Vous avez parlé à la fois de transparence pour nous fournir un maximum de connaissance. Je fais la distinction entre l'information que n'importe qui peut donner, et une connaissance, c'est-à-dire qui est vérifiée et qui est une vérité parce qu'elle est démontrée.
Vous dites, dans votre rapport économique annuel pour la Guadeloupe qu'en 2021 vous constatez une augmentation de l'enveloppe des prix des marchandises et intrants depuis un an, qui est liée à une augmentation à la fois du prix d'achat des matières premières et du coût de fret. Estimez-vous que le renchérissement de ces coûts soit uniquement lié à un phénomène global d'inflation ? Pensez-vous qu'il est également favorisé par des pratiques anticoncurrentielles ?
Par ailleurs, sur le manque de concurrence de nos territoires ultramarins, quels obstacles à la concurrence identifiez-vous, en tant qu'IEDOM ?
Dans le document où vous citez l'avis de l'Autorité de la concurrence, vous n'indiquez que l'octroi de mer. Or vous venez de dire, comme nous le savons, que la fiscalité sur la formation des prix ne porte pas que sur l'octroi de mer. Or il y a aussi l'aspect de la TVA à prendre en considération, même si le taux de TVA est inférieur à celui de la France hexagonale. Je rappelle que nous sommes à la fois sur des problématiques structurelles du coût de la vie (la cherté de la vie étant une conséquence) et conjoncturelles. On analyse toujours l'inflation, mais on ne prend pas en compte la base de départ qui est très différente entre la France hexagonale et nos territoires.
Pourquoi ne focaliser que sur l'octroi de mer, alors que, si nous devons avoir une analyse du coût de la vie et une analyse sur l'investissement dans nos territoires, on doit revoir la fiscalité dans sa globalité ?
Je vous donne deux informations. L'octroi de mer, c'est un milliard d'euros en volume. La TVA, même à 8,5 %, c'est un milliard d'euros en volume. La TVA repart ; l'octroi de mer reste en Martinique. Je parle de la taxation et du financement. Pourquoi vous limiter, dans vos analyses, à l'octroi de mer, alors que vous avez parlé de transparence ?
Je vais plus loin. Plus que de la transparence, il faut aussi une complétude, c'est-à-dire bien prendre la problématique dans son ensemble. Sur ce point, vous avez parlé des délais de paiement. Quand on regarde les délais de paiement de l'État, des collectivités, des entreprises, ils sont liés à des problématiques de trésorerie, au départ.
Pour avoir de la trésorerie, quand ce n'est pas fourni par ceux qui sont censés apporter ces recettes, cela doit être fourni par les banques. Or les banques ont du mal à prêter en lignes de trésorerie, aussi bien aux entreprises, aux collectivités, et même peut-être à l'État. Cela veut dire qu'à l'origine, sans ligne de trésorerie, il n'y a pas de flux économiques, et qu'on est bloqué. Je prends l'exemple des collectivités : les recettes d'État aux collectivités locales ont diminué, et, comme les recettes ont diminué, elles ne peuvent pas payer les entreprises avec moins de recettes, alors que celles-ci ont des charges exorbitantes, qui, elles, ont augmenté. Si la banque ne donne pas de ligne de trésorerie, c'est sûr que les délais de paiement vont rester hauts, ce qui n'est pas normal.
Plus globalement, je vais parler de mesures d'investissement. Pour investir, il faut avoir de l'argent. L'investissement crée de l'activité, pour créer de l'emploi. Comme vous l'avez dit vous-même, il ne faut pas simplement examiner la problématique des niveaux de prix, mais aussi la problématique des niveaux de revenus. Pour prendre en compte cette problématique des niveaux de revenus, il faut augmenter la capacité de lutter contre le chômage, la précarité et la pauvreté. Si l'on veut investir, il faut que les banques prêtent aux entreprises. Il faut que les banques prêtent aux porteurs de projet. Or, vous l'avez dit vous-même, les risques sont beaucoup plus importants dans nos territoires : l'exiguïté du territoire fait que le marché est plutôt fermé et réduit, la pauvreté fait que les risques sont encore plus importants.
Que pensez-vous pouvoir apporter en termes de connaissances, c'est-à-dire d'études innovantes, qui nous permettraient, au niveau bancaire, d'aider les ménages, les entreprises et les collectivités à favoriser l'investissement, pour créer de la richesse, pour créer de l'activité et pour créer de l'emploi ? Nécessairement, créer de l'emploi, c'est augmenter les revenus. Cela permettra d'être dans un cercle vertueux, plutôt que dans un cercle qui est aujourd'hui vicieux.