons de surveillance et d'intervention de la gendarmerie) d'aller dans les villes, notamment celles qui ne pouvaient pas avoir d'unités mobiles. Ils y ont accompli un travail formidable.
Nous avons également demandé à des gendarmes de brigades territoriales soit de remplacer leurs collègues policiers dans des circonscriptions de police où il n'y avait pas d'émeutes, afin que ces derniers puissent venir en renfort dans d'autres zones police, soit d'y aller eux-mêmes directement. Cela s'est fait sans difficulté car 80 % des interventions des gendarmes mobiles se font déjà quotidiennement en zone police. Quand une méthode de travail fonctionne bien, nous devons la généraliser. Rien n'empêche un policier de se rendre dans une gendarmerie, et réciproquement. Ce sont des barrières mentales qu'il nous faut lever.
Je préfère de loin que l'on travaille en ce sens plutôt que d'imaginer un nouveau découpage des zones police et gendarmerie – comme le demandent parfois certains élus, qui souhaitent changer de catégorie, en particulier parce qu'il est plus facile de piloter l'affectation des gendarmes que des policiers. Il me semble préférable de ne pas payer de nouveaux locaux et faire déménager des familles et d'expliquer aux policiers et aux gendarmes qu'ils travaillent ensemble sous l'autorité du préfet. Nous tirerons des conclusions très opérationnelles des retours d'expérience qui seront faits. Les préfets qui n'ont pas utilisé leur Corat dès le premier jour sont ceux qui ont rencontré le plus de difficultés. Constatant cela, j'ai demandé à tous les préfets de recourir au Corat et cela s'est mieux passé le deuxième jour.
Je ne peux pas répondre à tous les aspects de la question de M. Gillet. Sur les 3 800 personnes interpellées, un tiers sont des mineurs. Entre le début et la fin des émeutes, le profil des interpellés a un peu évolué : l'âge moyen est passé de 17 ans à environ 18 ans, avec principalement des atteintes aux services publics et aux personnes au début, puis du pillage de commerces à la fin. De plus, 10 % des personnes interpellées n'étaient pas de nationalité française, ce qui veut donc dire que 90 % d'entre eux étaient des Français ; le ministre de l'intérieur n'a aucun droit ni aucun moyen de connaître le nombre de binationaux impliqués. Enfin, 60 % d'entre eux n'étaient pas connus des services de police. C'est le contraire de la délinquance habituelle, qui est plutôt le fait de gens connus des forces de l'ordre.
Pour ma part, monsieur le député, je n'ai jamais eu la volonté d'établir des statistiques ethniques : un Français est un Français, quels que soient son origine ou le nombre de ses grands-parents qui n'étaient pas français. Si nous le faisions, nous entrerions dans une République qui n'est pas la mienne, et qui, je l'espère, n'est pas non plus celle d'un grand nombre d'entre vous.
Contrairement à vous, monsieur Gillet, j'ai eu accès, en tant que ministre de l'intérieur, à l'intégralité des dossiers d'interpellation et je peux vous affirmer, comme je l'ai fait devant la commission des lois du Sénat, qu'il serait faux de dire que 100 % des émeutiers et des délinquants étaient étrangers, ou, pour reprendre votre malheureuse rhétorique, d'origine étrangère. Il y en a une grande partie, mais pas 100 %. La presse, qui s'est intéressée à cette question, ne m'a d'ailleurs pas contredit. Vous avez tort de vouloir calquer votre idéologie sur la réalité car on ne peut que vous démentir. Il existe une grande diversité dans les profils des personnes interpellées. Il est des moments où la caricature et la mauvaise foi doivent céder le pas à la réalité, qui devrait guider les représentants du peuple lorsqu'ils prennent la parole.
Je ferai par ailleurs observer à M. Nilor, avec tout le respect que je lui porte, qu'il observe le même cheminement en tirant des conclusions de trois cas, certes insupportables – tout en précisant que le dernier policier, même s'il existe des indices graves et concordants, est toujours présumé innocent. On ne peut pas plus prétendre qu'il y a un racisme systémique dans la police nationale – ce serait d'ailleurs une insulte faite aux nombreux Antillais qui en font partie – qu'on ne peut affirmer que tous les étrangers sont des délinquants au motif que certains commettent des actes de délinquance : il faut arrêter de systématiser, dans un sens comme dans l'autre. Je rappelle du reste que nombre d'étrangers sont intervenus pour protéger des gens, pendant cette période. Je salue ainsi les deux personnes étrangères qui ont aidé un buraliste à sauver sa marchandise.
Pour éviter que ce discours ne répande un sentiment nauséabond parmi nos concitoyens, j'ai demandé au Président de la République, et c'est une première, de mobiliser les ministères de l'enseignement supérieur et de la recherche, de la justice et de l'intérieur, afin que l'intégralité des documents des procédures judiciaires soient confiés à des chercheurs – des observateurs éloignés des ministères et non des fonctionnaires – pour étudier les profils des émeutiers et nous aider à les comprendre.
Nous devons également comprendre la géographie des émeutes. Certains quartiers réputés « chauds » n'ont connu aucun débordement, tandis que d'autres, pourtant très calmes, ont subi des violences importantes. La facilité n'est pas bonne conseillère. Compter le nombre de grands-parents français ou non rappelle des souvenirs peu positifs. Certes, il peut exister des défauts dans l'éducation, l'intégration, le logement, l'urbanisme ou la sécurité, mais la délinquance ne se résume pas à un prénom !
Monsieur Pauget, le métier des polices municipales n'est pas de faire du maintien de l'ordre. En revanche, elles peuvent participer à un certain nombre d'actions à la demande du préfet. Ce dernier pourrait même recourir à la réquisition. Cela étant, je ne l'ai pas proposé, pas même à Lyon, où l'attitude du maire nous a beaucoup choqués puisqu'il est le seul à avoir retiré les policiers municipaux de la voie publique, tout en réclamant des unités de CRS, que nous avons évidemment envoyées.
Les policiers municipaux peuvent en revanche aider, par exemple en regardant les images des caméras de vidéoprotection, en tenant les postes, en procédant à des interpellations dans le cadre non pas du maintien de l'ordre public mais de la lutte contre la délinquance. Nous n'avons pas utilisé les polices municipales le premier jour parce que nous pensions avoir affaire à des manifestations spontanées. Ayant constaté que nous étions face à des émeutes et à des actes de délinquance, donc des violences urbaines, nous pouvions les faire intervenir, toujours sous l'autorité du préfet. Certains maires ont dit au préfet que leur police n'était pas armée ou formée à cela : ils ont pu tenir d'autres postes, libérant des agents de la police nationale pour d'autres tâches, ce qui nous a beaucoup aidés. D'autres maires, à l'inverse, disposaient d'une police formée et même parfois équipée pour les violences urbaines.
Il est possible que, dans l'urgence – rappelons que quelque 380 communes ont été touchées – certains actes non conformes au droit aient été commis. Il faudra les analyser afin de renforcer nos procédures. L'une des difficultés que j'ai pu constater concerne le réassort en munitions des polices municipales, qui ont beaucoup utilisé leurs LBD (lanceurs de balles de défense) dès la première nuit. Un décret en Conseil d'État limite en effet le nombre de munitions par arme dont dispose chaque police municipale. Les maires m'ont dit qu'il était absurde d'avoir à en réclamer de nouvelles après seulement une nuit d'émeutes. Nous avons donc porté à 100 le nombre de munitions autorisées, pour améliorer le travail des polices municipales.
Par ailleurs, nous récompensons les personnels mobilisés. J'ai déjà remis des médailles de la sécurité intérieure à des policiers nationaux et municipaux, des gendarmes et des sapeurs-pompiers en région parisienne et dans mon département du Nord, et je continuerai à le faire dans d'autres territoires. À chaque fois, je demande que des policiers municipaux fassent partie des personnes concernées. N'hésitez pas à me communiquer des noms : le ministère de l'intérieur saura distinguer ces policiers municipaux courageux.
Les caméras de vidéoprotection évoquées par M. Mandon se sont montrées très efficaces à la fois pour le travail de la police nationale et de la gendarmerie dans la lutte contre l'insécurité et les émeutes, pour lever le doute en cas de risque de piège tendu par exemple aux sapeurs-pompiers, ainsi que pour la résolution judiciaire des infractions. Je demanderai un retour d'expérience pour analyser les différences constatées entre les lieux qui disposaient de caméras en nombre et ceux qui n'en avaient pas beaucoup. En tout cas, la première chose qu'ont faite les émeutiers a été de casser les caméras de vidéoprotection : c'est bien qu'elles sont efficaces ! J'ai remarqué d'ailleurs que certains parlementaires de La France insoumise en réclamaient. Il est dommage que les paroles publiques ne soient pas en accord avec les courriers que je reçois pour demander des subventions en ce sens.
Monsieur Vicot, le Royaume-Uni a une autre façon de gérer sa police. J'entends ce que vous dites, mais ce pays a aussi adopté une loi spécifique sur l'écologie radicale afin d'autoriser des interpellations préventives, avant même les manifestations. J'attends que vous fassiez une proposition en ce sens… Par ailleurs, son modèle, qui présente des avantages et des inconvénients, est calqué sur le modèle américain, qui repose sur une police fédérale. Nous pouvons toujours discuter de ce qu'il y a de bon à prendre chez eux, mais je ne pense pas que la solution britannique soit la panacée.
Concernant la mission d'évaluation de la loi de 2017, ce n'est pas à moi de me prononcer sur ce que doit faire le Parlement. Je suis toujours favorable à l'évaluation. Si vous le souhaitez, je viendrai bien volontiers et tous les services seront à votre disposition. Toutefois, ce discours ne manque pas de m'étonner : en l'occurrence, le policier n'a manifestement pas respecté la loi de 2017. C'est l'Inspection générale qui, in fine, donnera ses conclusions mais j'ai le droit, en tant qu'employeur, de constater que la vidéo du drame, qui m'a choqué, montre des faits qui, de l'avis des personnes que j'ai consultées, ne sont pas conformes au droit.
Quand quelqu'un ne respecte pas la loi, quel est l'intérêt de modifier celle-ci ? Si quelqu'un roule à 180 kilomètres par heure alors que la vitesse est limitée à 130, pensez-vous qu'abaisser la limite à 120 l'empêchera de le faire ? Il peut être souhaitable d'évaluer la loi de 2017, au bout de cinq ou six ans d'application, pour vérifier si elle est claire et si elle permet aux gendarmes et aux policiers d'intervenir dans de bonnes conditions. Mais, dans ce cas précis, il semble que ce policier n'a pas respecté le droit et qu'une modification législative n'y aurait pas changé grand-chose. Quoi qu'il en soit, je suis à la disposition du Parlement pour une évaluation.
Mme Regol a évoqué les différences entre gendarmerie et police en termes de tirs. À ce propos, le chef de l'inspection générale de la gendarmerie nationale part à la retraite dans quelques jours et sera remplacé par un magistrat. J'aurai ainsi tenu ma promesse du Beauvau de la sécurité, sachant qu'une magistrate est également, depuis un an, à la tête de l'IGPN, ce qui n'a jamais existé auparavant dans aucune des deux institutions.
La police et la gendarmerie n'interviennent pas tout à fait dans les mêmes zones de délinquance. Même si les refus d'obtempérer se produisent partout, on ne peut pas sérieusement affirmer que policiers et gendarmes connaissent les mêmes types de délinquance. De plus, ils ne reçoivent pas la même formation – j'ai bien entendu ce qu'a dit le chef de l'inspection générale de la gendarmerie à ce sujet.
Ce week-end, il y a eu deux refus d'obtempérer en zone gendarmerie, entraînant des tirs administratifs de la gendarmerie nationale. À Pleine-Fougères, en Ille-et-Vilaine, les gendarmes ont utilisé leur arme sur un véhicule qui a démarré à la vue de la patrouille. Le binôme du militaire visé a fait usage de son arme à cinq reprises en direction des pneus du véhicule, lequel est parvenu à s'échapper. Il n'y a pas eu de blessé chez les gendarmes et le résultat des tirs est inconnu ; une enquête judiciaire est en cours pour déterminer ce qui s'est passé. À Bandrélé, à Mayotte, un militaire de la gendarmerie nationale a fait usage de son arme de service à un poste de contrôle routier, visant la portière du véhicule. La conséquence du tir est inconnue, un militaire a été blessé. Je constate donc que, ce week-end, il n'y a pas eu de tirs de la police nationale sur des véhicules mais qu'il y en a eu de la gendarmerie nationale ; à quelques centimètres ou secondes près, ces tirs auraient pu causer un drame similaire.
S'agissant des caméras embarquées, monsieur Lemaire, la loi autorise leur installation dans les véhicules non pas pour surveiller les gendarmes et les policiers mais l'extérieur, ce qui permet de pallier, le cas échéant, l'absence de caméras de vidéoprotection dans les lieux où ils interviennent. C'est vrai aussi pour les pompiers : cela nous aiderait fortement pour lutter contre les attaques. Je suis donc très favorable à la généralisation des caméras embarquées, comme cela existe dans certaines polices anglo-saxonnes où les vidéos sont à la disposition de la justice, mais parfois aussi mises en ligne sur leurs sites – c'est le cas pour la police de Los Angeles me semble-t-il.
Concernant l'équipement des agents lors des opérations de maintien de l'ordre, nous avons décidé, depuis le mouvement des gilets jaunes, de généraliser les tenues ignifugées pour éviter que ne se reproduise le drame de Viry-Châtillon, où des policiers avaient été grièvement brûlés. Désormais, pratiquement tous les agents portent une tenue ignifugée dans les manifestations où les cocktails Molotov sont très présents. Cela a évité au pauvre policier que nous avons tous vu s'enflammer lors de la manifestation du 1er Mai de mourir, et a limité ses brûlures. Outre les tenues ignifugées, nous sommes en train d'équiper les forces en tenues de maintien de l'ordre. Cela coûte 20 000 euros par unité, et nous faisons avec les moyens que le Parlement nous consent. À votre bon cœur, donc, puisque les discussions budgétaires vont bientôt commencer !
Pour finir de répondre à Mme Regol, à ma connaissance, le policier de 38 ans qui a tiré était expérimenté, comme son équipier de 40 ans. Son dossier ne comportait aucune mention négative connue du préfet de police ou de moi-même. Il n'a jamais fait l'objet d'un avertissement ni posé une difficulté à sa hiérarchie. Ancien militaire, il a été décoré sous mes prédécesseurs. Je n'ai donc rien à lui reprocher avant les actes en cause, dont il répondra devant la justice.
S'agissant de la doctrine d'intervention abordée par M. Morel-À-L'Huissier, il faudra faire un retour d'expérience de ce qui s'est passé. Ce qui est sûr, c'est que l'utilisation du Raid, de la BRI, du GIGN, voire des PSIG a permis de rétablir le calme, face à des gens dont chacun a pu constater qu'ils étaient très violents et très jeunes, ce qui a fait de chaque intervention un drame.
À ma connaissance, moins de quinze enquêtes ont été diligentées par l'IGPN et par l'IGGN sur les interventions menées pendant les émeutes. Toutes doivent être prises au sérieux et la justice fera son travail. Chacun conviendra cependant que, à l'aune des 3 800 interpellations réalisées pendant quatre nuits d'émeutes, les policiers et les gendarmes ont fait preuve, dans l'immense majorité des cas et compte tenu de l'extrême violence à laquelle ils ont été confrontés, d'un grand sang-froid et d'un grand professionnalisme.
Nous pouvons tirer quelques conclusions de l'utilisation du Raid, du GIGN, de la BRI et des PSIG par l'administration, à la main du ministre de l'intérieur et des préfets, s'agissant d'unités d'élite conçues soit pour lutter contre le terrorisme et la grande délinquance, soit pour des missions de police judiciaire consistant à prendre en filature et à interpeller des gens qui se livrent à des actes très graves tels que des go fast. Leur présence, en raison notamment de leur matériel et de leur formation, inspire le respect dès leur arrivée sur un territoire donné. Peut-être permettrait-elle de mettre définitivement un terme à certains actes de délinquance commis dans certains de nos quartiers, que la police du quotidien combat avec des moyens qui ne sont pas à la hauteur des gens très organisés que nous avons en face de nous.
La police de proximité, justement, fait l'objet d'un débat depuis très longtemps – la police plus encore que la gendarmerie, car elles n'ont pas tout à fait affaire à la même délinquance. Le problème n'est pas que consigne serait donnée de ne pas faire de proximité ! Tous les élus, au premier rang desquels l'ancien maire que je suis, se réjouissent que les policiers circulent à pied, saluent les commerçants et discutent avec les gens du quartier.
Le problème est que la police de proximité est devenue une police d'intervention, mobilisée par les attentats, les manifestations difficiles sporadiques, telles que celles des gilets jaunes, la lutte contre le trafic de drogue, dans tous les quartiers et jusque dans les petits villages, et l'explosion du nombre d'appels au 17 – les seules violences intrafamiliales suscitent 450 000 interventions par an contre presque rien il y a dix ou quinze ans, au début du débat sur la police de proximité.
Les policiers sont donc très souvent en intervention, luttant contre des actes de délinquance et affrontant des difficultés qu'ils sont les derniers à pouvoir gérer. Le temps qu'ils passent à intervenir, ils ne le passent pas à cultiver leur proximité avec la population. Distinguer deux polices serait une erreur : c'est la même qui fait de l'intervention et de la proximité.
L'augmentation des effectifs à laquelle nous procédons constitue, me semble-t-il, une réponse au problème. Il faut assez de monde, dans un commissariat, pour remplir toutes ces missions. Mais que les policiers fassent les deux – soient à la fois en contact avec la population sans motif d'intervention, et en intervention – est une très bonne chose, faute de quoi une forme de schizophrénie s'installe.
Il s'agit donc avant tout d'un problème d'effectifs : peut-être de gestion horaire, d'utilisation des unités, de mutualisation des policiers et des gendarmes, mais avant tout d'effectifs. Il ne s'agit pas d'un problème de doctrine. Personne, au ministère de l'intérieur, ne dit qu'il ne faut pas faire de proximité. Je le demande chaque jour aux policiers. Ils me répondent, comme à chacun d'entre nous lorsque nous nous rendons dans un commissariat, que, en une journée, ils ont reçu cinquante appels au 17 et ont dû démanteler deux points de deal, secourir trois dames qui se sont fait taper dessus par leur mari et interpeller deux forcenés – bref, qu'ils ont fait de l'intervention. C'est bien plus une question d'effectifs, que nous essayons d'améliorer, que de doctrine, dont nous pourrions certes débattre longuement.
Monsieur le ministre, je suis très sensible à la distinction que vous avez faite entre les émeutes que nous avons connues et les opérations de maintien de l'ordre que l'on pourrait qualifier, avec de nombreux guillemets, de traditionnelles.
Toutefois, certains phénomènes, au premier rang desquels l'émergence des messageries cryptées et éphémères telles que Snapchat, affectent les deux catégories, en permettant aux manifestants, dans certains cas, et aux émeutiers toujours, de se faire discrets et agiles et de se déplacer rapidement pour commettre les méfaits que chacun a pu constater. Souvent, ces techniques compensent l'absence d'organisation et de structure propres aux manifestations traditionnelles, déclarées par des organisations connues.
Disposez-vous désormais d'un retour d'expérience sur le rôle réel tenu par ces pratiques dans les manifestations ? Si tel est le cas, nos services de renseignement et nos forces de l'ordre peuvent-ils s'en inspirer pour se réorganiser, trouver d'autres réponses et évoluer ? La Lopmi, que nous avons adoptée il y a peu, permettra-t-elle d'améliorer la réponse à ces défis ?
Monsieur le ministre, je souhaite vous interroger sur l'équipement des forces de l'ordre.
La ville de Meaux, comme bien d'autres communes de France et comme le reste du département de Seine-et-Marne, a été touchée par les émeutes. Dans la nuit du 29 au 30 juin, un groupe d'une centaine d'individus – quatre-vingt-dix-sept très exactement –, armés de barres de fer et de projectiles en tout genre, a cherché à s'en prendre au commissariat. Repoussés par les forces de police, ils se sont rendus dans un autre quartier où ils ont incendié un bus, une partie du centre commercial de La Verrière, le bureau de poste et un local de la police municipale, et pillé et vandalisé les commerces.
Le choc, parmi les commerçants et la population en général, est grand. Dans les jours qui ont suivi, je me suis rendue dans chacun de ces commerces et suis allée féliciter les forces de l'ordre pour leur travail et leur courage, qui ont permis d'éviter le pire.
Lors de ma visite à la gendarmerie de Meaux, j'ai eu l'occasion de voir les équipements qu'utilisent les gendarmes.
Certains gilets pare-balles arrêtent les balles de 9 mm, d'autres non.
Certains casques, les MSA G3, résistent aux balles et aux barres de fer, d'autres non. Or les casques efficaces pour ce genre d'émeutes, quasi insurrectionnelles, sont en nombre insuffisant dans cette gendarmerie – en gros, deux pour trois. Surtout, ils ne sont pas attribués individuellement, de sorte qu'il faut les régler à chaque intervention, ce qui fait perdre de précieuses secondes en cas d'urgence. De même, il n'y a pas assez de tenues ignifugées, alors même que le risque de recevoir des cocktails Molotov est constant.
À l'heure où les émeutiers ne reculent devant rien et sont prêts à tirer à balles réelles sur des policiers, les gendarmes mobiles, voire les unités de police, disposeront-ils du matériel adapté ?
Monsieur le ministre, j'ai le cœur lourd. Le 30 juin dernier, à Mont-Saint-Martin, un jeune homme de 26 ans a été touché à la tête par un bean bag.
Il s'appelle Aimène Bahouh. Il est agent de sécurité. Il rentrait du travail en voiture et allait chercher à manger avec des amis à quelques kilomètres de chez lui. En une fraction de seconde, sans comprendre pourquoi ni comment, il a reçu un bean bag dans la tête. Le projectile a été tiré par le Raid sans sommation, par surprise. Aujourd'hui, il est toujours entre la vie et la mort. Oui j'ai le cœur lourd, comme sa famille, ses voisins et les habitants de la commune, qui nagent dans l'incompréhension, la colère et le désarroi.
À sa famille, qui a porté plainte, un policier a tenté d'expliquer l'inexplicable en disant qu'Aimène se trouvait au mauvais endroit au mauvais moment. Vous rendez-vous compte de la violence de ces propos ?
Vous dites vouloir maintenir l'ordre en enjoignant aux gens de rentrer chez eux, et vous appelez le Raid pour régler les problèmes dans les petites communes ? Quelle est la suite : « Pas de chance pour les habitants qui rencontrent le Raid en bas de chez eux » ? Le maintien de l'ordre n'est pas une affaire de chance, mais de respect des droits de l'homme et de justice !
Votre réponse ultra-sécuritaire aux révoltes qui traversent le pays depuis plusieurs semaines est largement inadaptée. Le tir dont Aimène a été victime en est une preuve supplémentaire. Combien faudra-t-il encore de victimes pour que vous refondiez enfin la police de la cave au grenier ? Quand agirez-vous, comme le recommande l'ONU, contre les violences racistes au sein de la police ? Que faisait le Raid dans cette commune ?
Notre pays a connu des émeutes particulièrement graves, au cours desquelles les symboles de la République et la République elle-même ont été attaqués. Sans le dévouement et le courage des forces de l'ordre, le bilan humain et matériel aurait pu être bien plus lourd.
Nos forces de l'ordre ont le soutien d'une immense majorité de Français, et les atermoiements de l'extrême gauche n'y changeront strictement rien. Je leur réaffirme, au nom du groupe Les Républicains, notre plein et entier soutien, ainsi qu'à nos pompiers et aux élus locaux, qui ont été en première ligne. Je salue aussi les services de l'État. J'ai constaté, dans mon territoire, la parfaite coordination entre M. le préfet, les forces de l'ordre et la mairie de Belfort pour lutter contre les émeutes, qui commençaient à se propager en ville.
Les émeutes ont mis en lumière le manque de matériel dont souffrent les forces de l'ordre ; à cet égard, je me réjouis de l'adoption à une large majorité, à l'automne dernier, de la Lopmi. Elles ont aussi mis en lumière l'armement massif qui se trouve dans certains quartiers. Que comptez-vous faire pour lutter contre ce phénomène ? Comptez-vous interdire prochainement la vente de mortiers, qui ont été utilisés comme arme par destination dans de nombreuses émeutes ?
La question de la gestion du refus d'obtempérer est centrale dans nombre d'affaires, parfois tragiquement, comme dans le cas à l'origine des récentes émeutes. N'oublions pas pour autant de saluer l'action des forces de l'ordre qui, bien plus souvent, permet d'éviter les nombreux drames qui auraient été provoqués par des conducteurs sans permis ou sous emprise d'alcool ou de stupéfiants.
Monsieur le ministre, lors de votre récente audition au Sénat, vous avez indiqué que les forces de l'ordre ont consigné, en 2022, 25 800 refus d'obtempérer, dont 5 329, soit plus d'un sur cinq, se sont déroulés dans des circonstances exposant directement autrui à un risque de blessure ou de décès. D'après les échanges que j'ai régulièrement avec eux, les policiers et les gendarmes sont souvent très peu enclins, voire très réticents à engager une poursuite – à « jalonner », comme ils disent –, craignant pour la sécurité du délinquant routier, la leur et celle des autres usagers de la route.
Les policiers et les gendarmes auditionnés par la mission d'information sur l'évaluation de l'impact de la loi du 3 août 2018 renforçant la lutte contre les rodéos motorisés, dont le rapport a été publié en 2021, indiquent que les modalités d'intervention leur semblent souvent peu claires, ce qui leur fait craindre un engagement de leur responsabilité en cas de poursuite d'un véhicule. Quelle doctrine les forces de l'ordre sont-elles censées suivre dans cette situation ? De quels moyens disposent-elles, hormis l'usage de leurs armes, pour immobiliser un véhicule ? Quid des auteurs des infractions ?
Le Conseil constitutionnel a censuré les dispositions de la Lopmi visant à augmenter le quantum des peines en cas de refus d'obtempérer. Pour enrayer le phénomène, ne faut-il pas renforcer les sanctions, en prévoyant notamment, comme dans les cas de rodéos urbains, la saisie systématique du véhicule ? Par ailleurs, ne faut-il pas agir en amont, en renforçant les sanctions appliquées aux personnes permettant la conduite sans permis par le prêt ou la location de leur véhicule ?
Sur la mort de Nahel, ce sont les vidéos qui suggèrent que le policier n'a pas respecté la loi du 28 février 2017 relative à la sécurité publique. Sans elles, il aurait été plus difficile de le savoir. Ces vidéos ont une forte puissance de révélation, surtout à l'aune de ce que l'on peut supposer des conclusions auxquelles serait parvenue l'IGPN. Mon propos ne vise nullement à discréditer cette institution, mais à rouvrir la réflexion sur son indépendance, qui ne date pas d'hier. Ne devons-nous pas, à l'occasion de cette tragédie, reconsidérer les organes de contrôle de la police ?
Placée sous la tutelle de la direction générale de la police nationale, elle est en situation de devoir contrôler les autorités qui l'encadrent. Certes, des efforts ont été consentis, qui ont notamment consisté à nommer à sa tête un magistrat. Je ne nourris aucun doute en particulier, mais chacun sait comment les choses se passent : la partialité, subjective ou objective, est bien là, à raison de la façon dont s'inscrit l'organe de contrôle dans l'institution. Sans aller jusqu'à décalquer le modèle britannique, ne pouvons-nous pas engager une réflexion à ce sujet ?
Par ailleurs, s'il ne s'agit en l'occurrence pas de l'application de la loi de 2017, nous avons aussi entendu parler d'une circulaire de mars qui irait au-delà de ses dispositions, ce qui pose problème.
Lors d'échauffourées ayant eu lieu à Lorient, relatées par Ouest-France et Le Télégramme, une trentaine de personnes cagoulées, se disant patriotes et pour certains commandos marine, sont venues prêter main-forte aux policiers contre les émeutiers. Elles se sont aussi attaquées à des gens qui ne faisaient que passer, qu'elles ne se sont pas contentées d'immobiliser et ont parfois tabassés. Cela m'inquiète. Dans notre histoire récente, certains partis politiques ont entretenu des milices qui maintenaient l'ordre et se faisaient la guerre.
Monsieur le ministre, je souhaite que vous nous assuriez que de tels agissements ne se reproduiront pas, d'autant que ces gens ont manifestement accès à des armes, même s'ils n'en ont pas utilisé dans le cas d'espèce. Le maintien de l'ordre doit être assuré par des fonctionnaires assermentés et formés à cet effet.
Au cours des dernières semaines, les forces de l'ordre et de secours ont été particulièrement mobilisées pour répondre aux épisodes de violence que notre pays a connus. Je salue leur travail, leur disponibilité et leur réactivité.
Ma circonscription a connu plusieurs incidents. Des élus locaux ont été agressés et, à Persan, des bâtiments, notamment la mairie, le centre communal d'action sociale et le poste de police municipale, ont été incendiés et détruits. En dépit de ces dégâts importants, je salue l'action du ministère, qui a débloqué d'importants moyens supplémentaires pour maintenir l'ordre.
Certains de nos collègues ont été plus prompts à demander le désarmement de la police qu'à condamner les violences des émeutiers. Lorsque l'on est élu de la République, il ne s'agit pas de remettre en cause le travail des forces de l'ordre. Notre mandat est d'aider nos concitoyens en votant des lois dans l'intérêt de tous, non de considérer que l'on peut s'affranchir de la loi à sa guise.
D'autres ont demandé l'instauration de l'état d'urgence. Je comprends leur inclination à reproduire une situation connue, mais le reflux de violence prouve qu'il n'est nul besoin de recourir à un régime d'exception pour résorber certaines situations. Notre assemblée, plus particulièrement notre majorité, a toujours travaillé à donner aux forces de l'ordre les outils adaptés à la réalisation de leurs missions.
Dans les derniers jours, les violences ont diminué, alors même que l'appel à la mobilisation de certains groupes laissait craindre un regain de violence. Certains mouvements ont-ils tenté de guider les violences ? Comment le ministère de l'intérieur a-t-il réagi aux appels à la convergence des luttes ?
Monsieur le ministre, je souhaite vous interroger sur le trafic de stupéfiants, qui touche particulièrement Marseille, dans ma circonscription, mais aussi, de plus en plus, l'ensemble du pays.
Le trafic de stupéfiants est le principal moteur de l'activité criminelle en France. Il crée des enclaves de non-droit, formalisées par des mini-frontières, des barrages, des guerres et des règlements de comptes, donc toujours plus d'insécurité et de dégradations pour les gens qui le subissent. L'économie parallèle qui s'y développe, à coups de blanchiment et de trafics en tous genres, crée de facto une loi propre s'opposant à celles de la République française.
Quand je dis qu'elle s'y développe, je veux dire que le trafic de stupéfiants gangrène notre pays. Vous avez beau donner du Doliprane pour freiner cette gangrène, rien n'y fait. Il y a trois ans, en 2020, à votre nomination comme ministre de l'intérieur, vous affirmiez : « Ce sont les trafiquants de drogue qui vont arrêter de dormir, et qui vont laisser dormir les honnêtes gens ». Je vous confirme qu'ils dorment peu : ils travaillent trop !
Dans les Bouches-du-Rhône, vous êtes venu « pilonner », selon votre expression, le marché de la drogue. Si ce pilonnage était efficace, le prix des stupéfiants aurait dû monter – devenus plus rares, ils seraient plus chers, conformément à la loi de l'offre et de la demande. Or c'est le contraire qui se produit.
Quant aux émeutes, j'étais sur le terrain lors de la deuxième nuit. J'ai été prévenue par des habitants d'une cité que des mortiers étaient en cours de distribution parmi les jeunes et que le mot d'ordre était d'attaquer le commissariat, ce qui m'a permis de donner l'alerte aux autorités. C'est notamment grâce à l'arrivée des renforts de la BRI que le commissariat n'a pas été attaqué. J'aimerais comprendre pourquoi il était si peu protégé – deux policiers de garde – alors même que certains policiers en congé s'étaient portés volontaires pour assurer sa protection et m'ont fait part de leur surprise de ne pas avoir été appelés.
L'unité CRS 8 a été déployée de manière très violente lors des révoltes urbaines et lors de la marche blanche organisée à Nanterre pour la mémoire de Nahel. Cette brigade a été créée en 2021 pour intervenir avec des méthodes plus répressives et un équipement plus léger lui permettant d'aller davantage au contact.
Deux rapports confidentiels, révélés par la presse, font état de dysfonctionnements récurrents en son sein. Ils relèvent notamment l'affectation de jeunes policiers incapables de faire du maintien de l'ordre en raison de leur inexpérience. Ils indiquent que son commandant, ancien membre de la marine nationale, vous a demandé de ne faire appel à cette brigade qu'en cas de dégradation de la situation ou d'affrontement de haute intensité, faute de quoi ses hommes éprouvent « une frustration ». En clair, il demande à aller au contact.
Vous avez favorablement répondu à cette demande, ce qui soulève des interrogations. La CRS 8, qui est un peu votre Brav-M, d'après un préfet cité par Mediapart, est intervenue dans les quartiers marseillais après les fusillades meurtrières d'avril, à Mayotte lors de l'inqualifiable opération Wuambushu, et lors des révoltes urbaines consécutives au meurtre de Nahel.
Vous avez annoncé la création d'ici 2024, sur le modèle de la CRS 8, de quatre nouvelles compagnies d'intervention, qui seront notamment basées à Marseille et à Nantes. Or les alertes se multiplient quant à cette unité violente.
D'après le préfet d'un département où elle a été déployée, il faut la tenir « rênes courtes », car elle peut être assez incontrôlable. Un gradé en poste à Mayotte, où les membres de la CRS 8 ont tiré à balles réelles à douze reprises, rappelle que le bon maintien de l'ordre est celui qui se passe bien et déplore les réponses répressives apportées, qui ne résolvent pas le fond du problème. À Rennes, plusieurs membres de la CRS 8 se sont distingués par leur violence et sont désormais visés par une enquête. Mise en joue par un lance-grenades, carte de presse arrachée, plaquage ventral : les images sont sidérantes.
Monsieur le ministre, vous avez certainement connaissance de ces deux rapports, dont vous étiez destinataire. Vous n'ignorez pas les dérives de la CRS 8. Pourquoi l'avoir mobilisée lors des révoltes urbaines ? Pourquoi reproduire ce modèle dont nous savons qu'il est dangereux ?
J'informe la commission que nous procéderons, à la rentrée, à une évaluation de la loi du 28 février 2017 relative à la sécurité publique, dans le cadre d'une mission d'information.
S'agissant des messageries cryptées, il faut en distinguer de plusieurs sortes.
Certaines relèvent de réseaux sociaux, tels qu'Instagram, Twitter et Facebook, qui ont entre autres une fonction de messagerie. D'autres, telles que WhatsApp et Telegram, sont spécifiquement utilisées pour le cryptage des communications qu'elles offrent.
D'autres encore sont utilisées par les organisations criminelles parallèlement aux lignes téléphoniques classiques. Les policiers, dans l'affaire Sky ECC, et les gendarmes, dans l'affaire EncroChat, ont mis au jour de véritables réseaux de messagerie cryptée organisés selon des circuits parallèles aux messageries classiques. D'autres enfin sont de classiques talkies-walkies et radios CB, utilisés parallèlement à des téléphones pour commettre des méfaits.
Selon la catégorie envisagée, la réponse technique varie. Par ailleurs, les mises sur écoute administratives ou judiciaires soulèvent des questions spécifiques.
Ce qui est sûr, c'est que les écoutes téléphoniques classiques, très largement utilisées par les services judiciaires, toujours sous l'autorité d'un magistrat, et par l'administration après obtention de quatre blancs-seings, dont celui du président de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement, que vous auditionnez chaque année, ne rapportent plus grand-chose.
De nos jours, tout le monde utilise les messageries cryptées, surtout des deux premières catégories que j'ai citées, parce que c'est facile et qu'elles ont la réputation, vraie ou fausse, d'être sécurisées. Si des gens qui n'ont rien à se reprocher utilisent les messageries cryptées, comme c'est sans doute le cas de la plupart des parlementaires ici présents, imaginez ce qu'il en est pour les autres ! D'autant que la plupart des solutions sont gratuites.
Avons-nous les moyens technologiques d'intercepter les messages échangés dans ces quatre catégories ? La réponse est oui. La France est un grand pays, doté de grands services de renseignement, qui recourent notamment à la captation à distance, laquelle consiste non à intercepter une onde radio entre deux téléphones, comme dans le cas d'une écoute téléphonique classique, mais à utiliser le micro ou la caméra du téléphone pour obtenir des renseignements – vous avez eu il y a quelques jours, me semble-t-il, une discussion très intéressante à ce sujet avec le garde des sceaux – et ce quelle que soit la messagerie cryptée utilisée.
Sommes-nous juridiquement autorisés à le faire ? La réponse est oui s'agissant de faits relevant du terrorisme et de la criminalité organisée. Ce n'est pas le cas pour la délinquance plus courante, dont relèvent par exemple un petit trafic de drogue ou un meurtre manifestement indépendant de la criminalité organisée, quand bien même elle enfreint le pacte républicain. Ni les magistrats ni l'administration ne sont autorisés à regarder ce qui circule sur Facebook, Telegram, Twitter, Snapchat et autres s'il ne s'agit ni de terrorisme ni de criminalité organisée, quand bien même ils disposent d'éléments précis.
Faut-il faire évoluer la loi ? À titre personnel, j'y suis favorable, dans des conditions encadrées et respectueuses des libertés individuelles, notamment de la vie privée. Au demeurant, les messageries cryptées ne sont que la modernisation de l'appel téléphonique d'hier ou d'avant-hier, que l'administration et la justice peuvent mettre sur écoute pour des faits ne relevant ni du terrorisme ni du grand banditisme, notamment dans le cadre de finalités dont le président de la délégation parlementaire au renseignement ici présent a à connaître, et dont je rends compte au nom du Gouvernement pour qu'il évalue si nous sommes fondés ou non à mettre en œuvre certaines techniques. Tout cela est très contrôlé.
Ce qui est sûr, c'est que nous devrons nous poser la question. Trois possibilités s'offrent à nous.
Soit la représentation nationale autorise la mise sur écoute des messageries cryptées. Une telle décision soulève des questions fondamentales en matière de libertés publiques, semblables aux discussions précédentes sur les écoutes téléphoniques, et cela que l'autorisation relève du domaine administratif, du domaine judiciaire ou des deux – s'agissant de la gestion des manifestations récentes, au moins pendant les deux premiers jours, chacun conviendra que le judiciaire n'était pas concerné.
Soit la représentation nationale offre la possibilité d'utiliser des failles dans les systèmes des entreprises qui gèrent la messagerie, en leur faisant obligation, sous peine d'être interdites de diffusion en France, de donner accès aux services de protection du pays, dans des conditions encadrées, au téléphone de telle ou telle personne s'ils estiment que cela est nécessaire.
Soit nous partons du principe que l'équilibre entre liberté et sécurité est difficile à obtenir et nous acceptons que les services du ministère intérieur ne soient pas si efficaces que la population l'exige, parce que nous ne voulons pas d'une société dans laquelle le ministère de l'intérieur dispose de moyens de surveillance accrus. Dans ce cas, nous acceptons qu'il y ait des émeutes et des drames, en raison de notre préférence pour la liberté au détriment de l'action répressive et de la surveillance.
La solution réside sans doute dans une combinaison des trois. J'ai lu dans la presse et entendu dire à la télévision, notamment par des parlementaires du Rassemblement national hélas absents aujourd'hui, que le ministre de l'intérieur devrait regarder Snapchat, Facebook et Telegram. Mais ni les policiers ni les gendarmes, qui appliquent la loi de la République, ne peuvent regarder Snapchat, Facebook et Telegram ! Ils peuvent le faire soit pour ce qui est en source ouverte, soit pour des personnes qui sont déjà surveillées par des techniques de renseignement pour un autre motif, soit dans le cadre judiciaire, en faisant intervenir la plateforme Pharos, ce qui demande beaucoup plus de temps.
À Sainte-Soline, on a constaté l'utilisation non seulement de messages classiques, mais aussi d'un système radio parallèle. Les moyens technologiques de surveillance dont nous disposons sont nombreux, avec notamment les IMSI-catchers, dont vous avez dû parler avec les chefs des services de renseignement.
Dans les affaires Sky ECC et EncroChat, les enquêteurs d'Europol et d'Interpol ont pu intercepter des vidéos d'assassinats, que les tueurs diffusaient en direct à l'intention de leurs commanditaires. Des équipes de tueurs ont donc pu être arrêtées, notamment dans les ports du Havre et de Marseille. Nous avons aussi pu récupérer de nombreuses images pédocriminelles – car ces outils sont malheureusement utilisés aussi pour des viols en direct. Quand la police et la gendarmerie arrivent à démanteler un nouveau système parallèle, en saisissant des téléphones qui n'existent pas officiellement, elles obtiennent d'énormes résultats dans la lutte contre le trafic de drogues ou la criminalité. C'est un équilibre entre sécurité et liberté qui est vieux comme la commission des lois…
Madame Roullaud, ce qui s'est passé à Meaux a eu lieu un peu partout en France. Son maire, Jean-François Copé, m'a demandé une unité de CRS, qui est arrivée dès le lendemain. Il a lui-même été surpris des violences car, grâce au travail qu'il réalise avec son équipe municipale, Meaux ne connaît pas une délinquance particulière.
Évidemment, une question de matériel se pose. Toutefois, les dernières émeutes de cette ampleur, aussi traumatiques, datent de 2005, il y a dix-huit ans : on ne peut pas considérer qu'il y a à Meaux toutes les semaines des violences justifiant d'équiper l'intégralité des policiers et des gendarmes contre les tirs de kalachnikov ! Un travail d'amélioration doit certes être mené. Toutefois, aucun policier ni gendarme n'a été victime de tirs mortels ou blessants, à deux exceptions près : à Nîmes, un policier a reçu une balle de 9 millimètres dans son gilet pare-balles, qui l'a sauvé – voyez, l'administration ne fait pas si mal son travail ; à Lyon, des tirs à la chevrotine ont visé des policiers, fort heureusement sans entraîner leur mort.
Il n'y a pas eu de tir de kalachnikov contre les forces de l'ordre – ce sera peut-être le prochain drame. Les policiers ont été visés par des mortiers et des cocktails Molotov, et ont reçu des coups et blessures très graves. À Marseille, des policiers ont été molestés à terre – les auteurs de ces violences ont été interpellés. Mais pour l'instant, les armes employées ne sont pas celles utilisées pour les règlements de compte sur les points de deal. Cela arrivera peut-être un jour et il faut s'y préparer, mais, même s'il peut y avoir une exception ici ou là, le matériel est aujourd'hui plus nombreux et de meilleure qualité que lorsque je suis arrivé au ministère de l'intérieur – je pense aux vêtements ignifugés ou au matériel de maintien de l'ordre.
Madame Etienne, un homme est en train de lutter contre la mort en Belgique et je veux l'assurer de tout mon respect et de mon soutien, ainsi que sa famille. C'est un drame. Toute la lumière doit être faite sur cette affaire : l'IGPN a été saisie et une information judiciaire a été ouverte immédiatement.
Vous demandez ce que faisait le Raid dans cette commune. Vous le savez en tant qu'élue de ce territoire, la veille, un cabinet médical, un centre pour enfants autistes et des voitures avaient été incendiés dans cette cité. Que l'on ne fasse pas croire à la commission qu'il ne s'est rien passé et que l'on a envoyé le Raid pour le plaisir. Le directeur départemental de la police a entendu la demande des élus et a demandé l'intervention du Raid, qui lui a été naturellement accordée, comme partout dans le territoire national – cela aurait pu être le GIGN, la BRI ou le PSIG.
Cela ne signifie pas que je couvre tout ce qui s'est passé. Je ne connais pas les circonstances exactes de ce drame. L'utilisation des brigades d'intervention telle que je l'avais définie était justifiée en raison des atteintes qu'avait connues ce quartier la veille, que nous ne voulions pas revivre.
M. Boucard a évoqué les tirs de mortier. Le problème est que les mortiers d'artifice, qui ne sont pas une arme par destination, le deviennent. Nous devons en tirer des conclusions. Il ne s'agit pas d'interdire les feux d'artifice – ce n'est d'ailleurs pas ce que vous proposez – mais de dire que ces objets, beaux mais dangereux, doivent être utilisés par des professionnels. Je serais assez d'avis de faire comme pour les produits de pharmacie, que seuls certains commerces peuvent vendre.
La plupart des mortiers sont commercialisés sur internet ou à la frontière, mais aussi dans des bazars ou des magasins d'occasion. Nous en avons souvent saisi dans des échoppes qui n'y étaient normalement pas consacrées, et ce n'est pas interdit. La coopération internationale est importante sur ce sujet, car les mortiers sont souvent produits en Pologne et en République tchèque. Récemment, en Allemagne, la police, en lien avec les douanes, a arrêté un camion qui transportait une tonne de mortiers devant être livrés non loin du territoire de M. Boucard.
Je suis donc d'avis d'utiliser la même réglementation que pour les médicaments par exemple, allant de la production à la destruction des mortiers, avec des articles numérotés et suivis afin de savoir quand ils sont détruits et quel est leur tracé. Certains commerces seulement seraient autorisés à les vendre, seulement aux détenteurs de cartes professionnelles ou d'une habilitation à en acheter. Il faut aussi être très ferme avec ceux qui les vendent illégalement sur internet et, pourquoi pas, renforcer les sanctions.
Je prendrai une initiative sur cette question jeudi, lors du prochain conseil des ministres de l'intérieur européens. Tous les pays de l'Union doivent travailler ensemble. Près de ma circonscription, la bourgmestre de Mouscron en Belgique a interdit la vente de mortiers, à notre demande, mais de nombreuses communes frontalières n'ont pas fait de même. Il faut travailler sur cette question, car des Français vendent également du côté belge, allemand, italien ou espagnol quand ces pays connaissent des émeutes.
Je ne suis pas sûr qu'il faille beaucoup durcir les sanctions, sauf peut-être sur internet. En revanche, il faut réglementer la profession. Je comprends que les artificiers soient choqués qu'on les confonde avec des émeutiers. Manifestement, n'importe qui ne peut pas utiliser des mortiers.
Mme Brocard a évoqué les refus d'obtempérer. En 2017, 9 386 policiers et gendarmes ont été blessés en mission après un tel refus, contre 9 268 en 2022. Chaque année, ce sont donc près de 10 000 policiers et gendarmes qui sont blessés, d'une manière ou d'une autre, après un refus d'obtempérer de personnes en quads, motos ou voitures.
Quant à l'usage de l'arme opérationnelle, on a recensé 429 tirs en 2017 ; 351 en 2018 ; 341 en 2019 ; 330 en 2020 ; 341 en 2021 ; et 317 en 2022 – sur 10 000 personnes, donc, dont la vie est potentiellement mise en danger. La tendance est plutôt à la baisse. Je ne veux pas faire avant vous l'évaluation de la loi de 2017, mais Bernard Cazeneuve a raison de dire que cette loi n'a pas encouragé les policiers et les gendarmes à tirer davantage : ils ont moins tiré que depuis 2017, pour à peu près le même nombre d'entre eux blessés.
Les tirs sur des véhicules en mouvement sont une autre question. Il y en a eu 255 en 2017 ; 194 en 2020 ; 200 en 2021 et 168 en 2022. Il faut sans aucun doute y former davantage les policiers et gendarmes, qui s'entraînent surtout au tir fixe, mais il n'y a pas eu davantage de tirs. Les tendances sont identiques pour la police et la gendarmerie, avec 202 tirs en mouvement pour la police et 53 pour la gendarmerie en 2017, contre 138 et 30, respectivement, en 2022.
Quant aux refus de conducteurs d'obtempérer à une sommation de s'arrêter exposant autrui à un risque de mort ou d'infirmité, ils ont tendance à augmenter, passant de 4 246 en 2017 à 4 905 en 2022.
En 2022, c'est vrai, il y a eu davantage de morts à la suite de ces tirs, pourtant moins nombreux – il y avait eu deux morts en 2020 et quatre en 2021. Il sera intéressant d'étudier cette année sortant des statistiques, mais elle ne paraît pas devoir s'expliquer par la loi de 2017. Certes, il faut évaluer cette loi mais je redis qu'elle n'est pas un permis de tuer.
L'indépendance de l'IGPN et de l'IGGN est un vieux débat. Ce que je constate, c'est que pour enquêter, il faut des enquêteurs. Or le magistrat choisit le service qu'il souhaite pour conduire des enquêtes : il demande parfois aux gendarmes d'enquêter sur des policiers ; parfois, l'inverse ; parfois encore, il sollicite l'IGPN ou un autre service, comme la police judiciaire. Il n'y a pas d'obligation pour l'IGPN ou l'IGGN d'enquêter dès qu'une personne commet ce que l'on appelle une bavure : elles sont spécialisées, mais d'autres services peuvent s'en charger et le magistrat est libre de choisir.
Par ailleurs, madame Untermaier, vous faites semblant de croire que l'IGPN n'est qu'un service qui contrôle les autres en matière judiciaire. C'est faux : elle est une direction de notre administration qui, comme toute inspection, est placée sous l'autorité du ministre de l'intérieur, et qui agit aussi sur le plan administratif – et il est tout de même normal que ce soit les directeurs que je nomme qui évaluent ce qui est fait. En procédure d'enquête, ce ne sont pas les mêmes enquêteurs qui agissent sous l'autorité des magistrats.
Pour rendre l'IGPN et l'IGGN indépendantes, il faudrait donc au moins distinguer ce qui relève de l'évaluation interne de l'administratif et du judiciaire. Ce faisant, on créerait encore des enquêteurs spécialisés.
Enfin, le travail actuel de ces inspections n'a rien à voir avec ce qu'elles faisaient il y a dix, quinze ou vingt ans. Il n'est jamais agréable pour un policier ou un gendarme d'aller voir les « bœuf-carottes », comme ils les appellent. Ils sont mis en garde à vue ; cela ne se passe pas très bien. Ils se sentent très vexés d'être contrôlés par leurs propres collègues, lesquels ne sont souvent pas bien vus. Ne croyez pas qu'il s'agit d'une discussion à la cantine entre gens d'une même communauté ! Et ceux qui travaillent à l'IGPN ne retournent pas dans les commissariats ensuite : ils se spécialisent.
Je publie désormais les rapports de l'IGPN. J'oblige les directeurs généraux à expliquer pourquoi ils suivent ou non ses propositions. Il m'arrive de réformer celles-ci, toujours dans le sens de plus de gravité. Il me semble qu'il n'y a donc pas de sujet. Je rappelle que la Défenseure des droits ou les tribunaux peuvent se saisir. La question a été largement discutée lors du Beauvau de la sécurité.
M. Molac a évoqué des militaires de Lorient qui se seraient mobilisés lors des émeutes. D'après les informations des services de renseignement que j'ai eues, cela est vrai : il y aurait eu des militaires qui, pour des raisons que je ne comprends pas bien, auraient « prêté main-forte » aux services de sécurité sans qu'aucune espèce de loi ou de règlement le permette. J'ai saisi le ministre des armées, qui a demandé une enquête de la direction du renseignement et de la sécurité de la défense. Une autre enquête est par ailleurs ouverte. Une ville de garnison du sud-ouest de la France a connu une situation similaire, quoique dans une moindre mesure. À Angers, des membres de groupes d'ultradroite ont été interpellés ; d'autres enquêtes ont été ouvertes. C'est inacceptable et condamnable. On doit absolument surveiller ces profils.
J'ajoute que, lorsque la police ou la gendarmerie n'auront pas les moyens de faire respecter l'ordre public, il ne faudra pas s'étonner que des gens essaient de se faire justice eux-mêmes, y compris des personnes pouvant avoir accès à des armes. À Reims, un buraliste qui s'était fait voler cinq fois cette année a décidé d'attendre les émeutiers avec son fusil de chasse. Pour l'éviter, il faut laisser la police républicaine agir car dès que l'on montre de la faiblesse, les gens tentent de se faire justice eux-mêmes.
Mme Chandler a évoqué les mouvements qui auraient profité des violences. Il y a eu une tentative réussie, à Toulouse, dans le quartier du Mirail, seul endroit où l'ultragauche a mené une action commune avec les émeutiers. Partout ailleurs, à ma connaissance, cela n'a pas fonctionné. Il est même arrivé que les gens de l'ultragauche se fassent très mal recevoir par les émeutiers. Les manifestations dites « contre les violences policières » qui visaient une conjonction des luttes, comme sur les Champs Élysées à Paris, ou à Lyon, Marseille ou Toulouse, n'ont pas marché. Les services de renseignement notamment territoriaux l'ont documenté. Il n'y a donc pas eu de conjonction des luttes, malgré des tentatives et une réussite ponctuelle, au Mirail.
Monsieur Portes, s'agissant de la CRS 8, je récuse l'expression « tenir les rênes courtes » : ce sont des policiers, non des animaux. Je vous encourage à passer une journée avec eux, comme l'a fait le sénateur Jérôme Durain, membre de la NUPES, auprès de la Brav. J'ai également proposé cette expérience à M. Bernalicis mais il n'a pas donné suite. Allez-y, monsieur Portes, vous verrez, ce n'est pas du tout ce que vous avez décrit ! Les membres de chaque CRS sont des gens très formés. Oui, la CRS 8 est très mobile car nous avons affaire à des personnes de plus en plus violentes. Nous ne l'utilisons pas pour le maintien de l'ordre mais contre les violences urbaines.
Il semble que vous ne voyiez pas beaucoup nos compatriotes mahorais, qui sont très heureux de son action. Sur Mayotte La Première, j'ai entendu le responsable LFI de Mayotte féliciter le Gouvernement et votre serviteur d'avoir redonné de la vie et de la liberté à son territoire. Je vous encourage à rencontrer votre délégué mahorais, qui n'a visiblement pas la même vision que vous de l'action de la CRS 8 et des gendarmes mobiles à Mayotte.
Madame Lelouis, je suis allé cinq fois à Marseille depuis un an, sans jamais vous rencontrer. Bien que j'y passe trois jours à chaque fois, dans de nombreux quartiers, vous n'êtes jamais venue me voir, comme le fait M. Delogu. C'est dommage car nous avons parlé de nombreux sujets intéressants. N'hésitez pas à venir aux côtés des Marseillais, sans quoi on croira que je compte me présenter dans votre circonscription… Un député doit s'occuper des habitants de sa circonscription, surtout lorsqu'il donne des leçons ensuite.
Dire que l'on donne du Doliprane contre le trafic de drogue, c'est très insultant pour les policiers, et cela montre que vous ne connaissez pas leur travail à Marseille. Toutes les deux heures, ils s'occupent d'un point de deal. Ils risquent leur vie tous les jours. Nous avons réalisé des prises incontestables, y compris dans des quartiers comme La Paternelle, où il n'y a plus de point de deal. Je pense que vous n'allez pas beaucoup dans cette cité, en tout cas moins que je n'y suis allé. Je vous incite plutôt à encourager les policiers et les gendarmes pour le travail qu'ils font dans les cités de Marseille – mais de Paris, on le voit moins bien… Je retourne à Marseille début août : n'hésitez pas à venir. Je vous préviendrai, pour que vous puissiez prendre votre billet d'avion !
Puisqu'il a été question d'aller rencontrer la CRS 8, je dois dire que la visite de l'IGPN que j'ai faite avec le député Thomas Rudigoz nous a permis de constater la grande rigueur des enquêtes conduites envers les policiers mis en examen. Ceux-ci ne passent effectivement pas un bon moment. Je conseille à tous les députés d'effectuer de telles visites.
Les actes de violence n'ont pas épargné le Tarn et je remercie à mon tour les forces de l'ordre pour leur engagement. Fort heureusement, ces événements sont intervenus dans un contexte de hausse significative des moyens qui leur sont alloués dans le département, notamment avec la récente prise de fonction du commissaire de Castres et la reconstitution de la BAC (brigade anticriminalité).
Ces épisodes de violence ont mis en lumière les difficultés que rencontrent certaines circonscriptions en termes d'effectifs : à Castres, il manque trois ou quatre postes d'OPJ ainsi que deux policiers de voie publique. Il semble nécessaire d'apporter une attention particulière à ces territoires qui subissent des actes de violence répétés. Les personnels, mis à mal, montrent des signes de fatigue inquiétants.
Monsieur le ministre, nous n'avons pas eu l'occasion de vous voir à Montargis. Je serai pourtant très heureux de vous en faire visiter le commissariat.
Montargis symbolise bien ces villes moyennes qui n'avaient pas été touchées en 2005 et ont connu le déchaînement de violence d'il y a quelques jours. Mis à part son ampleur, ce n'était pas une surprise : ces dernières années, on avait vu monter la délinquance dans le territoire, conduisant les élus locaux à demander des moyens supplémentaires. La Lopmi, que nous avons votée, prévoit 200 brigades de gendarmerie supplémentaires. Il y a une forte attente pour accueillir l'une d'elles à Pannes. Quand rendrez-vous vos arbitrages ?
Montargis comptait 122 policiers en 2017 et 94 en 2022, hors réservistes et personnes indisponibles. Tiendrez-vous compte de ces violences lors des prochaines mutations et sorties d'école pour la répartition des forces dans le territoire, à Montargis et ailleurs ?
Certains maires d'extrême gauche, comme celui de Châlette-sur-Loing, refusent d'installer des caméras de surveillance. Les policiers disent travailler à l'aveugle dans ce territoire et ne pouvoir intervenir rapidement. Envisagez-vous que l'État reprenne la main dans ces territoires, qui sont des zones de non-droit ? Et pensez-vous augmenter le fonds interministériel de prévention de la délinquance pour donner des moyens supplémentaires aux collectivités qui installent de telles caméras ?
En juin 2020, l'assassinat de George Floyd a suscité une indignation dans le monde entier. En France, les alertes sur le racisme au sein de la police se sont multipliées. Votre prédécesseur, Christophe Castaner, a commandé au déontologue du ministère de l'intérieur, Christian Vigouroux, un rapport sur les discriminations dans les forces de l'ordre et de sécurité intérieure.
Fraîchement nommé à Beauvau, vous avez cherché à cacher les vérités qui blessent, comme le montre un rapport récent de la Dilcrah (délégation interministérielle à la lutte contre le racisme, l'antisémitisme et la haine anti-LGBT) sur le racisme et les discriminations dans la police nationale. Ce document est plus que jamais d'actualité. Il appelle à nommer les faits par leur nom.
Notant d'abord l'invisibilisation des actes de racisme et de discrimination, il prouve que les comportements discriminatoires de la police se multiplient à l'encontre de la population et qu'ils s'accentuent entre les agents. Nous déplorons que vous l'ayez honteusement étouffé et que Mediapart ait été obligé de saisir la Commission d'accès aux documents administratifs pour le révéler, plutôt que d'essayer d'en tirer les leçons : pourquoi l'avoir d'abord gardé dans un tiroir ?
Un service public de la sûreté doit être un levier pour conserver un maillage républicain car seule la conscience permet le consentement à la règle. C'est ce que vous, monsieur le ministre, peinez à comprendre. Mes camarades ont fait état de comportements racistes, sexistes ou LGBTphobes de la police vis-à-vis de la population. En l'absence de vidéos ou de preuves sonores, combien d'actes ont été passés sous silence par les institutions ? Combien de victimes sont tellement terrifiées qu'elles se taisent, de peur de représailles de la hiérarchie ? L'impunité de certains factieux durera-t-elle encore longtemps ?
Des recommandations simples du rapport ont été balayées. Des policiers nous suggèrent de donner un pouvoir direct de sanction à l'IGPN et à l'IGGN et de rendre leurs décisions publiques auprès des agents et des victimes : ce n'est pas la mer à boire mais cela apporterait un regain de confiance et d'exemplarité à ces institutions.
Permettez-moi d'abord de rendre un hommage solennel aux forces de l'ordre, policiers, gendarmes, sapeurs-pompiers, qui ont permis que la République tienne debout dans des moments très périlleux. Je salue aussi la façon dont vous les avez dirigés, monsieur le ministre : l'ordre républicain a été tenu, ce qui était important.
Les inquiétudes demeurent grandes pour l'avenir. Vous avez dit que l'usage des armes était peut-être la prochaine étape. Elles sont en effet nombreuses à circuler dans les quartiers. Il y a quelques semaines, dans le quartier des Moulins, à Nice, une bande armée a déambulé en plein jour, kalachnikov à la main. Quelle menace anticipez-vous ? Quelles actions de renseignement sont conduites, et quels contrôles autorisés ?
On sait que les dealers jouent le rôle d'acteurs sociaux, notamment à Cavaillon où ils installent une base de loisirs, ou à Nice. Est-il vrai que ce sont eux qui ont remis de l'ordre dans certains quartiers car leur sinistre commerce était mis en péril ?
Il est malheureusement fréquent que des migrants tentent de gagner la Grande-Bretagne depuis la Côte d'Opale. Si la discrétion est habituellement de mise, hier, une cinquantaine de migrants, hommes, femmes et enfants, ont embarqué en plein jour, à Boulogne-sur-Mer, devant les touristes – de nombreuses photos en attestent. Ces traversées sont de plus en plus fréquentes mais leur banalisation semble inquiétante. Beaucoup a déjà été fait : qu'imaginer de plus pour éviter tous ces passages ?
« Nous sommes nombreux ici à être issus des quartiers, à être issus de l'immigration, et à aimer notre pays. Nous ne voulons ni de la haine des policiers ni de la haine des étrangers ; nous voulons de l'amour de la République ! » Ces propos sont les vôtres, monsieur Darmanin, et pour une fois je les partage, ce qui est assez rare. Ils doivent vous inciter à répondre à la question que je vous ai posée, le même jour, sur le racisme dans la police.
Quand on aime la République, on considère que ce n'est ni une couleur de peau, ni une origine, ni une religion, mais précisément l'attachement à cette République qui définit la citoyenneté française. C'est le devoir des républicains que de lutter contre le racisme dans la société et dans la police. Un policier qui porte l'uniforme, avec le drapeau tricolore, mais tient des propos racistes salit cet uniforme et détache de la République un certain nombre de nos compatriotes en leur signifiant, d'une certaine manière, qu'ils ne sont pas parfaitement ou totalement français.
La lutte contre le racisme dans la police est une demande de l'ONU et un besoin vital pour la République. J'ai déjà cité certains propos tenus par des policiers. Je continue d'auditionner des jeunes gens : plus j'en entends, plus je suis choqué par les mots qu'ils me rapportent. Quand un jeune homme se fait traiter de kebab par un policier, on n'est pas dans l'ordre républicain. Ce racisme existe, il faut le combattre de manière vigoureuse et efficace. Que comptez-vous faire ?
Non seulement nous soutenons les forces de l'ordre, mais nous les admirons pour leur gestion des violences urbaines.
Ne serait-il pas temps de relancer résolument les conseils locaux ou intercommunaux de sécurité et de prévention de la délinquance, les groupes locaux de traitement de la délinquance, qui sont à la main des procureurs, et la police du quotidien ? Tous ces outils sont à notre disposition pour faire le lien, dans les territoires, entre les services de l'État, la justice – notamment les procureurs – et les élus locaux qui connaissent le terrain. Ils ne peuvent évidemment pas constituer la seule réponse aux violences urbaines, qui nécessitent une analyse plus profonde, mais ils permettraient de mener un travail encore plus efficace sur le terrain en rassemblant les acteurs chargés de mettre en œuvre la politique de sécurité.
Au lendemain de l'assassinat du jeune Nahel, abattu à bout portant d'une balle tirée en plein thorax par un fonctionnaire de police dans l'exercice de ses fonctions, le propagandiste néonazi Jean Messiha lançait, aidé par des médias en totale dérive morale et antirépublicaine, une cagnotte en ligne afin de récompenser l'assassin, dont le geste létal a été salué par tout ce que la droite de notre pays compte de suprémacistes, de néonazis et de racistes. En quelques jours à peine, cette cagnotte de la honte a recueilli plus de 1,6 million d'euros, alors que celle du boxeur Dettinger, qui n'avait pourtant réuni que quelques centaines d'euros, avait été immédiatement suspendue et confisquée au profit des plaignants.
Monsieur le ministre, nous savons bien quel ordre votre ministère zélé défend, mais il s'agit ici plus que d'une cagnotte : c'est une prime, comme en aiment les chasseurs de primes, qui gratifie et glorifie un assassin pour son crime. (Protestations.) Assumez-vous la bienveillance des autorités face à un tel procédé, qui s'apparente à un encouragement à commettre de nouveaux crimes ? Votre devoir d'exemplarité, en tant que ministre, s'accommodera-t-il de ce que ces mêmes sponsors d'assassinats racistes organisent de prochaines cagnottes pour commanditer et financer d'autres meurtres par anticipation ? Les donateurs, criminels par procuration, en sont bien sûr capables. Quelle est la limite à votre tolérance ? Auriez-vous toléré qu'une prime semblable soit organisée par des criminels pour récompenser le meurtre d'un fonctionnaire de notre pays ? Non ! Comme nous tous ici, assurément pas. Allez-vous vous résoudre à ce que tout ministre républicain devrait faire : confisquer cette honteuse cagnotte de la discorde et de l'incitation au crime, et la reverser à la seule victime qui soit encore vivante, la famille du jeune Nahel ?
(Exclamations diverses.)
Mes chers collègues, je vous invite à conserver le calme que vous avez observé jusqu'à présent. J'appelle aussi M. Coulomme à la retenue dans les termes qu'il emploie.
Monsieur Léaument, je ne vous ai même pas encore répondu que vous envoyez un tweet pour dire « Darmanin ment déjà ». Il n'est donc pas nécessaire que je le fasse : vous avez déjà la réponse avant même que je m'exprime ! C'est totalement désobligeant, très enfantin et particulièrement déplacé. Mais j'ai vu que vous aviez publié sur les réseaux sociaux, il n'y a pas si longtemps, une explication très étonnante sur la Marseillaise : il n'y a pas que les policiers qui devraient être mieux formés…
Vous devriez supprimer votre tweet, objectivement insultant et qui n'est pas à la hauteur de votre intelligence. Je suis sûr qu'en cherchant bien, nous pourrions trouver un moyen de discuter, mais puisque vous êtes manifestement contre le débat républicain et équilibré, je ne vous répondrai pas.
Nous ne sommes pas tous issus des quartiers et de l'immigration. Moi, je le suis.
Monsieur Léaument, vous n'avez pas la parole. M. le ministre va continuer de répondre à nos autres collègues.
Je n'ai jamais fait de mobilité sociologique pour me faire élire ailleurs que chez moi. J'imagine que vous avez, vous aussi, toujours habité dans votre circonscription, ce qui vous permet de bien comprendre les difficultés des quartiers.
Vous m'avez insulté avant même que je vous aie répondu publiquement.
Je vous invite donc à répondre aux autres questions. Quant à vous, monsieur Léaument, laissez M. le ministre tranquille.
Monsieur Coulomme, rien ne va dans votre intervention. Mais chacun est évidemment libre de s'exprimer, et puisque vous avez eu la gentillesse de ne pas publier de tweet pour m'insulter avant que je réagisse à vos propos, je vous réponds bien volontiers.
Je ne suis pas certain que vous soyez le procureur de la République ou le juge d'instruction chargé de qualifier ce qui s'est passé à Nanterre. On peut être choqué, on peut se poser de graves questions, on peut penser que l'intervention policière ou les lois votées ne vont pas dans le bon sens, mais en qualifiant d'assassinat raciste le geste du policier de Nanterre, vous portez un jugement avant que l'affaire ait été jugée. Certes, j'ai moi-même considéré qu'il existait des indices graves et concordants semblant montrer que l'intervention du policier, d'ailleurs mis en examen et placé en détention provisoire, n'était conforme ni au droit ni à la déontologie. Cependant, en le condamnant par avance, sans aucune forme de procès, vous rappelez des périodes de l'histoire qui ne se caractérisent pas par le respect des principes démocratiques. Je suis certain que vous êtes un homme de bien mais, quand on veut apaiser la situation et regarder les choses avec honnêteté, on ne peut pas utiliser les termes que vous avez employés et qui me paraissent tout à fait contraires au minimum d'État de droit que nous attendons.
Vous faites par ailleurs une comparaison étonnante entre ce policier, que vous qualifiez d'assassin, et M. Dettinger, que vous décrivez comme un simple boxeur. En réalité, ce dernier attaquait des policiers : chacun a pu le voir, dans des vidéos, violenter sur les ponts de la Seine des pères et mères de famille qui faisaient leur travail. Votre intervention est donc très partiale : vous n'êtes manifestement pas contre toutes les violences, mais uniquement contre celles venant d'un camp particulier. Ce boxeur n'est pas, comme dans les romans de Jack London, quelqu'un qui voudrait juste travailler pour gagner son steak : il est un agresseur dont les agissements n'ont rien à voir avec la boxe, mais tout à voir avec la délinquance. Vous auriez au moins pu le qualifier comme tel.
Enfin, comme je l'ai déjà expliqué deux fois dans l'hémicycle, ce n'est pas le ministre de l'intérieur qui peut interdire des cagnogttes. Si vous voulez voter une loi pour donner plus de pouvoirs au ministre de l'intérieur, je trouverai que c'est une démarche originale pour des députés de La France insoumise, mais pourquoi pas ? En l'état actuel, une telle décision relève de la justice, et c'est un tribunal judiciaire qui a interdit et saisi l'autre cagnotte que vous avez évoquée. Je ne suis pas juge et, contrairement à vous, je n'ai pas envie de le devenir – je n'ai pas raté ma vocation. De même que la Première ministre, j'ai déjà eu l'occasion de dire ce que je pensais de cette cagnotte. Du reste, la justice a été saisie : laissez-la faire son travail, dans le cadre des lois de la République !
Je ne peux donc pas partager vos propos, que je trouve très excessifs, pour ne pas dire contraires au droit, s'agissant de la qualification du geste du policier – un geste que nous pouvons tous trouver choquant, comme je me suis permis de le dire moi-même. Cela n'atténue en rien le drame qu'a vécu la famille du jeune Nahel.
Monsieur Terlier, je connais votre attachement à la police nationale et à votre circonscription. Les effectifs de police à Castres sont passés de soixante-sept en 2016 à soixante-seize en 2022. Certes, il manque toujours des policiers dans les commissariats – j'attends le moment où un élu m'enverra une lettre pour déplorer un trop grand nombre de policiers et me conseillera d'en réaffecter dans d'autres communes ! – mais en l'occurrence, ce qui manque, ce sont des officiers de police judiciaire.
Or je ne peux pas en envoyer de force dans des commissariats. Je peux ouvrir des postes, mais pas garantir qu'ils soient pourvus. Les seuls policiers auxquels je peux imposer une affectation sont ceux qui sortent de l'école. Or justement, 60 % des effectifs des promotions ont réussi la première partie du « bloc OPJ », dans le cadre de la réforme que vous avez votée. Je vais donc pouvoir envoyer la toute première promotion de ces OPJ sortant d'école dans des commissariats. Ainsi, j'affecterai sept gardiens de la paix à la police judiciaire de Marseille, ce qu'aucun ministre de l'intérieur n'a jamais pu faire jusqu'à présent.
En outre, il manque structurellement 5 000 OPJ en France : on en compte environ 17 000, sur 22 000 souhaités. Il s'agit en effet d'un concours difficile, lequel nécessite une préparation qui n'est pas évidente lorsqu'on est père ou mère de famille – peut-être faudrait-il accompagner davantage les policiers ayant envie de passer ce concours. Par ailleurs, les enquêtes sont plus complexes et s'accompagnent d'une paperasserie qui décourage parfois les OPJ. Enfin, il est arrivé que ces derniers soient chargés d'autre chose que des enquêtes. Lorsque je suis arrivé au ministère de l'intérieur, j'en ai trouvé dans les renseignements territoriaux ; or les OPJ sont faits pour accomplir un travail de police judiciaire !
Aussi la réforme de la police nationale, très décriée mais en bonne voie, permettra-t-elle d'améliorer l'ensemble de la chaîne d'investigation et, je l'espère, de renforcer considérablement le rôle des OPJ. Alors que les gardiens de la paix choisissant de devenir OPJ avaient jadis moins de possibilités d'avancement que les autres, nous organisons désormais des avancements profilés. La question des horaires et du manque de reconnaissance doit trouver une réponse financière. La prime d'OPJ a ainsi été portée à 1 500 euros annuels : cela reste insuffisant, mais c'est une forte augmentation.
Viendra donc le moment où le ministre de l'intérieur pourra affecter beaucoup plus directement des OPJ dans des commissariats – je parle des prochains ministres, puisque la grandeur de la politique fait que l'on construit des choses qui sont inaugurées par d'autres.
Monsieur Ménagé, je me suis rendu à Montargis avant votre élection, et je reviendrai bien volontiers dans votre beau département du Loiret que je connais un peu. Effectivement, les commerces de votre ville ont été touchés par les émeutes dans des circonstances inacceptables. Les policiers du commissariat de Montargis, au vu de leur nombre, étaient bien incapables de faire face à une telle violence et je tiens à les remercier pour leur travail, qui a été difficile.
Sans vouloir engager une bataille de chiffres, je tiens à compléter ceux que vous avez donnés. Les effectifs du commissariat de Montargis sont passés de soixante-quinze en 2017 à soixante-huit au 1er septembre 2023 : une baisse de sept policiers, ce qui est important, mais très loin des chiffres que vous avez évoqués. Cependant, à Orléans, dans le même département donc, le nombre de gardiens de la paix est passé de 285 à 306. Je ne fais pas de micromanagement : il appartient à la préfète de répartir les effectifs de police comme elle l'entend dans son département. La seule consigne que je donne est qu'il ne doit pas y avoir en France de commissariat comptant moins de policiers qu'il y a cinq ans. À cet égard, la situation de Montargis pose donc problème et il faudra augmenter les effectifs.
Par ailleurs, les circonscriptions de police plus petites, comme Montargis, pâtissent d'un manque d'attractivité. Le problème est le même que pour les OPJ : j'ouvre des postes, mais je ne peux forcer personne à les occuper. Je ne peux qu'envoyer des policiers sortis d'école, et c'est ce que nous allons faire dans un certain nombre de commissariats – je vous anonce que ce sera le cas à Montargis – mais ce n'est pas non plus une solution définitive. En effet, il n'est jamais bon qu'un commissariat compte trop de jeunes gardiens de la paix : il faut des brigadiers, des gradés qui les encadrent. En outre, si leur affectation est considérée comme une punition, les policiers ont envie de partir.
Tout n'est pas de la faute du ministère de l'intérieur, même si ce dernier peut évidemment améliorer un certain nombre de choses. Les collectivités ont aussi un rôle à jouer. Lorsque j'étais maire de Tourcoing, j'offrais aux fonctionnaires de police la gratuité de la cantine pour leurs enfants, une solution de garde quoi qu'il arrive, et je m'arrangeais avec mon office HLM pour proposer un logement aux jeunes policiers qui débutaient. Il conviendrait peut-être d'élaborer collectivement une stratégie de ressources humaines en ce sens.
Bref j'ai bien conscience d'un manque d'effectifs à Montargis – pas à la hauteur de ce que vous évoquez, mais sans doute votre souhait de me voir visiter votre circonscription vous a-t-il poussé à dramatiser la situation.
Monsieur Kerbrat, j'ai moi-même publié l'excellent rapport Vigouroux : vous pouvez le consulter en ce moment même sur le site internet du ministère de l'intérieur. Vous avez parlé de racisme de la police. Or M. Vigouroux écrit noir sur blanc qu'il n'y a pas de racisme systémique dans l'institution policière – c'est dommage de ne pas le dire – mais que certains policiers et gendarmes commettent parfois des actes racistes ou homophobes absolument inacceptables. Le rapport ajoute qu'il y a parfois du racisme au sein même des forces de l'ordre.
Très bien. Dans ce cas, je ne vous réponds plus.
Monsieur Ciotti, je ne dispose pas de renseignements particuliers permettant de prédire que l'on tirera demain sur des policiers à la kalachnikov. Aucune note de renseignement n'évoque cette menace, mais chacun peut avoir cette prescience.
On dénombre peu de policiers ou gendarmes visés et tués précisément en tant que tels, si l'on met de côté les opérations antiterroristes que vous connaissez. Il existe quelques rares exceptions, très choquantes. Je pense notamment à ce policier d'Avignon tué alors qu'il était en civil : l'enquête dira s'il avait été reconnu comme appartenant aux forces de l'ordre ou s'il avait été pris pour un membre d'une bande concurrente. Quoi qu'il en soit, les violences commises contre des policiers et des gendarmes avec une arme à feu ne sont pas généralisées, mais les faits commencent à montrer qu'elles sont en augmentation.
À ma connaissance, l'utilisation d'armes de guerre de type kalachnikov contre des policiers ou des gendarmes ne fait heureusement pas partie du quotidien des forces de l'ordre, parce que le code pénal prévoit dans ces circonstances des peines extrêmement fortes. Nous devons y veiller et redire que nous mobiliserons des moyens considérables pour retrouver quiconque touche un policier ou un gendarme.
C'est ce que nous avons fait pour tous les membres des forces de l'ordre blessés pendant les émeutes : la police judiciaire a été systématiquement sollicitée, ce qui nous a permis de retrouver beaucoup de personnes ayant attaqué, parfois dans des conditions très nébuleuses, des policiers ou des gendarmes. Le pire incident est sans doute celui de Marseille, où deux policiers ont été molestés et laissés pour morts : en dépit des difficultés, les auteurs de ces violences ont été retrouvés. Nous mobilisons donc des moyens de police judiciaire très importants, les meilleurs enquêteurs et les moyens technologiques les plus sophistiqués pour retrouver les coupables et les présenter à la justice avec des preuves indiscutables. Nous espérons alors les voir condamnés à quinze, vingt, vingt-cinq ou trente ans de prison, et nous constatons d'ailleurs que l'autorité judiciaire va dans ce sens. Toucher un policier ou un gendarme, c'est permettre à la société de se déliter entièrement. Tant que nous agissons de la sorte, nous pouvons espérer que le scénario noir du tir à l'arme de guerre contre des policiers ne se réalise pas.
Quand on lutte contre le trafic de drogue et les points de deal, on ne vide pas la mer à la petite cuillère, mais on empêche les organisations criminelles de s'organiser militairement. Regardez ce qui se passe en Belgique et aux Pays-Bas, où les gouvernements précédents ont fermé les yeux : les trafiquants de drogue ont pu se faire de l'argent, corrompre des agents publics, acquérir des moyens technologiques ainsi que des armes de guerre, et développer une organisation paramilitaire capable de défier la police nationale. En luttant contre les points de deal, nous ne parviendrons évidemment pas à éradiquer totalement le trafic de drogue, mais plus nous porterons des coups contre ces organisations criminelles, moins ces dernières auront d'argent, et moins elles seront susceptibles de corrompre fonctionnaires et magistrats ou de kidnapper des enfants. Je pense ici au ministre belge de la justice, qui a vécu sous protection policière, ainsi qu'au roi et à la reine des Pays-Bas, qui ont reçu des menaces contre leur fille. Je sais que vous partagez mon opinion.
Monsieur Pont, je comprends votre étonnement et votre question s'agissant de l'événement survenu à Boulogne-sur-Mer – vous m'avez d'ailleurs interpellé ce matin. J'ai demandé au préfet du Pas-de-Calais et au préfet de la zone de défense et de sécurité de se rendre sur place pour communiquer sur les faits et déclarer que nous prendrions en compte cette situation inacceptable. J'ai par ailleurs déployé aujourd'hui une unité de force mobile à Boulogne-sur-Mer et sur la Côte d'Opale pour que cela ne se reproduise plus.
Les services de renseignement voient dans cet événement le signe d'une nouvelle originalité des passeurs. Nous surveillons tellement la côte que nous avons divisé par quinze le nombre de migrants restant dans le Nord ou le Pas-de-Calais dans l'espoir de traverser la Manche, mais les passeurs utilisent désormais d'autres moyens, notamment des bateaux-taxis, pour exploiter la faiblesse des migrants dans le cadre de leur triste commerce. Nous avons vu ce matin une nouveauté que nous devons combattre.
Nous allons donc mettre en œuvre de nombreux moyens pour éviter de telles situations. J'ai demandé au préfet, que j'ai eu tout à l'heure au téléphone, de s'en occuper personnellement séance tenante.
Monsieur Rebeyrotte, les conseils locaux ou intercommunaux de sécurité et de prévention de la délinquance, et plus généralement les réunions avec les élus, sont essentiels. Ils fonctionnent très bien lorsqu'ils associent la police, les élus, notamment les maires, et la justice, notamment les procureurs de la République. Le garde des sceaux a adressé à ces derniers une instruction très importante, leur demandant d'assister désormais aux assemblées des maires. Ce n'était jamais le cas lorsque j'étais maire, mais je constate avec satisfaction que cela se fait de plus en plus. Oui, il faut relancer davantage ce type d'instances – j'ai l'impression que c'est fait, mais il convient sans doute d'insister.
Nous devons aussi comprendre ce qui s'est passé pendant les émeutes et pourquoi nous n'avons pas vu arriver les choses, ce qui est objectivement très difficile : un retour d'expérience serait donc utile. Les maires de tous bords politiques nous ont dit qu'ils avaient été très étonnés par les événements, que la médiation ne fonctionnait pas toujours comme ils l'imaginaient, et que la carte des événements ne correspondait pas à ce qu'ils considéraient comme des quartiers plutôt calmes ou plus compliqués.
Quoi qu'il en soit, vous avez tout à fait raison : les outils de concertation auxquels vous aviez consacré un excellent rapport méritent d'être davantage utilisés. C'est ce que je rappellerai aux nouveaux préfets que je rencontrerai demain – vous savez qu'un important mouvement préfectoral vient d'avoir lieu.
La séance est levée à 19 heures 25.
Membres présents ou excusés
Présents. - Mme Caroline Abadie, M. Erwan Balanant, M. Ian Boucard, Mme Blandine Brocard, Mme Émilie Chandler, Mme Clara Chassaniol, M. Éric Ciotti, M. Jean-François Coulomme, M. Yoann Gillet, Mme Marie Guévenoux, M. Benjamin Haddad, M. Sacha Houlié, Mme Élodie Jacquier-Laforge, M. Andy Kerbrat, M. Gilles Le Gendre, M. Antoine Léaument, Mme Marie Lebec, M. Didier Lemaire, M. Emmanuel Mandon, M. Thomas Ménagé, M. Éric Pauget, M. Jean-Pierre Pont, M. Thomas Portes, M. Philippe Pradal, M. Rémy Rebeyrotte, Mme Sandra Regol, Mme Béatrice Roullaud, M. Thomas Rudigoz, M. Raphaël Schellenberger, Mme Andrée Taurinya, M. Jean Terlier, Mme Cécile Untermaier, M. Roger Vicot
Excusés. - M. Philippe Dunoyer, M. Mansour Kamardine, Mme Marietta Karamanli, Mme Emeline K/Bidi, M. Maxime Laisney, Mme Naïma Moutchou, M. Aurélien Pradié
Assistaient également à la réunion. - M. Pierre Cordier, Mme Martine Etienne, M. Emmanuel Fernandes, Mme Gisèle Lelouis, M. Paul Molac, M. Pierre Morel-À-L'Huissier, M. Jean-Philippe Nilor