Jeudi 30 mars 2023
La séance est ouverte à neuf heures cinq.
(Présidence de M. Guillaume Vuilletet, président de la commission)
La commission auditionne M. Bertrand Huby, premier conseiller de chambre régionale des comptes, président de l'Observatoire des prix, des marges et des revenus (OPMR) de La Réunion, M. Jocelyn Cavillot, vice-président, et M. Pascal Fortin, secrétaire général de l'OPMR de La Réunion.
Chers collègues, nous reprenons ce matin les auditions de la commission d'enquête sur le coût de la vie dans les collectivités territoriales régies par les articles 73 et 74 de la constitution.
Dans un premier temps, nous allons entendre par visioconférence les représentants de l'Observatoire des prix, des marges et des revenus (OPMR) de La Réunion : M. Bertrand Huby, premier conseiller de chambre régionale des comptes, président de l'OPMR, M. Jocelyn Cavillot, vice-président, représentant de l'union syndicale Solidaires, M. Pascal Fortin, secrétaire général de l'OPMR.
Les observatoires des prix et des revenus des différents territoires ultramarins ont pour mission d'analyser le niveau et la structure des prix et des revenus et de fournir aux pouvoirs publics une information régulière sur leur évolution.
Messieurs, je vous souhaite la bienvenue, et je vous remercie de prendre le temps de répondre à notre invitation.
Je vous remercie de nous déclarer tout autre intérêt public ou privé de nature à influencer vos déclarations.
Auparavant, je vous rappelle que l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires impose aux personnes auditionnées par une commission d'enquête de prêter le serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité. Je vous invite donc à lever la main droite et à dire : « Je le jure », pour chacun de vous.
(MM. Bertrand Huby, Jocelyn Cavillot et Pascal Fortin prêtent serment.)
L'OPMR de La Réunion est un organisme public, doté d'un statut ad hoc, prévu par le code de commerce, et qui a pour mission de recueillir des observations sur les prix, les marges et les revenus à La Réunion, afin de pouvoir en tenir informés les citoyens, les associations de consommateurs, syndicats, et les autorités publiques.
Pour exercer cette mission, l'Observatoire des prix, des marges et des revenus de La Réunion a institué un certain nombre d'ateliers et de commissions, qui travaillent à trois, quatre ou cinq membres et qui, ensuite, rédigent un rapport qui est rendu public. Nous avons ainsi un premier atelier qui porte sur le bouclier qualité-prix (BQP), dont nous aurons l'occasion de parler. Le deuxième atelier concerne les carburants. Le troisième atelier porte sur l'octroi de mer. D'autres ateliers portent sur des domaines plus techniques, comme les fruits et les légumes, le fret, etc.
L'Observatoire des prix peut, en s'appuyant sur un budget qui est géré par le secrétariat général pour les affaires régionales (SGAR) de la préfecture, faire produire des études par des cabinets privés. Généralement, les crédits permettent de faire une étude par an. L'année dernière, par exemple, nous avons effectué une étude sur la grande distribution à La Réunion, avec un rapport qui a été rendu public l'année dernière.
Nous avons également une convention avec la direction régionale de l'Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) à La Réunion. L'Insee nous associe à un certain nombre de ses études et exécute pour notre compte, à titre gratuit, une étude par an. Cette année, l'étude va porter sur la précarité à La Réunion.
Concernant les moyens dont dispose l'Observatoire des prix, ils sont limités. En effet, en dehors de la ligne de crédits qui est partagée avec le SGAR, à hauteur de 100 000 euros, et qui sert au SGAR pour toutes ses missions concernant la cherté de la vie à La Réunion, l'Observatoire des prix ne dispose d'aucun budget.
Pour compléter cette présentation, je dirais qu'au-delà de l'aspect institutionnel de l'Observatoire des prix, des marges et des revenus de La Réunion, l'instance se retrouve à l'intersection des corps constitués – élus, chambres consulaires, collectivités locales, organisations syndicales, associations de consommateurs. Depuis 2019, des citoyens tirés au sort participent aux travaux, donnant une dynamique supplémentaire au fonctionnement de l'Observatoire des prix de La Réunion.
Un des objectifs aussi de cette institution sur le territoire est d'essayer d'émettre des positions objectives sur des thématiques économiques, pour faire avancer l'état de la société du point de vue du pouvoir d'achat.
Nous avons beaucoup travaillé sur les prix ; il nous faut travailler un peu plus sur les revenus, ce à quoi nous nous attachons depuis cette année.
Votre propos liminaire a laissé une large place au débat. Je vais passer la parole en premier lieu à notre rapporteur.
Par rapport à cet Observatoire des prix, des marges et des revenus, je vous ai beaucoup entendu évoquer le sujet des prix, mais, en termes de marges et de revenus – puisque je vois que les moyens sont limités, d'après ce que vous dites –, avez-vous des études précises et suffisamment récentes sur la question des marges et des revenus ?
L'étude sur les marges illustre toute la complexité de l'exercice, puisque, par définition, cela fait partie des données qui sont, sans être totalement opaques, du moins relativement cachées, et qui portent sur des éléments que les acteurs économiques n'ont pas tendance à forcément communiquer. Notre difficulté est donc de collecter des informations sur véritablement les marges.
Nous avons, de ce fait, beaucoup travaillé sur les prix, notamment par des études réalisées sur la grande distribution et sur les impacts potentiels sur des rachats, par exemple, pour examiner ces points en termes de situation de marchés et de concurrence.
Actuellement, au niveau du bouclier qualité-prix, nous essayons, au-delà de la maîtrise du prix global du panier, d'avoir une visibilité sur les marges des acteurs sur les produits qui participent à la composition de cet outil. Nous sommes tenus à ce qu'ils nous disent, c'est-à-dire qu'ils indiquent que leur marge est une marge minimum, juste pour financer ce qu'ils disent être les coûts de fonctionnement. Nous n'avons pas d'autres moyens de vérifier si les dires de ces acteurs économiques sont avérés, ou pas, au final.
Au niveau de l'économie même, nous avons aujourd'hui une étude en cours, à l'initiative de l'Observatoire des prix de La Réunion, sur l'octroi de mer, pour essayer de voir dans quelle mesure l'octroi de mer influe, ou pas, sur les marges, et, par conséquent, sur les prix.
Concernant les revenus, une étude, à l'initiative de l'Observatoire des prix à La Réunion, a été initiée sur les contrats courts. En effet, on sait que la problématique du pouvoir d'achat passe par les prix, mais qu'elle passe aussi avant tout par la question du niveau des revenus. On sait que, dans nos territoires, et à La Réunion en particulier, la problématique de l'absence de revenus, mais surtout de la précarité et des contrats courts – que l'on appelle ici les « petits contrats », divers et variés – fait que le niveau des revenus est relativement faible, et qu'il est la source principale de la problématique du pouvoir d'achat.
Tout à l'heure, M. le président vous a dit que nous avions une convention un peu plus globale avec l'Insee pour travailler sur cette problématique des revenus. Nous avons souhaité travailler avec l'Insee cette année en particulier sur la problématique de la précarité.
Voilà l'orientation que nous nous sommes donnée pour cette année, pour essayer d'avancer sur une analyse au niveau des marges et au niveau des revenus.
Concernant les marges en particulier, et c'est toute la difficulté aujourd'hui, la difficulté est de définir la manière d'aborder des études qui permettent, ou qui obligent les acteurs économiques à communiquer leurs éléments d'informations sur les marges. Cela soulève véritablement la question du pouvoir de l'Observatoire des prix de contraindre les acteurs économiques à communiquer ces données. Concrètement, nous ne les avons pas.
À titre d'exemple, je citerai le problème rencontré sur le secteur des carburants.
Le secteur des carburants est réglementé, avec des dispositions donnant certaines obligations aux acteurs économiques. Cependant, nous manquons de possibilités ou de capacités d'aller voir un peu plus loin que les marges administrées qui sont définies par arrêté par le préfet chaque année vis-à-vis des grossistes, c'est-à-dire aux pétroliers, et aux détaillants, c'est-à-dire les stations-service. Nous avons un peu de mal à aller plus loin que la stricte communication de ces données qui doit être obligatoire chaque année, pour pouvoir avoir une analyse un peu plus fine, un peu plus poussée sur la profitabilité de ce secteur, de manière à agir en vue d'améliorer ces éléments. Nous connaissons très bien la profitabilité du secteur de la distribution de carburants, mais nous ne parvenons pas réellement à avoir une visibilité sur la situation des pétroliers et celle des gérants de station-service, sachant que les uns et les autres se renvoient la balle.
Nous avons questionné à plusieurs reprises le service du pôle C (Concurrence, consommation, répression des fraudes et métrologie) de la direction des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (Dieccte) pour avoir un peu plus d'informations. Or on peut constater que les membres de ce service sont un peu démunis, dans la mesure où ils nous répondent qu'ils ne peuvent qu'appliquer les textes, ce qui est déjà très bien en soi, mais que ces textes ne leur permettent pas de répondre aux demandes de la commission Carburants de l'Observatoire des prix de La Réunion.
Un autre élément bloque un peu concernant la communication de ces éléments. Cet élément réside dans la fiabilité des données fournies. Les textes prévoient que ces acteurs économiques doivent avoir une comptabilité analytique pour dissocier les secteurs réglementés et les secteurs non réglementés. Or ils n'ont pas tous cette comptabilité analytique. Les textes prévoient l'obligation de fournir – je parle surtout pour les stations-service – chaque année les données concernant cette comptabilité analytique et la répartition des résultats en fonction de divers champs. D'abord, tous les acteurs ne communiquent pas ces informations, et, pour ceux qui communiquent ces éléments, ils les communiquent selon des formes diverses, qui donnent déjà un travail au pôle C pour essayer de recouper et d'en faire une analyse, qui est partielle. Toutefois, ces éléments ne permettent pas véritablement à la commission Carburants d'essayer de faire une analyse un peu plus poussée pour pouvoir intervenir sur l'évolution de ce sujet.
Voilà ce que je pouvais dire sur cet aspect lié à la marge et sur la difficulté qu'il y a d'avancer sur cette thématique.
J'ai bien compris le niveau d'impuissance dans lequel l'Observatoire se trouve. Vous êtes dans un écosystème où il y a la DGCCRF, la Dieccte, l'Observatoire et aussi l'Autorité de la concurrence.
Il vous est permis de saisir l'Autorité de la concurrence depuis 2012. Cette dernière, qui a été auditionnée récemment, soulignait un déficit de saisine à son égard.
Avez-vous déjà fait usage de ce droit pour répondre à la problématique de récupération de données et d'informations qu'on refuse de vous remettre ?
Concernant nos relations avec l'Autorité de la concurrence, nous avons saisi cette instance à plusieurs reprises.
En particulier, nous avons saisi l'Autorité de la concurrence concernant l'étude que nous avons menée l'année dernière sur le secteur de la grande distribution, pour avoir un certain nombre de précisions de sa part. L'Autorité de la concurrence s'était prononcée avant le mouvement de rachat d'un certain nombre d'hypermarchés par un des grands acteurs de la grande distribution de La Réunion.
Malheureusement, l'Autorité de la concurrence nous a opposé le secret de son activité, et elle n'a pas entendu nous donner de réponse et nous autoriser à auditionner la personne qu'elle avait mandatée à La Réunion pour suivre le déroulement du plan qu'elle avait mis en place, avec les obligations qu'elle avait formulées pour le repreneur ou l'acheteur des quatre hypermarchés à La Réunion.
Nous avons saisi également à plusieurs reprises l'Autorité de la concurrence, mais visiblement celle-ci ne tient pas trop à jouer le jeu d'un dialogue avec l'Observatoire des prix de La Réunion.
Par rapport à cette question, l'Observatoire des prix à La Réunion a saisi l'Autorité de la concurrence à plusieurs reprises. Sur les carburants, tel a été le cas deux fois. Sur la grande distribution, nous avons saisi l'Autorité de la concurrence sur ces éléments. Nous n'avons pas eu de réponse. Nous sommes d'ailleurs en attente d'une réponse concernant une saisine sur le carburant pour une pratique anticoncurrentielle. Nous l'avons également saisie sur la grande distribution ; nous n'avons pas eu de réponse, mais il faut rappeler aussi que l'affaire est en cours.
Pouvez-vous nous fournir toutes les études que vous avez notamment sur les marges et les revenus, même si je constate que c'est plutôt sur les prix que vous réussissez à avoir un certain nombre d'informations ? Nous avons donc besoin de toutes les études que vous avez réalisées sur ces sujets.
Pouvez-vous également me donner le nom de la personne qui représentait l'Autorité de la concurrence ayant pris la décision de refuser de vous permettre d'être en lien avec elle pour que l'Observatoire des prix de La Réunion puisse analyser cette problématique de position dominante par rapport au rachat dont vous parlez ?
Je comprends de votre propos qu'il n'y a pas de coordination entre les services de l'État, qui sont censés contrôler et analyser, ce qui est la première porte d'entrée des analyses de fond qui permettraient d'avoir les informations et les outils d'aide à la décision des politiques. Quelles sont, selon vous, les raisons pour lesquelles il n'y a pas cette coordination, qui devrait être naturelle entre les services de l'État, pour contrôler les problématiques de marges et de revenus ?
Concernant le nom du mandataire désigné par l'Autorité de la concurrence, il faut que nous consultions nos mails. Nous vous communiquerons cet élément par mail ou par le canal qui semblera le meilleur.
Concernant les relations entre services de l'État, il faut distinguer celles que nous avons avec les services de l'État au niveau régional et celles qui relèvent de services du niveau national. Les relations avec les services préfectoraux fonctionnent correctement. Le problème est que le préfet lui-même a du mal à obtenir des informations de directions nationales. Je pense en particulier à l'administration des douanes, qui est partie prenante dans l'information sur les prix, et qui a les données sur les prix à l'arrivée sur l'île de La Réunion ; nous avons demandé directement à l'administration des douanes des informations sur ce démarrage de la constitution des prix, mais on nous a opposé le secret des affaires. Nous avons donc saisi le préfet, qui, lui-même, s'est vu rétorquer la même réponse au niveau de Bercy.
Pour le reste, il n'y a pas d'obligation sur les informations sur les marges que devraient fournir les entreprises. La preuve en est qu'une grande partie des entreprises, et en particulier les entreprises nationales, ne déposent pas leurs comptes, mais préfèrent payer les amendes plutôt que de déposer les comptes.
Je pense sincèrement que, s'il devait y avoir de nouveaux textes, concernant les prix, la cherté de la vie et les Observatoires des prix, il serait bon de réfléchir à une obligation légale de fourniture d'un certain nombre de renseignements, en particulier sur les marges.
Sur l'aspect de traitement administratif des situations anticoncurrentielles, le pôle C de la Dieccte de La Réunion est service instructeur lorsqu'elle constate une situation anticoncurrentielle. Le dossier doit alors être traité par une brigade qui se trouve à Paris. Entre le moment du début de la constatation de l'infraction potentielle et son traitement puis sa décision, il peut se passer deux ans, deux ans et demi, ou trois ans. Aux Antilles, ils peuvent engager et traiter le sujet directement.
Par rapport au pôle C, une demande qui pourrait faire avancer la situation serait de rapprocher ou de créer cette brigade, car tout est fait à La Réunion sauf la décision, qui est prise à Paris ; ce serait ainsi donner la possibilité au service instructeur à La Réunion, qui fait tout le travail d'instruction, d'aller jusqu'à la prise de décision. Cela permettrait de gagner entre un an et demi et deux ans entre le moment de la constatation de l'infraction et la décision. Ce mode de fonctionnement permettrait surtout de contribuer à régler le problème. Cette possibilité pourrait se faire pratiquement sans moyens supplémentaires, ni en personnel ni financiers. Ce serait une solution qui pourrait accélérer un peu la résorption des situations anticoncurrentielles sur le territoire.
Vous demandiez comment accéder aux rapports qui ont été publiés par l'OPMR. Je peux vous renvoyer au site internet de l'OPMR de La Réunion, qui comprend tous les rapports publiés. Je peux aussi vous les transmettre, par ailleurs. Depuis 2014 environ, j'ai l'historique de tous les rapports.
Sur les missions et l'organisation de l'OPMR, je pense qu'il est bon de signaler aussi que, dans le cadre d'un Comité interministériel des outre-mer (CIOM) qui a eu lieu il y a quelques mois, l'OPMR a formulé un certain nombre de propositions formalisées dans des fiches. Je pense que ces éléments peuvent, en complément de l'audition de ce matin, vous être transmis, car il me semble que cela peut éclairer votre commission, quant à ces questions d'organisation des pouvoirs et de missions attribuées à l'Observatoire, en particulier.
Au-delà de ce que nous allons vous demander, vous êtes libre de nous transmettre tout élément qui vous semblera utile.
Face à l'augmentation des prix constatée, l'Observatoire est-il impuissant ? Joue-t-il son rôle ? L'OPMR doit-il avoir d'autres compétences, et notamment un pouvoir d'investigation ?
Je m'adresse plus particulièrement à M. Cavillot, qui est un spécialiste en la matière ; les prix appliqués sur les carburants sont-ils justes et justifiés notamment au vu des évolutions du prix du baril de pétrole ? Quelles projections pouvez-vous en faire ?
Au niveau de la grande distribution, il y a eu le rapport sur le marché de la distribution généraliste de détail à dominante alimentaire à La Réunion, établi par M. Christophe Girardier, président de Bolonyocte consulting, en octobre 2022, qui a fait grand bruit lors de sa publication, et pour cause : il a mis en évidence une situation de duopole sur notre territoire, avec une part de marché de deux tiers pour les deux plus grandes enseignes, à La Réunion. Que pensez-vous de ce rapport ? Quelles suites peuvent-elles être données à ce rapport ?
L'OPMR a-t-il déjà demandé la communication des prix coût, assurance, fret (CAF) de l'ensemble des produits qui arrivent sur notre territoire ? Si oui, quelles observations pouvez-vous faire ? Merci beaucoup.
On prête beaucoup de pouvoirs à l'OPMR. Je le savais déjà, mais vous confirmez un point ; la faiblesse de vos moyens. Bien sûr, cela impacte l'exercice de votre mission, et les rapports qu'a l'OPMR avec l'Autorité de la concurrence.
Ces dernières années, il y a eu un certain nombre de rapprochements dans la grande distribution à La Réunion. Jean-Hugues Ratenon citait le rapport Girardier. Il y a eu ces rapprochements, qui font qu'aujourd'hui deux opérateurs détiennent quasiment 55 % du marché de la grande distribution à La Réunion.
Pensez-vous que cette situation a favorisé la concurrence, et a ainsi favorisé la baisse des prix ?
Pensez-vous que cette situation a mis en difficulté les producteurs locaux ? Ou bien a-t-elle, au contraire, renforcé la dépendance des distributeurs locaux envers ces grands groupes ?
Sur le suivi des prix, je me réfère à ce qui a été dit précédemment sur les moyens de l'Observatoire ; les moyens de l'Observatoire sont extrêmement faibles. De façon générale, le suivi des prix se fait au travers du bouclier qualité-prix et des travaux menés avec le pôle C de la Dieccte. Ce service réalise les contrôles sur le terrain dans tous les supermarchés et hypermarchés de La Réunion.
Concernant l'exploitation de ce type de données, nous avons une commission bouclier qualité-prix, qui participe à l'ensemble des discussions avec les professionnels et avec les pouvoirs publics, sachant que c'est le préfet qui arrête les documents officiels concernant le bouclier qualité-prix, et que l'Observatoire ne donne simplement qu'un avis, quand bien même il est associé à tous ces travaux. Pour une future évolution réglementaire concernant le rôle de l'Observatoire, peut-être serait-il intéressant d'aller un peu plus loin, et de prévoir une co-signature des documents concernant le bouclier qualité-prix par l'Observatoire des prix.
Pour le reste, si l'Observatoire des prix se voyait doté de moyens supplémentaires en termes de budget, on pourrait imaginer des suivis beaucoup plus réguliers sur l'évolution des prix. Ce travail se ferait en liaison avec l'Insee, chargée des calculs sur l'inflation, et avec des professionnels ; mais cela supposerait un budget supplémentaire.
Concernant la grande distribution, le rapport Girardier, qui a été rendu public à la fin de l'année 2022, a mis en évidence un certain nombre de points qui intéressent à la fois la consommation et les prix à La Réunion. Ce rapport a mis en évidence un duopole qui, sur des chiffres de 2019-2020, atteignait 65 % du marché de la consommation courante à La Réunion, et il posait le problème du devenir des quatre hypermarchés qui avaient été rachetés en 2019, avec la bénédiction de l'Autorité de la concurrence, et qui étaient en grande difficulté financière.
Actuellement, il y a une négociation sur la reprise de ces quatre hypermarchés. Si cette solution qui fait intervenir un opérateur étranger, de l'île Maurice, devenait pérenne, cela résoudrait une petite partie du problème qui est la pérennité des quatre hypermarchés concernés. Le duopole continue, comme en 2021 et 2022, comme le rapport l'avait révélé.
Sur les prix eux-mêmes, le rapport Girardier mettait en évidence que les prix n'avaient pas été impactés par cette concentration, dans un premier temps, car il y avait eu un phénomène de concurrence accrue pour essayer de rayer de la carte le nouvel entrant. Comme cela n'a pas été réalisé, le rapport Girardier disait que, par suite, une fois que le duopole serait consolidé, il y aurait certainement des hausses de prix, avec des accords implicites entre les deux acteurs majeurs.
Un suivi pourrait être effectué sur le sujet, mais je ramène toujours à cette problématique des moyens : il faudrait conduire une étude supplémentaire, par exemple en 2024, pour voir la réalité de la grande distribution à La Réunion après le rachat des quatre hypermarchés qui étaient très déficitaires par le nouvel entrant étranger. Comme j'ai pu déjà l'indiquer, il nous faudrait alors du budget supplémentaire pour pouvoir mener cette étude.
En lien avec la question concernant les carburants et le caractère justifié ou non des marges, je vais indiquer plusieurs points. Nous sommes effectivement dans un système semi-administré où les marges sont fixées par le préfet, dans le cadre d'un arrêté réglementaire. De ce point de vue, nous ne pouvons pas dire que les acteurs économiques soient libres de la fixation de leurs marges. Pour analyser la justification de la hauteur de leurs marges, il faudrait pouvoir avoir la capacité d'analyser de manière suffisamment fine la situation pour savoir si ces marges qui sont fixées de manière administrative correspondent effectivement à la réalité des coûts, et si elles ne sont pas trop élevées. En tout état de cause, une première analyse que l'on peut faire est que, vu les chiffres communiqués chaque année sur la profitabilité globale du secteur, manifestement ces marges sont suffisantes.
Une problématique se pose, en revanche, au niveau des gérants de stations-service en location-gérance – 110 sur 160 – appartenant à des pétroliers. Ces gérants sollicitent régulièrement le préfet pour réévaluer leurs marges, parce qu'ils estiment qu'ils ne s'en sortent pas. C'est dans ce sens-là que l'analyse que nous devons réaliser doit être un peu plus poussée, pour savoir comment cela s'organise. Nous avons des éléments par le biais des redevances qui sont perçues par les pétroliers, car nous pouvons connaître les marges qui sont destinées au fonctionnement de l'activité de détail et « ponctionnées » par les pétroliers.
Au niveau du modèle prévu par rapport à ce que nous pouvons trouver dans l'Hexagone, les textes prévoient ces marges parce qu'il y a les emplois des pompistes. Toutefois, nous ne sommes pas en capacité, sur le plan d'une comptabilité analytique, de connaître la réalité du niveau de ces marges par rapport à ces emplois dans ces entreprises.
Sur l'aspect lié à la concurrence, le système fixe un prix plafond. L'ensemble des stations-service s'alignent sur ce prix plafond. On peut comprendre que des stations ont la nécessité d'avoir ce prix plafond. Cependant, d'autres stations bénéficient d'un effet d'aubaine en appliquant ce prix plafond alors qu'elles pourraient avoir un prix moindre.
Au niveau des taxes, nous entendons très souvent dire que les prix à La Réunion sont globalement inférieurs. Notamment, nous avons vu, lors de la crise, ce qui se passe en métropole. Cependant, il faut bien comprendre que, si ces prix sont inférieurs, ce n'est pas à cause des marges qui sont inférieures, mais c'est en raison de la fiscalité, qui, bien qu'étant importante, est moindre dans nos territoires que dans l'Hexagone.
Concernant la grande distribution, le rapport a pu mettre en avant, par rapport au duopole, un pouvoir de marché supplémentaire qui se retrouvait entre les mains du groupe ayant acheté les magasins Vindémia (groupe Casino). Au-delà de l'aspect que ce duopole détenait deux tiers du marché de la grande distribution, cet acteur, tout seul, du fait de sa présence sur d'autres secteurs d'activité, détenait un pouvoir de marché qui allait bien au-delà de la grande distribution. Cet acteur, à savoir le Groupe Bernard Hayot (GBH), est présent dans la production, par exemple, de yaourts et de lait. Il a acquis des portefeuilles de marques.
Sur ce point, la loi interdit les exclusivités mais, de fait, ces exclusivités perdurent, pour des raisons économiques notamment. Or l'acteur en question a acquis Supercash, qui devient le grossiste des petits commerces. Cet acteur intervient aussi sur d'autres secteurs, qui n'ont rien à voir avec la grande distribution ; ainsi, cet acteur détient le portefeuille des marques Renault, Volkswagen, Audi et Mercedes, mais il est aussi présent sur le commerce des pneus et des pièces détachées, des articles de bricolage et de sport (Décathlon).
Ces éléments ont été mis en avant dans le rapport réalisé par le cabinet en question, et ils démontraient que la concentration au niveau des produits alimentaires donnait un pouvoir de marché considérable à cet acteur, avec ce pouvoir sur les fournisseurs et aussi sur la production locale.
Une des propositions contenues dans le rapport était de limiter les parts de marchés dans la grande distribution à 25 %.
Une autre proposition consistait à faire une pause sur l'autorisation de création de grandes surfaces dépassant 1 500 mètres carrés, par exemple.
Une troisième consistait à rendre incompatible la présence d'un même acteur en amont et en aval de cette distribution.
Vous décrivez un pouvoir de marché qui s'est constitué en 2020. En avez-vous observé un effet sur les prix ?
Faire en sorte que les acteurs se retirent du marché, n'est-il pas, au final, incompatible avec le fait de fluidifier le marché en tant que tel ? Je tendrais à penser, mais vous pouvez me corriger, qu'il y a peu d'acteurs qui sont entrants sur le marché ; peut-être parce qu'on les décourage à le faire. L'élément serait à étudier.
Vous êtes amené à produire un avis sur le bouclier qualité-prix. Ce mécanisme vous paraît-il satisfaisant ? Avez-vous une estimation de son impact réel sur le pouvoir d'achat et sur les revenus disponibles des Réunionnais ?
Je vais apporter une réponse générale, qui pourra être complétée par M. Cavillot, qui a en charge l'atelier BQP.
Sur la grande distribution, l'étude n'avait pas mis en évidence une hausse des prix résultant de la concentration, pour une raison qui était vraiment anecdotique, et qui était une guerre frontale entre le nouvel entrant et les deux plus gros acteurs de la grande distribution.
Les grands acteurs de la distribution se sont alignés sur la baisse des prix mise en place par le nouvel entrant. Le nouvel entrant, qui était beaucoup plus fragile, a mis ses finances en danger, et il a failli faire faillite, ce qui l'a conduit à arrêter la baisse des prix. Les prix ont donc pris leur étiage courant. Quand l'étude a été réalisée, nous en étions donc à ce stade, mais cette étude montrait bien également qu'il devait y avoir certainement un effet sur les prix à moyen terme ; une fois les positions stabilisées, les deux plus gros intervenants, disposant de 60 à 61 % du marché, pourraient augmenter plus aisément leurs prix, car ils seraient moins concurrencés par leurs autres concurrents.
Il faut savoir qu'à La Réunion, il y a six groupes : les deux groupes importants dont nous parlions, ensuite deux moyens et deux plus petits. Pour qu'il y ait une consolidation des moyens ou des petits, il faudrait qu'ils soient rachetés. Par ailleurs, il ne pourrait jamais y avoir, si l'on se fie à l'étude qui a été réalisée par notre consultant, de réel nouvel entrant parce que le marché est complètement saturé. Le rapport a mis en évidence que La Réunion était mieux couverte que la plupart des régions métropolitaines en termes de grande distribution, si bien que l'on ne voit pas exactement comment un nouvel entrant pourrait s'imposer. En revanche, il pourrait y avoir un rachat de moyens ou de petits acteurs pour constituer un troisième ou un quatrième groupe.
Concernant le bouclier qualité-prix, nous sommes associés à la mise en place du BQP, et notre avis est sollicité. Nous avons mis en place un atelier pour suivre ce sujet du BQP. L'avis est véritablement circonstancié, et il fait l'objet de notre part d'études et de propositions, que M. Cavillot va développer ensuite.
Sur le réel impact du BQP sur les prix, il faut rappeler que le BQP porte sur 3 % simplement des références d'un hypermarché. Le fait de réussir à baisser les prix sur 3 % des références a-t-il un véritable impact sur les prix en général ? Je ne le pense pas.
En revanche, le BQP a un rôle social, qui est de permettre à des familles rencontrant des problèmes financiers, du fait de la cherté de la vie, d'avoir un minimum vital de consommation.
On s'aperçoit qu'il y a peu de concurrence, en matière de BQP, dans les différentes enseignes. D'une façon plus ou moins évidente, les enseignes s'alignent pour afficher un prix quasiment identique sur les articles constituant ce panier BQP.
Concernant l'impact du rachat évoqué précédemment sur les prix et sur les relations entre les fournisseurs, il faudrait effectuer une étude complémentaire pour l'évaluer. Je pense aussi qu'il faut examiner ce sujet sur un temps un peu plus long puisque les effets de la conjoncture sur l'augmentation globale des prix au niveau mondial et la désorganisation des circuits d'approvisionnement se conjuguent et ont une influence au niveau de notre territoire. Aujourd'hui, nous sommes donc en incapacité d'attribuer à cette opération de rachat ou à la conjoncture internationale des conséquences. Comme vous l'avez constaté, les prix ont augmenté un peu partout et le coût du fret et des acheminements a explosé en ce qui nous concerne.
En complément de ce que vient de dire le président Huby, je dirais que le BQP constitue un outil ; un outil utile à l'urgence sociale. Règle-t-il la question du pouvoir d'achat ? Véritablement, non. Je pense qu'au niveau de notre territoire, il est à un stade qui est plutôt abouti. Le faire évoluer davantage me paraît assez compliqué. En revanche, ce qui peut être utile, et qui a été entrepris cette année, c'est peut-être d'élargir le champ du BQP, qui, jusqu'à présent, était cantonné aux produits alimentaires de première nécessité, pour l'ouvrir davantage sur des services, et notamment, comme tente de le faire le préfet de La Réunion, sur des pièces touchant la sécurité automobile, sachant que cet élément coûte très cher au niveau du pouvoir d'achat, ou sur des matériaux de bricolage, dans le cadre de l'amélioration de l'habitat.
Le véritable levier pour œuvrer à l'amélioration du pouvoir d'achat est d'abord de mettre en place un travail sur l'augmentation du revenu, pour notamment ceux qui n'ont pas de revenus et qui vivent des minimas sociaux. L'Insee chiffre à plus de 40 % la population vivant en dessous du seuil de pauvreté.
En second lieu, il faudrait réaliser un travail sur la structuration même des prix, c'est-à-dire probablement les coûts d'approche dans la globalité – bien sûr, le fret maritime –, et sur le traitement des coûts de production en ce qui concerne la production locale.
Nous voyons bien toute la difficulté de travailler de manière structurelle sur la formation des prix.
Enfin, concernant le BQP, alors que nous sollicitons les acteurs économiques pour consentir des efforts concernant le prix global du panier, nous pourrions éventuellement ajouter un niveau supplémentaire qui porterait sur la fiscalité des produits inclus dans le BQP, même si nous voyons que la fiscalité, TVA ou octroi de mer, sur ces produits, est relativement faible. Mais peut-être y a-t-il une petite marge de manœuvre, sachant que le BQP est un outil apparaissant très utile, surtout concernant l'urgence sociale.
Je voudrais apporter une précision sur les conséquences du rachat effectué par le Groupe Bernard Hayot (GBH) sur les prix.
À ce stade, nous ne pouvons pas dire que des évolutions notoires qui seraient directement liées à ce rachat soient observées. Quand nous reprenons les chiffres de l'Insee, et notamment l'indice des prix à la consommation, et que nous observons les prix de la consommation alimentaire, nous constatons qu'à La Réunion, les prix augmentent moins vite qu'ailleurs, et que dans l'Hexagone particulièrement. Il convient de s'interroger sur les raisons pour lesquelles les prix des produits de la consommation alimentaire augmentent moins fortement, sachant que les grandes surfaces détiennent 80 % du marché de la consommation alimentaire.
Finalement, cela renvoie à une question qui n'a pas fait l'objet d'une décision, à mon avis. On a une évolution des prix en valeur absolue, et une évolution des prix en pourcentage. Sachant que l'on part de prix plus élevés à La Réunion par rapport à l'Hexagone, il est certain qu'une même augmentation en valeur absolue ne se traduit pas de la même manière en termes de pourcentage.
Cependant, en tout état de cause, et à ce stade, nous ne sommes absolument pas en capacité de dire que le rachat de Vindémia a eu un réel effet sur les prix dans les grandes surfaces à La Réunion.
L'OPMR est un outil d'observation, mais apparemment il observe uniquement les informations que les acteurs privés l'autorisent à voir.
Quel niveau de crédibilité pouvons-nous donner aux analyses de votre Observatoire ?
Comme historiquement vous manquez de moyens d'accès à l'information, avez-vous interpellé ou sollicité les autorités publiques supérieures à la vôtre, de façon à tenter de résoudre le problème de ce manque d'accès à l'information ?
Il existe une convention avec l'Insee pour la réalisation d'une étude annuelle. Compte tenu des problèmes d'oligopole, de monopole et de concentration, que pouvez-vous faire, concrètement en termes d'alerte ?
Que pouvez-vous donner comme informations complémentaires qui nous permettraient de trouver des réponses concrètes aux problématiques d'oligopole et de monopole – que vous confirmez à travers vos propos, sans preuve objective, car il manque les études, puisque vous n'avez pas accès aux informations ?
Pouvez-vous également nous dire concrètement comment agir aujourd'hui ? Vous parlez de comparaisons conjoncturelles de l'inflation sur votre territoire par rapport à l'Hexagone, alors que vous savez, comme nous-mêmes, qu'il y a une problématique structurelle, à laquelle s'ajoute la problématique conjoncturelle.
Comment aujourd'hui nous aider à faire en sorte que vous deveniez un outil viable ? J'ai bien compris la question des moyens. Toutefois, je voudrais connaître un point ; depuis le temps que vous savez qu'il n'y a pas de moyens, qu'avez-vous fait pour, justement, essayer de changer la situation, en tout cas en termes d'alertes, puisque vous n'avez ni les moyens, ni la compétence requise sur certains sujets ?
Sur le problème à la fois des moyens financiers et des moyens réglementaires d'accès aux informations, en particulier sur les comptes des entreprises et sur les marges, tous les collègues qui m'ont précédé depuis une vingtaine d'années et qui étaient des magistrats de chambre régionale des comptes ont dressé ce constat et ont saisi systématiquement le préfet. Ils l'ont fait aussi quand ils ont été auditionnés par des parlementaires, lesquels, pour leur part, peuvent agir au niveau de la loi, et ils ont émis cette demande.
Récemment, un certain nombre de fiches ont été remplies, et ont repris toute cette problématique, avec des solutions proposées qui passaient par un ajout réglementaire sur l'obligation qui serait faite aux entreprises de fournir un certain nombre d'informations, tout en respectant le secret des affaires. Les informations qu'ils seraient obligés de fournir seraient des données globalisées, dont la diffusion ne mettrait pas en danger le schéma commercial des entreprises. Ces fiches ont transité par la voie préfectorale et doivent être maintenant dans les mains de la direction générale des outre-mer (DGOM), au ministère des outre-mer.
Si le ministère des outre-mer accepte de donner suite à la transmission de ces fiches en intégrant ces propositions à des projets de loi, nous serions satisfaits. Je profite aussi ici de l'occasion qui m'est donnée pour faire appel à vous car vous avez également la main pour proposer un changement par l'intermédiaire de propositions de loi, et en particulier au travers des commissions en charge de l'économie et des DOM. Les propositions de changements en matière réglementaire pourraient s'appuyer sur les fiches ayant été remises à la DGOM.
Sur l'action de l'Observatoire, de manière plus générale, cette action repose sur des moyens qui sont très faibles ; mais il est aussi fait appel aux bonnes volontés, et notamment celles d'un certain nombre de membres de l'Observatoire, lesquels sont d'anciens collaborateurs des directions techniques (direction des finances publiques, Cour des comptes, etc.), ce qui permet d'aller plus loin, en dehors des groupes de travail auxquels ont été associés un certain nombre de citoyens. Dans un premier temps, ces citoyens ont été tirés au sort. Dans un deuxième temps, du fait du nombre important de déperditions, il a été fait appel par cooptation à des citoyens intéressés par ces problématiques. Cette organisation nous a permis de monter des ateliers, qui travaillent, mais à leur rythme et malgré le peu de moyens évoqués ; mais qui sortent quand même des études chaque année.
À côté de cela, le plus intéressant pour nous est d'être en capacité de mandater des experts pour étudier ces problématiques définies de façon très précise, en leur demandant de répondre à notre cahier des charges réunionnais. Cependant, sur ce plan, nous manquons véritablement de moyens. Pourtant, je pense qu'au niveau budgétaire les sommes ne seraient pas énormes. Une étude vaut entre 25 000 et 30 000 euros. À supposer que l'on veuille réaliser trois ou quatre études par an, nous ne parviendrions même pas à 100 000 euros, pour obtenir des études du même type que celles qui ont été réalisées l'année dernière, et qui ont fait beaucoup de bruit, simplement parce qu'elles ont mis en évidence des comportements qui pouvaient être préjudiciables aux consommateurs.
Si je réussis à décrocher un budget auprès du préfet de La Réunion, l'Observatoire essaierait de confier une étude à un spécialiste sur les biens intermédiaires, c'est-à-dire les biens qui servent à la construction et au bricolage.
Vous dites que vous n'avez pas assez de moyens pour dénoncer les pratiques de groupes tels que GBH qui ont mainmise sur la grande distribution, et pour dénoncer le duopole qui règne à La Réunion.
Il se trouve que vous avez en face de vous des députés qui votent et qui proposent des lois. De quelles mesures législatives avez-vous besoin pour mettre à mal ces situations de monopole, d'oligopole ou de duopole, pour faire bouger les lignes et pour stopper enfin cette hémorragie de la cherté de la vie dans nos territoires ?
L'Observatoire des prix n'a pas de rôle sur la constitution des prix ; il a un rôle d'information du citoyen, des pouvoirs publics, à la fois au niveau local et au niveau national, et éventuellement de saisine d'autorités telles que l'Autorité de la concurrence.
Pour ce qui est de cette information, il a besoin d'un certain nombre de moyens. Il y a six ou sept commissions, fonctionnant avec trois ou quatre personnes, dont des citoyens qui se sont associés volontairement à cette démarche de recherche d'informations.
Par ailleurs, des travaux sont conduits au niveau du BQP, auxquels nous sommes associés par la bonne volonté du préfet de La Réunion.
Le travail des parlementaires pourrait être de consolider le rôle de l'Observatoire, d'une part en le plaçant comme co-décideur ou co-auteur des conventions mettant en place le BQP, et d'autre part en lui laissant une ligne budgétaire qui soit la sienne et qui ne soit pas mélangée avec les crédits de la préfecture. Cet élément devrait être défini de manière réglementaire ; autrement, nous dépendons forcément de la bonne volonté des préfets et des secrétaires généraux qui se succèdent. Certains sont de bonne volonté ; certains ne le sont pas. Ils n'ont aucune contrainte à ce niveau.
Avec ces budgets, nous serions à même de rédiger des appels d'offres pour faire faire des études, et donc de répondre véritablement à notre mission sur les prix, les marges et les revenus, en allant au-delà de ce que fait l'Insee, qui travaille déjà beaucoup sur les revenus.
Sur les marges, des contraintes pourraient être apportées à toute organisation ou toute entreprise sur un certain nombre d'informations ayant trait à la formation des prix. Il faudrait que le législateur fasse preuve d'une volonté forte, car des travaux sont à mener pour assurer le respect du secret commercial, du secret des affaires et d'autres secrets. À partir de ces travaux, nous pourrions avoir un cadre qui nous permette d'avoir, pour l'Observatoire des prix à La Réunion et pour nos collègues des Antilles, des informations suffisantes pour informer les pouvoirs publics et les citoyens.
Nous vous remercions de nous fournir tous les éléments et les réponses que vous souhaitez compléter. Nous avons besoin aussi de vos propositions adressées au CIOM.
Je vous invite, sur la question de la fiscalité, à ne pas vous limiter à l'octroi de mer, mais aussi à examiner la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), qui fait partie de la formation des prix, si l'on veut avoir une vision globale en termes d'information et de connaissance.
Je vous remercie de votre audition. Je propose que vous puissiez compléter nos échanges d'une part en répondant au questionnaire qui vous a été adressé par le secrétariat et, d'autre part, en nous communiquant l'ensemble des documents demandés, et ceux que vous jugerez utile de nous transmettre.
*
La commission auditionne M. Saïd Ahamada, directeur général de L'Agence de l'outre-mer pour la mobilité (LADOM) et de Mme Joëlle Le Normand, directrice des missions, du réseau et des partenariats de LADOM.
Chers collègues, nous poursuivons nos auditions en entendant l'Agence de l'outre-mer pour la mobilité, représentée par M. Saïd Ahamada, directeur général – et par ailleurs ancien député – et Mme Joëlle Le Normand, directrice des missions, du réseau et des partenariats de LADOM.
Madame, Monsieur, je vous souhaite la bienvenue, et je vous remercie de prendre le temps nécessaire pour répondre à notre invitation.
Je vous remercie de nous déclarer tout autre intérêt public ou privé de nature à influencer vos déclarations.
Auparavant, je vous rappelle que l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires impose aux personnes auditionnées par une commission d'enquête de prêter le serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité. Je vous invite donc à lever la main droite et à dire : « Je le jure ».
(Mme Joëlle Le Normand et M. Saïd Ahamada prêtent serment.)
Merci de nous donner la parole. L'occasion nous est donnée de présenter LADOM.
Je suis aux responsabilités de LADOM depuis deux mois maintenant. Je suis accompagné de Mme Le Normand, qui est directrice métier au sein de LADOM, et qui complètera, si besoin, mes propos, et répondra plus précisément à des questions un peu plus techniques.
LADOM a pour objet de faciliter la mobilité des Ultramarins, principalement dans trois domaines.
Le premier dispositif est le passeport pour la mobilité des études (PME) pour les étudiants. Il permet à des étudiants de poursuivre des études supérieures lorsque ces études n'existent pas sur place ou sont saturées. À l'extérieur, c'est dans la zone régionale ou dans l'Hexagone.
Le deuxième dispositif est le passeport pour la mobilité de la formation professionnelle (PMFP). Il est destiné à favoriser la mobilité dans le cadre d'une formation professionnelle, lorsqu'elle n'existe pas sur place ou que les structures la dispensant sont saturées dans la zone ou dans l'Hexagone.
Le troisième dispositif est l'aide à la continuité territoriale (ACT). Il est destiné à favoriser ou à entretenir les liens familiaux, et il permet à des Ultramarins de voyager une fois tous les trois ans révolus à partir de leur territoire vers l'Hexagone.
L'objet de LADOM est de remplir une mission de service public extrêmement importante, qui permet de gommer, autant que faire se peut, le coût lié à la mobilité, de permettre à n'importe quel Français, où qu'il soit sur le territoire, et notamment les plus jeunes, d'accéder au même champ des possibles d'étude ou de formation professionnelle qu'un Français qui vivrait dans l'Hexagone.
En ce sens, LADOM exerce une vraie mission de service public en tant qu'outil d'aide à l'équité ou à l'égalité des chances. Avec 60 000 mesures chaque année, vous pouvez avoir une idée du nombre de personnes que LADOM peut toucher, ce qui fait de LADOM un outil extrêmement important sur des territoires aujourd'hui qui ont besoin de compétences nouvelles ou qui ont besoin d'offrir un avenir à celles et ceux qui y aspirent.
LADOM se veut être un outil au service des Ultramarins qui ont un projet de formation ou de reconversion. LADOM se veut aussi être un outil au service des territoires d'outre-mer, essayant, avec les moyens qui sont les siens, de répondre en termes de formation aux métiers en tension, afin de permettre que de nouvelles compétences puissent se développer et être « utilisées » par nos territoires ultramarins.
La mission qui m'a été confiée par le ministre de l'outremer est de travailler à une évolution, voire à une réforme de LADOM, que l'on appelle « LADOM 2024 », pour essayer de répondre encore mieux aux besoins des Ultramarins. Une consultation a été organisée en fin d'année dernière. Cette démarche a pu mettre en exergue notamment trois sujets sur lesquels les Ultramarins souhaitent que LADOM se positionne.
En premier lieu, il s'agit de faire en sorte que LADOM soit connue de tous les Ultramarins dans toutes ses composantes. Je pense qu'il n'y a rien de pire que de voir un jeune ou un moins jeune renoncer à un projet de vie ou à un projet de formation, alors qu'il aurait droit à une aide à la mobilité, parce qu'il n'a pas les moyens financiers de pouvoir se projeter soit dans sa zone régionale, soit dans l'Hexagone.
Le deuxième point issu des résultats de la consultation est le souhait que LADOM s'oriente vers la formation professionnelle des actifs. Aujourd'hui, LADOM travaille avec les demandeurs d'emploi. Il y a aussi un besoin, auprès des entreprises qui ont des salariés, de voir être mise en place, dans le cadre de partenariats avec notamment des opérateurs de compétences (OPCO), des Chambres de commerce et d'industrie (CCI), une aide complémentaire à la mobilité pour accompagner aussi les actifs.
Le troisième sujet issu également de la consultation est celui que LADOM accompagne la mobilité dans le sens, cette fois-ci, de l'Hexagone vers l'outre-mer.
Ces sujets sont aujourd'hui travaillés avec les ministères de tutelle de LADOM, le ministère du budget et le ministère de l'outre-mer, pour aboutir à ce qui sera la feuille de « LADOM 2024 ». La validation politique se fera lors du Comité interministériel des outre-mer (CIOM) prévu en mai, si mes souvenirs sont bons, qui validera à ce moment-là les nouvelles orientations de LADOM pour l'année 2024.
L'outil que constitue LADOM est plutôt performant. Une enquête de satisfaction a été menée l'année dernière et elle a révélé que 84 % des personnes qui ont été accompagnées par LADOM en sont satisfaites et que 94 % des personnes sont prêtes à recommander LADOM auprès de leurs proches pour cet accompagnement. Nous avons donc un bon taux de satisfaction quant aux services apportés par LADOM, même si évidemment il y a une marge de progrès et qu'il faut toujours essayer de faire mieux.
Sur la communication, il existe une marge de progrès, et c'est le cas notamment sur la simplification des outils, pour permettre à tous les Ultramarins, qu'ils soient à Mayotte, en Guyane ou à Saint-Denis de La Réunion, de pouvoir avoir accès à nos dispositifs. Nous sommes en train de travailler notamment sur l'amélioration de l'accueil, avec trois canaux déterminés : l'accueil téléphonique, l'accueil physique, l'accueil via les réseaux sociaux et notamment le site internet. Nous avons mis en ligne très récemment un simulateur d'aides permettant de savoir en quelques minutes si une personne est éligible ou pas à une aide.
Nous pouvons donc noter de la part de LADOM une volonté de modernisation, qui a démarré, d'ailleurs, avant que je n'arrive, et qui poursuit, et se poursuivra avec « LADOM 2024 » lorsque tous les arbitrages auront été rendus.
Tous les dispositifs dont j'ai parlé sont soumis à un plafond de ressources. LADOM aide – c'est sa vocation, son ADN – les personnes qui en ont besoin. C'est important. Le plafond de ressources est de 11 990 euros par part fiscale pour l'ACT et de 26 631 euros par part fiscale pour les autres dispositifs, ce qui permet de toucher plus de la moitié des habitants de ces territoires.
Parmi les questions transmises, un point portait sur les relations entre LADOM et Pôle emploi. Il est vrai qu'à une période, LADOM faisait de la prescription ; aujourd'hui, ce n'est plus le cas, en tout cas de moins en moins le cas, et tel ne sera plus du tout le cas au 1er janvier 2024. Cette évolution vise à permettre aux Ultramarins d'accéder à tout le panel de formations que Pôle emploi peut offrir – ce qui n'était pas le cas auparavant – et de nous concentrer sur ce qui est notre cœur de métier, c'est-à-dire sur le service public de la mobilité, ainsi que sur l'accompagnement, qui est extrêmement important pour la réussite des Ultramarins lorsqu'ils se déplacent.
Si je prends l'exemple de la formation professionnelle, domaine où l'accompagnement s'exerce de la manière la plus intense, LADOM prépare évidemment au départ, accompagne, lorsque la personne arrive dans l'Hexagone, le stagiaire en formation professionnelle en lui trouvant un logement, en lui permettant d'avoir une allocation d'installation, des subsides pour vivre pendant la période de formation de 7 ou 8 mois, et d'avoir la prise en charge en totalité du billet de retour. Une personne sur deux en moyenne rentre dans son territoire d'origine. LADOM est donc un vrai outil au service des territoires pour renforcer les compétences sur ces derniers.
L'intérêt de LADOM est non discutable. Aujourd'hui, quelle est la réalité des problèmes rencontrés par LADOM concrètement en termes de fonctionnement, et notamment de réponses aux administrés qui sont demandeurs ? Vous avez réalisé une enquête de satisfaction qui porte uniquement sur ceux qui ont été accompagnés. Toutefois, il convient peut-être de se pencher sur toutes celles et tous ceux qui n'ont pas été accompagnés et qui pourtant ont formulé des demandes et n'ont pas reçu de réponse. Aujourd'hui, pouvez-vous nous dire quels sont les différents problèmes que vous rencontrez ? Vous avez parlé de l'accueil. Vous venez d'arriver ; je pense qu'un audit a été réalisé. Pouvez-vous nous donner, en dehors de ce que vous faites et qui fonctionne, ce qui ne fonctionne pas ?
Comme je le précisais, je suis arrivé il y a deux mois. J'ai un programme de visites des territoires sur lesquels LADOM est présente. Nous avons 18 implantations, réparties en Hexagone et en outre-mer. D'ailleurs, la semaine prochaine, je serai en Martinique et en Guyane.
Je vais répondre à votre question sur ce qui ne fonctionne pas. Très honnêtement, d'après que j'ai pu voir jusqu'à présent, nous avons un dispositif qui fonctionne globalement de manière satisfaisante par rapport aux moyens qui sont les nôtres aujourd'hui. Nous avons des équipes qui comprennent de dix à quinze personnes sur chacun des territoires d'outre-mer, et qui ont été formées à l'accompagnement, à la formation professionnelle, à l'aide à la continuité territoriale et à l'aide pour les étudiants.
Ce que je ressens et ce que j'ai pu voir lors de mes déplacements, c'est un manque d'information. Comme je le disais, je pense que nous avons une obligation de résultat en la matière, car nous ne pouvons pas laisser de côté ou laisser les personnes se mettre de côté, parce qu'elles n'ont pas accès à l'information de LADOM. J'ai fait de ce sujet un axe prioritaire pour que tous les Ultramarins connaissent nos actions et tous les domaines dans lesquels nous intervenons. Si je prends l'exemple de La Réunion, nous sommes connus pour l'ACT ; sur d'autres territoires, nous allons être connus pour l'accompagnement des étudiants…
Il y a une hétérogénéité de l'accès à l'information sur nos dispositifs, sur laquelle nous devons travailler. Je n'ai pas parlé des dispositifs spécifiques qui sont plus confidentiels, notamment des dispositifs « obsèques » ou « accompagnement des talents », sur lesquels nous avons évidemment une marge de progrès pour parvenir à une bonne connaissance des dispositifs par les populations ultramarines.
La deuxième difficulté à laquelle nous pouvons avoir à faire face aujourd'hui, et qui nous contraint, tient à la procédure qu'il faut suivre pour accéder à une aide. Si je prends le dispositif « obsèques », nous intervenons sur remboursement de factures, pour un public éligible à un seuil de 11 991 euros. Nous pouvons comprendre que, par définition, une mort est difficilement prévisible, et qu'il soit difficile pour un public qui a peu de moyens d'avancer la somme nécessaire pour le rapatriement du corps, par exemple. Je pense qu'il y a là une marge de progrès pour faire en sorte de simplifier le dispositif et d'être capable d'intervenir en urgence pour répondre à ce besoin sur ce dispositif « obsèques ». Un effort de simplification est donc à mener. Il permettrait, à mon sens, que les dispositifs touchent plus de personnes.
Je parlais tout à l'heure de la question de l'accueil. Nous sommes en train de travailler à la normalisation de l'accueil sur tous les sites que nous avons. Nous sommes capables de savoir en combien de temps nous répondons au téléphone, qui répond au téléphone, combien d'appels sont émis, etc. Ce sont des outils que nous sommes en train de mettre en place, pour suivre l'activité, et notamment la qualité de la réponse qui est fournie aux bénéficiaires.
M. le ministre délégué Jean-François Carenco a indiqué à La Réunion qu'un nouveau directeur – donc vous – avait été recruté et qu'il vous avait donné une stratégie pour dépenser les crédits. Nous pouvons donc en déduire que des montants disponibles n'ont pas été dépensés. Comment expliquez-vous que ces crédits affectés n'aient pas été utilisés ?
Par ailleurs, si vous dites que vous mettez en place des outils, c'est qu'ils n'existaient pas avant. J'aurais aimé connaître concrètement, sur la période de 2019 à 2022, le nombre de demandeurs qui n'ont pas obtenu satisfaction par rapport au nombre de demandeurs ayant obtenu satisfaction. Nous pourrions ainsi appréhender de manière exacte le niveau de besoin.
Le fonctionnement de LADOM est centré, effectivement, sur des niveaux de revenus. J'ai réalisé le calcul. Le plafond est de 1 000 euros par mois pour l'aide à la continuité territoriale. En d'autres termes, seule une personne qui gagne moins de 1 000 euros par mois a droit à cette aide. Cependant, l'insularité et l'éloignement vis-à-vis de la France hexagonale sont permanents et structurels. Avez-vous, au niveau de LADOM, fait remonter, par rapport aux différentes problématiques que vous vivez – c'est la raison pour laquelle j'ai parlé de l'audit – des propositions qui nous permettraient de voir comment nous pourrions faire sauter un certain nombre de verrous ?
Vous faites référence à une phrase du ministre M. Carenco que je n'analyse pas exactement de la même manière que vous. Pour ma part, j'avais compris qu'il parlait de la nomination du nouveau directeur général dont la vocation est d'utiliser le budget de LADOM octroyé par les parlementaires pour répondre aux nouveaux besoins que j'ai cités tout à l'heure. Si nous examinons, aujourd'hui, les chiffres, nous pouvons constater que les crédits ne sont pas sous-consommés. S'agissant de l'ACT, le budget s'élevait à 10 millions d'euros et nous avons dépensé 14 millions d'euros. Nous avons pu engager cette somme car nous disposons d'une trésorerie suffisante. Si je prends l'aide PME pour les étudiants, nous avions un budget de 15 millions d'euros ; nous en avons dépensé 13 millions d'euros. Nous avons donc un écart de 2 millions d'euros.
Au total, au niveau du budget initial, nous avions 27 millions d'euros ; nous en avons dépensé ou réalisé 33 millions d'euros. La surconsommation s'établit donc à 5 millions d'euros.
Je pense donc que le ministre voulait plutôt dire que cet argent doit être utilisé pour répondre aux besoins des Ultramarins. De ce fait, sur la stratégie et la mission qu'il m'a confiée, il s'agissait donc plutôt de pouvoir être source de propositions pour « LADOM 2024 ».
Pour ce qui concerne les demandes auxquelles nous n'aurions pas répondu, la principale raison pour laquelle nous ne pouvons pas répondre à certaines demandes réside dans le seuil de ressources ; tout le monde n'est pas éligible aux aides de LADOM. Ce critère-là fait que des personnes peuvent se voir refuser l'aide parce qu'elles dépassent le plafond de ressources que nous avons évoqué tout à l'heure. À ma connaissance, mais Joëlle Le Normand pourra peut-être compléter mon propos, je ne suis pas certain que, si l'on enlève ce critère-là, nous ayons des chiffres sur les personnes éligibles qui se sont adressées à nous et qui n'ont pas été aidées, pour d'autres raisons.
En effet, globalement, le principal motif de rejet porte sur le critère de ressources. Sur la partie « Passeport pour la formation professionnelle », par laquelle nous accompagnons les demandeurs d'emploi, nous avons également d'autres critères qui sont fixés par le code des transports quant à la nature des actions que nous pouvons accompagner. Il s'agit de l'un des autres motifs qui nous amènent à ne pas retenir certaines demandes. En l'occurrence, aujourd'hui, LADOM peut essentiellement accompagner des formations certifiantes. Ainsi, si le projet déposé par le demandeur d'emploi au titre de l'aide à la mobilité pour la formation professionnelle relève d'un autre dispositif de formation professionnelle, nous ne pouvons pas l'accompagner aujourd'hui.
Nous avons, en effet, un certain nombre de points qui sont identifiés et que nous avons fait remonter dans le cadre du projet « LADOM 2024 » pour pouvoir améliorer la réponse apportée à la population ultramarine via nos dispositifs.
Nous avons parlé de l'aide « obsèques ». Cette aide est relativement récente, puisqu'elle existe depuis 2018. Il faut le temps que ces dispositifs s'installent et commencent à être connus ; il faut que nous améliorions certainement la communication également.
Il existe plusieurs critères qui, en effet, verrouillent certains dispositifs. Ils sont identifiés. Nous intervenons notamment auprès de la Direction générale des outre-mer (DGOM) pour améliorer l'accès aux dispositifs, afin qu'ils atteignent mieux les publics auxquels ils s'adressent.
L'objet de la commission d'enquête est de se pencher sur la vie chère et le pouvoir d'achat en outre-mer. Pensez-vous que des personnes ont pu renoncer à leur projet parce que l'évolution des prix des transports et l'insuffisance de l'aide apportée les auraient découragées ?
Pour ce qui concerne l'aide à la continuité territoriale, le dispositif fonctionne sous forme d'attribution aux bénéficiaires, de bons en valeur absolue, c'est-à-dire une valeur faciale donnée et qui diffère selon les territoires. Il est vrai que le reste à charge peut être relativement important selon le territoire et selon le prix du billet. Si je prends un territoire comme Mayotte, nous avons une sorte d'effet ciseau puisque ce territoire est celui dont le revenu par habitant est le plus faible et pour lequel le prix du billet est le plus élevé. Le reste à charge peut décourager des bénéficiaires de poursuivre leur démarche de mobilité.
Il y a d'ailleurs une différence entre les bons émis et les bons utilisés. C'est le seul outil que nous avons pour mesurer – mais seulement pour l'ACT – cet effort qui ne peut pas être consenti par les bénéficiaires.
Suite à la décision du 21 décembre 2022 de la cour administrative d'appel de Bordeaux, jugeant qu'il ne ressort pas des compétences de la région de financer LADOM, « qui relève d'une politique nationale de continuité territoriale », avez-vous interpellé le ministère ?
Étant donné que LADOM assure une mission de service public pour assurer l'égalité des chances, pensez-vous qu'à terme LADOM pourrait engager la réflexion sur le retour systématique de nos étudiants ultramarins une fois leurs études terminées ?
Lorsque la Commission nationale d'évaluation des politiques publiques outre-mer (CNEPEOM) existait encore, dans le dernier rapport que j'avais produit avec le sénateur Karam, nous avions relevé, sur le fonctionnement de LADOM, une difficulté.
Cette difficulté était liée au fait que LADOM fournissait bien des billets, mais qu'une fois que l'étudiant ultramarin arrivait sur le territoire hexagonal, il était souvent difficilement pris en charge, s'il n'avait pas de la famille localement. Pour cet étudiant, la situation était encore plus dure. Il rencontrait des difficultés pour trouver des logements, pour trouver un travail.
Au-delà du fait que LADOM fournisse financièrement un billet d'avion, la question de l'accompagnement réalisé localement a-t-elle connu une amélioration ?
Nous sommes d'accord pour dire que l'aide à la continuité territoriale est une mission de service public et que la communication est importante.
Pensez-vous qu'aujourd'hui, l'articulation entre les dispositifs des collectivités locales et vos dispositifs est optimale ?
Comment s'effectue la base de différenciation du dispositif de l'aide ou du budget de l'aide entre les outre-mer et la Corse, au moment où un centre hospitalier universitaire (CHU) est annoncé ?
En réponse à monsieur le député Maillot, la cour administrative d'appel n'a pas dit que les conseils régionaux ne pouvaient pas financer LADOM ; elle a indiqué qu'ils ne peuvent pas financer l'aide à la continuité territoriale, celle-ci étant une compétence de l'État. En revanche, les conseils régionaux peuvent tout à fait cofinancer avec nous le dispositif. C'est d'ailleurs ce que nous faisons à La Réunion et ce dispositif fonctionne très bien ; La Réunion arrive largement en tête de toutes les aides à la continuité territoriale que nous pouvons accorder au sein de LADOM. C'est donc vraiment un dispositif réunionnais qui est à noter, et peut-être à développer, mais ces décisions dépendent évidemment des exécutifs locaux. Nous avons un dispositif à La Réunion qui fonctionne vraiment bien, et nous travaillons avec la région dans le cadre d'un partenariat étroit, qui sert, à mon sens, plutôt de manière satisfaisante la population.
Sur la question du retour systématique, nous avons un vrai sujet. J'entends évidemment, sur des territoires qui perdent de la population, la volonté que les forces vives restent sur ces territoires, ou bien aillent se former et reviennent. Nous avons d'ailleurs lancé très récemment un dispositif « accompagnement des cadres » à Mayotte – et bientôt en Guadeloupe –, qui permet d'accompagner de manière plus spécifique, avec une bourse dédiée, de futurs cadres, qui ont l'obligation de rentrer ensuite.
Dans le cadre des autres dispositifs, nous n'obligeons pas les personnes à rentrer ; d'ailleurs, ce serait compliqué de le faire. Nous ouvrons le champ des possibles à tous les Ultramarins, comme à un Marseillais ou à un Lozérien qui n'est pas obligé de revenir chez lui après poursuivi ses études ailleurs. Il n'y a pas d'obligation à résidence, et je pense qu'il faut aussi que les jeunes, ou les moins jeunes, puissent aller s'installer ailleurs s'ils le souhaitent. En revanche, nous payons le retour sans aucun problème. Il y a une personne sur deux qui revient et le billet aller-retour est pris en charge sans aucune difficulté. Toutefois, nous n'obligeons pas systématiquement les personnes qui bénéficient de ce dispositif à revenir.
Un dispositif de retour obligatoire existe, en revanche, pour les cadres. Nous permettrons notamment aux étudiants d'avoir le choix. Le choix pourra être celui d'un accompagnement ressemblant à celui que nous avons aujourd'hui, avec prise en charge de billets et, demain, un accompagnement un peu plus poussé sur le territoire hexagonal. Il sera aussi possible de bénéficier d'une prise en charge, dans le cadre du dispositif « cadres d'avenir », qui permettra d'avoir une bourse plus importante, mais avec un engagement au retour. Je tiens à ce que les deux dispositifs coexistent ; je ne veux pas que l'on développe une sorte d'obligation à résidence, qui ferait qu'à partir du moment où un jeune serait né dans un territoire, il aurait l'obligation, lorsqu'il est formé, de revenir. Il faut que l'on ait les deux possibilités ; et, pour ceux qui souhaitent revenir, peut-être un accompagnement spécifique, justement pour les inciter à le faire.
Pour répondre de manière plus spécifique à Mme la députée Rilhac, je précise que l'accompagnement des étudiants ultramarins fait partie de l'une des propositions adressées au ministre, pour arbitrage du Gouvernement, car nous avons bien senti et décelé que l'accompagnement des étudiants, notamment la première année, était un élément important de réussite de ces étudiants lorsqu'ils arrivaient dans l'Hexagone, mais pas seulement. Nous souhaitons donc développer, de la même manière que nous accompagnons les stagiaires de la formation professionnelle, un accompagnement à destination des étudiants pour limiter le choc qu'il peut y avoir lorsqu'on arrive dans l'Hexagone, qu'on ne connaît pas les codes, qu'on ne sait pas exactement comment les choses fonctionnent, tout cela en partenariat, d'ailleurs, avec des associations que nous souhaitons mobiliser sur ce sujet, avec le Centre régional des œuvres universitaires (Crous) que nous avons rencontré, etc. L'objectif est d'élaborer un dispositif d'accompagnement qui améliore la réussite des étudiants lorsqu'ils arrivent sur le territoire.
Pour le travail complémentaire entre les collectivités locales et LADOM, j'ai cité ce que nous faisons à La Réunion sur l'ACT. Je laisserai Mme Le Normand vous parler de ce que nous faisons aussi avec les régions d'outre-mer sur la question de la formation professionnelle plus particulièrement.
Si nous travaillons demain sur la question de la mobilité dans les deux sens et du retour, ce travail avec les collectivités locales sera extrêmement important, et même indispensable si l'on veut qu'il fonctionne. Aujourd'hui, nous souhaitons développer les partenariats que nous avons ; c'est d'ailleurs l'un des objets des visites que j'effectue sur le territoire. De manière systématique, je rencontre les élus locaux, les présidents de collectivités, pour voir comment nous pouvons travailler de manière plus étroite, et comment LADOM peut répondre aux besoins des territoires. Je leur dis alors que LADOM est un outil de l'État au service des territoires ultramarins, et qu'ils sont invités à utiliser LADOM justement dans cette stratégie, et dans la stratégie de développement économique et social de leurs territoires, et qu'ils l'intègrent comme un outil étant à leur disposition et à la disposition des Ultramarins.
Pour préciser le propos sur nos relations avec les collectivités d'outre-mer, nous travaillons aujourd'hui avec la région Guadeloupe, la collectivité territoriale de Martinique et le conseil départemental de Mayotte. Nous avons des conventions autour de la formation professionnelle en mobilité des demandeurs d'emploi. Par ces conventions, les collectivités concernées nous délèguent la gestion et la mise en œuvre des actions de formation professionnelle en mobilité que ces collectivités agréent.
Ces conventions ont l'intérêt d'articuler les financements que proposent ces collectivités en faveur de la formation professionnelle avec ceux de LADOM pour la mobilité.
Nous travaillons avec ces collectivités et nous entretenons des relations avec les autres collectivités également, pour explorer le champ des possibles dans le cadre de ce type de partenariats.
Pourquoi ne produisez-vous pas de rapport sur le nombre de bénéficiaires, conjugué à un sondage, et leurs caractéristiques sociodémographiques ?
Que pensez-vous du transfert de compétence de la continuité territoriale de l'État aux collectivités ultramarines, à l'instar de la Corse ?
Les aides à la continuité territoriale sont présentées comme couvrant 40 % du prix du billet d'avion. Vous savez comme nous-mêmes que les aides étant dispensées sous forme de bons, elles ne correspondent pas réellement à 40 % du prix du billet d'avion. Le différentiel est important. Comment faire pour y remédier ? Nous devons, en effet, faire face à un coût structurel et à un coût conjoncturel lié à l'inflation. Pourtant, LADOM ne prend pas en compte ces augmentations de coût du billet d'avion qui sont supportées finalement en reste à charge et de manière exorbitante. Potentiellement, nous pensons que davantage de personnes qu'aujourd'hui pourraient bénéficier de ces aides. Toutefois, le dispositif actuel fonctionne avec des bons dont la valeur n'évolue pas de manière proportionnelle au prix des billets. Le prix des billets augmentant, ce point constitue une difficulté et empêche un certain nombre de personnes de se déplacer.
Quel type de dispositifs faudrait-il mettre, en lien avec le soutien de LADOM, pour bloquer les prix des billets d'avion, pour justement faire en sorte que ce dispositif puisse porter véritablement l'impact que l'on souhaite en termes de progression professionnelle, d'aide à la continuité territoriale et d'insertion des personnes des territoires ?
De plus, le système, même s'il n'oblige pas les bénéficiaires à rentrer, ressemble à un dispositif d'immigration puisque certaines formations n'existent pas sur place. Vous dites, par ailleurs, que vous prenez sans difficulté en charge le billet retour. Pouvez-vous nous apporter des éléments précis sur ce point ? En effet, ce n'est pas ce que j'ai entendu personnellement. Avez-vous des éléments de preuve de ce que vous dites sur ce sujet ?
Pouvons-nous avoir tous les éléments statistiques dont vous disposez, notamment la proportion des bons émis par rapport aux bons utilisés ?
Concernant les éléments en notre possession sur les caractéristiques sociodémographiques des bénéficiaires, je laisserai Joëlle Le Normand répondre, mais, selon les observations que j'ai pu faire depuis deux mois, nous n'avons pas investigué pour savoir quelles étaient les caractéristiques sociales des personnes qui s'adressaient à nous, en dehors des critères que nous posons. Mis à part le fait de vous dire que ce sont des hommes ou des femmes, ou s'ils répondent ou pas aux critères, nous ne pouvons pas vous dire si les bénéficiaires sont des agriculteurs, des commerçants ou des personnes au chômage. À ce jour, nous n'avons pas cette capacité.
Sur le transfert des compétences qui sont les nôtres vers les collectivités, je n'ai pas d'avis sur la question, si ce n'est qu'il s'agit là d'un choix politique. Si la Représentation nationale ou si le Gouvernement souhaite les transférer, elles seront transférées ; aujourd'hui, elles ne le sont pas et nous exerçons nos missions.
La différence principale que je vois avec le dispositif corse, c'est que nous intervenons sur critères sociaux, c'est-à-dire que nous aidons ceux qui en ont le plus besoin. D'ailleurs, c'est la seule raison pour laquelle la Commission européenne a accepté le dispositif de LADOM, qui est une exception à la liberté des tarifs, dans le cadre des obligations de service public. C'est dans ce cadre-là que LADOM peut intervenir aujourd'hui.
On peut interroger tous les dispositifs, sur la question du pourcentage du billet ou du reste à charge. L'augmentation récente qu'a connue le bon a été décidée lors du débat sur le projet de loi de finances. Nous sentons bien que, depuis plusieurs mois maintenant, c'est une vraie préoccupation et une inquiétude du Gouvernement et de LADOM, de savoir comment apporter une réponse pérenne à une augmentation des billets qui, à moyen terme, a peu de probabilité de s'arrêter.
Nous travaillons actuellement sur différentes propositions : l'obligation de service public, la limitation du prix du billet, etc. Ces pistes sont très intéressantes et nous devons mesurer leur impact sur les bénéficiaires et les comptes publics. Nous devons aussi étudier leur faisabilité juridique, la nécessité ou non d'un recours à la Commission, la possibilité de négocier de gré à gré avec les compagnies… Tous ces sujets aujourd'hui sont sur la table.
Sur la question du pourcentage, si la représentation nationale pense que c'est la bonne manière de procéder, cette piste peut aussi être intéressante. Nous travaillons sur ces sujets avec le ministre afin d'obtenir des arbitrages.
Au niveau de la seule « inquiétude » que je peux avoir, je pense qu'il faut avoir un dispositif qui agisse sur le prix du billet et sur le reste à charge. L'objectif serait d'obtenir un reste à charge qui reste le même au fil des années.
S'agissant du prix des billets, j'ai interrogé la direction générale de l'aviation civile (DGAC). Elle m'a indiqué que, rapporté au kilomètre, le prix moyen des billets à destination des Antilles ou de l'océan Indien était inférieur à celui des billets pour des destinations internationales comme New York. La particularité des outre-mer réside dans un effet de saisonnalité qui est plus important que pour d'autres destinations. Nous devons travailler sur cet effet pour qu'il n'impacte pas de manière aussi forte celles et ceux qui voyagent. Outre l'augmentation décidée de la valeur du bon, qui me semble être une bonne solution, un travail peut être engagé sur le prix maximum du billet, pour faire en sorte que le reste à charge soit acceptable pour le public qui est le nôtre.
Nous vous fournirons, pour les bons émis et pour les bons utilisés, les éléments, à l'appui des réponses au questionnaire que nous vous transmettrons.
Vous appliquez une aide publique sur le prix des billets d'avion sur le marché. LADOM a-t-elle le pouvoir de négocier les prix ? Si oui, pourquoi ne le faites-vous pas en vue de réduire le reste à charge du public ?
Selon vous, l'aide à la continuité territoriale participe-t-elle à l'augmentation des prix des billets d'avion ?
Le décret augmentant la prise en charge pour les familles les plus modestes a-t-il été pris ?
N'y a-t-il pas une sorte de rente de situation qui serait proposée aux compagnies aériennes, au travers de l'aide à la continuité ? Cela donne-t-il à LADOM une sorte de pouvoir de marché, qui permettrait d'exercer une pression à la baisse et de disposer d'un pouvoir de négociation à la matière ?
Je reviens sur l'obligation de retour. Je souscris assez à ce que vous dites. J'entends la réflexion sur un double dispositif et sur une aide augmentée associée à un engagement de retour. N'est-ce pas aussi une question de compétences ? N'y aurait-il pas une opportunité à aider des compétences à aller vers les territoires ? Peut-être s'agit-il de personnes ayant une origine plus ou moins lointaine dans ces territoires, ou ayant un projet de vie qui est là-bas. Cela permettrait de favoriser, là aussi, le grand brassage national.
Pour répondre à M. Ratenon, sur la capacité ou non à négocier les prix, je pense qu'il faut étudier les moyens dont nous disposons pour faire baisser les prix dans le respect de la législation. En effet, il faut respecter le droit de la concurrence, et voir, notamment, à ce titre, jusqu'où nous pouvons aller dans des procédures de gré à gré, comment rédiger les appels d'offres et si les discussions de gré à gré sont limitées juridiquement. Si nous mettons en place un appel d'offres, nous serons conduits à choisir une compagnie. Quelle incidence une telle décision aura sur la desserte des compagnies qui ne seront pas choisies ? Il ne faut pas que l'appel d'offres ait pour effet que des compagnies s'en aillent des territoires. Quid des endroits où il y a un quasi-monopole ? Je pense notamment à Mayotte, où, concrètement, si nous lançons un appel d'offres, à mon avis la compagnie ne répondra pas. Ce territoire ne compte quasiment qu'un seul opérateur aérien. Tous ces éléments sont donc à prendre en considération dans la réflexion.
Je tiens à rassurer M. Ratenon sur le fait que je suis extrêmement préoccupé par cette question. Nous travaillons sur une proposition à soumettre au ministre des outre-mer et au Gouvernement. Nous explorons toutes les voies possibles pour y parvenir, avec les avantages et les inconvénients.
Je consulterai les compagnies prochainement lorsque j'aurai terminé mon tour des territoires, d'ici un mois et demi, justement pour voir dans quel état d'esprit elles sont et voir comment nous pouvons travailler ensemble pour faire baisser les prix.
La partie la plus importante de mon activité aujourd'hui est consacrée à savoir comment nous pouvons faire pour que le reste à charge des Ultramarins soit le plus faible possible et que l'accompagnement soit de qualité.
Des questions portaient sur l'impact de l'aide à la continuité territoriale sur le prix des billets d'avion. Faut-il penser que, puisqu'on apporte une aide, les compagnies en profiteraient, soit pour augmenter les prix, soit pour conforter leurs marges ? Ce n'est pas le cas, à mon sens.
D'abord, cela supposerait, si elles ont augmenté les prix, en profitant de notre aide, que les bénéficiaires sont capables de payer ces prix-là. D'après nos observations, tel n'est pas le cas.
Deuxièmement, nous apportons des aides à 70 000 personnes. Or les chiffres de la DGAC indiquent que les rotations permettent de faire voyager 4 millions de personnes. Ainsi nos aides concernent 70 000 personnes sur 4 millions de voyageurs.
À mon sens, les compagnies n'ont pas grand intérêt à augmenter les prix pour profiter de l'effet d'aubaine des aides de LADOM. Par ailleurs, ce dispositif ne leur coûte rien puisque nous ne leur demandons pas d'y participer. Cette question se poserait si nous fixions un prix maximum. S'agissant de l'ACT, nous donnons un bon que les personnes utilisent. L'utilisation de ce bon n'a aucune incidence sur la compagnie car le prix du billet ne change pas.
Cette question, qui est une préoccupation de la représentation nationale, est donc aussi la nôtre. Nous devons cependant mesurer les impacts des mesures ; c'est pour cette raison que je parlais tout à l'heure de solutions pérennes. En effet, il ne faudrait pas que nous venions fragiliser la situation ou introduire un mécanisme qui soit contreproductif à terme pour les bénéficiaires ou même pour les territoires.
Sur la question portant sur les compétences à ramener sur les territoires, LADOM met en œuvre un dispositif de l'État. Si le CIOM, le Gouvernement ou la représentation nationale nous autorisent demain au 1er janvier à travailler cette question de mobilité dans les deux sens, de retour ou d'installation, nous le ferons. Par définition, un dispositif de l'État me semble être destiné à tous les Français ; je ne vois donc pas comment nous pourrions le limiter dans la loi et le réserver à telle ou telle catégorie de Français. En revanche, ce qui est clair dans notre esprit, c'est que rien ne se fera sans les collectivités locales.
Nous ne pouvons pas imaginer de retour ou d'installation si cela ne se fait pas en partenariat avec les collectivités territoriales. Il n'y aura donc pas de retour ou d'installation qui seraient imposés dans les territoires, je tiens à le dire ; en tout cas, ce n'est pas ce que je défendrai. Il faut que cela se fasse avec les collectivités locales. Il faut que les entreprises, les acteurs locaux et les élus locaux nous disent dans quels domaines ils ont besoin de compétences. Lorsque ces compétences se trouvent chez les Ultramarins de l'Hexagone, il faut évidemment les accompagner. Il faut que les collectivités locales nous disent quels types de profil elles souhaitent et les catégories de personnes qu'elles souhaitent accompagner. Nous le ferons vraiment en partenariat avec elles.
À partir du moment où l'on travaille sur cette question du retour ou de l'installation, il faut qu'on travaille sur des questions périphériques : la question du logement, sur des territoires qui parfois sont des zones tendues, la question des services publics associés, celle de l'accompagnement – dont celui du conjoint –, etc. Tout cela ne peut se faire – car ce n'est pas notre métier – qu'avec les collectivités territoriales, pour que nous parvenions à ce que ces compétences s'installent de manière pérenne, et servent évidemment ceux qui sont appelés à bouger, mais aussi, et peut-être surtout, les territoires ultramarins, qui, aujourd'hui, ont un besoin criant, sur certains territoires, de compétences nouvelles.
Comme je l'ai indiqué, j'aurais aimé aussi que vous puissiez nous donner les statistiques sur les personnes qui ont demandé à revenir dans leur territoire et la réalité des bons qui ont été émis pour leur permettre de le faire. Je parle du billet retour. Si vous ne disposez pas de l'information aujourd'hui, vous pourrez nous la transmettre par écrit. Il serait important que les documents retracent l'évolution sur les cinq dernières années, même s'il y a eu la période de la pandémie liée à la Covid-19.
Connaissez-vous le dispositif corse ? Je souhaite, toutefois, préciser qu'une somme de 45 millions d'euros est consacrée à la continuité territoriale avec l'ensemble des outre-mer et qu'un montant de 190 millions d'euros est dédié à la continuité avec la Corse. La Corse se trouve à moins de 600 kilomètres des côtes françaises et elle compte 300 000 habitants ; les territoires d'outre-mer comptent 2,7 millions d'habitants et ils se situent entre 8 000 et 18 000 kilomètres de l'Hexagone. Pour ce qui concerne les conditions liées à la continuité territoriale corse, aucune condition de ressources ne s'applique alors que tel est le cas pour les Ultramarins. La Corse oblige également les compagnies à mettre en place des tarifs préférentiels, via des délégations de service public (DSP). Vous avez parlé d'obligation de service public ; c'est exactement la traduction des délégations de service public.
Aujourd'hui, ne pensez-vous pas que le dispositif concernant les outre-mer devrait se rapprocher du modèle corse, notamment pour des questions d'égalité des droits et donc d'équité de traitement entre les Français de l'Hexagone, les Français de Corse et les Français des territoires d'outre-mer ?
Sur la question du retour, différents cas de figure se présentent. Le dispositif de l'ACT est plutôt simple, puisque le bon est valable pour un aller-retour.
En revanche, dans le cadre de nos autres dispositifs pour les étudiants et les demandeurs d'emploi, généralement nous remettons un billet d'avion aller, puisque la date de retour n'est pas encore connue au moment où la personne va voyager. Les dispositions qui s'appliquent aujourd'hui prévoient que la personne dispose de cinq ans après la fin de sa formation et de ses études pour se prévaloir de son billet retour auprès des services de LADOM. Ce droit au retour est valable cinq ans. Il y a eu une évolution en 2018 pour rallonger de deux à cinq ans le délai jusqu'auquel la personne peut demander son billet retour. Par ailleurs, le code des transports a ajouté des conditions pour prétendre à ce billet retour. Il s'agit d'une condition de ressources et d'une condition de s'établir pendant au moins un an dans la collectivité d'origine. Ce sont les dispositions qui s'appliquent aujourd'hui et que nous appliquons.
Sur la question du dispositif corse, que je connais seulement dans les grandes lignes et sur lequel nous récupérons des éléments d'information pour avoir une doctrine, je suis, pour ma part, en tant que directeur général de LADOM, très attaché à la présence de critères sociaux. L'objectif est d'aider les personnes qui en ont le plus besoin. Nous pouvons nous poser la question du niveau des seuils afin de couvrir un plus grand nombre de personnes. Il faut savoir que le seuil de 26 000 euros aujourd'hui permet de couvrir entre 70 et 80 % des personnes, dans le cadre des dispositifs pour la formation professionnelle. J'avais demandé à la direction générale des finances publiques (DGFIP) de nous donner des éléments sur le sujet. Concernant le seuil de l'ACT, qui est de 11 991 euros, il permet de couvrir entre 53 et 77 % des foyers fiscaux selon la collectivité concernée – le pourcentage de 77 % correspondant à Mayotte.
Ainsi, les seuils dont nous disposons aujourd'hui, et sur lesquels il faut évidemment que l'on travaille et qu'il faut questionner, couvrent une grande partie de la population potentiellement. Je ne parle pas du reste à charge et je ne reviens pas sur la discussion que nous avons eue tout à l'heure. Cependant, ces seuils permettent de rendre éligible une grande partie de la population. Je pense donc que la problématique de l'augmentation des seuils, même si nous pouvons y travailler, n'est pas uniquement liée à ce point ; elle repose sur la question du reste à charge et du prix des billets. C'est sur ce point, à mon sens, que nous devons investiguer.
Je pourrai vous répondre de manière définitive sur cette question de la comparaison avec la Corse lorsque nous aurons investigué toutes les voies et les moyens, toutes les pistes possibles, pour savoir si nous pouvons mettre en place des mesures contraintes sur le prix des billets. Je pourrai ensuite vous dire s'il serait intéressant de mettre en place un dispositif similaire à la Corse ou complètement différent. Il s'agit, par ailleurs, de choix politiques qui me dépassent et qui ne sont pas – ou en tout cas plus – les miens. Des choix devront être opérés mais ils seront éclairés quand nous disposerons des informations sur les actions que nous pouvons légalement mettre en place dans le cadre des systèmes existant aujourd'hui.
LADOM applique aujourd'hui l'obligation de service public. Nous pouvons donc déjà utiliser les dispositifs existants, en les mettant peut-être à un autre niveau – ce sont des discussions qu'il faut que nous ayons –, pour couvrir un maximum de personnes sur ces territoires, en tout cas un maximum de personnes qui en ont besoin.
La question du seuil est un sujet qui est moins prégnant que je ne le pensais puisque je croyais qu'il permettait de couvrir moins de personnes qu'en réalité. Le seuil de 11 000 euros permet de toucher beaucoup plus de personnes que je ne pensais au départ. C'est la raison pour laquelle j'ai demandé cette étude. Nous pouvons évidemment continuer à questionner ce sujet des 11 000 euros, parce que c'est important et que l'on peut estimer qu'il faut aller plus loin. Cependant, il n'y a pas uniquement cette question, il y a aussi celle du reste à charge. C'est sur ce sujet que nous devons à mon avis travailler.
Je comprends que vous privilégiiez, en tant que responsable, une action plutôt liée à l'exécution par rapport à un cadre qui est fixé. Cependant, en tant qu'acteur de terrain que vous êtes aussi, vous avez une marge de proposition, puisque vous vivez les choses au quotidien. Vous restez limité sur la question des potentialités des personnes concernées par le sujet de LADOM, mais je ne vous entends pas prendre en compte le fait que l'insularité et l'éloignement sont éternels. Les 8 000 kilomètres qui séparent la Martinique de la France ne vont pas disparaître. Il y aura donc toujours un décalage entre le Français qui peut prendre le train ou l'avion à l'intérieur de l'Hexagone pour aller de n'importe quel endroit du territoire à un autre et un Martiniquais qui va devoir parcourir 8 000 km en avion et subir six heures de décalage horaire. Quant aux propositions d'évolution que vous allez mettre en place, je ne crois pas que vous puissiez écarter la notion d'insularité et d'éloignement, qui est structurelle. Si elle est structurelle, il faut une réponse de compensation qui soit à la hauteur. Pour la Corse, c'est son éloignement à 600 kilomètres des côtes françaises qui a conduit à la mise en place d'un dispositif particulier.
Vous parlez des critères sociaux, soit. Même si vous n'êtes présent que depuis deux mois, l'outil est là. Que pensez-vous faire, en termes de propositions, pour ne pas simplement être dans une démarche d'exécution dans un cadre fixé, qui est normal, mais qui nous permettrait, à nous, les législateurs, de voir comment améliorer la notion de continuité territoriale, au sens équitable et au sens de la dignité humaine ?
L'indicateur que vous prenez m'inquiète davantage, car avoir 70 % de personnes concernées par des seuils de revenus qui sont très faibles est un élément prouvant que le chômage, la précarité et la pauvreté sont véritablement exorbitants dans nos territoires, ce qui vient s'ajouter à un coût de la vie général encore plus important.
Par rapport à la mission de LADOM, même si aujourd'hui elle est aussi d'assurer l'insertion des personnes, et en tout cas de réduire les contraintes et les inégalités de niveau de vie des personnes, ne pensez-vous pas que des propositions existent, qui vont au-delà du champ actuel du cadre législatif tel qu'il est fixé, et auquel, à mon avis, vous ne devriez pas vous limiter ?
Je n'ai peut-être pas été assez clair, mais je suis complètement d'accord avec vous ; tout ce dont je vous ai parlé tout à l'heure, quant aux nouvelles missions de LADOM notamment, va impliquer une évolution législative.
La question de la mobilité dans les deux sens – mis à part les personnes que nous avons envoyées en formation professionnelle et qui peuvent revenir sous cinq ans – ne peut pas être aujourd'hui mise en place. La loi devra donc évoluer sur ce point et les propositions qui seront formulées ne correspondront pas à celles qui sont aujourd'hui inscrites dans le code des transports. Jamais LADOM n'a accompagné des candidats avec des projets professionnels de retour ou d'installation en outre-mer. Nous formulons ce type de propositions qui répondent aux besoins des territoires et que nous ferons avec les territoires. Il s'agira de propositions qui sont complètement nouvelles, qui sortent du cadre, et qui impliqueront, d'ailleurs, une évolution législative.
Sur la question de l'ACT, j'ai dit que j'étais, pour ce qui me concerne, attaché aux critères sociaux. Justement, pour éclairer la représentation nationale, mais évidemment aussi le Gouvernement, ce que je souhaite faire et que nous sommes en train de faire, est d'investiguer tout ce qu'il est possible de faire avec ce modèle qui est celui de LADOM : critères sociaux, baisse du reste à charge, etc. L'objectif est que vous puissiez avoir le choix entre le dispositif qui existe aujourd'hui en Corse, qui concerne tous les résidents, et dont la logique et le coût sont différents et ce que nous pouvons faire dans un cadre qui intègre des critères sociaux.
En fonction de ces éléments, vous serez éclairés pour connaître quel est le dispositif le plus intéressant et le plus pertinent pour vos territoires. C'est sur ce point que j'essaie d'être force de proposition, avec mes équipes, auprès du Gouvernement et notamment du ministre délégué aux outre-mer. Je souhaite que tout le monde dispose de toutes les informations sur les coûts correspondant à chaque proposition.
À vous, ensuite, ou à nous, collectivement, de choisir le modèle qui est le plus pertinent pour chacun des territoires. Peut-être, d'ailleurs, que, selon les territoires, les dispositifs seront différents. Tous ces points sont en cours d'investigation ; le CIOM sera vraiment décisionnaire. J'espère que cette réflexion mettra en lumière un avant et un après sur cette question de la continuité territoriale.
Je vous remercie mille fois de votre présence.
Merci aussi de nous communiquer par écrit les réponses au questionnaire qui vous a été adressé, ainsi que les réponses aux demandes complémentaires du rapporteur, et tout autre document qui vous semblerait utile à nourrir notre réflexion.
La commission auditionne Mme Marie-Anne Poussin-Delmas, présidente de l'Institut d'émission des départements d'outre-mer (IEDOM), directrice générale de l'Institut d'émission d'outre-mer (IEOM), de Mme Marina Randriamisaina, responsable de l'Observatoire économique et monétaire de l'IEDOM-IEOM et de M. Olivier Simon, adjoint à la responsable de l'Observatoire économique et monétaire de l'IEDOM-IEOM.
Chers collègues, nous poursuivons en entendant l'Institut d'émission des départements d'outre-mer (IEDOM) et l'Institut d'émission d'outre-mer (IEOM), chargés de l'émission monétaire outre-mer, représenté par Mme Marie-Anne Poussin-Delmas, présidente, Mme Marina Randriamisaina, responsable de l'Observatoire économique et monétaire de l'IEDOM-IEOM, et M. Olivier Simon, son adjoint.
Mesdames, Monsieur, je vous souhaite la bienvenue.
Je vous remercie de nous déclarer tout autre intérêt public ou privé de nature à influencer vos déclarations.
Auparavant, je vous rappelle que l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires impose aux personnes auditionnées par une commission d'enquête de prêter le serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité. Je vous invite donc à lever la main droite et à dire : « Je le jure ».
(Mmes Marie-Anne Poussin-Delmas et Marina Randriamisaina, et M. Olivier Simon prêtent serment.)
Le sujet de la vie chère revêt une importance toute particulière en ce moment. La reprise économique post-Covid-19 puis la guerre russe en Ukraine ont engendré une inflation qui est à la fois plus forte et plus durable que ce qui était anticipé il y a encore quelques mois. Je dirais que cette inflation est d'autant plus douloureusement ressentie en outre-mer qu'elle s'ajoute à une problématique de vie chère qui, elle, est un problème structurel.
Nos études économiques, et pas seulement les nôtres, montrent que le modèle de rattrapage économique des outre-mer a bien fonctionné jusqu'en 2008, avec un produit intérieur brut (PIB) par habitant qui a progressé plus vite que l'Hexagone et qui a permis un accroissement des revenus, une réduction des inégalités, un meilleur accès aux soins et la réalisation des grands projets d'infrastructures.
(image non chargée)
On observe que, depuis la crise financière de 2008, ce modèle semble s'épuiser, en lien avec une croissance qui est ralentie. Depuis lors, les outre-mer sont à la recherche d'un nouveau modèle de développement, plus endogène, et pour nous, ce modèle permettra d'apporter une vraie réponse aux problématiques de vie chère.
J'en viens aux questions de la commission, en commençant par la mesure de l'inflation.
Dans la période précédant la pandémie de Covid-19, nous voyons une quasi-stabilité des prix dans la plupart des territoires ultramarins, voire une baisse, comme dans la zone Pacifique.
Les tensions inflationnistes sont véritablement apparues au deuxième semestre 2021, et plus encore en 2022, tout en restant à des niveaux observés qui sont inférieurs à ceux de l'Hexagone.
En glissement annuel, à fin février 2023, l'inflation en outre-mer est comprise entre 3,7 et 4,8 %, sauf à Mayotte et en Polynésie française, où elle se situe autour de 5,8 %, alors qu'elle est à 6,3 % dans l'Hexagone.
S'agissant des secteurs concernés, les deux composantes majeures sont l'énergie et les transports, et surtout les biens alimentaires, dont les prix ont progressé entre 7 et 12 % en un an, même si cela reste, là aussi, inférieur à l'Hexagone, où la progression enregistrée à fin février était de 14,8 % en glissement annuel.
Au-delà de l'inflation conjoncturelle, il y a, bien sûr, des causes structurelles qui sont connues et d'ailleurs reconnues par le traité de fonctionnement de l'Union européenne : l'isolement géographique, la dépendance aux transports et l'étroitesse du marché domestique qui induit de faibles économies d'échelle.
À ces causes qui sont structurelles à toutes les petites économies insulaires, il y a celles qui sont propres aux outre-mer français : la faiblesse du commerce régional, la forte dépendance aux importations alimentaires, l'octroi de mer ou encore les inégalités de revenus.
Si l'on examine maintenant les écarts de prix entre l'Hexagone et l'outre-mer, ils se situent entre 7 et 13 % dans les départements d'outre-mer (DOM), jusqu'à 30 % en Nouvelle-Calédonie, et en Polynésie française même un peu plus.
Ces écarts sont variables selon la nature des biens, moins élevés pour l'hôtellerie-restauration, plus élevés pour certains autres secteurs tels que la santé, les télécommunications et les produits alimentaires, là aussi, où l'écart est entre 30 et 50 %.
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Face à ces constats, deux aspects différents et complémentaires concentrent l'action publique et nos pistes de réflexion.
Tout d'abord, comment réduire les écarts de prix avec l'Hexagone, particulièrement pour les produits de première nécessité ?
Ensuite, comment favoriser le pouvoir d'achat des populations ultramarines ?
La problématique du pouvoir d'achat ne porte en réalité pas uniquement sur la cherté de la vie, mais aussi largement sur la faiblesse des revenus, avec comme cause principale un chômage élevé. Je rappelle qu'une personne sur deux en âge de travailler a un emploi dans la plupart des outre-mer, alors que ce taux est 70 % dans l'Hexagone. Le revenu d'une partie de la population dépend fortement des prestations sociales, et le taux de pauvreté monétaire des DOM est deux à cinq fois plus élevé qu'en France métropolitaine.
Compte tenu de ces constats et de la part importante de la population disposant d'un faible niveau de revenus, la première piste de lutte contre la vie chère concerne les produits de première nécessité, et notamment l'alimentaire.
De ce point de vue, je distinguerai le court terme du moyen terme.
À court terme, il faut conserver, à notre sens, les outils actuels que sont le bouclier qualité-prix (BQP), les Observatoires des prix, des marges et des revenus (OPMR), ou encore l'Observatoire des tarifs bancaires (OTB). Concernant le BQP, les accords ont permis de maintenir inchangé le prix des produits contenus dans le panier. Je dirais donc que ces outils ont montré leur efficacité.
Depuis lors, il y a eu l'« Oudinot du pouvoir d'achat », qui a conduit à étendre le BQP à d'autres produits, au travers du BQP+. Ce dispositif nous semble également une initiative adaptée, d'autant que les produits sont choisis par territoire, dans une démarche conduite par les préfets avec les acteurs locaux, et dans les collectivités d'outre-mer (COM) du Pacifique par les Gouvernements selon un dispositif un peu semblable.
À moyen terme, il faut aller au-delà, et engager des actions de fond pour progresser vers l'autonomie alimentaire et développer les circuits courts.
S'il faut trouver un aspect positif à la pandémie mondiale, c'est d'avoir permis aux consommateurs de découvrir les bienfaits d'une alimentation ancrée sur leur territoire. Nous le savons, le choix d'axer le modèle agricole des outre-mer sur des filières exportatrices traditionnelles n'est plus soutenable, et sa dépendance aux aides publiques ne fait que s'accroître année après année. Il est donc temps d'aller vers un modèle agricole plus équilibré, de susciter une production vivrière génératrice de valeur ajoutée et de favoriser la constitution de filières pour transformer cette production locale.
Cette évolution aurait le mérite de faire entrer de nouveaux acteurs dans ces filières, de nature à dynamiser la concurrence et à apporter une réponse concrète aux objectifs de développement durable et d'autosuffisance alimentaire des outre-mer. La Réunion et la Nouvelle-Calédonie sont déjà largement inscrites dans cette orientation et le mouvement tend à se développer aussi en Guadeloupe et en Guyane.
Clairement, l'exigence des consommateurs de plus de circuits courts, vers plus de traçabilité des productions plaide pour cette transition, qui serait génératrice d'emplois non délocalisables. Elle permettrait aussi d'enrichir notre offre touristique en intégrant davantage de produits de terroir, alimentaires mais aussi cosmétiques.
Je reviens un instant sur le court terme, parce que j'ai mentionné la conservation des outils, et notamment celui qui est représenté par l'Observatoire des tarifs bancaires (OTP).
S'agissant des tarifs bancaires, je rappelle que c'est à la suite du rapport du président du Comité consultatif du secteur financier M. Emmanuel Constans en 2014 que l'OTB a été créé et confié aux instituts d'émission d'outre-mer, pour examiner la question de la convergence entre les tarifs bancaires ultramarins et hexagonaux.
Il faut rappeler qu'en 2014, les écarts tarifaires pouvaient être assez importants. Par exemple, les frais de tenue de compte s'élevaient à plus de 14 euros. Les accords de convergence ont permis un réel rapprochement, puisque nous constatons aujourd'hui que cet écart est de moins de 3 euros.
Il est exact – pour répondre à l'une des questions transmises – que les différences tarifaires subsistent. Elles s'expliquent en partie par des caractéristiques particulières des banques dans les territoires ultramarins, avec des coûts de structure, de personnel, mais aussi de risques qui sont plus importants.
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Je voudrais également signaler qu'ont été ajoutées récemment des mesures de plafonnement des frais bancaires, identiques en outre-mer et dans l'Hexagone : d'une part, ce que l'on appelle l'offre spécifique, qui contient un certain nombre de services bancaires de base, qui est destinée aux populations fragiles, et dont le tarif est aligné entre l'Hexagone et l'outre-mer ; d'autre part, un plafonnement des frais d'incidents bancaires, pour tous les clients en situation de fragilité financière, qui est plafonné à un niveau identique.
Pour ce qui concerne les autres tarifs, chaque banque détermine sa propre politique commerciale et sa propre politique tarifaire, en outre-mer comme dans l'Hexagone, et chaque client peut se déterminer en fonction des opérations qu'il pratique le plus fréquemment. Les plaquettes tarifaires, grâce, là aussi, à l'Observatoire tarifaire, incluent 17 tarifs qui sont des tarifs de l'extrait standard.
Je rappelle également que, pour 2023, les banques se sont engagées à limiter leur hausse à 2 %, en outre-mer comme dans l'Hexagone.
Un autre facteur de la vie chère est la sensibilité des outre-mer aux prix de l'énergie. Même si les tarifs de l'électricité et du carburant sont réglementés, la dépendance des outre-mer aux importations de pétrole est bien réelle.
Sur ce registre, je voudrais rappeler que les outre-mer disposent d'atouts qui sont bien plus riches que l'Hexagone : le photovoltaïque, l'éolien, l'hydraulique, la biomasse, ou encore, pour la Guadeloupe, la géothermie.
L'accélération de la transition énergétique est pour nous aussi une piste de lutte contre la vie chère et un potentiel de développement de l'emploi. L'impact des investissements réalisés commence d'ailleurs à se faire sentir avec, à la fin 2021, une part des énergies renouvelables dans le mix électrique qui se situe à 30 % dans la majorité des territoires ultramarins, et jusqu'à 50 % pour la Guyane, contre 23,6 % pour l'Hexagone.
S'agissant des facteurs qui concourent au différentiel de prix entre l'outre-mer et l'Hexagone, l'Autorité de la concurrence a montré dans une étude de 2019 qui portait sur les cinq DOM que, dans le coût de revient d'un produit de grande distribution, les frais spécifiques à l'outre-mer représentent 32 %, qui se décomposent en 16 % pour les grossistes importateurs, 7 % pour l'octroi de mer et 9 % pour les frais d'approche.
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Sur ces frais d'approche et de transport, il apparaît clairement que nous sommes sortis de la phase critique de pénurie des conteneurs qui a marqué la période post-Covid-19. Pour autant, le prix du fret n'est pas revenu à son niveau pré-Covid-19. En effet, la hausse des carburants a conduit à une optimisation des routes maritimes qui n'est pas favorable aux ports ultramarins. L'indice de connectivité de nos ports aux grandes lignes maritimes est moyen, et même faible pour la Guyane, Mayotte et les collectivités du Pacifique.
Compte tenu de ce constat, nous ne pouvons pas agir sur des règles de fonctionnement du commerce international, mais une autre piste de lutte contre la vie chère serait d'intensifier le commerce régional pour limiter les coûts de transport.
En effet, il faut savoir que la part du commerce régional dans le total des importations n'a cessé de décroître depuis 2011, dans le bassin atlantique comme le bassin pacifique, et a été, au mieux, stable dans le bassin de l'océan Indien.
Il est important de repérer les vrais obstacles à ce commerce international.
Il y a, bien sûr, les habitudes de consommation. Mais il y a aussi la question des normes, qui réduisent les possibilités d'importations régionales. Le statut des régions ultrapériphériques (RUP) pour les DOM facilite le commerce intrazones, mais il se traduit par des surcoûts de transports qui posent question au regard de la problématique de la vie chère comme au regard des enjeux environnementaux.
Je voudrais conclure sur une piste de réflexion sur la vie chère qui me semble aussi fondamentale et qui est de favoriser le développement des entreprises.
Il faut rappeler que c'est bien l'initiative privée qui crée de la valeur. Il faut donc stimuler l'investissement privé en outre-mer. Dans de petites économies insulaires marquées par des marchés intérieurs étroits, ces investissements ne se feront que si le territoire peut proposer à la fois des financements – il nous semble qu'il y a là une bonne couverture des réseaux bancaires partout en outre-mer –, mais aussi tout un écosystème favorable aux entreprises, de façon à ce qu'elles soient en mesure d'apporter une offre qui soit compétitive.
Pour concourir à cet objectif, il faut à la fois un accueil qui soit facilité pour les nouveaux entrants, il faut une bonne couverture internet des territoires, il faut un bon calibrage de l'octroi de mer, entre protection de la production locale et surcoûts induits, il faut un respect des délais de paiement, compte tenu de leur impact sur la trésorerie des entreprises, il faut l'adaptation des normes à un développement régional, et la présence d'un potentiel humain formé.
Cette stimulation de l'investissement privé peut passer par des incitations fiscales. Il en existe, et on peut citer notamment les zones franches d'activité, qui permettent des exonérations de charges sociales et fiscales.
Au-delà, je dirais que c'est toute la stratégie de spécialisation intelligente du territoire qui doit être poursuivie et amplifiée, pour trouver ce nouveau modèle de développement qui permette de sortir de la problématique structurelle de la vie chère.
Merci madame la présidente. Je ne regrette pas d'avoir été, il y a quelques années, quand j'ai produit un rapport pour le ministère de l'outre-mer, un lecteur assidu de vos notes. Elles m'avaient beaucoup inspiré à l'époque, et je me retrouve beaucoup dans ce que vous dites, en particulier sur le logement régional et cette notion de spécialisation intelligente, où je pense qu'en effet nos territoires peuvent être tout à fait leaders sur leur espace régional. L'évolution de la mondialisation, ou la fin de la mondialisation heureuse qui est mise en exergue par la crise sanitaire, et après la crise financière, donne ses lettres de noblesse à l'espace régional et aux opportunités qui sont dedans. Nous aurons l'occasion de discuter de tout cela dans nos questions.
Pourriez-vous nous indiquer des études ou travaux récents consacrés à l'évaluation du coût de la vie dans les départements et régions d'outre-mer ?
Par ailleurs, sur la question des marges, comment pouvez-vous évaluer les taux de marge des différents acteurs du transport et de la distribution ?
Ma troisième question porte sur les tarifs bancaires. Vous avez dit que l'une des solutions est la question de l'accompagnement de l'entrepreneuriat privé et de l'initiative locale privée. Le différentiel au niveau des tarifs bancaires, même s'il a été réduit, reste quand même conséquent dans un territoire où il y a plus de précarité, plus de pauvreté et plus de chômage. Que proposez-vous concrètement pour réduire à zéro cet écart de tarification bancaire aujourd'hui – pas seulement pour les ménages, mais aussi pour les entreprises ? En effet, on voit très bien que cela ajoute au coût de la vie aussi bien des ménages que des entreprises, mais aussi des collectivités dans les territoires.
Sur la question des entreprises, qui sont essentielles, quelles sont les études que vous avez lancées ? Quelles propositions formulez-vous pour orienter l'accompagnement des entreprises, qui ont de plus en plus de mal à bénéficier de prêts bancaires ?
Vous parlez de risques ; je suppose que c'est lié à l'exiguïté du territoire, à l'insularité, à l'éloignement, mais aussi peut-être à la pauvreté de la clientèle du marché qui se trouve dans nos territoires. Comment faire en sorte que vous puissiez véritablement avoir des études plus poussées pour mieux accompagner les entreprises dans l'obtention des crédits ?
Pour que les entreprises puissent augmenter leur niveau d'activité, il faut qu'elles puissent investir– je suis d'accord avec vous ; pour investir, il faut des prêts ; pour avoir les prêts, il faut avoir des banques qui acceptent de prêter. Or il ne faut pas que cela soit plus contraignant que vis-à-vis des banques qui sont installées en France hexagonale par rapport aux entreprises hexagonales. L'objectif est que le système ne génère pas des inégalités ou des discriminations.
S'agissant de votre première question sur les travaux sur le coût de la vie, je n'aurais à vous citer que l'avis de l'Autorité de la concurrence sur le fonctionnement de la concurrence en outre-Mer du 4 juillet 2019, qui est assez complet. Nous avons essayé de vous rassembler au sein de cet exposé les données sur l'inflation, le coût du crédit et les tarifs bancaires. Ils peuvent donner chacun des éléments de coût de la vie. Nous avons ce type d'éléments, mais nous n'avons pas une étude unique pouvant rassembler l'ensemble des problématiques que recouvre le coût de la vie, qui sont quand même assez importantes, parce qu'il faudrait parler non seulement des tarifs, des aspects « prix », mais également des aspects « revenus », car la vie chère repose sur la comparaison de l'un par rapport à l'autre.
S'agissant du taux de marge, dans le commerce de détail, dans le graphique ci-après, on voit que la rentabilité des entreprises ultramarines est assez comparable en outre-mer et dans l'Hexagone. Elle se situe autour de 25 à 30 %.
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Deux territoires sont toutefois un peu en écart, la Guyane et Mayotte ; ce phénomène pouvant être attribué un peu à la complexité de desserte du territoire, à la fois au plan de la desserte logistique, mais aussi au plan de la complexité du stockage, de son coût et d'une concurrence un peu plus faible.
Les analyses que vous réalisez sur les taux de marge par entreprises ne sont pas mises en lien avec le niveau de concentration verticale ou horizontale de ces entreprises.
Par exemple, en Martinique, il y a 14 intermédiaires entre le producteur et la grande distribution ; il y en a 3 dans l'Hexagone. Ces 14 intermédiaires, ce sont 14 entreprises. Le rapport de l'Autorité de la concurrence de 2019 ciblait la problématique d'accumulation des marges. Vous analysez les marges par entreprise ; vous n'effectuez pas cette liaison entre les entreprises qui ont la même maison mère, c'est-à-dire qui sont finalement dans des oligopoles et des monopoles.
Le tableau que vous donnez là est un indicateur par entreprise, dans un secteur donné, mais il ne permet pas de faire une liaison plus large, en mettant en évidence combien d'entreprises dans ces secteurs appartiennent à la même structure d'origine.
Les chiffres donnés sont issus des liasses fiscales des entreprises, que nous compilons, en les organisant par secteurs. Les éléments en question se rapportent au commerce de détail ; c'est toute la distribution proche du consommateur.
Ces données sont publiques et sont disponibles dans des fascicules disponibles sur notre site internet. Nous faisons la même chose pour le secteur du commerce de gros ; c'est un des intermédiaires.
Nous n'adoptons pas une logique de filières mais une logique sectorielle. Nous prenons en compte votre remarque, qui est tout à fait justifiée, mais il est vrai qu'il serait assez complexe de le faire, surtout sans révéler l'identité des groupes concernés.
Justement, l'intérêt est d'essayer de démontrer le niveau de concentration, verticale et horizontale. L'analyse ne peut porter que si chaque entreprise est indépendante l'une de l'autre, ce qui n'est pas le cas dans nos territoires. Je ne suis même pas sur la logique de filières ; je suis sur la logique d'actionnariat de ces entreprises. On peut avoir beaucoup de filiales, et quand on remonte on voit que c'est la même maison mère. Cependant, vous ne parvenez pas à nous donner ce niveau d'analyse.
Si je puis me permettre, pour la concentration horizontale, on le voit avec les ratios de la Guyane et de Mayotte. Il y a une faible concurrence sur ces deux territoires, et on voit que le taux de marge est plus élevé. On le voit au moins sur ce secteur pour ces deux territoires. Sur les autres territoires, on voit qu'on est proche de l'Hexagone. Il y a aussi des logiques de groupes, d'appartenance à des groupes ; je ne dirais pas si ce sont des monopoles, des oligopoles.
Je note le point sur la demande de réaliser une étude par groupes.
À mon avis, vous êtes capables de remonter, par le biais de l'actionnariat, à ces groupes. Pour bien donner du sens à vos documents, précisez qu'ils ne prennent pas en compte ce type d'éléments liés aux relations entre filiales et groupes.
J'ai oublié de vous remercier par rapport à la qualité du document fourni, qui, pour nous, est précieux. Il est même un peu étonnant, car il contient des données dont beaucoup d'autres personnes nous ont dit qu'il n'était pas possible de les avoir. Cela enrichit beaucoup notre réflexion. J'en veux pour preuve le graphique ci-après, qui porte sur la composition du prix ; on voit, au travers de cette illustration, l'effet intrinsèque de la situation ultramarine telle qu'elle est aujourd'hui.
Il est question du chiffre de 32 % de la valeur d'un bien, ce qui est assez proche de ce que l'on voit comme écart structurel du niveau des prix. Cela nourrit notre réflexion.
Quand on voit ce niveau des prix et sa composante et quand on voit le revenu moyen des Ultramarins et le taux de pauvreté, on se dit qu'il y a forcément un hiatus, entre la capacité de consommation et le niveau des prix qui est pratiqué. Ma question est de savoir en quoi l'économie informelle – la production vivrière notamment – vient créer une réalité qui permet malgré tout aux sociétés ultramarines de fonctionner.
Je sais que vous estimiez, selon vos notes, à 20 %, selon le territoire, avec des diversités, cette économie informelle, en analysant la différence qu'il y avait entre la rotation monétaire qui devrait être celle que l'on a dans l'économie formelle, compte tenu des volumes affichés, et celle qui est réelle. Quelles sont vos estimations aujourd'hui ? Pensez-vous qu'il y a, à côté de ce niveau de prix très élevé, une économie de subsistance qui se développe de façon informelle, et qui permet aussi, malgré tout, aux populations de tenir ?
Nous n'avons pas réalisé de travaux particuliers, outre ceux que vous mentionnez, sur l'économie informelle. Nous partageons tout à fait votre remarque. Effectivement, l'économie informelle, dans une situation où il y a une personne en âge de travailler sur deux qui accède à l'emploi, constitue un amortisseur social.
La complexité du territoire vient aussi de ses inégalités de revenus. Dans les inégalités de revenus, il y a les populations qui dépendent essentiellement des prestations sociales pour vivre, et il y a une frange de la population qui accède à des emplois, publics ou privés, et qui bénéficie de sur-rémunérations. On est donc dans un différentiel (gap) important de revenus, qui s'explique par l'accès à l'emploi, mais aussi par le phénomène des sur-rémunérations.
Or l'analyse de la question des sur-rémunérations comporte une certaine complexité. On peut y avoir des effets positifs en termes de soutien à la demande, pour une même famille dans laquelle l'un des membres se trouve à en bénéficier. Il peut y avoir un effet d'amortisseur social, finalement, dans ces territoires où le taux d'activité est faible. Toutefois, il y a aussi des effets négatifs, à la fois en termes d'effet d'éviction pour les emplois du secteur privé, et de contrainte à l'alignement pour le secteur privé, et donc de renchérissement des coûts de production et de perte de compétitivité prix pour la production locale, notamment pour la production qui pourrait être destinée à l'exportation.
Nous sommes tous d'accord pour dire qu'il faut revoir nos sources d'approvisionnement. L'éloignement a un coût. Sur les frais d'approche, nous sommes d'accord. Je lie l'approvisionnement régional et la question des normes. C'est une piste sérieuse. Mais ne doit-on pas anticiper également les freins, les oppositions que nous aurons ? Tous les opérateurs n'ont pas intérêt à ce que nous changions nos circuits.
Sur les tarifs bancaires, vous indiquiez qu'ils se rapprocheraient de ceux de l'Hexagone. Cependant, de mémoire, en 2022, me semble-t-il, les tarifs bancaires à La Réunion avaient augmenté deux fois plus que dans l'Hexagone, ce qui est injuste pour une population plus pauvre.
On a pu évoquer le développement économique. Le développement économique, c'est l'emploi, les revenus, des ressources nouvelles. Toutefois, il y a une difficulté qu'il faut souligner et qui est liée à la taille du marché à La Réunion. Sur ce territoire, nous sommes contraints par la taille du marché, et il n'y a pas d'économies d'échelle, si bien qu' in fine on a des prix qui sont élevés, qu'on le veuille ou pas. N'y a-t-il pas une réflexion à avoir aussi sur le modèle économique que nous devons avoir pour notre tissu économique ?
Il a été question des offres bancaires, mais il y a une question qui est structurelle dans le développement des entreprises, notamment à La Réunion, qui est la faiblesse des fonds propres. Quand on n'a pas de fonds propres, on ne peut pas se développer ni investir. N'y a-t-il pas une réflexion à avoir également ?
Nous avons parlé des délais de paiement. Sur nos territoires, et je pense à La Réunion, la commande publique est essentielle, notamment pour les entreprises du bâtiment et des travaux publics. La situation demande aussi un accompagnement et un soutien plus forts de nos collectivités. N'y a-t-il pas, pendant une période transitoire, à revoir le soutien et l'accompagnement des collectivités locales, qui ont un rôle majeur dans le développement économique de nos territoires ?
Sur la question des normes, je pense que le problème n'est pas nouveau ; nous l'avons évoqué, et vous avez dû entendre beaucoup d'intervenants également en parler. Si c'était un problème simple, je pense que cela ferait longtemps que tout le monde aurait trouvé la solution. C'est vrai qu'on est un peu dans un choix à faire ; à partir du moment où il y a le statut de régions ultrapériphériques (RUP), cela veut dire qu'il y a une pleine application des normes européennes, et cela induit nécessairement notamment des importations pour nos petits territoires, qui ne peuvent pas être des importations de proximité, parce que les normes ne vont pas être remplies. Jusqu'à présent, aucun consensus n'a été trouvé à ce sujet qui est complexe.
Pour autant, peut-être qu'aujourd'hui, avec la problématique nouvelle du coût du transport, avec la problématique nouvelle de responsabilité sociétale, je pense qu'il peut y avoir davantage un intérêt commun à se mettre autour d'une table. Je ne dis pas que c'est facile, je ne dis pas que cela serait évident ; c'est peut-être un des sujets les plus complexes. Cependant, il peut y avoir peut-être certaines normes, de traductions linguistiques qui sont obligatoires, et qu'on peut essayer d'ouvrir. Je pense moins aux exportations, pour nos territoires, que peut-être à nos importations, avec des intrants dans le prix de fabrication de nos productions locales qui pourraient être de relative proximité.
En ce qui concerne l'OTB, il faut bien voir qu'en 2014, les tarifs pratiqués en outre-mer et dans l'Hexagone étaient très différents. La création de l'OTB a permis de définir un extrait standard de 14 tarifs qui, désormais, sont comparables. C'est donc un énorme avantage de pouvoir comparer les tarifs. Effectivement, dans les DOM, un accord a été signé pour la période 2015-2018 et il n'a pas été renouvelé parce que les tarifs se sont suffisamment rapprochés.
Il faut voir aussi que l'on est dans un domaine concurrentiel, dans lequel on ne peut pas dire aux banques d'appliquer le même tarif ; ce serait profiter de situations qui ne sont pas conformes aux pratiques concurrentielles.
Il y a des tarifs à l'opération qui apparaissent dans des plaquettes et qui sont désormais parfaitement comparables, parce que sont les mêmes intitulés ; ainsi, un client peut tout à fait maintenant regarder et comparer. Cependant, beaucoup de banques maintenant proposent des packages tarifaires, dans lesquels on trouve une somme de services. Je pense donc qu'il est important de faire passer comme message de regarder quels sont les services dont chaque client peut avoir besoin, pour comparer effectivement par rapport à son propre besoin. On voit toutefois que les tarifs se sont beaucoup rapprochés.
Il est vrai qu'en 2022, l'ensemble des tarifs bancaires ont légèrement augmenté, mais il faut rappeler qu'en 2019, ils avaient été bloqués et qu'en 2020 ils n'avaient pratiquement pas augmenté. Il y a aussi un coût de la vie à prendre en compte. Effectivement, il y a eu une légère remontée de l'ensemble des tarifs, dans l'Hexagone comme dans l'outre-mer.
En termes de rapprochement, je pense qu'on est arrivé au bout de l'exercice et que maintenant le focus s'opère sur les populations fragiles. De ce point de vue, il y a quand même, me semble-t-il, la notion d'offre spécifique, qui est destinée aux populations fragiles, et qui comporte un certain nombre de tarifs bancaires, et dont le prix a été parfaitement aligné, parce que c'est sur un produit donné, qui est cette offre spécifique ; or, elle est plafonnée à trois euros par mois.
Par ailleurs, on voit qu'en outre-mer, du fait de la fragilité des revenus, il y a plus d'incidents de paiement. Il y a eu là aussi un effort destiné aux populations financièrement fragiles, et qui s'applique, en outre-mer comme dans l'Hexagone, exactement de la même façon, qui est un plafonnement des frais d'incidents bancaires au niveau de 25 euros par mois. Ce montant est même de 20 euros pour les clients qui sont bénéficiaires de l'offre spécifique. Je crois donc qu'un effort tout particulier a été consenti à destination des populations fragiles et qui est tout à fait intéressant pour les populations ultramarines.
Sur ce que l'on pourrait faire pour améliorer les choses pour les entreprises et pour les prix des productions locales, je voudrais revenir sur les délais de paiement. C'est aussi notre rôle d'institution d'émission d'en parler. Ce sujet est aussi très spécifique aux territoires ultramarins, parce que les délais de paiement en outre-mer sont, dans leur globalité, supérieurs aux délais légaux. Ainsi, le délai légal pour les fournisseurs est de 60 jours dans l'Hexagone ; le délai moyen observé en outre-mer est, quant à lui, de 65 jours. Même s'il s'est amélioré par rapport à l'année 2020, où il était de 70 jours, il reste inférieur. La seule bonne nouvelle est que les délais de paiement interentreprises qui concernent les très petites entreprises (TPE) sont pour la première fois en 2021 inférieurs aux 60 jours. Pour la construction, on reste souvent au-delà de 100 jours. On est arrivé à 85 jours en 2021. C'est un peu mieux. Toutefois, comme vous le voyez, le délai de 60 jours est largement dépassé.
Sur ce point, je voudrais souligner aussi le rôle des collectivités publiques et des établissements publics de santé. Les entreprises ultramarines sont pénalisées par des délais de paiement des collectivités publiques qui sont, en règle générale, au-delà des 30 jours et bien au-delà des 50 jours pour les établissements publics de santé, où le délai observé est le double.
En termes de trésorerie et en termes de compétitivité des entreprises ultramarines, ce poids des délais de paiement constitue un handicap concurrentiel qu'il ne faut pas négliger.
Pouvez-vous nous dresser rapidement une situation économique globale de nos territoires ? Sommes-nous dans le rouge, entre le rouge et le vert, ou bien sommes-nous dans une période verte pour nos territoires ?
Qu'est-ce qui explique, pour vous, les pics de surendettement de mai-juin 2022, et ceux de décembre, nettement plus conséquents à La Réunion qu'ailleurs ?
En matière d'inscriptions des personnes au Fichier central des chèques à La Réunion, il y a eu une augmentation de 19 % de février 2022 à février 2023. La même évolution est-elle constatée dans les autres territoires d'outre-mer ? Pour vous, comment peut-on expliquer ce chiffre ?
J'aimerais évoquer avec vous l'impact de l'octroi de mer sur les prix. Mme Poussin-Delmas disait tout à l'heure qu'il faudrait un bon calibrage de l'octroi de mer pour un développement de nos pays. Quel serait pour elle un « bon calibrage » de l'octroi de mer ?
Mme Poussin-Delmas pense-t-elle que les OPMR ont les moyens de leurs missions ? Comment pourraient-ils agir véritablement sur les prix ? Raisonnablement, on se dit que cela ne fonctionne pas : les prix ont tendance à s'affoler terriblement sur l'ensemble de nos territoires et de façon continue.
La situation économique des territoires ultramarins est un sujet un peu compliqué, comme vous le savez mieux que d'autres ; elle est propre à chaque territoire, je crois, dans son contexte économique. Ce que l'on peut dire globalement, et qui est plutôt une bonne nouvelle selon nous, c'est qu'on observe, dans la période – on l'a également observé en période de Covid-19, comme dans la période post-Covid-19 –, une bonne résilience des territoires ultramarins. Ces territoires ont une capacité à faire face à des chocs. C'est peut-être parce qu'en outre-mer, on sait ce qu'est un choc climatique, ce qu'est une crise, y compris une crise sociale, et qu'on sait passer des caps. L'explication tient aussi à la capacité d'avoir des stocks.
On a dit que les stocks étaient un poids. On a dit qu'il y avait, dans les 32 %, une part de 16 % pour les grossistes, de mémoire. Cette part des grossistes a aussi son effet en période de crise, parce que les outre-mer ont des stocks.
L'effet « stocks » se voit aussi sur l'inflation, car la courbe de rebond de l'inflation a été décalée dans le temps en outre-mer par rapport à ce que l'on a vu dans l'Hexagone ; cela met en évidence l'effet « stocks ». Les chefs d'entreprises nous l'ont dit. On voyait que l'inflation était moindre, et on s'interrogeait sur l'explication possible ; or nous avons vu que c'est un décalage dans le temps qui s'explique aussi par cet effet « stocks ».
On voit donc une assez bonne résilience des territoires.
Nous allons organiser notre conférence de presse annuelle le 20 avril. À cette occasion, nous détaillerons la situation conjoncturelle sur l'ensemble des curseurs des données économiques. Nous aurons là l'occasion de revenir en détail sur la situation de chacun des territoires.
En ce qui concerne l'inflation, il y a eu un effet retard, comme je l'indiquais. Nous sommes globalement en dessous de l'inflation de l'Hexagone. Vous m'interrogez spécifiquement sur l'inflation à La Réunion. Comme le montre le graphique ci-après du dossier, effectivement, il y a eu un pic mi-2022, mais qui n'était pas supérieur à ce que l'on a pu observer dans l'Hexagone ou dans le reste du bassin de l'océan indien. Depuis lors, l'inflation est, en glissement annuel, à fin février, autour de 4 %, ce qui est très sensiblement en deçà des 6,3 % observés dans l'Hexagone.
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Sur La Réunion, peut-être que, sur des points particuliers, il y a des augmentations de prix, je ne le nie pas ; mais j'observe aussi que l'océan Indien peut bénéficier de certains approvisionnements régionaux, avec un impact constaté. Toutefois, l'inflation à La Réunion est plutôt bien maîtrisée par rapport à ce que nous pouvons observer dans d'autres zones géographiques, et même aux Antilles, où l'inflation est légèrement supérieure.
Sur l'augmentation observée au Fichier central des chèques, globalement, sur l'ensemble de l'année, nous avons eu une petite augmentation en 2022. Toutefois, elle reste inférieure au niveau de 2019 en nombre d'inscriptions des interdits bancaire ou interdits de chéquiers. C'est un effet relatif.
Sur le bon calibrage de l'octroi de mer, il est difficile de répondre à cette question. On voit que la question de l'octroi de mer n'a pas forcément une incidence très forte sur le coût de la vie des Ultramarins. Il faut se rappeler que s'il existe l'octroi de mer en outre-mer, il y a également des taux de TVA qui sont de 8,5 % - voire de zéro, comme en Guyane ou à Mayotte. Si l'on effectue le cumul de ce que représentent l'octroi de mer et la TVA à taux réduit, le taux de TVA est assez proche et même inférieur à celui en vigueur dans l'Hexagone.
Je rejoindrais peut-être un peu ce que disait le rapport de l'Autorité de la concurrence de 2019 ; l'octroi de mer est effectivement un facteur de complexité et un dispositif qu'il faut essayer d'homogénéiser et de simplifier. Il faut essayer d'avoir plus de transparence dans la communication sur ce dispositif.
Quand je parlais de la bonne adaptation des taux pratiqués, je voulais parler de bonne adaptation des taux pratiqués par rapport aux productions locales, et au réel besoin de protéger une production locale. Je vais citer l'exemple qu'avait pris le précédent ministre de l'outre-mer, M. Sébastien Lecornu, en disant qu'il avait été choqué de voir qu'un taux d'octroi de mer avait été appliqué aux Antilles aux importations de gilets pare-balles à l'occasion de la crise sociale de fin d'année. Je pense qu'il faut être vigilants sur les taux et sur le réel besoin de cet octroi de mer par rapport au véritable sujet qui est la protection de la production locale ; outre, bien sûr, le fait que l'octroi de mer constitue une recette non négligeable pour les collectivités publiques.
En ce qui concerne l'OPMR, vous me demandez s'il a assez de moyens. Je ne suis pas en mesure de juger. Je pense que les services des OPMR seront plus à même de répondre à ces questions que moi. Toujours est-il que, de notre point de vue, c'est un espace de dialogue sur des sujets importants comme ceux des prix. Je pense que ces discussions induisent une prise de conscience. Je pense que c'est le cas aussi de l'OTB, observatoire permettant d'afficher en toute transparence les éléments, d'en parler, et de donner aux décideurs publics tous les éléments de décision. Je pense qu'au même titre que l'OTB, l'OPMR a ce type de préoccupations.
Vous avez parlé à la fois de transparence pour nous fournir un maximum de connaissance. Je fais la distinction entre l'information que n'importe qui peut donner, et une connaissance, c'est-à-dire qui est vérifiée et qui est une vérité parce qu'elle est démontrée.
Vous dites, dans votre rapport économique annuel pour la Guadeloupe qu'en 2021 vous constatez une augmentation de l'enveloppe des prix des marchandises et intrants depuis un an, qui est liée à une augmentation à la fois du prix d'achat des matières premières et du coût de fret. Estimez-vous que le renchérissement de ces coûts soit uniquement lié à un phénomène global d'inflation ? Pensez-vous qu'il est également favorisé par des pratiques anticoncurrentielles ?
Par ailleurs, sur le manque de concurrence de nos territoires ultramarins, quels obstacles à la concurrence identifiez-vous, en tant qu'IEDOM ?
Dans le document où vous citez l'avis de l'Autorité de la concurrence, vous n'indiquez que l'octroi de mer. Or vous venez de dire, comme nous le savons, que la fiscalité sur la formation des prix ne porte pas que sur l'octroi de mer. Or il y a aussi l'aspect de la TVA à prendre en considération, même si le taux de TVA est inférieur à celui de la France hexagonale. Je rappelle que nous sommes à la fois sur des problématiques structurelles du coût de la vie (la cherté de la vie étant une conséquence) et conjoncturelles. On analyse toujours l'inflation, mais on ne prend pas en compte la base de départ qui est très différente entre la France hexagonale et nos territoires.
Pourquoi ne focaliser que sur l'octroi de mer, alors que, si nous devons avoir une analyse du coût de la vie et une analyse sur l'investissement dans nos territoires, on doit revoir la fiscalité dans sa globalité ?
Je vous donne deux informations. L'octroi de mer, c'est un milliard d'euros en volume. La TVA, même à 8,5 %, c'est un milliard d'euros en volume. La TVA repart ; l'octroi de mer reste en Martinique. Je parle de la taxation et du financement. Pourquoi vous limiter, dans vos analyses, à l'octroi de mer, alors que vous avez parlé de transparence ?
Je vais plus loin. Plus que de la transparence, il faut aussi une complétude, c'est-à-dire bien prendre la problématique dans son ensemble. Sur ce point, vous avez parlé des délais de paiement. Quand on regarde les délais de paiement de l'État, des collectivités, des entreprises, ils sont liés à des problématiques de trésorerie, au départ.
Pour avoir de la trésorerie, quand ce n'est pas fourni par ceux qui sont censés apporter ces recettes, cela doit être fourni par les banques. Or les banques ont du mal à prêter en lignes de trésorerie, aussi bien aux entreprises, aux collectivités, et même peut-être à l'État. Cela veut dire qu'à l'origine, sans ligne de trésorerie, il n'y a pas de flux économiques, et qu'on est bloqué. Je prends l'exemple des collectivités : les recettes d'État aux collectivités locales ont diminué, et, comme les recettes ont diminué, elles ne peuvent pas payer les entreprises avec moins de recettes, alors que celles-ci ont des charges exorbitantes, qui, elles, ont augmenté. Si la banque ne donne pas de ligne de trésorerie, c'est sûr que les délais de paiement vont rester hauts, ce qui n'est pas normal.
Plus globalement, je vais parler de mesures d'investissement. Pour investir, il faut avoir de l'argent. L'investissement crée de l'activité, pour créer de l'emploi. Comme vous l'avez dit vous-même, il ne faut pas simplement examiner la problématique des niveaux de prix, mais aussi la problématique des niveaux de revenus. Pour prendre en compte cette problématique des niveaux de revenus, il faut augmenter la capacité de lutter contre le chômage, la précarité et la pauvreté. Si l'on veut investir, il faut que les banques prêtent aux entreprises. Il faut que les banques prêtent aux porteurs de projet. Or, vous l'avez dit vous-même, les risques sont beaucoup plus importants dans nos territoires : l'exiguïté du territoire fait que le marché est plutôt fermé et réduit, la pauvreté fait que les risques sont encore plus importants.
Que pensez-vous pouvoir apporter en termes de connaissances, c'est-à-dire d'études innovantes, qui nous permettraient, au niveau bancaire, d'aider les ménages, les entreprises et les collectivités à favoriser l'investissement, pour créer de la richesse, pour créer de l'activité et pour créer de l'emploi ? Nécessairement, créer de l'emploi, c'est augmenter les revenus. Cela permettra d'être dans un cercle vertueux, plutôt que dans un cercle qui est aujourd'hui vicieux.
Votre première question portait sur la citation que vous avez prise de notre rapport annuel « Guadeloupe 2021 », à partir duquel, compte tenu du constat sur la hausse des prix, vous demandez si l'on peut estimer que ce renchérissement est dû au phénomène global d'inflation ou à des pratiques anticoncurrentielles.
Rien ne nous permet de dire que les prix en Guadeloupe ne subissent pas le renchérissement global des prix que l'on voit partout. Le niveau d'inflation en Guadeloupe est très semblable à celui qui est constaté dans les autres territoires ultramarins, lesquels sont plutôt moindres que ce que l'on voit dans l'Hexagone.
Je dirais qu'effectivement, l'outre-mer est en train de vivre le renchérissement général des prix, qui est induit par le contexte international de la guerre en Ukraine, de la période post-Covid-19, comme de la période maintenant de remontée des taux d'intérêt.
S'agissant de l'octroi de mer, effectivement, nous ne parlions pas de TVA dans le graphique précédent.
(image non chargée)
Sur les 32 % auxquels je faisais référence, sur les frais spécifiques à l'outre-mer, il y a 16 % pour les grossistes, 9 % pour les frais d'approche et 7 % pour l'octroi de mer. Je n'avais pas mentionné la TVA dans ce document car les statistiques concernent le coût de revient d'un produit pour la grande distribution. À cela s'ajoutent donc les marges de l'entreprise et la TVA.
Vous parlez de coût de revient et vous dites que la TVA n'intervient pas dans le coût de revient.
La TVA ne rentre pas dans le coût de revient.
Certes, mais dans le coût de revient d'un produit, nous n'intégrons pas la TVA. Il s'agit d'un élément comptable.
Ensuite, vous dites qu'il y a globalement un manque de lignes de trésorerie. Si nous examinons la production du crédit, outre une légère baisse constatée lors de la crise de la Covid-19, nous constatons que les niveaux de production de crédits en outre-mer sont, chaque année, en progression de 4 à 5 %. Cette progression est quand même très sensible, surtout si nous la mettons en regard d'une augmentation du PIB qui est en deçà de ses niveaux.
Au niveau de l'institut d'émission, nous ne pouvons donc pas dire que les crédits octroyés à l'outre-mer sont insuffisants. Il faut voir que l'augmentation du taux des crédits se fait aussi en proportion de la richesse globale et par rapport aussi au taux d'endettement des entreprises ultramarines. Or nous savons qu'il y a un certain nombre de secteurs – agriculture, construction, etc. –, qui sont déjà très endettés. Il y a donc aussi une surveillance à réaliser au niveau de l'endettement.
Je ferais la même remarque pour les particuliers. La production de crédits progresse, avec des taux qui sont tout à fait réguliers. Or, sur ce point, je pense qu'il faut, là aussi, être vigilants : nous ne pouvons pas prôner une augmentation de l'endettement comme forme d'augmentation de la richesse et du pouvoir d'achat, parce que nous risquons, ensuite, d'avoir à faire face à des situations de surendettement. Nous avons d'ailleurs pris des mesures, notamment au niveau du Haut conseil de stabilité financière (HCSF) pour veiller à ce que les banques n'octroient pas des crédits représentatifs d'une charge d'endettement insoutenable par rapport au revenu disponible des ménages. Il s'agit des fameux 35 % qui s'appliquent, en outre-mer comme dans l'Hexagone, dans le but de protéger les ménages ultramarins des situations de surendettement. De ce point de vue, nous traitons nous aussi de questions relatives à l'inclusion financière des ménages et, à ce titre, nous voyons que le nombre de dossiers de surendettement se situe toujours autour de 2 000 dossiers pour l'ensemble des départements et collectivités d'outre-mer, ce qui est un niveau relativement faible comparativement aux taux que l'on peut observer dans l'Hexagone. Nous jugeons donc que ce curseur est plutôt positif.
S'agissant du crédit aux entreprises, nous sommes autour d'une progression de 4 ou 5 % par an des crédits aux entreprises. Comparativement à la progression du PIB dans les territoires, ces niveaux de production de crédits ne traduisent pas un manque de crédits ou d'octroi de crédits.
Nous surveillons aussi les taux des crédits ; ils sont assez comparables à ceux de l'Hexagone et ils étaient beaucoup plus éloignés sur la période 2014-2022, où l'on a des taux de crédits sensiblement plus élevés en outre-mer que dans l'Hexagone en 2014. Aujourd'hui, comme pour les tarifs bancaires, la convergence est très forte, car, sur ce sujet aussi, la transparence est beaucoup plus importante. Les tarifs bancaires peuvent être, certes, légèrement supérieurs en outre-mer. Cependant, sur ce point, il faut voir que le tissu ultramarin est un tissu de petites et moyennes entreprises(PME). Ainsi, quand on compare globalement les taux des crédits dans l'Hexagone et globalement les taux des crédits en outre-mer, il faut bien avoir en tête que les taux des crédits accordés aux grandes entreprises sont nécessairement plus favorables que ceux accordés aux petites et moyennes entreprises. Tant le risque que les frais administratifs attachés au traitement des dossiers ne sont pas les mêmes pour les PMEou pour les grandes entreprises.
Je sais que le rapporteur aura sans doute des questions complémentaires à vous transmettre ; je vous remercie de bien vouloir nous apporter des réponses écrites au questionnaire qui vous a été adressé. Merci pour le document que vous nous avez remis. Si vous estimez qu'il y a d'autres documents qui peuvent nous être nécessaires, je vous remercie de nous les faire parvenir. Il est possible aussi que nous-mêmes nous complétions nos demandes par d'autres questions.
La séance s'achève à douze heures quarante.
Membres présents ou excusés
Présents. – M. Yoann Gillet, M. Frantz Gumbs, M. Johnny Hajjar, M. Frédéric Maillot, Mme Joëlle Mélin, Mme Lysiane Métayer, M. Philippe Naillet, Mme Maud Petit, M. Jean-Hugues Ratenon, Mme Cécile Rilhac, M. Freddy Sertin, M. Guillaume Vuilletet.
Excusés. – M. Perceval Gaillard, M. Philippe Gosselin, M. Mansour Kamardine, M. Jean-Philippe Nilor, Mme Claire Pitollat, M. Mikaele Seo, Mme Estelle Youssouffa.
Assistaient également à la réunion. – M. Elie Califer, M. Jean-Victor Castor.