La séance est ouverte.
La séance est ouverte à vingt et une heures trente.
Suite de la discussion d'une proposition de résolution européenne
J'appelle maintenant, dans le texte de la commission, l'article unique de la proposition de résolution européenne.
La parole est à M. Gabriel Amard, pour soutenir l'amendement n° 1 , tendant à supprimer l'article.
Cette proposition de résolution européenne (PPRE), initialement présentée par le groupe Les Républicains, mérite que l'on se prononce sur le fond, c'est-à-dire que l'on évite le pire. C'est pourquoi nous proposons cet amendement de suppression.
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES, Écolo – NUPES et SOC.
Suspension et reprise de la séance
Exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
La séance, suspendue à vingt et une heures trente et une, est reprise à vingt et une heures trente-cinq.
La séance est reprise.
La parole est à M. Guillaume Gouffier Valente, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, pour donner l'avis de la commission sur l'amendement de suppression de l'article unique.
Avis défavorable, pour les raisons exposées cet après-midi à l'occasion de la présentation de la motion de rejet préalable.
« Merci ! » et applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Votre demande de suppression renvoie en effet à l'exposé des motifs de la PPRE plutôt qu'à son texte. Or, si je suis en désaccord avec l'exposé des motifs, je rejoins les auteurs de la PPRE sur la nécessité de mieux coordonner les actions et de définir des ports sûrs et des plateformes de débarquement en vue d'améliorer les opérations de secours en mer Méditerranée.
Cet amendement étant suivi d'amendements de suppression de divers alinéas, je précise que mon avis sera défavorable sur tous.
La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée de l'Europe, pour donner l'avis du Gouvernement.
Je regrette qu'avec cet amendement, vous souhaitiez supprimer la possibilité même d'une enquête pouvant mener à la qualification de crime contre l'humanité des activités des réseaux criminels qui profitent de la misère humaine pour faire fructifier une économie délétère, au prix de milliers de vies. Vous critiquez le dialogue entamé entre les États membres et les ONG, alors qu'il vise justement à permettre l'accueil des navires ayant procédé à des opérations de sauvetage dans les ports de l'Union – question qui, je le rappelle, a été à plusieurs reprises un facteur de forte tension diplomatique. Vous critiquez, plus largement, les travaux en cours à l'échelon européen et visant à réformer la politique de migration et d'asile, alors qu'après des années de discussion, nous sommes parvenus à des avancées importantes laissant présager un prochain accord sur des textes équilibrés qui renforceraient à la fois la responsabilité des États membres et la solidarité européenne.
Avis défavorable.
La parole est à M. Pierre-Henri Dumont, rapporteur de la commission des affaires européennes.
Les membres du groupe La France insoumise ont échoué à faire rejeter la PPRE par une motion de rejet préalable. Comme ils ont perdu au grattage,…
…ils tentent de gagner au tirage !
Permettez-moi de vous dire, chers collègues de l'extrême gauche, que ce n'est pas en refusant le débat qu'on avancera.
Cette proposition de résolution européenne ne vous convient pas ; dont acte, mais durant la précédente législature, n'étiez-vous pas les premiers à crier contre le Gouvernement lorsqu'il incitait la majorité à voter des motions de rejet sans même vous laisser la possibilité de défendre vos propositions ? Lorsque vous étiez ultraminoritaires, ne défendiez-vous pas le droit des groupes d'opposition à présenter des textes et à en débattre ?
Aujourd'hui, c'est vous qui voulez tuer le débat et qui refusez de faire avancer les choses.
C'est bien dommage, car ce faisant, vous vous faites les complices des passeurs et de l'extrême droite !
Exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
L'amendement n° 1 est adopté ; en conséquence, l'article unique est supprimé et les autres amendements tombent.
Les députés des groupes LFI – NUPES, SOC et Écolo – NUPES se lèvent et applaudissent.
L'article unique ayant été supprimé, il n'y a pas lieu d'appeler les amendements au titre de la proposition de résolution, qui est rejetée.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à vingt et une heures quarante, est reprise à vingt et une heures quarante-cinq.
La parole est à M. Jean-Louis Bourlanges, président et rapporteur de la commission des affaires étrangères.
La Conférence sur l'avenir de l'Europe a publié un rapport très riche relatif aux orientations souhaitables de l'Union européenne (UE) telles qu'elles étaient perçues par les citoyennes et les citoyens de l'Union associés à cette grande et féconde consultation. Je remercie le président Anglade et Mme Laernoes d'avoir pris l'initiative de proposer, dans le cadre de la commission des affaires européennes, une proposition de résolution européenne à ce sujet. La commission des affaires étrangères l'a accueillie bien volontiers et m'a chargé d'en être le rapporteur. J'ai plus particulièrement axé ma réflexion sur un aspect précis – sans doute le plus urgent, puisque le Conseil européen doit en délibérer dans les prochains jours : celui des défis lancés à l'Union européenne par l'élargissement à l'Ukraine et à la Moldavie ainsi qu'aux pays des Balkans occidentaux.
L'exercice auquel nous nous livrons en examinant cette proposition de résolution européenne a été doublement balisé. Rappelons d'abord que, si intéressants que soient ses travaux, la Conférence sur l'avenir de l'Europe n'est qu'une instance de consultation, et son rapport, une contribution au débat. Ne confondons pas ici l'enrichissement d'un débat ouvert à tous et les décisions politiques, qui relèvent des seules autorités institutionnelles compétentes des États – c'est-à-dire nous.
La seconde limite tient, je l'ai dit, à un effort de concentration sur le dossier européen le plus brûlant du moment, celui de l'élargissement. À nos yeux, l'objet principal de cette résolution européenne ne pouvait être de faire une revue de détail, laudative ou critique, des politiques désirables de l'Union. Il s'agissait d'aller à l'essentiel et de définir un processus d'élargissement qui soit à la fois ambitieux et responsable.
Nous sommes en effet confrontés à un double devoir, d'urgence et de prudence : urgence géopolitique s'attachant à l'intégration d'États que nous ne pouvons, dans leur intérêt comme dans le nôtre, laisser seuls face aux États prédateurs que sont la Russie, la Chine ou même la Turquie ; prudence institutionnelle, car l'Union ne résisterait ni à l'introduction rapide d'États n'ayant pas mené à son terme le processus de modernisation démocratique, ni à la reconduction pure et simple d'un système institutionnel qui n'a jamais été conçu pour gérer une trentaine d'États membres.
La méthode que je préconise dans le rapport que j'ai présenté à la commission des affaires étrangères, fondée sur la flexibilité et la progressivité, me paraît être la seule à pouvoir concilier ces deux objectifs. Nos deux commissions, celle des affaires étrangères et celle des affaires européennes, proposent de fractionner le processus d'adhésion en trois étapes, en vue de répondre de toute urgence à certains États – ceux des Balkans et l'Ukraine – dont les besoins géopolitiques sont évidents, sans pour autant précipiter un accès, qui serait dès lors prématuré, aux institutions de l'Union.
Il faut envisager en premier lieu une phase d'engagement politique, au cours de laquelle les États concernés souscriraient à un pacte d'adhésion à l'Union européenne et prendraient des engagements sans équivoque sur les principes qui la guident, sur la souveraineté des États, sur le respect des droits fondamentaux, sur la reprise de l'acquis institutionnel de l'Union, sur la primauté du droit communautaire et sur l'établissement de relations pacifiées avec chacun de leurs voisins.
Viendrait ensuite une phase d'intégration à la carte, au cours de laquelle s'organiserait bilatéralement, entre la Commission européenne et chaque État candidat, la mise en œuvre des politiques communes que ces États seraient en mesure d'intégrer.
Enfin interviendrait l'adhésion pleine et entière aux institutions de l'Union. Elle serait l'aboutissement d'un double processus, de révision de nos institutions et de réalisation de toutes les conditions nécessaires à un bon fonctionnement de la démocratie. Une attention particulière devrait être portée à l'éradication de la corruption.
La proposition de résolution européenne qui vous est soumise repose sur la conviction qu'entre l'immobilisme et l'aventure, il y a nécessairement un moyen terme. De même que le rapport dont je l'ai accompagnée, elle n'a d'autre ambition que de contribuer à éclairer le chemin qui pourrait y conduire.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR.
La parole est à M. Pieyre-Alexandre Anglade, président et rapporteur de la commission des affaires européennes.
Il y a un an s'achevait, sous présidence française du Conseil de l'Union européenne, la Conférence sur l'avenir de l'Europe, exercice inédit lancé à l'initiative du Président de la République. Elle a rassemblé des parlementaires européens et nationaux, des membres de la société civile et des citoyens européens tirés au sort, qui ont travaillé à l'élaboration de recommandations et de mesures. Un grand nombre d'entre elles ont déjà été mises en œuvre.
D'autres font encore l'objet de discussions. Nous aurons à débattre prochainement de la réforme institutionnelle à venir.
Le débat qui nous occupe aujourd'hui est important ; il est même plus essentiel que jamais à un moment où notre Europe est bousculée comme elle l'a rarement été dans son histoire. La guerre est revenue sur notre continent. Je pense évidemment à l'Ukraine, où un peuple européen – les Ukrainiens – se bat pour sa liberté. Après près de deux ans de guerre, notre message doit être ici très simple : nous sommes aux côtés de l'Ukraine pour qu'elle puisse non seulement se défendre, mais aussi recouvrer sa souveraineté, son indépendance et son intégrité territoriale.
La guerre est aussi revenue à nos portes, de l'Arménie, dont le peuple est attaqué au Haut-Karabakh, au Proche-Orient – je pense évidemment à l'attaque terroriste contre Israël et, maintenant, aux bombardements sur Gaza.
Rumeurs sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Les Européens doivent se réinvestir pour bâtir les conditions d'une paix durable au Proche-Orient. Nous vivons par ailleurs un moment de grandes transformations liées aux ruptures technologiques et numériques ainsi qu'au réchauffement climatique et à ses conséquences, qui entraînent des bouleversements et remettent en cause les fondamentaux et les fondements de nos sociétés.
Ce moment nous confère une responsabilité particulière, et je souhaite partager avec vous une conviction : les crises et les mutations que nous affrontons ne doivent pas nous détourner de l'agenda de puissance et de souveraineté que nous défendons pour que l'Europe se renforce. L'Union européenne est le meilleur levier de puissance pour protéger le climat et la biodiversité,…
…pour préserver la santé et la qualité de notre alimentation, pour nous doter des moyens de nous défendre, pour promouvoir une Europe solidaire, pour défendre nos valeurs et l'État de droit partout en Europe.
Dans ce contexte, le projet européen est des plus essentiels. Il convient de ne rien céder à ceux qui, à l'intérieur de l'Europe, se font les relais complaisants de ceux qui veulent nous affaiblir à l'extérieur, qui alimentent l'illusion du pouvoir fort, du nationalisme, du retour des conflits entre les uns et les autres. Les adversaires de l'Europe ne se cachent plus. Ils appartiennent à la droite radicale ou à la gauche extrême.
Ils portent en eux le détricotage et la désintégration du projet européen. Il s'agit de Geert Wilders aux Pays-Bas, qui a fait campagne pour le Nexit. Il s'agit de Marine Le Pen qui, ce week-end au Portugal, a fait de l'Europe son adversaire « prioritaire » dans les mois à venir,…
…reconnaissant ainsi que son projet profond est le Frexit, la sortie de la France de l'Union européenne.
Il est en outre essentiel de transformer notre Europe et ses institutions, si nous voulons être capables de relever les défis de ce siècle. Dans un monde redevenu incertain, je l'ai dit, l'Europe doit changer : elle doit s'assumer comme une puissance géopolitique. Sinon, d'autres décideront pour nous. Le président Bourlanges vient de le rappeler, la Conférence sur l'avenir de l'Europe a ouvert la voie à un tel changement.
L'enjeu est d'abord de donner une légitimité démocratique renouvelée aux institutions européennes. Je pense au renforcement des prérogatives du Parlement européen, aux listes transnationales, dont nous avons soutenu le principe, à l'innovation du Spitzenkandidat, qu'il faut continuer à défendre.
Il s'agit aussi de préparer l'avenir et de répondre aux bouleversements récents. Je pense à la guerre en Ukraine. Au fond, la question n'est plus de savoir si nous devons élargir l'Union, ni même quand nous devons le faire – ces questions ont été tranchées –, mais de quelle manière. L'Europe de 2030, qui pourrait compter plus de trente États membres, ne sera plus celle d'aujourd'hui, laquelle ne serait d'ailleurs pas capable de relever les défis qui sont devant nous.
Deux erreurs doivent être évitées. La première consisterait, alors même que la situation se dégrade dans notre environnement immédiat, à ne rien faire et à laisser les pays des Balkans, l'Ukraine ou la Moldavie patienter, en nous contentant de leur donner quelques perspectives assez lointaines. Cela reviendrait à laisser la clé à ceux qui veulent nous déstabiliser. Je pense qu'il vaut mieux s'asseoir à une table avec ces États plutôt que de nous exposer à des conflits larvés aux frontières extérieures de l'Union.
La deuxième erreur consisterait à élargir l'Union sans fixer de conditions ni réformer, sous prétexte que tel est notre intérêt géopolitique. Élargir sans réformer, ce serait nous condamner à l'impuissance et aggraver les pesanteurs que nous connaissons. Nous ne pouvons pas nous payer le luxe de fonctionner à trente ou à trente-cinq comme nous le faisons – non sans peine – à vingt-sept.
La question de la réforme de l'Europe est centrale, prégnante. Elle va animer nos débats ce soir et demain. Nous devons innover pour être capables de relever les grands défis climatiques et technologiques et de faire face à toutes les guerres qui se déroulent dans le voisinage immédiat de l'Union.
N'en déplaise aux nationalistes rabougris,…
Applaudissements sur les bancs du groupe RE. – M. Jean-Louis Bourlanges, rapporteur, applaudit également.
C'est un plaisir et un honneur pour moi d'être devant vous pour débattre d'un sujet tout à fait essentiel : les suites de la Conférence sur l'avenir de l'Europe. Je tiens à remercier M. le président Anglade et Mme la députée Laernoes d'avoir présenté ce projet de résolution européenne, ainsi que M. le président Bourlanges et l'ensemble de la commission des affaires étrangères de l'avoir adopté.
Vous savez toute l'importance que le Gouvernement attache à la dimension citoyenne de l'Union européenne…
…et tous les efforts que nous avons entrepris et poursuivons pour façonner une Europe encore plus démocratique, à laquelle les Européens soient pleinement associés et puissent s'identifier. Il serait superflu de dresser un historique des initiatives françaises en la matière ; vous le connaissez déjà. Je rappelle néanmoins que l'organisation de la Conférence sur l'avenir de l'Europe était au cœur de ces initiatives. C'est d'ailleurs à l'occasion de sa clôture et de la restitution de son rapport, en mai 2022 à Strasbourg, sous présidence française du Conseil de l'Union européenne, que le Président de la République a exprimé son soutien au droit d'initiative du Parlement européen et indiqué qu'il était ouvert à la convocation d'une conférence de révision des traités.
Cette ambition d'une Europe des citoyens doit puiser sa dynamique auprès de toutes les forces politiques qui la soutiennent et la font vivre auprès de nos concitoyens. Elle implique le concours de chacune et chacun d'entre vous pour bâtir une Europe qui réponde davantage aux attentes exprimées à l'issue de la Conférence sur l'avenir de l'Europe. Pour cela, nous sommes soucieux de permettre au Parlement national de se saisir pleinement des débats sur la réforme de nos objectifs politiques européens et sur les évolutions institutionnelles.
Votre contribution est d'autant plus précieuse qu'elle s'inscrit dans les discussions actuelles sur la réforme de l'Union et son élargissement, qui doivent être menées en parallèle. Il s'agit aussi d'éclairer de manière claire et précise les grands enjeux sur lesquels les États membres et les institutions travaillent. Nul n'aurait pu prévoir, au lancement de la Conférence sur l'avenir de l'Europe, qu'elle coïnciderait avec les bouleversements géopolitiques récents, comme la guerre en Ukraine ou la situation au Proche-Orient. Tout ceci plaide pour renforcer la souveraineté de l'Europe et pour accélérer et amplifier les réflexions sur l'agenda politique européen et sur les réformes, dont l'élargissement de l'Union fait partie.
Dans cet esprit, cette proposition de résolution européenne met en lumière les impératifs d'approfondissement du mode de fonctionnement de l'Union européenne, de révision de ses compétences et d'intégration accrue des citoyens européens dans le processus de décision. La France partage pleinement ce constat et continue de défendre une position à la fois ouverte et pragmatique.
Premièrement, s'agissant de la révision des traités, vous relevez à juste titre qu'il serait risqué de s'y engager dès aujourd'hui. Notre position est connue de vous tous.
La révision n'est ni un totem, ni un tabou. Il faudra saisir l'occasion d'améliorer le fonctionnement de l'Union par cette voie, si les politiques que nous souhaitons mener en commun le justifient et à condition qu'un consensus émerge parmi les États membres.
Vous explorez ensuite les flexibilités déjà existantes et recommandez le recours aux clauses passerelles. On peut en effet y voir une voie prometteuse, qui nous permettrait de renforcer notre capacité à agir dans certaines matières relevant actuellement de l'unanimité. L'activation de telles clauses, qui requiert elle-même l'unanimité, ne fait néanmoins pas, à ce stade, consensus au sein du Conseil de l'Union européenne. Nous devons donc identifier les domaines dans lesquels nous pourrions avancer collectivement.
C'est pourquoi la France participe au groupe des amis du vote à la majorité qualifié en matière de politique étrangère et de sécurité commune (PESC), et souhaite que la réflexion s'étende à la fiscalité.
D'autres flexibilités existent déjà. Dans le domaine de la politique de sécurité par exemple, il est possible d'activer la majorité qualifiée dans certains cas…
…– je le précise à l'intention des députés de La France insoumise, que cela pourrait éventuellement intéresser –,…
Si nous commentons, c'est précisément parce que nous sommes intéressés !
…mentionnés à l'article 31, paragraphe 2 du Traité sur l'Union européenne (TUE), notamment lorsque la décision du Conseil porte sur les intérêts et objectifs stratégiques de l'Union européenne. Un État membre peut également recourir à l'abstention constructive.
En réalité, de nombreuses réformes institutionnelles pourraient intervenir à traités constants. La Commission européenne s'était d'ailleurs inscrite dans cette logique dès réception des propositions formulées à l'issue de la Conférence sur l'avenir de l'Europe, en distinguant les initiatives nécessitant une révision des autres projets, susceptibles d'être lancés plus rapidement.
À titre d'exemple, les réformes de la composition de la Commission européenne ou du Parlement européen pourraient être conduites dans le cadre juridique actuel, pensé à cette fin lors des négociations du traité de Lisbonne. De même, la clause prévue à l'article 352 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE), ainsi que la gestion des situations d'urgence autorisée dans le cadre de l'article 122 du même traité, permettent déjà à l'Union européenne de s'ajuster à des circonstances exceptionnelles avec rapidité et flexibilité. C'est d'ailleurs en vertu de ces dispositions juridiques, et en adoptant les législations pertinentes en matière sanitaire, énergétique et industrielle, que l'Union a su répondre avec réactivité et efficacité aux défis de la crise pandémique et de la guerre en Ukraine.
Enfin – et cela me semble essentiel –, vous soulignez la nécessité de réformer la procédure d'adhésion à l'Union européenne afin de la rendre plus politique et plus progressive. Je rejoins pleinement vos propositions, qui visent à accroître les bénéfices pour les pays candidats à mesure qu'ils s'approprient nos valeurs, progressent dans les réformes et convergent vers nos standards économiques et sociaux. Tel est bien l'esprit de la nouvelle méthodologie de l'élargissement promue par le Président de la République, qui commence à être déployée avec la facilité pour l'Ukraine et le plan de croissance pour les Balkans occidentaux. Je salue à cet égard les travaux du président Bourlanges, qui constituent une précieuse source d'inspiration.
Au-delà de ces considérations institutionnelles, les citoyens ont fait part, lors de la Conférence sur l'avenir de l'Europe, de leur souhait d'une Union plus à même de défendre nos intérêts et nos valeurs dans un monde incertain. Notre objectif politique doit donc consister à définir ce que devrait être et faire une Europe élargie, qui répondrait mieux aux attentes de nos concitoyens.
La France dispose d'une voix absolument unique au sein de l'Union européenne. Elle a présenté un agenda renouvelé d'autonomie stratégique, de renforcement du marché intérieur, de convergence sociale, de verdissement, de numérisation, de sécurité économique et de défense européenne. C'est dans cet esprit que se sont tenues les discussions entre les chefs d'État et de gouvernement à Grenade, le 6 octobre dernier et c'est dans cette direction que nous proposerons d'orienter les travaux de la prochaine législature, à l'occasion du Conseil européen des 14 et 15 décembre prochains et dans le cadre de la négociation de l'agenda stratégique pour la période 2024-2029.
La Commission européenne mènera quant à elle une analyse des conséquences de l'élargissement sur l'ensemble des politiques de l'Union, ce qui contribuera fort utilement à ce débat. Il reviendra ensuite au nouveau collège des commissaires de traiter cette question. Son programme de travail des années à venir devra s'inscrire dans cette vision politique.
En conclusion, nos objectifs sont fondamentalement alignés : il s'agit de continuer à bâtir une Europe plus efficace et plus apte à répondre aux défis géopolitiques, économiques, environnementaux, sociaux ou énergétiques auxquels nous faisons face, et ce même dans une composition élargie. Nous défendons une Europe incarnée et accessible aux citoyens européens.
À cette fin, nous devrons proposer une approche réaliste des grands changements institutionnels à venir, en veillant bien – je crois que tel était le sens de vos interventions, messieurs les présidents – à ne pas confondre les moyens et les objectifs. Avant toute chose, nous devons définir nos objectifs politiques prioritaires : c'est la condition indispensable à la réalisation des ambitions exprimées à l'issue de la Conférence sur l'avenir de l'Europe, lesquelles n'aboutiront qu'avec l'accord des États.
Il convient donc de construire ce consensus sans céder à la précipitation, dans le respect de la lettre des traités et, surtout, en vue d'assurer une adhésion des Européens à notre projet.
Le Parlement européen a accéléré le pas en adoptant le 22 novembre le rapport présentant ses propositions de réforme des traités. Conformément au souhait de la présidence espagnole du Conseil de l'Union européenne, nous tiendrons nos premières discussions à ce sujet lors du Conseil des affaires générales du 12 décembre prochain.
Vous l'aurez compris, le Gouvernement est naturellement favorable à l'adoption de cette proposition de résolution européenne.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR, ainsi que sur les bancs des commissions.
J'ai reçu de Mathilde Panot et des membres du groupe La France insoumise-Nouvelle Union populaire, écologique et sociale une motion de rejet préalable déposée en application de l'article 91, alinéa 5, du règlement.
La parole est à M. Hadrien Clouet.
Vous nous présentez ce soir un texte intriguant : une proposition de résolution sur l'avenir de l'Union européenne – même si son titre mentionne « l'Europe », chacun aura compris qu'il s'agit d'une erreur. Vous voulez nous faire avaler les 340 pages de conclusions d'une conférence pour post-Erasmus désœuvrés, composée de cadres supérieurs tirés au sort pour donner leur avis.
Chacun sa doctrine : vous êtes partisans de la démocratie Ifop, s'appuyant sur des participants adroitement choisis ; nous lui préférons les référendums associant le peuple entier, à l'image de celui de 2005 sur lequel vous vous êtes assis.
Applaudissements et sourires sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Cette résolution prend un sens particulier : elle constitue le programme d'Emmanuel Macron pour les élections européennes qui se tiendront dans six mois. Nous en avions déjà eu un léger avant-goût ces derniers jours, puisque le président français s'efforce de bloquer deux directives majeures, relatives respectivement au devoir de vigilance des multinationales et à la lutte contre les violences sexuelles et sexistes. Alors les leçons d'européisme ou les accusations d'hostilité à l'Europe, non merci !
Tout cela ne donnait pas forcément envie de se plonger dans le texte, mais nous acceptons l'exercice en allant au cœur de ce qui est proposé. Quelle Union européenne Emmanuel Macron et celle qui préside la Commission européenne – dont le nom est évidemment inconnu à ceux qui nous écoutent –, Ursula von der Leyen, veulent-ils ? Une Union de petits cénacles, que personne n'a élus mais qui prennent des décisions fondamentales sous l'influence de lobbies privés, avec pour seule limite une opposition absolument cruciale : celle de députés européens de gauche, comme ma camarade Manon Aubry, qui est quasiment la seule, avec les membres de son groupe, à dénoncer publiquement les cadeaux envoyés par les lobbies.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES.
Elle épinglait ainsi, il y a quelques jours, l'avocat et eurodéputé allemand Axel Voss, rémunéré à hauteur de 5 000 euros par mois par un cabinet privé pour copier-coller des amendements favorables à l'industrie chimique. Bienvenue au Parlement européen !
M. Sébastien Delogu rit.
Refuser ce type de méthode et de doctrine n'est pas seulement une exigence démocratique – quoique ce seul motif justifierait à lui seul de voter contre cette résolution :
M. Emmanuel Fernandes applaudit
il s'agit d'un impératif vital. Que nous ont apporté, ces derniers mois, l'Europe d'Emmanuel Macron, ses institutions et ses méthodes ? Elles ont conduit, par exemple, à la privatisation du rail et à la liquidation de Fret SNCF, en raison de l'interdiction faite à l'État de reprendre la dette de cette entité.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
En conséquence, dès l'été prochain, les deux tiers des marchandises confiées au fret ferroviaire seront transportées par camions. Voilà ce qu'on appelle l'Europe de la neutralité carbone !
N'oublions pas les tarifs de l'électricité et du gaz, dont l'augmentation de 30 % en un an entraîne des conséquences dramatiques, révélées par quelques eurodéputés seulement, à l'instar de Marina Mesure ,…
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES
…qui a conduit une enquête parlementaire en Provence-Alpes-Côte d'Azur sur les boulangers liquidés par cette hausse des prix et par la mise en banc des tarifs réglementés de vente, c'est-à-dire par la politique européenne. Sur ces problèmes de la vie quotidienne, sur la gazinière ou sur le train, vos conclusions restent muettes. Si c'est cela l'Europe qui protège, je n'ai pas envie de voir l'Europe qui maltraite !
Ces orientations ne sont pas seulement imposées par une poignée de commissaires européens malveillants – là n'est pas la question. Elles sont le produit des règles, écrites noir sur blanc, qui régissent le fonctionnement de l'Union européenne. Prenons l'exemple du Semestre européen, ce mécanisme de surveillance et de sanctions qui impose la fermeture de services publics dans les États dont le déficit public excède 3 % du PIB. Pourquoi avoir retenu ce seuil de 3 % ?
Parce que – l'histoire est véridique – quelqu'un, en sortant de la messe, a trouvé que ce chiffre sonnait bien, puisqu'il renvoyait à la Sainte-Trinité. C'est dire le degré de laïcité des institutions européennes et le sérieux des indicateurs qui régissent nos politiques publiques !
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES.
Ce principe de contrôle des budgets nationaux est repris dans les 340 pages de conclusions que vous nous soumettez, dont j'imagine que la plupart des collègues ici présents ne les ont pas lues – pas d'inquiétude, nous l'avons fait pour vous –, aux propositions 8.6, 11.3 et 29.1.
Le Semestre européen, ce mécanisme de contrôle et de surveillance, est pourtant à l'agonie : 170 violations des règles budgétaires ont été comptabilisées au cours de la décennie précédente, sans que n'advienne, évidemment, la fin du monde annoncée. De ces difficultés découle la réforme en cours, qu'avalise votre résolution : dorénavant, le moindre euro dépensé en trop sera directement converti en fermetures de gares ou d'hôpitaux, ou en annulations d'investissements. Tel est le programme de la Commission européenne, auquel le texte qui nous est soumis n'oppose aucune objection de principe, contradiction concrète, ni objectif alternatif. Alors qu'il nous faut consacrer des milliards d'euros à la bifurcation écologique, la Commission européenne étouffe tout État qui entendrait se mettre sérieusement au travail. Mais soyons justes, chers collègues. Emmanuel Macron et son gouvernement ne sont pas les seuls en cause : il y a dans les institutions européennes des petits Macron qui partagent la même obsession pour la rigueur budgétaire, l'austérité et la liquidation du service public.
Comme si cela ne suffisait pas, voici que votre résolution et les 340 pages de conclusions qui nous sont indirectement soumises appellent à élargir l'Union européenne à d'autres États, habilement sélectionnés par la Commission européenne. Sur quels critères les candidats à l'adhésion sont-ils retenus ? Leur système de sécurité sociale ou leur niveau de salaire ? Pas du tout : alors qu'un pays comme la Moldavie maltraite ses salariés en limitant son salaire minimum à 200 euros par mois, certains esprits brillants veulent l'intégrer au marché unique. Leurs valeurs, comme le prétendait Mme la secrétaire d'État dans son intervention liminaire ? Consultons ensemble la revue d'évaluation de la candidature serbe par la Commission européenne, laquelle n'est publiée qu'en anglais – il ne manquerait plus que les électeurs puissent se la procurer et la lire. Elle indique que des progrès ont été faits dans la privatisation des entreprises publiques, ce qui est un bon point pour un pays candidat à l'adhésion, mais qu'il faut néanmoins contenir les dépenses salariales dans le PIB – manière savante de dire qu'il faut réduire la rémunération des travailleuses et des travailleurs. On y trouve également des cas concrets : on y lit que la modernisation de l'aéroport Nikola Tesla de Belgrade a considérablement avancé grâce à la concession à Vinci Airports – on est ici entre amis –, notamment s'agissant de ses pistes, de son terminal passagers et de son unité de traitement des eaux. L'Europe qui protège, c'est donc surtout celle qui vend à la découpe.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
Quant à la faible redistribution que nous avions conquise, elle est mise en péril à la fois par la Commission européenne, par les orientations de M. Macron et par les conclusions de la Conférence, qui n'en soufflent pas un mot. Ainsi, l'entrée de l'Ukraine dans l'Union européenne signifierait que la France deviendrait contributrice nette à la politique agricole commune (PAC).
Le budget alloué aux agriculteurs de notre pays serait réduit à néant et nous cotiserions au profit des autres. Pourquoi pas ? Cela exigerait toutefois une politique qui ne nuise pas aux agriculteurs français, lesquels sont actuellement mis en concurrence avec le monde entier par la passoire commerciale qu'est l'Union européenne, où le mot « protectionnisme » est un tabou, alors qu'il a toujours été la pulsation de l'industrie et de l'agriculture.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
J'en veux pour preuve l'accord de libre-échange avec la Nouvelle-Zélande qui a été ratifié jeudi dernier. Il prévoit que 55 000 tonnes de produits laitiers seront importées et parcourront 20 000 kilomètres, par les terres et les airs, dans des dizaines de milliers de conteneurs. Au Parlement européen, un seul groupe s'y est opposé : celui où siègent les insoumis.
M. Sébastien Delogu applaudit.
De tout cela, votre résolution ne dit rien. Or ne rien dire, dans un océan de libéralisme, c'est toujours un peu consentir. Nous n'y consentons pas.
Ce texte ne dit rien non plus de nos compatriotes menacés par les libéraux les plus échevelés de la Commission européenne, lesquels veulent supprimer le statut des territoires ultramarins. Pas un mot de cela dans les conclusions du panel de citoyens que vous nous soumettez : l'échantillon représentatif s'est, semble-t-il, arrêté aux frontières physiques du continent européen. Vus de Bruxelles, les territoires ultramarins sont des « territoires ultrapériphériques » – les commissaires européens pensent sans doute que le monde est une province de l'Europe
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES
–, et leur seul rôle politique est celui de hub pour l'import-export de matériaux et de marchandises. Heureusement, face à vos renoncements, des députés européens veillent : je pense ici au député européen insoumis, Younous Omarjee, qui préside la commission du développement régional.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Nous aurons une pensée pour lui en rejetant votre texte.
Résumons : votre élargissement, c'est la concurrence ; la concurrence, c'est les grands monopoles ; les grands monopoles, c'est le pantouflage ; le pantouflage, c'est un Parlement croupion où la Commission européenne peut tenir avec le soutien de seulement un tiers des voix. Bref, c'est une forme de 49.3 européen – un 49.3 au carré, pourrait-on dire, puisqu'il s'exerce au nom de traités refusés par le peuple français en 2005.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Il s'exerce d'autant plus facilement qu'il y a au Parlement européen une opposition en carton – je dis « en carton » à la fois parce qu'elle est brune et parce qu'elle ne sert à rien : c'est l'Europe de l'extrême droite ,
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES
laquelle s'accommode très bien du libéralisme lorsqu'il s'agit d'en tirer un profit personnel. Ainsi, M. de Fournas critique le travail détaché lorsqu'il est dans l'hémicycle, mais se montre moins réticent lorsqu'il s'agit d'embaucher des travailleurs détachés dans ses vignobles
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES
et de les faire faire travailler nuit et jour en les logeant dans des tentes de camping.
Exclamations sur les bancs du groupe RN.
C'est également le cas concernant le marché européen de l'énergie : sur CNews, on critique le prix de l'électricité mais, dans l'hémicycle européen, l'extrême droite n'a pas déposé un seul amendement pour lutter contre le problème. Certes, il est compliqué de déposer des amendements quand on reste à la buvette. M. Bardella peut en témoigner, lui qui, en cinq ans, a déposé vingt et un amendements, soit quatre amendements par an – quel travail harassant !
Applaudissements et sourires sur les bancs du groupe LFI – NUPES. – M. Fabien Roussel applaudit également
Exclamations sur les bancs du groupe RN.
Changer ne serait-ce qu'une virgule, c'est déjà trop pour vous.
Deux Europe s'affrontent ce soir sur ce texte, la vôtre et la nôtre. La vôtre, celle des fonds de pension qui intiment à la France de repousser de deux ans l'âge de départ à la retraite ; la nôtre, celle de la directive conquise par la députée européenne insoumise Leïla Chaibi, qui impose à Uber de salarier les personnes qu'il exploite partout sur le continent.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
La vôtre, celle du glyphosate dont l'autorisation a été renouvelée pour une durée de dix ans ; la nôtre, celle qui soutient les luttes contre les mégabassines qui vident les nappes phréatiques du pays et du continent.
Mêmes mouvements.
La vôtre, celle qui se tait lorsque M. Orbán et l'extrême droite hongroise obligent les femmes enceintes souhaitant pratiquer un avortement à écouter les battements de cœur du fœtus ; la nôtre, celle qui apporte un soutien inconditionnel, implacable et total au mouvement féministe polonais qui se bat pour le droit à disposer de son corps et pour l'interruption volontaire de grossesse.
Mêmes mouvements.
Vous me donnez envie de continuer !
En conclusion, avec cette résolution, vous voulez faire l'Europe de la fortune contre celle du travail. De surcroît, vous le faites en dissimulant le véritable objet de la résolution, car personne ici n'a lu les 340 pages sur lesquelles vous nous demandez de nous positionner.
Elles sont évoquées dans deux paragraphes du texte, mais leurs conclusions, elles-mêmes contradictoires, n'ont été mentionnées par aucun orateur. Il s'agit uniquement de défendre la place de la France dans les dispositifs européens et, par extension, celle de M. Macron, donc de lui faire confiance. Eh bien, nous n'avons pas confiance en lui. Cette Europe-là, vous la ferez sans nous ce soir, mais ce n'est qu'un sursis, puisque les Françaises et les Français vous empêcheront de la faire en mai prochain, lors des élections européennes.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Rappel au règlement
Je rappelle que l'article 70 du règlement vise à éviter les interpellations personnelles. La parole est à M. Grégoire de Fournas, pour un rappel au règlement.
Il se fonde sur l'article 70, alinéa 3, relatif aux mises en cause personnelles. Ce que vient de dire notre collègue Clouet est diffamatoire. Je n'ai qu'un seul tort dans cette affaire, c'est celui de ne pas avoir porté plainte pour diffamation contre le journaliste qui a écrit l'article. Toutefois, je l'ai fait contre M. Lefèvre et contre la porte-parole de SOS Racisme. Si vous voulez être la troisième plainte pour diffamation inscrite sur mon tableau, monsieur Clouet, je vous invite à sortir de l'hémicycle et à réitérer vos propos.
« Bravo ! » et exclamations sur les bancs du groupe RN. – Exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Motion de rejet préalable
Nous en venons aux explications de vote.
La parole est à Mme Brigitte Klinkert.
J'ai bien écouté M. Clouet, qui a parlé longuement pour ne rien dire de cette résolution, ni des conclusions de la Conférence sur l'avenir de l'Europe.
Avec cette motion de rejet préalable, La France insoumise révèle son vrai visage ,
« Ah ! » sur les bancs du groupe LFI – NUPES
Applaudissements sur les bancs du groupe RE et sur quelques bancs du groupe RN. – Exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Antidémocratique, d'abord car la résolution que nous étudions vise à tirer les conséquences des conclusions de la Conférence sur l'avenir de l'Europe, un exercice démocratique et citoyen inédit
Exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES
qui a permis à des dizaines de milliers de contributions de porter la voix des citoyens européens pour changer l'Europe. Quoi de plus démocratique que des parlementaires qui s'emparent des propositions des citoyens pour les concrétiser ?
Quoi de plus démocratique que des acteurs de la démocratie représentative qui tirent les conséquences d'un exercice de démocratie participative ? Avec cette motion de rejet préalable, vous nous proposez de rejeter les propositions des citoyens et d'ignorer la démocratie européenne.
J'entends souvent les députés LFI faire référence au référendum de 2005.
« Oui ! » sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Et vous, voulez-vous ignorer la voix des citoyens qui s'expriment en 2023 ?
Je n'en attendais pas moins d'un groupe qui s'est érigé en contre-modèle absolu de démocratie interne. Vous donnez des leçons de démocratie quand vous pratiquez vous-même le culte de la personnalité d'un leader qui ne s'exprime plus que par outrances sur Twitter.
Exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Anti-européen, ensuite, parce que vous proposez de rejeter cette résolution. Nous voterons donc contre la motion de rejet préalable.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem.
La vérité, c'est que cette Conférence sur l'avenir de l'Europe n'a aucune légitimité, aucune représentativité. Elle a d'ailleurs été un bide total : 800 citoyens tirés au sort à l'issue d'un processus des plus opaques, censés représenter 450 millions d'Européens. Le groupe Identité et Démocratie, sixième groupe du Parlement européen en nombre de députés, en a été exclu. Pire, les conclusions ne tiennent même pas compte des recommandations formulées sur la plateforme numérique, jugées trop eurosceptiques, notamment concernant la gestion de l'immigration.
La vérité, c'est que les conclusions dont nous débattons aujourd'hui sont très éloignées des aspirations des Français et des peuples d'Europe : 80 % des recommandations de la Conférence sur l'avenir de l'Europe impliquent un transfert de compétences des États vers l'Union européenne. Mais les Français et les peuples européens ne veulent pas de votre fédéralisme ! Ils vous le disent, élection nationale après élection nationale, dans tous les pays membres.
Vous nous trouverez toujours, nous, patriotes et souverainistes du Rassemblement national, sur votre chemin lorsque vous ignorerez la volonté populaire, comme vous l'avez fait après le référendum de 2005. Nous vous le montrerons par nos amendements sur ce texte. Débattons, car vos propositions méritent d'être connues des Français. À l'approche des élections européennes, ils doivent savoir ce que vous nous promettez pour l'Europe et ce que nous leur proposons en retour. Débattons ! Nous ne voterons donc pas la motion de rejet préalable.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Les députés Les Républicains ne voteront pas la motion de rejet préalable.
La première raison tient à la vision caricaturale, populiste et extrémiste qui a été présentée par le collègue d'extrême gauche de La France insoumise, laquelle est très loin de ce que nous rêvons pour l'Union européenne et pour l'avenir des peuples qui la composent.
La deuxième raison, c'est que nous estimons que le débat doit avoir lieu. Quand vous censurez les propositions de résolution déposées par les uns et par les autres, nous préférons le débat, car nous avons besoin de réponses. Nous avons aussi besoin de faire sortir la majorité du bois, à quelques encablures des élections européennes.
L'Assemblée nationale ne sert pas à faire campagne pour les européennes !
Mesdames et messieurs de la majorité, dans quels domaines voulez-vous sacrifier la souveraineté de la France ? Voulez-vous mettre à bas ce qui a poussé le général de Gaulle à pratiquer la politique de la chaise vide, à savoir la règle de l'unanimité ?
À quelle vitesse voulez-vous poursuivre l'élargissement de l'Union européenne ? Êtes-vous prêts à ne pas respecter les critères d'adhésion de Copenhague pour suivre les recommandations de Charles Michel, qui a fixé à 2030 la limite pour l'intégration de nouveaux pays européens ? Êtes-vous prêts, mesdames et messieurs de la majorité, à sacrifier un commissaire européen français de plein droit sur l'autel de l'élargissement ? Ce sont là des questions auxquelles nous devons connaître vos réponses et elles font l'objet de nos amendements. En conséquence, nous voterons contre la motion de rejet préalable.
Je ne mâcherai pas mes mots : ce que vous pensez de la coopération sur les territoires européens – ceux qu'un très grand auteur a appelés les « terres de sang » – est archaïque ; ce n'est que du bavardage.
Mais surtout, ce que je n'accepte pas, c'est qu'ici, à cette tribune, un de nos collègues nous accuse de ne pas avoir fait notre travail. Oui, nous avons lu les textes, et il est absolument indigne que vous nous traitiez comme des potaches !
Je suis choqué.
Je veux par ailleurs revenir sur le franco-franquisme ,…
Exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES
Vous ne pensez l'Europe que depuis votre petite fenêtre, et je le dis aux deux côtés de l'hémicycle : quand vous nous parlez du référendum de 2005, mes chers collègues, sachez que c'est un petit bout de l'Europe qui a voté contre !
Exclamations sur les bancs des groupes RN et LFI – NUPES.
Je maintiens : sur vingt-cinq pays, seuls deux ne l'ont pas ratifié, dont nous. Nous, la France, ne l'avons pas ratifié. Mais vingt-trois pays l'ont fait !
« Et alors ? » sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
S'il vous plaît, seul M. Petit a la parole. Vous vous exprimerez ensuite.
…qui est le contraire de l'impérialisme : nous devons intégrer le fait que vingt-trois pays avaient dit oui, tandis que nous, ainsi que les Néerlandais, avions dit non.
Exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
C'est un blocage que nous devons maintenant corriger, et ce ne sont pas vos digressions de café du commerce qui vont aider les citoyens à grandir !
Mêmes mouvements.
Une fois encore, on voudrait nous priver d'un débat sur un sujet majeur.
Exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Si c'est une chance que de disposer d'institutions communautaires dans un continent qui a été si longtemps ravagé par les guerres ,
Applaudissements sur les bancs des groupes HOR, RE et Dem
c'est aussi une responsabilité que de faire en sorte qu'elles fonctionnent au mieux. Le débat qui a été engagé en la matière par la Conférence sur l'avenir de l'Europe est donc salutaire. Mais à l'inverse, certains voudraient tout simplement se débarrasser de décennies de construction européenne et tuer tout débat sur la réforme des institutions et l'élargissement de l'Union.
Mes chers collègues, il y a de cela dix ans, des drapeaux européens étaient brandis fièrement sur Maïdan ,
« Ah là là ! sur les bancs du groupe LFI – NUPES
la principale place de Kiev, entretenant l'espoir d'un monde meilleur dans une Europe plus juste.
« Quel rapport ? » sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Monsieur Balanant, vous ne pouvez pas demander aux autres députés de ne pas interrompre l'oratrice tout en le faisant vous-même !
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES. – Protestations sur les bancs des groupes RE et Dem.
Mêmes mouvements. – Plusieurs députés du groupe RE montrent du doigt les bancs du groupe LFI – NUPES.
Ceux qui hier, donc, rêvaient d'Europe, sont encore aujourd'hui les premiers à la défendre.
Monsieur Balanant, vous avez interpellé les collègues de La France insoumise en leur demandant de se taire. Commencez par vous appliquer ce principe à vous-même.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Il est de notre devoir de répondre à ces aspirations : notre assemblée ne peut pas se refuser à ce débat sur l'avenir de notre union et sur l'élargissement, qu'attendent les citoyens de toute l'Europe.
Applaudissements sur les bancs des groupes HOR, RE et Dem.
Pour parler de l'avenir de l'Europe, ce que nous nous apprêtons à faire, il faut regarder ce qui s'est passé ces derniers temps. Je pense à la CPE, la Communauté politique européenne, une instance qui permettait à des États membres et non-membres de l'Union européenne de travailler ensemble et de défendre des projets communs. C'était une belle initiative, qui a montré qu'il n'est pas nécessaire d'être membre de l'Union européenne pour travailler en commun et pour développer des projets dans l'intérêt des citoyens des nations européennes.
Quand je vous ai interpellée sur la notion de peuple, madame la secrétaire d'État, vous avez parlé des Européens. Jusqu'à preuve du contraire, il n'y a pas de peuple européen ! Il y a des citoyens européens, mais ce qui m'intéresse, ce sont les peuples ; or – j'insiste – il n'y a pas de peuple européen.
Par conséquent, vous n'associez pas les peuples aux projets qui ont trait à l'avenir de l'Europe. Il a beaucoup été question du référendum de 2005. Vous savez, madame la présidente – je sais que je peux m'adresser à vous –, qu'on trouvait alors un opposant à cette construction européenne que vous proposez d'affiner ; il s'appelait Philippe Séguin. Il était monté à cette tribune, où il avait présenté son point de vue pendant deux heures et demie.
Sur Maastricht, oui. À l'époque, la démocratie permettait d'expliquer les choses pendant deux heures et demie, alors qu'aujourd'hui, nous sommes chronométrés – cinq minutes pour une discussion générale, deux minutes pour une explication de vote –, au point de ne plus pouvoir vraiment défendre des thèses.
La thèse que nous défendons, nous, depuis le début de la construction européenne, est celle qui vise à construire une Europe des nations,…
…des peuples et de la démocratie, et non une Europe qui se prépare à la guerre, comme vous le proposez dans votre projet – l'idée d'une armée européenne, notamment, circule dans tous les couloirs de l'Assemblée depuis des mois. Nous soutenons donc la motion de rejet.
Applaudissements sur les bancs des groupes GDR – NUPES et LFI – NUPES.
Sur la motion de rejet préalable, je suis saisie par le groupe La France insoumise-Nouvelle Union populaire, écologique et sociale d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. Paul Molac.
J'ai bien écouté notre collègue Hadrien Clouet, mais je n'ai pas bien compris s'il parlait de la France ou de l'Europe.
En effet, il y a dans tout ce que vous reprochez à l'Europe des choses que vous pourriez très bien reprocher à la France ! Vous parlez des nombreux « petits Macron » que l'on trouve dans les institutions européennes, mais, vous savez, il y a aussi de nombreux chefs de l'administration française qui pensent qu'il n'est pas nécessaire d'appliquer les lois que nous votons ici ! On pourrait donc dire la même chose d'à peu près tout le monde.
Ce que je constate, pour ma part, c'est que le texte sur lequel nous devons voter vise à donner une initiative au Parlement européen. Or ce dernier n'a à l'évidence pas assez de pouvoir par rapport à la Commission. La Commission, d'ailleurs, est le reflet des différents pays de l'Union. Vous vous étonnez qu'elle mène une politique trop libérale à votre goût. C'est peut-être vrai, mais cela découle de la nature des États qui la composent : dès lors que ce sont des États libéraux, il ne faut pas s'étonner que la Commission européenne le soit aussi !
Ce qui est proposé ici, c'est d'introduire un peu plus de démocratie. Ce ne sera pas encore suffisant, mais sommes-nous, en France, un si bel exemple en la matière ? Vous avez évoqué le 49.3 : je crois que nous gagnerions aussi à changer notre modèle. Nous ne voterons donc pas la motion de rejet.
« Oh ! » sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Nous sommes profondément européens, pour une raison assez simple. Quand on observe le monde tel qu'il est, on peut être pour l'Europe des nations, comme vous dites – elle serait en fait l'Europe des États, qui existe déjà et ne donne pas satisfaction ; mais l'Europe, si elle veut compter un jour dans le monde, comme elle peut y prétendre en vertu de ses valeurs, celles des Lumières, devra être forte et unie. Il y a en effet d'autres puissances, sur la planète, qui sont des États continents ; eux n'hésiteront pas à venir nous affronter individuellement, dans le cadre d'un face-à-face entre États. Malheureusement, c'est ce qui s'est passé entre le XVI
Confession pour confession, monsieur Petit, j'ai été moi aussi très choqué de vous entendre dire que nous ne sommes « que » la France.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Mais enfin, il me semble que vous êtes élu des Françaises et des Français !
On peut tout à fait s'en satisfaire et cela n'implique aucunement de regarder qui que ce soit de haut – ni nos compatriotes, où qu'ils vivent dans le monde, ni les autres pays avec lesquels nous pouvons et devons coopérer. Mais chaque fois que des forces ont voulu dissoudre la France, elles ont fait du mal à l'ensemble du continent européen ,
Mêmes mouvements
qui n'a jamais pu exister sans un ensemble de peuples prêts à coopérer de manière souveraine, organisée et structurée, en poursuivant un objectif de progrès social.
Voilà en effet ce qui nous sépare ce soir : la méthode et l'objectif. Pour ce qui est de la méthode, on connaît la vôtre : la convention dont vous nous rebattez les oreilles se résume à un ensemble de panels peuplés de cadres supérieurs, composant de prétendus « échantillons représentatifs » !
Si c'est là votre but, autant qu'un institut de sondage élabore directement les programmes électoraux, voire se fasse élire à votre place – ce qui arrive parfois, on ne va pas se mentir !
Mêmes mouvements.
Il existe une autre logique, qui n'est donc pas du tout la vôtre mais qui nous convainc bien davantage : c'est celle que l'on appelle communément, depuis plusieurs millénaires, la démocratie, laquelle permet, grâce à des scrutins organisés au suffrage universel, de trancher de grandes options politiques. C'est ce que nous défendons, et il nous semble que le présent texte ne va pas dans cette direction.
Ah bon ? C'est ce que vous faites chez LFI ? Vous organisez des référendums ?
Par ailleurs, votre méthode s'articule avec un contenu, à savoir des traités européens qui semblent tout à fait intouchables. Certes, on trouve dans le texte une sorte de faux-nez : vous prévoyez qu'un jour – dans quelques siècles, peut-être, si jamais se produisait je ne sais quel miracle, un soir de pleine lune d'une année bissextile –, on pourrait envisager de revoir la ligne d'un traité européen. Ce n'est pas sérieux ! Les traités européens doivent eux aussi être révisés, de la cave au grenier ,
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES
pour que l'Europe de la concurrence cède face à celle de la coopération sociale, fiscale, environnementale et écologique.
Bref, recevoir des leçons d'Europe de la part des partisans d'un président de la République française qui saborde en ce moment même la directive européenne de lutte contre les violences sexuelles et sexistes, ainsi que celle sur le devoir de vigilance des multinationales ,
Mêmes mouvements
est tout à fait hors de propos et exagéré. C'est d'un ridicule dont vous avez dû vous-même prendre conscience au moment où vous parliez.
Mêmes mouvements.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 171
Nombre de suffrages exprimés 139
Majorité absolue 70
Pour l'adoption 47
Contre 92
La motion de rejet préalable n'est pas adoptée.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.
L'ADN de notre majorité, c'est l'Europe : une Europe souveraine et forte, qui protège ses citoyens et assure la cohésion des Européens. Cet engagement européen est incarné par le Président de la République, qui assume depuis 2017 une ambition réformatrice pour l'Europe.
C'est bien parce que nous défendons depuis bientôt sept ans une telle ambition que nous sommes favorables à la Conférence sur l'avenir de l'Europe. Pour la première fois et avec une ampleur jamais vue, la parole a été donnée aux citoyens européens à propos de tous les aspects de l'avenir de notre Europe, les politiques qu'elle mène aussi bien que ses institutions.
Je suis fière d'appartenir à une majorité clairement proeuropéenne, de soutenir le Président de la République qui a prononcé le discours de la Sorbonne et qui a assumé un rôle déterminant dans cette conférence citoyenne. Il s'est rendu au siège du Parlement européen, à Strasbourg, pour lancer la Conférence, le 9 mai 2021, puis pour la clôturer, le 9 mai 2022, dans le cadre de la présidence française de l'Union européenne.
Il nous revient désormais d'assurer que la parole qui s'est exprimée à l'issue de cette conférence soit respectée. C'est le sens de la proposition de résolution européenne relative aux suites de la Conférence sur l'avenir de l'Europe, dont les conclusions dévoilent l'attachement des Européens à l'Europe, mais également des aspirations fortes – une aspiration à donner une direction claire à l'Union en vue de bâtir une Europe proche et réactive, menant des politiques concrètes susceptibles de répondre aux défis du présent ; ou encore à réformer les institutions, afin de doter l'Europe des moyens démocratiques nécessaires pour agir.
Les 49 propositions et 300 mesures issues de cette conférence expriment clairement l'appel des citoyens européens au changement. Cette mobilisation sans précédent doit guider nos actions qui devront y donner suite. Cette résolution exprime notre détermination à écouter les citoyens pour renforcer l'Europe.
Les conclusions de la Conférence sont claires : plus d'ambition en matière d'écologie, une Europe plus démocratique avec des mécanismes participatifs et une réforme de nos institutions. S'agissant de l'écologie comme des institutions, nous agissons au Parlement et au Conseil pour mener des réformes importantes, telles que le Pacte vert pour l'Europe.
Il faut réformer la procédure d'adhésion à l'Union européenne pour la rendre plus progressive et pour garantir le respect de nos valeurs. C'est sur cette base que les membres actuels et futurs de l'Union doivent s'engager, avec des mécanismes qui garantissent et protègent les droits fondamentaux des citoyens européens.
Chers collègues, nous sommes attendus. Le lourd passif de l'échec de 2005 nous oblige et nous n'avons plus droit à l'erreur.
Cette conférence démontre l'attachement viscéral des citoyens à notre Europe, faisant mentir les populistes qui, aux Pays-Bas, en Hongrie ou en France, veulent la détruire.
Exclamations sur quelques bancs du groupe RN.
Leur véritable projet n'a pas changé : une Europe des nationalismes qui sacrifierait notre cohésion et notre puissance. Nos concitoyens sont bien plus ambitieux que les eurosceptiques et les partisans du statu quo. Nous devons les écouter car l'avenir de l'Europe en dépend.
C'est dans cet esprit que nous devons aborder les prochaines élections européennes lors desquelles se jouera l'avenir de l'Europe face aux démagogues et aux populistes qui se coalisent – comme nous le verrons durant l'examen de ce texte. Notre responsabilité est d'encourager la participation de nos concitoyens et de faire vivre la démocratie européenne.
Nous sommes à un moment décisif pour l'avenir de notre continent, où les enjeux sont critiques. L'Europe ne survivra pas sans changer. Une Europe immobile est vouée à la dislocation, elle serait emportée par le chaos populiste.
C'est parce que nous refusons sa destruction dans un monde instable que nous voulons faire de l'Europe une puissance qui assume sa souveraineté. C'est parce que nous sommes déterminés à mettre en œuvre les propositions des citoyens pour réformer notre Europe que le groupe Renaissance est favorable à cette proposition de résolution…
En adoptant cette proposition de résolution européenne, nous avançons vers une Europe qui protège et qui prospère en affirmant fièrement nos valeurs.
Notre avenir dépend de notre capacité à agir ensemble pour façonner une Europe puissante et efficace, qui rayonne et qui inspire à travers le monde.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem, HOR et sur les bancs des commissions.
En mars 2021, s'est tenue la Conférence sur l'avenir de l'Europe, nouveau machin technocratique très coûteux, sans aucune représentativité, créé par le Parlement européen et la Commission européenne.
Cette conférence se voulait une grande initiative citoyenne lors de laquelle des milliers de personnes devaient réfléchir ensemble sur l'Union européenne et son fonctionnement. Très bien ! Cependant, ses conclusions, dont nous débattons aujourd'hui, sont très éloignées de cet objectif, tant elle s'est transformée en une conférence des eurocrates, favorables à l'affaiblissement des nations et à une Europe fédérale.
La preuve : 80 % des recommandations de cette conférence impliquent un transfert de compétences des États vers l'Union européenne. Ces conclusions sont aux antipodes des aspirations des Français et des peuples en Europe. Ceux-ci vous le disent, élections nationales après élections nationales, partout en Europe où nous nous réjouissons de la progression des partis attachés à la souveraineté de leur nation.
Ce soir encore, dans un sondage qui vient d'être publié, seuls 9 % des Français se disent favorables au renforcement des pouvoirs de l'Union européenne tandis que 84 % demandent plus de protectionnisme.
Les conséquences de cette consultation biaisée ne se sont d'ailleurs pas fait attendre. La semaine dernière, le 22 novembre, nous avons assisté à un véritable coup d'État au Parlement européen, un coup – je pèse mes mots – porté aux États et à leur souveraineté.
Le Parlement européen a en effet voté un rapport visant à modifier les traités, qui reprend toutes les conclusions de cette conférence : fin du vote à l'unanimité au sein du Conseil européen alors qu'il s'agit de la dernière garantie de la souveraineté de nos nations ; nomination d'un président de l'Union européenne ; attribution de compétence exclusive à l'Union pour tous les sujets relevant de l'environnement de la biodiversité – au vu de la soumission de l'UE aux délires de l'écologie punitive, nous répondons non merci ; développement de compétences partagées dans des secteurs comme les affaires étrangères, et là encore, non merci ; création d'une armée européenne, une lubie européiste.
Au passage, la fin de l'unanimité au Conseil d'un côté et la création de l'armée européenne de l'autre ouvrent la voie à un potentiel déploiement, demain, de militaires français dans une opération décidée par l'Union européenne, même en cas d'opposition de la France, ce qui contreviendrait à au moins trois articles de notre Constitution.
Je poursuis ce parcours dans le musée des horreurs : création d'une Union européenne intégrée de l'énergie, et au vu des déboires de l'UE dans ce domaine, je dis non merci ; réaffirmation de la supériorité du droit de l'UE sur le droit des États-nations, une mesure qui a été, je le rappelle, rejetée en 2005 par référendum ; promotion de l'immigration de travail sans renforcement de nos frontières alors que, outre-Rhin, une étude d'un grand journal révélait cette semaine que le renforcement des frontières allemandes avait permis de faire chuter de 40 % l'immigration clandestine, preuve que, quand on veut, on peut ; élargissement sans fin de l'Union européenne, véritable folie au coût faramineux dont les Français ne veulent pas.
Derrière tout cela, il y a en vérité la volonté d'étouffer les contestations relatives au fonctionnement de l'Europe et de renforcer l'intégration avant les élections. Or, depuis des années, le Rassemblement national alerte les Français sur ces funestes projets.
Même s'il n'a qu'une portée symbolique, le vote du 22 novembre constitue donc un aveu, qui révèle ce que macronistes, socialistes et Verts veulent faire de l'Union européenne. Leur vision est celle d'une UE qui s'est définitivement éloignée de sa vocation initiale et doit devenir un super-État.
Comptez cependant sur nous, comptez sur le Rassemblement national, pour rappeler aux Français que nombre des problèmes qu'ils rencontrent au quotidien ont pour origine une décision de l'Union européenne.
Quand Bruxelles fixe les règles absurdes du marché européen de l'énergie, ce sont les Français et nos entreprises qui subissent l'explosion de leurs factures d'électricité. Quand Bruxelles planifie la baisse de la production agricole, ce sont les Français qui subissent l'inflation de leur panier de courses et la fin de notre souveraineté alimentaire. Quand Bruxelles adopte le pacte des migrations, ce sont les Français qui subissent insécurité et obligation d'accueil sous peine d'amende pour chaque migrant refusé. Quand Bruxelles décide de la fin des voitures thermiques, ce sont les Français qui subissent une écologie punitive qui menace leur pouvoir d'achat et leurs emplois. Quand Bruxelles signe des traités de libre-échange avec l'autre bout du monde, ce sont les Français qui subissent la concurrence déloyale, la malbouffe et la hausse des émissions de gaz à effet de serre. Quand Bruxelles décide la réforme des retraites, ce sont les Français qui subissent l'obligation de travailler plus pour gagner moins après une vie de labeur.
C'est pourquoi l'avenir de l'Europe – la vraie – se construira dans une alliance européenne des nations et des coopérations. Cette Europe des nations, demandée par 70 % des Français et par un nombre croissant de peuples européens, doit se faire sans Macron et sans von der Leyen.
Nous demandons aux Français de se mobiliser pour sanctionner ces dérives fédéralistes et d'aller voter pour la liste du Rassemblement national, conduite par Jordan Bardella, le 9 juin 2024. Vivement le 9 juin !
« Bravo ! » et applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Petits, sur les bancs de l'école, nous apprenons que l'Europe se serait fondée sur deux piliers : l'espoir de paix à la fin de la seconde guerre mondiale et l'idée que la coopération, notamment économique, ne ferait que consolider cette base.
Quand nous grandissons, le mythe se craquelle – mais pas pour la Macronie, qui reste persuadée que l'Union européenne est un club formé autour de valeurs communes et que son élargissement permettrait de renforcer ces valeurs sur la scène internationale. Vous voyez, j'ai bien appris ma leçon du groupe de travail « L'avenir de l'Europe ».
Mais de quelles valeurs parlons-nous au juste ? Car nous constatons que l'Europe des peuples, celle du mieux-disant social, n'a tout simplement jamais été ne serait-ce que pensée par les instances dirigeantes. Et quand j'évoque avec Mme la secrétaire d'État Boone le sujet de la défense des droits humains, en prenant pour exemple la loi anti-LGBT votée par la Hongrie, elle me répond que l'Union européenne « n'a pas vocation à se mêler de tout ».
Parlons-nous des valeurs de démocratie ? Nous sommes bien loin de l'idéal républicain initial. En 2005, 70 % des Français avaient pris part au référendum sur le traité établissant une Constitution pour l'Europe ; 55 % avaient voté contre.
M. Emmanuel Fernandes applaudit.
Seulement, l'histoire n'en est pas restée là. Le président Sarkozy, passant outre cette votation citoyenne, a négocié avec les autres dirigeants européens le traité de Lisbonne. L'image désastreuse qu'a renvoyée cette affaire est une des pierres angulaires du désaveu français envers l'Europe et les politiques.
La montée du populisme d'extrême droite en France et en Europe est avant tout le fruit d'une politique d'austérité et d'une succession de trahisons.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES.
Pourtant il paraît, d'après Mme la secrétaire d'État Boone, que tout ceci « est archifaux », qu'il n'y a pas de montée du populisme d'extrême droite puisque celui-ci « a été défait en Espagne ». J'ignorais que les frontières de l'Union européenne se limitaient au territoire espagnol, mais il est vrai que ce pays a eu le mérite d'augmenter sérieusement les salaires et les minima sociaux, comme nous-mêmes, à la France insoumise, le demandons. Toujours est-il que, depuis que Mme la secrétaire d'État a tenu ces propos, le 7 novembre dernier, devant la commission des affaires étrangères, l'extrême droite et ses idées rétrogrades ont remporté les élections législatives aux Pays-Bas et semé la zizanie lors d'émeutes à Dublin.
Nous pourrions également parler de ce qui se passe au cœur même de notre pays. Samedi dernier, des militants d'extrême droite défilaient à Romans-sur-Isère aux cris de : « Islam, hors d'Europe ! ». Ils succédaient notamment à ceux qui avaient manifesté vendredi soir à Reims en scandant le slogan xénophobe : « On est chez nous ! »
Pour en rester à ce même week-end, je pourrais encore vous parler de ces croix gammées qui ont recouvert des murs parisiens ou encore des menaces de mort qui ont visé les mosquées de Cherbourg et de Valence. Si je devais remonter plus loin dans le temps, nous pourrions écrire tout un livre.
Nous ne sommes pas aidés par un Nicolas Sarkozy qui, droit dans ses bottes, annonce que l'extrême droite n'existe pas dans notre pays. Nous ne sommes pas aidés par des macronistes qui acceptent sans broncher de laisser des vice-présidences à l'extrême droite. Nous ne sommes pas aidés par un Gérald Darmanin qui nous dit que Marine Le Pen est trop « molle ». Nous ne sommes pas aidés par un projet de loi immigration qui reprend les idées les plus rances de l'extrême droite.
Mais alors, serions-nous au moins unis, dans l'Union européenne, par un désir de paix ? Cela nécessiterait de ne plus faire partie de l'Otan, laquelle s'inscrit dans une stratégie américaine d'escalade des tensions à travers le globe, de défendre le cadre multilatéral de l'ONU, de mettre un terme aux exportations d'armes aux régimes oppressifs ou encore de soutenir et de défendre le traité sur la non-prolifération des armes nucléaires. Voyez, en ce moment, notre incapacité à appeler ensemble à un cessez-le-feu permanent au Proche-Orient.
Serions-nous au moins unis face au réchauffement climatique et à l'effondrement de la biodiversité ? Il est vrai qu'à la fin des années 1980, l'Union européenne avait présenté la protection de l'environnement comme le troisième de ses piliers. Mais comment cela pourrait-il être compatible avec le culte de la concurrence libre et non faussée ? Tous les experts s'accordent à dire que l'objectif de baisse de 55 % des émissions de gaz à effet de serre d'ici à 2030 ne sera pas atteint. Encore tout récemment, l'acharnement à maintenir le glyphosate en Europe montre bien que la question environnementale n'est franchement pas prioritaire.
Emmanuel Macron a toujours cédé sur tout – quand il n'a pas bataillé ferme en coulisses pour le pire – et a fait de la Conférence sur l'avenir de l'Europe un simple exercice de communication sans objectif clair de révision des traités.
Avant de vouloir absolument discuter de possibles élargissements de l'Union européenne, il faut parler de l'Europe que nous voulons et d'une révision sérieuse des traités. Tout le reste n'est que paillettes, licornes et compagnie.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Lisez donc des extraits du discours sur l'Europe tenu par Philippe Séguin à cette tribune : ce sera amusant !
Nous sommes réunis ce soir afin d'examiner la proposition de résolution européenne relative aux suites de la Conférence sur l'avenir de l'Europe. Initialement soumise à l'examen de la commission des affaires européennes, qui l'a adoptée le 14 juin dernier, cette proposition de résolution a été retravaillée par la commission des affaires étrangères en juillet avant que cette version nous soit présentée en séance publique.
Le groupe Les Républicains salue cette initiative. Il est en effet particulièrement important que notre assemblée se saisisse de cette occasion afin de se positionner sur des propositions susceptibles de modifier profondément le fonctionnement de l'Union européenne dans les années à venir, et ce à quelques mois de l'élection d'un nouveau Parlement européen et de l'installation d'une nouvelle Commission.
Les prochaines élections européennes seront en effet un rendez-vous majeur pour l'Union et orienteront le chemin qu'elle souhaite prendre pour son avenir. Le mandat du Parlement et celui de la Commission européenne qui s'achèvent auront été marqués, je l'ai rappelé lors de l'examen en commission, par deux événements majeurs : la mise en œuvre du Brexit, pour la première fois de son histoire un État membre choisissant de quitter l'Union européenne, et le retour de la guerre en Europe du fait de l'invasion de l'Ukraine par son voisin russe. Face à ces événements, chacun ressent un besoin de faire évoluer l'Union afin qu'elle réponde aux différents enjeux auxquels nous sommes confrontés.
Comme vient de le rappeler le président et rapporteur de la commission des affaires étrangères, la Conférence sur l'avenir de l'Europe, lancée le 9 mai 2021, s'est achevée le 9 mai 2022, après un an de travail. Elle se traduit par 49 propositions citoyennes réparties en plus de 300 mesures concrètes pour faire évoluer l'Union européenne – pour certaines d'entre elles, une modification des traités sera d'ailleurs nécessaire.
Ces propositions sont très disparates, allant de la limitation de la pollution lumineuse à la promotion d'un régime alimentaire végétal, en passant par la formation aux premiers secours, les traitements de l'infertilité, la sensibilisation des citoyens à la désinformation, la révision du « système de Dublin », le développement des petites destinations touristiques, l'écoscore ou encore le renforcement du rôle du haut représentant.
Malgré leur regroupement en neuf grands thèmes, il est parfois complexe de s'y retrouver en raison d'un manque de hiérarchisation des urgences. Nos concitoyens européens ont su faire preuve d'une grande imagination, rendant la partie consacrée à la démocratie européenne particulièrement intéressante, surtout s'agissant du processus décisionnel de l'Union. Néanmoins, on sent qu'ils ont été très bien pris en charge, tant le verbiage européen peuple leurs propositions.
Au nom du groupe Les Républicains, je souhaite rappeler certains points qui nous paraissent essentiels et font d'ailleurs l'objet de plusieurs amendements. Tout d'abord, nous nous opposons à tout élargissement de l'Union avant une réforme institutionnelle, considérant que cela peut difficilement se faire conjointement. Comme l'a rappelé l'ancien Premier ministre Édouard Balladur dans une note publiée en juin – et que je vous invite tous à lire évidemment : « Mieux vaut stopper la fuite en avant et se mettre d'abord au clair avec nos partenaires sur nos objectifs à long terme. » Nous souhaitons rappeler qu'intégrer l'Union européenne se fait selon un processus que les États membres ont validé et accepté et qui vaut également pour les pays candidats qui ont accepté de se plier aux exigences de l'Union. Ce processus est long, complexe et ingrat pour les candidats, nous en avons conscience, mais il est la garantie que l'Union conserve les valeurs et les objectifs qui ont prévalu à sa construction.
Ensuite, concernant le passage de la règle de l'unanimité à la majorité qualifiée, nous demandons que cela ne soit pas systématique, mais au cas par cas selon les sujets. Penser que la règle de l'unanimité est une des causes essentielles des blocages de l'Union n'est pas sérieux : ceux que nous constatons sont essentiellement le fruit de visions différentes des États membres. Ce n'est pas nouveau au sein de la construction européenne, mais c'est aussi le prix à payer d'un élargissement que nous avons tous souhaité et soutenu.
« Non ! Non ! » sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES.
Ces blocages sont également le résultat d'élections démocratiques au sein des pays de l'Union que nul ne saurait contester.
Je rappelle que les domaines concernés encore par la procédure d'unanimité ne sont pas des moindres si l'on considère nos opinions publiques et notre souveraineté : fiscalité, sécurité, protection sociale, affaires étrangères, défense, justice, affaires intérieures et bien sûr modification des traités ou adhésion des futurs membres. Nous ne sommes pas opposés à l'élargissement des domaines ouverts à la procédure de la majorité qualifiée, mais nous souhaitons rappeler que les futures adhésions, entre autres questions, doivent absolument requérir l'unanimité.
Dans le cadre d'une réforme institutionnelle et d'un élargissement du recours à la majorité qualifiée, Les Républicains souhaitent par ailleurs rappeler leur attachement au respect du poids démographique des États membres dans le processus décisionnel européen et qu'il serait inacceptable que la France abandonne son commissaire européen de plein droit et de plein exercice.
Notre vote sur cette proposition de résolution européenne dépendra du sort de nos amendements en séance. Nous nous attacherons à faire respecter une position réaliste et équilibrée, celle d'une France forte dans une Europe forte, bien loin de l'enthousiasme fédéraliste de la majorité mais aussi de la vision rabougrie de notre avenir commun portée par les populistes des deux extrêmes.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
Le groupe Démocrate votera en faveur de cette proposition de résolution européenne. Je voudrais construire mon intervention en trois actes : tout d'abord, l'écoute ; ensuite, l'impérialisme ; enfin, les apprentis sorciers.
La Conférence sur l'avenir de l'Europe a permis d'écouter les citoyens européens, une première. Les critiques sont faciles. Ce n'était ni le café du commerce, ni un projet de traité clef en main, ni non plus la prise de la Bastille. Quant à la représentativité critiquée, je rappelle que 40 000 personnes sur 500 millions d'Européens, c'est d'un rapport à peu près dix fois supérieur à 577 députés pour 67 millions de Français.
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe RN.
Je ne remets rien cause. Je fais seulement un calcul.
La Conférence sur l'avenir de l'Europe recèle des contradictions que tout le monde a relevées. Elles sont nombreuses, c'est normal, nous sommes en Europe. Mais au-delà de ses contradictions, elle a créé un espace public européen que nous appelons tous de nos vœux. Cette démarche de l'écoute est lente ; elle a besoin de temps. Cette démarche d'écoute est novatrice ; elle a donc besoin d'expérimentations. Cette démarche d'écoute est contradictoire, conflictuelle ; elle a donc besoin de bienveillance et d'unité. La Conférence sur l'avenir de l'Europe, mes chers collègues, me rappelle les premiers jumelages qui se sont multipliés après la guerre entre la France et l'Allemagne.
C'était alors les mêmes doutes et les mêmes espoirs chez les citoyens.
Je voudrais contrer une petite musique qui monte aujourd'hui : l'élargissement de l'Union européenne, ce n'est pas un nouvel impérialisme de l'Ouest qui serait opposé à l'impérialisme moscovite. Il est le fruit de valeurs patiemment identifiées et prudemment partagées.
Et ces valeurs redeviennent évidentes dans le fracas de l'agression. Chez les impérialistes, le soldat est un mercenaire, un travailleur de la mine, un prisonnier de droit commun ; dans nos démocraties, le soldat est une citoyenne ou un citoyen d'abord. Dans l'impérialisme, l'histoire est une arme et une assignation à résidence ; dans nos démocraties, l'histoire est une science et un débat. Dans l'impérialisme, la frontière est une zone grise, « une marge », comme ils disent ; dans nos démocraties, c'est une ligne claire qui marque autant la limite de nos droits que l'étendue de nos devoirs et de nos responsabilités. Elle ne définit pas le territoire d'une nation de droit divin ou ethnique ni même linguistique, mais celui d'une nation de citoyens responsables. Dans l'impérialisme, la mobilité est contrainte sous la forme d'un exil intérieur ou extérieur, voire sous celle d'un nettoyage ethnique ; dans nos démocraties, c'est Erasmus, la bicitoyenneté, l'ouverture, la liberté créatrice.
Nos terres d'Europe sont belligènes car ce sont des terres de migrations et de conflits depuis des millénaires. Que voulons-nous ? La paix de l'empire, la paix coloniale, le silence des agneaux ou la paix de la coopération malgré les divergences ? Et comment avons-nous construit l'Europe ? Pas avec des chars, pas à coups de conquêtes, mais avec du panache et de l'audace, patiemment, par vagues successives. Chacun son rythme, chacun son moment, chacun ses raisons.
Sourires.
Le processus d'élargissement fait pleinement partie du projet de construction européenne.
Enfin, mes chers collègues, la peur est toujours mauvaise conseillère. L'Europe s'est toujours construite en prenant le contre-pied des marchands de peur. Certes, nos concitoyens peuvent avoir peur aujourd'hui. Certes, nos concitoyens doutent de plus en plus du politique et de la bureaucratie.
Mais certains jouent avec ces peurs en usant de mots creux qui n'ont pour seul but que de façonner un électorat pavlovien à leur solde ! Ils conduisent nos concitoyens à l'irresponsabilité et à l'inconscience ! Marc Sangnier se retourne dans sa tombe ! Ils veulent qu'on les trouve gentils et sympas pour quelques minutes au journal de vingt heures. Ils veulent une Europe du minimum : l'Europe des sourds aux appels du monde et de la planète, l'Europe des aphones qui ne savent plus énoncer ni même penser à force de hurler des slogans prémâchés ! C'est l'Europe de l'instantané, celle des enfants gâtés, des égoïsmes sourds aux appels de la jeunesse !
Nous, nous proposons une Europe aux citoyens tenaces qui cherchent à résister au chaos du monde, qui cherchent à sauver la planète et à lutter contre les inégalités !
Jean Monnet disait : « L'Europe se fera dans les crises et elle sera la somme des solutions apportées à ces crises. » Au travail, citoyens !
Applaudissements sur les bancs des groupes Dem et RE – M. Pieyre-Alexandre Anglade, rapporteur, applaudit également.
Face au retour de la guerre sur le sol européen et à l'heure où l'ordre international issu de l'après seconde guerre mondiale est contesté de toute part, l'Union européenne doit, pour ne pas subir, s'affirmer comme un acteur politique international résolu. Pour poursuivre son expérience démocratique à l'échelle du continent, de plus en plus d'acteurs appellent les États à se prêter, à nouveau, à l'exercice consistant à inscrire, dans le marbre des traités, les principes qui baliseront notre destin commun pour les décennies à venir. Comme en 1957, année où la fondation des Communautés européennes avait suivi de près la crise de Suez qui avait acté le déclassement des anciennes puissances française et britannique, ce sont à nouveau des évènements extérieurs remettant en question la place des États européens qui permettront, peut-être, de donner à ces derniers l'impulsion décisive pour penser à nouveau leur destin commun.
L'Union européenne se retrouve peu ou prou face au même dilemme qu'en 2001, quand elle préparait l'entrée de dix nouveaux États membres d'Europe centrale et orientale. À l'époque, le nécessaire processus d'élargissement devait être précédé d'un indispensable approfondissement des institutions communes. En 2023, la sécurisation du voisinage de l'Union européenne passe par la refonte des règles du processus d'élargissement pour assurer l'intégration rapide des pays candidats. Or l'intégration de pays dans une Union qui compterait trente-cinq membres ou plus ne pourra se faire, selon nous, sans une réforme d'ampleur des institutions européennes.
Le processus d'intégration, depuis la crise financière de 2008, la crise du covid-19 et la guerre en Ukraine, a trouvé des voies ad hoc, hors révision des traités, pour avancer, en instaurant par exemple un quasi-fonds monétaire européen, des emprunts communs pour financer un budget exceptionnel, des procédures d'achats communs de vaccins ou encore un financement commun d'équipements militaires pour l'Ukraine. Mais l'ampleur des défis actuels semble telle qu'ils ne paraissent pas pouvoir être relevés de manière incrémentale ou éparse. Ils nécessitent de nouveau une construction d'ensemble qui ne peut passer que par une démarche politique. C'est l'objet en partie de la Conférence sur l'avenir de l'Europe, et surtout des suites qui vont lui être données.
Aux côtés de nos collègues socialistes du Parlement européen, nous sommes très prudents sur l'un des termes utilisés exprimant l'idée d'une adhésion « fractionnée » des nouveaux entrants : nous préférons le terme « graduelle », qui correspond à l'idée développée dans le reste du texte de la proposition de résolution européenne. Il n'en reste pas moins que celle-ci va dans le bon sens et décrit clairement la nature graduelle souhaitable du prochain processus d'élargissement. Le processus d'adhésion devra être flexible, les futurs États membres devant fournir des garanties de solidarité géopolitique et d'allégeance aux principes et droits fondamentaux fondateurs de l'Union européenne. Cela doit permettre à la fois une intégration rapide des États concernés tout en apportant à l'Union européenne et à ses actuels États membres des garanties géopolitiques et démocratiques ainsi que des garanties en matière de droits fondamentaux.
La proposition de résolution européenne préconise également la simplification des modes de prises de décisions de l'Union européenne.
Enfin, elle « exhorte les institutions européennes à se saisir pleinement des recommandations de la Conférence sur l'avenir de l'Europe en convoquant une convention pour la révision des traités ».
Pour toutes ces raisons et comme ils l'ont fait lors de l'examen du texte en commission, les membres du groupe Socialistes et apparentés, toujours au rendez-vous de la construction d'une Europe plus forte, plus juste, plus protectrice et qui rassemble les peuples, voteront le texte de cette proposition de résolution européenne. .
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE, Dem et HOR. – M. Jean-Louis Bourlanges, rapporteur, applaudit également
La Conférence sur l'avenir de l'Europe a représenté bien plus qu'un simple exercice démocratique puisqu'elle a formalisé une vision commune, partagée par le plus grand nombre, du chemin que l'Union européenne doit prendre pour la prochaine décennie. Le groupe Horizons et apparentés soutient les constats de la proposition de résolution quant à la nécessité de valoriser le travail réalisé par les citoyens et d'enjoindre aux institutions européennes de renforcer le suivi de la réalisation des recommandations de la Conférence. Nous soutenons ainsi les conclusions reprises dans le discours du Président de la République lors de la clôture de ses travaux.
M. Hadrien Clouet s'exclame.
Deux d'entre elles sont essentielles, à la fois pour renforcer l'efficacité des décisions du Conseil de l'Union européenne et pour asseoir la légitimité du Parlement européen.
D'abord, il est proposé de généraliser le vote à la majorité qualifiée au sein du Conseil. Cela répond à un besoin d'efficacité là où l'unanimité rend les décisions du Conseil particulièrement difficiles, notamment sur les sujets budgétaires. Toutefois, cette rapidité décisionnelle ne doit pas empêcher les États membres les moins peuplés d'avoir voix au chapitre : il faudra veiller à ce qu'ils ne soient pas privés de leur influence en révisant les règles de la majorité qualifiée.
Le groupe Horizons et apparentés soutient ensuite la création d'un pouvoir d'initiative législative pour le Parlement européen. En effet, les députés européens, élus au suffrage universel direct, ne peuvent pas déposer directement des propositions de règlement ou de directive. Cette situation pose le problème d'une apparente incohérence entre leur légitimité démocratique, résultant d'un mandat électif direct, et leur pouvoir effectif dans le processus législatif européen. Une telle dissonance remet en question la pleine réalisation du principe démocratique au sein des institutions de l'Union européenne.
Ces réformes, gage d'efficacité et de légitimité pour l'Union européenne, ne peuvent se faire sans une révision des traités. C'est pour cela que nous soutenons la résolution du Parlement européen du 22 novembre dernier invitant le Conseil à se prononcer sur ce point. Car, au-delà de l'efficacité et de la légitimité, la question de l'adhésion de l'Ukraine à l'Union européenne ravive le débat sur l'élargissement. Encore une fois, la proposition de résolution européenne qui nous est soumise présente des solutions intéressantes. L'élargissement de l'Union doit pouvoir se faire en respectant un certain nombre de conditions, et selon une procédure adaptée.
La première condition à l'élargissement doit être le respect, par les États candidats, des valeurs fondamentales et des objectifs de l'Union européenne, inscrits dans la Charte des droits fondamentaux, dans nos traités et dans nos engagements internationaux. Ces valeurs sont une force face aux dangers que les régimes autoritaires en tout genre font peser sur nos démocraties, et nous devons les protéger tant à l'intérieur de nos frontières que dans notre voisinage proche. Aussi ne peut-on pas se satisfaire d'une procédure d'entrée dans l'Union qui laisse les États candidats introduire seuls, pendant des années, les acquis de l'Union européenne, sans contrepartie. Une adhésion graduelle, proposée dans le texte, permettrait aux États méritants de bénéficier, en fonction de leurs progrès, de politiques européennes ciblées selon leurs besoins.
Chers collègues, il devient crucial de garantir la légitimité et l'efficacité de nos institutions pour faciliter l'élargissement de l'Union et, plus largement, pour défendre l'autonomie stratégique et la sécurité de notre continent. C'est pour cela que le groupe Horizons et apparentés votera en faveur de la proposition de résolution européenne.
Applaudissements sur les bancs des groupes HOR et Dem et sur plusieurs bancsdu groupe RE. – M. Jean-Louis Bourlanges, rapporteur, applaudit également.
L'Europe s'est bâtie, après la seconde guerre mondiale, sur un pilier : la paix. La guerre en Ukraine ébranle cette idée, et je crois que les nouvelles générations n'adhéreront plus au projet européen pour la seule raison que l'Europe nous protégerait à tout jamais des conflits.
Depuis le déclenchement de cette guerre, on a vu à quel point l'Union européenne peinait à avancer sur des sujets aussi importants que la défense ou la politique extérieure communes. La crise du covid-19, qui avait confronté nos systèmes de santé à de grandes difficultés, avait également mis à l'épreuve notre modèle de coopération et de solidarité européenne. Certes, ce fut l'occasion de desserrer, pour la première fois, le corset du pacte budgétaire et de mettre en place un emprunt commun pour relancer l'activité, mais nous avons aussi pu constater que l'Europe était incapable de rompre avec le paradigme libéral sur lequel elle avait été fondée comme de sortir d'une logique de dépendance économique, alors que la mondialisation avait mis à mal la production d'une série de produits essentiels, notamment de médicaments, dans nos pays.
Toutes ces crises ont révélé que le modèle de l'Union européenne est profondément ébranlé – je suis d'ailleurs plus attaché au projet européen qu'à l'organisation en tant que telle.
Depuis plusieurs années, nous faisons face à d'autres difficultés. L'Union est prise de crispations et d'hésitations sur des sujets tels que l'aide aux Palestiniens ou l'accueil des réfugiés – des sujets qui renvoient à la crise identitaire qui frappe les pays membres. Un populisme d'extrême droite, qui surfe sur cette crise identitaire, progresse dans tous nos États-nations, et l'Union européenne ne répond pas vraiment au problème. L'idée internationaliste, qui insiste sur l'intérêt de mettre des institutions en commun et sur la nécessité de dépasser son lieu de naissance pour essayer de construire des choses ensemble, ne convainc plus.
Toutes ces lacunes doivent nous faire réagir, nous qui sommes attachés au projet européen ; elles doivent nous forcer à réfléchir. Le couple franco-allemand dont on a souvent fait le moteur de l'Union européenne, capable de la mettre en mouvement et faire progresser, est en panne – pour ne pas dire plus. La Conférence sur l'avenir de l'Europe était certes prometteuse, mais elle n'a pas répondu aux attentes des peuples européens. Il faut donc réviser le processus de prise de décision. Nous, écologistes, avons toujours souhaité aller vers une intégration européenne plus large, mais nous nous interrogeons sur les risques d'une adhésion trop rapide ; ce débat, déjà ancien, existe dans plusieurs pays de l'Union.
Révisons les traités européens pour pouvoir enfin donner au Parlement européen la place qu'il mérite et sortir du principe d'unanimité qui nous freine, mais demandons-nous aussi s'il nous faut construire un nouveau traité pour approfondir davantage la démocratie européenne. Il faut en particulier revoir les dispositions qui font penser à nos concitoyens que l'Europe est surtout là pour serrer la bride des États quand ils décident de lancer des politiques de relance, des politiques sociales, des politiques de progrès. Si nous restons coincés dans le paradigme néolibéral, nous n'arriverons pas à convaincre nos concitoyens qu'il faut une démocratie européenne plus forte et que c'est la réponse supranationale, internationaliste, qui nous permettra de parer aux grands défis que nous vivons.
Le groupe Écologiste soutient l'intégration européenne ; nous souhaitons d'ailleurs un agenda économique, social et écologique beaucoup plus ambitieux. Cependant nous sommes à un moment crucial où il nous faut nous demander si l'Union européenne a répondu à nos attentes. Avant d'élargir encore son périmètre, comment pouvons-nous la rendre plus démocratique, plus intégrée, plus accomplie ? Nous devons poser les bonnes questions, qui permettront à l'idée européenne de rester une idée d'avenir pour les générations futures.
Applaudissements sur les bancs du groupe Écolo – NUPES.
Au sortir de la seconde guerre mondiale, traumatisés par le nazisme, les pères fondateurs de l'Europe nous promettaient paix et prospérité. Nous n'avons aujourd'hui ni l'une, ni l'autre. Pire, l'extrême droite revient en force, avec les croix gammées, le racisme et les défilés avec des barres de fer. Ce climat nous ramène à nos pires tourments : une économie de guerre, érigée en priorité absolue, et des peuples, dont le nôtre, qui paient au prix fort les conséquences de la guerre en Ukraine – une guerre qui s'inscrit dans la durée sans aucune initiative diplomatique en vue.
La pauvreté s'installe aussi. Plus de 95 millions de personnes dans l'Union européenne, soit 22 % de la population, sont menacées de pauvreté ou d'exclusion sociale. Les Français pressentaient cette situation en 2005, lors du référendum sur un traité scélérat qu'ils rejetaient avec courage – et avec le soutien total du Parti communiste français. Mais la droite, revenue au pouvoir en 2007, les a trahis : le traité a été réintroduit, malgré l'opposition des groupes communistes de l'Assemblée nationale et du Sénat.
Ces traités européens ont conduit nos compatriotes à être mis en concurrence avec les travailleurs des pays à bas coût, et la désindustrialisation de la France s'est accélérée, à l'image de l'usine Bridgestone de Béthune, délocalisée avec la bénédiction et les financements de la Commission européenne. Et vous nous proposez maintenant d'élargir l'Union à des pays comme la Moldavie, où le salaire moyen s'élève à 50 euros ! Pour nous, c'est non. Nos grandes entreprises publiques comme France Télécom, La Poste ou EDF ont aussi été démantelées. D'ailleurs, s'agissant de l'électricité, chapeau ! Les tarifs ont explosé, avec une augmentation de 70 %, alors que nous pouvons produire l'électricité la moins chère et la plus décarbonée d'Europe ; et aujourd'hui, vous voulez faire la même chose avec la SNCF.
Le bilan est accablant. C'est toute la nation française qui se trouve affaiblie, perdant sa souveraineté dans des domaines clés : sanitaire, industriel, énergétique, alimentaire… En plus de cela, nos services publics sont fragilisés.
S'agissant de l'immigration, les vingt-sept pays de l'Union préfèrent construire un mur, une forteresse contre les migrants, plutôt que d'agir de façon responsable et humaine ; et ce sont les mafias qui prennent la main. C'est sur ce terrain de crise sociale et de désespérance que prospère l'extrême droite, avec ses milices violentes, racistes et antisémites qui, semaine après semaine, contestent les institutions et appellent au désordre.
La menace est là, immense. C'est pourquoi nous, communistes, remettons en cause l'essence libérale d'une Union européenne qui porte atteinte à la souveraineté des nations, aux choix démocratiques des peuples, à la paix et à la fraternité humaine. Plutôt que la course au profit et la concurrence libre et non faussée, nous proposons, nous, une union des nations et des peuples libres et souverains, qui coopèrent entre eux. Ce choix est d'autant plus vital que la logique du profit nous empêche d'investir dans la nécessaire révolution écologique.
C'est pourquoi nous rejetterons le retour annoncé des règles budgétaires d'austérité. Nous voulons au contraire reprendre la main sur l'argent en permettant à la Banque centrale européenne de prêter aux États à taux zéro, voire à des taux négatifs, en fonction de critères sociaux et environnementaux. Avec nous, la France retrouvera sa totale maîtrise en matière d'énergie et de sa tarification – il faut faire baisser de 50 % les factures des familles, des communes et des entreprises.
Nous voulons protéger le travail de nos concitoyens, nous voulons protéger nos entreprises, nos services publics et nos conquêtes sociales telles que la sécurité sociale ou la retraite. Nous voulons reprendre le contrôle sur l'économie : aucune délocalisation, aucune régression sociale ne doit être acceptée au nom de l'Europe. Nous voulons reconquérir notre souveraineté alimentaire et défendre les productions locales venant de nos champs et de nos océans. Avec nous, les accords de libre-échange, comme celui avec la Nouvelle-Zélande, seront revus, contestés et abandonnés. Nous serons implacables en matière de lutte contre la corruption, contre la fraude et l'optimisation fiscale qui coûtent tous les ans 100 milliards d'euros au budget de la nation. Enfin, la force de la France, en Europe, ce n'est pas d'avoir « une guerre d'avance », mais plutôt d'être une force de la paix, une force diplomatique, respectée et écoutée – au Proche-Orient, en Ukraine et au Caucase.
Voilà le sens d'un projet européen que les communistes ont toujours défendu et continueront à défendre. Lors des prochaines élections européennes, avec la liste conduite par Léon Deffontaines, nous reprendrons la main sur nos choix politiques et économiques. Le groupe GDR – NUPES votera contre la proposition de résolution européenne.
Applaudissements sur les bancs du groupe GDR – NUPES.
Le groupe LIOT défend une construction européenne au service des peuples. Nous souhaitons une Europe démocratique, qui respecte l'État de droit et les droits de l'homme, une Europe sociale et culturelle au service du progrès humain, une Europe basée sur la subsidiarité, ce principe qui énonce que les compétences doivent être exercées à l'échelon le plus pertinent, principe dont la France ferait bien de s'inspirer, tant notre pays est centralisé.
Malgré toutes ses réussites, l'Union est vivement critiquée. Les uns estiment qu'elle est l'outil d'une technocratie libérale qui ne consulte pas les peuples, les autres qu'elle ne sert à rien et qu'elle bride les souverainetés nationales.
Demandez donc aux Britanniques si elle a bridé leur souveraineté. Ils l'ont reprise cette souveraineté. Sont-ils plus heureux ? Après l'ivresse vient la gueule de bois ! Il arrive un moment où les nationalismes peuvent jouer contre les peuples. Le nationalisme français, l'un des plus puissants, peut donc jouer contre le peuple français, comme le nationalisme anglais a joué contre les nations du Royaume-Uni.
L'Union européenne est-elle à l'arrêt ? Ce serait avoir bien peu de considération pour cette jeune dame qui, en moins de trois quarts de siècle, a créé une union douanière, une union monétaire, rassemblé vingt-sept États et nous a préservés des guerres.
Tous les trente ans environ, les Allemands, les Français et les Britanniques se faisaient la guerre. Sous Charles Quint, Adolf Hitler, Napoléon, Louis XIV et bien d'autres, l'Europe a été le champ de bataille de guerres intestines, on pourrait même dire de guerres civiles – comme la guerre de Trente Ans. Or, depuis soixante-dix ans, ses pays sont en paix. La responsabilité de la guerre en Ukraine ne revient pas à l'Europe, mais à la Russie, qui a cru qu'elle pouvait faire ce qu'elle voulait dans son ancien hinterland, si j'ose dire, ce qui n'est visiblement pas le cas.
Je ne vois pas en quoi il serait gênant que l'Europe cherche à agréger d'autres pays qui n'ont, certes, parfois pas encore atteint notre niveau de développement, mais que nous souhaitons aider. Si elle ne le faisait pas, on pourrait aussi lui reprocher, comme certains l'ont fait, de se replier sur elle-même et de refuser de regarder les affaires du monde. C'est impossible car nous vivons dans un monde global !
Certains estiment que la France pourrait se débrouiller toute seule. Certes, elle est le seul pays de l'Union européenne disposant d'une armée capable de se déployer à l'étranger, mais que pèse la France face à la Russie, à la Chine ou aux États-Unis ? Peu de choses. La France n'est plus une grande puissance, il faudrait l'accepter. Nous avons besoin des autres pays européens pour éviter qu'un jour, nous nous retrouvions sous la coupe des États continents qui mènent désormais le monde.
Il faut donc envisager cet élargissement, sans brader nos valeurs.
La proposition de résolution plaide aussi pour la simplification des procédures de décision avec l'utilisation de clauses passerelles ou le vote à la majorité qualifiée. Cette méthode favorisera la recherche de compromis ; c'est une bonne chose.
Enfin, le groupe LIOT soutient avec force la proposition de confier au Parlement européen un droit d'initiative législative. Il faut avancer vers des institutions plus démocratiques. Le Conseil des ministres, comme le Conseil des chefs d'État et de gouvernement, est très puissant, et la Commission européenne est finalement un instrument davantage au service des États que du Parlement. C'est pourquoi il faut renforcer les pouvoirs du Parlement, expression du peuple, qui écoutera un peu plus ce dernier que la Commission – on ne peut que regretter qu'elle ait rejeté certaines propositions du Parlement.
Il faut voter cette résolution européenne. À défaut de tout simplifier, c'est un petit pas de plus vers cette Europe qui est notre avenir.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR.
À la grande époque de l'Union soviétique, à chaque fois que le communisme se fracassait sur la réalité de son échec, les dignitaires du parti appelaient à davantage de communisme et s'enfonçaient un peu plus. Cette résolution participe de la même démarche suicidaire : l'Union européenne bureaucratique de Bruxelles maltraite les peuples, ne fonctionne pas, et il faudrait, selon vous, donner plus de pouvoirs à cette oligarchie qui mène le continent dans le mur.
C'est tout d'abord le mur de l'élargissement sans fin, à trente-cinq pays – pure folie. C'est ensuite le mur d'une construction supranationale, hors-sol, bâtie contre les peuples. Au deuxième point de la proposition de résolution – à son alinéa 22 – vous osez recommander s'agissant du processus décisionnel de l'Union, « la mise en place pérenne des mécanismes de démocratie participative avec la poursuite et l'approfondissement du système des panels citoyens ». C'est extraordinaire, si ce n'était pas tragique, ce serait comique, car chaque fois que les peuples ont voté par référendum, l'Union a bafoué leur décision – souvenons-nous du référendum de 2005 en France et du traité de Lisbonne en 2008.
Quelle est la réalité ? L'Union européenne telle que vous l'avez construite n'a plus rien à voir avec la belle idée de départ, de réconciliation et de paix. Votre construction, déjà supranationale, est un fiasco complet que les citoyens vivent au quotidien : suppression des frontières et chaos migratoire ; multiplication des accords de libre-échange déloyaux qui aboutissent à un désastre industriel et écologique ; politique énergétique suicidaire pour la France, qui a torpillé notre atout nucléaire et ruiné nos PME ; coût de plus de 10 milliards d'euros net par an, exorbitant pour notre pays – nous sommes l'un des contributeurs nets les plus importants, subventionnant nos concurrents et la délocalisation de nos usines !
Et vous voulez aller encore plus loin en instaurant un exécutif européen avec un président non élu par nos concitoyens, aux pouvoirs démesurés, en supprimant le droit de véto en matière de politique étrangère et dans quantité d'autres domaines, et en passant à la majorité qualifiée, qui serait la fin de l'assurance démocratique de nos nations.
Pire encore, vous voulez créer une armée européenne qui pourrait nous entraîner dans des guerres qui ne sont pas les nôtres, ou autoriser l'état d'urgence européen, qui augmenterait encore davantage les pouvoirs liberticides de Bruxelles en cas de crise. Vous voulez céder la quasi-totalité des compétences des États à l'Union européenne, dans les domaines de l'éducation, de la santé publique, de l'énergie, de l'industrie, de la défense, de la sécurité extérieure, et assurer une mainmise absolue de l'Union dans le domaine environnemental.
Si, par malheur, cette révision était adoptée, elle transformerait l'Union européenne en un État fédéral autoritaire
MM. Jean-Paul Mattei et Romain Daubié s'exclament
car il n'y a pas de peuple européen, ni de langue européenne ; il n'y a pas de démocratie européenne. Un tel projet signerait la fin de nos souverainetés nationales et donc de nos démocraties, complètement vidées de leur substance.
Il y a toujours eu deux façons de construire l'Europe : la fuite en avant supranationale, qui aboutit à l'échec d'aujourd'hui, à la révolte des peuples, à leur colère, d'une part, et, d'autre part, la coopération intergouvernementale, privilégiée par le général de Gaulle, au sein d'une Europe à la carte, autour de projets concrets, respectant la souveraineté des nations.
M. Romain Daubié s'exclame.
C'est la seule possible, la seule qui fonctionne, nous en avons la preuve.
En adoptant une telle révision, vous ferez disparaître la France ;
M. Jean-Paul Mattei et Mme Sabine Thillaye protestent
moi, je veux la faire renaître. Vous voulez la reléguer au rang de simple région ; moi, je veux lui redonner son indépendance, la maîtrise de ses frontières, de son budget, de ses lois, de sa politique étrangère.
Cela n'interdirait en rien, cher collègue Molac, la coopération autour de beaux projets. Le grand paradoxe de votre Union européenne, c'est que tous ses grands projets ont échoué : elle n'a pas su développer les capacités technologiques de l'Europe, pas plus qu'elle n'a abouti dans la lutte contre la pauvreté en Afrique. Seuls les projets intergouvernementaux ont porté leurs fruits.
L'histoire nous a prouvé à maintes reprises que les consciences finissent heureusement toujours par s'éveiller et que les constructions antidémocratiques finissent toujours par s'effondrer. C'est pourquoi nous devons nous opposer de toutes nos forces à ce texte et, surtout, réclamer un référendum ! Oserez-vous soumettre au référendum une réforme à laquelle vous savez que les peuples sont profondément hostiles ?
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
J'appelle maintenant, dans le texte de la commission, l'article unique de la proposition de résolution européenne.
Cette conférence – cette mascarade – sur l'avenir de l'Europe, et la proposition de résolution avalisant ses conclusions, sont résolument fédéralistes. Vous nous proposez, encore une fois, de substituer à la souveraineté nationale la technocratie européiste. Vous piétinez la vie des Français, comme vous l'avez déjà fait en 2005, en leur imposant une Union européenne déconnectée et autoritaire qui tend à devenir une fédération dans laquelle vous voulez dissoudre nos nations.
Les Français doivent bien comprendre l'enjeu de ce débat : en supprimant la prise de décision à l'unanimité au Conseil, l'Union européenne pourrait contraindre la France à accepter ce qu'elle ne veut pas ou, pire, ce qui va contre ses intérêts. Ainsi, on pourrait nous obliger à abandonner le nucléaire, à entrer en guerre au sein d'une armée européenne, ou nous imposer des quotas de migrants.
L'élargissement des compétences de l'Union européenne aux domaines de la santé, de la politique étrangère, de la défense, de l'énergie et de l'immigration empiète une fois encore sur notre souveraineté. Nous refusons que les Français perdent tout pouvoir sur ces politiques fondamentales.
Le Rassemblement national défend une Europe des nations, qui respecte notre souveraineté, et donc notre liberté, une Europe des coopérations concrètes entre États souverains, et non des petits accords bruxellois conclus contre l'avis des peuples.
C'est pourquoi notre amendement réécrit cette proposition de résolution, afin de respecter pleinement la démocratie, la liberté et la souveraineté des États.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
La parole est à M. le rapporteur de la commission des affaires étrangères pour donner l'avis de la commission ?
Vous ne serez pas surpris que mon avis soit défavorable puisque cet amendement propose une réécriture de la résolution sur la base de principes opposés à ceux de la construction européenne, auxquels nous sommes attachés.
Tout diffère entre ce que vous proposez et ce que nous défendons. Ainsi, vous estimez que le passage à la majorité qualifiée remettrait en cause notre indépendance.
Mais, avec l'unanimité, un pays comme la Hongrie, de quelques millions d'habitants, peut s'opposer à la volonté de 450 millions d'Européens ! Vous conviendrez que ce n'est pas satisfaisant !
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE, Dem, HOR et LIOT.
Ne vous trompez pas, la majorité qualifiée, c'est la continuation du consensus par d'autres moyens que l'unanimité : pour disposer d'une telle majorité, il ne s'agit pas battre les autres, il faut les convaincre. La majorité simple, c'est l'affrontement ; la majorité qualifiée, c'est la persuasion, l'adhésion, le mouvement des uns vers les autres.
Mêmes mouvements.
Nous défendons un tel système car il protège la souveraineté des États et l'efficacité de l'Union.
Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes RE, Dem, HOR et LIOT.
Nous parlons de démocratie. Il ne vous aura pas échappé que les peuples éliront bientôt leurs représentants au Parlement européen, vous avez même cité la date de ces élections…
…qui ont lieu tous les cinq ans.
Je vous rappelle que le traité de Lisbonne a été ratifié par les représentants du peuple,…
…par l'Assemblée nationale, ici même. Il s'agissait donc un processus extrêmement démocratique.
Protestations sur les bancs du groupe RN.
J'ajoute que, durant la Conférence sur l'avenir de l'Europe, 50 000 de nos concitoyens ont répondu à la consultation sur la plateforme multilingue. Vous vous moquez vraiment d'eux !
Avis défavorable.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.
Par cet amendement, vous entendez ignorer un processus démocratique qui a donné la parole aux citoyens et produit des résultats : c'est un comble ! Cette consultation a été lancée conjointement par le Parlement européen, par le Conseil de l'Union européenne et par la Commission européenne, ce qui lui confère une vraie légitimité institutionnelle certaine.
C'est un exemple de fonctionnement harmonieux entre la démocratie représentative parlementaire et les citoyens. Un an de travail, 50 000 contributions :…
…ils ont formulé une ambition pour l'Europe. Nous devons l'entendre et être à la hauteur des attentes de nos concitoyens en la traduisant par des changements réels.
Vous ne cessez d'accuser les institutions européennes de confisquer le pouvoir au peuple :…
…qu'y a-t-il de plus démocratique que cette consultation qui a justement écouté nos concitoyens ?
M. Nicolas Dupont-Aignan rit
…faite aux centaines de contributions et à la participation des citoyens à ce processus démocratique. Quand on consacre du temps et des moyens pour assurer une véritable participation démocratique et large, vous la critiquez. Vous vous revendiquez en permanence de la parole du peuple tout en rejetant ce qu'il demande ;…
Et la Convention citoyenne pour le climat, rappelez-nous ce que vous en avez fait ?
Quand la France a abandonné son droit de veto sur certaines parties des accords de libre-échange, elle a très facilement été mise en minorité dans le contexte de l'élargissement. Le début du détricotage de nos services publics et de nos politiques agricole, industrielle et énergétique correspond à l'abandon du droit de veto. Par le jeu des majorités, la France a été contrainte de céder et n'a pas pu défendre ses intérêts.
Vous agitez un mythe : c'est facile. En réalité, la Hongrie, tout comme la France, a le droit de défendre l'intérêt de son peuple. Sinon, nous ne sommes plus une démocratie, et il ne sert plus à rien de voter aux élections législatives ou présidentielles.
Enfin, chère collègue, affirmer, comme vous venez de le faire, qu'une participation de 50 000 citoyens, c'est la démocratie, voilà qui est tellement risible et grotesque quand vous n'osez pas consulter le peuple français depuis 2005. Avouez que c'est un peu cocasse !
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
L'amendement n° 86 n'est pas adopté.
L'article 3 de notre Constitution dispose que « la souveraineté nationale appartient au peuple, qui l'exerce par ses représentants et par la voie du référendum ». Cette mascarade sur l'avenir de l'Europe et le texte que nous examinons aujourd'hui méconnaissent ce principe fondamental de notre République.
Il est inacceptable que des consultations sans valeur légale ni légitimité démocratique se substituent au suffrage des Français qui élisent leurs représentants.
M. Emeric Salmon applaudit
Pire, les Français n'ont pas été consultés par référendum depuis la victoire du « non » en 2005.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RN.
Vous pouvez donc garder vos leçons de démocratie pour vous.
Pourquoi votre gouvernement refuse-t-il sans cesse de donner la parole aux Français ? Par cet amendement, nous souhaitons que l'article 3 de la Constitution soit le premier des textes sur lesquels se fonde la proposition de résolution européenne qui nous est soumise.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN – M. Nicolas Dupont-Aignan applaudit également.
Cet amendement m'étonne : la construction européenne repose sur un principe simple, celui de la souveraineté des États. Les compétences de l'Union européenne sont librement attribuées par les États souverains – c'est le propre des compétences d'attribution. Je ne comprends pas pourquoi vous vous insurgez contre la Conférence sur l'avenir de l'Europe, qui n'a pas aucun pouvoir ni aucun moyen légal ou légitime de transformer l'Union européenne. Les idées qu'elle présente, qui émanent de citoyens librement consultés, sont une source d'inspiration pour les autorités politiques institutionnelles des États souverains, dont nous faisons partie. Pourquoi les citoyens ne pourraient-ils pas s'exprimer et être entendus ? En revanche, le pouvoir de décision demeure ici, à l'Assemblée nationale,…
…et dans les assemblées des différents États membres.
L'Union européenne ne s'oppose pas à la souveraineté,…
…qui permet aux États de tisser des liens entre eux, à condition que ses relations ne soient pas asymétriques et qu'un État n'impose pas sa volonté à un autre dans une logique impérialiste .
M. Jean-Philippe Tanguy rit
Sans cela, il n'y aurait pas de vie internationale, pas de traités, pas de droit international. La souveraineté, grâce au ciel,…
…ce n'est pas la solitude et l'isolement, c'est aussi la coopération et le respect du droit…
Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem.
Vous avez raison d'applaudir le président Bourlanges, il est bon – mais il n'a pas toujours raison !
Nous avons procédé à un transfert de souveraineté limité à certaines compétences, qui a été approuvé par le peuple, par voie référendaire ou par ses représentants.
Messieurs, vous avez la mémoire courte, il y a bien eu des référendums, notamment en 1992.
Par ailleurs, il ne faut pas confondre démocratie participative et démocratie représentative. Nous avons consulté le peuple. Vous nous citez des opinions et des sondages : nous nous inspirons d'une consultation.
Avis défavorable.
En défendant votre amendement, vous ne vous êtes pas contentés d'affirmer que l'avis des 40 000 personnes qui ont participé à la consultation n'était pas légitime :…
…vous avez dit que vous le rejetiez, et vous nous avez demandé de vous imiter.
Si cet avis n'est pas légitime, en France, nous avons bien le Conseil économique, social et environnemental (Cese), qui nous a récemment adressé un courrier sur l'immigration. Tout cela fait partie de nos sources d'inspiration, qui ont toute leur place dans une démocratie participative, dans une démocratie vivante qui respecte les corps intermédiaires, même si, en fin de compte, c'est ici que nous prenons les décisions.
Vous avez évoqué la souveraineté énergétique. Cela fait des décennies que nous avons en partage Entso-e,…
…le réseau européen des gestionnaires de réseau de transport d'électricité, qui va jusque dans les Balkans. Considérez-vous que c'est perdre en souveraineté énergétique d'être phasés jusqu'à l'autre bout de l'Europe, et de risquer le blackout s'il y a un incident en Roumanie ?
Nous l'avons fait ! L'Europe n'empêche pas ce genre d'initiatives, mais les encadre. Ce n'est pas le sujet aujourd'hui.
Avec vous, on se croirait au café du commerce :
Protestations sur les bancs du groupe RN
Vous venez de nous dire qu'il n'y avait jamais eu de référendum en faveur de l'Europe : il y en a eu et qui ont été positifs…
L'Europe s'est construite sur une base institutionnelle, avec patience, depuis soixante-dix ans. Nous pouvons débattre, mais ne niez pas cela, ne faites pas croire des choses qui ne sont pas vraies à nos concitoyens
Protestations sur les bancs du groupe RN
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes Dem et RE.
Je suis très surpris par le discours que vous tenez pour nous rassurer. Vous nous décrivez exactement le processus qui a abouti à la trahison du référendum de 2005 !
Tout avait commencé par la Convention sur l'avenir de l'Europe, à laquelle ont participé M. Valéry Giscard d'Estaing et d'autres personnalités qualifiées. Exactement comme avec la présente consultation, il s'agissait prétendument de trouver des sources d'inspiration. En fin de compte, ils nous ont pondu le projet de Constitution européenne, qui a finalement été présenté au peuple un peu par hasard, puisque nous savons à présent que la main du président Chirac a été pour ainsi dire forcée. Le peuple français a refusé cette Constitution, tout comme les Irlandais et les Néerlandais. Comme vous n'avez pas accepté le résultat du référendum, en passant par le Parlement qui n'aurait pas dû avoir ce pouvoir, vous avez imposé un projet issu d'une initiative qui ne devait être au départ qu'une source d'inspiration, innocente et indolore.
Vous nous expliquez donc que vous en êtes à la première étape du même processus qui a conduit au projet de constitution en 2005 et au reniement du référendum. Vous pensez nous rassurer, mais je suis encore plus inquiet qu'avant vos explications ! Vous reproduisez étape par étape, procédure par procédure, argument par argument ce que vous avez fait en 2005 : nous entendons dénoncer cette méthode.
Vous nous dites que nous nous croyons au café du commerce, mais je préfère être au café du commerce qu'au Rotary club, parmi des petits-bourgeois qui font la leçon au peuple français. Le peuple français a dit non aux petits-bourgeois en 2005 ;…
L'amendement n° 85 n'est pas adopté.
Par cet amendement, nous souhaitons ajouter un alinéa rappelant que les Français ont rejeté le référendum de 2005. Vous qui êtes de grands démocrates, écoutez-les !
M. Petit a déclaré tout à l'heure, sans voir le problème, que la France était un tout petit bout de l'Europe : quelle honte, nous sommes choqués ! D'un seul revers de main, vous avez balayé le référendum, les Français et la France !
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RN.
Les Français vont s'exprimer le 9 juin, et il faudra bien les entendre !
Mêmes mouvements.
Avis défavorable. Cette référence au référendum de 2005 est tout à fait superflue, étant donné qu'il a bien été tenu compte du résultat du référendum de 2005. Il s'agissait de protester – il me semble à raison – contre l'utilisation abusive du terme « Constitution »…
M. Frédéric Mathieu s'exclame.
Ces éléments ne figuraient pas dans le traité de Lisbonne. Je sais de quoi je parle : j'étais l'auteur de la présentation que j'évoque, c'est mon œuvre qui a été bafouée dans cette affaire,…
Mais qu'est-ce que c'est que cette histoire : c'est le peuple souverain qui a voté et vous n'avez pas été « bafoué » !
…donc j'en parle avec tristesse. Ce que vous ne comprenez pas, c'est que le référendum de 2005 n'a eu qu'un seul effet : maintenir le statu quo juridique établi par les traités de Rome, de Maastricht, d'Amsterdam et de Nice, soit tout ce qui a été contesté par les partisans du « non » durant la campagne. Vous avez en effet refusé de tirer les conséquences du résultat : il fallait sortir de l'Union européenne,…
…comme les Britanniques – reconnaissons-leur le courage d'aller au bout de leurs décisions !
Vous vous êtes contentés de critiquer le projet et vous avez choisi de ne surtout rien changer, parce que vous auriez perdu le référendum. Le déni de réalité, il est chez vous !
Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem.
Monsieur Tanguy, je ne cherche absolument pas à vous rassurer. M. le rapporteur l'a déjà dit, tout comme moi : le Parlement vote et il est élu que je sache.
Monsieur Dupont-Aignan, vous parlez de principe de réalité : nous, la réalité, nous la vivons,…
…nous nous y confrontons, je vous remercie !
Le traité de 2005 a été refusé par voie référendaire, mais il a été validé deux ans plus tard par un président de la République qui avait clairement dit pendant sa campagne de 2007 qu'il ratifierait le traité, et pour qui les Français ont voté. Je m'en souviens fort bien, parce que ce n'était pas mon cas !
…mais rappelons tout de même que la fracture démocratique actuelle remonte à ce viol de la souveraineté populaire par le Parlement. N'en déplaise à M. Bourlanges, le traité voté par le Parlement était la copie conforme de ce que le peuple avait rejeté.
La fracture démocratique, la désillusion des Français, le rejet des suffrages et la montée de l'abstention sont nés à ce moment-là. Depuis 2005, à aucun moment les successeurs des gouvernants de cette époque n'ont osé demander son avis au peuple français ! C'est incroyable ! Comment s'étonner ensuite de la fracture démocratique et du dégoût pour la politique qui existent dans notre pays ?
Si vous êtes si fiers de vous, si vous croyez tant à vos panels, consultez les Français !
Jamais vous n'oserez, parce que vous savez que vous seriez battus à plates coutures par le peuple français.
L'amendement n° 1 n'est pas adopté.
Prochaine séance, demain, à 14 heures :
Questions au Gouvernement ;
Suite de la discussion de la proposition de résolution européenne relative aux suites de la Conférence sur l'avenir de l'Europe ;
Discussion et vote d'une motion de censure déposée en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution.
La séance est levée.
La séance est levée à minuit.
Le directeur des comptes rendus
Serge Ezdra