La séance est ouverte à neuf heures trente.
La commission désigne un rapporteur sur le projet de loi, adopté par le Sénat après engagement de la procédure accélérée, pour le plein emploi (n° 1528).
J'ai été visé ces derniers jours par une campagne de diffamation sur la base d'allégations selon lesquelles je tirerais un bénéfice personnel de la réforme de France Travail. Cette campagne a été relayée par des parlementaires, dont certains membres de cette commission. De mon côté, comme je l'ai fait lorsque j'ai été nommé rapporteur d'un texte, j'ai saisi le déontologue de l'Assemblée nationale immédiatement après ma nomination. L'avis qu'il m'a transmis hier ne m'empêche pas d'être rapporteur sur les parties du texte sur lesquelles j'avais prévu de l'être, en coordination avec mon collègue Paul Christophe. Mais compte tenu des actions en justice que j'ai d'ores et déjà lancées et que je pourrais continuer de lancer, je souhaite pouvoir défendre ma probité et mon honneur sereinement et sans prises de position pour perturber l'examen du texte. C'est pour cette raison que j'ai décidé de renoncer à mes fonctions de rapporteur. Je me suis engagé en politique parce que je privilégierai toujours l'intérêt général à mes intérêts personnels. J'ai œuvré durant toute ma vie professionnelle pour faire progresser le travail et l'emploi et je mets aujourd'hui ce principe en application.
Cher Marc Ferracci, ce que vous venez de faire est à la hauteur de ce que l'on peut attendre d'un député. Lorsque j'ai saisi le déontologue de l'Assemblée nationale sur le sujet, il m'a semblé important de dire qu'il s'agissait ici de ce que l'on appelle, au sens du Règlement, un potentiel conflit d'intérêts, au sens de la théorie des apparences. À aucun moment il n'a été question de remettre en cause votre probité, votre intégrité ou vos compétences. Simplement, lorsqu'un intérêt privé peut paraître entrer en considération dans la préparation de textes de loi portant sur la régulation du marché du travail, il nous semblait important que l'institution que nous incarnons se protège d'elle-même comme le veulent par ailleurs les règles relatives aux conflits d'intérêts. Ce que vous avez annoncé aujourd'hui est un pas important vis-à-vis de l'exigence de nos concitoyens : celle d'une institution irréprochable, non pas que nous soyons tous parfaits ni au sens où quelque chose puisse vous être reproché, mais dans le sens où nous devons prévenir l'accusation. En l'occurrence, une accusation avait été lancée par des médias mais ce n'était pas le sujet. Comme je l'ai expliqué, il existait un potentiel risque de conflit d'intérêts, mais pas au sens d'une prise illégale d'intérêts – de cela, il n'a jamais été question. Je vous remercie pour votre geste qui vous honore et pour vos propos.
Nous vivons un moment important. Je voudrais d'abord dire à Marc Ferracci, un député dont la compétence est reconnue, et qui vient de prendre une décision extrêmement difficile, et à Arthur Delaporte que la tonalité des propos qu'il a tenus n'est pas la même que ce que j'ai pu lire dans la presse. Pardonnez-moi mais nous ne pouvons pas jeter l'honneur des personnes en pâture. Nous ne sommes ni des juristes, ni des censeurs. Je le dis avec beaucoup de gravité : attention à ce que nous faisons ! Dans toutes les familles politiques, des hommes et des femmes ont été dévastés parce qu'un acharnement s'est exercé sur eux. Ce n'est pas bien de sous-entendre que Marc Ferracci pourrait retirer un profit personnel des marchés publics à travers une entreprise à laquelle il a pu contribuer largement. C'est tout à son honneur de se déporter mais je déplore qu'alors que nous avions la chance d'avoir parmi nous quelqu'un qui connaisse aussi bien ces questions, nous devions nous priver de son expertise et de sa compétence. Cela se répercutera dans ce texte, qui est attendu par des millions de Français. Attention à ce que nous faisons ! Ne soyons pas des censeurs ou des juges ! Il y a des institutions pour cela ; l'Assemblée nationale n'est pas devenue tout d'un coup une juridiction.
Je partage cette analyse de mon collègue Philippe Vigier. Il soulève même un danger : pour écarter quelqu'un, il suffirait de glisser une information dans les médias. Vous avez certes saisi le déontologue mais ce que nous avons vu dans les médias ressemble davantage à une boule puante et à des accusations sans preuves. La justice a été saisie par Marc Ferracci et elle fera son œuvre, mais nous savons tous que cela pourra prendre un certain temps. J'aimerais attirer l'attention sur les dangers qui nous guettent si nous jouons à ce type de jeu. Je rejoins aussi Philippe Vigier lorsqu'il souligne les conséquences potentielles sur les relations familiales et les liens avec les personnes concernées. Je salue la décision de Marc Ferracci, qui est tout à son honneur et qui le grandit. Pendant plusieurs semaines, tu as animé un groupe de travail avec une vision large du sujet, et en conformité avec la volonté de coconstruction d'un texte qui répondrait aux attentes des Français, dans la logique du retour à l'emploi. Tu as préféré mettre en avant le fond du texte plutôt que la forme de l'agression et je t'en félicite. Bien évidemment, tu as tout mon soutien.
Je salue Marc Ferracci pour sa décision. J'aimerais également lui témoigner mon soutien. Même si nous ne sommes pas souvent d'accord dans cette commission, sa probité est irréprochable. Sa famille a marqué l'histoire du territoire d'où je viens : son grand-père était l'un des plus grands résistants corses, son père est connu de tous.
J'aimerais remercier Marc Ferracci pour son intervention, pour la mise à disposition de ses compétences et de son expertise au sein de cette commission et pour le travail qu'il a mené avec nous. Nous nous devons de respecter l'avis du déontologue et nous n'avons pas le droit de mettre en cause quelqu'un d'une manière aussi tordue et malhonnête et dans les médias, en lui portant préjudice à titre personnel mais aussi en tant que représentant de la nation. Nous ne sommes pas des censeurs. C'est le rôle de la justice que de prendre ces décisions. Ce genre de préjudice peut peser sur une carrière pendant plusieurs semaines, ainsi que sur le moral de manière très significative. Nous devons donc respecter les règles et nous abstenir de nous répandre dans les médias de manière inutile et abusive.
Un des nôtres, un membre important de notre groupe, a été attaqué assez lâchement. Nous saluons le courage et l'honneur dont il fait preuve en prenant cette décision. Je remercie tous les membres de cette commission qui ont témoigné leur soutien moral à Marc Ferracci. Nous devons éviter à l'avenir de répéter ce genre d'attaques sournoises. Nous ne sommes que des hommes et nous ne sommes pas insensibles à des attaques de cette nature. Nous devons respecter les règles bien entendu mais nous ne devons pas nous livrer à ce genre de dérive qui peut abîmer chacun d'entre nous et notre institution dans son ensemble. Je témoigne de notre soutien à notre collègue Marc Ferracci, je remercie les autres membres qui l'ont également soutenu, et je mets en garde l'ensemble des députés sur ce genre de dérive qui abaisse notre institution.
Je connais Marc Ferracci depuis un an et c'est un homme remarquable, sincère, engagé et courageux, comme il vient de nous le prouver avec cette décision. Je ne suis pas un vieil animal politique, je pensais qu'une certaine ère était révolue et que tous les coups n'étaient plus permis, mais nous nous apercevons du contraire, et venant d'un parti qui se voudrait donneur de leçons en permanence, c'est encore plus désolant. Nous devons prendre garde aux atteintes aux personnes au-delà des dégâts politiques et de l'image que nous renvoyons. Ce genre d'affaire peut avoir des conséquences catastrophiques pour un homme, sa famille, ses amis et son environnement, et pour nous-mêmes qui travaillons avec lui. Il est inutile d'appeler à ce que cela ne se reproduise pas – car nous sommes sûrs que cela recommencera – mais nous devons être très durs vis-à-vis de ceux qui se croient tout permis et qui se servent des médias comme d'un tribunal. Merci Marc, tu peux compter sur mon soutien.
À titre exceptionnel, je me suis absenté de la commission des affaires économiques qui examine le projet de loi relatif à l'accélération de la reconstruction et de la réfection des bâtiments dégradés ou détruits au cours des violences urbaines, et j'ai tenu à revenir pour témoigner mon soutien à Marc Ferracci. Je regrette que nous nous privions de son expertise et de ses connaissances sur l'emploi, qui sont reconnues. Je tenais à lui apporter tout mon soutien dans cette épreuve et à lui renouveler ma reconnaissance de sa compétence à ce sujet.
Marc Ferracci était conseiller de Mme Pénicaud lors de la mandature précédente. J'ai grandement apprécié ses connaissances et sa probité, dans la mesure où il défendait une politique dans l'intérêt général et ne se livrait jamais à des attaques personnelles. La politique menée actuellement par certains groupes plus que par d'autres – il faut le dire ! – relève de la lâcheté, à défaut d'arguments politiques. Nous pouvons nous lamenter mais je pense que nous devrons aller plus loin à un moment donné car il est évident que cela recommencera. Les réseaux sociaux ont bon dos. Ils ne sont que des moyens derrière lesquels se trouvent des hommes et des femmes. Il faut dire que tout cela suffit !
Merci pour tous ces messages de soutien que je partage. Je tenais aussi à dire à Marc, que je connais depuis six ans, que ses compétences, son investissement et sa loyauté sans failles ne sont absolument pas remis en cause, et encore moins sa probité, car nous savons tous que seul l'intérêt général prend dans les décisions qu'il a pu prendre en tant que député mais aussi auparavant en tant que membre du cabinet de Mme Pénicaud. Nous avons toujours échangé dans l'intérêt de notre pays. Je tenais donc à le souligner. Effectivement, nous ne sommes pas ici au tribunal. Nous sommes des députés qui essayons de légiférer dans l'intérêt de la France et certaines actions qui sont menées avec une certaine violence pour la personne concernée ne nous grandissent pas. Sachez, monsieur le député, que vous avez notre soutien unanime quoi qu'on en dise.
Puisqu'il nous faut nommer un nouveau rapporteur, j'ai été saisie de la candidature de Christine Le Nabour en tant que corapporteure aux côtés de Paul Christophe. Y a-t-il des objections à sa nomination ?
Mme Christine Le Nabour est nommée à l'unanimité.
La commission entend ensuite la communication de Mme Stéphanie Rist et M. Pierre Dharréville, rapporteurs de la mission « flash » sur les téléconsultations sur abonnement.
Nous en venons maintenant à la restitution des conclusions de la mission « flash » sur les téléconsultations sur abonnement. Face à l'arrivée massive d'offres d'abonnement liées aux téléconsultations, cette mission avait été sollicitée par la rapporteure générale, Stéphanie Rist, et par le vice-président Pierre Dharréville, l'objectif étant d'évaluer ces nouvelles offres et leurs conséquences en vue du prochain examen des textes budgétaires.
Je profite de mon intervention pour témoigner de mon soutien à Marc Ferracci et pour ajouter que chaque fois qu'un député est attaqué personnellement, tous les députés sont attaqués collectivement. La place des élus dans la population diminue à chacun des attaques personnelles que nous lançons les uns envers les autres.
J'ai le plaisir de vous restituer aujourd'hui les conclusions de notre mission « flash » portant sur les téléconsultations sur abonnement que nous avons menée avec Pierre Dharréville. C'est l'occasion pour nous de faire toute la lumière sur ces offres commerciales qui ont légitimement suscité de vives réactions ces dernières semaines. Je reviendrai rapidement sur l'objet de cette mission et sur les discussions que nous avons eues dans le cadre des auditions, qui nous ont permis d'aborder de manière transversale les enjeux soulevés par l'essor des téléconsultations.
Comme vous le savez, le nombre de téléconsultations s'est envolé ces dernières années sous l'effet de la crise sanitaire du covid-19. Nous sommes passés de 80 000 téléconsultations en médecine générale en 2019 à 13,5 millions en 2020. Malgré un recul lié à la sortie de la crise sanitaire, ce sont désormais près d'un million de téléconsultations qui sont prises en charge par l'assurance maladie chaque mois en moyenne. C'est beaucoup et peu à la fois puisque cela ne représente que 2 % des actes de médecine libérale. Pour autant, cette pratique est entrée dans les mœurs et va se pérenniser dans les années à venir, du fait du progrès technologique, d'une aspiration croissante des professionnels de santé, mais également des demandes et des besoins en santé auxquels l'offre médicale présente dans les territoires ne répond pas toujours.
Depuis septembre 2018, les téléconsultations sont, dans l'immense majorité des cas, télétransmises à l'assurance maladie avec une prise en charge par la solidarité nationale si plusieurs conditions sont respectées. Un moyen de vidéotransmission et une connexion sécurisée doivent en effet être utilisés et les principes posés par la convention médicale doivent être garantis : respect du parcours de soins coordonné, alternance de consultations et de téléconsultations, etc.
Je rappelle par ailleurs que dans le cadre de la convention entre médecins et assurance maladie, ceux-ci ne peuvent pas réaliser plus de 20 % de leur activité par téléconsultation.
Pour autant, en dehors du cadre conventionnel, il n'est pas interdit de proposer aux usagers des abonnements permettant d'accéder à un certain nombre de téléconsultations, mais elles excluent de fait une prise en charge par l'assurance maladie obligatoire.
Ainsi, depuis juillet 2022, un groupe de santé privé à but lucratif a lancé, en partenariat avec une plateforme, une offre de téléconsultations 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7 en contrepartie d'un prix forfaitaire mensuel de 11,90 euros.
Dans ce cadre, le bénéficiaire peut, sans engagement de durée, consulter un médecin, généraliste ou spécialiste ou un autre professionnel de santé – sage-femme, psychologue, etc.
Il convient de relever qu'il peut s'agir de consultations téléphoniques comme de consultations vidéo en fonction des besoins. Si ces consultations ne sont pas prises en charge par l'assurance maladie, elles peuvent donner lieu à des prescriptions médicales qui elles, le sont. En revanche, cette offre stipule qu'elles ne peuvent déboucher sur la prescription d'arrêts de travail.
Plusieurs mois après sa commercialisation, cette offre a suscité de vives réactions qui peuvent facilement s'expliquer. Tout d'abord, elle s'inscrit en dehors de la logique de parcours de soins qui est au cœur de l'organisation du système de santé, le bénéficiaire ne pouvant demander à s'adresser à un médecin en particulier. Ensuite, elle peut conduire à accentuer les inégalités d'accès aux soins, entre les individus disposant de moyens financiers leur permettant de souscrire l'abonnement et ceux qui ne le peuvent pas, d'autant plus qu'elle contribue à capter de la ressource médicale en permettant à des médecins d'exercer une activité plutôt lucrative dans n'importe quel endroit du monde.
Je souligne que la présentation de l'offre peut donner l'illusion à des patients peu avertis d'un accès illimité, à tout moment, à des professionnels de santé puisque « toutes les téléconsultations [seraient] incluses ». Or, les conditions d'utilisation prévoient un plafond à vingt téléconsultations par an, ce qui garantirait un « usage raisonnable » de l'abonnement. De plus, la souplesse offerte par ce type d'abonnement entretient une certaine confusion entre ce qui relève davantage du conseil en santé d'une part et d'un examen clinique à distance d'autre part. De plus, l'encadrement de la pratique médicale, via l'interdiction de délivrer des arrêts de travail, interroge sur l'autonomie inhérente à l'activité des médecins à laquelle nous sommes tous attachés.
C'est pour cela que dans le cadre de cette mission « flash », nous proposons que les plateformes de téléconsultation soient obligées à mieux distinguer ce qui relève du téléconseil et ce qui relève des téléconsultations.
L'offre que j'évoquais à l'instant n'est pas sans rappeler celle proposée par le secteur assuranciel et mutualiste depuis quelques années. En effet, plusieurs offres de mutuelles et assurances intègrent dans leurs garanties d'accès, l'accès à un certain nombre de téléconsultations chaque année, qui pour autant ne relèvent pas tout à fait de la même démarche. En effet, elles s'intègrent dans une panoplie de services et ne font pas nécessairement l'objet d'une souscription spécifique.
Je passe la parole à Pierre Dharréville, que je remercie pour la qualité de nos échanges et du travail que nous avons réalisé en commun.
J'ai eu plaisir à réaliser cette mission aux côtés de Stéphanie Rist et avec l'accompagnement précieux de nos administrateurs.
Le directeur général de l'entreprise concernée par cette offre nous a indiqué que 47 abonnements étaient actifs au 29 juin 2023 et que 15 abonnements avaient été résiliés depuis le lancement de l'offre. Seuls 45 appels ont été émis pour accéder à un médecin généraliste dans trois quarts des cas et à un médecin spécialiste dans un quart des cas – gynécologue et médecin du sport avant tout.
Il est apparu également que ce service permet de répondre dans 51 % des cas à des demandes en dehors des horaires d'ouverture des cabinets médicaux et d'obtenir dans 40 % des cas une prescription.
Nous pouvons parler d'un flop commercial, et personnellement je m'en réjouis, mais cette initiative ne manque pas d'interroger. Si les autres sociétés de téléconsultations que nous avons auditionnées disent ne pas commercialiser d'abonnements ni envisager de le faire, de la part d'un des plus grands leaders européens de l'hospitalisation privée et des soins primaires, l'idée d'édifier un circuit parallèle d'accès aux soins doit nous alerter. Si elle se trouve aujourd'hui en échec, il ne faut pas banaliser cette idée, a fortiori dans une période marquée par une crise profonde de l'hôpital public et par des difficultés et des inégalités dans l'accès aux soins. Nous ne pouvons pas entendre que l'on en fasse des produits de consommation et que l'on organise le contournement de l'assurance maladie. Nous devons faire grandir une culture sanitaire que tout oppose à une conception consumériste de la santé.
En ce qui concerne les offres des complémentaires santé, qui s'inscrivaient dans un autre registre, il est ressorti des auditions que les garanties proposées en matière de téléconsultations sont assez peu mobilisées en réalité car elles sont devenues relativement obsolètes. Outre la méconnaissance de ces garanties par les bénéficiaires, cette situation s'explique par le fait que les téléconsultations sont prises en charge par l'assurance maladie depuis septembre 2018.
Dans un autre registre, certaines offres de télésanté semblent présenter un certain intérêt, par exemple en matière de parentalité. Elles permettent de fournir rapidement, en contrepartie toutefois d'un tarif mensuel de 10 euros environ, des réponses personnalisées à des questions que peuvent se poser les parents via une messagerie instantanée qui permet l'envoi de messages, de photos ou de vidéos. Ces réponses sont apportées par des équipes pluridisciplinaires composées de pédiatres, de sages-femmes et d'infirmières puéricultrices. Dans un esprit de prévention et de conseil, elles viennent en complément du suivi pédiatrique classique. Pour autant, elles ne sont pas nécessairement à la portée de tous puisqu'elles sont en dehors du cadre de l'assurance maladie et la question se pose également de l'articulation entre les conseils prodigués sur ces plateformes et le médecin traitant quand il existe.
Afin d'étoffer l'offre publique accessible à chacun en matière de protection maternelle et infantile (PMI), pourquoi ne pas étudier la possibilité de mettre en place une sorte de « PMI numérique ». Il ne s'agit bien évidemment pas, dans notre esprit, de négliger l'urgence de renforcer la capacité des PMI sur l'ensemble des territoires en leur substituant une offre numérique.
Au-delà de la question des abonnements, cette mission a été l'occasion d'aborder plus largement les enjeux associés au développement des téléconsultations. Nous avons noté des avancées en cours en matière de régulation du secteur grâce à l'instauration prochainement d'un agrément ministériel pour les sociétés de téléconsultations, en application de l'article 53 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2023, et d'un référentiel de la Haute Autorité de santé. L'installation des télécabines devrait également être mieux encadrée, ce qui impliquerait de définir les lieux où leur implantation est respectivement autorisée ou interdite.
Nous devons poursuivre la réflexion sur la place de la téléconsultation en fonction du parcours de soin et des différentes spécialités, ou encore des exigences éthiques et sociales. Nous devons également poursuivre la réflexion sur ce que pourrait être la puissance numérique dans le domaine de la santé. Face à ce défi, pourquoi laisser le développement de réponses numériques – d'autant plus qu'il s'agit de prendre soin des humains – au secteur privé à but lucratif ?
Nous devons éviter les écueils de la surnumérisation constatée par ailleurs. Peut-être existe-t-il des outils utiles en matière d'aiguillage des patients ou de suivi des résidents en Ehpad. Nous avons effleuré ces questions lors de nos échanges mais cela mériterait un approfondissement.
Enfin, les offres par abonnements sont actuellement marginales. Nous n'avions pas imaginé d'ailleurs qu'elles puissent émerger. Mais si elles devaient croître, développant l'offre privée à but lucratif, cela pourrait mettre en péril notre système de santé solidaire et institutionnaliser un accès aux soins à deux vitesses. La vigilance doit d'autant plus demeurer de mise vis-à-vis du développement de ces offres payantes qu'elles sont l'une des manifestations de la financiarisation et de la marchandisation de la santé, tendant à renforcer les inégalités d'accès aux soins.
Je tiens à vous remercier au nom du groupe Renaissance pour votre travail de qualité et pour votre réactivité face à un phénomène apparu en juillet 2022 et pour nous avoir rassurés, d'une certaine manière. Avoir accès à des téléconsultations avec des médecins et professionnels de santé 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, grâce à un abonnement mensuel, c'est ce que proposait un grand groupe privé. C'est certes séduisant pour le patient mais c'est avant tout dérangeant lorsque l'on sait que nous manquons de médecins, que cette offre se situe en dehors du parcours de soins et que cela favorise une certaine inégalité d'accès aux soins. Je pointe également un risque de captivité des patients : comment garantir, en tant que gestionnaire d'une structure de soins, que les patients abonnés ne seront pas orientés en priorité vers ses propres structures et professionnels de santé ? Même si vous relativisez le succès de ces abonnements, avec seulement 47 patients actifs, vous élargissez la réflexion au modèle de la téléconsultation. Elle représentait tout de même 9,4 millions de consultations de médecine générale en 2021. Nous devons donc garantir une prise en charge de qualité et transparente pour le patient comme vous le proposez.
Vous mettez également en lumière un sujet important : le développement des messageries instantanées par les complémentaires de santé. Cela existe chez de nombreuses mutuelles, par exemple pour accompagner les jeunes parents. Le 17 mai 2023, les ministres François Braun et Jean-Christophe Combe ont lancé une feuille de route du numérique santé avec quatre axes : la prévention, la prise en charge, l'accès à la santé et le développement d'un cadre propice. Votre deuxième proposition, qui encourage la mise en place d'une protection maternelle et infantile numérique, va pleinement dans ce sens, et le groupe Renaissance ne peut que la soutenir.
Permettez-moi tout d'abord d'affirmer le soutien total de notre groupe à Marc Ferracci. Je suis jeune député mais j'ai déjà pu apprécier sa probité, son professionnalisme et sa réputation.
Depuis près d'un an, nous légiférons sur l'accès aux soins en raison de la désertification médicale, du manque de médecins ou encore des délais trop longs pour obtenir un rendez-vous chez un professionnel de santé. En 2020, la crise sanitaire avait promu la téléconsultation dans l'exercice médical. Si cette téléconsultation est une solution séduisante pour des motifs spécifiques, à un instant T et pour une situation donnée, elle ne doit pas nous résigner à pallier et pérenniser une carence installée. Les abonnements à la téléconsultation se présentent sournoisement comme un accès facile et sécurisant à l'acte médical, mais ils créeront pourtant une discrimination financière. Se pose en outre le problème de la connaissance indispensable du patient. En effet, cette demande de rendez-vous rapides est facturée environ 12 euros par mois et par patient abonné et non par famille. Où sera l'égalité de l'accès aux soins ?
Il convient aussi de s'interroger sur cette ubérisation de la santé et sur les conséquences sur l'installation déjà déficitaire de jeunes médecins et sur la désertification médicale.
Pour finir, ces pratiques remettent en cause le rôle indispensable du médecin traitant et la relation nécessaire entre les professionnels de santé référents et leurs patients dans ce parcours de soins. Ma question est donc la suivante : ne craignez-vous pas que ces abonnements, masquant une démarche commerciale aux conséquences pécuniaires discriminatoires, pénaliseront les patients en leur donnant la fausse impression d'avoir des médecins plus nombreux et disponibles à tout moment, alors qu'à terme, cela freinera les nouvelles installations ?
Tout d'abord merci pour cette mission « flash » et merci aux deux rapporteurs. L'existence de cette mission montre que le législateur a pu se saisir de l'enjeu des téléconsultations sur abonnement, reconnaissant notamment leurs dérives commerciales.
Sans surprise, ma question portera sur ce genre d'offres largement commentées : destruction de la médecine libérale, abonnement moins cher que Netflix, ubérisation de la santé, voilà ce que l'on peut entendre à ce sujet, particulièrement à la suite de l'initiative du groupe Ramsay. Ces réactions peuvent se comprendre tant cette plateforme pourrait entrer en concurrence avec le service d'accès aux soins. Ce constat est largement partagé par l'Ordre des médecins. Il ne convient pas de dire ici que la télémédecine n'aurait pas sa place, mais il faudrait souligner que ce genre d'initiatives commerciales est une fausse bonne solution. En effet, est-il logique de soustraire des médecins alors que nous en avons tant besoin ailleurs ?
Par ailleurs, cette logique d'abonnement participe d'une dynamique de consommation de la médecine, ce qui n'est pas souhaitable. De plus, ne se substituant pas à un suivi par un médecin traitant et n'étant pas pris en charge par l'assurance maladie, ce service ne doit pas remettre en cause la solidarité nationale, fondée sur la gratuité des soins, et ainsi accentuer une médecine à deux vitesses dans notre pays. Il convient donc de lutter contre tout mésusage de la télémédecine en proposant et en mettant en œuvre de nouveaux outils de régulation. C'est pour cela que je souhaiterais entendre vos propositions d'outils de régulation pour veiller à une gestion de la télémédecine afin que celle-ci puisse exister sans remettre en cause les principes de notre système de santé qui font la fierté de notre pays.
J'aimerais remercier, au nom du groupe Horizons, les rapporteurs pour leur réactivité face à une proposition qui a émergé seulement il y a quelques mois. Cela nécessitait une première évaluation de manière à en mesurer la portée immédiate et à long terme.
Nous connaissons les risques sérieux qui peuvent découler de logiques marchandes en matière de santé. L'imagination de certains peut s'engouffrer dans les interstices de notre système de santé, dont on connaît la fragilité pour développer toujours plus de profits, dans une approche totalement contraire à ses fondatrices : la solidarité et la gratuité des soins. Vous faites aussi référence dans votre rapport à la logique de parcours de soins et d'accompagnement par la médecine libérale au long cours. La multiplication des déserts médicaux et l'allongement des délais d'attente peuvent donner de l'attractivité à ce type d'offres. Merci d'avoir pu nous communiquer des chiffres qui nous font comprendre que même si elles peuvent paraître séduisantes, ces offres n'intéressent pas les Français. Néanmoins, la vigilance à laquelle vous nous appelez est nécessaire.
Cette proposition de téléconsultations par abonnement est contraire à la direction prise par le Gouvernement depuis plusieurs années et par les travaux de notre commission, puisque nous consacrons du temps à imaginer des propositions qui permettraient au contraire d'enraciner la médecine libérale de premier recours dans les territoires, plutôt que de voir ce tissu se faire détricoter par ce type d'initiative. Nous risquons effectivement d'assister à un phénomène d'ubérisation, ce que nous devons condamner. C'est la raison pour laquelle notre groupe appuie fortement vos travaux.
J'aimerais également saluer le travail des rapporteurs. Ils ont très bien montré qu'en quelques mois, nous sommes passés de quelques dizaines de milliers à plusieurs millions de téléconsultations par an. Cela s'explique par la crise sanitaire que nous avons vécue. Ce nouvel outil a été une révolution dans le monde médical. Nous devons donc composer avec son existence. Le législateur doit être vigilant car l'offre du groupe Ramsay pourrait provoquer un phénomène d'ubérisation ou l'apparition d'une médecine à deux vitesses. Nous devons absolument être réactifs face à l'apparition de telles initiatives car ces dernières ne sont pas le fruit du hasard. Nous avons du mal à renouveler la convention médicale entre l'assurance maladie et le monde libéral et ne pas bloquer ce genre d'initiatives serait un très mauvais signal envoyé aux acteurs de terrain.
J'aimerais également réagir au sujet des 20 %. Pourquoi devrions-nous nous limiter à 20 % alors que nous manquons de bras sur tous les territoires ? Si un taux doit être fixé, pourquoi ne pas le moduler en fonction des territoires ? Les besoins sur certains territoires sont plus importants que sur d'autres. Pourquoi devrions-nous appliquer le même taux pour les otorhinolaryngologistes et les psychiatres ? Certaines spécialités se prêtent mieux à la téléconsultation que d'autres. Nous manquons de psychiatres sur tous les territoires, pourquoi les limiterions-nous à 20 % ? Pourquoi les patients qui n'ont pas de médecin traitant sont-ils considérés dans le calcul des 20 % ? Ce sont autant de pistes à explorer pour l'examen du prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) et je ne manquerai pas de soumettre des propositions.
Merci pour votre travail. La formule d'abonnement mensuel proposant des téléconsultations médicales à volonté ne semble pas avoir trouvé son public. Datant de 2022, elle est passée presque inaperçue, mais depuis quelques mois, elle suscite un débat dans la communauté médicale comme chez les citoyens, en écho à la désertification médicale. Le conseil national de l'Ordre a souligné qu'il s'agissait là d'une initiative contraire à la déontologie médicale et le ministre de la santé a précisé que la médecine à deux vitesses n'était pas une solution pour l'accès à la santé. Au-delà du questionnement sur la marchandisation de la santé, l'ubérisation de la médecine, la place du médecin traitant dans le système de santé que pose ce type d'outil, il est important de se prononcer sur le risque de rupture d'égalité, de captation de la ressource médicale qu'il génère, et de la confusion entre le conseil médical et l'examen clinique à distance.
Vous suggérez des mesures pour clarifier l'offre en distinguant ce qui relève du téléconseil et des téléconsultations, rappelant les garanties incluses par les mutuelles et les assureurs. Vous notez que les offres de télésanté et les applications payantes à disposition des parents se multiplient, en lien avec la problématique de santé des enfants en bas âge. Vous proposez la mise en place d'une PMI numérique en complément des outils existants, comme les maisons « 1 000 premiers jours », qui offrent des ressources administratives et médicales et une socialisation aux futurs parents et jeunes parents. Comment envisagez-vous la régulation de cette offre numérique de PMI qui, si elle a un intérêt pour les parents isolés ou anxieux, met quelquefois en difficulté le lien entre le médecin traitant et les conseils et orientations au sein du parcours de soins ? Ces dispositifs ne risquent-ils pas d'engendrer une surconsommation de demandes de soins et d'aller à l'encontre de la pédagogie nécessaire quant à la bonne utilisation du professionnel de santé ?
Par ailleurs, à l'heure où nous manquons de médecins, ce type d'activité peut-il les mobiliser, car elle est plus lucrative que la consultation standard ? Quelles formations sont envisagées au sujet ces conseils par téléphone ou par vidéo, qui se différencient assez largement de la consultation présentielle ?
L'initiative de cette mission « flash » intervient quelques semaines après le lancement de l'offre controversée d'abonnement proposée par Ramsay Santé. L'objectif de cette mission est d'étudier et d'évaluer les conséquences de ce modèle de prestations de soins sur la santé des citoyens, l'organisation du système de santé, ainsi que ses implications financières. Ce dispositif, qui permet à un assuré de bénéficier de téléconsultations à tout moment pour 11,90 euros par mois, a fait l'objet de vigoureuses critiques de la part des médecins libéraux. Au cours des dernières années, les téléconsultations ont connu une croissance significative, offrant aux patients un accès facilité aux soins. Les difficultés vécues par les usagers et les professionnels ne doivent pas être un prétexte à la constitution d'une offre de soins payante, parallèle, qui renierait le principe de solidarité de notre système de santé. La financiarisation de la santé aggraverait les inégalités et instaurerait une médecine à deux vitesses. Par ailleurs, ne constituerait-elle pas un risque de dérive commerciale et donc une pertinence variable des actes de télémédecine, mettant ainsi en péril la santé des Français ? Enfin, cette financiarisation entraînerait automatiquement une privatisation de l'accès aux soins. Quelles seraient les mesures à mettre en place pour encadrer et contrôler ces pratiques ?
La médecine n'échappe pas à l'évolution de la société, et il est absolument naturel d'y utiliser les nouvelles technologies. Je remercie les rapporteurs pour le point effectué sur cette proposition d'abonnement aux téléconsultations. Cela répond aussi à une logique d'amélioration de l'accès aux soins dans certains cas et à une démarche de prévention, en particulier pour la parentalité. On pourrait ainsi dire, en prolongeant cet argument, que cet abonnement à la bonne santé et à la sérénité des familles serait une forme de progrès.
Néanmoins, se pose un problème d'éthique médicale. En effet, qui se trouve face au patient ? Un humain ou une machine ? Par ailleurs, la démarche de diagnostic traditionnelle par déduction sera-t-elle remplacée à terme par de l'intelligence artificielle ? Les projections pourraient permettre de trier les patients par pathologie, ce qui constitue un risque.
Je vois aussi que ces évolutions numériques de la santé et du vivant sont prises en compte par Conseil consultatif national d'éthique, à travers la création en son sein d'une division consacrée au numérique et à ses applications en matière de santé.
Merci aux rapporteurs pour avoir fait le point sur ce flop commercial et de nous ouvrir des perspectives à suivre, y compris sur le plan éthique, y compris dans cette commission.
Tout d'abord, j'aimerais exprimer mon soutien total et entier à Marc Ferracci, qui a toute ma confiance.
Je tiens à remercier les rapporteurs pour le travail mené, soulignant la conception consumériste et marchande de la santé de ce type de démarches et les dérives qu'elles peuvent entraîner. C'est pourquoi je me félicite du flop commercial que vous avez évoqué.
Ma question porte sur votre deuxième proposition, qui a aussi été commentée par d'autres avant moi, qui consisterait à évaluer la possibilité de mettre en place une PMI numérique pour répondre aux questions des parents au cours des mille premiers jours de la vie de leur enfant. C'est à la fois une opportunité tant les services de prévention et les dispositifs d'accompagnement à la parentalité sont actuellement en difficulté, et aussi un risque, dans un contexte de faibles ressources humaines. N'y a-t-il pas aussi un risque de création d'un système à deux vitesses, alors que le nombre de professionnels ne permet pas d'assurer des visites pourtant obligatoires, et qui ont vocation à s'adresser aussi aux familles les plus isolées et les plus éloignées de notre système de santé ?
L'initiative de cette mission « flash » intervient quelques semaines après le lancement de l'offre controversée d'abonnement proposée par Ramsay Santé. L'objectif de cette mission est d'étudier et d'évaluer les conséquences de ce modèle de prestations de soins sur la santé des citoyens, l'organisation du système de santé ainsi que ses implications financières. Ce dispositif, qui permet à un assuré de bénéficier de téléconsultations à tout moment pour 11,90 euros par mois, a fait l'objet de vigoureuses critiques de la part des médecins libéraux.
Le directeur général de la Caisse nationale de l'assurance maladie a également émis des réserves sur cette offre devant la commission des affaires sociales du Sénat le 14 juin. Il a rappelé qu'un tel dispositif n'était, en tout état de cause, ni financé, ni remboursé par l'assurance maladie. Il a estimé qu'il ne répondait pas aux principes d'un système de santé et d'une assurance maladie solidaires.
Par ailleurs, le conseil national de l'Ordre des médecins s'est dit fermement opposé à cette offre, qui constitue une initiative contraire à la déontologie médicale. Ce type d'abonnement fait de la médecine un commerce, et déconsidère la profession.
Au cours des dernières années, les téléconsultations ont connu une croissance significative, offrant aux patients un accès facilité aux soins. Les difficultés vécues par les usagers et les professionnels ne doivent pas être aujourd'hui un prétexte à la constitution d'une offre de soins payante, parallèle, qui viendrait renier la solidarité de notre système de santé, aggraverait les inégalités, et verrait l'installation d'une médecine à deux vitesses. Par ailleurs, ne constituerait-elle pas un risque de dérive commerciale et donc une pertinence variable des actes de télémédecine, mettant ainsi en péril la santé des Français ?
Je vous remercie tout d'abord pour vos propos sympathiques à l'égard de notre travail. Je constate que vous êtes assez largement opposés à ce type de démarche. C'est d'ailleurs ce qui avait conduit le bureau de la commission à proposer une mission « flash ». Nous devons envoyer un signal clair : nous ne souhaitons pas que des offres de ce type se développent. J'appelle même à ce qu'elles cessent purement et simplement. Il me semble que les conditions sont réunies pour que cet appel soit lancé.
Nous pouvons nous interroger quant à la finalité du développement de cette offre et nous perdre en conjectures. Des risques et des hypothèses ont été émis par certains d'entre vous, comme par exemple, comme on peut déjà le voir par ailleurs, le risque d'orienter la patientèle vers d'autres types de services. Ce risque existe aussi avec les centres de santé non programmés par exemple. Nous devons être très vigilants de ce point de vue-là.
Concernant la différenciation entre ce qui relève du conseil et de la consultation, il me semble effectivement que nous ne devons pas laisser de place à la confusion, et simultanément que le conseil fait partie du travail quotidien des médecins. En tout cas, pour ce type d'offre, une clarification de la nature de la proposition semble nécessaire.
Notre proposition vise aussi à doter la puissance publique de davantage d'outils face à ce type de démarches. Une nouvelle fois, nous ne remettons pas en cause l'action des PMI, qui a certainement besoin d'être encore développée sur certains territoires. Notre proposition n'est absolument pas antinomique, nous ne la voyons que comme un complément à l'existant.
Isabelle Valentin craignait un risque de privatisation de l'accès aux soins. Bien entendu, je souscris à ses propos. Quant aux mesures que nous pourrons prendre, le phénomène semble marginal et il semblerait dont peut-être exorbitant de prendre des mesures, mais si ce type d'offre venait à se multiplier, nous devrions examiner nos options en la matière.
Didier Martin évoquait le risque que le médecin ne soit remplacé par une intelligence artificielle. Cela fait écho à mon propos lorsque je rappelais que les êtres humains sont au centre des problématiques de soins. J'ai pour ma part évoqué un risque de surnumérisation de la réponse sanitaire. Nous avons vu dans d'autres domaines que le développement du numérique a pu perturber certaines réponses publiques. Cela mérite certainement une réflexion plus approfondie et je ne m'aventurerai donc pas plus loin aujourd'hui. Comment la téléconsultation peut-elle s'intégrer à l'écosystème de la réponse sanitaire ?
Notre collègue Paul-André Colombani a émis tout à l'heure une proposition consistant à moduler le taux de 20 % en fonction des spécialités. Nous pourrions effectivement approfondir ces questions mais nous devons aussi fixer des limites. Nous voyons bien les intérêts suscités par le télétravail en dehors du champ de la santé, mais aussi les risques qu'il représente. Nous pouvons aussi considérer les besoins de ressources médicales physiques. Certaines mesures ont été prises pour faire en sorte d'éviter une raréfaction de la ressource médicale en contact direct avec les patients, dont nul parmi nous ne remettra en cause la nécessité. Nous devons donc être très vigilants face au développement de ce type d'offre. Je pointais le développement de téléconsultations avec cabines. Nous aurons à nous pencher sur ce sujet lors de l'examen du prochain PLFSS afin notamment d'éviter les dérives de consumérisme et de marchandisation évoquées par certains d'entre vous, qui peuvent aussi être alimentées par ce type d'outils.
La puissance publique est également libre de considérer que ce type d'outils n'aurait pas vocation à être opérés par des acteurs à but lucratif. Je pense que ce type de question mérite d'être posé. Ne pourrions-nous pas faire un meilleur usage de certains outils de régulation ?
Bien entendu, dans la mesure où il s'agissait d'une mission « flash », nous nous sommes concentrés sur la question qui nous était posée, y compris dans nos conclusions, mais notre travail peut déboucher sur des réflexions beaucoup plus vastes.
Je terminerai en disant qu'à mon sens, nous devons être vigilants à l'égard de toute tentative de marchandisation de la santé. La marchandisation est déjà présente, cette offre nouvelle ne l'a pas introduite. La logique de financiarisation et de rentabilité est elle aussi bien présente. De même pour le risque d'ubérisation, y compris du travail et des métiers de la santé. Ce serait là un phénomène très préoccupant.
Nous sommes unanimement préoccupés par la préservation des valeurs fondamentales de notre sécurité sociale : garantir un accès aux soins à chacun, en téléconsultation ou non.
À travers vos questions sur la logique consumériste, et également au cours des auditions, deux thèmes importants ressortent. S'agissant d'une mission « flash », nous n'avons réalisé qu'une quinzaine d'auditions sur une courte période.
La première notion qui en est ressortie est celle de la distinction entre téléconseil et téléconsultation. D'ailleurs, au début de l'audition de l'acteur à l'origine de cette offre, il était question de téléconseil, puis le terme de téléconsultation est apparu avec une vidéo pour 15 à 20 % des participants à cet abonnement. Nous avons également identifié certaines initiatives intéressantes axées uniquement sur le téléconseil, et qui peuvent jouer un rôle en matière de prévention. Il s'agirait de définir dans la loi les types de prestations qui auraient vocation à être prises en charge par l'assurance obligatoire ou le cas échéant complémentaire.
La seconde notion importante est la différence entre la demande de soins et les besoins de soins. Le terme d'anxiété a d'ailleurs été employé au cours des auditions : ce type d'offre par abonnement tend à répondre à l'anxiété des patients. C'est ce qui nous a été décrit. Nous devons aussi tenir compte de l'anxiété des Français au sujet de leur santé mais sans oublier de distinguer la demande de soins – qui se rapprocherait de la consommation, sachant que la consommation n'est pas forcément mauvaise – et le besoin de soins, qui est plus indispensable et pour lequel un engagement de la sécurité sociale plus important peut être envisagé.
Nous avons également rappelé dans notre rapport que ces formules d'abonnement existaient déjà depuis un certain temps au sein de contrats de mutuelle. C'était une innovation à l'époque où les téléconsultations n'étaient pas remboursées. Les assureurs proposaient donc à leurs adhérents des contrats plus élaborés qui leur donnaient accès, moyennant un surcoût, à des téléconsultations.
Finalement, à partir du moment où les téléconsultations sont accessibles et remboursées, pourquoi aller payer plus pour le même service ? Cette affaire, c'est donc actuellement « beaucoup de bruit pour rien ».
Je rejoins Paul-André Colombani dans son interrogation sur la pertinence des 20 %. Tout d'abord, il convient de souligner que l'assurance maladie n'a pas les moyens de contrôler que les médecins ne consacrent pas plus de 20 % de leur temps médical aux téléconsultations. Il est d'ailleurs probable, d'après ce que nous avons entendu au cours des auditions, que la pratique se situe en deçà des 20 % en moyenne. Tous les médecins n'ont pas communiqué de contrat à l'Ordre des médecins. Quoi qu'il en soit, il me semble important d'insister sur le fait que l'exercice en présentiel doit rester majoritaire. Peut-être un taux de téléconsultations différencié par spécialité pourrait être introduit. Nous devrons en discuter.
Je ne voudrais pas que l'on interprète les conclusions de cette mission « flash » en considérant que les téléconsultations seraient sans intérêt. Des indicateurs de suivi des téléconsultations ont été créés. Ils visent à déterminer si les téléconsultations se déroulent dans des zones déficitaires en médecins – et en l'occurrence, l'indicateur en question progresse – et à évaluer la proportion de médecins traitants parmi les téléconsultations – et en l'occurrence, 70 % des téléconsultations en médecine générale sont opérées par les médecins traitants. Nous pourrions imaginer un travail plus approfondi dont la finalité serait de mieux réguler les téléconsultations sans en nier l'intérêt, y compris pour les professionnels de santé.
Je remercie les rapporteurs pour la qualité de leur travail, réalisé dans un délai très contraint, et les commissaires pour leurs interventions et leurs questions pertinentes.
Enfin, la commission entend la communication de MM. Didier Le Gac et Hadrien Clouet, rapporteurs de la mission « flash » sur la représentativité des organisations patronales.
Nous poursuivons nos travaux avec la mission « flash » sur la représentativité des organisations patronales. Pour ce sujet important et sensible, nous avons souhaité, au sein du bureau de la commission, qu'une mission puisse être conduite en écho à la demande récurrente de certaines organisations patronales qui regrettent le mode de calcul qui régit leur droit à participer aux négociations professionnelles.
Depuis 2008, la loi permet aux pouvoirs publics d'intervenir dans la manière dont est déterminée la représentativité des organisations professionnelles. Les mesures actuelles concernant plus particulièrement le patronat sont issues de la loi du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels, qui a parachevé un processus de négociation qui avait été engagé entre les trois organisations patronales préalablement jugées représentatives. La représentativité des organisations patronales est donc organisée par le droit, qui définit les conditions requises pour qu'une organisation puisse négocier ou participer à des instances de décisions au nom d'employeurs ou au nom d'entreprises. Mais estimer la représentativité d'organisations patronales est en soi est un geste éminemment controversé, tant le monde patronal est lui-même divisé et nous apparaît extrêmement hétérogène.
En effet, une des questions initiales de notre mission consistait à nous demander si les « patrons des patrons » ressemblaient effectivement aux « patrons », ce qui n'a rien d'évident mais qui est extrêmement important pour pouvoir juger de la reconnaissance des organisations patronales. Cette question est très complexe dans la mesure où il n'existe aucune définition juridique de ce qu'est un patron. Par exemple, les autoentrepreneurs doivent-ils être considérés comme des patrons ? Cette question est cruciale pour déterminer le socle des entreprises susceptibles d'être représentées. Il existe à cet égard un désaccord très net entre organisations patronales, le Medef étant assez logiquement très défavorable, tant l'entrée de ces « nouveaux patrons » dans la représentativité remettrait en cause des positions acquises. Inversement, la CPME revendique de représenter tous ceux qui prendraient un risque économique en créant une entreprise, qu'ils soient ou non employeurs. À titre personnel, j'y suis également favorable. Il est évident que les organisations patronales actuelles représentent un miroir déformant du monde patronal : plus on monte dans leurs organismes de direction, plus les grandes entreprises, les plus fortunées, celles qui engendrent le plus de revenus et qui disposent des ressources les plus diplômées sont surreprésentées. Cette représentation souffre par ailleurs d'un caractère largement monopoliste car il n'est pas rare, dans la majorité des branches professionnelles, qu'une seule organisation patronale supplante toutes les autres et représente à elle seule plus de la moitié des salariés.
Dans ce contexte, les organisations patronales souffrent également d'une désaffection tout aussi prononcée que celle des syndicats salariés. À peine 12 % des dirigeants d'entreprises adhèrent à une organisation patronale. Nous rappellerons d'ailleurs que les organisations patronales délivrent des prestations de services avant même que de représenter leurs adhérents et la désaffection est donc encore plus notable.
Le sujet des adhésions a été abordé de multiples fois au cours de nos auditions. Que signifie, pour un chef d'entreprise, le fait d'adhérer à une organisation patronale ? Cette relation nous est apparue comme consumériste, l'objet étant de pouvoir bénéficier de services offerts par l'organisation patronale. Derrière ces adhésions se trouve parfois une vision de la société mais ce n'est pas forcément ce qui prime dans la relation entre l'individu et l'organisation. Une telle logique rompt dès lors avec la participation syndicale puisque chez les syndicats de salariés, l'adhésion revêt un caractère politique et idéologique plus fort.
Surtout, et c'est sans doute la différence majeure par rapport aux organisations patronales, un salarié sait lorsqu'il est adhérent d'une organisation syndicale, ce qui est loin d'être le cas pour les organisations patronales. Le sociologue Michel Offerlé nous a par exemple rappelé une anecdote tout à fait éclairante : lorsque Laurence Parisot siégeait au conseil exécutif du Medef, elle ignorait que son entreprise, l'Ifop, était adhérente au Medef ! Ce type d'exemple est assez récurrent et découle d'adhésions en cascade. Les liens d'adhésion sont généralement méconnus, ce qui peut alimenter un certain discrédit sur la mesure de l'audience patronale. C'est pourquoi nous recommandons d'instaurer un système d'adhésion plus transparent et plus fiable.
A fortiori, il nous a été rappelé lors des auditions qu'une entreprise pouvait adhérer à plusieurs organisations de sa branche. Un salarié peut aussi adhérer à plusieurs organisations syndicales même si c'est tout à fait exceptionnel en pratique. Certaines fédérations patronales sont elles-mêmes parfois bi voire tri-adhérentes à des organisations interprofessionnelles. Ce phénomène de multi-adhésion est difficile à estimer mais d'après le rapport Combrexelle de 2013, environ 25 % des entreprises adhèrent à une organisation patronale et appartiennent à différentes fédérations. Dans ce contexte, les commissaires aux comptes jouent un rôle particulier. Ils sont chargés de vérifier la bonne adhésion des entreprises membres. Cette adhésion se matérialise par le seul paiement d'une cotisation. Cela peut nous interpeller. Il ne s'agit pas de remettre en cause la probité des professionnels qui exercent cette vérification mais de bien souligner qu'ils ne font que contrôler le paiement effectif d'une cotisation et non pas la connaissance par les employeurs de la fédération à laquelle ils adhèrent. Dès lors, ils ont comme tâche de surveiller que le mandat de paiement est effectif, que la personne a bien un lien financier vis-à-vis de son organisation d'appartenance, mais sans pouvoir juger du sentiment éclairé de l'employeur.
À partir de la notion de représentativité dont mon collègue a montré toute la complexité à l'instant, il était nécessaire de fixer un cadre permettant de déterminer quelles organisations pouvaient y prétendre.
Depuis les lois de 2014 et de 2016 mises en œuvre pour la première fois à l'occasion de la mesure d'audience de 2017, les organisations patronales représentatives doivent remplir un certain nombre de critères liés à leur nature et aux entreprises qui y adhèrent, mettant ainsi fin au principe de la présomption de représentativité.
Comme les syndicats de salariés, les organisations patronales doivent désormais démontrer un certain nombre de caractéristiques : le respect des valeurs républicaines, l'indépendance, la transparence ou encore l'ancienneté minimale de deux ans d'influence. Elles doivent également, au niveau des branches, justifier d'une implantation territoriale équilibrée et, au niveau national et interprofessionnel, être présentes dans les secteurs de l'industrie, de la construction, du commerce et des services.
D'autre part, les organisations patronales sont considérées comme représentatives en fonction d'un critère d'audience satisfait lorsque l'organisation répond à l'une des deux conditions suivantes : au moins 8 % des entreprises de la branche y adhèrent ; les entreprises adhérentes représentent au moins 8 % des salariés de la branche.
Ce double critère est issu du compromis – j'insiste sur ce terme – trouvé entre le Medef, la CPME et l'U2P. Il vise à représenter les organisations patronales dans leur diversité. Le critère du nombre d'entreprises favorise ainsi les organisations comprenant majoritairement des TPE-PME, tandis que le critère du nombre de salariés favorise les grandes entreprises.
L'un des enseignements de notre mission est que la mise en œuvre du cadre actuel ne fait pas consensus, c'est le moins que l'on puisse dire. De nombreux acteurs ont souligné l'importance de la publicité et de la fiabilité des chiffres issus de la mesure d'audience. Cependant, force est de constater que le contrôle par un commissaire aux comptes faisant office de tiers de confiance pour certifier la mesure, n'écarte pas les critiques. En effet, les règles mises en œuvre par les organisations et les types de contrôles effectués par les commissaires aux comptes ne sont pas uniformes, et la lisibilité des résultats est amoindrie par le phénomène déjà évoqué par mon collègue des multi-adhésions.
Pourtant, l'enjeu est de taille puisque l'accès à la représentativité patronale emporte des conséquences significatives. La première, qui est d'ordre symbolique mais qui n'est pas sans importance, est de donner aux organisations représentatives, particulièrement au niveau national, une crédibilité qui contribue à la diffusion de leur discours sur la scène publique. Les organisations patronales représentatives sont également en capacité de négocier la norme sociale et d'approuver son application. À l'échelon de la branche ou à l'échelon national et interprofessionnel, elles sont aussi les seules à pouvoir signer conventions et accords collectifs avec les organisations syndicales, qui déterminent le droit applicable aux salariés de leurs entreprises adhérentes.
Le ministre du travail est le plus souvent amené à étendre ces droits par la procédure d'extension de la convention ou de l'accord à l'ensemble des salariés concernés. Les organisations patronales représentatives peuvent alors s'opposer à l'extension d'une convention ou d'un accord dans leur branche. Néanmoins, le droit d'opposition n'est ouvert qu'aux seules organisations représentant au moins 50 % des salariés des entreprises adhérentes, ce qui constitue l'un des principaux points de difficulté identifiés par notre mission. L'U2P, ainsi que des organisations représentatives de branche comme la Confédération de l'artisanat et des petites entreprises du bâtiment (Capeb), souhaitent en effet revoir ce mécanisme. Elles considèrent qu'elles représentent dans certaines branches, comme celles du bâtiment ou des opticiens par exemple, une majorité d'entreprises, même si celles-ci n'emploient qu'une minorité de salariés. Cependant, la procédure d'extension vise à appliquer la même norme à l'ensemble des salariés d'une branche. Son effet s'apprécie donc au regard du nombre de salariés auxquels la convention ou l'accord a vocation à s'appliquer et non au regard du nombre d'entreprises couvertes. Ceci explique que le droit d'opposition soit réservé aux organisations représentant une majorité de salariés, quel que soit le nombre d'entreprises adhérentes. Au demeurant, il n'apparaît pas certain, bien au contraire, que la multiplication des droits d'opposition permette de résoudre les difficultés que connaissent quelques rares branches en matière de dialogue social, là où la majorité d'entre elles ne connaissent pas de difficultés.
En troisième lieu, les organisations représentatives désignent des mandataires au sein des institutions et organismes paritaires. Sauf accord prévoyant une règle différente, le nombre de sièges est déterminé pour 70 % en tenant compte du nombre de salariés des entreprises adhérentes et, pour 30 %, du nombre d'entreprises adhérentes. Les auditions que nous avons menées ont établi que certaines organisations patronales n'étaient pas toujours en mesure de nommer des mandataires pour occuper les sièges qui leur ont été attribués, en contradiction avec la volonté de faire évoluer ces règles dans un futur proche.
Enfin, en dernier lieu, une part du fonds pour le financement du dialogue social est attribuée aux organisations représentatives, selon une règle prenant en compte à proportion égale le nombre de salariés des entreprises adhérentes et le nombre de ces entreprises. Il ne semble pas que le bénéfice de ce fonds constitue un enjeu particulier pour celles-ci, dès lors qu'elles disposent de sources de financement propres déjà importantes.
Avant de laisser la parole à mon collègue afin qu'il présente ses conclusions, je tiens à présenter la situation du champ national et multiprofessionnel qui existe au côté du champ interprofessionnel. Les organisations qui en sont représentatives relèvent de secteurs particuliers : l'agriculture, avec la Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles, l'économie sociale et solidaire, avec l'Union des employeurs de l'économie sociale et solidaire, et le spectacle vivant, avec la Fédération des entreprises du spectacle vivant, de la musique, de l'audiovisuel et du cinéma. Ces organisations n'ont pas vocation à négocier la norme sociale mais elles sont consultées afin que soit adapté au mieux le droit du travail aux spécificités de leur secteur. Les critères actuels qui conditionnent la représentativité à la présence des organisations dans au moins dix conventions collectives s'accommodent mal du mouvement souhaitable de restructuration des branches, et nécessitera donc une réflexion sur l'avenir du champ multiprofessionnel.
Comme mon collègue l'a souligné, notre diagnostic est assez largement partagé mais nos propositions sont un peu moins convergentes. Nous nous accordons quant à la difficulté à faire évoluer les règles de mesure de la représentativité alors qu'un nouveau cycle démarre et que la comptabilisation a pu d'ores et déjà s'ouvrir. La quasi-totalité des acteurs consultés nous a alertés sur le caractère inopportun du calendrier et nous sommes pleinement conscients des difficultés que celui-ci pourrait engendrer.
Cela étant, je pense que nous ne pouvons pas nous exonérer d'une réflexion plus vaste sur les règles de mesure de la représentativité patronale. Nous savons que la loi de 2016 répondait à l'objectif de pérenniser le poids respectif des trois organisations interprofessionnelles et de maintenir la position des sortants en édictant des critères de représentativité qui leur soient favorables, sans bousculer l'ordre préexistant. La première mesure d'audience, en 2017, a d'ailleurs parfaitement répondu à cette préoccupation puisque le Medef a conservé sa prédominance et que seul l'U2P a gagné quelques points supplémentaires de manière assez marginale. Ainsi, on a massivement fait œuvre de conservatisme en évinçant la vaste majorité des patrons qui ne sont pas représentés aujourd'hui. Dans ce contexte, de simples modifications des critères de représentativité ne me semblent pas pouvoir résoudre les difficultés majeures exposées ci-avant. Comment intégrer par exemple les autoentrepreneurs, qui sont une fraction du patronat injustement exclue de la mesure d'audience ? Comment vérifier que l'adhésion traduise bien un lien d'appartenance à l'organisation telle que voulu par l'employeur ? Comment s'assurer que chaque organisation dispose de suffisamment de mandataires pour pouvoir occuper les mandats auxquels elle prétend ?
Certes, je préconise que la direction générale du travail prenne un arrêté de méthode au moins huit mois avant la mesure d'audience pour harmoniser la récolte et les pratiques des vérifications des commissaires aux comptes, mais seule une remise en cause complète et radicale – au sens d'aller à la racine – du système actuel peut permettre de répondre à ces questions de fond.
A minima, l'acte d'adhésion me paraît devoir être davantage réglementé, avec une cotisation qui soit personnelle, plutôt que de faire payer l'adhésion sur les fonds de l'entreprise et donc par le travail des salariés. Cette adhésion préciserait les appartenances en cascade de la fédération à une autre et ainsi de suite, garantissant le consentement éclairé des patrons à leur adhésion.
Je pense surtout que nous pourrions envisager de mesurer la représentativité patronale par une élection démocratique, selon des modalités qui peuvent se discuter, soit « un patron égale une voix », soit différents collèges électoraux suivant les caractéristiques économiques des entreprises – en matière d'emploi notamment.
Pour rappel, la loi prévoyait, de 1947 à 1967, puis de 1983 à 1996, une élection patronale qui déterminait la répartition des 25 % de sièges à la sécurité sociale attribués aux organisations patronales. Je ne suis pas sans savoir que cette proposition a été écartée par plusieurs acteurs concernés au motif qu'une faible participation, déjà constatée aux élections consulaires – la modalité d'élection directe qui existe encore dans le monde patronal – affaiblirait le processus. Je reste toutefois convaincu qu'elle légitimerait davantage que le système actuel les représentants du patronat. Je pense par ailleurs qu'une faible participation électorale vaut mieux que l'éviction totale de la plupart des patrons qui ne sont pas représentés par les trois organisations dominantes. Pour le dire autrement, je préfère les 32 % de participation constatés en 1983 aux élections patronales que la présomption de représentation de 12 % seulement de patrons qui adhèrent à une organisation.
Je souhaite vous faire part de mes constats, qui rejoignent partiellement ceux de mon collègue. Nous nous accordons en effet quant à la nécessité de préserver les équilibres actuels à la veille de la prochaine mesure d'audience. Les organisations patronales entendues ne souhaitent pas d'une réforme précipitée qui engendrerait inévitablement de nombreuses difficultés à court terme.
Par ailleurs, si je ne suis pas favorable à un bouleversement complet des règles comme vient de l'expliquer Hadrien Clouet, il ne m'apparaît pas non plus nécessaire de modifier des critères au bénéfice de certains et au détriment des autres, alors même que ces règles résultent à l'origine d'un accord entre organisations patronales.
Afin d'améliorer la situation actuelle, j'appelle de mes vœux à un dialogue renforcé à plusieurs niveaux. D'abord avec la direction générale du travail, pour que la mesure d'audience reflète au maximum la réalité du monde patronal. Il me semble nécessaire d'améliorer à ce titre la transparence du processus d'adhésion afin que les entreprises soient informées des différentes organisations auxquelles elles font bénéficier leur voix. Ensuite, au sein des branches, pour assurer une meilleure coopération entre les organisations patronales et trouver des solutions aux rares situations de blocage qui peuvent exister.
Enfin, je ne crois pas que la situation complexe que nous achevons de vous exposer puisse être résolue simplement par la modification de tel ou tel critère. Les organisations patronales doivent prendre leurs responsabilités en trouvant un terrain d'entente concernant les difficultés soulevées avant que nous, législateurs, puissions nous emparer de ce sujet.
Au nom du groupe Renaissance, je vous remercie pour votre travail. Cette demande des organismes professionnels, tels la Capeb, l'U2P et l'Union des métiers et des industries de l'hôtellerie (Umih), représentants des TPE et PME est ancienne et récurrente sur tous les territoires, y compris en Maine-et-Loire, où j'ai échangé régulièrement avec eux depuis six ans. Ils constatent le manque de représentativité du système actuel pour peser sur les évolutions des accords de branche afin de voir leurs spécificités prises en compte. L'enjeu est de savoir si les petites entreprises sont bien représentées, et si les accords de branche ne les pénalisent pas. 92 % des entreprises françaises ont moins de onze salariés et 2 % en ont plus de cinquante. Le mode de calcul, à savoir 70 % de pondération en fonction du nombre de salariés des entreprises adhérentes et 30 % en fonction du nombre d'entreprises adhérentes, ne permet pas aux PME d'obtenir un nombre de sièges suffisant. Une modification ne serait-elle pas souhaitable ? Peut-on proposer aux branches professionnelles de réfléchir à un nouveau mode de répartition des sièges, plus en cohérence avec la réalité des entreprises des secteurs du bâtiment, de la restauration, de l'hôtellerie, entreprises nombreuses mais aux effectifs faibles qui se sentent marginalisées et dont l'avis est moins pris en compte ?
Cette année s'ouvre une nouvelle mesure de l'audience professionnelle. Vous notez dans votre rapport votre souci de ne pas bouleverser les équilibres actuels à la veille de cette mesure. La comptabilisation a commencé et le calendrier ne semble pas adapté.
Vous êtes favorables à des mesures pour éliminer tout compte multiple d'entreprises adhérentes, ce qu'il convient bien entendu d'encourager sous des formes différentes. Dans la période actuelle, apparaît-il souhaitable de proposer aux différents représentants de trouver un accord pour que chaque secteur siège à proportion de ce qu'il représente, afin d'adapter les décisions et de permettre un dialogue social renforcé ?
Merci pour ce rapport. Le sujet est crucial pour l'équilibre de nos relations sociales. En effet, les organisations patronales négocient les conventions collectives, participent à nos instances paritaires et surtout représentent et défendent les intérêts des entreprises sur la scène publique. Il est donc de notre devoir de parlementaires de nous assurer que les règles de représentativité soient justes et équitables.
Ce rapport souligne les défis que pose le système actuel, avec des critères de représentativité qui octroient la primauté au nombre de salariés par rapport au nombre d'entreprises adhérentes, favorisant donc les plus grands groupes, un système d'adhésion souvent involontaire et un manque de mandataires. Tout cela réclame notre attention et je vous remercie donc de nous avoir alertés.
De manière générale, nous nous accordons quant au fait qu'il serait inopportun de bouleverser les équilibres à la veille d'une nouvelle mesure de l'audience patronale. Cependant, il est également évident que des ajustements sont nécessaires pour améliorer la lisibilité des mécanismes d'adhésion et le dialogue à l'échelon des branches. Nous devons aussi veiller à ce que le processus d'adhésion soit plus transparent et fiable en limitant les adhésions involontaires et en garantissant une meilleure information des entreprises adhérentes. À cet effet, il semblerait pertinent que le ministère du travail puisse effectuer des contrôles réguliers des données relatives à la mesure d'audience des organisations patronales. De même, une meilleure coopération entre les organisations patronales de certaines branches actuellement en tension semble essentielle.
En conclusion, nous partageons l'objectif de garantir que les organisations patronales soient représentatives de l'ensemble de nos entreprises quels que soient leur taille et leur secteur. En ce sens, les recommandations de l'U2P, en lien avec la répartition des sièges dans les organismes, consistant à repenser les critères d'attribution de ces dix sièges, semblent pertinentes et à retenir pour nos futurs travaux sur le sujet. Ces propositions pourraient éventuellement apporter un réel changement de la représentativité des organisations patronales en donnant plus de poids aux petites entreprises. L'analyse présentée dans ce rapport nous donne ainsi une base de travail solide pour avancer dans cette direction, dans le but de faire évoluer les règles de représentativité dans un sens plus juste et plus équilibré.
Messieurs les rapporteurs, merci pour votre travail très intéressant. J'ai lu et écouté avec attention vos conclusions, et en préambule de notre discussion, je m'étonne et même m'inquiète que Mme la Première ministre vienne de nommer à la tête de son cabinet M. Jean-Denis Combrexelle, l'auteur d'un rapport ayant précisément conduit à ce que la représentativité du patronat soit mesurée par l'adhésion des entreprises à des organisations patronales et non par des élections.
Notre interrogation est partagée. Comment les organisations patronales peuvent-elles se considérer comme légitimes alors que leur représentativité ne repose pas sur un vote ? Est-il normal que seules comptent les voix des employeurs qui paient ? Quelle image donne-t-on de la démocratie sociale si l'on considère que seuls ceux qui paient ont une voix qui compte ? Car avec le système en place, seule compte la voix des patrons qui paient une adhésion à une organisation. Or, pour que le dialogue social soit complètement légitime, les organisations patronales ne devraient-elles pas être élues ? En ce sens, je partage la recommandation de M. Clouet : une voix par patron.
M. Le Gac, je dois dire que je ne comprends pas très bien pourquoi vous ne partagez pas cette recommandation : comment, dans une démocratie, peut-on être contre le vote ? Cette question vaut à la fois pour la réforme des retraites et la représentation des organisations patronales.
Par ailleurs, vous soulignez que par l'effet d'adhésions en cascade, certains adhérents des fédérations ignorent très souvent qu'ils sont indirectement adhérents du Medef. Or nous sommes bien d'accord, un adhérent de la CGT ou de la CFDT sait à quelle centrale il adhère. Alors comment accepter que la représentativité patronale soit mesurée à partir du nombre d'adhérents dont beaucoup ne savent pas qu'ils le sont ?
La question de la représentativité des organisations patronales est controversée car le monde patronal est lui-même inégalitaire et éclaté. Dans ce contexte, la question se pose de qui représente qui au nom du patronat. À cette occasion, vous avez bien voulu analyser les enjeux de la représentativité patronale : en d'autres termes, les organisations patronales représentent-elles bien le monde patronal ?
En réalité, le monde patronal est difficile à définir. Comme vous le dites, les organisations patronales souffrent d'un faible taux de couverture et d'une participation aux mesures de représentativité encore plus congrue que chez les salariés. Les chiffres parlent d'eux-mêmes : une entreprise sur quatre adhérerait à une organisation patronale, soit deux salariés sur trois travaillant dans ces entreprises. Le taux de dirigeants d'entreprises adhérents gravite autour de 12 %.
Cependant, on peut se réjouir de l'inscription dans la loi de critères de représentativité issus d'un compromis entre organisations patronales déjà représentatives. Ces critères ont été déterminés par les trois organisations patronales d'ores et déjà historiquement considérées comme représentatives au niveau national et interprofessionnel, à savoir le Medef, la CPME et l'U2P. Aussi la représentativité patronale est conditionnée au respect des critères tenant à la fois à la nature de l'organisation et à son audience. Toutefois, le mécanisme en question interroge quant à la réalité des adhésions et à l'uniformité des protocoles de mesure. Vous avez écrit : « Le ministère du travail n'effectue pas de contrôle a posteriori des données fournies avant de publier l'arrêté de représentativité du niveau considéré, qui ne contient que les informations nécessaires à la mise en œuvre des prérogatives juridiques des organisations patronales. » à ce sujet, le rapport Combrexelle indiquait à juste titre qu'il serait nécessaire de dresser un bilan de la réforme à l'issue du premier cycle de la représentativité patronale 2017-2021. En effet, le critère de représentativité patronale fondé sur les adhésions n'a de sens que s'il s'accompagne d'une grande transparence. Cependant celle-ci impose de fortes contraintes aux organisations concernées et une rupture avec des pratiques confidentielles.
Messieurs les rapporteurs, qui connaissez le sujet et que je remercie pour leur contribution, comment atteindre le plus rapidement et le plus efficacement possible cette transparence indispensable à la mesure pour une bonne représentativité patronale ?
Le groupe Socialistes et apparentés tient à remercier les rapporteurs pour leur travail. À l'instar de nos collègues, nous convenons qu'il puisse être délicat voire contre-productif de faire évoluer les critères de représentativité à quelques mois de la nouvelle mesure d'audience patronale. Pour autant, cette précaution ne nous interdit pas, comme nos collègues l'ont fait, d'imaginer un nouveau mécanisme de nature à mieux représenter les TPE et les PME de notre pays, qui sont les principales créatrices d'emploi sur nos territoires. Cela permettrait, à notre sens, d'influer sur les négociations et sur les normes sociales.
Il existe un besoin de transparence et de démocratie. Ce point étant réaffirmé, j'aimerais connaître l'opinion des rapporteurs sur la représentativité patronale et syndicale ultramarine, en rappelant que la loi de programmation relative à l'égalité réelle en outre-mer avait permis de reconnaître la représentativité des organisations locales. Jusqu'au 1er janvier 2019, ces organisations syndicales professionnelles étaient habilitées à négocier pour adapter à l'échelon d'un territoire ultramarin les conventions et accords collectifs de travail et le Gouvernement était tenu de remettre un rapport sur le sujet permettant de pérenniser cette mesure. Messieurs les rapporteurs, avez-vous été sensibilisés à ce sujet ? Le Gouvernement a-t-il pu justifier l'absence de ce rapport ou a-t-il abandonné cette mesure très attendue localement ?
Messieurs les rapporteurs, je vous remercie pour le travail de qualité fourni avec cette mission. Vous avez mis en lumière les enjeux cruciaux liés à l'équité de représentation, aux mécanismes d'adhésion, au financement ainsi qu'aux défis spécifiques que rencontrent les organisations professionnelles.
Vous mentionnez dans vos recommandations la nécessité d'un système d'adhésion plus transparent et plus fiable pour limiter les adhésions multiples. Votre constat est largement partagé. Après ce travail, pourrait-on envisager à cet effet une plateforme dédiée aux organisations professionnelles ? Cela permettrait qu'une organisation professionnelle soit au courant d'une potentielle adhésion, d'une situation éventuelle d'adhésions multiples et donc de traiter le problème en amont. L'idée d'une telle plateforme a été évoquée lors de mes discussions avec la Capeb 49 et l'U2P dans ma circonscription. Cette solution pourrait faciliter l'adhésion et renforcer la transparence tout en évitant la double inscription, éventuellement par le numéro de Siret.
Bien que vous précisiez clairement la difficulté de faire évoluer l'équilibre actuel prenant en compte, pour 70 %, le nombre de salariés des entreprises adhérentes, et pour 30 %, le nombre d'entreprises adhérentes, pensez-vous qu'un équilibre 50-50 serait un objectif à atteindre pour une meilleure représentativité ? Elle est notamment demandée par les TPE-PME, qui sont aujourd'hui visiblement sous-représentées.
Je salue la qualité du travail de nos rapporteurs. Après l'outre-mer, j'aimerais soulever des problématiques corses. Elles se trouvent aux limites de votre mission mais elles concernent la représentativité des organisations patronales. Notre territoire connaît une situation unique en raison d'une interprétation erronée de la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République (Notre) par la CPME nationale. Elle a décidé de retirer l'agrément des PME départementales et de la CPME régionale corse, considérant – à tort – que ces trois associations auraient dû fusionner au motif que la loi « Notre » avait supprimé les deux départements corses, et que les associations départementales ne pouvaient plus exister depuis 2018. Or les deux départements n'ayant pas été supprimés par la loi « Notre », cet argument est infondé. Au demeurant, en demandant aux représentants de la CPME en Corse de supprimer leurs unions départementales pour créer une nouvelle structure régionale unique, la CPME va à l'encontre de ses propres statuts. Face à cela, la CPME corse a attaqué cette décision en justice et a obtenu gain de cause. La CPME nationale vient d'interjeter appel.
J'attire votre attention sur le fait que les conséquences du retrait d'agrément sont lourdes. D'une part, il est impossible de verser des fonds publics pour le financement du dialogue social dans la région Corse, et d'autre part, cela provoque la rupture du dialogue social pour ces organisations et leurs adhérents avec les instances publiques et les organisations syndicales.
Merci pour ce travail sur cette question centrale. Il s'agit de prendre en compte progressivement, dans les critères de représentativité des organisations patronales, le nombre d'entreprises adhérentes et le nombre de salariés employés par celles-ci. La représentativité des organisations patronales est établie sur la base d'une mesure de l'audience liée au nombre et à la taille des entreprises adhérentes. La capacité d'opposition à l'extension d'un accord de branche demeure quant à elle conditionnée au seul critère du nombre de salariés des entreprises adhérentes. Les organisations professionnelles représentant les TPE-PME s'inquiètent de ces modalités actuelles de représentativité patronale, qui constituent même une profonde injustice que la Capeb, tout comme d'ailleurs l'U2P ou l'Umih, dénoncent fermement.
Alors qu'elles représentent 92 % des entreprises françaises et une présence économique dans tous nos territoires, les petites entreprises ne peuvent aujourd'hui disposer du poids nécessaire pour créer le cadre social adapté à leurs spécificités et favorable à l'emploi et au développement des compétences de leurs salariés. Actuellement, lorsque sont négociés des accords sur l'apprentissage, la formation, la participation ou les conventions collectives, une entreprise employant cinquante salariés pèse cinquante fois plus qu'une entreprise avec un salarié. C'est pourquoi, afin de préserver les intérêts de toutes les entreprises, quelle que soit leur taille, il est essentiel d'assurer une réelle représentation des TPE-PME, en instaurant un double droit d'opposition et en améliorant la mise en œuvre de la mesure d'audience tout en la rendant plus transparente.
La représentativité dans les organisations patronales reste un vrai sujet car il convient de prendre en compte de façon progressive, dans les critères de représentativité des organisations patronales, le nombre d'entreprises adhérentes comme le nombre de salariés de ces entreprises. Les différentes évolutions législatives ont modifié ces critères de représentation. Pour avoir reçu à ma permanence les différentes organisations patronales telles que la Capeb, l'U2P ou l'Umih, ces dernières dénoncent effectivement une profonde injustice. Nous sentons une tension palpable sur nos territoires. Le processus d'adhésion doit donc être plus transparent. Quelles seraient les clefs pour un retour apaisé au dialogue social entre les organisations patronales ?
Pour le futur ministre du travail, dont nous attendons encore le nom – ce sera éventuellement le même qu'auparavant – cela fait partie des sujets à débattre : doit-on donner plus de place aux petites entreprises dans la représentation des organisations patronales ? Je pense aux artisans, aux PME, aux petits commerces et aux professions libérales. Ce monde divers et varié des petites entreprises demande plus de représentation.
La transparence des adhésions est un autre sujet d'importance. Il convient effectivement que toutes les organisations patronales se mettent d'accord sur un mode d'adhésion et de désignation.
Je souligne que l'esprit d'entreprise s'adresse évidemment aux patrons. Ils sont parfois très seuls face à des difficultés économiques, financières et psychologiques. Mais c'est aussi une démarche collective, avec les salariés et les actionnaires. Nous devons préserver le tissu économique des entreprises, qui est la véritable richesse de notre pays.
Le débat reste très ouvert mais je pense que la puissance publique doit insister sur ces deux sujets. Doit-on par exemple faire évoluer le critère 70/30 vers un critère 60/40 par exemple ?
Les petites entreprises, qui représentent 92 % des entreprises françaises, sont essentielles pour l'économie de nos territoires. Elles se trouvent confrontées à un déséquilibre flagrant. Elles manquent clairement de poids pour établir un cadre social adapté à leurs particularités et favorable à l'emploi ainsi qu'au développement des compétences de leurs employés. À l'heure actuelle, lors de négociations sur des sujets tels que l'apprentissage, la formation, la participation ou les conventions collectives, une entreprise de cinquante salariés possède une influence cinquante fois supérieure à celle d'une entreprise n'employant qu'un seul salarié. Ces règles de mesure viennent déséquilibrer la représentativité patronale et mettent sérieusement en péril le dialogue social. En effet, dans ce domaine comme dans d'autres, l'organisation professionnelle qui a le pouvoir final lorsqu'une décision ne fait pas l'unanimité n'est pas celle avec le plus grand nombre d'adhérents mais celle dont les adhérents regroupent le plus grand nombre de salariés. Cette situation entraîne des conséquences graves et notamment une détérioration très inquiétante du dialogue social dans le secteur du bâtiment. La grande majorité des entreprises de ce secteur se voient privées de règles sociales modernisées, simplifiées et adaptées à leurs spécificités. Il apparaît donc nécessaire d'instaurer un droit d'opposition symétrique qui serait une condition essentielle à l'engagement d'accords paritaires allant dans le sens des petites entreprises. D'ailleurs, selon la Capeb elle-même, l'exercice d'un dialogue social équilibré ne peut être garanti que par la modification de la loi.
J'aimerais savoir, messieurs les rapporteurs, si vous avez ressenti ce problème de représentativité des TPE.
La première question de fond est la suivante : comment organiser un dialogue apaisé et constructif entre les grandes et les petites entreprises ? Comment faire en sorte de pouvoir signer des accords ? Je pense que nous devons surmonter le constat selon lequel 88 % des patrons ne sont pas représentés lors des négociations. Dès lors, que pouvons-nous faire ? Si je défends le principe d'élections, c'est d'une part pour permettre de redresser cette inégalité fondamentale. Dès lors qu'un processus électoral serait mis en place, il serait impossible d'évincer les plus petites entreprises. Par ailleurs, cela aurait une vertu territoriale : dans le cas des régions ultramarines ou de la Corse, le patronat local aurait la possibilité de s'exprimer directement, sans devoir être tributaires d'organisations patronales nationales qui le représenteraient parfois « malgré lui ». Les élections permettraient donc à la fois de donner une voix à ceux qui ne sont pas représentés aujourd'hui et de permettre que les territoires puissent acquérir une capacité à s'exprimer. J'ignore ce qu'il en est des projets gouvernementaux à ce sujet.
Pour ce qui est des adhésions en cascade, elles s'expliquent par trois phénomènes. Tout d'abord, le patron d'une entreprise d'auto-école adhère une fédération susceptible d'avoir elle-même adhéré au Medef tant et si bien que le patron deviendrait adhérent au Medef sans le savoir, et dont la voix compterait par exemple dans le cadre des négociations pour les retraites. Le deuxième phénomène est lié au fait que dans de nombreux cas, la cotisation est payée par l'entreprise et non par son patron, ce qui fait que ce dernier, s'il a signé un mandat, peut ne pas savoir à quelle fédération son entreprise a adhéré. Le troisième phénomène est lié au fait qu'une entreprise en ayant racheté une autre peut être conduit à découvrir qu'il cotise à une fédération qu'il ne porterait pas dans son cœur. C'est sur ces trois leviers que nous devons agir pour pouvoir mettre fin à ces phénomènes d'adhésion involontaire.
Nous pouvons également envisager d'introduire des exigences de transparence supplémentaire, notamment pour ce qui est du comptage du nombre d'adhérents, de la connaissance par ces derniers des organisations auxquelles ils adhèrent, etc. Je rappelle d'ailleurs que les archives du Medef ne sont accessibles qu'au bout de quarante ans alors que le délai est de vingt-cinq ans pour des archives publiques. Ce régime d'exception ne contribue pas à comprendre certains débats politiques antérieurs.
Enfin, j'ai entendu une réaction au sujet des autoentrepreneurs. J'ai entendu qu'un autoentrepreneur ne serait pas un patron. Or un autoentrepreneur peut embaucher et dès lors c'est un patron. Sinon, cela signifierait qu'un patron qui n'emploierait pas de salarié pendant une certaine période serait exclu de cette catégorie. Ce n'est pas le cas et donc les autoentrepreneurs peuvent bien être considérés comme des patrons.
Quant à l'expression des intérêts, il s'agit ici de l'expression des patrons et pas nécessairement de ceux de leur entreprise. Une entreprise est un collectif humain dans lequel l'employeur occupe un rôle parmi d'autres.
Pour conclure, je suis moi aussi un élu local et je rencontre donc les organisations professionnelles sur le terrain très régulièrement, et notamment celles du bâtiment puisque c'est bien de cela qu'il s'agit. Nous avons essayé de dresser un état des lieux et de réfléchir aux moyens d'améliorer la représentativité mais j'ai l'intime conviction que nous pouvons faire confiance au paritarisme et au dialogue social et que ce n'est pas nécessairement avec une loi que le sujet sera tranché. Je ne suis pas sûr que le remède qui serait introduit serait meilleur que le mal. Les organisations patronales doivent remettre leur ouvrage sur le métier, prendre leurs responsabilités et trouver un terrain d'entente. C'est seulement alors que nous pourrons transposer dans la loi, comme nous venons d'ailleurs de le faire récemment, un accord entre organisations patronales. Nous allons transmettre nos conclusions au ministère du travail par l'intermédiaire de la présidente. Il circulera ensuite au sein du Gouvernement. Nous ne voulons pas non plus, à quelques mois d'une nouvelle mesure d'audience, bouleverser les règles actuelles. Il y a cependant matière à les faire évoluer par la suite. Certaines questions méritent des réponses.
Je n'ai pas de réponse aux questions sur l'outre-mer, ni sur la Corse, car je découvre ces situations. Monsieur Boyard, vous devriez vous féliciter que M. Combrexelle ait été nommé directeur de cabinet par la Première ministre car il connaît bien le monde du travail, les organisations syndicales et la question sociale.
Les règles actuelles relevaient déjà d'un compromis en 2016. Serait-il donc opportun de le remettre en question par une loi ? Je ne suis pas certain que ce soit notre rôle. Nous pourrons légiférer le moment venu, lorsque les acteurs auront trouvé un accord.
Merci pour la qualité de vos travaux et la qualité de vos réponses. Nous avons bien pris en compte que vous appeliez à un dialogue entre les organisations patronales, tout du moins dans un premier temps, avant que de légiférer. M. Clouet a également souligné qu'il existait un réel sujet en la matière, qui suscitait notre attention pour les semaines et mois à venir.
Je vous remercie pour l'ensemble du travail effectué tout au long de l'année, qui fut assez intense. Vous n'avez pas chômé, loin de là : notre commission a examiné trente et un textes législatifs, à savoir neuf projets de loi et vingt-deux propositions de loi. Elle a permis la promulgation de sept projets de loi et huit propositions de loi. 16 753 amendements ont été déposés pour cette seule année contre 13 942 pour l'ensemble de la dernière législature ! 9 063 de ces amendements ont été miss en discussion et 802 amendements ont été finalement adoptés.
Nous nous sommes réunis à 115 reprises pour une durée totale de 245 heures et 25 minutes, sans compter la présente séance. J'en profite pour remercier les services de la commission pour leur appui (Applaudissements) sans oublier les collaborateurs de groupe et nos propres collaborateurs (Applaudissements). Je déplore malgré tout ce dont notre collègue Marc Ferracci a été victime. Cela a été la touche triste de cette fin de session parlementaire.
En attendant la rentrée, mes chers collègues, je vous souhaite un excellent été et de bonnes vacances bien méritées.
La séance est levée à onze heures trente.
Informations relatives à la commission
1. M. Marc Ferracci a démissionné de ses fonctions de rapporteur du projet de loi, adopté par le Sénat après engagement de la procédure accélérée, pour le plein emploi (n° 1528).
2. La commission a désigné Mme Christine Le Nabour rapporteure du projet de loi, adopté par le Sénat après engagement de la procédure accélérée, pour le plein emploi (n° 1528).
Présences en réunion
Présents. – M. Éric Alauzet, M. Joël Aviragnet, M. Louis Boyard, M. Elie Califer, M. Paul Christophe, M. Hadrien Clouet, M. Paul-André Colombani, Mme Josiane Corneloup, Mme Laurence Cristol, M. Arthur Delaporte, M. Pierre Dharréville, Mme Sandrine Dogor-Such, Mme Nicole Dubré-Chirat, M. Olivier Falorni, M. Marc Ferracci, M. Thierry Frappé, M. François Gernigon, M. Jérôme Guedj, Mme Claire Guichard, Mme Servane Hugues, Mme Monique Iborra, Mme Sandrine Josso, Mme Fadila Khattabi, Mme Laure Lavalette, M. Pascal Lavergne, M. Didier Le Gac, Mme Christine Le Nabour, Mme Katiana Levavasseur, M. Matthieu Marchio, M. Didier Martin, Mme Joëlle Mélin, M. Serge Muller, Mme Maud Petit, M. Jean-Hugues Ratenon, Mme Stéphanie Rist, Mme Sandrine Rousseau, M. Jean-François Rousset, M. Freddy Sertin, Mme Isabelle Valentin, M. Frédéric Valletoux, M. Alexandre Vincendet
Excusés. – Mme Caroline Fiat, Mme Caroline Janvier, M. Jean-Philippe Nilor, M. Olivier Serva
Assistaient également à la réunion. – M. Nicolas Turquois, M. Philippe Vigier