La réunion

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La séance est ouverte à neuf heures.

La commission entend MM. Pierre-Mathieu Duhamel, ancien directeur du budget, Erwan le Noan, consultant et juriste, et Henri Sterdyniak, économiste, signataire du manifeste des « économistes atterrés ».

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Chers collègues, nous poursuivons les travaux de notre commission d'enquête, qui vise à établir les raisons de la très forte croissance de la dette française depuis l'élection présidentielle de 2017 et ses conséquences sur le pouvoir d'achat des Français. Pour répondre à nos interrogations, nous accueillons trois invités de grande expérience, que je remercie vivement d'avoir accepté de participer à nos travaux.

Il s'agit d'abord de M. Pierre-Mathieu Duhamel qui, après avoir conseillé notamment le Premier ministre Alain Juppé, a dirigé plusieurs administrations centrales, dont la direction du budget de 2002 à 2006 et enseigne aujourd'hui les finances publiques à Sciences Po Paris. M. Erwan Le Noan est avocat et également enseignant à Sciences Po, après avoir exercé notamment à l'Autorité de la concurrence, mais aussi avoir été rapporteur de la commission Attali pour la libération de la croissance. Enfin, M. Henri Sterdyniak est économiste, ancien administrateur de l'Insee et chercheur à Sciences Po. Il a été l'un des fondateurs de l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) et du mouvement des « Économistes atterrés ».

Avant de vous donner la parole, je vous remercie de nous déclarer tout autre intérêt public ou privé de nature à influencer vos déclarations. L'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires impose aux personnes auditionnées par une commission d'enquête de prêter le serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité. Je vous invite donc à lever la main droite et à dire : « Je le jure ».

MM. Duhamel, Le Noan et Sterdyniak prêtent successivement serment.

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Messieurs Duhamel et Sterdyniak, la dette dépasse aujourd'hui 100 % du PIB. Que pensez-vous de cette situation ? Lors de son audition, le professeur Facchini nous a expliqué que les travaux académiques concluent qu'au-delà d'un seuil situé environ à 70 %/ 75 % du PIB, la dette affectait la croissance plutôt qu'elle ne la créait. Existe-t-il selon vous un plafond à ne pas dépasser, mais aussi une « bonne » et une « mauvaise » dette ?

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Pierre-Mathieu Duhamel, ancien directeur du budget

Je précise en préambule que je ne suis plus professeur à Sciences Po depuis l'an dernier.

La dette ne crée rien, à l'inverse de la dépense. À ce titre, il importe d'analyser l'allocation de l'argent public lié à l'emprunt entre les différentes possibilités offertes aux pouvoirs publics, au Gouvernement et au Parlement. Pour ma part, je ne crois pas, en tout état de cause, que dépenser pour dépenser ait une quelconque vertu ; à l'inverse de ce que la théorie keynésienne – la seule propagée en France – stipule. Un certain nombre d'études ont montré les limites de cet exercice : s'il peut paraître agréable à court terme, il n'a pas forcément de vertus ni à moyen terme, ni à long terme.

Pour répondre en termes rapides à votre question, l'analyse de l'impact de l'endettement sur la croissance porte en réalité sur l'analyse de la dépense sur la croissance.

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Henri Sterdyniak, économiste

Tout d'abord, la plupart des grandes économies capitalistes développées présentent des dettes importantes, avec une moyenne de dette publique représentant 100 % du PIB. Celle-ci s'établit ainsi à 122 % du PIB aux États-Unis et à 260 % du PIB au Japon. Globalement, la demande est en déficit à l'échelle mondiale, ce qui a entraîné dans tous les pays des déficits importants de 2008 à 2019 et le maintien de taux d'intérêt très bas. La dette était nécessaire pour soutenir l'activité. Ainsi, lorsqu'il est question de la dette, il convient de distinguer les situations. Une partie du déficit est nécessaire pour des raisons conjoncturelles.

Ensuite, il peut exister une tentation, comme c'est le cas aux États-Unis actuellement, d'aller plus loin et de relancer coûte que coûte l'économie, au prix d'un certain risque d'inflation. L'exemple américain semble indiquer que cette démarche fonctionne et qu'une économie se porte mieux lorsque des politiques relativement actives sont mises en place plutôt que des politiques de consolidation budgétaire qui peuvent conduire à une stagnation de l'activité, surtout à l'échelle de la zone euro.

La dette n'est pas foncièrement une question de dépenses publiques : par exemple, le Japon affiche un endettement à hauteur de 260 % du PIB, alors que ses dépenses publiques s'établissent à 40 % du PIB. L'exemple opposé est constitué par la Suède, dont les dépenses publiques sont élevées, mais qui présente par ailleurs un niveau de dette limité. Foncièrement, la dette s'explique par des besoins macroéconomiques d'équilibre. Les travaux qui estiment qu'au-delà d'un certain seuil la dette est nuisible ne sont pas validés scientifiquement. Il n'existe pas de consensus scientifique sur la question.

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Monsieur Sterdyniak, vous avez déclaré que « s'endetter ne coûte rien ». Pourtant, les intérêts de la dette risquent de devenir le premier poste de dépenses de l'État, et donc d'obérer l'utilisation qui peut être faite de l'impôt.

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Henri Sterdyniak, économiste

Mon point de vue se situe à l'exact opposé du vôtre. Selon moi, pour évaluer le coût de la dette, il faut prendre en compte le taux d'intérêt payé sur la dette – actuellement de 1,7 % – et le comparer avec la croissance en valeur. Nous vivons une situation exceptionnelle, puisque la croissance a été de 6,4 % en valeur en 2023. Le ratio de dette a donc baissé grâce à l'inflation et, dans une période normale à venir, le taux d'intérêt – même en augmentation – demeurera inférieur au taux de croissance en valeur. Selon le programme de stabilité, le taux d'intérêt sur la dette devrait rester inférieur au taux de croissance de l'économie en 2027. La dette ne coûte donc rien si l'on mesure correctement son coût.

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Selon vous, la dette ne pose problème que si le taux d'intérêt est supérieur au taux de croissance.

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Henri Sterdyniak, économiste

Exactement.

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Depuis 2017, particulièrement à l'époque où les taux étaient très faibles voire nuls, avons-nous manqué des occasions dans la gestion du budget de la dette ?

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Pierre-Mathieu Duhamel, ancien directeur du budget

Aurions-nous dû emprunter plus que les sommes déjà considérables que nous avons empruntées, pour le simple plaisir d'emprunter plus ? Encore une fois, nous empruntons d'une part pour financer le déficit courant de l'année et d'autre part pour rembourser les tombées d'emprunt des exercices précédents. La somme de ces deux termes fixe le programme de financement annuel de l'État. Or l'État ne stocke rien en France, ce qui est d'ailleurs un problème en comparaison d'autres situations, où les États souverains disposent parfois d'actifs considérables à leur disposition en regard de leur passif. L'idée qu'il faudrait accroître la dette dont nous n'avons pas l'usage à l'heure actuelle me paraît peu défendable, en matière de gestion pure et simple.

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Pierre-Mathieu Duhamel, ancien directeur du budget

C'est exact, notamment en Norvège où j'ai vécu récemment. Le fonds souverain norvégien représente ainsi approximativement trois fois le PIB de la Norvège et détient environ 1,5 % de la capitalisation mondiale. La Norvège a établi des règles très strictes sur l'utilisation du produit des actifs figurant dans le fonds souverain. Elle a donc créé des principes, en limitant annuellement le montant en pourcentage du prélèvement opéré par les finances publiques nationales sur le fonds souverain. Cette limite est passée de 4 % à 3 %, dans la mesure où le dénominateur a crû. Cette logique fait de chaque Norvégien le détenteur d'un actif estimé à hauteur de 300 000 euros. Cette situation fait rêver l'ancien directeur du budget que je suis, mais il faut constater que le plateau continental français ne regorge pas des mêmes ressources que son homologue norvégien.

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En outre, notre tempérament national nous aurait peut-être conduits à prélever plus que ces 3 % ou 4 %. Qu'en pensez-vous ?

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Pierre-Mathieu Duhamel, ancien directeur du budget

Je ne l'exclus pas.

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Pour 2024, le Gouvernement avait établi une prévision de croissance à 1,4 %, avant de la diminuer à 1 %, quand le consensus des économistes s'établissait environ à 0,8 %. Ces écarts vous paraissent-ils sortir de l'ordinaire ?

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Pierre-Mathieu Duhamel, ancien directeur du budget

Le président Chirac avait pour coutume de dire que « les prévisions sont difficiles, surtout lorsqu'elles concernent l'avenir ». J'ai le sentiment que chaque année, systématiquement, l'ensemble de l'appareil de prévision économique et financier de l'État, mais également les instituts de conjoncture, se trompent dans leurs prévisions. Je ne jette la pierre à personne ; cet art est difficile.

Le véritable sujet concerne l'ampleur de l'écart, in fine. Lorsqu'elle est notoirement supérieure à l'erreur moyenne, il y a lieu de l'analyser.

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Quelle est votre opinion sur une « règle d'or », évoquée à plusieurs reprises dans le débat public ?

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Henri Sterdyniak, économiste

Il existe effectivement une « règle d'or » des finances publiques découverte au XIXe siècle par M. Leroy-Beaulieu, qui doit être utilisée à bon escient. Elle consiste à soustraire au déficit structurel la dépréciation de la dette en raison de l'inflation. Ce déficit corrigé doit être égal à l'investissement public net, auquel sont ajoutées éventuellement les subventions en investissement privé.

Cette règle autorise la France à avoir, dans une situation normale, un déficit public de l'ordre de 3,2 % du PIB. Il n'est donc pas nécessaire de produire des efforts pour passer en deçà de ce seuil.

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Pierre-Mathieu Duhamel, ancien directeur du budget

Je suis pour ma part une règle beaucoup plus simple : l'équilibre vers lequel nous devons tendre si nous voulons maîtriser notre destin dans la durée. Il existe naturellement des exceptions. Lorsque l'économie ralentit, les stabilisateurs économiques agissent et nous avons vocation alors à stimuler la croissance économique de manière ciblée, afin de replacer l'économie sur son sentier de croissance potentielle. Mais une fois que cette trajectoire est rejointe, il n'y a aucune raison que les dépenses ne soient pas couvertes par les recettes.

Je rappelle que le dernier ministre des finances qui a exécuté un budget à l'équilibre s'appelait Jean-Pierre Fourcade, il y a cinquante ans. Pour autant, cet équilibre, qui figure d'ailleurs parmi nos engagements européens, doit demeurer selon moi un objectif en matière de finances publiques.

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Henri Sterdyniak, économiste

L'équilibre tel que vous le définissez n'a aucun fondement économique. La quasi-totalité des économistes s'accorde à dire que l'investissement peut être financé par l'emprunt public. D'autre part, il faut corriger le déficit de la dépréciation de la dette. La plupart des pays ne connaissent pas l'équilibre que vous mentionnez.

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Vous établissez une différence entre l'investissement et le fonctionnement ; un point de rupture que connaissent bien les collectivités territoriales. Comme vous le savez, elles sont soumises au principe simple selon lequel l'emprunt ne finance que l'investissement. Ensuite, vous indiquez que la dette ne doit pas financer la dépense courante. N'est-ce pas le cas actuellement ?

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Henri Sterdyniak, économiste

Je le redis : il faut corriger le déficit de la mauvaise conjoncture. L'année dernière, le déficit était de 5,5 % par rapport au PIB. En supposant que l'inflation revienne à 2 %, le déséquilibre excessif s'établit à 2,6 % du PIB, y compris en tenant compte de la « règle d'or ».

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Monsieur Le Noan, vous avez publié une tribune dans Les Échos, intitulée « La fable de la gratuité des services publics ». En 2023, dans L'Opinion, vous considériez que la situation des finances publiques représente un problème politique avant d'être un problème économique. Pouvez-vous développer cet aspect ?

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Erwan le Noan, consultant et juriste

Dans la chronique parue dans L'Opinion, j'indique que la question des finances publiques fait l'objet de débats d'experts, en oubliant qu'il existe un double volet très politique. Le premier volet porte sur le choix de la dépense publique, qui est évidemment un choix politique ; le deuxième a trait aux conséquences de la dépense publique et de la dette.

La question du choix recouvre trois autres questions. La première porte sur les priorités que la collectivité nationale se donne en termes de financement public aujourd'hui, mais aussi pour l'avenir, dans un pays qui vieillit et qui est confronté à des défis importants en matière de transition écologique et numérique, lesquels supposeront des investissements supplémentaires dans un contexte de finances publiques contraint et de diminution du nombre d'actifs. Dans ce cadre, une dette importante ne semble pas constituer un atout pour l'avenir.

La deuxième question porte sur l'efficience de la dépense publique. Aujourd'hui, sommes-nous certains que les dépenses sont efficaces et que les usagers et agents publics sont satisfaits ? Sommes-nous certains que nos services publics se positionnent favorablement dans la compétition internationale ? J'aurais plutôt tendance à répondre par la négative, en résumant la situation de la manière suivante : une débauche de ressources, mais une pénurie de moyens ; une abondance de fonctionnaires, mais une absence de services publics ; une omniprésence de l'État, mais une défiance croissante des électeurs. Des efforts doivent donc être réalisés en matière d'efficience.

La troisième question concerne la volonté de nos gouvernants à réformer. J'ai eu la chance d'être rapporteur de la commission Attali en 2007-2008, qui avait formulé un ensemble de propositions pour réformer la dépense publique et le fonctionnement de l'État en France. Je ne suis pas convaincu qu'elles aient été suivies d'une mise en œuvre, ni d'effets. Le rapport Pébereau de 2005 constatait déjà que « le choix de la facilité depuis vingt-cinq ans est la principale explication du niveau très préoccupant de notre dette publique ». Ce constat semble à maints égards toujours d'actualité.

Ensuite, il m'apparaît que le niveau des dépenses publiques en France entraîne un certain nombre de conséquences néfastes, liées aux trois questions que j'évoquais, et notamment l'absence d'efficience de la dépense publique. La première illustration se traduit par un délitement du tissu national : il existe aujourd'hui en France un sentiment d'abandon social éprouvé par une partie de la population française, alors même que le niveau de dépenses publiques est extraordinairement élevé.

La défiance est également sociétale : une explication du vote des Français peut être trouvée dans le fait qu'une partie d'entre eux a l'impression que la dépense publique est d'une certaine manière gaspillée ou alors confisquée par d'autres. Il se crée alors ce que j'ai appelé dans un de mes livres « une guerre pour les miettes » : les citoyens français se disputent pour les miettes de dépenses publiques qui demeurent. Chacun veut obtenir une part du « gâteau » de la dépense publique. Certains veulent limiter le nombre de personnes qui ont le droit d'y accéder, ce qui se traduit par des discours hostiles à l'entrée sur le marché du travail d'une certaine population ou hostiles à l'immigration – alors qu'elle a plutôt des effets favorables, économiquement parlant.

Je pense que l'une des conséquences néfastes de l'inefficience des dépenses publiques est qu'elle conduit à un étiolement de l'esprit démocratique, c'est-à-dire à l'impression qu'en dépit de ressources extraordinaires, les moyens ne sont pas au rendez-vous et les services publics sont inefficients. Cela ne favorise pas une confiance élevée envers les institutions politiques de notre pays.

Enfin, l'accroissement de la dépense publique a des effets évidemment néfastes sur la liberté individuelle, à travers les prélèvements obligatoires, qui ne cessent de croître dans notre pays. Cette croissance peut paraître très légitime, mais un prélèvement obligatoire est, par définition, une atteinte au droit de propriété. Il suffit de relire les débats parlementaires de vos prédécesseurs, lorsque l'impôt sur le revenu a été créé en 1914. À l'époque, l'essentiel des débats portait sur l'intrusion de l'administration dans la vie privée des Français. Il me semble que cette question de la liberté individuelle est aujourd'hui assez absente des débats sur les finances publiques.

L'autre volet, après celui des prélèvements obligatoires, concerne la dépense, puisque dans un régime démocratique, il est naturel que les personnes qui bénéficient des financements collectifs fassent l'objet d'un contrôle social. Une subvention à une entreprise doit faire l'objet d'un contrôle pour vérifier qu'elle est utilisée dans le but établi par l'État ou par le Parlement. De même, une personne qui bénéficie d'une aide sociale doit légitimement faire l'objet d'un contrôle pour vérifier que l'argent de la collectivité est utilisé à bon escient. D'une certaine façon, plus la dépense sociale croît, plus le contrôle social croît.

En somme, un certain nombre de questions politiques liées à la dépense publique et aux finances publiques sont, à mon à mon avis, insuffisamment présentes dans le débat public.

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Vous avez récemment fait référence au livre d'Emmanuel Macron, Révolution, de manière quelque peu ironique. Où en est cette révolution selon vous ? Vous venez en effet d'indiquer que l'un des principaux problèmes concerne l'absence de décision et le choix de la facilité.

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Erwan le Noan, consultant et juriste

Le succès de l'élection d'Emmanuel Macron en 2017 tient au fait qu'il était le porteur d'un projet apparaissant comme un projet de renouvellement. Ce livre faisait écho à d'autres travaux réalisés au préalable, notamment le rapport Attali.

Je ne suis pas complètement convaincu que la révolution ait eu lieu depuis 2017. La promesse était peut-être trop ambitieuse ; mais comme peuvent l'être celles de nombreux candidats élus. Ensuite, je ne pense pas que l'on puisse réformer la dépense publique, ni l'État, ni les politiques publiques en abordant ce sujet de manière comptable. J'ai beau être convaincu qu'il vaut mieux disposer d'un budget à l'équilibre, j'estime qu'expliquer aux Français la nécessité de réduire les dépenses publiques parce qu'un traité ou des tableaux Excel nous l'imposent a peu de chances d'emporter la conviction de nos concitoyens.

Avec la Fondation pour l'innovation politique (Fondapol), nous avions produit, il y a quelques années, une note sur la manière de réformer notre pays. Nos travaux considéraient que pour mener à bien une réforme, il faut disposer d'un narratif, d'un projet. Les réformes qui se réalisent, notamment les réformes de l'État, sont celles qui se traduisent par des mesures concrètes, mais qui sont portées par une vision collective. Or cette vision collective fait aujourd'hui défaut dans le débat public.

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Henri Sterdyniak, économiste

Le défaut est lié au fait que la vision que vous portez n'est soutenue que par une infime minorité de personnes. Présenter ce programme libéral aux élections ne fonctionne pas. Il n'est pas possible en 2024 de revenir aux débats de 1914 concernant l'impôt sur le revenu. Le programme du Président de la République comportait une forte baisse des dépenses publiques, mais elle s'est heurtée naturellement à la réalité des choses.

Je partage avec vous l'idée qu'il faut remobiliser les fonctionnaires et les services publics. Veut-on y parvenir par un projet effectivement libéral ou plutôt en leur donnant les moyens de réaliser leurs actions de manière conforme aux principes du service public ? Pendant l'épidémie de covid, nous avons bien vu qu'il est possible de mieux mobiliser les travailleurs de la santé si nécessaire, mais cela demande effectivement qu'ils soient persuadés de travailler pour la collectivité et pour les services publics. Dans ce cadre, certaines réformes sont contreproductives.

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Pierre-Mathieu Duhamel, ancien directeur du budget

Je voudrais juste préciser un point de sémantique. À diverses reprises, les interventions de ce jour ont mentionné la réduction de la dépense publique. Mais personne ne pense que la dépense publique sera diminuée. La véritable question consiste à savoir si elle doit augmenter plus rapidement que le PIB et donc continuer à cannibaliser une partie croissante des ressources produites chaque année par la Nation ; si elle doit augmenter un peu moins vite que le PIB, afin de libérer une partie de cette richesse produite pour d'autres usages ; ou si, le cas échéant, à certains moments, elle pourrait ne pas augmenter plus vite que l'inflation.

Je n'ai, pour ma part, jamais entendu dire que nous avions l'ambition de dépenser moins d'euros l'année suivante que l'année précédente, et je ne crois d'ailleurs pas que cela soit faisable. En résumé, la question que nous devons nous poser est celle du rythme d'évolution de la dépense publique en la comparant au rythme potentiel d'évolution de nos recettes. Je persiste à penser qu'il existe une relation entre la recette et la dépense. Si vous parlez à nos concitoyens, vous verrez que, dans l'ensemble, ce concept leur est également assez familier.

La baisse de la dépense publique en valeur absolue n'est naturellement pas à l'ordre du jour et je ne crois pas que quiconque la préconise. En revanche, le débat porte sur la vitesse à laquelle elle évolue.

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La question consistant à savoir où cette dépense publique se situe par rapport aux autres pays n'est pas non plus illégitime.

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Je tiens à préciser que cette commission n'a pas vocation à conduire une exégèse du programme du Président de la République. Je rappelle également que depuis 2017, nous avons connu les deux seules périodes au cours desquelles la dette publique rapportée au PIB a diminué.

Considérez qu'il faille envisager l'endettement, notamment depuis 2017, en valeur absolue ou le rapporter en points de PIB ? Comment qualifiez-vous cette période par rapport aux autres périodes d'endettement, notamment celle liée à la crise des dettes souveraines et celle relative à la crise bancaire de 2008 ?

Monsieur Duhamel, en tant qu'ancien directeur du budget, quelle appréciation portez-vous sur les prévisions en matière de recettes et en matière macroéconomique depuis la création du Haut Conseil des finances publiques ? Observez-vous une amélioration du calibrage des prévisions ?

Ensuite, pouvons-nous considérer que l'endettement intervenu depuis 2017 est la résultante d'une dette importante, d'un déficit public hérités et de recettes qui ne seraient pas au rendez-vous, notamment compte tenu de la crise des gilets jaunes et de la réponse apportée par le pouvoir politique à cette même crise ? Autrement dit, l'endettement enregistré depuis 2017 est-il lié à des baisses de recettes non compensées et non prévues dans le programme initial du Président de la République ?

Monsieur Duhamel, estimez-vous qu'il n'existe pas de risque d'effet d'éviction à l'endettement, et notamment d'éviction au regard de l'endettement privé ?

Monsieur Le Noan, vous avez évoqué la structuration de nos dépenses, notamment les dépenses sociales. Quelle appréciation portez-vous sur les réformes mises en œuvre pour réduire la dépense publique ? Je pense notamment à la réforme des retraites. Considérez-vous que la structuration de nos dépenses soit singulièrement plus importante en matière de dépenses sociales ?

Ma dernière question concerne le financement de la transition écologique. Intellectuellement, nous pouvons imaginer que certaines dépenses légitiment un endettement, par exemple les dépenses consacrées à la transition écologique. Est-ce à dire qu'il faudrait qualifier l'impact qualitatif de l'endettement eu égard à la durabilité des projets qu'il finance ?

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Pierre-Mathieu Duhamel, ancien directeur du budget

Le Haut Conseil des finances publiques représente évidemment une innovation bienvenue. Il s'agit d'une vigie et d'un « filtre » conduisant le Gouvernement à justifier son équation en amont. Le Parlement dispose ici d'un avis externe qui lui permet de se faire sa propre opinion. Ce système a contribué à améliorer la qualité de la prévision associée aux différentes lois de finances. Cela ne le rend pas pour autant infaillible.

S'agissant des facteurs d'évolution de la dette, le graphique n° 7 du document que je vous ai transmis ce matin apporte un éclairage intéressant. En chimie, on pourrait qualifier la dette comme étant, par nature, un produit fatal. Ce graphique montre que si l'évolution de notre dette est continue, elle n'est pas constante. À ce titre, trois points de surgissement sautent aux yeux.

Le premier a trait à la « petite » récession de 1993, la première depuis le second conflit mondial, qui nous a coûté environ vingt points de dette supplémentaire, la faisant passer de 40 % du PIB à 60 % du PIB. Le deuxième est lié à l'épisode de la crise financière, faisant passer cette dette d'un palier de 65 points de PIB à un palier de 85 points de PIB. Le plus récent, en lien avec la crise sanitaire, nous a fait passer d'un palier légèrement inférieur à 100 % du PIB à un palier supérieur à 110 % du PIB.

Ensuite, il est toujours possible d'établir une décomposition et de réattribuer des morceaux de dette à des facteurs spécifiques, par exemple la chute des recettes résultant du ralentissement économique ou les mesures qui ont été prises pour contrer cette chute d'activité, soit dans le cadre de la récession de 1993, soit dans le cadre de la crise financière, soit dans le cadre de la crise sanitaire. Il est d'ailleurs à noter que la dernière crise nous a coûté moins, en termes d'endettement, que les deux précédentes.

Lorsque j'indique que la dette ne crée pas de la croissance, à la différence de la dépense, je fais référence à l'utilisation de l'argent public et à la manière dont il est affecté. Payer des charges d'intérêts ou financer des programmes de recherche ne revient pas au même : l'impact potentiel sur la croissance à horizon de cinq ans ou dix ans n'est pas identique dans les deux cas. Le plus mauvais usage qu'il est possible de faire de l'argent public est, de toute évidence, la charge d'intérêt. Elle ne fait que représenter la sommation des décisions publiques passées. Or en matière d'utilisation de l'argent public, l'essentiel concerne la projection vers le futur. De ce point de vue, plus les charges d'intérêt sont limitées et mieux nous nous portons.

En termes de capacité de choix, il est évident à mes yeux que nous entrons dans une période où la charge d'intérêt ayant vocation à s'accroître – à la fois parce que nous avons connu une hausse des taux et parce que le stock augmente –, la marge de manœuvre se réduira mécaniquement, en termes d'allocation de l'argent public. Ceci me paraît constituer le problème central que nous pose en réalité notre endettement : il réduit notre capacité de choix.

S'agissant de l'effet d'éviction de l'appel aux marchés pour financer la dette publique face au financement des investissements privés, je suis moins spécialiste que d'autres. Cependant, je n'ai pas le sentiment que dans l'état actuel des marchés, il existe des difficultés particulières à financer l'ensemble de l'économie privée et la dette publique.

Je vous rejoins bien entendu sur l'idée que certaines dépenses ont plus de portée que d'autres pour l'avenir. À ce titre, la justification de leur financement par emprunt est évidemment soutenable. Simplement, pour l'instant, bien au-delà de nos dépenses d'investissement, nous finançons nos dépenses totales par de l'endettement. Ici, il est possible de soutenir que des investissements immatériels ont leur place dans cette logique, mais nous rentrerions à ce moment-là dans un débat de classification, consistant à répartir les dépenses entre ce qui prépare l'avenir et ce qui ne le prépare pas. Cet exercice mérite d'être conduit, même s'il me semble dépasser l'objet de votre commission.

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Henri Sterdyniak, économiste

En 2023, la France a payé comme charge d'intérêt 1,7 % du PIB, quand le déficit a été de 5,5 % du PIB. Cela signifie que les marchés financiers nous ont fourni 3,8 % du PIB, qui ont été utilisés pour réaliser des dépenses publiques. Jusqu'à présent, la dette nous a toujours soutenus, elle nous a permis d'augmenter nos dépenses.

Ensuite, en 2023, le déficit des administrations s'établissait à 154 milliards d'euros, quand l'épargne des Français s'élevait à 119 milliards d'euros et la capacité de financement des entreprises à 22 milliards d'euros. Face au creusement de la dette publique, les ménages ont vu leur revenu fortement soutenu, ont épargné et ont naturellement pu acheter des titres publics. L'État a maintenu le taux de marge des entreprises malgré la mauvaise situation économique et ces entreprises disposent d'une capacité de financement.

Troisièmement, la dette publique a augmenté d'environ douze points de PIB. Les causes sont d'abord liées à l'historique dont a hérité Emmanuel Macron en 2017, pour six points de PIB. Ensuite, neuf points de croissance de la dette s'expliquent par la mauvaise situation conjoncturelle et huit points par la baisse des impôts de 76 milliards d'euros, également répartis entre les ménages et les entreprises. Par ailleurs, huit points de la croissance de la dette s'expliquent par les dépenses exceptionnelles face à la crise covid et la crise inflationniste. Comme les intérêts payés ont été inférieurs au taux de croissance, la dette a diminué de onze points de PIB. Par ailleurs, les dépenses courantes ont été gérées avec rigueur, permettant d'économiser dix points de PIB.

Le Gouvernement a soutenu les ménages et les entreprises lors des crises. En revanche, il est loisible de se demander s'il fallait effectivement baisser les impôts de 76 milliards, dans une situation où nous étions quand même en déséquilibre.

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Erwan le Noan, consultant et juriste

L'essentiel des questions qui se posent en termes de dépenses publiques porte évidemment sur la dépense sociale. Par ailleurs, il existait effectivement un héritage en termes de dérive globale des finances publiques.

La réforme des retraites était à mon avis un élément utile pour la bonne gestion du régime de retraites. Est-elle suffisante pour être durable et soutenable ? Les travaux économiques semblent en douter.

Au-delà, notre pays vieillit et les dépenses, notamment les dépenses sociales, sont en grande partie orientées vers une population vieillissante plutôt que vers les nouvelles générations. En conséquence, le déséquilibre démographique posera à tout le moins des questions de compétitivité, mais aussi d'équité.

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Monsieur Duhamel, vous avez évoqué la difficulté de conduire des prévisions et avez souligné que l'élément essentiel concernait l'ampleur de l'écart avec l'erreur moyenne. Selon vous, l'ampleur que nous avons connue sur ces derniers comptes, dans un temps relativement limité – puisque le dernier projet de loi de finances de fin de gestion date du mois de novembre – révèle-t-elle des erreurs d'appréciation ?

Ma première question porte sur le principe du consentement à l'impôt, qui est un principe pour moi relativement important. L'évolution de la dette, qui résulte de choix politiques, a-t-elle un impact sur ce consentement à l'impôt des citoyens ?

Ensuite, quel est votre sentiment sur la situation française marquée par une baisse de 5 % de la productivité depuis 2019, ce qui nous conduit aujourd'hui à connaître une richesse inférieure de 15 % à celle de l'Allemagne et nous situe à la vingt-sixième place mondiale en termes de PIB par habitant ?

Par ailleurs, vous avez évoqué la décomposition entre déficit structurel et déficit conjoncturel, qui suscite chaque année des débats au sein de notre Assemblée. Faut-il définir des critères plus précis s'agissant de cette décomposition afin d'obtenir une définition qui ne soit pas remise en cause, mais agréée par les uns et les autres ?

Enfin, ma dernière question porte sur les dépenses publiques. Monsieur Le Noan, vous avez souligné la nécessité d'établir une vision, un projet commun si nous voulons embarquer les Français sur ce sujet. L'absence de véritable campagne électorale en 2022 et par conséquent de présentation de projets politiques forts reflète-t-elle notre difficulté à nous engager dans une réduction des dépenses publiques ?

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Henri Sterdyniak, économiste

Lorsque la loi de finances pour 2023 a été présentée, le Gouvernement tablait sur une croissance de 1 %, quand les instituts de conjoncture la chiffraient à 0,5 %. Finalement, cette croissance s'est établie à 0,9 % ; le Gouvernement ne s'est donc pas trompé. L'erreur de prévision a en réalité porté sur la prévision des impôts, dont les rentrées ont été beaucoup plus faibles que prévu, notamment pour l'impôt sur les sociétés et la TVA en fin de période.

Ensuite, je ne pense pas que la dette publique joue sur le consentement à l'impôt. Les Français sont en revanche plus affectés par le mauvais fonctionnement des services publics ou le poids important des cotisations sociales. En conséquence, il faudrait que les partisans de l'État social soulignent que les cotisations offrent des contreparties intéressantes pour la collectivité.

Par ailleurs, une partie de la chute de la productivité s'explique par une hausse des alternants et le fait que des emplois ont été générés dans des secteurs peu productifs, par exemple la livraison à domicile. Mais une partie de cette baisse de la productivité demeure néanmoins inexpliquée. Enfin, le débat sur les déficits conjoncturel et structurel fait partie des grands problèmes que les économistes doivent gérer chaque année.

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Erwan le Noan, consultant et juriste

En m'appuyant sur les travaux que nous avons réalisés en 2016 à la Fondapol, je pense que les réformes peuvent être menées lorsque l'opinion a été préparée suffisamment en amont, pour emporter une majorité relativement importante, le fameux « deux Français sur trois » théorisé en son temps par le président Giscard d'Estaing. S'agissant de 2022, il est possible de se demander pourquoi aucune offre politique alternative n'a réussi à réunir un nombre suffisant de Français autour d'un élan en faveur de la réforme.

S'agissant du débat sur les déficits conjoncturels face aux déficits structurels, je souhaite aborder le problème d'une manière un peu différente. Le parlement américain a la capacité de produire ses propres analyses et projections, car il est doté d'un budget office. Sans vouloir diminuer la qualité de travaux conduits dans cette Assemblée, le système américain permet aux parlementaires de disposer d'éléments d'expertise les plus poussés pour débattre et contester les projections du gouvernement américain. Cela ne signifie pas pour autant que les débats parlementaires et budgétaires se déroulent de manière plus sereine aux États-Unis, mais ils portent moins sur la sincérité des chiffres.

S'agissant du consentement à l'impôt, je rejoins les propos de M. Sterdyniak : le sujet ne porte pas tant sur la dette que sur l'efficacité de la dépense publique et des prélèvements obligatoires. Le philosophe allemand Peter Sloterdijk a écrit il y a une dizaine d'années un livre sur le consentement à l'impôt, dans lequel il montre que les crises des démocraties sociales emportent des risques politiques en lien avec le consentement à l'impôt.

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Pierre-Mathieu Duhamel, ancien directeur du budget

L'erreur d'appréciation sur les prévisions est évidente, mais il faut s'interroger sur ses causes. Mon expérience me permet de témoigner de l'angoisse récurrente qui saisit le directeur du budget vers le 15 décembre, avant que ne tombent les indications sur les rentrées de l'acompte sur l'impôt sur les sociétés, dernier élément massif à caler dans la construction du budget. Cette angoisse s'est parfois avérée justifiée.

Je crois profondément que le consentement à l'impôt est fonction de la qualité des biens et des services que nous proposons à nos concitoyens. Si nous étions dans une situation où, pour la même quantité d'argent public, le système éducatif fonctionnait parfaitement et le système de santé répondait aux besoins de la population, la question du consentement à l'impôt serait moins prégnante.

S'agissant de la productivité, je crois qu'effectivement, les entreprises ont davantage embauché de personnes un peu moins qualifiées et ont davantage conservé les intéressés, y compris dans des périodes où le doute était permis quant à la poursuite de leurs activités, conduisant à une diminution faciale de la productivité. Désormais, il s'agit de savoir si les évolutions à venir, notamment en lien avec l'intelligence artificielle, susciteront de nouveaux gains de productivité. Les économistes s'écharpent sur cette question et je me garderai bien de prendre parti. Néanmoins cette question revêt évidemment une grande importance quant à notre capacité à dégager des recettes publiques supplémentaires sans augmenter les prélèvements, et donc à financer notre dépense publique.

Concernant le débat annuel entre déficit structurel et déficit conjoncturel, la question consiste à savoir quel est le niveau de croissance potentielle. Ici aussi, les économistes s'écharpent et je suis bien incapable de les départager. En revanche, je sais que cette notion est néanmoins très précieuse pour apprécier la position de nos finances publiques dans le cycle et par conséquent orienter les décisions du Gouvernement et du Parlement. Il s'agit malgré tout d'un indicateur de pilotage des finances publiques, dont il est difficile de se passer.

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Il est souvent question de « l'héritage » dont Emmanuel Macron a été lesté en 2017. On parle souvent de la situation telle que l'avait laissée François Hollande, en oubliant quand même un certain nombre d'éléments, comme le fait que de 2017 à 2019, nous avons vécu un cycle haut de croissance mondiale ou le fait que l'inflation a écrasé une bonne partie de la dette supplémentaire.

Au début du premier quinquennat, Emmanuel Macron et Edouard Philippe se satisfaisaient que plus nous empruntions, plus nous réduisions la charge de la dette, dans un contexte de taux nuls, voire parfois légèrement négatifs. Personne ne s'inquiétait, ni n'a anticipé la remontée des taux. Désormais, nous vivons une situation inédite où la charge d'intérêt de la dette constitue le deuxième budget de l'État et sera bientôt le premier. L'effet « boule de neige » est en cours. N'y a-t-il pas eu là un défaut d'anticipation et même une faute ?

Ensuite, le Président de la République a déclaré au début de l'année qu'il n'existait pas un problème de dépenses, mais un problème de recettes. Dans ce cas, quelles sont les implications pour les Français puisqu'il faut bien payer les intérêts de la dette si nous souhaitons conserver une trajectoire soutenable ? Or la trajectoire actuelle suscite de bien légitimes questions. En cas de recettes supplémentaires, quel pourrait être l'impact pour les Français ?

Troisièmement, le débat sur les dépenses structurelles et conjoncturelles relève de choix politiques. La participation au remboursement de la réparation d'un grille-pain ou d'une braguette peut-elle être réellement considérée comme un élément structurel ou ne mérite-t-elle pas d'être remise en question ? Certes, les interprétations peuvent être politiques, mais force est de constater que des efforts doivent être fournis pour revenir sur une trajectoire de soutenabilité de la dette. Le Gouvernement les chiffre à vingt milliards d'euros supplémentaires. À quel niveau les situez-vous ?

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Henri Sterdyniak, économiste

Lorsque les taux d'intérêt étaient très bas, il était logique que l'Agence France Trésor ait essayé d'en profiter au maximum. À ce sujet, la Banque de France a été l'institution qui a commis la plus grande erreur. Elle a acheté massivement des titres publics qui ne rapportaient rien, en les finançant avec des dépôts bancaires qu'elle rémunérait également à taux zéro. Aujourd'hui, le problème est le suivant : elle rémunère ses dépôts bancaires à 4 %, mais dispose toujours de titres qui ne lui rapportent rien, engendrant un déficit.

Les propos du Président Macron avaient pour objet de dire que le phénomène était purement conjoncturel. De fait, le problème ne tient pas au fait que les dépenses ont trop augmenté en 2023, il est lié à une chute des recettes bien plus prononcée que ce que les administrations avaient anticipé. Les opposants à M. Macron peuvent néanmoins lui rappeler que ses soixante-seize milliards d'euros de baisse d'impôts sont quand même en partie responsables de la situation.

Ensuite, la charge de la dette française est négative, puisque les intérêts doivent être corrigés de la dépréciation de la dette causée par la croissance. Nous payons 1,7 % sur la dette en nominal et il faut corriger cela de la croissance qui normalement est de 3,2 %. La dette nous « rapporte » donc 1,5 %. Lorsque nous regardons la situation actuelle – un déficit de 5,5 % par rapport au PIB associé à un taux de 3 % qui serait satisfaisant –, nous constatons que le surplus de déficit est aujourd'hui de l'ordre de 2,5 %, soit environ soixante-dix milliards, qu'il faut combler d'une manière ou d'une autre.

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Erwan le Noan, consultant et juriste

Je souscris toujours aux conclusions du rapport Pébereau évoqué plus tôt : le choix de la facilité est la principale explication du niveau très préoccupant de notre dette publique. La question de la gestion des finances publiques – et à travers elle, la réforme de l'État – n'a constitué une priorité pour aucun des gouvernements, pour des raisons conjoncturelles et politiques, depuis un certain nombre d'années.

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Pierre-Mathieu Duhamel, ancien directeur du budget

Nous avons effectivement connu un phénomène très agréable et simultané de longue baisse des taux d'intérêt. Il est vrai qu'à une période, plus le stock de la dette s'est accru et plus charge d'intérêt a diminué. Ces conditions exceptionnelles ne se répéteront pas et puisque le stock s'est accru, la charge d'intérêt va probablement augmenter, ce qui constituera une contrainte forte dans la construction des budgets à venir.

Je souscris aux propos qui ont été tenus concernant le débat dépenses versus recettes en 2023. Le rapport économique, social et financier fait ainsi état de soixante milliards d'euros de baisse d'impôts, soit environ deux points de PIB. Il faut cependant avoir également à l'esprit l'augmentation massive des prélèvements qui a eu lieu entre 2010 et 2014 et représente trois points de PIB. Autrement dit, nous vivons avec un point de PIB de prélèvement supplémentaire par rapport à 2010. Mais si tant est que nous parvenions à augmenter nos recettes, elles n'arriveront pas à rattraper nos dépenses. Dans le cadre du divorce qui s'est produit au début des années 1980, la pension alimentaire est payée depuis une quarantaine d'années par la dette.

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Pensez-vous que la dette créée depuis 2017 est liée uniquement au non-financement lié aux baisses d'impôts ? Ensuite, vous avez parlé du mécontentement des Français vis-à-vis de leurs services publics, mais ils sont pourtant classés au quatrième rang mondial. Je pense que nous disposons malgré tout de services publics qui fonctionnent, mais leur évaluation est fondée pratiquement uniquement sur des études de satisfaction des usagers. Pensez-vous qu'il soit possible d'améliorer l'évaluation de nos services publics ?

Face au tableau sombre qui est dressé pour la France, je souhaite indiquer que le chômage a diminué de façon importante, que la France est la première destination des investisseurs en Europe et que les ménages n'ont jamais autant épargné que depuis trente ans. Ne voyez-vous pas malgré tout quelques lueurs d'espoir ?

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Henri Sterdyniak, économiste

Tout d'abord, la dette n'est pas une solution de facilité spécifiquement française : elle a augmenté dans la plupart des pays développés. Ensuite, face à la dette, l'épargne des ménages est extrêmement importante et les entreprises disposent d'une capacité de financement ; comptablement la contrepartie de la dette est ainsi la bonne santé des entreprises et l'épargne des ménages. La situation n'est pas foncièrement catastrophique.

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Erwan le Noan, consultant et juriste

La France dispose naturellement d'atouts. Mais je souhaite revenir sur le premier point que vous avez évoqué concernant la qualité des services publics français. En la matière, je ne peux m'empêcher de retenir un constat relativement sévère, notamment sur le service public de l'éducation, qui souffre énormément. Il me semble à la fois que les enseignants expriment une grande frustration concernant leur métier et que les parents d'élèves n'en sont pas satisfaits.

Ayant commis, il y a quelques années, un rapport sur l'enseignement supérieur, laissez-moi vous donner une illustration. À tort ou à raison, les parents d'élèves considèrent aujourd'hui que l'université française n'est plus en mesure de proposer une voie de réussite à leurs enfants. Dans ce cadre, ceux qui disposent des moyens de réussir se répartissent globalement en deux catégories : ceux dotés d'un capital social – les enfants de professeurs – et ceux qui bénéficient d'un capital financier important. Ces possibilités leur permettent soit de choisir les bonnes options pour intégrer les voies les plus sélectives pour être sûrs d'échapper à l'université ; soit, de plus en plus, de partir à l'étranger. L'enseignement supérieur français est ainsi marqué par un départ des élites vers les universités britanniques et les universités américaines, ou des écoles privées qui se développent considérablement en France, afin d'échapper à l'enseignement supérieur national. Ce « vote avec les pieds » illustre bien que le service public éducatif français présente des marges de progression considérables. Cette situation est d'autant plus préoccupante qu'elle concerne l'avenir de nos jeunes générations.

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Pierre-Mathieu Duhamel, ancien directeur du budget

Je souscris à vos propos, Madame. De même, lorsque nous examinons nos services publics, nous savons parfaitement que la situation n'est pas uniforme. Cependant, il convient de s'interroger pour savoir si le niveau d'efficacité et de performance de nos services publics est à la hauteur de leurs coûts.

Le dossier que je vous ai transmis propose une comparaison de notre situation en matière de dépenses publiques avec celle de l'Allemagne. Cette comparaison fait apparaître un différentiel de dix points de PIB, soit près de 300 milliards d'euros. Il est donc loisible de s'interroger pour savoir si la qualité de nos politiques publiques et des services publics rendus à nos concitoyens est telle qu'elle justifie un tel écart.

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L'État peut être assimilé à gros paquebot, qui éprouve des difficultés à changer de cap. Pourtant, je m'interroge sur l'absence de réaction face aux changements auxquels nous allons être confrontés et que vous avez bien soulignés.

Par ailleurs, notre société est affectée par un changement de mentalité, marqué par un individualisme de plus en plus prononcé, prenant le pas sur la solidarité collective, symbolisée notamment par la sécurité sociale. Les Français aspirent peut-être à individualiser le traitement de leur retraite, à travers la capitalisation.

Ensuite, il serait peut-être nécessaire de recentrer les dépenses publiques sur les missions premières de l'État : j'ai le sentiment que notre État veut se mêler de tout et en vient parfois à perdre le sens du régalien. L'analyse de la modification de la composition de la dépense publique durant les quarante dernières années fait apparaître une hausse excessive des prestations sociales, une diminution des charges de fonctionnement et une diminution encore plus marquée de la capacité d'investissement. Il ne s'agit pas pour moi d'une fatalité, mais de choix politiques ; je rejoins en cela certains des propos qui ont été tenus.

En outre, je m'interroge sur le volume des recettes. Sommes-nous vraiment capables de l'augmenter, notamment en faisant en sorte que tout le monde contribue à l'impôt ? En effet, nous avons le sentiment qu'à l'heure actuelle, certaines personnes règlent leurs impôts et ne touchent pas ou quasiment peu d'aides sociales, quand d'autres n'en payent pas, mais bénéficient énormément d'aides sociales. Cette situation contribue à nourrir le sentiment d'injustice, à l'heure où l'efficience du service public suscite des interrogations.

Enfin, peut-être conviendrait-il de s'appuyer sur la bonne gestion des collectivités territoriales, dont les élus sont capables de respecter des budgets à l'équilibre. J'en profite pour souligner le manque de liberté des élus et des politiques face à la lourdeur administrative dans la gestion des dossiers au quotidien.

En résumé, si nous ne sommes pas capables de changer de logiciel pour affronter les futurs enjeux, les années qui nous font face seront difficiles à appréhender.

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Henri Sterdyniak, économiste

Tout d'abord, l'État est un État social et la société a effectué des choix. Par exemple, le choix a été fait – et il peut être remis en cause – de fournir aux retraités à peu près le même niveau de vie que celui des actifs. D'autres pays ont agi différemment : en Suède ou en Allemagne, le niveau de vie des retraités est inférieur de 20 % à 25 % à celui des actifs. Compte tenu du nombre croissant de retraités, il est possible de s'interroger sur le maintien de ce choix social ou sur sa transformation.

La France dépense plus que l'Allemagne, mais sa situation n'est pas non plus parfaitement identique. Pendant très longtemps, le taux de fécondité était de deux enfants par femme en France quand celui de l'Allemagne était de 1,3 enfant par femme. Je ne pense pas que réaliser des économies sur les prestations familiales ou sur les crèches aille dans le bon sens.

Enfin, nous avons choisi de proposer un système extrêmement redistributif, où l'on donne beaucoup aux plus pauvres et où l'on prend aux plus riches. Par nature, l'impôt est redistributif et il est possible d'accentuer encore plus cet aspect. Certains considèrent ainsi que les plus riches ne payent pas assez d'impôts grâce à l'optimisation fiscale et qu'il faut donc taxer leur capital.

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Erwan le Noan, consultant et juriste

Le modèle social français a effectivement choisi d'être particulièrement favorable aux plus âgés. Je crains que nous n'ayons pas le temps d'ouvrir ce débat aujourd'hui. Ensuite, afin de faire évoluer ce paquebot qu'est l'État, la voie de la décentralisation et de la déconcentration permet d'offrir une plus grande autonomie, laquelle facilite à son tour la mise en œuvre de réformes. Au demeurant, cela est également vrai pour les organisations privées.

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Pierre-Mathieu Duhamel, ancien directeur du budget

L'analyse sur la longue période, illustrée par le graphique n° 21, montre la déformation de nos dépenses entre 1960 et aujourd'hui : l'effet de capture de la dépense par la sphère sociale est évident et a entraîné des conséquences pour le pilotage de la dépense. En effet, la part que l'État pilote, à travers la loi de finances que vous votez, s'est progressivement et fortement réduite, y compris en pourcentage du PIB. À l'inverse, la part qui est générée par le système social s'est beaucoup accrue, comme l'atteste le projet de loi de financement de la sécurité sociale. Ici, le sujet porte sur la coordination de ces différents éléments et les instruments à notre disposition pour adopter une vision d'ensemble de ces énormes masses.

Au fond, le trait national que nous partageons tous est un certain goût pour la dépense publique. Quand j'étais directeur du budget, je qualifiais ce phénomène de « syndrome de la bordure de trottoir ». Un citoyen se tord le pied sur une bordure de trottoir, déclenchant immédiatement une attention nationale. Le secrétaire d'État en charge des bordures de trottoirs convoque son cabinet et lui demande un plan « bordures de trottoir » avec, idéalement, une cinquantaine de mesures législatives et réglementaires, et une certaine quantité de dépenses publiques naturellement associées.

Cet exemple est volontairement outrancier, mais il existe, me semble-t-il, dans nos processus de décision publique, l'idée que la dépense publique constitue toujours une réponse aux situations, quelles qu'elles soient. Je ne me place pas au-dessus du lot : lorsque j'étais maire, j'étais moi aussi confronté à des demandes de mes concitoyens, que j'avais du mal à ignorer. Je ne sais pas résoudre très clairement cette équation, à part via un immense effort collectif consistant à nous interroger, tous ensemble, sur la pertinence d'un certain nombre de nos dépenses publiques.

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Si l'on considère que les recettes non compensées sont à l'origine de tout ou partie de l'endettement depuis 2017, pouvons-nous affirmer qu'elles ont entraîné un effet positif sur le pouvoir d'achat, compte tenu de la croissance de celui-ci depuis 2017 ?

Ensuite, jugez-vous négativement la détention de la dette par des non-résidents ? Pouvons-nous considérer à l'inverse qu'il s'agit là d'un outil de diversification utile au financement de la dette française ?

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En complément, pensez-vous que le retour en 2027 à un déficit public équivalent à 3 % du PIB est envisageable ?

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Henri Sterdyniak, économiste

Selon moi, la croissance de la dette, dont la contrepartie a porté sur les baisses d'impôts et un certain nombre de dépenses publiques, a bénéficié au pouvoir d'achat des ménages et au maintien d'un taux de marge satisfaisant pour les entreprises.

Ensuite, actuellement, les marchés financiers sont tels que les produits sont effectivement, diversifiés : des étrangers achètent de la dette publique française et des institutions françaises préfèrent détenir de la dette étrangère pour des raisons de rentabilité. Enfin, je ne crois pas au retour aux 3 %.

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Erwan le Noan, consultant et juriste

Pour moi, les baisses fiscales ont favorisé la croissance et de manière générale, cette dernière contribue évidemment à soutenir le pouvoir d'achat. Je ne suis pas compétent pour vous préciser dans quelle proportion. Ensuite, je ne considère pas que la détention de la dette française représente un problème. Enfin, un relatif consensus considère que le retour d'un déficit public à hauteur de 3 % du PIB est assez peu probable.

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Pierre-Mathieu Duhamel, ancien directeur du budget

Je rappelle que la dette est un transfert vers les générations futures. Nous ne devons jamais le perdre de vue. Autrement dit, ce qui peut bénéficier temporairement à la génération présente se justifie-t-il aussi vis-à-vis des générations futures ? Cette question me semble centrale.

La détention de dette par des créanciers étrangers ne paraît pas constituer un problème en soi, notamment en termes de souveraineté. En effet, les détenteurs de dette encaissent leurs intérêts et, le moment venu, s'attendent à être remboursés. Ce système fonctionne bien, aussi longtemps que l'on nous prête la capacité de rembourser. Si la situation devait mal tourner, nous ne ferions pas face aux débiteurs étrangers, mais au mécanisme européen de stabilité. La discussion ne serait pas forcément agréable, mais elle serait au moins cantonnée.

Enfin, s'agissant du retour potentiel à un déficit équivalent à 3 % du PIB, permettez-moi à nouveau de citer le président Chirac, peut-être inspiré par Pierre Dac : « les prévisions sont difficiles, surtout lorsqu'elles concernent l'avenir ».

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La dette a notamment crû en raison des mesures prises pour faire face à la crise covid et la crise énergétique. Aurait-il été possible de prendre des mesures moins coûteuses tout en obtenant les mêmes résultats ?

Monsieur Sterdyniak, je ne considère pas pour ma part que l'Agence France Trésor a profité de la période de taux bas : en réalité, elle a continué à émettre des obligations indexées sur l'inflation (OATi). Compte tenu des limites de telles décisions et de leur coût en cas de crise, devons-nous continuer ? N'est-il pas temps d'arrêter ?

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Je souhaite vous interroger sur cette triple contradiction : la France est championne du monde des prélèvements obligatoires ; la France est l'un des pires pays européens en matière de dette publique en compagnie de l'Italie, de l'Espagne et de la Grèce – mais ces pays ont connu une amélioration – et notre pays connaît la plus forte dégradation de ses services publics. Comment l'expliquez-vous ?

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Henri Sterdyniak, économiste

Certains estiment aujourd'hui que la France a trop dépensé et qu'il aurait fallu être plus sélectif dans les aides aux entreprises pendant la crise covid et dans l'attribution du bouclier tarifaire lors de la crise énergétique. Il est toujours possible d'imaginer ex post que nous aurions pu mieux faire. La France a choisi d'instaurer le bouclier tarifaire, qui a permis à notre pays de connaître l'inflation la plus faible en Europe.

Ensuite, la question des emprunts indexés mériterait que nous y consacrions plusieurs heures. Leur émission constitue au fond un pari passé entre les prévisions d'inflation de l'État et celles des marchés. Lors de la période récente, le Trésor a perdu et il est possible de considérer qu'il faut arrêter de jouer.

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Erwan le Noan, consultant et juriste

Cette triple contradiction s'explique par l'inefficience de la dépense publique. Le fait qu'elle soit probablement plutôt inefficiente explique que les prélèvements et la dette soient plus élevés que ceux que nous pourrions souhaiter, ainsi que la dégradation du service public. Nous disposons d'une abondance de ressources, mais, paradoxalement, d'une pénurie de moyens sur le terrain.

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Pierre-Mathieu Duhamel, ancien directeur du budget

Naturellement, il est toujours possible d'imaginer que nous aurions pu mieux faire. J'observe cependant que nous sommes ressortis de la crise sanitaire en retrouvant rapidement un niveau de croissance satisfaisant, plus rapidement que nos principaux voisins, ce qui plaide plutôt en faveur de la pertinence des mesures qui ont été prises. Ensuite, notre niveau d'inflation a été plutôt faible comparé à celui de nos principaux voisins. Il faudrait comparer le coût implicite face à l'avantage apporté.

Je manque de recul pour vous répondre sur la question des OATi ; il faudrait construire un bilan de cet instrument sur la longue durée, pour cerner les périodes où nous avons été gagnants et celles où nous avons perdu.

Enfin, s'agissant de la triple contradiction évoquée, la question revient à évaluer les biens et services rendus à la population par la dépense publique. Le débat est immense, je ne le réengage pas.

La séance est levée à dix heures quarante-cinq.

Membres présents ou excusés

Réunion du mardi 4 juin 2024 à 9 heures

Présents. - M. Franck Allisio, M. Rodrigo Arenas, Mme Danielle Brulebois, M. Frédéric Cabrolier, M. Fabien Di Filippo, M. Philippe Juvin, M. Mathieu Lefèvre, M. Philippe Lottiaux, Mme Véronique Louwagie, M. Kévin Mauvieux, M. Nicolas Sansu

Excusés. - M. Jean-René Cazeneuve, Mme Lise Magnier, Mme Valérie Rabault

Assistait également à la réunion. - Mme Justine Gruet