France Insoumise (NUPES)
PCF & ultramarins (NUPES) PS et divers gauche (NUPES) EELV (NUPES)
Radicaux, centristes, régionalistes... LREM et proches (Majorité gouv.)
MoDem et indépendants (Majorité gouv.) Horizons (Majorité gouv.) LR et UDI
RN et patriotes
Non-Inscrits (divers gauche à droite sans groupe)
La séance est ouverte.
La séance est ouverte à vingt et une heures trente.
L'ordre du jour appelle le débat sur le localisme au service de la réindustrialisation et de l'environnement.
La conférence des présidents a décidé d'organiser ce débat en deux parties. Dans un premier temps, nous entendrons les orateurs des groupes, puis le Gouvernement. Nous procéderons ensuite à une séquence de questions-réponses.
La parole est à M. Kévin Pfeffer.
Sous la présidence d'Emmanuel Macron, la France est un pays fracturé et déchiqueté socialement par une inflation alimentaire incontrôlable, un pays qui accuse un retard économique important et bat des records en matière de défaillances d'entreprises. À tous ces maux s'ajoute celui de la division démocratique, provoquée par un gouvernement brutal et sourd aux revendications de la majorité des Français. Le gouvernement Borne, qui n'a pas de majorité, se contente de gérer les affaires courantes, sans réelle stratégie pour le pays. Pourtant, s'il y a bien un sujet qui ne peut attendre ni les prochaines élections ni la prochaine majorité, c'est la protection de l'environnement. C'est pourquoi nous avons souhaité inscrire un débat sur le localisme à l'ordre du jour de notre assemblée.
Demain, la question de la protection de l'environnement devra être au cœur de toutes nos politiques publiques. Nous le constatons tous, les épisodes récurrents de sécheresse et la gestion de l'eau sont à nos régions et à nos agriculteurs ce que la protection de biens communs tels que l'eau, l'air, les glaciers ou la terre sont à notre pays : de véritables enjeux du XXI
Si le concept de frontière est considéré comme une insulte sur les bancs de la gauche de l'hémicycle, il est, pour le Rassemblement national, un préalable à toute politique écologique. Que vous le vouliez ou non, c'est la frontière qui garantit l'espace dans lequel sont conduites les politiques votées par notre assemblée. La frontière régule le capitalisme fou et fixe la limite au mondialisme barbare qui ruine notre environnement, la biodiversité et notre santé.
La frontière nous protège contre le saccage de nos savoir-faire et de nos paysages et contre la marchandisation des individus. La première raison qui doit nous pousser à être écologiques est la préservation de notre maison commune, de notre chez nous : à cette fin, nous devrons diversifier les sources de revenu de l'agriculture familiale, rémunérer ceux qui jouent le jeu de la captation de CO
Au Rassemblement national, nous considérons que l'écologie ne se fera jamais contre le peuple, car la consultation et l'association du peuple sont des préalables indispensables à la bonne acceptation de toute nouvelle contrainte. C'est la raison pour laquelle Marine Le Pen a été la seule candidate à l'élection présidentielle – la seule ! –…
…à proposer un projet de référendum sur l'environnement en quinze questions, un projet rédigé, concret, précis, rassembleur et consultable par tous sur notre site internet – un projet loin, très loin, des gesticulations sectaires et parfois violentes de l'extrême gauche ! Compte tenu de l'offre politique actuelle, voter pour le Rassemblement national, c'est faire triompher l'écologie populaire et raisonnable, qui s'attaquera aux véritables acteurs de la destruction de notre environnement, et non aux Français qui triment chaque jour pour vivre de leur travail. C'est en cela que notre écologie diffère nettement de celle de la NUPES, qui réunit les tenants d'une écologie punitive, sans le peuple et contre lui, d'une écologie imposée au peuple.
Le plus grand risque, à court terme, pour la nation serait que la NUPES réussisse à faire détester l'écologie par une majorité de Français. Chacun le voit dans les collectivités dirigées par l'extrême gauche NUPES : lorsque vous souhaitez améliorer la qualité de l'air, vous imposez les zones à faibles émissions (ZFE), qui, concrètement, se traduisent pour nos concitoyens en zones à forte exclusion, reprises par les macronistes comme gage électoral – exclusion des véhicules des plus modestes, véhicules que vous jugez trop polluants ; exclusion des travailleurs de banlieue, des artisans et de la France périurbaine de nos centres-villes. Quand les Verts et le PS nous disent vouloir favoriser les entreprises locales dans la commande publique, ils font l'inverse en menant campagne pour le traité de Lisbonne et en favorisant, par leur vote, la sacro-sainte « concurrence libre et non faussée » au Parlement européen. Lorsque vous souhaitez piétonniser les centres-villes, comme à Bordeaux, vous faites des exceptions pour les livreurs de multinationales telles qu'Amazon, exceptions ressenties comme une insulte par les commerçants locaux, piétinés une fois de plus par les plus puissants.
En résumé, vous faites l'exact inverse de ce pour quoi vous êtes censés militer. Parfois, vos actions sont tellement caricaturales qu'elles sont moquées et détestées par les Français. Je ne reviendrai pas sur votre ridicule refus d'accueillir le Tour de France à Reims, le bannissement des sapins de Noël à Bordeaux, la suppression de la viande dans les cantines à Lyon ou la décision de mettre fin aux subventions pour les aéroclubs à Poitiers – car « l'aérien ne doit plus faire partie des rêves d'enfant ».
Notre écologie à nous, patriotes du Rassemblement national, est populaire : c'est celle du localisme et du bon sens. Le concept de localisme, que nous avons mis sur le devant de la scène politique lors des élections européennes de 2019, apporte des solutions concrètes au changement climatique. Pour décarboner la France, nous privilégions nos pôles d'excellence, ceux de la recherche et du développement, ceux de nos ingénieurs et de nos ouvriers. Nous faisons le choix de l'atome et du nucléaire, cette source d'énergie qui n'émet pas de CO
Ce n'est pas en vendant les turbines d'Alstom ou en abandonnant l'usine Ferropem, spécialiste du silicium, nécessaire à la production de panneaux photovoltaïques, que nous nous engagerons sur la bonne voie. Les conséquences de ces choix sont la dépendance énergétique et industrielle et l'importation d'énergie. Si c'est ainsi que le groupe Renaissance considère l'écologie et l'autonomie stratégique européenne, permettez-nous de ne pas souscrire à cette philosophie. Pour nous, l'écologie passera par la réindustrialisation du pays et par l'autonomie et la protection de secteurs stratégiques tels que l'agriculture.
Pour protéger notre agriculture, il faut interdire les importations de produits ne respectant pas les normes que l'on impose à nos propres agriculteurs. C'est d'ailleurs le RN qui s'est opposé à la Commission européenne à l'importation de pommes de terre canadiennes susceptibles de contenir un néonicotinoïde interdit dans l'Union européenne – interdit pour nos agriculteurs et nocif pour les abeilles ! En ce sens, notre écologie constitue une politique de santé préventive, qui anticipe les problèmes et les catastrophes sanitaires de demain.
Notre écologie localiste est une écologie du bon sens. Si nous souhaitons limiter les émissions de CO
L'économie du passé voulait être mondiale et ignorer l'histoire, la géographie, la nation et les territoires. Nous voyons aujourd'hui ses résultats destructeurs pour notre planète. L'économie du futur qui se remet sur pied est celle de la mesure, une économie confrontée à ses effets ici et maintenant. L'évolution technique accélérera ce mouvement. Produire près deviendra demain synonyme de produire mieux, plus juste, plus sûr, plus utile. L'État devra accompagner cette évolution. Produire localement, c'est relocaliser dans nos territoires. Démétropoliser, c'est soulager nos métropoles et irriguer nos régions. En résumé, c'est vivre mieux chez nous, partout.
Enfin, le localisme propose de repenser la politique des échanges commerciaux. Il faut protéger nos produits et nos savoir-faire pour contrer les traités de libre-échange. Il faut les labelliser et les détacher du marché. C'est en défendant notre identité, notre fierté et la transmission de nos savoir-faire, que nous garantirons l'emploi et que nous limiterons les importations nocives pour l'environnement. En limitant les importations, nous garantirons des prix contrôlés contre l'inflation qui explose dans notre pays. L'identité et le social sont les deux faces d'une même pièce : celle qui protégera notre environnement.
Seul le RN de Marine Le Pen défend cette conception. Voilà pourquoi l'écologie est le contraire de ce que prône l'extrême gauche NUPES, au premier rang de laquelle sont les Verts, pour qui la décroissance et l'interdiction sont les seules solutions. Pour conclure, être localiste, c'est protéger notre environnement, nos glaciers, nos rivières, nos produits du terroir, notre santé, nos emplois et nos communes. Être localiste, c'est être patriote. Nous continuerons sans relâche à défendre nos propositions en ce sens.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
L'économie capitaliste soumise à l'action combinée des forces de l'argent et des gouvernements libéraux conduit le monde à cette absurdité par laquelle une minorité fait sécession avec le reste de l'humanité. Une minorité d'ultrariches accapare les richesses et exige de produire toujours plus, au prix de l'exploitation des hommes et de la destruction des écosystèmes. Les travailleurs, les citoyens, l'humanité entière, sans distinction de croyance, de couleur de peau, de genre ou d'orientation sexuelle, sont livrés aux mêmes malheurs. Les seuls freins à la voracité de cette économie pour les riches sont les résistances des travailleurs, des militants syndicaux, des militants écologistes et des militants des droits de l'homme.
La pandémie de covid-19 a constitué la crise la plus globale de ce système transfrontalier. Elle a obligé les chantres du libéralisme à changer de discours. Je reviens sur cet événement car il sera, dans l'histoire des hommes, celui qui aura plus que tout autre unifié l'humanité, la rappelant à sa condition d'êtres vivants parmi d'autres êtres vivants, et d'êtres dépendants. Quand la pandémie a brisé les chaînes d'approvisionnement, quand elle a arrêté la production, ce sont les plus forts qui en ont tiré profit, sur le dos des autres. Rares alors ont été les solidarités entre puissances : rappelons cet épisode pathétique des masques commandés par la France et détournés par les États-Unis sur un tarmac chinois. Il a fallu cette pandémie pour que certains ici comprennent les dangers du système économique qui domine le monde.
Notre pays est malheureusement l'un des plus exposés à ces dangers, car l'un des plus dépendants de réseaux de production et d'approvisionnement dont nous n'avons pas le contrôle. En effet, parmi les grands pays industrialisés, la France a connu la désindustrialisation la plus marquée au cours des quarante dernières années. Les grandes entreprises françaises ont adopté des stratégies privilégiant l'investissement à l'étranger plutôt que l'exportation, ce qui s'est traduit par une division par deux de leur contribution à la balance commerciale nationale en pourcentage du PIB, passée de 4 % à 2 %. Au vu de ces éléments, il nous paraît crucial de questionner la globalisation, qui n'a d'autre motif que la réduction des coûts et qui récompense le moins-disant social et écologique. Nous devons la refuser dès lors que le bilan entre les bienfaits pour tous et le profit pour quelques-uns penche en faveur du second. Cependant, nous rejetons avec autant de force la pensée rabougrie qui prône la fermeture de l'économie sur elle-même et qui renonce de façon absurde à la coopération et à la complémentarité des économies.
Voilà pourquoi nous défendons une autre économie : l'économie sociale, c'est-à-dire une économie qui, tout simplement, doit avoir pour première finalité son utilité sociale, d'où la nécessité d'œuvrer à la définanciarisation de l'économie et de mettre hors de portée du marché les biens communs que sont l'eau, l'énergie, la santé, l'éducation, la culture et l'information.
L'économie doit être solidaire : elle doit permettre des relations et des échanges selon une responsabilité et un intérêt communs. La solution de rechange au libéralisme réside précisément dans le développement de coopérations entre nations et entre régions,…
Je suis heureux de vous entendre parler de nation ! C'est rare, à la NUPES !
…d'où la nécessité de sortir de traités de libre-échange aux conséquences dévastatrices pour l'environnement, pour l'emploi et pour la santé. L'économie doit également être circulaire : elle doit être organisée selon une logique durable et donc non consumériste et non productiviste. L'économie circulaire est le contraire du localisme :
« Non ! » sur les bancs du groupe RN
elle oblige à élargir le champ de la responsabilité, à intervenir sur le monde. Elle n'est pas une économie de l'enfermement et du circuit fermé et barricadé derrière des frontières.
Je déplore, monsieur le ministre délégué, que le projet de loi « industrie verte » persiste à imaginer la réindustrialisation de la France selon un modus operandi défectueux : il n'y aura pas d'avenir pour la réindustrialisation sans un contrat social et écologique contraignant pour les investisseurs, sans contrepartie sociale et écologique. Depuis plus de dix ans, nous avons, nous, les Insoumis, introduit dans le débat public un principe que nous espérons voir inscrit dans la Constitution, celui de la règle verte. Cette règle verte passe par la planification, qui rétablit la gestion du temps long plutôt que la dictature du temps court, ainsi que le refus de la concurrence et de l'accumulation. L'industrie verte ne vaudra pas mieux que l'industrie carbone tant qu'elle consistera en une politique de l'offre dont la finalité est la réduction des coûts de production pour écouler des biens.
Le localisme que prône l'extrême droite n'est rien d'autre qu'une version survivaliste, raciste et passéiste du capitalisme.
Protestations sur les bancs du groupe RN.
Le localisme ne mérite pas son suffixe : il n'est ni une théorie économique, ni un concept politique ou scientifique. C'est un pharisaïsme ! Par conséquent, vive la VI
« Quel rapport ? » sur les bancs du groupe RN.
Vive la règle verte, pour que vive l'économie sociale, solidaire et circulaire !
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Ah ! Enfin des paroles sensées ! Applaudissements nourris sur les bancs du groupe LR !
Sourires.
Le 16 janvier 2020, le groupe Nestlé annonçait la fermeture de sa ligne de production de « Kub Or » – vous en avez tous dans vos placards – de la marque Maggi, à Itancourt, dans mon village, et actait ainsi le licenciement de 158 employés. À la suite de ce véritable coup de massue dans le bassin d'emplois saint-quentinois, il a fallu redoubler d'efforts pour que s'implantent des start-up aussi innovantes que respectueuses de l'environnement. Aujourd'hui, l'une d'entre elles reconditionne des appareils électroménagers dans le cadre de l'économie circulaire, une autre produit des chips issues de matières premières axonaises et une troisième conçoit des panneaux isolants préfabriqués à partir de matériaux biosourcés régionaux. À la fin de l'année 2023, on peut espérer 80 à 100 emplois sur le site grâce à l'acharnement, au travail et à la volonté des forces publiques et politiques en présence, dont je fais partie. L'ancienne friche Nestlé d'Itancourt est désormais un exemple parfait d'une réindustrialisation au service de l'environnement, dans un processus qui allie circuit court, savoir-faire local et croissance économique.
Ce cas concret démontre que la réindustrialisation d'un territoire doit s'articuler autour d'une logique de proximité et d'une dynamique évolutive qui prennent appui sur l'histoire et les ressources disponibles d'un territoire. Mais attention, ne nous égarons pas ! La reconquête de la souveraineté alimentaire, énergétique et industrielle de la France ne doit pas s'envisager comme un repli sur soi, une autarcie ou une indépendance totale. Elle ne doit pas être le prétexte à un retour du protectionnisme, qui réunit contre lui le consensus des économistes et le bilan des expériences passées.
Les bénéfices de l'ouverture réciproque des marchés, de la diversification de l'approvisionnement et de l'élargissement des choix du consommateur sont un acquis certain de l'ère des échanges mondialisés.
Si elle ne veut être ni captive d'une autre puissance ni soumise aux contraintes du déclin, la France souveraine doit être capable de conduire une politique économique mondialisée et ouverte. Or elle ne peut le faire sans partenaires commerciaux, puisqu'elle ne peut pas assurer à elle seule l'ensemble de ses besoins. Elle doit aussi compter sur la coopération européenne pour être en mesure de rivaliser avec d'autres blocs économiques, afin de construire un marché intérieur de poids et qui puisse exporter ses normes et ses valeurs.
Le marché unique ainsi que la régionalisation des chaînes de valeur et des échanges sont des atouts nécessaires pour nous permettre de rivaliser avec nos concurrents internationaux. Par conséquent, le localisme, défendu aujourd'hui comme un slogan de campagne, n'est compatible ni avec le libéralisme économique ni avec la croissance.
Selon Marine Le Pen, toujours aussi contradictoire, « la liberté économique à l'intérieur, aucun problème, mais la libre circulation des marchandises et des capitaux avec l'extérieur, c'est terminé ». On aurait d'ailleurs presque pu mettre cette phrase dans la bouche de Jean-Luc Mélenchon.
Mais alors, devons-nous cesser nos échanges avec les marchés internationaux ? Actons-nous définitivement le déclin de la puissance industrielle française ?
À ce rythme-là, nous n'aurons même plus besoin de l'Anses – Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail – pour nous interdire d'exporter nos céréales. À titre d'exemple, dans l'industrie agroalimentaire, si l'on excepte les vins et spiritueux, la balance commerciale s'érode. La baisse de nos parts de marché à l'international se fait au profit de concurrents moins exigeants sur les plans social et environnemental et affaiblit donc la base productive française. Selon les données du Haut Conseil pour le climat (HCC), 51 % de l'empreinte carbone de la France sont liés à des émissions qui résultent de l'importation de biens et de services pour la demande finale intérieure. La France importe donc des émissions par l'intermédiaire de produits venant de l'étranger.
Je regrette ainsi que le localisme, tel que le conçoit le Rassemblement national, soit si réducteur et qu'il occulte, empêche ou restreigne le rayonnement industriel et économique français à l'échelle internationale. Je ne parlerai donc pas de localisme mais de souveraineté, car le local, c'est un choix de vie mais certainement pas une politique, une stratégie ni une réponse aux questions environnementales, économiques et sociales. Il serait plus pertinent de lui préférer la politique du circuit court, qui se traduit en nombre d'intermédiaires.
Ce n'est pas du tout la même chose ! Ouvrez le Petit Robert, et vous verrez !
Être souverain revient à ne pas dépendre de tiers et à ne pas subir une situation de dépendance ; être souverain, c'est une interdépendance maîtrisée et choisie ! Entre la pénurie de main-d'œuvre, le changement climatique, la concurrence internationale et le vieillissement des outils de transformation, il est désormais impératif d'ancrer nos usines dans les territoires, de rendre les métiers et les parcours professionnels plus attractifs…
…ainsi que, toujours dans une logique d'économie circulaire, de privilégier des productions décarbonées.
Je suis donc convaincu que, dans une économie ouverte, il n'existe pas de souveraineté sans compétitivité. Il faut œuvrer pour une amélioration durable de l'environnement économique, fiscal, institutionnel et culturel de l'activité en France, en l'ancrant dans les territoires. L'effort de compétitivité doit donc être poursuivi, au service de notre souveraineté économique.
M. Thibault Bazin applaudit.
La planète se dérègle, nos économies se dérèglent, plusieurs de nos territoires souffrent encore d'une industrie disparue et beaucoup de nos concitoyens se sentent éloignés de la start-up nation que vos gouvernements ont promue comme un nouvel eldorado. À mesure que croît cette inquiétude, l'enjeu social et écologique est devenu indissociable d'un besoin de plus grande protection et du retour des proximités. Le local traduit non seulement la volonté de se réapproprier son environnement mais aussi un besoin de solidarité, dans un monde globalisé qui nous inquiète et nous échappe. Notre pays, comme les pays voisins, fourmille aujourd'hui d'initiatives multiples, souvent passionnantes et créatives, associatives – c'est l'économie sociale et solidaire, comme on l'a dit tout à l'heure – ou privées, exaltant le proche et le collaboratif : nous ne pouvons que nous féliciter de ces initiatives et les encourager. Nous devons aussi nous réjouir de la créativité locale ainsi encouragée, des énergies et des solidarités créées. Cependant, on le sait, les problèmes globaux de nos sociétés modernes ne se résoudront pas tous par l'addition d'initiatives locales. Et dans l'exaltation du local par nos collègues du Rassemblement national pointe toujours, de manière plus ou moins fine, le risque du repli,…
…le risque de voir se réduire les exigences de solidarité et de justice, le risque du refus de l'autre.
Si l'échelle locale constitue ainsi un lieu privilégié pour l'expérimentation de solutions en matière de mobilité, d'alimentation, de santé, d'énergie et d'industrie, elle n'est pas toujours l'échelle la mieux adaptée à tous les sujets. Il est bien sûr illusoire de croire en l'autonomie alimentaire ou industrielle à l'échelle urbaine, et nous savons très bien que certains défis de grande ampleur ne pourront être relevés qu'en agissant aux échelles nationale voire européenne.
Le local – ou localisme – mériterait donc d'être précisé autrement que vous l'avez fait tout à l'heure en exposant votre stratégie du coucou,…
…qui reprend des thèmes à la mode, tant ses dimensions et ses acceptions peuvent varier. Je ne sais pas, chers collègues, si vous faites encore vôtre la critique de l'universalisme des Lumières, déjà énoncée dans les années 1970 par Alain de Benoist, qui prônait un local « au sein duquel les autochtones peuvent veiller sur leur propre identité et se défendre contre les agressions extérieures. Au contraire, la ville moderne est le domaine de l'illimité […], du brassage cosmopolite […] ». Vous prétendez devenir l'avocat du « petit gentil » face au « gros méchant », mais vous développez en fait, je le crains, une stratégie du coucou ou un schéma simpliste, parcellaire et qui ne cherche qu'à actualiser de vieilles lunes. Comme le Gouvernement, vous vous offusquez – vous l'avez dit à plusieurs reprises, au cours de nos débats, depuis plus de six mois – du niveau des cotisations sociales et fiscales, qui sont pourtant le socle de notre système de solidarité et de répartition.
Le Gouvernement, de son côté, ne cesse de prôner la libéralisation de nos économies et la simplification administrative, et vous ne vous y opposez pas.
N'exagérons rien ! On n'est pas encore au Far West !
Pour faire naître un développement industriel durable et protecteur des écosystèmes et des populations, il apparaît nécessaire de commencer par instaurer des niveaux d'exigence sociale et environnementale pour nos productions nationales et pour l'ensemble des produits que nous importons. Sans cela, la compétitivité nous sera toujours défavorable et nous ne pourrons pas réindustrialiser en relocalisant ces productions.
La crise sanitaire a démontré une nouvelle fois, de manière criante, le risque que notre désindustrialisation nous fait courir collectivement. Il y a bien évidemment un intérêt stratégique à avoir une industrie sanitaire et pharmaceutique en France, mais celle-ci doit être interconnectée avec celles de nos voisins européens. Seuls, nous ne pourrons pas reproduire tous les médicaments princeps ni disposer des matières premières nécessaires à une souveraineté sanitaire. De plus, nos champions nationaux – des entreprises comme Airbus ou d'autres – n'ont de cohérence que dans une logique européenne, intégrée dans des échanges internationaux. En effet, nos espaces sont ouverts et nos enfants voyagent ; nos modes de consommation s'universalisent et sont de plus en plus structurés autour de produits manufacturés qui sont parfois – malheureusement – de piètre qualité et dont l'impact est déplorable sur les travailleurs et sur l'environnement. Nous avons tous une part de responsabilité en tant que consommateurs, en tant que législateurs, en tant que régulateurs. Vous le savez, nos économies sont interconnectées et nous devons contribuer à en fixer les règles.
Nous devons changer nos modes de consommation, être plus sobres et plus responsables, mais ce n'est pas avec moins de règles que nous vivrons mieux. La réindustrialisation de notre pays ne doit pas s'accompagner d'un recul social et d'une pollution massive. Nous sommes tous pour la réindustrialisation de notre pays et pour une souveraineté industrielle, alimentaire et énergétique, mais nous ne nous donnons pas les moyens de les rendre réellement possibles, alors que nous pourrions le faire en renforçant les filières, en structurant les relations entre clients et fournisseurs ou entre donneurs d'ordre et sous-traitants, en développant une fiscalité juste entre les entreprises, en développant la participation des salariés à leur gouvernance, en partageant la valeur ajoutée et en respectant, monsieur le ministre délégué, le dialogue social.
Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, LFI – NUPES et GDR – NUPES.
Produire, consommer et recycler au plus près : pourquoi pas, évidemment ! Mais nous nous y opposons dès lors que cette proposition penche fortement vers le protectionnisme, la décroissance et la désindustrialisation, dessert l'innovation et accélère in fine la paupérisation des classes moyennes.
« Non ! » sur les bancs du groupe RN.
En réalité, ce patriotisme économique associé au localisme n'est pas la manière la plus efficace de traiter ni la question environnementale, ni celle du pouvoir d'achat, ni celle de notre souveraineté alimentaire et de la réindustrialisation.
Tout d'abord, si l'on considère le localisme dans son sens le plus restreint, qui renvoie à un mode de consommation, il est essentiel de rappeler qu'il ne constitue pas un levier d'amélioration de la durabilité environnementale des systèmes alimentaires. Sur le plan environnemental, ce n'est pas le transport lié à l'importation des produits lointains qui émet la plus grande partie des gaz à effet de serre du secteur agricole : c'est bien le mode, la technique de production qui en est responsable. Il faut donc en priorité, plutôt que de réduire le transport de nos produits consommés, moderniser les outils de production et favoriser la recherche et l'innovation, afin de réduire l'impact environnemental de l'exploitation des sols, de l'élevage et de l'industrie.
Au-delà de son faible impact sur le plan environnemental, cette distinction sur critère géographique serait fortement préjudiciable à l'agriculture française, par exemple, compte tenu du risque associé à des mesures de rétorsion commerciale des pays tiers. Rappelons que la France est le sixième exportateur mondial de produits agroalimentaires et le premier pays producteur agricole en Europe. La France, qui produit 17 % du marché européen, se place devant l'Allemagne et l'Italie. Les produits agricoles et alimentaires permettent de dégager le troisième ou quatrième excédent de notre balance commerciale selon les années. Le protectionnisme agricole serait donc une très mauvaise nouvelle pour nos agriculteurs, sans compter qu'il présenterait des difficultés du point de vue du droit européen, représentant une entrave injustifiée à la politique de concurrence.
Cette politique de concurrence est un objectif fondamental du projet européen car elle permet de garantir l'intégrité et le bon fonctionnement du marché intérieur – et vous connaissez notre attachement à l'Union européenne.
Enfin, sur le plan de la souveraineté alimentaire, soyons à la lucides et ambitieux : nous pouvons atteindre nos objectifs sans pour autant recourir à une politique protectionniste.
C'est tout l'objet de la politique que nous menons, notamment en ayant des exigences fortes en matière de qualité de l'approvisionnement. Le secteur de la restauration collective publique et privée fait figure d'exemple puisque les obligations en matière d'agriculture durable et biologique stimulent dans la pratique un approvisionnement accru en produits issus de la ferme France dont l'excellence n'est plus à démontrer. Il en va de même pour notre industrie, soutenue par des dispositifs gouvernementaux sans précédents dont notamment l'ambitieuse planification de l'industrie verte française.
Le localisme du Rassemblement national n'est finalement que le mélange de toute l'idéologie d'extrême droite que nous combattons avec fermeté :
Exclamations sur les bancs du groupe RN
celle qui favorise un entre-soi et confond mondialisation et frontières, celle qui prétend pouvoir sauver nos agriculteurs en se passant de l'Europe.
C'est cette idéologie qui nous conduit directement vers la désindustrialisation et nous éloigne de la croissance durable. Vous dénoncez le risque de décroissance mais c'est exactement vers celui-ci que nous conduirait une politique purement localiste.
Applaudissements sur les bancs du groupe HOR.
Pendant longtemps, l'écologie faisait ricaner le Front National : « la nouvelle religion des bobos gogos », comme se plaisait à dire Jean-Marie Le Pen. Mais voilà que, peu à peu, le RN a jugé nécessaire de rendre l'écologie compatible avec son projet. Vous passez en quelque sorte du nationalisme écolo-sceptique au localisme, cœur de la pensée verte du RN. Mais dans votre projet, on ne retrouve aucune proposition concrète pour la lutte contre le réchauffement climatique que certains d'entre vous continuent de nier. Nous n'avons aucune idée de ce que votre localisme transformerait dans toutes nos activités économiques, de ce que deviendraient les exportations, de ce que vous feriez de notre incapacité à produire tout par nous-mêmes. Nous en savons encore moins sur la façon dont nous devrions produire en cohérence avec ce que la terre nous permet réellement de produire. À la différence de l'écologie politique, votre enracinement local se définit aussi comme une fermeture à tout flux de l'échange, qu'il s'agisse des biens et services ou des personnes. Le localisme, c'est votre nouveau totem pour verdir votre discours.
Votre définition est enkystée dans une vision identitaire et nationaliste. À cette question locale et mondiale qu'est l'écologie, vous répondez local, national et patriotique. Le localisme est consubstantiel à la fermeture des frontières, une sorte d'entre-soi fondé sur l'appartenance à une terre et un héritage culturel communs. Le localisme vous sert à dénoncer la mondialisation sans proposer de solution, à combattre le libre-échange et à critiquer l'Union européenne qui handicape selon vous les entreprises françaises. Cette doctrine vous enferme dans de profondes contradictions. Produire local serait la voie pour se défendre du reste du monde. Or ce n'est pas toujours synonyme de qualité et de durabilité.
Une production agricole peut être locale mais intensive et carbonée, dépendante d'intrants chimiques et de pesticides funestes pour notre environnement et notre santé.
Elle peut aussi reposer sur de nombreux intermédiaires qui empêchent de payer au juste prix le producteur. Elle ne garantit en rien la justice sociale, le partage réel des richesses. Vous restez finalement enfermés dans une vision productiviste et libérale, à rebours d'une sobriété des productions, des usages et des consommations que nous devons impérativement adopter pour réduire nos émissions de gaz à effet de serre. Non, le local ne se marie pas avec cette vision productiviste. Pour les écologistes, le local est l'espace pour agir et pour sortir de cette vision.
Sur le plan social, le localisme vous permet de justifier votre politique antimigratoire et de se prémunir des « invasions migratoires et financières ».
Vous organisez une hiérarchie entre les écosystèmes. Pendant la dernière campagne présidentielle, vous expliquiez que chaque écosystème est ici et pas ailleurs ou encore qu'aucun écosystème vivant complexe ne résiste face à des migrations de masse. Vous répondez par la mise en avant des frontières à la question des réfugiés climatiques que vous classez comme des invasions migratoires et financières.
Pour nous, le local n'a pas de frontière propre, pas de définition cartographique. Il est impossible de limiter le territoire à un périmètre géographique restreint. « Dites-moi de quoi vous vivez et je vous dirai jusqu'où s'étend votre terrain de vie », disait Bruno Latour. Contrairement à vous, nous préférons la pensée de Bruno Latour à celle d'Hervé Juvin ou d'Alain de Benoist, celle de Rousseau à celle de Heidegger – vos auteurs préférés parce qu'ils ont une vision très identitaire.
Nous préférons le local qui coopère et la pensée en archipel. Pour nous, le local est l'échelle démocratique, celle où l'on joue collectif. Nous croyons en la fécondité des échanges entre des territoires très différents. Pour nous, la coopération et l'ouverture sont la clef de réussite face au réchauffement climatique. Nous interrogeons nos besoins et nos productions.
Le local est aussi et surtout l'espace de lien direct avec les écosystèmes, ce que des chercheurs appellent les biorégions auxquelles nous sommes favorables. C'est central pour les écologistes : le local permet de reprendre la main sur notre avenir et sur nos trajectoires, de donner du sens à nos activités, de nous mobiliser pour préserver les communs et de pouvoir librement choisir nos relations de subsistances et les discuter. Nous devons éviter le piège du localisme que vous proposez et nous débarrasser des hiérarchies qu'il sous-tend. C'est indispensable pour contester la domination de l'homme sur la terre et les vivants, premier pas vers une pensée écologiste. Votre vision du local n'est définitivement pas la nôtre.
Ni le hors-sol ni le localisme : réapprenons à faire territoire autrement.
Applaudissements sur les bancs des groupes Écolo – NUPES, LFI – NUPES, SOC et GDR – NUPES.
Je dois avouer que, lorsque j'ai accepté d'intervenir sur le localisme, je n'avais pas une idée précise de cet Ovni politique qui nous était proposé. Par conséquent, je me suis efforcé de repenser un peu à ce que nous avions vécu en 2001, lorsque Moulinex fermait et qu'un certain ministre disait que l'État ne pouvait pas tout. Partant de cette absence d'État stratège et de politique nationale majeure consolidée pour défendre notre industrie, je me suis penché plus précisément sur vos propos, monsieur le ministre délégué, concernant la fabrication des casseroles.
Exclamations sur les bancs du groupe RN.
En France, cette fabrication est dominée par Tefal, filiale du groupe SEB, et par l'entreprise familiale de Buyer, installée dans les Vosges.
L'industrie lorraine est très importante, elle a beaucoup donné au pays !
Ces entreprises se sont livrées dernièrement à un état des lieux de la fabrication et des ventes de casseroles dans notre pays. En 2022, le chiffre d'affaires lié aux ventes de ces ustensiles de cuisine fabriqués en France a progressé de 1,5 milliard d'euros dans l'Hexagone.
En 2023, ces mêmes industriels pronostiquent une légère baisse de la production, en raison de l'inflation et de la cherté de la vie qui frappent les ménages de notre pays. Vous-même, monsieur le ministre délégué chargé de l'industrie, vous avez tenu récemment à vanter la robustesse des casseroles tricolores ,
Rires sur divers bancs
déplorant que nous n'en vendions pas assez. C'est vrai : la fabrication française ne représente que 25 % des produits vendus en France, le reste étant essentiellement importé de Chine. Écoutons ce que disent dans la presse que je qualifierai de bourgeoise
Sourires
ceux qui sont présentés comme les défenseurs de l'industrie française, pour aller dans le sens de vos propos encourageant la fabrication de casseroles made in France. Ces entreprises expliquent qu'elles sont contraintes par les impôts de production et le coût de la main-d'œuvre.
Cette explication, nous l'entendons de manière récurrente sur ces bancs dès lors que nous discutons de la production nationale et d'une politique sociale – salariale en particulier – qui aille dans le sens de l'intérêt des salariés et des consommateurs. Ces mêmes arguments sont repris par les députés du Front national qui vous donnent régulièrement un blanc-seing dans cette enceinte quand il s'agit de pratiquer votre politique récurrente consistant à diminuer les impôts de production et à consolider le blocage des salaires.
Applaudissements sur les bancs des groupes GDR – NUPES et LFI – NUPES. – Exclamations sur les bancs du groupe RN.
En fait, le débat se déroule entre gens qui partagent la logique d'un capital organisant la division internationale du travail que nous subissons dans notre pays. C'est d'autant plus le cas que vous refusez d'imposer des exigences sociales et environnementales qui permettraient à nos productions nationales d'évoluer non pas dans un système de concurrence libre et non faussée – qui n'a de libre et non faussée que le nom – mais dans un système de concurrence loyale entre des pays producteurs qui assurent un haut niveau d'exigences salariales et environnementales.
La casserole Tefal, y compris en France, représente un enjeu environnemental.
Applaudissements sur les bancs des groupes GDR – NUPES, LFI – NUPES, SOC et Écolo – NUPES.
À l'initiative du Rassemblement national, nous débattons ce soir de la défense du localisme comme levier de réindustrialisation. Cette thématique n'est pas nouvelle dans le discours du Rassemblement national : elle est même une constante depuis quelques années.
Exclamations sur les bancs du groupe RN.
Cependant, elle repose une fois encore sur une méconnaissance des réalités économiques et géopolitiques, que notre débat ne manquera pas de souligner. Celui-ci n'en demeure pas moins fondamental car il interroge sur la réindustrialisation de la France et les conditions à réunir pour y parvenir. La réindustrialisation passe par la reconquête de notre souveraineté nationale et européenne, donc d'une indépendance fondée sur la maîtrise de l'outil de production et des savoirs, le développement de l'innovation et des formations, mais dans une économie ouverte. Elle se situe donc à l'opposé du projet du Rassemblement national, nostalgique d'un temps révolu qui prône la fermeture des frontières et l'autarcie.
Nul n'est dupe des conséquences des crises que nous avons traversées au cours des dernières années. La pandémie du covid-19, la guerre en Ukraine, la crise énergétique, l'inflation et la hausse des taux d'intérêt ont tout à la fois souligné, confirmé ou révélé la très grande interdépendance de nos économies, la perte de savoir-faire et la disparition de productions pourtant essentielles.
Depuis six ans que nous sommes élus, nous œuvrons sans relâche pour rebâtir notre tissu industriel.
Nous le faisons en réformant le marché du travail, en baissant la fiscalité de l'outil de production pour rivaliser avec nos voisins européens, en investissant massivement dans la recherche et développement, ainsi qu'en en formant les jeunes aux métiers d'avenir et en confortant nos dispositifs d'accompagnement à l'exportation, qui démontrent chaque jour, tous secteurs confondus, leur pertinence.
Nous le faisons très concrètement avec les plans France relance et France 2030, qui ont permis d'investir respectivement 30 milliards et 54 milliards d'euros en faveur de notre économie et de notre souveraineté industrielle. Nous le faisons grâce au sommet Choose France, bras armé de l'attractivité française, qui a permis de soutenir des projets partout dans les territoires.
C'est grâce à tous ces efforts que la tendance s'est inversée : en 2022, la France a enregistré pour la deuxième année consécutive davantage de créations d'usines que de fermetures, et affiche un solde net de quatre-vingt-huit nouveaux sites industriels ouverts.
Le taux de chômage baisse continuellement et le secteur industriel a créé 80 000 nouveaux emplois de 2021 à 2022. Ces premiers résultats illustrent, s'il en était besoin, que la stratégie fixée par le Président de la République est la bonne : la réindustrialisation est en marche et notre localisme se traduit par la multiplication des ouvertures de sites dans tous les territoires. J'en veux pour preuve l'ouverture d'une usine de production de batteries à Dunkerque.
J'en veux pour preuve, également, le projet de méga-fab annoncé par STMicroelectronics et GlobalFoundries à Crolles, en Isère, ou encore les investissements réalisés par Iveco dans ses centres de recherche à Rorthais et à Annonay.
Notre localisme n'est pas théorique, il est pratique. Il repose sur la mobilisation de toutes les forces vives d'un territoire. Nous préparons désormais la prochaine étape de la réindustrialisation, qui permettra à nos entreprises de devenir les championnes des technologies du futur et de réussir leur mutation en démontrant qu'il est possible d'allier compétitivité et transition écologique.
Le projet de loi relatif à l'industrie verte qui sera examiné dans quelques semaines, associé aux milliards mobilisés dans le cadre du plan France 2030, impulsera cette transition et en confortera la dynamique. Chacun ici le sait : ce sont ces outils qui nous permettront de demeurer attractifs et soutiendront directement la réindustrialisation dans tous les territoires. Avec 144 400 entreprises exportatrices, la France est le sixième exportateur mondial de biens et de services.
Le localisme défendu par le Rassemblement national prône la fermeture des frontières et l'adoption de mesures réglementaires restreignant les échanges mondiaux.
La réduction de nos importations affecterait directement notre capacité à exporter et mettrait en péril nombre de nos filières et de nos entreprises.
Un peu de respect !
Que deviendraient alors les fleurons français de l'aéronautique et du spatial, de la chimie, des parfums et de la cosmétique, de l'agroalimentaire ou du secteur pharmaceutique ? Que deviendraient nos jeunes pousses, dont la réussite dépend aussi de coopérations européennes et internationales ?
Ne pouvez-vous pas intervenir pour cadrer les débats, madame la présidente ? C'est insupportable !
Aucun de ces secteurs ne pourrait survivre grâce à une consommation exclusivement locale et dans une économie purement circulaire. La ligne politique affichée par le Rassemblement national n'est pas nouvelle : depuis toujours, vous entretenez auprès de nos compatriotes le mirage d'un développement économique fondé sur la fermeture des frontières. Après le Frexit et la sortie de l'euro, vous voulez désormais faire croire que l'immédiate proximité entre lieu de production et bassin de consommation serait, à elle seule, la réponse aux maux économiques et sociaux dont souffrent certains territoires.
Nous ne nous y trompons pas : ce qui nous guetterait alors, ce sont les fermetures en cascade de sites industriels,…
…et, in fine, une France exclue du commerce mondial qui, pourtant, nous permet d'imposer nos standards sociaux et environnementaux à nos partenaires.
À travers ce débat, ce sont deux modèles qui s'opposent, deux perspectives qui s'affrontent, deux visions irréconciliables de la France qui se dessinent. Notre localisme est une ambition en faveur d'un aménagement du territoire équilibré, se fondant sur notre capacité à réindustrialiser le pays, dans le respect des nouvelles et impérieuses exigences environnementales et climatiques.
Mme Brigitte Klinkert applaudit.
J'aurais aimé commencer cette intervention par une défense de notre bilan en matière de politique industrielle,…
Merci, madame la présidente. Ce bilan, toutefois, vient d'être merveilleusement dressé par Mme Marie Lebec qui, en dépit de quelques interruptions malvenues, a pu égrener les chiffres positifs qui caractérisent depuis maintenant six ans l'industrie française, en faveur de laquelle nous allons continuer d'avancer.
Je me concentrerai donc sur le débat du jour, à savoir le localisme, présenté par certains comme l'avenir de l'industrie et de l'économie françaises. J'attendais avec impatience des propositions concrètes de la part de M. le député Pfeffer : je ne les ai pas entendues. Je me contenterai donc de quelques conjectures, issues du programme improbable de la finaliste de la dernière élection présidentielle – qui, si je ne m'abuse, ne l'a pas emporté.
Nous avons un point commun, monsieur le député : moi aussi, j'aime les asperges.
Sourires sur les bancs du groupe RN.
Ça tombe bien : elles sont de saison. Vous préférez les fraises françaises aux fraises espagnoles ou marocaines.
Moi aussi : rien de tel que des Gariguette ou des Mara des bois pour égayer un repas. Le problème, c'est que vous les préférez pour les mêmes raisons que Jean-Marie Le Pen préférait ses amis à ses voisins.
« Oh ! » sur les bancs du groupe RN.
Vous le reniez ? Avec vous, ça commence par les fruits de saison et ça finit par les expulsions.
Exclamations et sourires sur les bancs du groupe RN.
M. Charles Fournier l'a bien souligné : vous cherchez une manière de parler d'écologie, parce que voilà cinquante ans que vous n'avez aucune idée sur la question et que vous pensez en avoir trouvé une. Votre démarche est doublement perverse : vous partez d'un constat écologiste en apparence cohérent et vous le travestissez en protectionnisme xénophobe, sans l'avouer. Ce n'est pas moi qui le dis : Hervé Juvin…
…parlait de préserver la biodiversité humaine – ça ne s'invente pas. Chez vous, le localisme est au protectionnisme ce que l'antisionisme est à l'antisémitisme : un cheval de Troie.
Exclamations sur les bancs du groupe RN.
Mon intervention sera donc simple et s'articulera autour de deux idées, elles aussi assez simples. D'abord, croire que les émissions de gaz à effet de serre sont locales est aussi pertinent que croire que le nuage de Tchernobyl s'est arrêté à notre frontière.
Alors oui, je suis à la fois écolo et libéral. Ensuite, faire croire qu'on peut acheter une télévision 100 % locale est aussi pertinent que prétendre qu'il y a du gaz dans le Calvados. Alors oui, je suis à la fois localiste et européen.
Qu'avons-nous fait depuis 2017 ?
Nous avons renforcé la proximité et relocalisé les activités productives.
Nous avons donné la priorité aux circuits courts,…
…y compris, comme la députée Violland du groupe Horizons et apparentés l'a très bien souligné, en renforçant la politique d'achats publics. Nous allons continuer en ce sens. Notre localisme consiste certes à promouvoir le local, mais pour en renforcer le rayonnement international, car une porte fermée l'est dans les deux sens. Or nous souhaitons exporter le vin, les voitures, les avions, ou encore les trains que nous produisons en France.
Monsieur le député Pfeffer ,
« Ce n'est pas lui ! » sur les bancs du groupe RN
dans votre département de la Moselle, on produit des rails, qui sont fabriqués avec de l'acier vert et qui seront demain, ne vous en déplaise, exportés en Ukraine pour la reconstruire : la France exporte des rails partout en Europe. L'aéronautique, le spatial, la chimie, les cosmétiques, l'agroalimentaire, l'industrie pharmaceutique : sans exportations, toutes ces industries mourraient. Je souhaite réindustrialiser la France pour qu'elle parte à la conquête du monde, non pour qu'elle se replie sur elle-même. Et je suis convaincu que l'industrie française peut être compétitive, même si une nouvelle baisse des impôts de production sera probablement nécessaire pour que nos entreprises restent attractives.
Allez expliquer aux salariés de Fleury Michon qu'ils ne sont pas assez productifs !
Au fond, votre localisme est un mélange de fausses bonnes idées – la baisse de la TVA, dont il a été montré qu'elle est à la fois coûteuse et dénuée d'intérêt économique ou social – et de vraies mauvaises idées, comme la fermeture des frontières. Comme toujours, vous prétendez apporter des solutions simples à des problèmes complexes.
Madame Chikirou – je vous entends parler fort, sans distinguer vos propos –,…
…vous avez critiqué la globalisation capitaliste, sauvage et galopante, qui nous a nourris depuis vingt-cinq ans. Halte à la caricature.
Rires sur les bancs du groupe RN.
Évidemment, la globalisation doit être réformée. Nous l'avons fait et nous continuons de le faire, dans un cadre européen. Mais reconnaissez tout de même avec moi que, depuis vingt-cinq ans,…
…1 milliard de personnes dans le monde sont sorties de la pauvreté,…
…grâce à une politique d'ouverture sur le monde.
Évidemment la question des inégalités doit être abordée et la pression insupportable que l'humanité exerce sur la planète doit être traitée. Mais ne jetons pas le bébé avec l'eau du bain et n'oublions pas que, dans des pays dont vous vous prétendez proches, 1 milliard de personnes sont sorties de la pauvreté en vingt-cinq ans.
S'agissant du projet de loi relatif à l'industrie verte, La France insoumise fait partie des deux seuls groupes à ne pas avoir répondu à l'invitation du ministre Bruno Le Maire, auquel je me joindrai, à venir discuter des propositions de l'ensemble des groupes composant l'hémicycle.
Je le vois jeudi pour parler du projet de loi ! Vous dites n'importe quoi !
Si vous avez des propositions à formuler sur ce texte, n'hésitez surtout pas à répondre à l'invitation que nous vous avons transmise.
Monsieur Gérard Leseul, nous sommes – comme vous, je le crois – favorables à un libre et juste échange. Nous nous inscrivons dans une logique européenne : nous devons nous assurer que la souveraineté européenne est une réalité et qu'elle permet aux États membres de conquérir le monde et d'exporter tout en préservant le modèle social et en maintenant un modèle environnemental exemplaire. Nous pouvons nous accorder sur ce point.
Monsieur Wulfranc, contrairement au Premier ministre en place en 2001 – il ne s'agissait pas d'un ministre –, je fais partie de ceux qui considèrent que l'État peut beaucoup. Depuis six ans,…
…nous avons montré qu'il pouvait agir pour réindustrialiser la France. Les casseroles, dont la production est effectivement en hausse – et pas uniquement parce que la demande a légèrement augmenté récemment pour des raisons qui vous sont chères – ne sont pas les seules concernées : la production de jouets, de vélos, de textiles, de tee-shirts et de pulls est en passe d'être relocalisée en France.
J'y venais, merci : nous allons également produire de plus en plus de véhicules électriques en France. Savez-vous de quoi nous aurons besoin, pour ce faire ? De matériaux rares qui ne sont pas disponibles dans notre pays et que nous devrons donc aller chercher quelque part. Si les pays concernés ne sont pas autorisés à exporter en France, nous n'en disposerons évidemment pas.
Le cobalt est concerné au premier chef.
Pour conclure – car je me garderai bien d'être trop long –, je tiens à souligner que l'ouverture sans naïveté fait partie des qualités que nous souhaitons promouvoir, tout comme la capacité à conquérir et à réinvestir, y compris dans les territoires délaissés, afin que l'industrie française, qui a repris du muscle depuis six ans, continue de se développer. C'est ainsi que nous pourrons, ensemble, conquérir le monde, dans une logique sociale et environnementale.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR.
Nous en venons aux questions. Je rappelle que la durée des questions comme celle des réponses est limitée à deux minutes, sans droit de réplique.
La parole est à M. Philippe Ballard.
Monsieur le ministre délégué, quand changerez-vous votre logiciel d'analyse économique ? Quand comprendrez-vous que, pour réindustrialiser le pays et se montrer vertueuse sur le plan environnemental, la France doit pratiquer le localisme, c'est-à-dire faire l'inverse de ce que vous prônez depuis des années ? Vous, la droite, le centre et la gauche, avez tous tenu le même discours : vous avez vanté aux Français la fable de la mondialisation heureuse, qui s'est finalement transformée en cauchemar.
Vous avez mis la France en compétition avec des pays n'obéissant pas aux mêmes règles fiscales, sociales ou environnementales qu'elle. La catastrophe était annoncée. Le pire, c'est que vous persistez dans cette voie.
Pourtant, des solutions existent. Elles réclament simplement du bon sens et de la volonté politique. Quand, par exemple, accorderez-vous la priorité, dans la commande publique, aux entreprises françaises produisant à proximité pour un coût comparable ? Quand comptez-vous réagir afin que la France ne soit plus obligée d'importer à longueur d'année des fruits, des légumes et de la viande blanche ou rouge pour nourrir sa population ? Pourquoi importons-nous de l'autre bout du monde des produits alimentaires que nous ne pourrions pas produire en France, car ils ne sont pas conformes à nos règles d'hygiène, comme le rappelait en septembre 2022 un rapport sénatorial ? Cerise sur le gâteau, ces produits importés traversent les océans sur des supertankers qui polluent autant qu'1 million de voitures en un an. Pourquoi ne pas privilégier le juste échange, plutôt que le libre-échange qui nous ruine ?
Et bientôt le Juste prix ! C'est Philippe Risoli, pas Philippe Ballard…
Sourires sur les bancs du groupe LR.
Emmanuel Macron, Président de la République depuis six ans après avoir été ministre de l'économie et secrétaire général adjoint de l'Élysée – soit dix ans passés au pouvoir –, n'a rien fait pour développer notre industrie manufacturière, qui ne représente plus que 10 % du PIB, c'est-à-dire moitié moins qu'en Allemagne. C'est sans doute pour cette raison que, dans son allocution du 12 mars 2020, dans laquelle il annonçait le confinement, il exprimait le souhait que la France retrouve sa souveraineté alimentaire et sanitaire.
Ma question est très simple : quand mettrez-vous en œuvre une politique réellement efficace, à rebours de celle que vous menez depuis des décennies ? Quand réparerez-vous vos erreurs ?
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Depuis six ans, la France est la première destination d'Europe pour les investissements directs étrangers (IDE).
C'est le cas pour la troisième année consécutive, monsieur Tanguy. Évidemment, si vous arriviez un jour au pouvoir – les Français nous en préservent –,…
…il est très probable que les 1 725 acteurs qui ont pris la décision d'investir en France en 2022 parce qu'ils considèrent qu'il y fait bon vivre, produire et exporter, repartiront aussi vite que vous serez arrivés.
Parmi les emplois créés ou maintenus en 2022, 58 810 sont liés à des investissements étrangers en France. Ne vous en déplaise – car je note que, depuis vingt-cinq ans, vous vous nourrissez de la désindustrialisation –, plus de 100 000 emplois industriels ont été créés en France depuis six ans.
On dénombre 80 créations nettes d'usines en 2022, après en avoir compté 120 en 2021, alors qu'on n'en n'avait plus créé depuis plusieurs décennies.
Ne vous en déplaise, notre bilan en matière d'industrialisation est bon…
…et il sera meilleur demain. Nous accélérerons dans cette voie. Nous convaincrons les Français de la qualité de ce bilan, à défaut, bien sûr, de vous en convaincre.
Ne vous en déplaise, la première protection que nous pouvons accorder à notre planète c'est le localisme, la souveraineté alimentaire et la défense de nos agriculteurs.
Alors que les enjeux environnementaux doivent devenir 1'un des fondamentaux des politiques publiques et que l'importance de la souveraineté alimentaire nous est rappelée par la crise du covid-19 et par la guerre en Ukraine, la promotion du localisme représente aujourd'hui une nécessité absolue.
L'écologie et la souveraineté alimentaire sont des enjeux nationaux. C'est pourquoi, au Rassemblement national, nous défendons le développement du localisme, c'est-à-dire à la fois l'engagement envers la réindustrialisation de notre économie, la protection de notre environnement mais aussi la garantie de produits de saison, de qualité et de proximité.
Nous devons revenir à nos racines, à nos artisans locaux et à nos industries de base. Le localisme est assurément la voie vers un avenir meilleur, plus fort et plus durable.
Nous avons tous été témoins des défis auxquels nos agriculteurs sont confrontés, notamment la concurrence étrangère et les changements climatiques. Aujourd'hui, plus que jamais, nous devons les soutenir. Il est de notre devoir de promouvoir et d'encourager l'agriculture locale pour garantir une alimentation saine et de qualité et préserver notre patrimoine alimentaire.
C'est pourquoi, au Rassemblement national, nous proposons notamment d'atteindre 80 % de produits français servis dans les lieux de restauration collective. Les repas, pris dans des établissements liés à l'État ou aux collectivités territoriales, sont financés par les impôts et par les cotisations sociales des Français. Il est donc normal que les produits français y soient mieux représentés. Cette mesure permettrait de dynamiser les filières agricoles nationales et de soutenir nos agriculteurs.
Ma question est simple. Comptez-vous enfin définir une véritable stratégie nationale visant à développer le localisme et à soutenir de manière pérenne nos agriculteurs et nos artisans ?
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Je vous remercie de me donner une fois de plus l'occasion de défendre le bilan de ce Gouvernement qui, depuis six ans, a fait beaucoup – et plus que bien d'autres – pour favoriser les circuits courts.
La politique volontariste menée par le Gouvernement pour développer des circuits de proximité repose, d'une part, sur l'information du consommateur, avec le lancement en 2021 de la plateforme Frais et local par le ministère de l'agriculture,…
…d'autre part sur le soutien à l'émergence de dynamiques territoriales puisque, depuis quatre ans, 330 millions d'aides publiques ont été versés pour structurer les filières en amont et en aval et rapprocher l'offre et la demande, ce qui correspond à 428 projets alimentaires territoriaux. Nous avons ainsi structuré la filière avicole autour du projet Œufs de nos montagne d'Auvergne-Rhône-Alpes, soutenu par France 2030, et cætera.
Pardon, monsieur Dessigny, je ne vous ai pas entendu ?
Vous me poserez la question tout à l'heure si vous le souhaitez.
La France dispose aujourd'hui d'une autonomie alimentaire de 60 %, plus forte sur les produits agroalimentaires que sur les produits agricoles – pour ces derniers, elle s'élève à 43 %. Elle est inégale selon les denrées. C'est dans les Hauts-de-France, chers à M. Dive, que l'industrie agroalimentaire est la plus variée tandis que l'Auvergne-Rhône-Alpes est la mieux dotée en industries annexes – emballages ou intrants, entre autres –, stratégiques pour l'alimentation.
Vous avez évoqué la question des achats publics. Or, dans le cadre de la loi pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous, dite Egalim, nous avions voté plusieurs dispositions afin de permettre aux cantines d'acheter des produits locaux, en circuit court.
Aujourd'hui, grâce à ces mesures, on retrouve dans les cantines plus de 50 % de produits français. Les quelques députés issus de votre parti qui étaient sur ces bancs à l'époque – dont Mme Le Pen – ne les avaient pas votées alors qu'ils auraient dû s'empresser de le faire.
Ils n'étaient jamais là ! On ne les entendait pas ! Il n'y avait que Mme Ménard qui bossait !
Aujourd'hui nous parlons de localisme, c'est-à-dire d'économie de proximité, alors que notre société ultralibéralisée est engagée dans une course effrénée aux profits. Ce modèle a conduit la France à perdre sa souveraineté et son industrie, un secteur marqué par la disparition de 2 millions d'emplois en moins de trente ans.
Car oui, par nature, le capitalisme entraîne des crises. Son appétit vorace est à l'origine du changement climatique, soit la plus grande crise que notre génération devra affronter. M. Macron, en bon commercial, vend la France à des investisseurs privés avec, en guise de cerise sur le gâteau, des cadeaux fiscaux pour ceux qui ne sont pas installés en France.
Dans le monde agricole, les maraîchers et les petits paysans ne s'en sortent plus. Ils voient leurs terres rachetées par de grosses coopératives de l'agro-industrie qui souhaitent y faire pousser une énième ressource à mettre sur le marché boursier.
La France insoumise, depuis de nombreuses années, est favorable à une agriculture vivrière, celle qui fait vivre les populations locales. Car oui, consommer local est nécessaire. C'est ce qui apporte de la vie à un bassin. Les gens ont leur travail, les paysans façonnent la terre et la société vit. C'est ainsi que le monde a fonctionné depuis la sédentarisation.
Or, avec les traités de libre-échange à tout va signés par la Macronie, on se retrouve avec des kiwis de Nouvelle-Zélande, des voitures électriques venues de Chine et, surtout, des zones périphériques de plus en plus dépeuplées et désertées.
Il faut réindustrialiser le pays dans le cadre de la bifurcation écologique et entrer dans l'ère des besoins plutôt que de rester dans celle de l'offre. Quels sont nos besoins ? Des éoliennes, des vélos, des locomotives ? Dans ce cas, produisons-les !
Nombreuses sont les TPE – les très petites entreprises – et PME – les petites et moyennes entreprises – qui ne demandent qu'à se développer en France. C'est le cas de Prism, à Frontignan, dans ma circonscription, qui a relancé une chaîne de production de masques à la suite des pénuries observées pendant la crise du covid-19 et créé quatorze emplois. Combien suivraient cet exemple si nous étions vraiment dans le cadre d'une planification écologique nationale ?
Après six ans à la tête du pays, allez-vous enfin agir ?
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES et SOC.
Cessons de caricaturer le modèle français dont, au fond, nous devrions tous être extrêmement fiers.
La France est un des trois pays dans lesquels la part de la dépense publique est la plus élevée au monde. Son modèle n'est pas celui du capitalisme sauvage que vous aimez à présenter. Notre système redistributif est le plus important au monde.
Madame Chikirou, si vous observez les écarts de rémunération entre les plus riches et les plus pauvres avant et après redistribution, vous constaterez que le modèle français est celui qui les réduit le plus.
Soyons-en fiers. Assurons-nous de sa pérennité. Pour y parvenir – et je vous rejoins sur ce point –, une des pistes est le développement de l'emploi, notamment industriel. C'est ce que nous faisons. Nous développons des industries, grandes comme petites.
Monsieur le député, vous avez dit qu'il fallait produire des locomotives. Souhaitez-vous que celles que nous produisons – grâce à l'un des trois champions mondiaux dans ce domaine – soient exportées ? Si oui, vous devez accepter que nous importions aussi des produits.
Avec quelques collègues ici présents, j'ai fait partie des rares députés qui avaient voté la ratification du Ceta, l'Accord économique et commercial global,…
…ce traité que, sur certains bancs, on qualifiait de diabolique en affirmant qu'il signerait la fin du modèle agroalimentaire français. En réalité, depuis que le Ceta est entré en vigueur, les exportations de fromages français ont doublé tandis que les importations de viande canadienne en France sont toujours égales à zéro.
Ne soyons pas naïfs mais soyons rigoureux et fiers de notre modèle industriel. Assurons-nous qu'il soit possible de produire ici pour exporter ensuite et, s'il vous plaît, ne fermons pas nos frontières.
Le localisme est une idée en vogue depuis quelques années. Son principe est séduisant puisqu'il repose sur une économie de proximité et vise à favoriser un système de production local et une répartition plus directe des richesses produites. En Côte-d'Or se développe ainsi la vente directe de produits alimentaires en circuit court.
Le localisme a pour objectif la préservation de notre environnement grâce à la réduction de l'empreinte carbone des échanges de biens. Dans cette optique, il serait très dommageable pour notre pays d'imposer ce modèle en distribuant des aides dont nous avons cruellement besoin pour que nos services publics fonctionnent mieux, surtout en milieu rural. Le « quoi qu'il en coûte » n'a pas sa place dans cette réflexion.
Le localisme peut aussi se conjuguer avec la réindustrialisation. Nos efforts doivent se porter sur le retour dans notre pays de filières qui conçoivent des produits haut de gamme, dans lesquelles la France dispose d'une expertise reconnue ou d'un avantage naturel – par exemple l'automobile ou les composants électroniques.
À présent, monsieur le ministre délégué, je vais un peu refroidir l'atmosphère. Contrairement à ce que Bruno Le Maire et vous-même nous rabâchez depuis plusieurs années, dans nos territoires ruraux, des usines ferment. Il n'y a pas de monsieur muscle. Par conséquent, cette réindustrialisation, de nature à permettre à nos territoires de se relever, ne pourra avoir lieu sans la volonté politique d'aider, entre autres territoires, le monde rural.
Or vous n'avez pas cette volonté.
Quand relèverez-vous le défi de la restauration de la compétitivité française ? Quand sauverez-vous un monde rural en situation de détresse économique ? C'est un cri d'alerte.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Je suis d'accord avec vous pour dire qu'il existe en France une industrie à deux vitesses. Dans certains secteurs, l'industrie va très bien, s'exporte et conquiert le monde. N'en déplaise à certains, il faut continuer à les laisser se développer ainsi. Dans d'autres secteurs, dans des territoires éloignés par exemple, l'industrie souffre. Puisque nous parlions tout à l'heure de Buitoni, je peux citer par exemple l'usine de Caudry, dans laquelle je me suis rendu il y a quelques semaines. À la suite d'un scandale sanitaire qui, nous le savons tous, a constitué une catastrophe dans le département et la région, Nestlé a décidé de mettre fin à son activité.
Nous intervenons en faveur de ces territoires. Je suis par exemple intervenu personnellement auprès de Nestlé pour chercher un repreneur. L'entreprise a accepté de réinvestir dans ce même territoire afin de réindustrialiser une région affectée par deux fermetures – car à celle de l'usine Buitoni s'ajoute celle de la sucrerie de Tereos, située à quelques kilomètres.
Je suis prêt à me rendre en Côte-d'Or si, dans tel ou tel territoire, les industriels ont besoin que nous les accompagnions. Nous le faisons. Si l'on tient le compte des ouvertures et des fermetures d'usines, l'an dernier, la France a enregistré un solde positif de quatre-vingts ouvertures. Il n'empêche que, malheureusement, des usines ferment – et cela ne va pas s'arrêter.
Pour chaque fermeture d'usine, je m'engage à essayer, lorsque c'est possible, de trouver un repreneur et quand, malheureusement, ça ne l'est pas, à m'assurer qu'une solution est prévue pour chaque salarié. Nous le faisons au quotidien – aujourd'hui pour Buitoni à Caudry comme hier pour l'usine Carelide à Tourcoing. Car, vous avez raison, l'industrie qui souffre ne doit pas être oubliée même si, par ailleurs, nous devrions aussi, toutes et tous, célébrer l'industrie qui va bien.
Désolé, monsieur Brigand, il n'y a pas de droit de réplique.
La parole est à M. Hubert Ott.
La France est un grand pays de l'histoire du textile, une filière qui a connu une forte expansion au milieu du XIX
Cependant, dans les années 1970, pour bénéficier d'une main-d'œuvre moins chère, notre pays a organisé une délocalisation massive de sa production textile. Ainsi, entre 1996 et 2015, nous avons perdu 51 % de notre production textile et 66 % des effectifs.
Autrefois capable de s'habiller toute seule, la France importe désormais ses vêtements de Chine, d'Inde ou d'Europe de l'Est. Pourtant nous continuons à produire des matières premières textiles de qualité. La France est ainsi le premier producteur mondial de lin et le premier producteur européen de chanvre. Mais la délocalisation des entreprises de production textile a entraîné la perte des savoir-faire et des machineries. Nous envoyons donc encore aujourd'hui 80 % de notre production de lin en Chine et les 20 % restants en Europe de l'Est.
Toutefois, depuis plusieurs années, quelques filatures renaissent sur notre territoire et avec elles des savoir-faire artisanaux et agricoles. En 2020, le groupe Velcorex-Emanuel Lang rouvrait ainsi la première filature de lin française dans mon département, le Haut-Rhin, offrant ainsi un nouveau débouché local à notre production.
Le localisme, en rapprochant la production de la consommation, doit devenir un principe d'organisation de notre réindustrialisation et de l'aménagement de nos territoires en transition. Dès lors, quoi de plus symbolique que de se lancer dans la relocalisation de notre production textile ?
Nous savons que l'industrie de la mode rejette plus de 1 milliard de tonnes de gaz à effet de serre chaque année. Si nous voulons réussir nos transitions, il est nécessaire de rapprocher les différentes étapes de production et de faire émerger un secteur textile local français.
Il faut également souligner que le lin comme le chanvre sont des plantes aux nombreuses vertus écologiques qui contribuent à une bonne gestion de l'eau tout en préservant la qualité des sols.
Ma question est donc la suivante : comment encourager la relocalisation de la production textile grâce à la création d'écosystèmes textiles locaux qui intègrent sur un territoire l'ensemble de la chaîne de valeur textile, de la matière première agricole aux savoir-faire artisanaux jusqu'aux acheteurs français ?
Je vous remercie pour cette question qui me permet de vous expliquer combien le textile est un emblème de la catastrophe industrielle qui nous affecte depuis des décennies mais aussi du volontarisme du Gouvernement qui, depuis quelques années, a pris le taureau par les cornes.
Cette filière a subi de nombreuses délocalisations : aujourd'hui 87 % des produits de mode sont importés, ce qui est paradoxal puisque la mode française rayonne dans le monde entier et représente l'un des secteurs, sur son segment haut de gamme, pour lesquels le chiffre des exportations nettes est positif – nous en comptons encore quelques-uns.
Cette filière connaît un renouveau, notamment dans les filières du lin et du chanvre que vous avez mentionnées.
Nous y travaillons à la fois en amont, au niveau industriel, et aussi en aval, au niveau des consommateurs pour leur redonner envie d'acheter français. Je suis sûr que chacun et chacune d'entre vous a déjà fait face à cette question : « Il est sympa ton pull, ou est-ce que tu l'as acheté ? Où a-t-il été fait ? » Quand il y a encore cinq ou dix ans, la question en général était : « Il est sympa ton pull. Combien coûte-t-il ? » Nous sommes en train de changer de culture pour ce qui concerne le « acheter français ». De ce point de vue, même si nous divergeons sur la question des moyens, je pense qu'on peut se retrouver.
Je rappelle que la France comptait, en 1968, 166 filatures de lin. Il n'en restait aucune il y a quelques années mais, vous l'avez dit, certaines sont en train d'ouvrir chez vous, en Alsace, mais aussi à Béthune, dans le Nord, en Normandie et bientôt en Bretagne. Nous sommes en train de relocaliser le tissage du lin en France mais aussi le tricot et la fabrication de textiles. On a aujourd'hui des distributeurs qui sont fiers de vendre du « fabriqué en France ». Profitons-en, continuons à investir. Le Gouvernement y contribue grâce à des aides extrêmement ciblées qui sont disponibles dans le cadre de France 2030 ; n'hésitez pas à nous envoyer des projets, nous les regarderons de près.
Sourires.
Votre gouvernement, appliquant de manière décalée les thèses néolibérales,…
…fait le choix de poursuivre la course effrénée à une prétendue compétitivité en baissant toujours plus le prix du travail, en développant les allégements fiscaux, en rabotant les protections administratives et en fragilisant, chaque jour un peu plus, notre système social : réforme des retraites, réforme de l'assurance chômage, pas de coup de pouce au Smic, primes à la place d'augmentations de salaire, projet de réforme du RSA… Qu'on arrête, s'il vous plaît, cette course mortifère pour nos territoires et pour nos concitoyens.
Au contraire, que le Gouvernement fasse le choix du progrès social, de la promotion de normes sociales et environnementales, qu'elles soient nationales ou européennes, protectrices pour nos territoires et pour nos concitoyens.
Conditionnez les aides des différents plans d'investissement, comme les attributions d'aides publiques et le crédit impôt recherche, à la localisation en France des chaînes de production ou de sous-traitance ; augmentez le contrôle français des investissements étrangers dans nos entreprises ; poussez au renforcement de la recherche et développement privée tout en soutenant celle qui est publique car les efforts stagnent et les montants sont inférieurs à ceux de nos voisins ; développez les filières recyclage, énergies renouvelables et les transports de fret ; rendez l'impôt sur les sociétés progressif comme l'est l'impôt sur le revenu des personnes physiques, sachant que les grandes entreprises payent moins aujourd'hui que les très petites et moyennes entreprises ; augmentez la représentation des TPE-PME dans les différents comités de filière ; enfin, ouvrez les conseils d'administration à la représentation salariée. Voilà ce qu'il faut faire si vous voulez une réconciliation de la France avec son industrie.
Monsieur le ministre délégué, ma question est donc claire : que comptez-vous faire de ces propositions de bon sens ?
Pas vous. Qu'un député de la France insoumise nous reproche un modèle néolibéral caricaturé et archi-sauvage, cela fait partie du logiciel, mais pas du vôtre.
C'est vrai, vous ne l'avez pas dit, vous l'avez juste sous-entendu en nous reprochant de mettre, depuis quelques années, à bas… ou plutôt de mettre dans la casserole, si je puis me permettre, toutes les recettes du néolibéralisme sauvage.
Je vous rappelle que toutes les aides de France 2030, soit 54 milliards d'euros, sont évidemment conditionnées…
…à des actions liées à l'innovation ou à la transition écologique.
Le crédit impôt recherche est par nature conditionné à des investissements dans la recherche et dans l'innovation dont la quasi-totalité se font en France et permettent d'installer des ingénieurs et des chercheurs dans notre pays.
Quant aux investissements directs étrangers en France, nous avons élargi la portée du décret dit Montebourg, ce que vous deviez appeler de vos vœux, pour l'étendre à davantage de secteurs, et nous examinons régulièrement de tels projets d'investissement de manière à s'assurer qu'ils ne mettent en aucun cas en cause notre souveraineté. Pour autant, il y a de plus en plus de projets d'investissements directs en France et, s'il vous plaît, félicitons-nous en.
S'agissant de la recherche et développement, qu'elle soit privée et publique, je rappelle que la majorité des députés de votre assemblée ont voté – je ne me souviens pas si votre groupe a fait de même – une loi de programmation de la recherche historique, un texte qu'aucune majorité n'avait voté auparavant et, depuis, nous investissons comme jamais dans la recherche publique.
S'agissant de la loi sur le développement des énergies renouvelables qui va permettre d'accélérer les investissements, je sais que votre groupe l'a votée.
J'en viens à votre proposition d'un impôt sur les sociétés progressif. Nous avons prouvé, de manière peut-être plus flagrante que jamais, que le proverbe bien connu « trop d'impôt tue l'impôt » est sans doute en partie vrai une fois qu'on en est arrivé au niveau d'imposition que connaît la France, puisqu'en baissant l'impôt sur les sociétés, nous avons multiplié les recettes dudit impôt comme jamais auparavant en leur faisant atteindre un niveau historique.
Cette baisse profite surtout aux grandes entreprises ! Si le Gouvernement ne l'avait pas baissé, il y aurait encore plus de recettes !
Mais non ! Plus vous augmentez les impôts, plus les entreprises vont évidemment aller faire leurs bénéfices ailleurs.
Enfin, je sais que vous ne siégiez pas lors de la législature précédente, mais vous savez certainement qu'on a doublé la représentation des salariés dans les conseils d'administration – je me souviens que votre collègue Dominique Potier y était très sensible, je ne sais pas s'il est encore dans l'hémicycle – dans le cadre de la loi relative à la croissance et la transformation des entreprises, dite loi Pacte, dont j'étais le rapporteur général. Nous pouvons peut-être aller plus loin, mais reconnaissez tout de même qu'on a avancé…
Oui, nous sommes passés de un à deux, ce qui est déjà pas mal.
Réunissant les représentants des cinquante sites industriels les plus émetteurs de gaz à effet de serre, le Président de la République a fixé, le 8 novembre 2022, un objectif de division par deux des émissions industrielles françaises au cours de la prochaine décennie. Pour y parvenir, des moyens sans précédent, dans le cadre de France 2030, vont être consacrés à la décarbonation de l'industrie. Voilà un exemple concret d'une stratégie ambitieuse visant à garantir la vertu environnementale de notre industrie et sa pérennité.
Une planification écologique a également été mise en place : cet outil de répartition des ressources et d'organisation permet d'assurer la concordance des efforts des industriels et du développement de solutions technologiques pour la transition écologique. Ainsi, monsieur le ministre délégué, le 16 janvier 2023, vous avez annoncé la création de zones industrielles bas carbone, dites Zibac, soutenues financièrement par l'État, pour le déploiement de technologies, d'infrastructures et de réseaux de décarbonation. Ces zones clefs en main seront consacrées à la réindustrialisation verte en permettant aux entreprises d'investir dans la transition écologique. Les zones industrialo-portuaires de Dunkerque et de Fos-sur-Mer sont les premières lauréates de l'appel à projets Zibac dans le cadre de France 2030.
Mme Agnès Carel murmure.
« Ah ! » sur plusieurs bancs du groupe HOR.
C'est fait, je vais vous l'annoncer !
Merci !
Monsieur le ministre délégué, quelles sont les perspectives des autres candidats à l'appel à projets et, surtout, quelles attentes pouvons-nous raisonnablement nourrir en termes de réduction des émissions et de maintien, voire de création, d'emplois en France ?
Applaudissements sur les bancs du groupe HOR.
Je vous remercie pour votre question qui me permet de préciser que la troisième Zibac a été annoncée vendredi dernier, dans une ville qui, je le pense, vous est chère ainsi qu'à l'ensemble de votre groupe puisque c'était au Havre, en présence notamment de son maire, d'un certain nombre d'élus locaux et de députés notamment communistes – mais aussi d'autres députés présents ce soir – ce qui montre bien que, s'agissant de l'industrie, quand on souhaite en installer, la décarboner et créer de l'emploi, nous sommes tous alignés, prêts à travailler de concert.
Les trois Zibac annoncées à ce jour, Dunkerque, Fos et Le Havre, représentent environ 25 millions d'euros d'investissements publics, complétés par 25 millions d'euros d'investissements privés. Au total, cela permettra de financer des études extrêmement importantes pour décarboner les zones portuaires que vous avez mentionnées. Elles représentent, à elles trois, 40 % des émissions de gaz à effet de serre de l'industrie. Il faut donc multiplier les outils qui vont nous permettre de les décarboner, soit l'hydrogène, l'électricité bas carbone, le changement de recettes des processus industriels, mais aussi la capture de carbone, son transport et son restockage car il est important que le carbone soit renvoyé d'où il vient, c'est-à-dire en grande partie vers la mer du Nord. Voilà tout ce que les projets Zibac vont permettre de faire.
D'autres projets sont aujourd'hui en cours d'examen par l'Ademe – l'Agence de la transition écologique – et par le secrétariat général pour l'investissement, et il y aura donc peut-être d'autres bonnes nouvelles à annoncer. En attendant, on peut se féliciter que ces trois zones, dans lesquelles les industriels, les élus nationaux, régionaux et locaux sont alignés, permettent de prendre la décarbonation à bras-le-corps, à la fois pour des raisons écologiques et économiques mais aussi pour des raisons sociales et politiques.
Applaudissements sur les bancs du groupe HOR.
Cette semaine de contrôle permet au Rassemblement national de porter le thème du localisme à l'ordre du jour… Cela vise à alimenter le mythe de la mue écologique du parti. Mais qui peut y croire sérieusement ?
L'écologie est clairement incompatible avec le logiciel de l'extrême droite, ils l'ont toujours montré en réalité. Le localisme est un concept dont les définitions varient selon où l'on se situe, de quel côté de l'hémisphère, de quel côté de cet hémicycle, et nous avons bien du mal à croire au manifeste venant de vos rangs – qui se sont d'ailleurs vidés au fur et à mesure d'un débat qui semble peu vous intéresser – car, comme le rappelait mon collègue Charles Fournier, la vision du Rassemblement national en la matière est loin d'être la plus désirable et plus loin encore d'être la plus vertueuse.
Il suffit d'ailleurs de s'attarder quelques instants sur la lecture du programme de Mme Le Pen pour réaliser combien le localisme à la sauce RN peut tout à fait se cuisiner à la sauce identitaire et capitaliste sans pour autant s'attacher aux ingrédients nécessaires à la réindustrialisation et à la préservation de l'environnement ou encore des écosystèmes. Le localisme du RN sur un autre plan, celui de l'énergie, reprend l'expression anglaise not in my backyard, en d'autres termes : « D'accord, mais pas chez nous ». Pourtant toute une filière peut être développée, celle d'une industrie nationale de l'éolien et du photovoltaïque, créatrice d'emplois et d'une expertise à la française, plutôt que d'importer. Il s'agit de constituer une filière à haute valeur ajoutée quand la question de l'indépendance énergétique pèse si lourd sur notre avenir. Mais non, surtout pas chez nous.
Mieux vaut ce bon vieux nucléaire, paré de toutes les vertus, le combat antiéolien alimentant un fonds de commerce électoral peu regardant sur la décarbonation.
Je pourrais continuer en abordant d'autres axes, mais les dix longues minutes qu'a duré la fable qui a fait office de discours liminaire ne méritent pas de s'épuiser à convaincre des climatosceptiques à peine déguisés.
À ce gouvernement qui entretient le mythe du progrès infini, de la consommation et du productivisme, je demande quand et comment il compte agir aux différents niveaux, national et européen, en particulier s'agissant des énergies renouvelables et de la politique agricole – je demande à voir pour l'industrie verte – afin que l'échelon local puisse enfin se développer harmonieusement et solidairement ?
J'adhère complètement à 90 % de vos propos qui constituent le début de votre question ; je ne répondrai donc qu'aux 10 % restants.
Notre plan est extrêmement ambitieux. Je suis convaincu qu'on peut à la fois industrialiser et décarboner en développant l'industrie verte, qui elle-même créera à la fois de l'emploi, de la souveraineté et une capacité à exporter des technologies d'avenir dans le monde entier. Il y a presque un an, c'était mon premier déplacement dans votre circonscription pour visiter une usine de l'entreprise Tetra Pak – financée avec des capitaux étrangers, n'en déplaise à certains –, qui crée de l'emploi en France. Cette usine produit des bouchons qui restent attachés aux bouteilles plastiques, et on espère ainsi qu'eux aussi seront un jour totalement recyclés. C'est un exemple, parmi d'autres, qui montrent que l'industrie verte existe aussi en France, qu'elle peut attirer des capitaux étrangers, créer de l'emploi et faire rayonner l'industrie de la décarbonation dans le monde entier.
Je pourrais en citer d'autres, notamment les Zibac, dont on a déjà parlé, qui vont montrer, je l'espère, que la France, dans un cadre européen – parce que tout cela ne peut se faire évidemment sans l'Europe –, peut devenir un des champions mondiaux de la décarbonation, avec en ligne de mire la planète, les hommes et les femmes, de l'emploi et de la prospérité, et, je l'espère aussi, une colère qui disparaîtra et l'espoir qui renaîtra.
Sur la production de casseroles sans doute ?
Sourires.
Pas cette fois ! Produire dans notre pays, c'est bien évidemment pouvoir irriguer nos chaînes de transformation et de distribution, qu'elles soient industrielles ou agricoles, pondéreuses ou céréalières, qu'elles consistent en des produits intermédiaires ou en des produits de consommation finale. Aussi, monsieur le ministre délégué, êtes-vous en urgence interpellé après l'injonction de la Commission européenne relative au soutien financier public accordé à SNCF Fret durant les années écoulées. Ainsi l'Union européenne voudrait-elle faire rendre gorge à l'outil industriel majeur que constitue SNCF Fret.
Je passe évidemment sur le rôle de cet outil durant la période du Covid, rôle que chacun a salué. Il reste que faire planer la menace du remboursement de 5 milliards d'euros par cette entreprise, cela revient à menacer de tuer ce que tout le monde s'accorde à considérer comme le moyen d'une reconquête industrielle territorialisée et aussi bien sûr comme un puissant levier de lutte contre le réchauffement climatique. Ce serait également un terrible plan de liquidation d'emplois directs et indirects.
Dès lors, pouvez-vous vous engager très sérieusement ce soir à contrer, quoi qu'il en coûte, l'initiative de la Commission européenne et à relayer toute action – les députés communistes en proposeront une –, destinées à mettre un coup d'arrêt à cette nouvelle agression contre notre indépendance nationale ?
Applaudissements sur les bancs du groupe SOC et sur plusieurs bancs du groupe Écolo – NUPES.
Je ne m'attendais pas à cette question dans le cadre d'un débat sur le localisme,…
…mais toutes les questions sont bonnes à prendre. La réponse risque toutefois d'être un peu incomplète. Évidemment, le Gouvernement prend acte de cette enquête ouverte par la Commission il y a un peu moins d'un an. Nous répondrons à la fois sereinement et avec détermination à toutes les questions qui nous seront posées pour contrer, non pas ce que certains qualifieraient d'attaque honteuse de la Commission, mais cette enquête ouverte, de manière à convaincre que ces aides n'étaient pas indues.
Pour le reste, nous regarderons avec attention la proposition que vous envisagez de soumettre avec vos collègues, comme nous le faisons avec toutes les propositions ; nous verrons ensuite si nous pouvons y répondre positivement.
Nous connaissons tous ici le rôle d'entraînement que joue l'industrie. Vous le savez, je suis député de la Corse ; je regrette être l'élu d'une île où le secteur secondaire pèse le moins lourd de toutes les régions métropolitaines, avec tous les dégâts que cela suppose en matière sociale et économique. Je veux dire aussi que le statut colonial douanier qui avait été imposé la Corse entre 1818 et 1912 n'y est pas pour rien. Je referme cette parenthèse et j'en viens à ma question, qui sera ponctuelle, car beaucoup de choses ont déjà été dites.
On sait que le déficit commercial de la France impose, en particulier, un effort de réindustrialisation. Le potentiel d'investissements limité nous oblige à privilégier le meilleur effet de levier possible : je suis de ceux qui pensent que la production d'énergie entre dans cette catégorie. Ce choix offre non seulement de forts retours sur investissement, puisque l'énergie constitue d'abord une source majeure d'hémorragie financière qu'il est utile de limiter, mais il offre aussi en amont un fort potentiel de production de matériels, qu'il s'agisse de l'éolien ou du solaire.
Monsieur le ministre délégué, existe-t-il, oui ou non, des incitations particulières à la production domestique de panneaux solaires et plus largement de matériel de production d'énergie renouvelable, dont on sait qu'une part importante est actuellement fabriquée en Asie ?
Merci pour votre question qui me permet, comme vous, de rappeler que la production d'énergie n'est pas seulement une fin en soi ou un moyen d'industrialiser les autres secteurs ; c'est un secteur industriel en tant que tel. Avoir une politique énergétique ambitieuse, comme aujourd'hui, est aussi une manière de réindustrialiser la France dans ces secteurs essentiels : c'est le cas en matière nucléaire et nous souhaitons qu'il en soit autant dans les domaines photovoltaïque et éolien. Tel sera notamment l'objet du projet de loi sur l'industrie verte – je pense que Bruno Le Maire l'a évoqué cet après-midi lors des questions au Gouvernement –, qui vise à financer de manière plus efficace, peut-être par des crédits d'impôts, les secteurs responsables de la transition écologique, notamment ceux que vous avez mentionnés, le photovoltaïque et l'éolien.
Comme tous les groupes parlementaires, le vôtre a été invité par Bruno Le Maire. Nous vous recevrons les uns après les autres à Bercy, de manière à écouter vos propositions – n'hésitez pas à nous rejoindre. Il me semble que le président du groupe LIOT a déjà répondu à notre invitation et qu'il viendra discuter avec nous avec plaisir ; vous serez le bienvenu à ses côtés pour nous présenter vos idées.
Monsieur le ministre délégué, vous l'avez dit, nous défendons notre industrie, nous la protégeons et nous la renforçons. Les relocalisations se multiplient. En effet, 155 entreprises sont revenues produire en France. C'est le cas de Smoby, qui a ramené sa production de Chine dans le Jura.
Le projet de loi relatif à l'industrie verte, que vous allez présenter, est l'affirmation de notre volonté de commander, de fabriquer et d'acheter en France. La relocalisation industrielle s'inscrit dans la planification écologique durable et dans le développement de l'emploi local. Ce projet de loi a aussi pour ambition de favoriser la commande publique nationale. Les collectivités le savent : acheter local, c'est bon pour la planète, mais aussi pour les entreprises, surtout pour les producteurs de proximité dans nos territoires.
Régulièrement, les élus plaident pour une réforme de la réglementation de la commande publique. C'est pour cela que le Gouvernement met tout en œuvre pour articuler les réponses française et européenne, qui sont deux échelons complémentaires. Rappelons que la loi Egalim a favorisé l'approvisionnement de produits agricoles de proximité. La loi Pacte puis la loi d'accélération et de simplification de l'action publique, dite Asap, ont assoupli l'accès aux marchés des petites entreprises locales.
De votre côté, monsieur le ministre délégué, vous avez agi pour simplifier les procédures et accélérer la relance en relevant le seuil des marchés publics à 100 000 euros. Cette mesure a vraiment favorisé l'économie locale et les travaux des artisans locaux pour les marchés à faible montant. Pour faire davantage de l'achat public un levier de souveraineté et de développement et permettre à nos entreprises de trouver des marchés et de créer de l'emploi, je suis sûr que vous saurez trouver encore d'autres stratégies.
Pour développer le made in France en échappant au double écueil des logiques nationalistes uniformatrices, qui ne fonctionnent pas, la fermeture de nos frontières serait une catastrophe, car ce ne sont pas les emplois alternatifs locaux que le Rassemblement national propose de créer qui nourriront la croissance de notre pays.
Vous l'avez rappelé, la France est le sixième exportateur mondial de biens et de services et le premier destinataire des investisseurs en Europe.
Madame la députée, merci pour votre question.
« Il n'y a pas eu de question ! » sur plusieurs bancs du groupe RN.
En effet, tant au niveau européen qu'au niveau national, nous avons beaucoup fait pour favoriser les achats locaux dans le cadre de la commande publique. À l'échelon européen, le règlement sur les subventions étrangères peut nous conduire à exclure des marchés publics européens les entreprises qui ne déclareraient pas les subventions reçues dans leur pays d'origine. Il est hors de question que des entreprises exagérément subventionnées ailleurs se retrouvent compétitives sur nos marchés sans que nous ne le sachions. Il existe aussi un instrument relatif aux marchés publics internationaux qui donne aux entreprises européennes un accès équitable aux marchés publics de pays tiers. Comme vous l'avez dit, nous ne souhaitons pas fermer nos frontières, car nous voulons que nos entreprises puissent candidater à des marchés internationaux.
Enfin la directive relative aux marchés publics donne aux entreprises de réseaux – eau, transport, poste, énergie etc. – la possibilité de rejeter une offre étrangère selon plusieurs critères, notamment si le pays originaire de l'offre n'est pas partie à un accord de réciprocité avec l'Union européenne.
En ce qui concerne la France, nous avons adopté – je dis « nous » car, à l'époque, je siégeais sur les bancs de cette assemblée – un certain nombre de dispositions dans le cadre de la loi « climat et résilience ». Désormais, des clauses environnementales doivent être intégrées dans les marchés publics.
Pour répondre à votre question, nous allons accélérer le développement de ces clauses dans le cadre du projet de loi sur l'industrie verte. Aujourd'hui, nous faisons aussi face à un défi culturel extrêmement important. Nous devons sécuriser les acheteurs publics pour qu'eux aussi intègrent dans leur logiciel qu'acheter des produits français, bons pour l'environnement et qui concourent à la souveraineté de l'industrie française fait partie des critères aujourd'hui intégrables de manière directe – car parfois, ils ne se sentent pas suffisamment à l'aise pour le faire.
Le code des marchés publics permet aux acheteurs publics de favoriser le développement des circuits courts de commercialisation dans le domaine des produits agricoles – c'est une mesure que nous avons également votée. Nous disposons d'un arsenal extrêmement complet et nous allons l'appliquer.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE.
Il y a une quinzaine d'années, je me suis investie au sein d'une association, Goûtez l'Ardèche, une marque collective déposée. Elle regroupe des producteurs, des artisans, des commerçants, des traiteurs et des restaurateurs ardéchois soucieux de mettre en avant leur territoire, leur savoir-faire ainsi que la qualité des produits locaux. Aujourd'hui, Goûtez l'Ardèche, c'est plus de 500 produits locaux proposés par plus de 200 entreprises ardéchoises.
Consommer, valoriser les produits locaux est une évidence, que je défends depuis de nombreuses années. Aussi, je considère que le localisme sous cette forme est une belle idée, qui consiste à privilégier et à valoriser ce qui est local. Mais cela en fait-il une bonne politique économique au service de la réindustrialisation de notre pays et de notre environnement ?
Si, comme Marine Le Pen le propose, le localisme revient à fermer les frontières pour se replier sur nous-mêmes, c'est vraiment avoir la vue courte ! En effet que deviennent nos plus de 144 000 entreprises qui exportent ? Que deviennent leurs salariés ? Car réduire nos importations, c'est aussi handicaper nos exportations. Nos vignerons le savent bien, les autres pays n'ont pas la naïveté économique du Rassemblement national. Loin de cette idéologie du repli économique et identitaire,…
…nous avons fait le choix du travail avec pour objectif la relocalisation et la souveraineté de notre pays. D'ailleurs, la France a recréé des emplois industriels depuis 2017, ce pour la première fois depuis vingt ans. Il y a aujourd'hui deux fois plus d'usines qui ouvrent que d'usines qui ferment. C'est le résultat d'une politique ambitieuse, celle de France Relance, un plan historique de 100 milliards d'euros, dont 30 milliards sont consacrés à l'écologie, pour redresser durablement l'économie française et créer de nouveaux emplois. Depuis, vous l'avez complété avec le plan France 2030.
Monsieur le ministre délégué, pouvez-vous nous rappeler les éléments de bilan de notre politique industrielle sur l'emploi et les usines et dresser les perspectives de nos prochains chantiers pour continuer le redressement de notre appareil industriel ?
Je vous remercie pour votre question et votre défense extrêmement convaincante de notre bilan – et du vôtre – depuis six ans. En effet, nous avons créé de l'espoir industriel en France là où, depuis vingt-cinq ans, certains se nourrissaient du désespoir et de la désindustrialisation. Nous devons non seulement continuer de le faire, mais nous devons aussi changer de braquet et accélérer. Nous avons créé près de 100 000 emplois industriels ces six dernières années ; nous devrons en créer un million supplémentaire dans les années qui viennent. Nous avons aussi permis la création de dizaines d'usines. Vous l'avez rappelé, nous ouvrons plus d'usines que nous n'en fermons – c'était le cas en 2021 et en 2022. Nous devons accélérer dans cette voie et, visiblement, la tendance reste bonne en 2023. Pour cela, nous devons continuer à rendre la France plus attractive. Elle est aujourd'hui le pays le plus attractif d'Europe : continuons nos efforts !
Les États-Unis ont mis en place un programme…
…dit IRA – loi sur la réduction de l'inflation – extrêmement ambitieux : nous devons y répondre de manière ferme.
C'est d'ailleurs l'objet du projet de loi sur l'industrie verte, sur lequel vous serez amenés à vous prononcer dès cet été, comme cela a été annoncé par la Première ministre la semaine dernière. La réindustrialisation vers le développement d'une industrie de la décarbonation, c'est d'abord une arme anticolère, mais c'est aussi une arme économique et sociale qui permettra à la France de continuer à se développer. Je ne doute pas que vous soutiendrez cette politique, et j'espère que nous saurons convaincre les députés issus d'autres bancs de nous rejoindre !
Mme Danielle Brulebois applaudit.
Loin des caricatures et des pétitions de principe, il est important de confronter enfin les idées et de montrer que le Rassemblement national est un parti dangereux pour la France, compte tenu de ce qu'il est et des idées qu'il met en avant.
Le localisme est un bel exemple d'escroquerie intellectuelle, car il est facteur d'inflation,…
…de baisse de croissance et de perte d'innovation. Contre cette idée de localisme, qui prend le problème à l'envers et apporte de mauvaises solutions, je veux mettre en avant notre vision de l'économie circulaire, mise en musique par la feuille de route pour l'économie circulaire, puis par la loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire, dite loi Agec, et la loi « climat et résilience ».
Dans notre pays, l'économie circulaire, c'est un processus, un cheminement long pour embarquer les consommateurs et les producteurs vers un changement de modèle, et non une vague invocation stérile – ce que le Rassemblement national fait de mieux.
Notre vision de l'économie circulaire est scrutée et prise en exemple dans le monde. C'est un changement de modèle qui doit amener progressivement à réparer, recycler, réutiliser, réemployer avec des acteurs locaux, du moins Français ou européens. Pourquoi ? Parce que la protection de la planète, de nos écosystèmes et de notre climat ne s'arrête pas à nos frontières, parce que c'est une question de compétences et de concurrence. Nous avons un savoir-faire à faire valoir dans le monde entier. Pourquoi le bloquer à nos frontières ? Pourquoi nous couper les jambes et nous priver de nos atouts ? La réponse est peut-être sous notre nez : le Rassemblement national ne fait pas confiance à la compétence française.
À nous de continuer à avancer en matière d'économie circulaire : nous finançons la modernisation de centres de tri, nous aidons le tissu local de réparateurs avec le bonus réparation, nous créons toute une filière économique non délocalisable liée à l'économie circulaire, pilier essentiel de notre décarbonation et de la protection de la planète.
Monsieur le Premier ministre… pardon.
« Pas encore ! Épargnez-nous cela ! » sur les bancs du groupe RN. – Sourires.
Monsieur le ministre délégué, pouvez-vous nous indiquer les axes principaux de développement de l'économie circulaire pour aider les territoires, tout en protégeant notre planète ?
Je suis très heureux d'être ministre délégué chargé de l'industrie et, j'espère, de le rester !
Vous vous êtes personnellement beaucoup impliquée dans ces travaux, madame la députée. Nous avons déjà beaucoup fait lors du mandat précédent pour favoriser le développement de l'économie circulaire. Au fond, les meilleures économies d'énergie concernent l'énergie que l'on ne consomme pas, et les meilleures matières premières sont celles que l'on peut recycler et que nous n'avons pas à extraire là où elles sont. Vous l'avez rappelé, nous avons fait beaucoup en ce qui concerne l'indice de réparabilité et le bonus réparabilité, ainsi que pour l'adoption de diverses mesures au niveau européen dans le cadre du règlement relatif à l'écoconception. Nous avons également œuvré en faveur du réemploi.
Nous devons continuer à agir à la fois du côté de la production, du côté des usages et du côté des consommateurs. S'agissant de la production, nous le ferons dans le cadre du projet de loi sur l'industrie verte. Nous envisageons d'y introduire une mesure visant à faciliter le réemploi de déchets dans l'industrie verte. Ceux-ci restent encore trop souvent considérés comme des déchets, soumis de ce fait à des contraintes administratives très fortes, alors qu'ils sont en train de devenir des inputs ou des moyens de production. Autrement dit, nous devrons améliorer la sortie du statut de déchets pour les déchets réutilisés.
Il y a des projets très ambitieux dans l'industrie du recyclage. L'entreprise américaine Eastman envisage d'investir 1 milliard d'euros pour créer une usine de recyclage chimique du polyéthylène téréphtalate (PET). Le localisme, c'est bien beau, mais si nous fermons nos frontières, de telles entreprises ne s'installeront pas en France – vous l'avez très bien dit, madame Riotton. Citons également le projet de Loop, à Saint-Avold, pour le recyclage chimique des plastiques, et celui de Carbios, à Longlaville, pour le recyclage enzymatique.
Nous pouvons ainsi montrer non seulement que nous économisons des ressources grâce au recyclage, mais aussi que nous développons des filières industrielles qui créeront de l'emploi et feront rayonner la France partout en Europe. Pour la localisation de son projet européen, Eastman a choisi la France.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE.
Nous le savons, le développement d'une filière d'hydrogène décarboné est une priorité pour la souveraineté énergétique et industrielle de la France. L'hydrogène décarboné est aussi un vecteur énergétique indispensable à la neutralité climatique, car il permettra de verdir des secteurs entiers de l'économie. À Béziers, l'entreprise Genvia promeut l'industrialisation à grande échelle de l'électrolyse à haute température. Cette technologie innovante, de rupture, permet la production massive d'hydrogène décarboné à des coûts compétitifs, contribuant ainsi aux enjeux de décarbonation et de souveraineté énergétique.
Dans un même temps, toujours sur nos terres, a été lancé le programme Eden – Écosystème durable et énergies naturelles. Il s'agit d'une alliance de tous les acteurs économiques, sociaux et institutionnels du territoire biterrois qui œuvrent au développement de nouvelles filières, en particulier au service de la transition énergétique.
Vous le voyez, monsieur le ministre délégué, nous sommes engagés. Si notre volonté de réindustrialiser notre territoire est sans faille, nous nous heurtons cependant à des difficultés. D'une part, le monde de l'industrie projette une mauvaise image : le milieu est réputé pénible et sale, ce qui est faux, car les technologies sont désormais du plus haut niveau et on utilise des machines numériques et intelligentes. D'autre part, le manque de personnel et de compétences est une dure réalité. Vous le savez, pratiquement tous les métiers sont en flux tendu et ont du mal à recruter. Naturellement, si nous ne pouvons pas recruter de personnel, nous ne pourrons pas mener à bien un tel projet.
La formation de nos jeunes in situ est essentielle. Qu'elle se fasse en alternance ou en apprentissage, nous nous devons de la développer encore. À Béziers, malheureusement, les programmes prévus de développement de l'université ont de nouveau pris du retard, alors que nous avons terriblement besoin, par exemple, d'écoles d'ingénieurs spécialisés. Comment pouvez-vous nous aider en la matière ?
Le projet de Genvia est très enthousiasmant. Il permettra lui aussi, je l'espère, de placer la France sur la carte mondiale. Il s'agit une entreprise de qualité, qui a été aidée à hauteur de 200 millions d'euros dans le cadre du plan France 2030 – je ne vous ai pas entendu le dire, madame Ménard, mais je sais que vous le savez. Elle nourrit une ambition très forte en développant une technologie extrêmement innovante. Nous espérons qu'elle pourra rayonner dans l'Europe entière en exportant des électrolyseurs économes en énergie et compétitifs, qui permettront de décarboner l'industrie française et européenne. Pour cela, il faut bien évidemment que nous gardions nos frontières ouvertes.
La question que vous avez posée est essentielle. Notre capacité à former et à attirer les talents dans l'industrie sera l'un des enjeux essentiels des années à venir. Nous avons besoin de recruter des centaines de milliers de personnes dans l'industrie – 100 000, dans les dix ans qui viennent, rien que pour l'industrie nucléaire. Cela vaut pour l'hydrogène, pour les voitures, pour les batteries.
Nous allons devoir aider un certain nombre de personnes qui travaillent dans les industries d'hier et d'aujourd'hui à rejoindre les industries d'aujourd'hui et de demain. Il y a donc un enjeu très important de requalification et de formation des compétences actuelles.
Vous l'avez dit, nous devons attirer davantage de jeunes hommes et de jeunes femmes vers l'industrie. Les métiers y restent un peu plus pénibles qu'ailleurs, mais c'est effectivement de moins en moins vrai. Les métiers de l'industrie sont surtout des métiers qui payent très bien et qui nous permettent de décarboner. Si vous souhaitez contribuer à la décarbonation tout en gagnant bien votre vie et en progressant dans la carrière, rejoignez l'industrie !
Le projet de loi sur l'industrie verte comportera des dispositions particulières visant notamment à renforcer la présence des jeunes femmes dans les classes préparatoires et dans les écoles d'ingénieurs. Nous souhaitons en outre investir davantage dans l'enseignement supérieur, notamment dans les écoles d'ingénieurs, en augmentant le montant budgétaire dédié, de manière que de plus en plus de jeunes rejoignent ces beaux métiers qui, je le répète, payent bien, offrent une progression et permettent de décarboner.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE.
Vous répondez aux questions qui ne sont pas posées, mais vous ne répondez pas à celles qui le sont !
Prochaine séance, demain, à quinze heures :
Débat sur le thème : « La répression du mouvement social contre la réforme des retraites » ;
Questions sur le thème : « Quelle attractivité et quelle compétitivité pour la recherche française ? ».
La séance est levée.
La séance est levée à vingt-trois heures vingt.
Le directeur des comptes rendus
Serge Ezdra