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Intervention de Pierre Dharréville

Réunion du mercredi 19 juillet 2023 à 9h30
Commission des affaires sociales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPierre Dharréville, rapporteur :

J'ai eu plaisir à réaliser cette mission aux côtés de Stéphanie Rist et avec l'accompagnement précieux de nos administrateurs.

Le directeur général de l'entreprise concernée par cette offre nous a indiqué que 47 abonnements étaient actifs au 29 juin 2023 et que 15 abonnements avaient été résiliés depuis le lancement de l'offre. Seuls 45 appels ont été émis pour accéder à un médecin généraliste dans trois quarts des cas et à un médecin spécialiste dans un quart des cas – gynécologue et médecin du sport avant tout.

Il est apparu également que ce service permet de répondre dans 51 % des cas à des demandes en dehors des horaires d'ouverture des cabinets médicaux et d'obtenir dans 40 % des cas une prescription.

Nous pouvons parler d'un flop commercial, et personnellement je m'en réjouis, mais cette initiative ne manque pas d'interroger. Si les autres sociétés de téléconsultations que nous avons auditionnées disent ne pas commercialiser d'abonnements ni envisager de le faire, de la part d'un des plus grands leaders européens de l'hospitalisation privée et des soins primaires, l'idée d'édifier un circuit parallèle d'accès aux soins doit nous alerter. Si elle se trouve aujourd'hui en échec, il ne faut pas banaliser cette idée, a fortiori dans une période marquée par une crise profonde de l'hôpital public et par des difficultés et des inégalités dans l'accès aux soins. Nous ne pouvons pas entendre que l'on en fasse des produits de consommation et que l'on organise le contournement de l'assurance maladie. Nous devons faire grandir une culture sanitaire que tout oppose à une conception consumériste de la santé.

En ce qui concerne les offres des complémentaires santé, qui s'inscrivaient dans un autre registre, il est ressorti des auditions que les garanties proposées en matière de téléconsultations sont assez peu mobilisées en réalité car elles sont devenues relativement obsolètes. Outre la méconnaissance de ces garanties par les bénéficiaires, cette situation s'explique par le fait que les téléconsultations sont prises en charge par l'assurance maladie depuis septembre 2018.

Dans un autre registre, certaines offres de télésanté semblent présenter un certain intérêt, par exemple en matière de parentalité. Elles permettent de fournir rapidement, en contrepartie toutefois d'un tarif mensuel de 10 euros environ, des réponses personnalisées à des questions que peuvent se poser les parents via une messagerie instantanée qui permet l'envoi de messages, de photos ou de vidéos. Ces réponses sont apportées par des équipes pluridisciplinaires composées de pédiatres, de sages-femmes et d'infirmières puéricultrices. Dans un esprit de prévention et de conseil, elles viennent en complément du suivi pédiatrique classique. Pour autant, elles ne sont pas nécessairement à la portée de tous puisqu'elles sont en dehors du cadre de l'assurance maladie et la question se pose également de l'articulation entre les conseils prodigués sur ces plateformes et le médecin traitant quand il existe.

Afin d'étoffer l'offre publique accessible à chacun en matière de protection maternelle et infantile (PMI), pourquoi ne pas étudier la possibilité de mettre en place une sorte de « PMI numérique ». Il ne s'agit bien évidemment pas, dans notre esprit, de négliger l'urgence de renforcer la capacité des PMI sur l'ensemble des territoires en leur substituant une offre numérique.

Au-delà de la question des abonnements, cette mission a été l'occasion d'aborder plus largement les enjeux associés au développement des téléconsultations. Nous avons noté des avancées en cours en matière de régulation du secteur grâce à l'instauration prochainement d'un agrément ministériel pour les sociétés de téléconsultations, en application de l'article 53 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2023, et d'un référentiel de la Haute Autorité de santé. L'installation des télécabines devrait également être mieux encadrée, ce qui impliquerait de définir les lieux où leur implantation est respectivement autorisée ou interdite.

Nous devons poursuivre la réflexion sur la place de la téléconsultation en fonction du parcours de soin et des différentes spécialités, ou encore des exigences éthiques et sociales. Nous devons également poursuivre la réflexion sur ce que pourrait être la puissance numérique dans le domaine de la santé. Face à ce défi, pourquoi laisser le développement de réponses numériques – d'autant plus qu'il s'agit de prendre soin des humains – au secteur privé à but lucratif ?

Nous devons éviter les écueils de la surnumérisation constatée par ailleurs. Peut-être existe-t-il des outils utiles en matière d'aiguillage des patients ou de suivi des résidents en Ehpad. Nous avons effleuré ces questions lors de nos échanges mais cela mériterait un approfondissement.

Enfin, les offres par abonnements sont actuellement marginales. Nous n'avions pas imaginé d'ailleurs qu'elles puissent émerger. Mais si elles devaient croître, développant l'offre privée à but lucratif, cela pourrait mettre en péril notre système de santé solidaire et institutionnaliser un accès aux soins à deux vitesses. La vigilance doit d'autant plus demeurer de mise vis-à-vis du développement de ces offres payantes qu'elles sont l'une des manifestations de la financiarisation et de la marchandisation de la santé, tendant à renforcer les inégalités d'accès aux soins.

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