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Intervention de Gérald Darmanin

Réunion du mercredi 19 juillet 2023 à 17h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Gérald Darmanin, ministre :

Très bien. Dans ce cas, je ne vous réponds plus.

Monsieur Ciotti, je ne dispose pas de renseignements particuliers permettant de prédire que l'on tirera demain sur des policiers à la kalachnikov. Aucune note de renseignement n'évoque cette menace, mais chacun peut avoir cette prescience.

On dénombre peu de policiers ou gendarmes visés et tués précisément en tant que tels, si l'on met de côté les opérations antiterroristes que vous connaissez. Il existe quelques rares exceptions, très choquantes. Je pense notamment à ce policier d'Avignon tué alors qu'il était en civil : l'enquête dira s'il avait été reconnu comme appartenant aux forces de l'ordre ou s'il avait été pris pour un membre d'une bande concurrente. Quoi qu'il en soit, les violences commises contre des policiers et des gendarmes avec une arme à feu ne sont pas généralisées, mais les faits commencent à montrer qu'elles sont en augmentation.

À ma connaissance, l'utilisation d'armes de guerre de type kalachnikov contre des policiers ou des gendarmes ne fait heureusement pas partie du quotidien des forces de l'ordre, parce que le code pénal prévoit dans ces circonstances des peines extrêmement fortes. Nous devons y veiller et redire que nous mobiliserons des moyens considérables pour retrouver quiconque touche un policier ou un gendarme.

C'est ce que nous avons fait pour tous les membres des forces de l'ordre blessés pendant les émeutes : la police judiciaire a été systématiquement sollicitée, ce qui nous a permis de retrouver beaucoup de personnes ayant attaqué, parfois dans des conditions très nébuleuses, des policiers ou des gendarmes. Le pire incident est sans doute celui de Marseille, où deux policiers ont été molestés et laissés pour morts : en dépit des difficultés, les auteurs de ces violences ont été retrouvés. Nous mobilisons donc des moyens de police judiciaire très importants, les meilleurs enquêteurs et les moyens technologiques les plus sophistiqués pour retrouver les coupables et les présenter à la justice avec des preuves indiscutables. Nous espérons alors les voir condamnés à quinze, vingt, vingt-cinq ou trente ans de prison, et nous constatons d'ailleurs que l'autorité judiciaire va dans ce sens. Toucher un policier ou un gendarme, c'est permettre à la société de se déliter entièrement. Tant que nous agissons de la sorte, nous pouvons espérer que le scénario noir du tir à l'arme de guerre contre des policiers ne se réalise pas.

Quand on lutte contre le trafic de drogue et les points de deal, on ne vide pas la mer à la petite cuillère, mais on empêche les organisations criminelles de s'organiser militairement. Regardez ce qui se passe en Belgique et aux Pays-Bas, où les gouvernements précédents ont fermé les yeux : les trafiquants de drogue ont pu se faire de l'argent, corrompre des agents publics, acquérir des moyens technologiques ainsi que des armes de guerre, et développer une organisation paramilitaire capable de défier la police nationale. En luttant contre les points de deal, nous ne parviendrons évidemment pas à éradiquer totalement le trafic de drogue, mais plus nous porterons des coups contre ces organisations criminelles, moins ces dernières auront d'argent, et moins elles seront susceptibles de corrompre fonctionnaires et magistrats ou de kidnapper des enfants. Je pense ici au ministre belge de la justice, qui a vécu sous protection policière, ainsi qu'au roi et à la reine des Pays-Bas, qui ont reçu des menaces contre leur fille. Je sais que vous partagez mon opinion.

Monsieur Pont, je comprends votre étonnement et votre question s'agissant de l'événement survenu à Boulogne-sur-Mer – vous m'avez d'ailleurs interpellé ce matin. J'ai demandé au préfet du Pas-de-Calais et au préfet de la zone de défense et de sécurité de se rendre sur place pour communiquer sur les faits et déclarer que nous prendrions en compte cette situation inacceptable. J'ai par ailleurs déployé aujourd'hui une unité de force mobile à Boulogne-sur-Mer et sur la Côte d'Opale pour que cela ne se reproduise plus.

Les services de renseignement voient dans cet événement le signe d'une nouvelle originalité des passeurs. Nous surveillons tellement la côte que nous avons divisé par quinze le nombre de migrants restant dans le Nord ou le Pas-de-Calais dans l'espoir de traverser la Manche, mais les passeurs utilisent désormais d'autres moyens, notamment des bateaux-taxis, pour exploiter la faiblesse des migrants dans le cadre de leur triste commerce. Nous avons vu ce matin une nouveauté que nous devons combattre.

Nous allons donc mettre en œuvre de nombreux moyens pour éviter de telles situations. J'ai demandé au préfet, que j'ai eu tout à l'heure au téléphone, de s'en occuper personnellement séance tenante.

Monsieur Rebeyrotte, les conseils locaux ou intercommunaux de sécurité et de prévention de la délinquance, et plus généralement les réunions avec les élus, sont essentiels. Ils fonctionnent très bien lorsqu'ils associent la police, les élus, notamment les maires, et la justice, notamment les procureurs de la République. Le garde des sceaux a adressé à ces derniers une instruction très importante, leur demandant d'assister désormais aux assemblées des maires. Ce n'était jamais le cas lorsque j'étais maire, mais je constate avec satisfaction que cela se fait de plus en plus. Oui, il faut relancer davantage ce type d'instances – j'ai l'impression que c'est fait, mais il convient sans doute d'insister.

Nous devons aussi comprendre ce qui s'est passé pendant les émeutes et pourquoi nous n'avons pas vu arriver les choses, ce qui est objectivement très difficile : un retour d'expérience serait donc utile. Les maires de tous bords politiques nous ont dit qu'ils avaient été très étonnés par les événements, que la médiation ne fonctionnait pas toujours comme ils l'imaginaient, et que la carte des événements ne correspondait pas à ce qu'ils considéraient comme des quartiers plutôt calmes ou plus compliqués.

Quoi qu'il en soit, vous avez tout à fait raison : les outils de concertation auxquels vous aviez consacré un excellent rapport méritent d'être davantage utilisés. C'est ce que je rappellerai aux nouveaux préfets que je rencontrerai demain – vous savez qu'un important mouvement préfectoral vient d'avoir lieu.

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