Je tiens à saluer une fois encore l'action des élus, notamment des maires, des policiers, des gendarmes, des sapeurs-pompiers et des policiers municipaux qui, durant la semaine du 27 juin au 4 juillet, ont connu plusieurs nuits d'émeutes et d'actes de délinquance très graves. Une fois de plus, ils ont démontré qu'ils étaient – le mot n'est pas trop fort – des héros du quotidien de la République, en protégeant nos concitoyens, le bien public et les biens privés. Entre le 27 juin et le 4 juillet, 850 policiers, gendarmes, sapeurs-pompiers ou policiers municipaux ont été blessés, parfois grièvement. Ce sont eux qui ont permis à l'État de tenir bon face au désordre et de rétablir l'ordre public, merci de l'avoir souligné monsieur le président, aussi rapidement que possible.
Les violences ont démarré après le drame survenu à Nanterre le 27 juin, avec le décès d'un jeune homme lors d'une action de police menée par deux motards de la direction de l'ordre public et de la circulation, dépendant de la police des Hauts-de-Seine. Dès le début, la transparence a été totale à propos de ce drame, tant dans mes expressions publiques que dans celles de la Première ministre et, bien évidemment, dans le travail de la justice, qui a été saisie très rapidement. Le policier en cause a été immédiatement entendu, puis placé en garde à vue pendant quarante-huit heures, avant d'être mis en examen et placé en détention provisoire. L'Inspection générale de la police nationale (IGPN) a été saisie par les services de la justice – d'abord par le procureur de la République, puis par les juges d'instruction.
La mort de ce jeune homme a suscité chez nombre de nos concitoyens une émotion très forte et légitime. La perte de la vie d'un homme, singulièrement d'un adolescent de 17 ans, est toujours un drame. Quel lien y a-t-il, cependant, entre ce drame et les violences très fortes qui l'ont suivi ? Quel lien entre la mort de ce jeune homme et l'attaque de 90 établissements scolaires, dont certains ont été totalement détruits, de 103 mairies, de 180 commissariats, casernes de gendarmerie, brigades de sapeurs-pompiers ou bureaux de police municipale ? Quel lien entre la mort d'un jeune homme et les menaces et agressions physiques, parfois très graves, qui ont touché vingt-sept élus dont, comme vous l'avez rappelé, le maire de L'Haÿ-les-Roses, ainsi que ceux de Charleville-Mézières et de Pontoise et bien d'autres encore, auxquels nous apportons tout notre soutien ? Rien ne peut justifier ces violences destructrices et spectaculaires, parfois particulièrement belliqueuses envers les institutions et nos forces de sécurité, sans parler des milliers de commerces pillés ou détruits.
Ces attaques ont principalement visé des services publics, un peu partout sur le territoire national, sans distinction de quartiers ou de communes. Beaucoup ont été touchés, aussi bien dans des centres urbains très importants que dans des communes plus rurales qui ne connaissaient jusqu'à présent pas de violences urbaines particulières – là où nous avons, d'habitude, d'autant plus besoin de la République.
Étant élu de ces quartiers populaires, je sais, comme beaucoup d'entre vous, que les auteurs de ces désordres, ces quelques dizaines de milliers de personnes dont le nombre est très difficile à évaluer, ne représentent évidemment pas l'immense majorité des habitants des quartiers populaires, notamment des plus jeunes d'entre eux, qui veulent vivre au sein de notre République et y être protégés dans leur épanouissement personnel, leurs études ou leur vie professionnelle – comme tous les Français qui, je le sais, condamnent ces violences, et qui en sont d'ailleurs les principales victimes, eux qui n'ont parfois pas pu sortir de chez eux pendant plusieurs nuits et ont vu brûler leurs médiathèques, leurs écoles, leurs mairies, leurs postes de police, leurs commerces et leurs bureaux de poste.
Dès le début de cet épisode de violence, nous avons pris, à la demande du Président de la République, des mesures d'une grande fermeté, pleinement proportionnées aux difficultés que nous avons connues. Tout cela s'est fait sans recourir à aucun article de la Constitution prévoyant un état d'urgence ou d'exception, ni prendre de mesures de restriction des libertés, et en laissant l'autorité judiciaire faire son travail sans la moindre restriction et avec les moyens de droit commun mis à disposition du ministre de l'intérieur et des préfets de la République.
Le jour de ce drame, nous attendions évidemment quelques réactions au cours des manifestations qui étaient annoncées. Nous nous préparions à une soirée ou à une nuit d'ordre public où nous devrions encadrer ces manifestations, éventuellement spontanées ou « sauvages », c'est-à-dire non déclarées en préfecture. Nous nous sommes aperçus dès la première nuit qu'il ne s'agissait pas de manifestations, mais d'actes de délinquance et donc que le dispositif d'ordre public n'était pas le plus adapté, car ce sont deux choses différentes que de faire face à des violences urbaines et à des manifestations, même spontanées. Après cette première nuit donc, il y a eu un changement de posture du ministère de l'intérieur pour passer à la lutte contre ces violences urbaines, dont rien ne laissait prévoir les proportions, et contre ces actes de délinquance.
Dès le lendemain, donc, j'ai décidé de déployer 45 000 policiers et gendarmes sur l'ensemble du territoire national, avec le soutien, selon leurs zones de compétence, d'unités d'intervention spécialisées – le Raid (recherche assistance intervention dissuasion), la BRI (brigade de recherche et d'intervention) et le GIGN (Groupe d'intervention de la gendarmerie nationale) – et de moyens spécialisés, comme les hélicoptères de la gendarmerie nationale – dont un tiers ont volé et non pas 100 %, comme je l'entends parfois dire –, de drones, dont vous avez autorisé l'utilisation, mesdames et messieurs les parlementaires, et de véhicules blindés, appartenant à la gendarmerie nationale et autorisés par la Première ministre, dont relève ce dispositif, sur proposition du ministre de l'intérieur.
La consigne donnée était l'interpellation systématique de toute personne commettant des actes de délinquance. Les moyens inédits déployés ont été à la fois dissuasifs et efficaces. Au bout de quatre jours, les émeutes urbaines, que certains ont comparées aux épisodes survenus en 2005 – qui avaient néanmoins duré bien plus longtemps et avaien donné lieu à la proclamation de l'état d'urgence – ont cédé la place à un calme relatif, puis désormais total : deux week-ends sont en effet passés, dont les fêtes des 13 et 14 juillet, pour lesquelles certains prédisaient un match retour.
Les instructions de très grande fermeté données ont donc permis, avec les moyens exceptionnels déployés, de réaliser un nombre important d'interpellations : 988 dans la nuit du 29 au 30 juin, 1 999 dans la nuit du 30 juin au 1er juillet et 781 dans la nuit du 1er au 2 juillet. En tout, près de 3 800 personnes ont été interpellées et, ainsi, retirées des rues et empêchées de nuire et de s'en prendre aux bâtiments publics ou aux personnes. M. le ministre de la justice est à votre disposition pour évoquer les suites pénales réservées à ces interpellations, qui ont été, comme on l'a vu, fortes et fermes, ce qui est d'autant plus remarquable qu'un tiers des personnes interpellées sont des mineurs, que leur moyenne d'âge, tout confondu, est entre 17 et 18 ans et que plus de la moitié ne sont connus d'aucun service de police ou de justice. Je tiens à souligner le travail accompli par le ministère de la justice, avec la circulaire de M. le garde des sceaux et les décisions prises par l'autorité judiciaire, qui non seulement ont contribué à renforcer le travail des policiers et des gendarmes, lesquels ont pu mener dans l'urgence un travail d'investigation complexe, mais qui ont également permis de condamner sévèrement des individus qui s'en prenaient aux personnes ou aux biens.
Compte tenu du rôle joué dans cette crise, à la différence de celle de 2005, par les réseaux sociaux, le ministre en charge du numérique et moi-même avons reçu, à la demande du Président de la République et de la Première ministre, les représentants en France des principaux réseaux sociaux, à qui nous avons demandé de se montrer particulièrement réactifs pour le retrait des contenus signalés en lien avec des actes de violence, conformément à la loi. Nous avons également pu compter sur la coopération des grands sites de vente en ligne pour retirer les objets incendiaires de leur catalogue – on sait le rôle qu'ont joué les mortiers d'artifice pendant ces émeutes urbaines.
La plateforme Pharos de la police judiciaire (plateforme d'harmonisation, d'analyse, de recoupement et d'orientation des signalements) a par ailleurs été très mobilisée, avec 2 032 signalements de contenus illicites pris en compte, ce qui a contribué à lancer des centaines de procédures judiciaires et à identifier de nombreux auteurs d'infractions, qui sont encore aujourd'hui en cours d'interpellation.
Ces différents facteurs, joints au fait que la police judiciaire a été associée dès le début aux atteintes aux personnes et aux biens, ont permis de faire intervenir la police technique et scientifique dès le début de chaque affaire, plutôt que de commencer classiquement par un travail d'officier de police judiciaire (OPJ) de commissariat ou de gendarmerie. Avec le concours de la police judiciaire, 345 interpellations ont ainsi été réalisées postérieurement aux émeutes et une très grande partie des méfaits constatés ont vu au moins l'un de leurs auteurs traduit devant la justice grâce à l'exploitation de la vidéoprotection, particulièrement efficace dans cette période. La différence est, du reste, sensible entre les communes qui avaient installé des caméras de vidéoprotection et celles qui ne l'avaient pas fait.
Permettez-moi de remercier une fois encore les élus, et particulièrement les maires qui, pour accompagner la réponse de l'État, ont mobilisé toutes leurs ressources, notamment leurs polices municipales, dont les membres ont payé un lourd tribut face aux difficultés, aux agressions et aux insultes, ainsi qu'aux menaces reçues hors de leur service. Ayant été maire et connaissant la police municipale, je sais que ce n'est pas de gaieté de cœur qu'un maire rappelle ses agents en congés et fait travailler avec le ministère de l'intérieur une police dont ce n'est pas le quotidien. Sans les polices municipales, nous aurions eu plus de difficultés à rétablir l'ordre public dans les temps records que vous avez évoqués, monsieur le président.
Dès la fin de ces violences urbaines, le Gouvernement s'est employé très rapidement, sous l'autorité du Président de la République, à penser le temps d'après, en prenant des mesures d'accompagnement des collectivités territoriales, notamment pour la réparation des caméras de vidéoprotection, attaquées en premier lieu et de façon coordonnée par les émeutiers. Vingt millions d'euros seront ainsi dégagés dès cette année pour réparer les 1 000 caméras de vidéoprotection détruites ou attaquées.
À plus long terme, la réponse ne pourra évidemment pas se situer seulement sur le terrain de la sécurité. Quand des adolescents de 11 ou 12 ans attaquent au mortier des policiers, pillent des magasins – accompagné parfois de leurs parents – ou mettent le feu à une école, ce n'est pas la police ou la gendarmerie qui peuvent répondre, mais l'ensemble de la société.
Depuis le 6 juillet, nous avons donné instruction aux préfets, en lien avec l'autorité judiciaire et, pour les douanes, le ministre des comptes publics, Gabriel Attal, de multiplier les contrôles de véhicules dans les départements frontaliers, afin de prévenir les importations d'articles pyrotechniques désignés sous le nom de mortiers et destinés à un usage illégal. Entre le 6 et le 15 juillet, plus de 160 000 saisies ont été opérées sur tout le territoire national et l'usage d'artifices contre les forces de sécurité intérieure et les bâtiments publics a diminué de 60 % pour les 13 et 14 juillet, dont les soirées ont paradoxalement été relativement calmes, à quelques exceptions près : le nombre d'incendies de véhicules a ainsi diminué de 21 % et celui des blessés parmi les forces de sécurité et chez les pompiers de 74 %. Dans le même temps, nous avons procédé à 252 interpellations de personnes qui pouvaient s'en prendre aux bâtiments publics ou aux personnes.
Pour répondre directement à votre question, monsieur le président, il est évident que les conséquences du Beauvau de la sécurité commencent à se voir en termes financiers. L'année prochaine sera en effet la première année budgétaire où elles se concrétiseront. Mais certaines dispositions ont été prises en amont, comme la construction systématique de stands de tir pour les forces de l'ordre : en effet, le manque actuel empêche souvent les policiers et gendarmes d'exécuter leurs trois séances annuelles réglementaires de tir – seulement 60 % d'entre eux les accomplissent.
Nous avons également porté de huit à douze mois la durée de la formation, comme nous l'avions annoncé, avec par exemple une augmentation de 100 % des cours sur les techniques d'interpellation. Les policiers ou gendarmes qui sont en train de subir cette nouvelle formation et sortiront à partir de cette année illustreront les changements dus au Beauvau de la sécurité.
Les caméras-piétons équipent l'intégralité de la police nationale et de la gendarmerie nationale, dans les conditions que vous connaissez. Dans le cas du drame de Nanterre, il est apparu que les motards ne pouvaient pas les porter, du fait de leur équipement de protection. C'est une bévue que de ne pas l'avoir vu auparavant et j'ai donné instruction au directeur général de la police nationale et au préfet de police d'y remédier d'ici à la fin de l'année.