La commission examine, pour avis, les articles 2 à 8 et 13 à 15 du projet de loi portant transposition de l'accord national interprofessionnel relatif au partage de la valeur au sein de l'entreprise (n° 1272) (Mme Félicie Gérard, rapporteure pour avis)
Mes chers collègues, notre commission a décidé de se saisir pour avis des articles 2 à 8 et 13 à 15 du projet de loi portant transposition de l'accord national interprofessionnel (ANI) relatif au partage de la valeur au sein de l'entreprise. Nous avons nommé rapporteure Mme Félicie Gérard. Sur les 112 amendements qui ont été déposés, 19 ont été jugés irrecevables au titre de l'article 40 de la Constitution, 13 ne présentaient pas un lien suffisant avec le projet de loi et 4 étaient hors du champ de notre saisine.
Je me réjouis que la commission des finances se soit saisie pour avis du projet de loi portant transposition de l'accord national interprofessionnel relatif au partage de la valeur au sein de l'entreprise, conclu le 10 février 2023. Ce succès est à inscrire au crédit du dialogue social dans notre pays. Signé par la majorité des organisations syndicales et patronales représentatives, il témoigne de la force de la démocratie sociale et de l'ambition qu'il est possible de nourrir dans ce cadre.
L'entrée en vigueur de certaines mesures de cet accord relève du niveau législatif. Les transposer est l'objet du présent projet de loi. À mon initiative, la commission des finances a jugé utile de se saisir de ses titres II et IV. S'agissant d'une transposition, la question de la fidélité du texte transposé se pose, ce qui me place dans une situation difficile, l'enjeu étant de maintenir les équilibres trouvés par la grande majorité des partenaires sociaux, que le travail parlementaire ne saurait remettre fortement en cause.
L'ANI du 10 février 2023 est porteur de nombreux progrès. Ses mesures prévoient notamment de développer la participation dans les petites entreprises, de renforcer le partage de la valeur si les résultats financiers de l'entreprise le permettent et d'accompagner le développement de la prime de partage de la valeur (PPV) ainsi que de l'actionnariat salarié.
L'ANI facilite le développement de la participation dans les petites entreprises, où elle est faiblement déployée. Les entreprises de moins de cinquante salariés pourront, à titre expérimental, mettre en œuvre un dispositif de participation dont les modalités dérogent à la formule légale, en application d'un accord de branche. Je salue également l'assouplissement des règles de franchissement du seuil de cinquante salariés, au-delà duquel la participation est obligatoire.
Plusieurs dispositions du projet de loi permettent de renforcer le partage de la valeur si les résultats financiers de l'entreprise le permettent. Les entreprises comptant de onze à quarante-neuf salariés et réalisant un bénéfice net fiscal seront obligées de mettre en œuvre au moins un dispositif de partage de la valeur. Les entreprises d'au moins cinquante salariés devront définir le caractère exceptionnel d'une augmentation du bénéfice et les conséquences de celle-ci sur les dispositifs de partage de la valeur au sein de l'entreprise. Par ailleurs, le texte pérennise et accompagne le déploiement de la PPV, en permettant notamment aux salariés de la placer sur un plan d'épargne salariale au même titre que les primes d'intéressement et de participation.
Le projet de loi comporte plusieurs mesures visant à améliorer le développement de l'actionnariat salarié et à mieux orienter l'épargne salariale. Ainsi, les plafonds d'attribution d'actions gratuites seront relevés.
La situation économique actuelle rend particulièrement souhaitable et nécessaire le développement de tels dispositifs. Au quotidien, les chefs d'entreprise que nous rencontrons dans nos circonscriptions éprouvent des difficultés à recruter. Réhabiliter l'actionnariat en tant que valeur positive, par le biais de l'actionnariat salarié, peut être un formidable levier pour renforcer la confiance des salariés dans leur entreprise, tout en les intéressant davantage à ses enjeux stratégiques et à son développement.
Je soutiens pleinement la transcription législative fidèle de l'ANI. Par ailleurs j'appelle à poursuivre, dans le cadre d'une réflexion plus globale, les efforts visant à simplifier les démarches administratives des entreprises. En complément des mesures du texte, il nous faudra également renforcer l'accompagnement des petites entreprises par l'administration dans la mise en œuvre de ces dispositifs, et entamer un débat sur la révision de la formule légale de la participation, trop complexe.
J'ai toute confiance dans la capacité des chefs d'entreprise et des salariés à dialoguer et à échanger pour conclure des accords d'entreprise ou de branche. Ce dialogue est la condition essentielle de la vitalité de nos entreprises. L'ANI démontre que le dialogue entre employeurs et salariés fonctionne dans notre pays. Ce dialogue est souhaitable et bénéfique pour tous. Notre rôle de législateur est de l'accompagner et de l'encourager.
Il y a un an, les députés de la majorité présidentielle étaient élus en soutenant l'engagement du Président de la République de généraliser les dispositifs de partage des profits dans les entreprises. C'est une mesure évidente de justice : si une entreprise gagne plus, les salariés, eux aussi, doivent gagner plus.
À l'automne, une négociation réunissant organisations syndicales et organisations patronales a été ouverte. Elle a abouti en février à la signature, par l'immense majorité d'entre elles, d'un accord. Les intentions originelles ont été non seulement précisées, mais aussi complétées et enrichies. Un accord national interprofessionnel a été signé. Le temps est venu de le transcrire dans la loi.
Après la loi relative à la croissance et la transformation des entreprises, dite loi Pacte, après la création de la prime Macron, nous voici à une nouvelle étape de la longue histoire des textes visant à associer davantage les salariés aux résultats des entreprises. C'est une histoire dans laquelle beaucoup – gaullistes, socio-démocrates et tant d'autres – se reconnaissent.
Cette étape doit notamment permettre de mieux couvrir les plus petites entreprises, où les droits sont bien moindres que dans les plus grandes, pour en faire bénéficier 1,5 million de leurs salariés. Elle doit permettre de davantage tenir compte des profits exceptionnels. Elle créera de nouveaux dispositifs, tels que le plan de partage de la valorisation de l'entreprise.
Les représentants des salariés comme du patronat ont su dépasser leurs différences légitimes pour obtenir des avancées concrètes. Au sein du groupe Renaissance, nous espérons que notre assemblée saura faire de même en suscitant une majorité très large pour soutenir ces progrès résultant du dialogue social.
Quinze des trente-cinq articles de l'ANI conclu en février 2023 sont transposés dans ce projet de loi, qui permet de faire un pas de plus vers le développement des dispositifs bénéficiant aux salariés. La possibilité de négocier un accord de participation d'ici juin 2024, avec une liberté totale sur la fixation de la formule de calcul de la participation, qui pourra être moins-disante que la formule légale, vise à étendre la participation dans les entreprises de moins de cinquante salariés.
La volonté de faire bénéficier les salariés des résultats exceptionnels de leur entreprise entend répondre à une question de justice sociale. L'inscription dans le temps et dans le champ de l'épargne salariale de la PPV vise à apporter une solution aux problèmes de pouvoir d'achat. L'augmentation du plafond de capital attribuable dans le cadre des attributions d'actions gratuites devrait contribuer à l'atteinte de l'objectif affiché de 10 % d'actionnariat salarié dans le capital des entreprises françaises.
Toutefois, certaines mesures posent problème. Le plan de partage de la valorisation de l'entreprise, qui consiste à intéresser financièrement les salariés à la croissance de la valeur de leur entreprise, concurrence l'actionnariat salarié tout en étant plus compliqué à mettre en œuvre.
Par ailleurs, le développement des outils de partage de valeur ne doit pas nuire à l'augmentation des salaires, qui reste le meilleur outil de partage de la valeur. D'après le Centre national de la recherche scientifique (CNRS), la participation et l'intéressement représentent 6 % de la masse salariale des entreprises où elles ont été adoptées ; dans un tiers des cas, leur impact sur l'évolution des salaires est négatif.
Enfin, les chiffres du partage de la valeur sont faussés par la pratique de la fraude fiscale, sous la forme des transferts de profits, évalués à 40 milliards d'euros et absents du projet de loi. En raison des distorsions de politique fiscale d'un pays à l'autre, de 2 % à 5 % de la valeur ajoutée échappe aux entreprises, donc aux dispositifs de participation des salariés.
L'ANI du 20 février, signé par presque toutes les organisations syndicales et patronales, a été une belle leçon donnée à nos politiques. En trente-six articles, il a fixé une ligne et transmis une commande que nous devons absolument respecter.
Le retranscrire dans la loi n'est pas chose aisée. Au demeurant il n'est pas complètement retranscrit, l'étude d'impact précisant que certains articles relèvent « de la circulaire ou de la doctrine administrative », analyse à laquelle je ne souscris pas. Sans doute serons-nous amenés à nous saisir de certaines dispositions, notamment celles qui relèvent du droit fiscal, lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2024. Des sujets tels que l'intégration fiscale et l'apport d'actions par les salariés dans le cadre de la reprise de leur entreprise méritent d'être analysés et travaillés à nouveaux frais.
Nous avons d'ores et déjà fixé le cap en adoptant deux textes importants, la loi pour un État au service d'une société de confiance, dite Essoc, qui introduit notamment le droit à l'erreur, et la loi relative à la croissance et la transformation des entreprises, dite Pacte, qui a légèrement modifié l'objet social et la définition de l'entreprise. Il est rassurant de constater que l'ANI inclut les entreprises comptant de onze à quarante-neuf salariés, qui n'ont pas toutes l'habitude de la participation et de l'intéressement des salariés. Nous devons les accompagner et leur laisser un peu de temps pour s'ajuster à l'opération dans son ensemble.
Nous sommes très heureux de travailler sur ce texte. J'espère que nous réunirons en sa faveur une large majorité de projet. Il intéresse toutes les couches de la société et va dans le bon sens. Cette histoire est loin d'être terminée.
Le projet de loi résulte d'un accord national interprofessionnel signé par toutes les organisations syndicales, à l'exception de la CGT. Le groupe Socialistes et apparentés salue la négociation interprofessionnelle et l'accord qui en découle.
Ces négociations ont eu lieu dans un contexte de perte de pouvoir d'achat et de forte inflation, qui met en lumière le caractère central du salaire, le vrai, celui qui tombe chaque mois, disjoint des primes. Telle est la philosophie que nous défendrons tout au long de l'examen du texte. Les dispositifs de partage de la valeur, tels que la participation, l'intéressement et le plan épargne retraite (PER), ne peuvent se substituer au salaire.
L'article 1er de l'ANI rappelle le principe de non-substitution des dispositifs de partage de la valeur au salaire. Nous regrettons que cet article ne soit pas transposé dans le projet de loi qui nous est soumis. Le groupe Socialistes et apparentés a donc déposé des amendements relatifs notamment à l'augmentation du Smic, à l'organisation d'une conférence nationale sur les salaires, à l'encadrement des écarts de salaires et à la régulation du salaire minimum conventionnel (SMC).
Dans le détail, quelques points de l'ANI ont été mal transposés dans la loi. La modification du calcul des effectifs de l'entreprise déterminant l'obligation d'introduire un dispositif de participation, prévue à l'article 4 du projet de loi, aurait dû être associée à un bilan d'impact de la loi Pacte, qui n'y figure pas. L'article 5 ne comporte pas l'octroi automatique d'un supplément d'intéressement ou de participation aux salariés fixé par l'ANI. L'article 6, qui encadre le développement de la PPV, ne répond que partiellement à nos alertes sur le risque de substitution de la PPV au salaire.
Par ailleurs, nous souhaitons alerter sur le coût de cette prime de partage de la valeur pour la collectivité : 2 milliards d'euros pour l'État et 1,4 milliard d'euros pour la sécurité sociale, cela fait beaucoup, surtout quand on cherche à faire des économies et qu'on vient d'ajouter deux ans de travail à tout le monde.
En somme, le projet de loi ne saurait se suffire à lui-même. Demain, il faudra s'attaquer de front à la question des changements organisationnels et des ruptures technologiques en cours. Nous resterons donc vigilants s'agissant du déroulement de ces expérimentations et de leurs conséquences directes sur le bien-être des salariés et sur le sens du travail.
L'examen des dispositions du projet de loi dont nous sommes saisis est un acte important. Au demeurant, nous pourrions nous demander, à l'heure où il s'agit de faire évoluer le rôle du Parlement, pourquoi nous devons approuver des dispositions qui l'ont été par les partenaires sociaux, à l'exception de la Confédération générale du travail. Je compte sur nos collègues parlementaires pour ne pas sous-transposer ou surtransposer l'ANI, ni pour ouvrir un deuxième tour ou un troisième tour de négociations, s'agissant d'un accord signé, donc exécutoire.
Le projet de loi est un document important. Il permet d'améliorer le partage de la valeur dans les entreprises, notamment grâce à ses mesures relatives à la participation dans les entreprises de moins de cinquante salariés, à la possibilité d'ouvrir des négociations pour partager la valeur en cas de résultats exceptionnels et à la prorogation sous conditions de la PPV.
Il résulte de ces deux constats que l'examen du projet de loi est un exercice compliqué pour nous, parlementaires, qui n'avons pas assisté aux négociations. Tout en remplissant pleinement notre rôle de législateur, nous devons veiller à ne pas sous-transcrire ou mal transcrire la volonté exprimée par l'accord entre les représentants des entreprises et la majorité des organisations syndicales représentatives.
Les membres du groupe Horizons et apparentés voteront le projet de loi.
Le présent texte ne résout en rien le problème de pouvoir d'achat des Français. Le problème des Français, c'est que les salaires augmentent moins vite que l'inflation.
Permettre aux salariés des entreprises comptant de onze à quarante-neuf salariés de bénéficier des outils de partage de la valeur va dans le bon sens. Toutefois le projet de loi aura malheureusement peu d'impact, pour trois raisons : le Gouvernement a introduit la prime Macron dans les outils de partage de la valeur alors même que, d'après l'Insee, elle a un effet de substitution aux augmentations de salaires d'environ 30 % ; la loi ne fixant aucun minimum, tout employeur conserve la possibilité de verser une prime de 1 euro pour satisfaire à ses obligations légales ; s'agissant du versement d'une prime exceptionnelle si l'entreprise réalise des résultats exceptionnels, le projet de loi s'en tient à une obligation de négocier et ne prévoit rien si la négociation échoue.
J'aimerais appeler l'attention sur le problème de l'optimisation fiscale et de ses conséquences sur la participation des salariés. Il faut se saisir du projet de loi pour nous attaquer aux employeurs peu scrupuleux, qui privent les salariés de leur juste droit à la participation en déplaçant la valeur ajoutée dans des holdings, en France ou à l'étranger.
L'article L. 3326-1 du code du travail dispose que « le montant du bénéfice net et celui des capitaux propres de l'entreprise sont établis par une attestation de l'inspecteur des impôts ou du commissaire aux comptes. Ils ne peuvent être remis en cause à l'occasion des litiges nés de l'application du présent titre ». Son unique effet est d'empêcher les salariés de faire valoir leur juste droit à la participation s'ils estiment que le résultat de l'entreprise est artificiellement minoré, par exemple s'il est transféré dans une holding au prix de transfert.
Plusieurs affaires impliquant Procter & Gamble, McDonald's et Wolters Kluwer n'ont pu aboutir en raison de cet article. Il faut vraiment le faire évoluer ; à défaut, on ne peut pas parler de juste partage de la valeur. Nous avons déposé des amendements en ce sens en commission des affaires sociales. J'espère que vous serez tous à nos côtés pour cette bataille dans l'hémicycle.
Le présent texte a pour objet la transposition d'un accord entre organisations syndicales et professionnelles. Certains prétendent qu'il rogne les droits des salariés ou la liberté des chefs d'entreprise. Je suis navrée de devoir leur rappeler qu'il transcrit, à la virgule près, la volonté exprimée par les représentants syndicaux et les organisations professionnelles. La Première ministre s'est engagée, en février dernier, à assurer la transcription fidèle et totale de l'ANI dans la loi. Tel est le cas, par le biais de ce projet de loi et de plusieurs décrets. Nous n'avons jamais dévié de cette ligne.
On ne peut être plus respectueux du dialogue social qu'en transposant fidèlement le texte de l'ANI. Notre philosophie tient en une phrase : « Tout détricotage de cet accord serait un coup de poignard dans le dos des partenaires sociaux ». Son auteur est Geoffroy Roux de Bézieux, patron du Medef, ce qui constitue une preuve supplémentaire que le projet de loi visant à transposer l'ANI est totalement accepté par les partenaires sociaux. Ne jouons pas la surenchère en mettant en cause les équilibres obtenus par le dialogue et le compromis ! Les partenaires sociaux nous demandent de manière claire de respecter leur travail. J'invite chacun à respecter le dialogue social.
Nos collègues David Amiel et François Jolivet, ainsi que M. le président, ont rappelé que ce texte a pour unique objet la transcription de l'ANI, lequel renforcera forcément le partage de la valeur dans l'entreprise et s'inscrit dans la lignée de l'action que nous menons depuis 2017, d'autant qu'il soutient spécifiquement les PME, qui doivent être accompagnées.
Monsieur Cabrolier, l'ANI rappelle que les dispositifs de partage de la valeur n'ont pas vocation à se substituer aux salaires. S'agissant de la fraude fiscale, lutter contre elle est une priorité du Gouvernement, et singulièrement du ministre délégué Gabriel Attal.
Monsieur Bouloux, vous saluez la négociation mais vous souhaitez modifier les équilibres auxquels elle est parvenue, en introduisant par amendement de nombreux sujets qui ne s'inscrivent pas dans le champ de l'accord. Dès le début de la négociation, les partenaires sociaux ont indiqué qu'ils ne se saisiraient pas de la question des salaires, si important que soit l'enjeu de leur augmentation.
Madame Sas, vous qui avez travaillé sur le partage de la valeur dans l'entreprise, vous savez mieux que quiconque que le projet de loi vise uniquement à transposer l'ANI : il ne concerne ni la lutte contre la fraude fiscale, ni les salaires.
Article 2 : Faciliter le déploiement de la participation dans les entreprises de moins de cinquante salariés
Amendement CF11 de M. Frédéric Cabrolier.
Lors de l'élaboration de la loi Pacte, M. Le Maire avait indiqué que la formule permettant de calculer la réserve spéciale de participation (RSP) devait être revue.
Effectivement, le coefficient multiplicateur de 0,5 n'a plus lieu d'être. De même, la formule intègre les capitaux propres – il est prévu de soustraire 5 % de leur valeur –, ce qui n'est plus adapté : ce critère est pertinent pour les entreprises industrielles ; or, depuis 1967, le nombre d'industries a fortement diminué et l'économie s'est tertiarisée. La dernière partie de la formule reposait sur le ratio entre les salaires et la valeur ajoutée, afin de tenir compte de la contribution des salariés à cette dernière. Or le recours à la sous-traitance rend ce critère obsolète. Nous proposons de supprimer aussi de la formule le bénéfice net fiscal. L'amendement CF11 vise à fixer le montant de la RSP à 10 % du bénéfice net comptable.
Je partage votre avis sur le caractère insatisfaisant de la formule de calcul. Toutefois je défendrai un amendement ayant pour objet de demander au Gouvernement un rapport évaluant les différents scénarios possibles pour la modifier. Une fois en possession de ce rapport, nous pourrons avoir un débat plus éclairé sur la question. Je vous propose donc de retirer votre amendement.
La commission rejette l'amendement.
Amendement CF15 rectifié de M. Frédéric Cabrolier.
Les entreprises de l'économie sociale et solidaire (ESS) ne poursuivent pas de but lucratif et ne dégagent pas de bénéfices. Il n'y a donc pas lieu de les inclure dans les négociations relatives à la participation.
Votre amendement me paraît satisfait : le rapport d'information de nos collèges Louis Margueritte et Eva Sas indique que la participation est par principe exclue pour les entreprises de l'ESS. Elles ne dégagent pas de bénéfices mais ont parfois des excédents, qui ne peuvent toutefois pas faire l'objet d'une redistribution aux salariés. Je vous demande donc de retirer votre amendement.
Ce n'est pas ainsi que j'avais compris le texte, mais j'accepte de retirer mon amendement.
L'amendement est retiré.
Amendement CF112 de Mme Félicie Gérard.
L'article 2 permet d'ouvrir plus largement les possibilités de formule dérogatoire pour le calcul de la réserve spéciale de participation. De l'aveu de nombreuses organisations, la formule légale est complexe, ce qui nuit à la lisibilité du dispositif.
Un rapport est prévu au terme de l'expérimentation. À travers l'amendement CF112, je demande qu'il comporte une analyse des différentes évolutions envisageables pour la formule et qu'il évalue l'impact de chacune d'entre elles sur le dispositif. Ce rapport devra faire l'objet de concertations préalables avec les partenaires sociaux.
La commission adopte l'amendement.
Amendement CF13 de M. Frédéric Cabrolier.
Il s'agit en quelque sorte d'un amendement de repli par rapport à celui qui visait à instaurer un nouveau mode de calcul de la RSP. Nous demandons ici un rapport sur la question – mais la commission vient de retenir, me semble-t-il, un dispositif approchant.
Je partage pleinement votre volonté d'étudier de nouvelles méthodes de calcul de la participation, mais nous venons en effet d'adopter un amendement similaire. Je vous demande donc de retirer le vôtre.
L'amendement est retiré.
La commission émet un avis favorable à l'adoption de l'article 2 modifié.
Après l'article 2
Amendement CF14 de M. Frédéric Cabrolier.
Cet amendement concerne les entreprises ayant des capitaux propres importants, à savoir, en règle générale, les grandes entreprises. La formule légale prévoit que l'on soustraie 5 % des capitaux propres, ce qui peut avoir pour conséquence que la RSP soit nulle. L'amendement vise à obliger les entreprises de plus de 1 000 salariés à négocier une formule de calcul plus favorable. Dès lors qu'elles auront dégagé des bénéfices durant les trois dernières années, elles devront élaborer une formule permettant de distribuer une participation aux salariés.
L'intérêt de la formule légale est que tout le monde peut s'y référer. Cela n'empêche pas de négocier une autre formule au sein de l'entreprise, à condition que les versements faits aux salariés soient au moins équivalents à ceux résultant de l'application de la formule légale. La dérogation que nous ouvrons pour les entreprises de plus petite taille ne se justifie pas pour celles que vous visez. Je vous invite à avoir confiance dans la capacité des chefs d'entreprise et des salariés à dialoguer pour adapter la formule lorsque c'est nécessaire. Avis défavorable.
La commission rejette l'amendement.
Article 3 : Encourager la généralisation des dispositifs de partage de la valeur dans les entreprises comptant entre 11 et 49 salariés
Amendement CF18 de M. Frédéric Cabrolier.
Lorsque des entreprises satisferont aux trois critères leur imposant de créer un dispositif de partage de la valeur, le fait qu'elles puissent avoir recours à la prime de partage de la valeur pose problème. L'objet de cet amendement est donc de rendre cela impossible. Cette prime, exonérée de cotisations sociales et défiscalisée, est beaucoup moins équitable que l'intéressement ou la participation, car elle peut ne concerner qu'un nombre limité de salariés. Le risque est de voir certains chefs d'entreprise passer par la PPV plutôt que par les autres mécanismes de partage de la valeur pour remplir leurs obligations à moindre coût.
La PPV est plébiscitée par les chefs d'entreprise du fait de sa simplicité. Toutefois, elle est plafonnée. Dès lors, les entreprises ayant des ressources humaines et financières suffisantes sont déjà incitées à recourir aux autres dispositifs de partage de la valeur.
De plus, l'adoption de cet amendement aurait comme conséquence de dissuader les chefs de petites entreprises de procéder à un partage de la valeur ayant le mérite d'être simple sur le plan administratif, ce qui affecterait le pouvoir d'achat des salariés.
Enfin, cela irait à l'encontre de la volonté exprimée par les partenaires sociaux dans l'ANI. Avis défavorable.
La commission rejette l'amendement.
Amendement CF100 de M. Dominique Potier.
L'objet de cet amendement est de dispenser certaines sociétés anonymes à participation ouvrière (Sapo) de mettre en œuvre un dispositif de partage de la valeur. Par nature, ces structures, qui sont en quelque sorte des coopératives ouvrières, répartissent déjà la valeur de manière plus juste qu'une entreprise traditionnelle. Les plus fragiles d'entre elles doivent être protégées, d'où l'idée de les exclure du dispositif.
Tous les dispositifs de partage de la valeur, y compris la participation, doivent être développés, afin que l'ensemble des salariés en bénéficie. Même si, par nature, leur modèle est vertueux, il n'y a aucune raison d'exclure les Sapo de la nouvelle obligation : elles doivent elles aussi aller plus loin. Enfin, il existe une dizaine de Sapo comptant moins de cinquante salariés ; il est fort probable qu'aucune d'entre elles ne remplit la condition de bénéfice fixée par l'ANI. Avis défavorable.
La commission rejette l'amendement.
La commission émet un avis favorable à l'adoption de l'article 3 non modifié.
Après l'article 3
Amendement CF104 de M. Jérôme Guedj.
Les exonérations de cotisations sociales, très nombreuses, pèsent sur les ressources de la sécurité sociale. L'amendement vise à les conditionner au respect de certains indicateurs en matière de partage de la valeur.
Les partenaires sociaux n'ont en aucun cas envisagé d'intégrer dans l'ANI le dispositif que vous proposez de créer. L'accord privilégie les mécanismes incitatifs par rapport aux contraintes. Il ne faut pas déroger à cette philosophie. Le comité de suivi de l'ANI s'assurera du respect des objectifs en ce qui concerne le déploiement des dispositifs de partage de la valeur. Il me paraît plus pertinent de faire confiance au dialogue au sein de chaque entreprise pour leur diffusion que d'imposer de nouvelles contraintes.
Les critères en question ne sont pas précisés dans l'amendement. Vous allez soit trop loin, soit pas assez, cher collègue : s'il existe, en matière de partage de la valeur, des règles valables pour l'ensemble de l'économie, alors il faut les inscrire dans la loi. Si, au contraire, les règles doivent être déterminées en prenant en considération la diversité des entreprises dans les différents secteurs, alors il faut faire confiance au dialogue social – c'est l'esprit de l'ANI et du projet de loi.
Je laisserai à Jérôme Guedj le soin de défendre cet amendement, dont il est l'auteur, en commission des affaires sociales.
La commission rejette l'amendement.
Amendement CF16 de M. Frédéric Cabrolier.
L'amendement vise à harmoniser le niveau du forfait social s'agissant des primes de participation. Cela répondrait au souhait des entreprises, qui se plaignent souvent de la complexité des dispositifs de partage de la valeur. L'idée est de fixer le forfait social à 20 % pour les entreprises de moins de 250 salariés pour les versements au titre de l'intéressement ou de la participation. Pour compenser le manque à gagner, estimé à 586 millions d'euros, le forfait social serait relevé de 1 point, à 21 %, pour les entreprises de plus de 5 000 salariés.
Le rapport d'information de Louis Margueritte et Eva Sas a rappelé l'instabilité caractérisant le forfait social et a démontré que cette situation nuisait aux entreprises. Je ne suis donc pas favorable à ce que le régime soit une nouvelle fois modifié.
La commission rejette l'amendement.
Amendement CF99 de M. Gérard Leseul.
Cet amendement vise à réduire les allégements de cotisations sociales consentis aux entreprises lorsque le salaire minimum conventionnel de la branche dont elles relèvent est inférieur au Smic.
Les allégements de cotisations sociales sur les bas salaires sont un des leviers favorisant l'employabilité des personnes peu qualifiées. De surcroît, en adoptant cet amendement, nous créerions une charge nouvelle pour les entreprises, au détriment des augmentations de salaire qu'elles octroient quand elles le peuvent.
La commission rejette l'amendement.
Amendement CF97 de M. Gérard Leseul.
Je vous rejoins quant au fait que le premier outil de partage de la valeur dans une entreprise est le salaire. Toutefois je suis défavorable à votre amendement.
Sur la forme, l'objet du projet de loi est de transposer l'ANI. Or les organisations syndicales et patronales sont convenues dès le début des négociations d'exclure la question des salaires pour se concentrer sur celle du partage de la valeur. Il me semble malvenu que le législateur revienne sur ce qui a constitué un préalable à la négociation.
Sur le fond, une augmentation unilatérale aussi importante du Smic aurait pour conséquence de désorganiser l'économie. Les augmentations de salaire relèvent de la négociation, à l'échelle des entreprises comme des branches. Cela dit, il est vrai que les négociations sur ce point doivent aboutir dès que possible.
La commission rejette l'amendement.
Amendement CF98 de M. Gérard Leseul.
Cet amendement vise à organiser une conférence nationale sur les salaires. Les partenaires sociaux disposeraient de six mois pour négocier des accords de branche permettant d'augmenter les salaires minima hiérarchiques.
Le processus que vous appelez de vos vœux est déjà en cours : en 2022, selon le bilan publié par la Banque de France, les négociations salariales de branche se sont conclues par une augmentation des salaires de 5 % en moyenne – contre 1 % au cours des dernières années –, en lien direct avec l'inflation et les hausses du Smic. Récemment encore, des accords ont été conclus dans le secteur public, avec une nouvelle hausse du point d'indice, et dans la branche des assurances.
La commission rejette l'amendement.
Article 4 : Accélérer la mise en place de la participation dans les entreprises de cinquante salariés et plus couvertes par un accord d'intéressement
Amendement CF20 de M. Frédéric Cabrolier.
Lorsqu'une entreprise franchit le seuil de cinquante salariés, elle dispose de trois ans pour créer un mécanisme de participation si les salariés sont déjà couverts par un mécanisme d'intéressement. L'article 4 supprime cette dérogation. Dans le même temps, en vertu de la loi Pacte, une entreprise n'est obligée d'organiser la participation que si elle a employé plus de cinquante salariés pendant cinq années consécutives. Nous proposons de modifier cette condition : une entreprise serait soumise à la participation dès lors que ses effectifs ont dépassé le seuil en moyenne pendant cinq ans. L'idée a été formulée lors des auditions auxquelles j'ai assisté.
Le projet de loi assouplit déjà les conditions de franchissement du seuil, ce qui permettra d'augmenter le nombre d'entreprises où la participation est obligatoire, donc le nombre de salariés qui en bénéficieront, conformément à l'ANI. Je vous invite à respecter l'accord et à attendre qu'un bilan de la mesure soit dressé, de manière à savoir s'il faut assouplir davantage les conditions. Avis défavorable.
La commission rejette l'amendement.
La commission émet un avis favorable à l'adoption de l'article 4 non modifié.
Après l'article 4
Amendement CF90 de M. Jérôme Guedj.
Les signataires de l'accord ont appelé les services du ministère du travail à réaliser, d'ici à la fin de l'année 2024, un bilan de l'impact de l'article 11 de la loi Pacte – je vous renvoie à l'article 8 de l'ANI. Tel est l'objet de cet amendement.
L'évaluation que vous demandez me semble prématurée : du fait de la crise sanitaire, les données disponibles et la comparaison avec celles des années précédentes ne seraient pas significatives. Toutefois, les rapports futurs du comité de suivi et d'évaluation de la loi Pacte seront l'occasion de travailler sur ce point. Votre amendement est donc satisfait ; je vous demande de bien vouloir le retirer.
La commission rejette l'amendement.
Amendement CF12 de M. Frédéric Cabrolier.
Le commissaire aux comptes établit, dans une attestation, le montant du bénéfice net et celui des capitaux propres de l'entreprise. Ces chiffres permettent de calculer aussi bien l'impôt sur les sociétés dû par l'entreprise que le niveau de la participation. Or, même en cas de soupçon de fraude, cette attestation ne peut être remise en cause ; ce document se retourne donc contre les salariés. Nous proposons de rendre possible sa réévaluation.
Il s'agit d'un sujet important et technique. J'ai donc interrogé l'administration pour être en mesure de vous transmettre son analyse.
L'article D. 3324-40 du code du travail précise déjà que le montant de la réserve spéciale de participation doit être recalculé lorsque la déclaration des résultats d'un exercice est rectifiée par l'administration ou par le juge de l'impôt. Cela répond donc à votre préoccupation.
Le nouveau calcul porte sur l'année du redressement et seuls les salariés encore présents en bénéficient. Une autre option serait délicate, pour des raisons pratiques et d'ordre social. Tout d'abord, il serait difficile pour l'entreprise de remonter dans le temps pour verser un complément à des salariés qui peuvent avoir changé d'employeur entre-temps ; ensuite, la rectification d'un exercice peut se traduire, corrélativement, par une baisse pour d'autres exercices. Cela pourrait avoir pour conséquence d'obliger des salariés à restituer un excès de participation perçu au titre d'un exercice pour lequel le bénéfice est revu à la baisse.
Par conséquent, avis défavorable.
La commission rejette l'amendement.
Article 5 : Mieux partager les bénéfices exceptionnels au sein de l'entreprise
Amendement CF91 de M. Jérôme Guedj.
Notre amendement vise à transposer correctement l'accord national interprofessionnel en ce qui concerne l'automaticité du versement d'un supplément de participation ou d'intéressement – en l'état, ce n'est pas prévu. Soyons fidèles à l'accord, comme vous l'avez demandé, madame la rapporteure pour avis.
Mon analyse est que l'article 5 du projet de loi retranscrit fidèlement l'article 9 de l'ANI. Celui-ci prévoit que les négociations salariales, dans les entreprises de cinquante salariés et plus, doivent porter sur l'insertion d'une clause spécifique dont l'objet est de fixer les modalités de prise en compte des résultats exceptionnels par deux moyens, lesquels sont repris dans le projet de loi. Il s'agit soit du versement d'un supplément de participation, soit d'un renvoi à une nouvelle discussion. L'ajout du mot « automatique » qui figure dans l'ANI n'apporterait pas, selon moi, de précision juridique complémentaire, car l'objectif est déjà atteint. Je vous demande donc de retirer cet amendement ; à défaut, avis défavorable.
La commission rejette l'amendement.
Elle émet un avis favorable à l'adoption de l'article 5 non modifié.
Article 6 : Inscrire la prime de partage de la valeur dans le champ du partage de la valeur et de l'épargne salariale et maintenir une défiscalisation temporaire à destination de certains salariés des PME
Amendement de suppression CF64 de Mme Marianne Maximi.
Cet article rend possible le versement d'une deuxième prime de partage de la valeur au titre d'une même année civile. L'effet d'aubaine a été chiffré : selon l'Insee, 30 % du montant des primes Macron, soit près de 1,2 milliard d'euros, rien qu'entre juillet et décembre 2022, ont remplacé de vraies augmentations de salaires, pérennes et durables, ce que ne sont pas les primes, lesquelles demeurent aléatoires alors qu'on ne peut pas revenir sur une hausse de salaire. Par ailleurs, et vous le savez comme moi, les primes ne sont pas incluses dans le calcul des retraites ni dans celui de l'assurance chômage. C'est pourquoi nous demandons la suppression de cet article.
Vous proposez de supprimer plusieurs éléments importants : non seulement la faculté pour les chefs d'entreprise de distribuer deux primes plutôt qu'une, ce qui serait fort dommageable pour le pouvoir d'achat des salariés, mais aussi les autres dispositions de l'article, qui prévoient notamment que la prime peut alimenter un plan d'épargne. Je suis évidemment très défavorable à votre amendement, qui s'oppose frontalement à ce que prévoit l'ANI.
La commission rejette l'amendement.
Amendement CF71 de Mme Marianne Maximi.
Nous sommes absolument contre le principe des primes, vous l'avez bien compris. Cet amendement de repli tend à ne pas les exonérer d'au moins un type de cotisations, celles pour l'assurance vieillesse. Nous avons déjà longuement débattu du déficit de la caisse de retraite : les orientations politiques du Gouvernement consistent à alléger de plus en plus les cotisations sociales sur des parties des rémunérations, ce qui aggrave les déficits.
Le cadre fiscal avantageux dont bénéficient les PPV incite les chefs d'entreprise à y recourir pour redistribuer la valeur quand ils ne sont pas en mesure d'augmenter les salaires. Comme précédemment, je vous invite à faire confiance au dialogue social au sein des entreprises, lequel aboutira à des hausses de salaire quand c'est possible, et à ne pas entraver le déploiement des dispositifs de partage de la valeur prévus par ce texte. Avis défavorable.
Comme notre collègue Alma Dufour l'a elle-même souligné, cette série d'amendements a le but suivant : réduire ou supprimer la prime de partage de la valeur. Entre l'idéologie et les salariés, vous privilégiez toujours l'idéologie. Quelles que soient les estimations dont on dispose – celles que vous citez sont provisoires –, une très grande majorité des primes n'auraient pas été versées sous une autre forme si la prime de partage de la valeur, dite prime Macron, n'existait pas. Avec de tels amendements, on retirerait tous les ans plusieurs milliards d'euros de pouvoir d'achat aux salariés.
En ce qui concerne le quatrième trimestre 2022, l'évaluation n'est pas provisoire. Des montants disproportionnés ont été versés au titre de cette prime. L'Insee a considéré que cela équivalait à 30 % d'augmentation de salaire en moins.
La commission rejette l'amendement.
Amendement CF72 de M. Matthias Tavel.
Il s'agit, cette fois, d'interdire d'exonérer les primes de cotisations pour l'assurance chômage.
Monsieur Amiel, il n'est pas vrai que les entreprises donnent des primes suffisantes pour le pouvoir d'achat et qu'elles augmentent les salaires quand il le faut. Nous avons passé un an à assister, dans beaucoup de secteurs – la logistique, l'agroalimentaire ou encore l'industrie – des salariés qui étaient démunis face à leur employeur et qui ont fait des jours, voire des mois de grève pour obtenir des augmentations qui ne sont même pas à la hauteur de l'inflation. Vous vous souvenez peut-être du cas le plus emblématique, celui des salariés de TotalEnergies, qui ont réussi à obtenir gain de cause, mais il n'y a pas qu'eux. Des centaines de grèves ont eu lieu dans toute la France, et elles n'ont pas toutes été suivies d'effets. Telle est la réalité du dialogue social aujourd'hui.
Quant aux chiffres de l'Insee, vous dites qu'ils sont provisoires, mais ils ont le mérite d'exister. Nous affirmons que le fait d'ouvrir un droit aux primes permettra aux employeurs de ne pas verser les salaires exigés dans de nombreux secteurs.
Nous en débattrons plus en détail dans l'hémicycle, mais je ne comprends pas votre positionnement. On peut trouver que l'accord n'est pas suffisamment ambitieux, ou au contraire qu'il l'est trop, mais c'est un large accord, conclu par les forces syndicales dans leur quasi-intégralité. Vos amendements le déséquilibreraient. Je ne doute pas de la sincérité de vos propositions, mais j'y vois quand même une attaque contre l'accord signé par les syndicats, et je m'en émeus.
La commission rejette l'amendement.
Amendement CF21 de M. Frédéric Cabrolier.
Afin d'inciter à une diffusion plus large encore de la prime de partage de la valeur, nous proposons de rendre éligibles à ce dispositif les chefs d'entreprise, y compris les professionnels libéraux exerçant en nom propre ou par le biais d'une société dont l'effectif est inférieur à 250 salariés, tout en plafonnant la prime au maximum de ce que touche un salarié non mandataire social et en prévoyant qu'elle doit alors être versée à tous les salariés.
L'objectif de la prime de partage de la valeur est de permettre à un chef d'entreprise qui ne peut pas augmenter de manière pérenne les salaires de distribuer tout de même un supplément de pouvoir d'achat aux salariés. Il ne me semble pas opportun de prévoir que le chef d'entreprise peut se verser à lui-même la prime. Avis défavorable.
Empêcher les chefs d'entreprise de se verser la prime peut être un frein. Certains d'entre eux ont bien entendu plaisir à la distribuer même s'ils ne sont pas eux-mêmes concernés, mais pour d'autres, en bénéficier serait un plus.
La commission rejette l'amendement.
Amendement CF66 de Mme Aurélie Trouvé.
Nous proposons que les exonérations de cotisations sur la prime de partage de la valeur s'arrêtent s'il n'y a pas d'augmentation de salaire l'année suivante. Cette disposition vise à donner une pleine opérationnalité à la proposition que nous faisons d'augmenter le salaire durant l'année suivant le versement d'une prime de partage de la valeur.
La commission rejette l'amendement.
Amendement CF65 de M. Matthias Tavel.
Nous proposons que le versement de la prime de partage de la valeur donne lieu, ensuite, à une augmentation pérenne de salaire. Pour que cette prime joue réellement son rôle, les salariés bénéficiaires recevront l'année suivante une augmentation de salaire représentant 50 % du montant de la prime perçue.
Le principe de la PPV est, je le rappelle, de permettre à un chef d'entreprise qui n'est pas en mesure d'augmenter les salaires de distribuer la valeur créée. Du fait du dispositif que vous proposez, c'est toute l'attractivité de la PPV, plébiscitée par les chefs d'entreprise, qui serait affectée. Je fais confiance au dialogue social au sein de chaque entreprise pour aboutir à des augmentations de salaire quand elles seront possibles.
Je profite de cet amendement pour revenir sur la philosophie des dispositifs de partage de la valeur et leur articulation avec le salaire. Le principe est assez simple : quand une entreprise connaît une augmentation durable de sa rentabilité, de sa profitabilité, elle doit augmenter durablement la rémunération par les salaires, mais quand ce phénomène est temporaire ou provisoire, lorsqu'il dure quelques mois seulement, à la suite de l'obtention d'un marché ou d'une bonne nouvelle ponctuelle, il ne faut pas pour autant que l'entreprise ne fasse rien pour les salariés ; c'est à ce moment-là, au contraire, qu'elle doit se saisir des instruments provisoires qui ont été créés. Il existe en effet deux types d'instruments – d'une part, la prime de partage de la valeur, la participation ou l'intéressement et, d'autre part le salaire – pour garantir que les salariés bénéficient d'une juste rétribution de leur travail.
Nous verrons dans les prochaines études de l'Insee si ce qui a été observé au quatrième trimestre se poursuit. Si c'est le cas, cela voudra dire qu'il y a peut-être quelque chose qui ne tourne pas tout fait comme vous l'expliquez.
La commission rejette l'amendement.
Suivant la position de la rapporteure pour avis, la commission rejette l'amendement CF67 de Mme Aurélie Trouvé.
Amendement CF69 de M. Matthias Tavel.
Cet amendement vise à instaurer un plafond de versement de la prime. Tout salarié dont le salaire brut mensuel est supérieur à 3 494,40 euros brut par mois, c'est-à-dire deux Smic, ne pourra la percevoir. Il est en effet incompréhensible qu'aucun plafond soit prévu : rien ne justifie que la sécurité sociale paie des primes versées à des salariés bénéficiant de rémunérations élevées.
Vous avez évoqué le cas de profits qui ne seraient pas pérennes, mais je dois vous alerter sur le fait que les grands groupes qui réalisent année après année des bénéfices substantiels, sauf exceptions – la plupart du temps, ils enregistrent des bénéfices, comme le fait TotalEnergies –, n'augmentent pas pour autant les salaires à hauteur de l'inflation. Dans la réalité économique, ce n'est pas vrai : il n'y a pas de corrélation directe entre l'augmentation des bénéfices de façon stable et structurelle et l'augmentation des salaires. Celle-ci se produit surtout dans des secteurs tendus, connaissant des difficultés de recrutement, et cela ne concerne pas nécessairement des entreprises qui font de gros bénéfices – il peut s'agir de petites et moyennes entreprises ou industries.
Ce qui est sûr, en revanche, c'est que vous accordez aux patrons le pouvoir de donner du salaire sans versement de cotisations, ce qui crée un déficit pour nos systèmes de sécurité sociale.
Avis défavorable. Je souhaite que tous les salariés puissent bénéficier du meilleur partage de la valeur en entreprise que permet ce projet de loi, y compris ceux qui gagnent plus de deux fois le Smic. C'est le sens de l'accord signé par les organisations patronales et syndicales. Je rappelle aussi que les avantages fiscaux et sociaux sont moindres pour les salariés dont la rémunération annuelle dépasse trois Smic. Il existe déjà un cadre limitant le dispositif et il ne convient pas de l'alourdir encore plus.
Je ne vois pas au nom de quoi, quand on gagne deux fois plus que le Smic, on n'aurait pas le droit de bénéficier du partage de la valeur dans une entreprise. Quelqu'un qui gagnerait 3 494,50 euros n'aurait ainsi pas droit à la prime de partage de la valeur : vous irez sans doute lui expliquer pourquoi, dans votre circonscription.
En admettant que ce que dit l'Insee soit fondé, c'est-à-dire qu'il y ait un effet de substitution à hauteur de 30 %, cela représente quand même 560 euros de plus, en moyenne, par an pour chaque bénéficiaire, sachant que cinq millions de salariés en ont bénéficié. Je suis assez fier d'avoir voté cette disposition qui permet à 5 millions de Français de gagner 560 euros supplémentaires par an.
La commission rejette l'amendement.
Amendement CF35 de Mme Véronique Louwagie.
Je me réjouis de cet article 6, qui renforce l'ancrage de la prime de partage de la valeur dans le champ de l'épargne salariale. Seulement la moitié des salariés des entreprises françaises bénéficient d'un dispositif d'épargne salariale : nous devons promouvoir ces outils. C'est pourquoi je propose d'ajouter une disposition garantissant expressément au salarié la possibilité d'affecter à un plan d'épargne salariale tout ou partie des sommes qui lui sont attribuées au titre de la prime de partage de la valeur. Il faudra que ce soit prévu dans l'accord d'entreprise ou la décision unilatérale de l'employeur.
Je partage complètement la philosophie de votre amendement, car je suis favorable au renforcement de l'épargne salariale et sensible à votre proposition d'harmonisation des règles concernant la PPV avec celles relatives à la participation. En l'état, toutefois, votre amendement obligerait toutes les entreprises à disposer d'un PEE – plan d'épargne entreprise – ou d'un PER, y compris les plus petites d'entre elles, ce qui pourrait nuire au déploiement de la PPV dans les petites entreprises, où elle est pourtant appréciée tout particulièrement, en raison de sa simplicité. Je vous propose donc de retravailler cet amendement en vue de l'examen en séance.
L'amendement est retiré.
Amendement CF68 de Mme Aurélie Trouvé.
Nous proposons de conditionner l'exonération de cotisations sur la prime de partage de la valeur à l'absence de filiale dans les paradis fiscaux. Comme d'habitude, vous ne soumettez cette exonération à aucune contrepartie de la part des entreprises ; en profiteront ainsi des groupes qui ne paient pas d'impôt en France. Nous avons vu les exemples se multiplier ces derniers mois : je pense à la fraude massive de McDonald's, de 737 millions d'euros, au circuit d'évasion fiscale de General Electric ou à l'absence d'impôt payé en France par McKinsey, avec la complaisance de l'État. Il n'y a aucune raison que ces entreprises qui fraudent, donc nous volent de l'argent, bénéficient d'aides supplémentaires. La condition que nous demandons d'appliquer serait un début de message au sujet des paradis fiscaux et un début de lutte réelle contre l'évasion fiscale. Il faut que cesse l'hypocrisie.
Il ne faut pas courir plusieurs lièvres à la fois. Les entreprises qui ont des pratiques frauduleuses doivent être sanctionnées financièrement, comme c'est déjà le cas, et je ne doute pas de l'implication des équipes du ministère à ce sujet.
Par ailleurs, en cas de fraude, il est plus simple pour l'administration fiscale de récupérer les sommes concernées par une sanction financière unique que de multiplier les contrôles qui mobiliseraient du personnel aux dépens de la lutte globale contre la fraude.
Enfin, votre amendement conduirait à pénaliser les salariés de ces groupes alors qu'ils ne sont en rien responsables de la structure financière de leur employeur.
Pour toutes ces raisons, avis défavorable.
Je m'étonne des propos de notre collègue Leduc, qui a parlé de complicité de l'État à propos de l'entreprise McKinsey. J'imagine qu'elle a des preuves de ce qu'elle avance et qu'elle pourra nous en faire part dans les minutes qui viennent. Nous sommes en démocratie : le secret fiscal veut dire quelque chose, de même que le principe du contradictoire.
La commission rejette l'amendement.
Suivant la position de la rapporteure pour avis, la commission rejette l'amendement CF88 de Mme Aurélie Trouvé.
Amendement CF70 de M. Matthias Tavel.
Je suis très opposée à cet amendement. L'ANI propose une avancée : la possibilité que la PPV abonde l'épargne salariale permettra au salarié de se constituer une épargne de long terme, qui pourra lui être utile plus tard. Je rappelle aussi qu'aucune obligation n'est créée en la matière : tout salarié pourra choisir de percevoir la prime immédiatement s'il le souhaite. Faites confiance aux salariés pour déterminer ce qui est le mieux pour eux.
La commission rejette l'amendement.
Amendement CF22 de M. Frédéric Cabrolier.
Cet article permettra, comme pour l'intéressement, de verser la PPV dans un PEE, en contrepartie d'une exonération d'impôt sur le revenu. Afin d'inciter également les entreprises, le présent amendement vise à supprimer le forfait social – 10 % – sur leur abondement en cas de versement de la PPV par un salarié dans un PEE.
Je ne suis pas favorable à une nouvelle baisse du forfait social car l'ANI ne prévoit en aucun cas une telle mesure et cela risquerait de remettre en question les équilibres trouvés par les partenaires sociaux. De plus, une baisse aurait nécessairement un coût sur le financement de la protection sociale. Enfin, le rapport de nos collègues Louis Margueritte et Eva Sas a évoqué la tradition de forte instabilité du forfait social qui nuit à nos entreprises. Avis défavorable.
La commission rejette l'amendement.
Elle émet un avis favorable à l'adoption de l'article 6 non modifié.
Article 7 : Instituer un plan de partage de la valorisation de l'entreprise avec les salariés
Amendement de suppression CF73 de Mme Aurélie Trouvé.
Le plan de partage de la valorisation de l'entreprise ne permet pas aux salariés d'accéder à la gouvernance de l'entreprise. Selon Nicolas Aubert, chercheur spécialiste de l'actionnariat salarié : « On a d'un côté une prime conjoncturelle et de l'autre une dotation en patrimoine qui ouvre des droits. Un plan de valorisation, c'est juste de l'actionnariat salarié au rabais. »
Il est assez dommageable que vous vous opposiez au consensus issu de l'ANI et à une nouvelle mesure permettant d'associer les salariés à la valorisation de leur entreprise. La suppression de cet article nuirait à ceux-ci. Avis défavorable.
Si la CGT n'a pas voulu signer l'ANI, cela signifie quelque chose à nos yeux. Il n'en a pas été de même avec d'autres organisations syndicales qui, compte tenu de votre refus d'augmenter les salaires et de les indexer sur l'inflation, ont jugé que c'était mieux que rien. Je ris, lorsque vous faites valoir un dialogue social et que vous mettez en avant un compromis avec les syndicats. Qu'avez-vous fait du dialogue social lors de la réforme des retraites ? Cela ne vous dérangeait pas, alors, de ne pas les écouter !
Je suis un peu surpris que vous prétendiez savoir mieux que les salariés ce qui est bon pour eux alors que nous avons longuement échangé avec les organisations syndicales pour préparer cette loi.
Vous arguez d'un actionnariat salarié au rabais ; or, à l'article 13, vous défendrez des amendements d'opposition à tout actionnariat de ce type. Soyez honnêtes et reconnaissez d'ores et déjà que vous vous y opposez !
La commission rejette l'amendement.
Amendement CF23 de M. Frédéric Cabrolier.
Le plan de partage de la valorisation de l'entreprise concurrence le plan d'actionnariat salarié, en particulier dans les entreprises qui ne l'ont pas encore institué. Nous proposons de réserver le plan de valorisation aux entreprises non cotées car en l'appliquant à toutes les entreprises, l'édifice de l'actionnariat salarié serait fragilisé alors que ce dispositif doit être principalement développé. L'ouverture ou l'augmentation du capital, dans l'actionnariat salarié, suppose l'accord de l'assemblée générale dans le cadre d'une résolution adoptée aux deux tiers des voix, ce qui peut être compliqué.
Votre amendement est contraire au compromis auquel ont abouti les partenaires sociaux, lequel ne prévoit pas une limitation aux entreprises non cotées. Avis défavorable.
La commission rejette l'amendement.
Amendement CF11 de M. Mathieu Lefèvre.
Cet amendement vise à rehausser le plafond de distribution des primes à un même salarié au montant du plafond annuel de la sécurité sociale et non à ses trois quarts.
Je vous propose d'attendre un premier bilan du plan de partage de la valorisation de l'entreprise avant d'envisager de le modifier. Le montant des trois quarts a été défini par le Gouvernement en concertation avec les organisations syndicales et patronales. Je ne suis pas en mesure, à ce stade, de vous fournir les informations précises expliquant un tel choix. Je vous invite à retirer votre amendement et à le redéposer en séance publique afin d'avoir l'avis du ministre.
L'amendement est retiré.
Amendement CF74 de Mme Marianne Maximi.
Nous proposons de supprimer les exonérations de cotisations sociales appliquées à la prime de partage de la valorisation de l'entreprise. On ne peut pas à la fois pleurer sur le déficit de la caisse des retraites et procéder à des exonérations.
Nous parlons beaucoup avec les salariés. Nombre de ceux qui ont travaillé dans l'industrie nous disent que leurs primes n'ont pas été prises en compte dans le calcul de leur pension de retraite. C'est cela, la réalité, pour un ouvrier en fin de carrière !
Le régime fiscal et social avantageux de ce nouveau dispositif est une des conditions de son succès. Il me semble qu'il ne faut pas modifier ce cadre qui permet de diffuser largement le dispositif et donc d'en faire bénéficier un grand nombre de salariés. Avis défavorable.
La commission rejette l'amendement.
Amendement CF110 de M. Mathieu Lefèvre.
Mon amendement vise à exonérer totalement d'impôt sur le revenu les sommes versées dans le cadre de plans de partage de la valorisation de l'entreprise si elles sont placées et bloquées sur un plan d'épargne et non dans la limite de 5 % des trois quarts du plafond annuel de la sécurité sociale.
Le critère d'exonération d'impôt sur le revenu appliqué me semble déjà largement favorable puisqu'il concerne les sommes allant jusqu'à 1 649 euros. Cette mesure avantageuse aura un coût pour les finances publiques et il faudra le prendre en compte si l'on veut aller au-delà de ce que propose le projet de loi. Demande de retrait.
L'amendement est retiré.
La commission émet un avis favorable à l'adoption de l'article 7 non modifié.
Article 8 : Prévoir la possibilité de verser la prime de partage de la valeur et la prime de partage de la valorisation de l'entreprise sur les plans d'épargne salariale et les plans d'épargne retraite d'entreprise
La commission émet un avis favorable à l'adoption de l'article 8 non modifié.
Article 13 : Rehausser les plafonds globaux d'attribution d'actions gratuites et permettre le rechargement du plafond individuel de détention du capital social
Amendement de suppression CF55 de Mme Marianne Maximi.
Le versement d'actions gratuites fait planer la menace de leur substitution aux salaires.
Par ailleurs, leur vocation est d'aligner les intérêts des bénéficiaires avec ceux des actionnaires principaux. Or la financiarisation de la gouvernance d'entreprise qui accompagne de tels mécanismes est délétère dès lors qu'elle favorise la rentabilité à court terme au détriment d'une vision stratégique de long terme.
Enfin, la distribution de tels titres d'entreprise n'est généralement permise que par une opération préalable de rachat d'actions. Or celle-ci, consistant à détruire de la capitalisation boursière, ne doit pas être encouragée. Plutôt que d'étendre de tels mécanismes, il convient d'en supprimer la portée.
Avis défavorable à cet amendement qui revient sur l'un des équilibres de l'ANI. De plus, je ne souscris pas à cette analyse car, pour moi, la détention d'action par les salariés incite plutôt à se projeter sur le long terme puisque ceux-ci ont tout intérêt à ce que leur entreprise prospère.
D'un côté, vous vilipendez le versement de dividendes aux actionnaires et, de l'autre, vous ne voulez pas que les salariés bénéficient de l'actionnariat salarié. Nous souhaitons quant à nous que chacun puisse bénéficier de dispositifs de ce type. Cessez donc votre mascarade !
Nous débattrons de cette question, qui ne saurait se réduire à quelque mascarade que ce soit puisqu'elle divise les groupes.
La commission rejette l'amendement.
Amendement CF56 de M. Matthias Tavel.
L'exemple de TotalEnergie illustre tout ce que nous reprochons à votre système. Ce grand groupe s'est organisé pour procéder à l'évasion d'une grande partie de ses bénéfices, donc, d'une partie des actions que pourraient percevoir les salariés.
De plus, il fait appel à des franchises et à des sous-traitants. Dans les 3 500 stations-service Total, qui ne sont donc pas détenues directement par le groupe, les pompistes sont payés au Smic et n'auront jamais droit à l'intéressement que vous défendez.
En rendant possible le remplacement d'une part des salaires par des primes et des actions, vous créerez une immense inégalité entre les salariés du groupe, les salariés franchisés et les salariés des sous-traitants.
Enfin, si tous les salariés sont actionnaires, alors que TotalEnergie doit cesser ses investissements dans les énergies fossiles, vous placez les salariés devant un conflit d'intérêts : devront-ils privilégier l'avenir de leurs enfants ou la perception de dividendes ?
Cet amendement, qui vise à interdire le versement de stock-options et d'actions gratuites, contredit frontalement l'ANI qui prévoit, au contraire, de rehausser les plafonds d'attribution d'actions gratuites notamment pour en faire bénéficier le plus grand nombre de salariés.
Par ailleurs, votre argumentaire semble nier le fait que les salariés bénéficient très largement de ces mécanismes : nous comptons 3,5 millions de salariés actionnaires dans notre pays, ce qui nous place au premier rang européen.
« Notre système », dites-vous… Ce texte vise simplement à élargir la participation et à faire en sorte que les salariés puissent bénéficier des résultats de leur entreprise.
De plus, je vous remercie de bien vouloir apporter des preuves sur ce que vous qualifiez d'évasion fiscale de la part de Total. Il s'agit là d'une très grave accusation.
La commission rejette l'amendement.
Amendement CF58 de Mme Marianne Maximi.
Dès lors que les grandes multinationales ne paient pas d'impôt… McKinsey n'a pas payé d'impôt en France pendant dix ans et a été grassement payée pour des PowerPoint un peu ridicules… Je vous invite à relire le rapport du Sénat à ce propos.
Il convient d'encadrer le versement d'actions gratuites en fixant un écart maximal allant de un à vingt entre les valeurs totales d'actions gratuites maximale et minimale attribuées au sein d'une entreprise, entre salariés et dirigeants. Nous sommes favorables à l'interdiction des actions gratuites, qui contribuent à la financiarisation de la gouvernance d'entreprise, mais à défaut, celles-ci doivent être distribuées de façon plus juste.
L'ANI applique trois critères pour permettre d'augmenter le plafond d'attribution des actions gratuites : pour le porter à 30 %, il faut que l'attribution d'actions gratuites bénéficie à des salariés de la société représentant au moins 25 % de la masse salariale brute et au moins 50 % de l'effectif total ; pour le porter à 40 %, il est nécessaire que l'attribution d'actions gratuites bénéficie à l'ensemble des salariés de l'entreprise ; dans tous les cas, les écarts entre deux salariés ne peuvent dépasser un à cinq. Je ne pense pas qu'il faille remettre en cause l'équilibre qui a été trouvé par les partenaires sociaux à ce sujet. Avis défavorable.
La commission rejette l'amendement.
Suivant la position de la rapporteure pour avis, la commission rejette l'amendement CF57 de Mme Aurélie Trouvé.
Amendement CF92 de M. Jérôme Guedj.
En l'état du projet de loi, l'écart maximal serait seulement applicable entre chaque salarié. Cette rédaction semble ouvrir la porte à des versements d'actions gratuites disproportionnés aux dirigeants de l'entreprise, qui pourraient ainsi recevoir un nombre d'actions supérieur à cinq fois celui reçu par les salariés. Il nous semble donc nécessaire d'élargir l'obligation créée à cet alinéa à l'ensemble des dirigeants de l'entreprise.
La commission rejette l'amendement.
Amendement CF27 de M. Frédéric Cabrolier.
Au-delà de l'obligation légale de conservation de deux ou trois ans, nombre de salariés utilisent leur PEE comme un complément de rémunération, les sommes débloquées étant alors imposées. Cet amendement vise à les inciter à épargner au-delà de huit ans afin qu'elles soient exonérées de l'impôt sur le revenu.
Il s'agit d'une proposition intéressante pour inciter à faire de l'actionnaire salarié un investisseur de long terme dans l'entreprise. Dans la mesure où cela ne fait pas partie des propositions de l'ANI et que nous discutons d'un texte de transposition, je vous propose de retirer votre amendement pour éviter d'empiler les dispositifs ou de le redéposer en séance publique pour recueillir l'avis du Gouvernement à ce sujet en vue des discussions à venir dans le cadre du projet de loi de finances.
La commission rejette l'amendement.
Amendement CF28 de M. Frédéric Cabrolier.
Les entreprises doivent permettre à tous les salariés de souscrire chaque année à des actions dans le cadre du PEE à des conditions de prix analogues à celles d'un cercle restreint de salariés et de mandataires sociaux qui investissent au capital et placent leurs actions ordinaires ainsi obtenues dans un plan d'épargne en actions (PEA) pour bénéficier d'une exonération d'impôt sur la plus-value.
Je comprends l'idée sous-jacente à votre proposition de rapport. Toutefois, je ne suis pas certaine de l'opportunité de demander un rapport sur ce thème au Gouvernement. En effet, soit l'on juge que la possibilité donnée à certains salariés et aux mandataires sociaux de loger leurs actions dans les PEA n'est pas opportune et il faut la supprimer, soit il faut étendre cette possibilité à tous les salariés. Dans tous les cas, il ne me semble pas nécessaire de demander un rapport au Gouvernement. Avis défavorable.
Nous avons demandé la remise d'un rapport car nous pensions que cet amendement, sinon, aurait été déclaré irrecevable.
La commission rejette l'amendement.
Elle émet un avis favorable à l'adoption de l'article 13 non modifié.
Après l'article 13
Amendement CF105 de M. Jérôme Guedj.
Cet amendement vise à revenir sur l'allégement de la fiscalité sur les actions gratuites voté lors du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2019. Cette disposition n'avait pas fait l'objet d'une étude d'impact mais, lors des débats en séance publique, la perte de recettes avait été chiffrée à 120 millions par an.
Une telle dépense n'est pas justifiée au regard du déficit de la sécurité sociale, des efforts demandés à l'hôpital public, aux actifs et aux Français les plus modestes, notamment avec le report de l'âge légal de la retraite à 64 ans. Nous proposons donc de ramener la contribution patronale au taux de 30 %.
L'ANI contient des mesures visant à favoriser la distribution d'actions gratuites et limite les inégalités entre salariés dans leur distribution. Je suis donc opposée à l'adoption d'une mesure qui enverrait un signal contradictoire avec ce que propose l'ANI. Avis défavorable.
Je suis étonné d'entendre que la distribution d'actions gratuites serait réservée aux salariés les mieux rémunérés au sein des grands groupes.
En outre, lors de la discussion de l'ANI, les partenaires sociaux n'ont pas particulièrement appelé notre attention à ce propos.
Enfin, je constate que vous ne vous privez jamais de la possibilité d'augmenter une taxe. Votre stratégie consiste toujours à taxer, taxer, taxer.
Vous ne vous privez jamais, quant à vous, de diminuer les ressources de la sécurité sociale chaque fois que vous en avez l'occasion. Votre stratégie consiste toujours à diminuer, diminuer, diminuer !
Par ailleurs, il est de notoriété publique que ces distributions d'actions bénéficient en général aux plus hauts déciles. L'amendement, explique son exposé sommaire, vise « essentiellement des salariés très bien rémunérés », donc pas seulement eux.
La commission rejette l'amendement.
Amendement CF103 de M. David Amiel.
Il convient de permettre le déblocage anticipé des sommes bloquées dans un plan d'épargne entreprise pour les travaux de rénovation énergétique, ce qui répond à une préoccupation des organisations syndicales et de nombre de nos concitoyens qui ne disposent pas forcément de la trésorerie nécessaire à de telles opérations, pourtant indispensables à notre souveraineté énergétique et à la transition écologique.
Je partage votre orientation puisque j'ai moi-même déposé un amendement qui, poursuivant le même objectif, transpose plus fidèlement l'ANI en prévoyant deux autres cas de déblocage, concernant respectivement les dépenses engagées en tant que proche aidant et l'acquisition d'un véhicule vert. Je vous propose donc de retirer votre amendement au profit du mien.
L'amendement est retiré.
Amendement CF17 de M. Frédéric Cabrolier.
Les sommes versées sur le PEE sont bloquées pendant cinq ans avec la possibilité des déblocages anticipés en cas de rupture du contrat de travail, d'acquisition d'une résidence principale, de naissance ou de divorce, etc. Cela doit être également possible face aux grands enjeux que nous connaissons : le vieillissement de la population – je pense au statut de proche aidant –, la rénovation énergétique et la transition écologique – l'acquisition d'un véhicule propre.
Je partage votre souhait de transposer cet article dans la loi mais je proposerai un amendement qui comporte une rédaction différente et plus adaptée. Demande de retrait.
La commission rejette l'amendement.
Amendement CF113 de Mme Félicie Gérard.
Cet amendement vise à reprendre les dispositions de l'article 33 de l'accord national interprofessionnel en inscrivant dans la loi les conditions selon lesquelles un plan épargne entreprise peut faire l'objet d'un déblocage anticipé et propose d'ajouter à ces conditions trois nouveaux critères tels que définis par l'ANI : les travaux de rénovation énergétique, l'achat d'un véhicule propre et les sommes dépensées en tant que proche aidant.
La commission adopte l'amendement.
Amendement CF25 de M. Frédéric Cabrolier.
Nous proposons la suppression du forfait social pour les entreprises de moins de 250 salariés en contrepartie d'un abondement des versements des salariés qui s'engageraient à conserver ces derniers au moins huit ans.
Il s'agit d'une proposition intéressante pour inciter à faire de l'actionnaire salarié un investisseur de long terme dans l'entreprise mais dans la mesure où cela ne fait pas partie des propositions de l'ANI, je vous invite à retirer votre amendement.
La commission rejette l'amendement.
Amendement CF107 de M. Mathieu Lefèvre.
L'amendement propose de proroger d'une année le déblocage exceptionnel des droits à participation et des sommes attribuées au titre de l'intéressement dès lors que ceux-ci ont été investis et que le délai d'indisponibilité n'est pas arrivé à son terme.
Le déblocage de la participation et l'intéressement ont été votés l'an dernier dans un contexte particulier qui ne me semble plus le même – je songe au retour de l'inflation, qui n'avait pas pu être anticipé par les salariés. Cette mesure, introduite à l'initiative du Sénat, avait été bornée dans le temps et les partenaires sociaux n'ont pas proposé de la reconduire. Dès lors, je vous propose de retirer votre amendement ; à défaut, avis défavorable.
L'amendement est retiré.
Article 14 : Mieux orienter l'épargne salariale vers des fonds d'investissement à visée sociale ou environnementale
La commission émet un avis favorable à l'adoption de l'article 14 non modifié.
Après l'article 14
Amendement CF61 de Mme Marianne Maximi.
Nous proposons qu'un rapport évaluant les conséquences de l'évasion fiscale sur l'efficacité des dispositifs de partage de la valeur soit remis au Parlement. Nos collègues du groupe Renaissance semblent en effet avoir besoin d'être éclairés sur cette question…
L'évasion fiscale permet aux entreprises d'afficher un bénéfice moindre, donc, de réduire les enveloppes de participation ou d'intéressement versées aux salariés. Selon des estimations jugées très sérieuses par la Cour des comptes, dont celles de Solidaires Finances publiques, le manque à gagner pour l'État s'élèverait chaque année entre 80 et 100 milliards.
La fraude et l'évasion fiscale ont des effets délétères à de nombreux égards mais je ne suis pas certaine de l'intérêt de produire un rapport supplémentaire puisque celui de nos collègues Louis Margueritte et Eva Sas a déjà apporté des éléments intéressants et précis sur le sujet. Avis défavorable.
Gabriel Attal, ministre délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé des comptes publics, a annoncé un grand plan de lutte contre la fraude fiscale avec, à la clé, l'embauche de nouveaux agents qui renforceront les équipes des finances publiques. Nous attendons vos félicitations en séance publique.
Je voudrais demander à Mme la rapporteure de cesser de se servir du rapport Sas-Margueritte comme argumentaire ! Nous avons précisément souligné combien l'évasion fiscale est un réel problème et, à titre personnel, je suis tout à fait d'accord pour qu'un nouveau rapport approfondisse encore cette question. Si vous souhaitiez un réel partage de la valeur, vous vous y attaqueriez vraiment, ce qui n'est pas le cas.
La commission rejette l'amendement.
Article 15 : Améliorer la gouvernance des fonds communs de placement d'entreprise
La commission émet un avis favorable à l'adoption de l'article 15 non modifié.
Après l'article 15
Amendement CF26 de M. Frédéric Cabrolier.
Il convient d'améliorer l'information et le conseil des salariés, surtout s'agissant de l'épargne de long terme, notamment des PEE, où des arbitrages sont souvent nécessaires. Le compte personnel de formation des salariés pourrait permettre de rémunérer un prestataire indépendant des organisations syndicales et de l'entreprise, celle-ci ayant la possibilité d'apporter en complément une contribution financière couvrant partiellement le coût, qui serait assimilé à des frais de formation professionnelle.
Votre amendement est satisfait par l'article 15 du projet de loi, qui prévoit déjà une amélioration de l'information des épargnants salariés. En outre, il existe un guide de l'épargne salarial précis et régulièrement réédité par l'administration. Enfin, les organisations syndicales et patronales se sont engagées à faire des efforts dans ce sens. Avis défavorable.
La commission rejette l'amendement.
La commission émet un avis favorable à l'adoption de l'ensemble des dispositions dont elle est saisie, modifiées.
Membres présents ou excusés
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire
Réunion du lundi 19 juin 2023 à 14 heures
Présents. - M. David Amiel, Mme Émilie Bonnivard, M. Mickaël Bouloux, M. Frédéric Cabrolier, M. Jean-René Cazeneuve, M. Éric Coquerel, M. Dominique Da Silva, Mme Alma Dufour, Mme Félicie Gérard, Mme Nadia Hai, M. François Jolivet, M. Daniel Labaronne, M. Emmanuel Lacresse, M. Mohamed Laqhila, M. Michel Lauzzana, M. Pascal Lecamp, Mme Charlotte Leduc, M. Mathieu Lefèvre, Mme Véronique Louwagie, M. Sylvain Maillard, M. Jean-Paul Mattei, M. Emmanuel Pellerin, M. Robin Reda, M. Charles Sitzenstuhl
Excusés. - M. Christian Baptiste, M. Karim Ben Cheikh, M. Manuel Bompard, Mme Marie-Christine Dalloz, Mme Karine Lebon, Mme Christine Pires Beaune
Assistait également à la réunion. - Mme Eva Sas