Concernant l'amélioration du continuum de sécurité évoqué par M. Rudigoz, le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 20 mai 2021 relative à la loi pour une sécurité globale préservant les libertés, a déclaré contraire à la Constitution l'article autorisant, à titre expérimental, les agents des polices municipales à exercer des attributions de police judiciaire, au motif qu'ils ne sont pas sous l'autorité du procureur de la République, contrairement aux policiers et aux gendarmes – car, quoi que fasse le ministère de l'intérieur pour les recruter ou les équiper, ces derniers agissent toujours sous l'autorité du procureur de la République, même pour un contrôle d'identité. Un tel renforcement de la coopération entre la police, la gendarmerie et la police municipale suppose donc soit de modifier la Constitution, ce qui peut sembler excessif, soit que les maires acceptent de mettre leurs agents à la disposition du procureur de la République, ce qu'ils ne me semblent pas du tout prêts à faire.
Si nous voulons améliorer le continuum de sécurité, nous sommes donc allés au bout de ce que nous pouvions faire juridiquement. Le Conseil constitutionnel a été très clair, alors que nous en étions restés à une expérimentation limitée et encadrée.
La coordination entre la police nationale et la gendarmerie nationale est l'illustration de ce que nous essayons de faire. Les zones de compétence de la police et de la gendarmerie n'existent que dans la tête des policiers, des gendarmes et des préfets. Certes, en application du code général des collectivités territoriales, la police est plutôt compétente dans les zones où la population dépasse 20 000 habitants mais, d'une part, il existe des exceptions, notamment en outre-mer, et d'autre part, il n'y a pas de délimitation précise puisqu'il existe un droit de poursuite au-delà des frontières de la zone.
De plus, ces zones sont à proscrire pour atteindre les buts de sécurité que fixe le préfet sous l'autorité du ministre de l'intérieur. Les policiers peuvent aller en zone gendarmerie et vice-versa. Comme cela n'avait rien d'évident, j'ai mis en place des Corat (coordinations opérationnelles renforcées dans les agglomérations et les territoires) afin que les préfets répartissent les policiers et les gendarmes en fonction des besoins. Si l'envoi des uns dans la zone des autres arrive en général rarement, cela s'est produit quotidiennement pendant ces quatre jours. Si nous avons pu tenir le terrain, c'est parce que nous avons demandé aux PSIG (pelotons de surveillance et d'intervention de la gendarmerie) d'aller dans les villes, notamment celles qui ne pouvaient pas avoir d'unités mobiles. Ils y ont accompli un travail formidable.
Nous avons également demandé à des gendarmes de brigades territoriales soit de remplacer leurs collègues policiers dans des circonscriptions de police où il n'y avait pas d'émeutes, afin que ces derniers puissent venir en renfort dans d'autres zones police, soit d'y aller eux-mêmes directement. Cela s'est fait sans difficulté car 80 % des interventions des gendarmes mobiles se font déjà quotidiennement en zone police. Quand une méthode de travail fonctionne bien, nous devons la généraliser. Rien n'empêche un policier de se rendre dans une gendarmerie, et réciproquement. Ce sont des barrières mentales qu'il nous faut lever.
Je préfère de loin que l'on travaille en ce sens plutôt que d'imaginer un nouveau découpage des zones police et gendarmerie – comme le demandent parfois certains élus, qui souhaitent changer de catégorie, en particulier parce qu'il est plus facile de piloter l'affectation des gendarmes que des policiers. Il me semble préférable de ne pas payer de nouveaux locaux et faire déménager des familles et d'expliquer aux policiers et aux gendarmes qu'ils travaillent ensemble sous l'autorité du préfet. Nous tirerons des conclusions très opérationnelles des retours d'expérience qui seront faits. Les préfets qui n'ont pas utilisé leur Corat dès le premier jour sont ceux qui ont rencontré le plus de difficultés. Constatant cela, j'ai demandé à tous les préfets de recourir au Corat et cela s'est mieux passé le deuxième jour.
Je ne peux pas répondre à tous les aspects de la question de M. Gillet. Sur les 3 800 personnes interpellées, un tiers sont des mineurs. Entre le début et la fin des émeutes, le profil des interpellés a un peu évolué : l'âge moyen est passé de 17 ans à environ 18 ans, avec principalement des atteintes aux services publics et aux personnes au début, puis du pillage de commerces à la fin. De plus, 10 % des personnes interpellées n'étaient pas de nationalité française, ce qui veut donc dire que 90 % d'entre eux étaient des Français ; le ministre de l'intérieur n'a aucun droit ni aucun moyen de connaître le nombre de binationaux impliqués. Enfin, 60 % d'entre eux n'étaient pas connus des services de police. C'est le contraire de la délinquance habituelle, qui est plutôt le fait de gens connus des forces de l'ordre.
Pour ma part, monsieur le député, je n'ai jamais eu la volonté d'établir des statistiques ethniques : un Français est un Français, quels que soient son origine ou le nombre de ses grands-parents qui n'étaient pas français. Si nous le faisions, nous entrerions dans une République qui n'est pas la mienne, et qui, je l'espère, n'est pas non plus celle d'un grand nombre d'entre vous.
Contrairement à vous, monsieur Gillet, j'ai eu accès, en tant que ministre de l'intérieur, à l'intégralité des dossiers d'interpellation et je peux vous affirmer, comme je l'ai fait devant la commission des lois du Sénat, qu'il serait faux de dire que 100 % des émeutiers et des délinquants étaient étrangers, ou, pour reprendre votre malheureuse rhétorique, d'origine étrangère. Il y en a une grande partie, mais pas 100 %. La presse, qui s'est intéressée à cette question, ne m'a d'ailleurs pas contredit. Vous avez tort de vouloir calquer votre idéologie sur la réalité car on ne peut que vous démentir. Il existe une grande diversité dans les profils des personnes interpellées. Il est des moments où la caricature et la mauvaise foi doivent céder le pas à la réalité, qui devrait guider les représentants du peuple lorsqu'ils prennent la parole.
Je ferai par ailleurs observer à M. Nilor, avec tout le respect que je lui porte, qu'il observe le même cheminement en tirant des conclusions de trois cas, certes insupportables – tout en précisant que le dernier policier, même s'il existe des indices graves et concordants, est toujours présumé innocent. On ne peut pas plus prétendre qu'il y a un racisme systémique dans la police nationale – ce serait d'ailleurs une insulte faite aux nombreux Antillais qui en font partie – qu'on ne peut affirmer que tous les étrangers sont des délinquants au motif que certains commettent des actes de délinquance : il faut arrêter de systématiser, dans un sens comme dans l'autre. Je rappelle du reste que nombre d'étrangers sont intervenus pour protéger des gens, pendant cette période. Je salue ainsi les deux personnes étrangères qui ont aidé un buraliste à sauver sa marchandise.
Pour éviter que ce discours ne répande un sentiment nauséabond parmi nos concitoyens, j'ai demandé au Président de la République, et c'est une première, de mobiliser les ministères de l'enseignement supérieur et de la recherche, de la justice et de l'intérieur, afin que l'intégralité des documents des procédures judiciaires soient confiés à des chercheurs – des observateurs éloignés des ministères et non des fonctionnaires – pour étudier les profils des émeutiers et nous aider à les comprendre.
Nous devons également comprendre la géographie des émeutes. Certains quartiers réputés « chauds » n'ont connu aucun débordement, tandis que d'autres, pourtant très calmes, ont subi des violences importantes. La facilité n'est pas bonne conseillère. Compter le nombre de grands-parents français ou non rappelle des souvenirs peu positifs. Certes, il peut exister des défauts dans l'éducation, l'intégration, le logement, l'urbanisme ou la sécurité, mais la délinquance ne se résume pas à un prénom !
Monsieur Pauget, le métier des polices municipales n'est pas de faire du maintien de l'ordre. En revanche, elles peuvent participer à un certain nombre d'actions à la demande du préfet. Ce dernier pourrait même recourir à la réquisition. Cela étant, je ne l'ai pas proposé, pas même à Lyon, où l'attitude du maire nous a beaucoup choqués puisqu'il est le seul à avoir retiré les policiers municipaux de la voie publique, tout en réclamant des unités de CRS, que nous avons évidemment envoyées.
Les policiers municipaux peuvent en revanche aider, par exemple en regardant les images des caméras de vidéoprotection, en tenant les postes, en procédant à des interpellations dans le cadre non pas du maintien de l'ordre public mais de la lutte contre la délinquance. Nous n'avons pas utilisé les polices municipales le premier jour parce que nous pensions avoir affaire à des manifestations spontanées. Ayant constaté que nous étions face à des émeutes et à des actes de délinquance, donc des violences urbaines, nous pouvions les faire intervenir, toujours sous l'autorité du préfet. Certains maires ont dit au préfet que leur police n'était pas armée ou formée à cela : ils ont pu tenir d'autres postes, libérant des agents de la police nationale pour d'autres tâches, ce qui nous a beaucoup aidés. D'autres maires, à l'inverse, disposaient d'une police formée et même parfois équipée pour les violences urbaines.
Il est possible que, dans l'urgence – rappelons que quelque 380 communes ont été touchées – certains actes non conformes au droit aient été commis. Il faudra les analyser afin de renforcer nos procédures. L'une des difficultés que j'ai pu constater concerne le réassort en munitions des polices municipales, qui ont beaucoup utilisé leurs LBD (lanceurs de balles de défense) dès la première nuit. Un décret en Conseil d'État limite en effet le nombre de munitions par arme dont dispose chaque police municipale. Les maires m'ont dit qu'il était absurde d'avoir à en réclamer de nouvelles après seulement une nuit d'émeutes. Nous avons donc porté à 100 le nombre de munitions autorisées, pour améliorer le travail des polices municipales.
Par ailleurs, nous récompensons les personnels mobilisés. J'ai déjà remis des médailles de la sécurité intérieure à des policiers nationaux et municipaux, des gendarmes et des sapeurs-pompiers en région parisienne et dans mon département du Nord, et je continuerai à le faire dans d'autres territoires. À chaque fois, je demande que des policiers municipaux fassent partie des personnes concernées. N'hésitez pas à me communiquer des noms : le ministère de l'intérieur saura distinguer ces policiers municipaux courageux.
Les caméras de vidéoprotection évoquées par M. Mandon se sont montrées très efficaces à la fois pour le travail de la police nationale et de la gendarmerie dans la lutte contre l'insécurité et les émeutes, pour lever le doute en cas de risque de piège tendu par exemple aux sapeurs-pompiers, ainsi que pour la résolution judiciaire des infractions. Je demanderai un retour d'expérience pour analyser les différences constatées entre les lieux qui disposaient de caméras en nombre et ceux qui n'en avaient pas beaucoup. En tout cas, la première chose qu'ont faite les émeutiers a été de casser les caméras de vidéoprotection : c'est bien qu'elles sont efficaces ! J'ai remarqué d'ailleurs que certains parlementaires de La France insoumise en réclamaient. Il est dommage que les paroles publiques ne soient pas en accord avec les courriers que je reçois pour demander des subventions en ce sens.
Monsieur Vicot, le Royaume-Uni a une autre façon de gérer sa police. J'entends ce que vous dites, mais ce pays a aussi adopté une loi spécifique sur l'écologie radicale afin d'autoriser des interpellations préventives, avant même les manifestations. J'attends que vous fassiez une proposition en ce sens… Par ailleurs, son modèle, qui présente des avantages et des inconvénients, est calqué sur le modèle américain, qui repose sur une police fédérale. Nous pouvons toujours discuter de ce qu'il y a de bon à prendre chez eux, mais je ne pense pas que la solution britannique soit la panacée.
Concernant la mission d'évaluation de la loi de 2017, ce n'est pas à moi de me prononcer sur ce que doit faire le Parlement. Je suis toujours favorable à l'évaluation. Si vous le souhaitez, je viendrai bien volontiers et tous les services seront à votre disposition. Toutefois, ce discours ne manque pas de m'étonner : en l'occurrence, le policier n'a manifestement pas respecté la loi de 2017. C'est l'Inspection générale qui, in fine, donnera ses conclusions mais j'ai le droit, en tant qu'employeur, de constater que la vidéo du drame, qui m'a choqué, montre des faits qui, de l'avis des personnes que j'ai consultées, ne sont pas conformes au droit.
Quand quelqu'un ne respecte pas la loi, quel est l'intérêt de modifier celle-ci ? Si quelqu'un roule à 180 kilomètres par heure alors que la vitesse est limitée à 130, pensez-vous qu'abaisser la limite à 120 l'empêchera de le faire ? Il peut être souhaitable d'évaluer la loi de 2017, au bout de cinq ou six ans d'application, pour vérifier si elle est claire et si elle permet aux gendarmes et aux policiers d'intervenir dans de bonnes conditions. Mais, dans ce cas précis, il semble que ce policier n'a pas respecté le droit et qu'une modification législative n'y aurait pas changé grand-chose. Quoi qu'il en soit, je suis à la disposition du Parlement pour une évaluation.
Mme Regol a évoqué les différences entre gendarmerie et police en termes de tirs. À ce propos, le chef de l'inspection générale de la gendarmerie nationale part à la retraite dans quelques jours et sera remplacé par un magistrat. J'aurai ainsi tenu ma promesse du Beauvau de la sécurité, sachant qu'une magistrate est également, depuis un an, à la tête de l'IGPN, ce qui n'a jamais existé auparavant dans aucune des deux institutions.
La police et la gendarmerie n'interviennent pas tout à fait dans les mêmes zones de délinquance. Même si les refus d'obtempérer se produisent partout, on ne peut pas sérieusement affirmer que policiers et gendarmes connaissent les mêmes types de délinquance. De plus, ils ne reçoivent pas la même formation – j'ai bien entendu ce qu'a dit le chef de l'inspection générale de la gendarmerie à ce sujet.
Ce week-end, il y a eu deux refus d'obtempérer en zone gendarmerie, entraînant des tirs administratifs de la gendarmerie nationale. À Pleine-Fougères, en Ille-et-Vilaine, les gendarmes ont utilisé leur arme sur un véhicule qui a démarré à la vue de la patrouille. Le binôme du militaire visé a fait usage de son arme à cinq reprises en direction des pneus du véhicule, lequel est parvenu à s'échapper. Il n'y a pas eu de blessé chez les gendarmes et le résultat des tirs est inconnu ; une enquête judiciaire est en cours pour déterminer ce qui s'est passé. À Bandrélé, à Mayotte, un militaire de la gendarmerie nationale a fait usage de son arme de service à un poste de contrôle routier, visant la portière du véhicule. La conséquence du tir est inconnue, un militaire a été blessé. Je constate donc que, ce week-end, il n'y a pas eu de tirs de la police nationale sur des véhicules mais qu'il y en a eu de la gendarmerie nationale ; à quelques centimètres ou secondes près, ces tirs auraient pu causer un drame similaire.
S'agissant des caméras embarquées, monsieur Lemaire, la loi autorise leur installation dans les véhicules non pas pour surveiller les gendarmes et les policiers mais l'extérieur, ce qui permet de pallier, le cas échéant, l'absence de caméras de vidéoprotection dans les lieux où ils interviennent. C'est vrai aussi pour les pompiers : cela nous aiderait fortement pour lutter contre les attaques. Je suis donc très favorable à la généralisation des caméras embarquées, comme cela existe dans certaines polices anglo-saxonnes où les vidéos sont à la disposition de la justice, mais parfois aussi mises en ligne sur leurs sites – c'est le cas pour la police de Los Angeles me semble-t-il.
Concernant l'équipement des agents lors des opérations de maintien de l'ordre, nous avons décidé, depuis le mouvement des gilets jaunes, de généraliser les tenues ignifugées pour éviter que ne se reproduise le drame de Viry-Châtillon, où des policiers avaient été grièvement brûlés. Désormais, pratiquement tous les agents portent une tenue ignifugée dans les manifestations où les cocktails Molotov sont très présents. Cela a évité au pauvre policier que nous avons tous vu s'enflammer lors de la manifestation du 1er Mai de mourir, et a limité ses brûlures. Outre les tenues ignifugées, nous sommes en train d'équiper les forces en tenues de maintien de l'ordre. Cela coûte 20 000 euros par unité, et nous faisons avec les moyens que le Parlement nous consent. À votre bon cœur, donc, puisque les discussions budgétaires vont bientôt commencer !
Pour finir de répondre à Mme Regol, à ma connaissance, le policier de 38 ans qui a tiré était expérimenté, comme son équipier de 40 ans. Son dossier ne comportait aucune mention négative connue du préfet de police ou de moi-même. Il n'a jamais fait l'objet d'un avertissement ni posé une difficulté à sa hiérarchie. Ancien militaire, il a été décoré sous mes prédécesseurs. Je n'ai donc rien à lui reprocher avant les actes en cause, dont il répondra devant la justice.
S'agissant de la doctrine d'intervention abordée par M. Morel-À-L'Huissier, il faudra faire un retour d'expérience de ce qui s'est passé. Ce qui est sûr, c'est que l'utilisation du Raid, de la BRI, du GIGN, voire des PSIG a permis de rétablir le calme, face à des gens dont chacun a pu constater qu'ils étaient très violents et très jeunes, ce qui a fait de chaque intervention un drame.
À ma connaissance, moins de quinze enquêtes ont été diligentées par l'IGPN et par l'IGGN sur les interventions menées pendant les émeutes. Toutes doivent être prises au sérieux et la justice fera son travail. Chacun conviendra cependant que, à l'aune des 3 800 interpellations réalisées pendant quatre nuits d'émeutes, les policiers et les gendarmes ont fait preuve, dans l'immense majorité des cas et compte tenu de l'extrême violence à laquelle ils ont été confrontés, d'un grand sang-froid et d'un grand professionnalisme.
Nous pouvons tirer quelques conclusions de l'utilisation du Raid, du GIGN, de la BRI et des PSIG par l'administration, à la main du ministre de l'intérieur et des préfets, s'agissant d'unités d'élite conçues soit pour lutter contre le terrorisme et la grande délinquance, soit pour des missions de police judiciaire consistant à prendre en filature et à interpeller des gens qui se livrent à des actes très graves tels que des go fast. Leur présence, en raison notamment de leur matériel et de leur formation, inspire le respect dès leur arrivée sur un territoire donné. Peut-être permettrait-elle de mettre définitivement un terme à certains actes de délinquance commis dans certains de nos quartiers, que la police du quotidien combat avec des moyens qui ne sont pas à la hauteur des gens très organisés que nous avons en face de nous.
La police de proximité, justement, fait l'objet d'un débat depuis très longtemps – la police plus encore que la gendarmerie, car elles n'ont pas tout à fait affaire à la même délinquance. Le problème n'est pas que consigne serait donnée de ne pas faire de proximité ! Tous les élus, au premier rang desquels l'ancien maire que je suis, se réjouissent que les policiers circulent à pied, saluent les commerçants et discutent avec les gens du quartier.
Le problème est que la police de proximité est devenue une police d'intervention, mobilisée par les attentats, les manifestations difficiles sporadiques, telles que celles des gilets jaunes, la lutte contre le trafic de drogue, dans tous les quartiers et jusque dans les petits villages, et l'explosion du nombre d'appels au 17 – les seules violences intrafamiliales suscitent 450 000 interventions par an contre presque rien il y a dix ou quinze ans, au début du débat sur la police de proximité.
Les policiers sont donc très souvent en intervention, luttant contre des actes de délinquance et affrontant des difficultés qu'ils sont les derniers à pouvoir gérer. Le temps qu'ils passent à intervenir, ils ne le passent pas à cultiver leur proximité avec la population. Distinguer deux polices serait une erreur : c'est la même qui fait de l'intervention et de la proximité.
L'augmentation des effectifs à laquelle nous procédons constitue, me semble-t-il, une réponse au problème. Il faut assez de monde, dans un commissariat, pour remplir toutes ces missions. Mais que les policiers fassent les deux – soient à la fois en contact avec la population sans motif d'intervention, et en intervention – est une très bonne chose, faute de quoi une forme de schizophrénie s'installe.
Il s'agit donc avant tout d'un problème d'effectifs : peut-être de gestion horaire, d'utilisation des unités, de mutualisation des policiers et des gendarmes, mais avant tout d'effectifs. Il ne s'agit pas d'un problème de doctrine. Personne, au ministère de l'intérieur, ne dit qu'il ne faut pas faire de proximité. Je le demande chaque jour aux policiers. Ils me répondent, comme à chacun d'entre nous lorsque nous nous rendons dans un commissariat, que, en une journée, ils ont reçu cinquante appels au 17 et ont dû démanteler deux points de deal, secourir trois dames qui se sont fait taper dessus par leur mari et interpeller deux forcenés – bref, qu'ils ont fait de l'intervention. C'est bien plus une question d'effectifs, que nous essayons d'améliorer, que de doctrine, dont nous pourrions certes débattre longuement.