La séance est ouverte.
La séance est ouverte à neuf heures.
Nous abordons l'examen des crédits relatifs à la mission "Investir pour la France de 2030 " (n° 1745, annexe 29 ; n° 1723, tome IX) et au plan de relance (n° 1745, annexe 34).
La parole est à M. Damien Maudet, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire.
Monsieur le président de la commission des finances, monsieur le ministre délégué chargé des comptes publics, messieurs les rapporteurs, chers collègues, dans ses Mémoires de guerre, le général de Gaulle a écrit : « Aujourd'hui comme il en fut toujours, c'est à l'État qu'il incombe de bâtir la puissance nationale, laquelle, désormais, dépend de l'économie. » Selon lui, l'économie doit être dirigée d'autant mieux qu'elle est déficiente, qu'il lui faut se relever et qu'elle ne le fera pas à moins qu'on la détermine. Durant la dernière campagne présidentielle, le président Emmanuel Macron a lui-même évoqué la nécessité d'une planification.
Sa présentation et son utilisation comme argument d'autorité font sans doute du plan France 2030, dont nous examinons ce matin les crédits, le grand plan du Gouvernement. Tout le monde espère en tout cas qu'il s'agit bien d'un grand plan de planification, du grand plan de planification, et pour cause : il représente un total de 54 milliards d'euros. Au moment où l'on exige des services publics qu'ils fassent des économies et où on les impose par la force par voie de 49.3, il vaudrait mieux que cet argent soit utilisé avec parcimonie. Sinon, ce serait injuste pour les écoles, les hôpitaux et les Français à qui l'on demande de se serrer la ceinture.
Nous avons devant nous de grands défis : l'adaptation au changement climatique, la préservation de notre souveraineté alimentaire et la restauration de notre souveraineté industrielle et sanitaire. Pourtant, alors que vous nous parlez sans cesse d'innovations de rupture, il n'est quasiment jamais question de rupture dans votre plan, notamment dans la manière de travailler avec le Parlement et de respecter ses prérogatives.
Rappelons que le plan France 2030 a été adopté sous le quinquennat précédent au moyen de l'amendement le plus cher de la V
Pas de rupture non plus dans la méthode : pour vous, hors de question de réguler ; comme d'habitude, il suffit de distribuer des milliards au privé et les grandes entreprises se chargeront de veiller à l'intérêt général… C'est toujours la même logique de subventions accordées sans aucune condition. Aujourd'hui, on demande 15 à 20 heures de travail au moindre allocataire du RSA en échange de son allocation. En revanche, pour des millions – des milliards – d'euros offerts au privé, zéro contrepartie !
C'est ainsi que l'on retrouve, dans la liste des lauréats de France 2030, plusieurs grandes entreprises, qui bénéficieront de nouvelles aides publiques. Accenture : 7 milliards d'euros de bénéfice en 2022, et 19 000 licenciements dans le monde. Nokia : l,5 milliard d'euros de bénéfice en 2021, et l'annonce de la fermeture d'une usine à Trignac. La Société générale : 5,6 milliards d'euros de bénéfice en 2021, qui figure dans le top 5 des banques européennes qui financent le plus les énergies fossiles. Enfin, le grand champion, TotalEnergies : 19 milliards d'euros de bénéfice en 2022, et le projet d'un mix énergétique en 2030 composé à 85 % d'énergies fossiles, sans oublier le lancement de nouveaux projets pétroliers et gaziers.
En fait, le plan 2030 ne planifie pas. C'est le cas tout d'abord en matière d'environnement. Le récent rapport de Jean Pisani-Ferry et Selma Mahfouz sur les incidences économiques de l'action pour le climat estime que la transition écologique coûtera entre 50 et 70 milliards d'euros chaque année. Le plan France 2030 prévoit 5,5 milliards sur dix ans pour la décarbonation de l'économie – 550 millions par an. Ce grand plan prévoit donc de répondre à 1 % des besoins ! Pour le moment, on estime que seules 25 % des dépenses de France 2030 auront un impact favorable sur l'environnement.
Le plan ne planifie pas non plus la réindustrialisation verte. Vous vous félicitez de la construction de nouvelles chaînes de production de batteries pour véhicules électriques – nous la saluons également –, mais, pour faire rouler des voitures électriques, il faut des carters en aluminium. Or, il y a deux ans, vous avez laissé fermer les fonderies d'aluminium du Jura et de Charente. Vous ouvrez d'un côté, vous fermez de l'autre : nous avons du mal à comprendre…
Venons-en à la santé et aux médicaments. Dans ce domaine, au moins, vous nous promettez une rupture ; malheureusement, nous ne voyons que des ruptures d'approvisionnement ! Ces derniers mois, elles se sont enchaînées : paracétamol, amoxicilline, pilule abortive, sabril pour l'épilepsie. Au total, 3 000 molécules ont manqué à l'appel cet hiver. Nous devons relocaliser. Il existe 400 médicaments d'intérêt thérapeutique majeur et le plan France 2030 propose de n'en relocaliser que 20. À ce rythme, il faudra deux cents ans pour que nous soyons capables de produire les médicaments stratégiques sur le sol français.
Le Gouvernement ne prévoit d'ailleurs aucune régulation ni aucune contrainte. Sanofi introduit notre paracétamol – notre souveraineté – en bourse : aucune réaction ! On laisse ainsi la souveraineté sanitaire de la France entre les mains d'un marché qui ne marche pas, celui-là même qui a délocalisé tous nos savoir-faire. Un plan de souveraineté doit aussi servir à réguler et à interdire les actions qui mettent en danger la souveraineté, à interdire, en particulier, les délocalisations et les fermetures stratégiques.
Bref, le Gouvernement nous présente un plan et fait des annonces, mais nous ne comprenons pas où il va. Quelle France voulez-vous pour 2030 ? Quand je lis le projet de loi de finances (PLF) pour 2024, je ne le comprends pas et je ne vois aucune rupture avec la politique des dernières années, qui nous a menés à l'impasse dans laquelle nous nous trouvons actuellement, avec des services publics déficients ou à bout de souffle.
Quels services publics voulons-nous en 2030 ? Notre priorité devrait être la reconstruction de l'hôpital, de l'école et du ferroviaire, pour que les Français puissent se soigner dans de bonnes conditions, sans condition de revenu, pour que tous les enfants reçoivent une éducation de qualité, à la hauteur des ambitions de notre pays, pour que l'ensemble du territoire soit équipé de transports en commun performants, avec des chauffeurs aux commandes !
Aujourd'hui, France 2030 ne répond pas à ces impératifs et aux priorités des Français. Je ne voterai donc pas en faveur des crédits de la mission "Investir pour la France de 2030" .
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES. – M. Laurent Alexandre, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, applaudit également.
La parole est à M. Frédéric Cabrolier, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire.
La mission Plan de relance représente 40 milliards d'euros, soit environ 40 % des 100 milliards consacrés par la France à la relance après la crise du covid-19. Les crédits de cette mission ont été engagés très rapidement dans leur totalité. Les montants figurant dans le projet de loi de finances pour 2024 ne correspondent plus qu'à des crédits de paiement, décaissés au fur et à mesure en fonction des besoins. Une grande partie des crédits a déjà été décaissée – près de 30 milliards d'euros à la mi-2023. Il n'est donc pas surprenant que les montants alloués à cette mission représentent seulement 1,4 milliard en 2024, baissant de près de 68 % par rapport à 2023 : les ouvertures de crédits de paiement ne concernent plus que la moitié des dispositifs qui figuraient initialement dans la mission.
Le programme 362, Écologie, représente près de 83 % des crédits de paiement, lesquels servent essentiellement à soutenir la rénovation énergétique des bâtiments publics, une politique d'autant plus importante que le secteur du bâtiment est actuellement en difficulté. La réorientation des financements vers le marché de la rénovation énergétique, grâce à la commande publique, peut permettre de soutenir l'emploi français et les entreprises françaises.
Le programme 363, Compétitivité, représente moins de 5 % des crédits de paiement de la mission. Il vise notamment la sécurisation des approvisionnements critiques et le soutien des projets industriels dans les territoires, essentiels pour la défense de notre souveraineté économique.
Enfin, le programme 364, Cohésion, représente près de 13 % des crédits de la mission. Cette année, l'ensemble des crédits de paiement ouverts concernent l'action 07, Cohésion territoriale, qui inclut notamment les garanties de recettes octroyées aux collectivités territoriales, en particulier dans les territoires ruraux, pour leur permettre d'affronter les conséquences de la crise sanitaire.
Les crédits de la mission "Plan de relance" ont été utiles parce qu'ils ont permis de défendre l'emploi français et les entreprises françaises, et parce qu'ils ont apporté une aide aux territoires dans la période de la crise sanitaire. Toutefois, il est à craindre que la crise énergétique actuelle grève les bénéfices du plan de relance à moyen et à long terme.
Je regrette que ce plan n'ait pas bénéficié davantage aux plus petites entreprises, comme nous l'avons constaté lors des auditions des représentants des chambres consulaires du Tarn. Celles-ci ont eu des difficultés à répondre aux appels à projets, à concevoir leurs dossiers de candidature et à le déposer dans des délais très brefs.
Enfin, je m'insurge contre la manière dont le Gouvernement instrumentalise le remboursement d'une partie des crédits du plan de relance par l'Union européenne. À la suite de la crise du covid-19, celle-ci a instauré une facilité pour la reprise et la résilience (FRR) et demandé à chaque État membre de détailler les mesures qu'il envisageait dans un plan national de relance et de résilience (PNRR). Sur les 100 milliards de son plan de relance, le Gouvernement a choisi de solliciter le programme européen de facilité pour la reprise et la résilience pour le financement d'un peu plus de 40 milliards d'euros. La France a soumis son PNRR, qui comprend une série de réformes structurelles, à la Commission européenne en 2021. À ce jour, elle a reçu 12,5 milliards de subventions européennes : elle a déjà décaissé 100 milliards pour la relance et attend donc le remboursement de près de 30 milliards.
Le Gouvernement a présenté l'adoption de la loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027 comme une condition du déblocage de la deuxième tranche des fonds européens – celle-ci a été demandée fin juillet 2023 et représente 10,3 milliards –, et même comme une condition du déblocage de la troisième tranche début 2024 – 7,5 milliards. Au dire du Gouvernement, près de 18 milliards de remboursements de sommes déjà engagées par la France étaient menacés. Or si la loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027 figure bien dans la liste des cibles et jalons du PNRR présenté par la France, le cadre prévu par la Commission européenne n'a pas vocation à bloquer l'intégralité des versements prévus pour un État : il ne peut s'agir que de suspensions partielles, monsieur le ministre délégué, comme nous l'a expliqué le secrétariat général des affaires européennes (SGAE) !
Une marge d'appréciation est laissée à la Commission pour chaque cible ou chaque jalon qualitatif, chacun représentant environ 222 millions de crédits européens, auxquels s'applique un coefficient de 0,5 à 5 selon l'importance de la cible ou du jalon. Nous sommes loin des 18 milliards évoqués par le Gouvernement !
La représentation nationale subit donc une forme de chantage à la subvention européenne, que je dénonce. Pour cette raison, contrairement à l'année dernière, nous émettons un avis défavorable sur les crédits de la mission "Plan de relance" .
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
La parole est à M. Laurent Alexandre, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques.
Les travaux que j'ai conduits sur la mission "Investir pour la France de 2030 " dans le cadre du rapport pour avis de la commission des affaires économiques montrent que le dispositif France 2030, doté de 34 milliards d'euros, présente des défauts majeurs en matière de planification. Je me suis plus particulièrement penché sur deux thématiques stratégiques : la santé du futur et la construction de véhicules électriques en France.
Le plan France 2030 ne répond pas aux besoins humains et écologiques en raison de nombreux manquements : aucune réflexion sur la sobriété ; une stratégie industrielle incohérente qui ne tient pas compte de l'aménagement du territoire, pas plus qu'elle n'identifie de filières stratégiques ; un manque de moyens évident, loin des préconisations du rapport de Jean Pisani-Ferry et Selma Mahfouz sur les incidences économiques de l'action pour le climat, qui évalue à 66 milliards d'euros par an les investissements nécessaires à la bifurcation écologique ; trop peu d'exigences écologiques et sociales – je propose de conditionner les aides versées aux grandes entreprises. Enfin, il y a une grande absente dans ce dispositif : la démocratie. Le plan France 2030 n'a fait l'objet d'aucun débat parlementaire ni lors de son lancement ni lors de la définition de ses dix axes stratégiques. Son évaluation est aussi très partiale. Je propose donc, dans mon avis budgétaire, des mesures pour équilibrer la composition du comité de surveillance des investissements d'avenir.
En ce qui concerne la santé, je veux alerter sur des incohérences majeures du plan France 2030, qui a fixé comme objectif la production d'au moins vingt biomédicaments en France d'ici à sept ans. Si j'en crois les acteurs auditionnés, cet objectif ne sera pas tenu.
Mon rapport dénonce un risque plus inquiétant encore : celui que la santé du futur occulte la nécessité de garantir l'accès aux soins à tous les citoyens. Les traitements innovants sont révolutionnaires d'un point de vue thérapeutique, mais ils sont généralement facturés très chers à l'assurance maladie, alors que notre système de soins est en proie à de graves tensions d'approvisionnement en médicaments, au manque pathologique de moyens et à une pénurie de soignants dans tous les secteurs.
Il y a aussi le problème de l'approvisionnement en médicaments du quotidien comme le paracétamol ou l'amoxicilline. Pour y remédier, le Gouvernement compte uniquement sur l'augmentation des prix des médicaments et annonce le possible doublement des franchises pour inciter les industriels à produire en France. Plutôt que de faire payer les ultra-riches de la santé, vous préférez faire passer les gens à la caisse ! Dans mon rapport, je formule des propositions pour faire mieux : appliquer la licence d'office ; recourir à des mécanismes de transparence sur les versements d'argent public dont on pourra tenir compte lors des négociations sur les prix ; créer un pôle public du médicament pour produire des médicaments du quotidien à un tarif abordable et éviter les pénuries.
J'en viens aux voitures électriques, moyen de mobilité davantage décarboné que d'autres. Nous courons le risque de voir émerger une France à deux vitesses s'agissant de l'accès à la mobilité, en raison, tout d'abord, du prix des véhicules électriques.
En effet, il sera difficile, à court terme, de trouver un véhicule électrique produit en France à un prix inférieur à 25 000 euros. Nous risquons de voir apparaître une France à deux vitesses avec, d'un côté, ceux qui auront accès à des solutions de mobilité alternative, notamment grâce aux transports en commun, et, de l'autre, ceux qui n'en auront pas, dans les zones très rurales ou dans certains quartiers urbains. Si la production de voitures électriques constitue un défi majeur pour notre souveraineté industrielle, elle nécessite de revoir en profondeur les relations entre l'État et les constructeurs automobiles.
La puissance publique doit fixer des conditions pour répondre aux besoins humains et écologiques : des exigences en matière d'emplois, de relocalisation des productions, de modèles de voitures moins chers et plus sobres ; des critères d'installation pour mailler le territoire, tenant compte des qualifications ouvrières présentes dans les bassins désindustrialisés. Cette approche sous-tend les préconisations qui figurent dans mon avis budgétaire.
Il est notamment proposé de donner la priorité à la production de véhicules électriques légers, plus sobres, à des prix accessibles, contrairement au choix actuel des constructeurs Renault et Stellantis. Je suggère également de développer les mobilités alternatives et un service de transport collectif public – c'est la mission du Gouvernement.
En raison des nombreux manquements du plan France 2030, je vous invite, chers collègues, à voter contre les crédits accordés à France 2030, et à vous saisir de votre rôle de législateur pour que le Parlement soit enfin associé aux décisions qui engagent l'avenir du pays.
J'aurai l'occasion, tout à l'heure, de défendre plusieurs amendements sur des sujets majeurs comme la démocratie du dispositif, la conditionnalité des aides ou l'accès universel aux soins. Ils seront cette fois-ci, je l'espère, adoptés par l'Assemblée.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES. – M. Damien Maudet, rapporteur spécial, applaudit également.
Nous allons maintenant entendre les porte-parole des groupes.
La parole est à M. Alexandre Sabatou.
À l'instar du reste du monde, la France et l'Union européenne ont été durement touchées par la crise du coronavirus qui a eu de graves répercussions sur le tissu économique et social. Notre pays n'a pas été épargné. Vous avez donc lancé un plan de relance de 100 milliards d'euros articulé autour de trois priorités : la transition écologique, la compétitivité des entreprises et la cohésion sociale et territoriale. Ce plan se voulait ambitieux, en particulier pour soutenir les entreprises.
Malheureusement, le rapport spécial confirme que ce plan n'a pas tellement profité à l'économie réelle et aux petites entreprises, notamment à cause de la difficulté à répondre aux appels à projets, à concevoir les dossiers de candidature, dans des délais de surcroît souvent trop courts. En revanche, les multinationales ont littéralement pulvérisé leurs records de profits, pour une raison simple : l'argent du plan de relance s'est retrouvé dans leurs poches. Ces aides financières étant destinées à notre économie et non aux actionnaires, nous avions, l'an dernier, adopté un amendement visant à taxer ces superprofits : après application du 49.3, vous avez, sans surprise, fait disparaître cette mesure.
Sur ces 100 milliards du plan de relance, 40 milliards étaient fournis par l'Union européenne. Cela ne change rien au total de 100 milliards payés par le contribuable français, puisque l'argent européen n'existe pas : la France étant contributeur net au budget de l'Union, tout ce qui est financé sur notre sol par celle-ci est en réalité financé intégralement par le contribuable français. En 2021, il n'y avait ainsi pas moins de 12,4 milliards d'euros de différence entre ce que nous donnons à l'Union européenne et ce que nous en recevons, contre 3,4 milliards en 2005 et 6,1 milliards en 2015 – soit une multiplication par quatre en seize ans. Mais quand on aime on ne compte pas.
Les années 2021 et 2022 correspondent à la belle époque du « quoi qu'il en coûte » et de l'argent gratuit. Généralement, les libéraux aiment les crises, qui permettent de se débarrasser des entreprises mal gérées et de faire place à du sang neuf ; mais à un an d'une élection présidentielle, il n'est pas bon d'être trop regardant sur les dépenses. Dès lors, après que vous avez, en six ans, alourdi la dette de 700 milliards d'euros dont seulement 200 milliards sont imputables au covid, « il est venu le temps » non pas « des cathédrales », mais de la rigueur et de l'austérité. Un mot revient alors à chacune de vos interventions : responsabilité.
Où est la responsabilité quand presque un tiers des dépenses de l'État ne sont pas couvertes par ses recettes, quand vous êtes contraints de présenter à notre assemblée un budget déficitaire de 144 milliards d'euros et d'emprunter 285 milliards sur les marchés financiers pour boucler ce budget ? La responsabilité n'est pas là, et ce sera encore une fois aux générations à venir de rattraper vos erreurs.
Avec autant d'argent, nous nous attendions à des projets d'envergure : création d'un nouveau parc nucléaire, construction d'hôpitaux dans tout le territoire. Il n'en est rien, car cet emprunt record ne servira qu'à faire tenir, jusqu'à la prochaine présidentielle, vos budgets défaillants. La triste vérité, monsieur le ministre délégué, c'est qu'au vu des détails de votre budget totalement déséquilibré, n'importe qui conclurait sans mal que vous conduisez le pays droit dans le mur. Malgré tous vos discours, tous vos renoncements, toutes vos promesses, les Français constatent chaque jour depuis six ans que vous n'avez pas de vision pour la France et que la voie du « en même temps » s'achève en cul-de-sac.
Cela ne vous empêche pas de dénigrer les propositions des oppositions au motif qu'elles conduiraient à dépenser sans compter. Mais, comme l'écrivait La Rochefoucauld, « rien n'est si contagieux que l'exemple ». J'ajoute que, lorsque nous apprenons que votre président a fait exploser en 2023 le budget de fonctionnement de l'Élysée – 10 millions d'euros ajoutés aux 114 prévus –, on se dit que c'est l'hôpital qui se fout de la charité.
Ces multiples travestissements de la réalité m'amènent à penser, comme Frédéric Cabrolier, que le remboursement par l'Union européenne d'une partie des crédits du plan de relance a été instrumentalisé par le Gouvernement. Vous avez en effet présenté l'adoption du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027 comme une condition nécessaire pour récupérer 18 milliards d'euros déjà engagés par la France.
Je remercie M. Cabrolier d'avoir, dans son rapport spécial, fait toute la lumière sur cette affaire : d'après le SGAE, l'Union européenne n'aurait pu bloquer que 2 milliards tout au plus – nous sommes loin des 18 milliards. Mais le Gouvernement souffre du syndrome du bon élève : sans jamais contester les décisions de l'Union, il a repris ce chantage devant la représentation nationale. Pour que nos intérêts soient défendus à Bruxelles, les Français savent ce qu'il leur reste à faire le 9 juin prochain, au moment des élections européennes.
Pour toutes ces raisons, le groupe Rassemblement national se range à l'avis du rapporteur spécial Cabrolier et votera contre les crédits de la mission "Plan de relance" .
« Excellent ! » et applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RN. – M. Frédéric Cabrolier, rapporteur spécial, applaudit également.
Après le plan France relance, doté de 100 milliards, France 2030 s'inscrit dans la même lignée, mais disons-le : ce sont là 54 milliards d'argent public soustraits au débat parlementaire. En ce court instant démocratique, entre le quinzième et le seizième 49.3, vous nous proposez une planification écologique : ravi que vous repreniez nos termes, c'est avec gourmandise que je me suis plongé dans la seconde partie de ce PLF. Quelle déception !
Contrairement au programme de La France insoumise, l'absence de cohérence saute aux yeux. Le plan France 2030, ce sont des investissements sans conditionnalité et surtout sans aucune vision d'avenir ; il pourrait profiter à des entreprises qui délocalisent ou détruisent la nature, voire financer des technologies in fine incompatibles entre elles.
Sur le site du Gouvernement, qui annonce les premiers résultats concrets de France 2030 depuis sa création, nous pouvons lire qu'en deux ans, 21 milliards d'euros ont été engagés, « 40 000 emplois directs créés ou maintenus » – soit 500 000 euros par emploi, fichtre ! –, et « 34 000 nouvelles formations diplômantes aux métiers d'avenir ouvertes en 2022 et 2023 ».
Les organismes de formation fleurissent, profitant de cette manne financière. Comment sont-ils coordonnés, pour produire quoi, qui les contrôle, bref comment est utilisé l'argent public ? C'est une tout autre question, qui laisse perplexe !
Quant à votre approche de la décarbonation consistant à convertir l'industrie existante, elle est louable ; pour autant, jamais vous ne songez à un autre modèle. Vous vous trompez de siècle. « Un autre monde est possible » n'est pas seulement un slogan, c'est une méthode : partir des besoins – l'eau, la nourriture, l'habitat, l'éducation – pour assurer la sécurité de notre pays dans le monde. C'est aussi coconstruire une nouvelle gouvernance pour déterminer ensemble les aménagements nécessaires.
Il s'agirait par exemple de penser les mobilités avec la voiture électrique, lancée en fanfare sans que soit préalablement déterminé son rayon d'action, sans que le maillage du territoire ait été étudié, ce qui conduit les industriels à des choix peu pertinents en matière de batteries et de dimensions des véhicules. Ces derniers se fondent en effet sur les usages actuels, alors que les territoires ruraux ne disposent plus de services de proximité, que les lignes ferroviaires y sont de plus en plus rares, et que les distances à parcourir augmentent. L'État investit en vue de la fabrication de batteries adaptées aux contraintes d'aujourd'hui au lieu de penser aux infrastructures de demain.
Évaluer nos besoins en métaux, notamment en cuivre et en lithium, nous permettrait de juger de la viabilité du modèle de la voiture électrique, de sa compatibilité avec notre souveraineté, et de sécuriser nos approvisionnements. Poursuivons cette approche différente et constructive : avec le réseau routier actuel, il nous faut 120 kilogrammes de cuivre par borne de recharge électrique, en plus de 80 kilos par voiture – ce qui est intenable, à moins de limiter le nombre de véhicules électriques et de bornes.
Vous envisagez en outre de financer des mini-réacteurs nucléaires modulaires, des SMR : cela nécessitera non seulement des kilomètres de câbles en cuivre, mais un approvisionnement en uranium, alors que les gisements actuels seront épuisés en 2070 – même plus tôt, si la demande augmente. Or les principaux exportateurs d'uranium, le Canada, le Kazakhstan, où vient de se rendre le Président de la République, ont limité leur production totale, et la guerre en Ukraine a conduit de nombreux pays, par souci de leur autonomie énergétique, à relancer leur parc nucléaire. Compte tenu de ces choix technologiques, qu'adviendra-t-il de notre souveraineté en 2050 ?
Ce constat n'est pas une remise en cause de votre bonne volonté que nous notons, mais votre approche consistant à décarboner en maintenant, bon an mal an, notre mode de vie actuel est déconnectée du terrain. C'est aussi pour cela que nous parlons d'un programme de rupture.
L'autre exemple étudié par mon collègue rapporteur pour avis, cher Laurent Alexandre, porte sur les vingt biomédicaments que vous voulez voir produire en France : je pourrais démontrer de la même façon que l'État ferait mieux de créer un pôle public du médicament, tout en pourvoyant les hôpitaux publics et tous les services de psychiatrie de moyens financiers et humains,…
…afin de répondre aux besoins de notre société en souffrance.
Ne devraient être financés par l'État que les projets insérés dans un vaste projet de société qui les englobe et les harmonise. Prendre en compte les réalités géographiques, les infrastructures existantes ou nécessaires à une planification réfléchie, assurer la résilience de chaque territoire, voire la survie de n'importe quel village, voilà la façon de travailler qui vous a échappé.
Penser la France de demain, c'est avoir un cap, une vision coconstruite avec les citoyens, vision et cap qui font cruellement défaut à notre pays. Nous voterons contre l'adoption des crédits pour 2024 de la mission "Investir pour la France de 2030" .
M. Damien Maudet, rapporteur spécial, applaudit.
Commençons par revenir sur la situation de la France en 2020. La crise de la covid-19 l'a placée, de même que le reste du monde, au bord d'un gouffre économique et social. Le Gouvernement prend alors des mesures d'urgence inédites : elles permettront d'éviter les vagues de faillites et de licenciements si longtemps redoutées. Ces mesures devaient absolument être prolongées par un plan de relance, afin qu'à sa sortie de la crise notre économie rebondisse le plus rapidement possible dans la bonne direction. Avec les crédits associés à ce plan, nous avons donc créé les conditions de la reprise, que nous avons orientée vers plus de compétitivité, de durabilité, de solidarité, grâce à des dispositifs calibrés.
Dès la fin de l'été 2020, j'ai pu constater sur le terrain, à l'époque chez Business France, l'immédiateté et l'efficacité de ces crédits au bénéfice des entreprises exportatrices. Je pense également à MaPrimeRénov', au bonus écologique, qui relèvent du volet écologique du plan de relance, doté de plus de 30 milliards d'euros ; à la relance de l'apprentissage, formidable ascenseur social, outil d'insertion des jeunes et de soutien aux entreprises. Les résultats sont là : 837 000 nouveaux contrats d'apprentissage en 2022.
Le volet consacré à la compétitivité aura ainsi pleinement contribué à ce que le taux de chômage revienne à son niveau antérieur à 2008 ! En 2024, le plan de relance permettra encore d'investir 1,4 milliard dans des domaines aussi essentiels que les mobilités décarbonées, avec 98,4 millions destinés en partie à l'amélioration du réseau des petites lignes ferroviaires rurales, ruralité à laquelle vous savez que je suis très attaché.
Le plan France 2030 s'inscrit dans cette continuité. Il doit nous permettre de transformer notre économie en profondeur, afin d'accroître sa résilience en cas de nouveaux chocs conjoncturels et de relancer notre croissance potentielle à long terme. Il vise à orienter les forces et les intelligences de notre pays, de la recherche fondamentale à l'industrialisation, vers de grands objectifs stratégiques communs : réussir la transition écologique, s'adapter par l'innovation aux transformations numériques, réindustrialiser.
Doté de 54 milliards d'euros, le quatrième plan d'investissement et d'avenir est mis en œuvre par des partenaires à l'excellence reconnue : l'Agence de la transition écologique (Ademe), l'Agence nationale de la recherche (ANR), la Banque publique d'investissement (BPIFrance), la Caisse des dépôts (CDC), pour ne citer que ces exemples. Les fonds massivement octroyés sont dirigés par ces opérateurs vers les universités, les entreprises, afin de soutenir les innovations de rupture et leur transfert vers l'économie. Je suis ici en désaccord avec le rapporteur spécial Maudet : le groupe Démocrate croit fermement en la capacité de nos entreprises à contribuer à l'intérêt général.
Pour finir, venons-en au financement du plan de relance, qui a fait l'objet de beaucoup de critiques de la part de M. le rapporteur spécial Frédéric Cabrolier.
Ce plan, comme un grand nombre de nos politiques, est cofinancé par l'Union européenne ou mis en œuvre en coordination avec nos partenaires européens. C'est logique, puisque nos entreprises ne cessent pas d'exister au-delà de nos frontières, et c'est souhaitable parce que nos capacités à vingt-sept sont décuplées.
La France a beaucoup œuvré au lancement du plan Next Generation EU, qui permet, à l'échelle européenne, plus de 600 milliards d'euros d'investissements productifs, majoritairement innovants et écologiques. D'ici à 2026, la France pourra recevoir jusqu'à 37,6 milliards d'euros au titre de la FRR, qui permettront de financer plus d'un tiers du plan de relance. Or, le plan national de relance et de résilience que nous avons présenté à la Commission européenne implique, parmi les jalons conditionnant les versements, l'adoption du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027.
Je ne partage pas les commentaires du rapporteur Cabrolier qui semble indiquer que la France se serait liée les mains à l'Union européenne au-delà du raisonnable, parlant même tout à l'heure de chantage. Avec la FRR, les membres de l'Union européenne se sont engagés à faire acte de transparence et de sérieux quant à l'utilisation des fonds de ce « pot commun ». Il est donc normal que des gages de sérieux soient envoyés de la part de chacun des États membres, et c'est par l'adoption d'une législation adaptée que nous définissons nous-mêmes notre trajectoire.
Je dénonce donc le blocage systématique des oppositions afin d'empêcher l'adoption du projet de loi de programmation des finances publiques car il endommage la confiance entre la France et ses partenaires. Ne serions-nous pas nous-mêmes très critiques à l'égard de nos voisins dans un cas similaire ? Sur ce sujet comme sur les autres, à moins que l'on nous démontre le contraire, nous sommes européens, comportons-nous donc comme tels !
Le groupe Démocrate, en toute cohérence, monsieur Pilato, votera pour les missions Plan de relance et Investir pour la France de 2030.
Applaudissements sur les bancs des groupes Dem et HOR.
« Puisque l'exécution du Plan exige la collaboration de tous, il est essentiel que tous les éléments vitaux de la nation y soient associés ». Cette phrase de Jean Monnet prononcée dans l'enceinte de cette assemblée en 1945 décrit l'esprit de concorde qui devrait présider aux grands plans d'investissements qui conditionnent l'avenir de notre pays, la France. Pourtant, monsieur le ministre délégué, j'ai le regret de vous dire que le compte n'y est pas.
Nous avons besoin d'investissements publics forts. Or, la France est le sixième pays de la zone euro en matière de dépenses d'investissement. Nous consacrons 4,9 % de notre PIB à l'investissement public, contre 5 % en Allemagne et 6,7 % en Italie. Le plan France 2030 que vous nous présentez, dont l'exécution pour l'année 2024 fait l'objet de nos discussions, paraît bien maigre, comparé aux 100 milliards d'euros du plan de relance annoncé après la crise du coronavirus ; bien maigre également lorsqu'on le compare à des exemples étrangers – je pense en particulier aux États-Unis.
Hier encore, la presse s'est fait l'écho du succès du plan massif d'investissement de l'Inflation Reduction Act américain. Rendez-vous compte, mes chers collègues : sur les 370 milliards de dollars prévus, plus de 108 milliards ont déjà été décaissés en un an, en faveur de plus de 210 projets allant de la voiture électrique à la transition énergétique. Avec nos pauvres 7,7 milliards d'euros budgétés dans le PLF pour 2024, nous semblons en vérité extrêmement loin du compte. Loin du compte, je l'ai dit, par rapport aux exemples étrangers, mais loin du compte aussi eu égard aux immenses défis auxquels nous sommes confrontés.
Regardons-les en face. Imaginer la France de 2030 et investir pour elle, c'est savoir quelle France nous voulons. Nous voulons d'abord une France décarbonée qui respecte ses engagements climatiques. Or – cela a été rappelé par notre rapporteur spécial, Damien Maudet – est-il normal que seuls 10 % des crédits du plan France 2030 soient réservés à la transition écologique ? Est-il normal que durant l'année 2022, seuls 2 millions d'euros aient été affectés à des investissements verts ? Cela paraît totalement ubuesque compte tenu des enjeux. Est-il normal que le Gouvernement ait revu à la baisse ses objectifs de production de logements sociaux avec excellence environnementale ? Les documents budgétaires annexés montrent en effet que l'objectif de 56 000 logements a été ramené à 28 000 logements. Nous sommes, nous le voyons bien, loin du compte.
Nous sommes également loin du compte s'agissant du deuxième objectif qui devrait tous nous rassembler, celui de la défense de notre souveraineté industrielle et numérique. Regardons la cartographie des investissements prévus par France 2030, en nous penchant sur l'exécution de l'exercice 2022 et sur les programmes validés par la Première ministre. Sur plus de 600 projets validés au titre de France 2030, ma région, la Normandie – pourtant la deuxième région industrielle de France – n'en accueille que 39. Elle se retrouve ainsi à l'avant-dernier rang des régions bénéficiaires des projets et des subventions de France 2030. C'est bien la preuve que l'industrie n'est pas non plus la priorité de ce programme destiné avant tout aux états-majors des grandes entreprises.
On voit mal comment favoriser notre souveraineté et réindustrialiser ce pays qui est aujourd'hui l'homme malade de l'Europe en concentrant les investissements dans les entreprises du CAC 40 et non dans les territoires, ce que nous devrions pourtant défendre.
En vérité, monsieur le ministre délégué, c'est à un changement de paradigme que nous vous appelons. L'exemple américain est à cet égard éclairant : les politiques fondées sur le seul soutien à l'offre et sur les réductions d'impôt ont dix ans de retard. Aujourd'hui, nos voisins n'ont que les mots souveraineté et investissement à la bouche, et ils sont sortis, contrairement à nous, de la parenthèse néolibérale. Il nous faut défendre autrement notre souveraineté.
Lorsque Sanofi annonce se séparer de son pôle Santé grand public, on comprend qu'on ne réussira jamais à défendre notre souveraineté en laissant faire ainsi le marché. C'est le message que nous vous adressons ce matin, monsieur le ministre. Pour toutes ces raisons, les socialistes s'opposeront à ces crédits.
Les missions dont nous avons à débattre ce matin sont particulièrement stratégiques pour notre pays. D'un côté, le plan de relance nous aura permis de faire face aux crises. De l'autre, les crédits budgétaires dédiés aux investissements d'avenir nous permettent de façonner la France de 2030.
La mission Plan de relance finance le plan France relance présenté par le Premier ministre Jean Castex en septembre 2020. Face à la crise pandémique, ce plan avait pour objet de soutenir l'activité et la consommation et donc de protéger nos entreprises et nos salariés. Son objectif était de permettre à la France de retrouver mi-2022 son niveau d'activité économique d'avant-crise en relançant l'ensemble des secteurs de l'économie et donc en faisant baisser le chômage. Avec le recul, le constat est clair : ce plan nous a permis de retrouver l'activité et le niveau d'emploi d'avant-crise.
M. Pascal Lecamp applaudit.
Si les objectifs à court terme ont été atteints, le plan répond également à trois défis structurels de notre économie : l'amélioration de la compétitivité des entreprises, la transition écologique et le renforcement de la cohésion de tous les territoires.
En ce sens, les crédits pour 2024 sont majoritairement recentrés sur les dispositifs de rénovation énergétique et sur les dispositifs de soutien à la mobilité du quotidien, aux actions de développement local, ou encore aux projets locaux financés par la dotation régionale d'investissement.
Le groupe Horizons et apparentés soutient pleinement cette volonté de recentrage des crédits sur des dispositifs ciblés. Ces dispositifs sont en lien direct avec les objectifs poursuivis par la mission "Investir pour la France de 2030" , qui s'inscrit elle-même dans la lignée des programmes d'investissement d'avenir (PIA). Elle vise principalement à soutenir l'innovation pour relever les défis industriels, sociaux, économiques, écologiques et démographiques. Son budget pour 2024 est de 7,7 milliards d'euros en crédits de paiement, soit une hausse de 26 %.
Annoncée par le Président de la République en octobre 2021, la mission France relance prolonge la démarche entamée par les programmes d'investissements d'avenir, et permet de refonder durablement les secteurs majeurs de notre économie. L'ambition de cette mission est claire : faire de la France une référence dans les domaines de l'économie et de l'innovation.
De la recherche fondamentale, à l'émergence d'une idée, jusqu'à la production d'un bien ou d'un service nouveau, France 2030 soutient tout le cycle de vie de l'innovation jusqu'au déploiement et à l'industrialisation. Traditionnellement, ces dernières étapes pourtant essentielles n'étaient pas prises en charge par les investissements d'avenir. Le déploiement rapide des investissements pourra placer notre pays en position de leader, à l'échelle internationale, dans les secteurs stratégiques de la transition écologique, du nucléaire, des industries bas carbone, de la santé, de l'hydrogène vert, ou encore de l'agroalimentaire.
Pour faire face à ces défis, ces deux missions budgétaires permettent à la France de se doter des outils nécessaires à la réussite de ses ambitions. Le groupe Horizons et apparentés votera donc en faveur des crédits de ces missions.
Applaudissements sur les bancs des groupes HOR et Dem. – M. Alexis Izard applaudit également.
S'il y a un budget en augmentation dans ce projet de loi de finances, c'est bien celui de France 2030 : 7,7 milliards d'euros, en hausse de 26 %. On peut dire que quand il s'agit des entreprises et de l'innovation, l'argent magique, ça existe !
À quelles entreprises et à quels projets ces montants importants sont-ils consacrés ? Nous n'avons que des informations bien partielles à ce sujet. Aucun document ne retrace les montants par projet. La première question est donc celle de la transparence. Parlementaires comme citoyens, comment pouvons-nous valider le bon usage de cet argent public sans avoir d'informations précises ?
Tout juste apprend-on qu'Engie bénéficiera de 2,4 millions d'euros pour des projets relatifs aux carburants aéronautiques durables ; que TotalEnergies touchera 5 millions d'euros pour la récupération de chaleur dans l'une de ses raffineries mais aussi 4,7 millions pour des bornes de recharge électrique ; qu'Airbus Helicopters empochera 200 millions d'euros, et qu'ArcelorMittal va même toucher 850 millions d'euros pour décarboner partiellement ses processus de production d'acier. Rappelons quand même le résultat net de ces entreprises au premier semestre de 2023 : 2,6 milliards d'euros pour ArcelorMittal et 9,6 milliards d'euros pour TotalEnergies !
La deuxième question est donc la suivante : dans quelle mesure faut-il aider des entreprises largement bénéficiaires qui ont les moyens de financer la décarbonation de leurs processus de production ? Ces aides sont d'ailleurs accordées sans aucune condition. Nous vous proposerons des amendements pour conditionner l'octroi de ces aides à une trajectoire de réduction des émissions carbone, ou au moins – et c'est vraiment la moindre des choses – à la publication d'un bilan carbone.
Rappelons que 3 106 entreprises doivent, selon la loi, publier au moins tous les quatre ans un bilan carbone, et que 68 % d'entre elles ne remplissent pas leurs obligations ! Que faites-vous, monsieur le ministre, pour que ces entreprises publient leur bilan d'émissions de gaz à effet de serre, comme elles le devraient ? Comment voulez-vous qu'on croie à l'engagement de ces entreprises dans la transition écologique si elles ne publient même pas un bilan carbone ?
Troisième question, peut-être la plus importante : les ménages sont-ils aidés autant que les entreprises ? Anne Bringault, membre de Réseau Action Climat, disait récemment : « En matière de transition écologique, il faut aider ceux qui en ont le plus besoin. » Malheureusement, c'est l'inverse qui est fait aujourd'hui. D'un côté, le Gouvernement aide massivement les entreprises, qui captent au moins 1,5 des 7 milliards d'euros annoncés pour l'écologie, auquel il faut ajouter 1,4 milliard sur la période 2024-2027 pour le nouveau cadeau aux entreprises, le crédit d'impôt au titre des investissements en faveur de l'industrie verte (C3IV). De l'autre côté, les ménages attendent toujours des aides qui demeurent insuffisantes.
Selon l'étude du Conseil économique, social et environnemental (Cese) parue la semaine dernière, 37 % des Français affirment ne pas avoir les moyens d'adopter un comportement plus vertueux en matière écologique. Il est impossible, pour nombre d'entre eux, de changer de véhicule ou d'isoler leur logement. Pourtant, le PLF pour 2024 n'alloue que 500 millions d'euros supplémentaires à MaPrimeRénov', alors que le reste à charge des ménages qui isolent leur logement représente souvent plus d'un an de revenus pour les classes moyennes, et dix ans ou plus pour les foyers les plus modestes.
France 2030 fait aussi transparaître votre vision de l'écologie, celle d'un technosolutionnisme selon lequel il suffirait de remplacer une énergie par une autre pour continuer exactement comme avant, business as usual. Tout changer pour ne rien changer, en quelque sorte ! Or les écologistes vous le disent : la technologie fait partie de la solution, mais elle ne fera pas tout. Nous devrons changer nos façons de vivre, de nous déplacer et de consommer. Nous devrons en particulier apprendre à consommer moins d'énergie, sans nous contenter de changer d'énergie.
La réduction de la demande énergétique est d'ailleurs le facteur clé des quatre scénarios élaborés par l'Ademe pour réaliser nos objectifs climatiques. Nous ne pourrons atteindre la neutralité carbone si nous ne réduisons pas notre consommation d'énergie de 23 % à 55 % d'ici à 2050. Que faites-vous pour y parvenir ? Que faites-vous pour donner aux Français les moyens de s'adapter à la transition écologique, en particulier pour réduire leur consommation et leur facture d'énergie ?
TotalEnergies n'a pas besoin de vous, monsieur le ministre délégué, mais les Français, si : ils veulent adopter un mode de vie plus écologique. C'est notre responsabilité, et vous avez la responsabilité de les aider.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe Écolo – NUPES. – M. Éric Coquerel, président de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle bugétaire, applaudit également.
Après cinquante années de désindustrialisation, qui ont entraîné la destruction de 2,6 millions d'emplois et la liquidation de milliers d'entreprises et d'usines, l'enjeu est d'engager un mouvement de réindustrialisation pour préparer un avenir respectueux de l'environnement. Malheureusement, la politique qui a été menée pendant des décennies a privé l'État de ses savoir-faire en matière de planification et de gestion des filières économiques. Alors qu'il s'interdisait toute intrusion dans les affaires du sacro-saint marché, nous étions bien seuls, nous, communistes, à affirmer il y a déjà une quarantaine d'années qu'une France sans industrie n'était pas viable.
Désormais, la réindustrialisation a le vent en poupe ; nous pourrions nous réjouir de cette évolution, si vous ne vous contentiez pas de la brandir comme un slogan. Car c'est bien à cela que ressemble votre politique industrielle, menée à coups de projet de loi « industrie verte », de sommets Choose France ou autres plans France relance et France 2030. S'il fallait qualifier votre politique industrielle, nous pourrions dire qu'elle consiste simplement à baisser les cotisations et les impôts des entreprises, et à réduire les obligations et les normes auxquelles elles sont soumises.
Dans votre philosophie non interventionniste, la planification est restée lettre morte. L'analyse des politiques publiques sous l'angle des filières est très limitée, et aucune articulation n'est assurée avec les politiques régionales de développement économique. L'essentiel du coût de la politique industrielle de la France ne réside donc pas dans la mission "Investir pour la France de 2030" , qui compte péniblement 7,7 milliards d'euros de crédits de paiement cette année, mais bien dans les 70 milliards d'euros d'allègements de cotisations et les dizaines de milliards d'euros de suppressions d'impôts.
Quel bilan tirer de cette politique ? Pas grand-chose, sauf pour le contribuable qui aura dû payer 20 000 euros par salarié embauché dans le cadre du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE), lequel a coûté 20 milliards d'euros et a créé à peine 100 000 emplois.
Une autre stratégie existe. Dans le cadre du rapport pour avis de la commission des affaires étrangères sur la mission "Écologie, développement et mobilité durables" du PLF, j'ai auditionné plusieurs industriels français du secteur maritime – je me suis en effet concentré sur la décarbonation de la flotte maritime française et mondiale. Ces industriels ont affirmé avoir besoin, bien plus que d'allègements de cotisations ou d'impôts, d'un chef d'orchestre qui participe davantage à la structuration des filières dans toute leur complexité, de l'amont à l'aval. Or nous sommes bien loin d'un État chef d'orchestre : songez que l'institut français Meet 2050, qui œuvre pour la transition écologique et s'efforce de structurer la filière, est dirigé bénévolement par un passionné, alors que dans le même temps, le Danemark investit des milliards d'euros, conjointement avec ses plus grandes entreprises de transport maritime, pour faire avancer le secteur.
Pourtant, il y a urgence absolue. L'État français s'est engagé, avec les 174 autres membres de l'Organisation maritime internationale (OMI), à ce que ce secteur n'émette plus de carbone d'ici à 2050. Nous nous félicitons de cet engagement, mais il implique de mener une politique bien plus volontariste.
Pour assurer la transition écologique de notre économie, l'État doit réaliser des investissements considérables dans des projets pilotes et accompagner les industriels dans des projets risqués. Nous ne pouvons plus attendre des décennies qu'une expérience fonctionne avant de l'industrialiser. Il faut lancer des opérations à tiroir, et tenter tout ce qui est possible pour aider les infrastructures – comme les ports –, pour fonder l'industrie de demain sur de nouveaux carburants, ou encore pour soutenir le développement du transport à voile. Le projet Salamandre, au Havre, est un exemple à reproduire : l'État doit investir en coordination avec les élus locaux et les entreprises locales, pour élaborer de façon concertée les réussites industrielles de demain.
Plus largement, il faudra travailler, à terme, avec les salariés et les syndicats. La stratégie française de décarbonation maritime en a fait l'économie jusqu'à présent : c'est une erreur qu'il faudra réparer. Les ouvriers et les salariés de ce secteur sont la clé de la réussite de la transition écologique ; ils doivent donc être entendus.
Les quelque 7,7 milliards d'euros de crédits de paiement de cette mission étant bien insuffisants pour faire face aux enjeux industriels de demain, les députés du groupe Gauche démocrate et républicaine ne les voteront pas.
Applaudissements sur les bancs du groupe SOC. – M. le président de la commission des finances applaudit également.
Programme d'investissements d'avenir, plan de relance, France 2030, planification écologique… notre planification illustre de façon éclatante le mal Français : un État endetté jusqu'au cou, qui reporte d'année en année les investissements indispensables pour le pays ; un État qui ne décentralise rien et veut tout faire lui-même, et qui peine par conséquent à y arriver ; un État qui bégaye en permanence en se projetant dans des plans qui n'aboutissent que trop partiellement. Résultat : un gouffre béant sépare les promesses et la réalité, et les Français ne croient plus en rien.
Comment ne pas partager vos lignes directrices en matière d'industrie, d'écologie et d'infrastructures : « mieux produire, mieux vivre et mieux comprendre notre monde » pour France 2030, « écologie, compétitivité et cohésion » pour France relance ? Nous peinons en revanche à identifier leur concrétisation dans la vie de nos concitoyens et dans la vie économique – il y a toujours loin de la coupe aux lèvres.
Pour ne rien faciliter, les déclinaisons de vos plans et leur articulation manquent de cohérence et de lisibilité. Par exemple, certains dispositifs sont comptabilisés à la fois dans les 100 milliards de France relance et dans les 54 milliards de France 2030. Combien l'État met-il réellement sur la table ? Ce constat est particulièrement vrai pour les mesures en faveur de l'industrie. À l'heure où nous aspirons à réimplanter des usines en France, c'est problématique !
De nombreux crédits de France relance font l'objet de labellisations – tant mieux. Toutefois, vous faites ce qu'on appelle, chez nous, de la gonflette : vous octroyez un beau label « relance » à des dépenses déjà prévues ou ordinaires. Il est souhaitable de regarder loin, mais plus nous retarderons les premiers pas, c'est-à-dire les premiers financements et les premières actions, moins les objectifs seront facilement atteignables. Trop peu d'éléments sont matérialisés dans ce domaine ; cette visibilité nous manque cruellement. L'exemple de l'énergie est éloquent : France 2030 prévoit 1 milliard d'euros d'investissements pour faire émerger des réacteurs nucléaires de petite taille en France, et consacre des crédits à l'hydrogène vert – tant mieux. Cependant, nous ignorons toujours quels sont nos objectifs énergétiques pour les années à venir. L'Assemblée a examiné plusieurs textes techniques relatifs aux énergies renouvelables et au nucléaire, sans que jamais les équilibres du mix énergétique soient débattus. N'est-ce pas la première urgence ? Sans loi de programmation sur l'énergie et le climat, comment déterminer les perspectives des filières du photovoltaïque, de l'éolien, du nucléaire et de l'hydrogène ?
Il en est de même pour la mobilité : nous devons verdir les transports et réinvestir dans le ferroviaire, dont les infrastructures se trouvent dans un état pitoyable – c'est la première cause de retard des trains. La majorité relative partage ces préoccupations, puisque la Première ministre a annoncé un plan de 100 milliards d'euros pour le secteur d'ici à 2030. Toutefois, nous ne savons toujours pas qui finance quoi et à quel niveau, et le budget pour 2024 ne comporte aucun investissement significatif en faveur des transports. Une loi de programmation des mobilités se fait attendre.
Créer un climat de confiance pour les entreprises, ce n'est pas seulement promettre des milliards et multiplier les annonces : il faut aussi garantir aux acteurs économiques que les financements seront au rendez-vous, et que les pouvoirs publics ne changeront pas de pied en permanence dans leur stratégie économique.
Le pouvoir exécutif doit en faire moins, mais faire mieux, en anticipant davantage. Il doit faire confiance aux acteurs de terrain en décentralisant massivement ses stratégies industrielles en direction des collectivités dotées de moyens. Avant de faire des promesses, il doit identifier les leviers de la réussite du pays. Ces conditions ne nous semblant pas réunies, les députés du groupe Libertés, indépendants, outre-mer et territoires s'abstiendront lors du vote des crédits des missions Plan de relance et Investir pour la France de 2030.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe Écolo – NUPES.
Le premier programme d'investissements d'avenir date de 2010, et de la prise de conscience collective qu'il était plus que nécessaire de penser notre futur et d'éviter « l'acceptation du déclin », pour citer Alain Juppé et Michel Rocard, alors coprésidents de la commission sur l'emprunt national. Derrière cette prise de conscience se cachait la volonté de choisir notre destin plutôt que de le subir, de réapprendre à voir large et loin, et de ne pas regarder les autres pays prendre le train des innovations techniques en nous laissant à quai.
Depuis cette réalisation, que d'évolutions positives et de projets soutenus ! Car c'est bien à cet outil de financement que nous devons des réalisations telles que le campus de Paris-Saclay, le réacteur de recherche nucléaire de Cadarache dans la région Provence-Alpes-Côte d'Azur (Paca), ou encore la ferme agroécologique de l'Envol à Brétigny-sur-Orge, dans ma circonscription. Il ne fait aucun doute que le PIA est au cœur des plus belles réussites françaises de ces dernières années, ce qui a permis à la France de conserver sa onzième place mondiale en matière d'innovation en 2023.
Depuis octobre 2021, avec France 2030, nous sommes passés à une vitesse supérieure. Pour rappel, nous parlons de 54 milliards d'euros visant à poursuivre la transformation des secteurs clés de notre économie par l'innovation technologique, à soutenir des investissements pour rattraper notre retard dans certains secteurs, et à faire émerger de nouvelles filières stratégiques. Je n'en citerai que quelques exemples, à commencer par les gigafactories françaises : même les plus critiques d'entre vous se doivent de reconnaître qu'elles sont un succès et qu'elles joueront un rôle essentiel à l'avenir. Selon les données fournies par les sociétés concernées, elles permettront de couvrir plus de 15 % des besoins du marché européen en 2030, avec une puissance de 166 gigawattheures. Comme l'indiquait le Président de la République lors de sa conférence de presse du 12 octobre 2021, il s'agit d'une création de valeur durable qui aidera notre pays à rester maître de son destin dans le domaine de la mobilité électrique. Avec France 2030, c'est bien de cela qu'il s'agit : innover pour rester maître de notre destin.
Les autres exemples sont nombreux et non moins spectaculaires : pensons à l'usine Soitec en Isère, inaugurée fin septembre par Roland Lescure et Thierry Breton, jalon majeur de la stratégie française et européenne de développement d'une filière de microélectronique. Soitec est soutenue par l'État, dans le cadre de France 2030, pour mettre au point des technologies plus efficientes et plus performantes sur le plan énergétique, nécessaires à la production de substrats innovants qui permettront de développer la filière microélectronique souveraine que nous appelons de nos vœux.
Citons un dernier exemple, auquel je ne doute pas, chers collègues, que vous serez sensibles : l'usine Delpharm, qui possède notamment un site à Brétigny-sur-Orge dans ma circonscription, est essentielle à notre souveraineté car elle contribue à la relocalisation de la production de médicaments en France.
J'insisterai, par ailleurs, sur le recyclage des batteries. L'année dernière, dans mon rapport pour avis sur la présente mission, j'avais exprimé des regrets quant au manque d'ambition dans ce domaine, où il est pourtant essentiel d'anticiper. Depuis, les choses ont évolué très positivement. Je me réjouis ainsi qu'au mois de février dernier, Roland Lescure et Agnès Pannier-Runacher aient annoncé les lauréats pour le volet « Recyclage de batteries » de l'appel à projets « Solutions innovantes pour l'amélioration de la recyclabilité, le recyclage et la réincorporation des matériaux (RRR) » inscrit dans le plan France 2030. Les projets retenus, destinés à apporter des réponses à la question essentielle du recyclage, seront soutenus à hauteur de 30 millions d'euros.
En dessinant une trajectoire claire, France 2030 est une chance pour notre pays, pour son développement et pour sa souveraineté. D'après le comité de surveillance des investissements d'avenir, notre PIB pourrait croître de 40 à 76 milliards d'euros à l'horizon 2030 grâce à ces projets et au soutien qu'y apporte ce plan. Des centaines de milliers d'emplois, de 300 000 à 600 000, parmi lesquels 100 000 emplois industriels, sont susceptibles d'être créés d'ici à 2030. Si ces chiffres ne sont, j'en conviens, que des prévisions, ce sont néanmoins des signaux pour le moins positifs qui doivent encourager notre action et notre soutien à ce beau programme qu'est France 2030.
Pour l'ensemble des raisons que j'ai évoquées, je ne peux souscrire aux conclusions du rapporteur spécial. Une fois de plus, le groupe Renaissance fera le choix du développement industriel, de l'essor de l'emploi et de l'innovation technologique au service de l'avenir en soutenant les crédits de la mission "Investir pour la France de 2030" .
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE et Dem.
Je suis heureux de pouvoir discuter avec vous ce matin sur les missions Investir pour la France de 2030 et Plan de relance, deux missions exemplaires du cap que le Gouvernement s'est fixé depuis 2017 et qui sous-tend l'ensemble du projet de loi de finances pour 2024 : investir pour l'avenir, réindustrialiser le pays et accélérer la transition écologique.
La crise du covid a fait peser sur notre économie comme sur celles de l'ensemble de nos partenaires un risque inédit. Nous nous en sommes aussi servis comme d'un levier de renforcement structurel de notre économie. Le plan France relance est venu compléter en septembre 2020 les mesures d'urgence prises dès le mois de mars avec un double objectif : permettre une reprise forte et durable de l'activité ; apporter une réponse aux défis structurels de l'économie française que sont la transition écologique, la compétitivité de nos entreprises et le développement des compétences et de la cohésion territoriale.
Alors que la mission "Plan de relance" arrive à son terme, nous pouvons collectivement nous accorder sur le fait qu'elle a été à la hauteur de l'enjeu. D'abord, elle a été massive : ce sont 100 milliards d'euros qui auront été investis, dont 40 milliards donneront lieu à un versement par l'Union européenne. Ensuite, elle a été rapide : à ce stade, le taux d'engagement est de 99 %.
Elle a bien été exceptionnelle et temporaire : le PLF pour 2024 prévoit l'ouverture de 1,4 milliard d'euros de crédits de paiement contre 4,4 milliards l'an dernier, uniquement pour couvrir les décaissements associés aux engagements déjà réalisés ou qui doivent encore l'être d'ici à la fin de l'année 2023. Aucun engagement nouveau n'est prévu. Elle a soutenu des priorités indéniables : la rénovation énergétique des bâtiments, les infrastructures et les mobilités vertes, la biodiversité, la transition du modèle agricole, les énergies et technologies vertes ou encore la décarbonation de l'industrie.
En outre, elle a produit les effets escomptés, et je vous le dis d'autant plus sûrement que nous nous sommes mis en situation de l'évaluer grâce à un comité dédié. Dans l'attente du rapport qui paraîtra en décembre, je vous rappelle les conclusions de la précédente évaluation, datée de décembre 2022 : l'économie française a retrouvé dès l'été 2022 son niveau de PIB d'avant la crise, devançant la plupart de nos partenaires, notamment l'Allemagne et le Royaume-Uni ; l'emploi total, au troisième trimestre 2022, était supérieur de 3,4 % à son niveau du quatrième trimestre 2019 ; le pouvoir d'achat par habitant est resté orienté plus favorablement en France en 2022 ; enfin, l'activité des PME a redémarré et a dépassé son niveau d'avant la crise.
Toutefois, nous sommes lucides, les défis pour notre économie restent considérables. Ces défis, nous en avons constaté l'ampleur, l'an dernier, avec l'invasion de l'Ukraine et ses conséquences sur les prix des intrants, à commencer par l'énergie, et les tensions sur les chaînes de valeur mondiales. Nous devons également faire face à la très forte accélération technologique en cours dans le monde, notamment aux États-Unis mais aussi en Chine.
Enfin, nous sortons à une vitesse accélérée de l'ère de l'argent gratuit, ce qui induit le risque de mettre en difficulté une génération d'entreprises technologiques prometteuses, et pour certaines stratégiques, que nous avons soutenues depuis la phase du laboratoire.
Le plan France 2030 vient non seulement prolonger et amplifier l'effort du plan de relance pour préparer l'avenir mais aussi apporter une réponse à ces défis nouveaux.
Il se traduit par une action massive puisque 54 milliards d'euros sont investis sur cinq ans, soit cinq fois plus que les deuxième et troisième PIA. En deux ans, 25 milliards ont été engagés, soit déjà plus que les montants cumulés des deux premiers PIA.
Nous ne raisonnons pas qu'en termes de montants et avons privilégié une méthode de ciblage équilibrée en associant une action dirigée vers les secteurs et acteurs sélectionnés selon les priorités définies par l'État, sans saupoudrage, et une logique d'appels à projets, destinée à laisser tout son champ à la créativité, à l'initiative et à l'esprit d'innovation. Au total, les projets soutenus pour le moment permettront de générer 2 000 dépôts de brevets et de créer 40 000 emplois.
J'entends les critiques formulées par le rapporteur spécial sur le ciblage du plan : trop faible nombre de cibles, soutien excessif aux start-up ou encore trop grand nombre d'entreprises parmi les bénéficiaires. Permettez-moi de rappeler ici quelques faits et chiffres. Nous sommes, je vous l'accorde, sortis de la logique de la relance au profit d'un plan de transformation plus ciblé. Toutefois, nous avons déjà soutenu plus de 2 900 projets pour près de 4 500 bénéficiaires, dont 3 200 structures uniques. Les acteurs émergents, en particulier les start-up, ont bénéficié de 29 % des aides. En effet, nous croyons au potentiel de valorisation de notre recherche publique, l'une des meilleures au monde, mais aussi aux impacts positifs sur l'emploi du développement de nos start-up. Pensons à Verkor, deuxième licorne industrielle française, qui s'apprête à créer une gigafactory – une usine de très grande taille – de batteries à Dunkerque. Il n'y en a pas non plus que pour les entreprises puisque les universités et les organismes de recherche ont bénéficié de 32 % des montants.
Ce plan est aussi un plan de transformation écologique. Ses cibles globales le montrent : 50 % des crédits iront à des projets bas-carbone ou de décarbonation, avec zéro dépenses nuisibles à l'environnement. Cela se traduit aussi dans les conditions de sélection que nous appliquons : tous les projets sont évalués à l'aune de critères exigeants, portant notamment sur l'innovation, les effets d'entraînement territoriaux, les emplois créés, l'impact environnemental et la décarbonation ou encore les usages qui seront faits des technologies. Cette caractéristique se manifeste également dans ses réalisations concrètes. Ainsi la France produira-t-elle 300 000 véhicules électriques en 2023 et 1,5 million dès 2026, notre objectif étant d'atteindre 2 millions de véhicules électriques par an à horizon 2030. S'agissant de l'hydrogène, nous avons sécurisé la production de 2,5 gigawatts par an d'ici à 2027 dans l'objectif d'installer 6,5 gigawatts d'ici à 2030. Enfin, pour la décarbonation des grands sites industriels, les feuilles de route seront très bientôt toutes signées, dans une logique de donnant-donnant.
Par ailleurs, je précise, ce qui me permettra de répondre à certaines observations, qu'il importe de garder à l'esprit que le plan France 2030 n'a pas vocation à répondre seul à tous les enjeux auquel le pays est confronté. Le plan s'inscrit dans une politique bien plus large, cohérente et dont la stabilité dans le temps vaut à la France d'être depuis plusieurs années déjà le pays le plus attractif d'Europe.
Citons d'abord les mesures destinées à soutenir la compétitivité. L'impôt sur les sociétés a été ramené de 33 % à 25 % et nous poursuivons la baisse des impôts de production. Dans le cadre de ce projet de loi de finances pour 2024, nous allons plus loin encore en créant le crédit d'impôt au titre des investissements en faveur de l'industrie verte qui nous permettra de soutenir la production des technologies stratégiques pour notre transition écologique tout en restant compétitifs face aux États-Unis et à la Chine.
Nous avons également mis en œuvre un ambitieux programme de simplification des règles susceptibles d'entraver les projets d'avenir. C'est un point tout aussi important que les financements publics pour nos entreprises. Je parle ici bien sûr de la loi relative à la croissance et la transformation des entreprises, dite loi Pacte, de la loi d'accélération et de simplification de l'action publique, dite loi Asap, de la loi relative à l'accélération de la production d'énergies renouvelables, dite loi ENR, ou encore de la loi relative à l'industrie verte. Grâce à cette dernière, nous diviserons par deux les délais d'ouverture ou d'agrandissement d'une usine en France, les faisant passer de dix-sept mois à neuf mois réels.
Pour ce qui est de la transition écologique, là encore, nos actions vont au-delà du plan France 2030, qu'il s'agisse du plan d'action pour une gestion résiliente et concertée de l'eau lancé cet été, des dispositifs que nous avons soutenus et obtenus au niveau européen, par exemple le mécanisme d'ajustement carbone aux frontières (MACF), véritable taxe carbone aux frontières qui s'appliquera notamment à l'acier et l'aluminium servant à la production des véhicules électriques, ou encore de l'approche globale du plan national de transition écologique, pour la mise en œuvre duquel la Première ministre a annoncé en juillet une hausse de 10 milliards d'euros du budget de l'État pour 2024.
Cette politique porte ses fruits et nous la poursuivrons. Pour ne citer qu'un chiffre, rappelons que nous avons créé plus de 110 000 emplois industriels nets depuis 2017 après des années de désindustrialisation.
Notre objectif est clair : préparer notre avenir, renforcer nos atouts, réduire nos faiblesses, donner de la visibilité aux porteurs de projets et choisir le meilleur. Parce que nous faisons le choix de la responsabilité budgétaire mais aussi de l'excellence, le plan France 2030 est un programme sélectif et le restera mais il faut rappeler que c'est résolument un programme accessible à tous nos acteurs économiques, en particulier les plus petits.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem.
Nous en venons à l'expression des orateurs de groupes.
La parole est à M. Emmanuel Lacresse.
Ma question porte sur l'évaluation de la transparence. Plusieurs orateurs ainsi que vous-même, monsieur le ministre, ont insisté sur les efforts que le Gouvernement déployait en la matière pour des raisons bien compréhensibles. Les acteurs vers lesquels le plan France 2030 est tourné, les entreprises, y compris les start-up, les universités et les organismes de recherche, ont besoin, pour se mobiliser de la façon la plus intense possible, de connaître les objectifs et les rythmes d'évaluation ; et les élus, dont nous faisons partie, doivent également être informés pour savoir comment s'associer à ces projets.
Nous assistons à une véritable révolution de la politique industrielle de la France. Nous accomplissons une transition climatique tout en préservant notre mode de vie, nous choisissons la science plutôt que la décroissance, nous voulons assurer un droit à la mobilité et à une énergie bon marché. Surtout, nous contribuons à établir l'autonomie technologique européenne en faisant jouer un rôle éminent à nos bassins industriels face à la Chine et à certaines autres économies qui continuent de s'appuyer sur le charbon, bénéficiant ainsi d'un avantage compétitif indu au regard des exigences qu'impose la transition climatique.
J'aimerais savoir comment le Gouvernement veille à la conformité avec les objectifs fixés tout en assurant la transparence et l'évaluation. La question est d'importance, compte tenu du fait que les fonds sont massifs et qu'ils sont engagés pour la moitié d'entre eux.
En ce qui concerne l'innovation et de la recherche, vous avez rappelé que 30 % des fonds allaient aux universités et organismes de recherche. Quel schéma compte retenir le Gouvernement pour obtenir un maximum d'efficacité ?
Enfin, comment les entreprises, notamment les plus grandes, seront-elles évaluées ?
Sur le vote des crédits de la mission "Investir pour la France de 2030" , je suis saisie par le groupe Renaissance d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. le ministre délégué.
Monsieur le député, vous avez raison : compte tenu des sommes en jeu, il faut assurer la transparence sur leur utilisation et faire preuve d'exigence. Je vais détailler la gouvernance en ce domaine, qui est bien établie puisque nous pouvons profiter de l'expérience des PIA lancés depuis plus de dix ans.
Le comité France 2030, présidé par la Première ministre, associe élus et acteurs économiques. Le conseil de l'innovation, de nature interministérielle, nous permet d'arrêter notre stratégie et les montants financiers. Le comité de suivi de France 2030 réunit le Gouvernement, les partenaires sociaux, les professionnels et les filières concernées et le comité de surveillance des investissements d'avenir, créé par la loi de 2010, réunit quant à lui députés, sénateurs et personnalités qualifiées.
En outre, un rapport à destination du Parlement est publié tous les trimestres pour faire état de l'avancement des projets, auquel s'ajoute le rapport d'évaluation du comité.
Par ailleurs, pour répondre aux intervenants précédents, je rappelle que chaque décision fait l'objet d'une publication au Journal officiel, où figurent l'ensemble des projets validés.
Enfin, avec 25 milliards d'euros, nous aurons engagé d'ici à la fin de l'année pratiquement la moitié des 54 milliards prévus au titre du plan France relance. Nous avons consenti un effort particulier en faveur de la recherche et de l'innovation, en accélérant non seulement la transformation des filières industrielles traditionnelles, telles que l'automobile ou l'énergie – sujet qui vous est cher – avec le soutien à l'hydrogène, mais également en favorisant de nouveaux écosystèmes, comme la filière quantique, et en soutenant l'innovation de rupture.
J'appelle les crédits de la mission "Investir pour la France de 2030" , inscrits à l'état B.
Dans la mesure où il n'y a pas d'amendement, je les mets directement aux voix.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 29
Nombre de suffrages exprimés 23
Majorité absolue 12
Pour l'adoption 16
Contre 7
Les crédits de la missionInvestir pour la France de 2030 (état B)sont adoptés.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR.
Nous en venons aux amendements à l'état G, relatifs aux objectifs et indicateurs de la mission "Investir pour la France de 2030" .
La parole est à Mme Cécile Rilhac, pour soutenir l'amendement n° 949 .
Il vise à fixer un nouvel objectif à la mission, en l'assortissant d'un nouvel indicateur. L'objectif est d'accroître la mobilisation des investissements de l'Union européenne en France, grâce à des outils cofinancés par le plan France 2030 et l'Union européenne. Plusieurs outils ont déjà fait l'objet d'un cofinancement, parmi lesquels, le plus important, l'initiative Champions technologiques européens (ICTE), géré par le fonds exceptionnel d'investissement (FEI).
Il apparaît nécessaire d'augmenter le nombre d'actions facilitant les cofinancements européens, sous la forme de mandats confiés au FEI, dès lors que des priorités similaires existent entre le plan France 2030 et les plans de l'Union européenne, je pense au secteur de la deeptech – la technologie de pointe – ou au secteur spatial.
Cet amendement inciterait à prévoir systématiquement des cofinancements européens, ce qui compliquerait le développement de projets et poserait des questions de souveraineté. Avis défavorable.
La mobilisation des fonds européens est en effet un enjeu fondamental. Un plan d'action, comportant plusieurs volets, est déployé depuis 2018, afin d'améliorer la participation française aux dispositifs européens, en incitant les acteurs à recourir à ces fonds, en restructurant l'accompagnement et en renforçant les capacités d'influence françaises. À ce titre, la France a été le premier bénéficiaire du plan Horizon 2020 et le deuxième du plan Horizon Europe, qui lui a succédé. Nous avons lancé, avec le SGAE, un nouveau plan de mobilisation des fonds européens et nous agissons sur tous ces leviers. En ce qui concerne le plan France 2030, nous travaillons déjà main dans la main avec les institutions européennes.
À l'aune de ce plan d'action, je vous invite à retirer votre amendement qui, s'il était adopté, contrarierait un travail en cours. Je propose de réfléchir avec vous à la déclinaison opérationnelle du plan de mobilisation des fonds européens, qui devra également associer les régions, acteurs clefs du dispositif. À défaut d'un retrait, je donnerai un avis défavorable.
Permettez-moi simplement d'ajouter une remarque : la France compte parmi les premiers bénéficiaires de ces plans. Toutefois, en ce qui concerne l'accélération du développement des acteurs émergents du plan France 2030, elle ne me semble pas tirer tous les bénéfices de ces programmes européens, contrairement à d'autres pays, comme l'Allemagne. J'entends, monsieur le ministre délégué, que vous travaillez sur ces sujets. N'hésitez pas à nous y associer, avec notamment Paul Midy et Jean-Luc Fugit. Je retire mon amendement.
L'amendement n° 949 n'est pas adopté.
Pour développer son écosystème d'innovation, la France s'est dotée d'outils exceptionnels : France 2030, BPIFrance, la mission French Tech ou encore la loi de programmation de la recherche pour les années 2021 à 2030. Cela fonctionne puisque cet écosystème n'a jamais été aussi dynamique en matière de projets, de réussite, de nombre de brevets déposés ou de création d'emplois.
Les grandes universités dans le monde ont développé des fonds d'investissement pour investir dans les jeunes entreprises innovantes et valoriser la recherche.
Cet amendement d'appel propose de créer dix fonds d'investissement universitaires, de 50 millions d'euros chacun, auprès des dix meilleures universités françaises de sciences, financés en partie par les crédits du plan France 2030 et par des investisseurs privés – sur l'exemple de ce que fait l'université Paris-Saclay, avec son nouveau fonds nommé Tech and Talents. Ces fonds d'investissement permettront d'augmenter nos capacités de financement et d'ouvrir aux universités des perspectives de nouvelles ressources propres.
La présente proposition est issue du rapport que j'ai remis au Gouvernement sur le soutien à l'investissement dans les start-up, les PME innovantes et les PME de croissance. J'en profite pour saluer Sylvie Retailleau, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche, Bruno Bonnell et son équipe de France 2030, avec lesquels nous avons travaillé de concert, ainsi que les universités membres de l'association Udice.
Permettez-moi de saluer le travail que vous avez accompli dans le cadre du rapport remis au Gouvernement sur le soutien à l'investissement dans les start-up, les PME innovantes et les PME de croissance. Une partie de vos propositions ont d'ailleurs trouvé place dans le projet de loi de finances pour 2024. Nous partageons votre souci de rapprocher l'investissement privé – le capital-risque – de la recherche publique.
Avec le plan France 2030, les universités peuvent déjà se doter de fonds d'investissement, grâce au fonds national d'amorçage. Les universités Paris Sciences et Lettres, ainsi que Paris-Saclay, que vous connaissez bien, en sont autant d'exemples concrets ; nous pouvons également mentionner le fonds deeptech, le fonds Techci ou le fonds French Tech Accélération. Le dispositif actuel permet donc déjà d'accompagner ce type de démarches.
Pour ce qui est de la deuxième partie de votre amendement, qui prévoit de nouveaux indicateurs, les pôles universitaires d'innovation permettent de rapprocher les acteurs académiques et les acteurs du capital-risque. Il est toutefois un peu tôt pour fixer dès à présent de nouveaux indicateurs, alors que le travail est en cours. C'est pourquoi je vous invite à retirer votre amendement et vous propose de continuer à travailler ensemble, comme nous l'avons fait ces derniers mois.
Je vous remercie, monsieur le ministre délégué, pour ces précisions et ces engagements. Je retire mon amendement.
L'amendement n° 1770 est retiré.
Il vise à encourager l'achat public auprès des acteurs émergents. Je mène actuellement une mission d'information de la commission des affaires économiques, relative à l'avenir de l'industrie spatiale européenne. Tous les acteurs économiques que nous avons auditionnés plébiscitent en effet, en complément des subventions et des interventions en fonds propres, la commande publique, qu'elle soit de produits, de services ou de démonstration de services innovants – une commande publique tout à fait nécessaire.
Le plan France 2030 recourt déjà à la commande publique pour son volet spatial et des annonces ont été faites pour étendre ce moyen d'intervention à la santé. Cependant, on observe un déploiement trop lent de ces actions, de l'ordre de 50 millions d'euros engagés en achats auprès d'acteurs émergents en deux ans sur les 1,5 milliard d'euros d'investissements prévus dans le volet spatial. C'est pourquoi il apparaît nécessaire d'augmenter la part des actions prévoyant de l'achat public au sein du plan France 2030 et de veiller à leur déploiement rapide et massif.
Je suis favorable à cet amendement. Le recours à la commande publique fait en effet souvent défaut, comme nous l'avons constaté concernant d'autres investissements de l'État. Je pense par exemple aux masques sanitaires : on a encouragé les usines françaises à en produire mais une grande partie d'entre elles sont actuellement sur le point de fermer parce que l'État a décidé de les acheter à l'étranger. L'Assemblée nationale elle-même achetait en Chine, jusqu'à il y a deux ans, les masques qu'elle nous fournissait ; il a fallu que des députés haussent le ton pour qu'on finisse par obtenir des masques produits en France. Il y a donc là un vrai souci. Financer est une bonne chose, mais il faut que la commande publique suive.
En effet, la commande publique est un levier de transformation et de soutien à l'émergence de certains secteurs. Vous avez évoqué le secteur spatial, lequel ne tient d'ailleurs que par la commande publique. Celle-ci est donc un bon levier mais qui doit être circonscrit à des secteurs bien précis, très innovants, très régulés et correspondant à des marchés très étroits.
Je partage votre objectif de mieux utiliser la commande publique pour soutenir l'émergence de certains acteurs dans des secteurs spécifiques. Toutefois, votre amendement, tel qu'il est rédigé, concerne l'ensemble du plan France 2030, alors que les secteurs couverts par le plan n'obéissent pas tous à ces critères de ciblage. C'est pourquoi il risquerait de poser des difficultés pour d'autres secteurs que le secteur spatial. Demande de retrait.
Vous avez raison, l'amendement n'est pas circonscrit au secteur spatial et j'accepte de le retirer. Cependant, pour le déploiement du plan France 2030 et à l'avenir, il me semble utile de travailler à ce ciblage, pour que les investissements publics soient fléchés vers des secteurs innovants, en particulier le secteur spatial.
Très bien. Je rappelle que lorsqu'un amendement est repris, il n'y a plus de prise de parole : il est directement mis aux voix.
L'amendement n° 950 n'est pas adopté.
Sur l'amendement n° 1831 , je suis saisie par le groupe La France insoumise-Nouvelle Union populaire, écologique et sociale d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Après l'article 54
Nous en venons à des amendements portant article additionnel après l'article 54.
La parole est à M. le rapporteur pour avis pour soutenir l'amendement n° 1831 .
Le plan France 2030 souffre d'un déficit démocratique. Il a été créé sans débat parlementaire, par un amendement du Gouvernement au projet de loi de finances pour 2022, et engage 34 milliards d'euros sur la base d'un simple exposé sommaire. Le Parlement n'a pas non plus été consulté sur la définition des dix objectifs stratégiques de France 2030. Le recours à l'article 49.3 de la Constitution pour faire adopter le PLF pour l'année 2023 a aggravé ce déficit de démocratie, privant l'Assemblée nationale d'un débat sur le texte ; les députés n'ont pas pu exercer leur droit d'amendement ni assurer leur rôle de contrôle du Gouvernement.
De plus, l'évaluation du dispositif France 2030 manque d'indépendance. Différents rapports parlementaires, ainsi que la Cour des comptes, ont régulièrement souligné l'insuffisante évaluation des investissements d'avenir et de France 2030. En effet, l'évaluation du dispositif est assurée par un comité de surveillance des investissements d'avenir, composé en majorité de personnalités qualifiées désignées par le Premier ministre. Or France 2030 est piloté par le secrétariat général à l'investissement, placé lui-même sous l'autorité du Premier ministre. Il y a donc un problème évident d'indépendance de l'évaluation de France 2030, par rapport au Gouvernement.
Une telle structure mériterait une composition pluraliste, laissant davantage de place à des représentants qualifiés de la société civile. L'amendement tend donc à modifier le comité de surveillance de telle sorte qu'il soit composé de huit parlementaires, de huit personnalités qualifiées désignées par le président du Cese et d'un représentant des régions désigné par l'association Régions de France.
Le déploiement du plan France 2030 est évalué en continu. J'ai répondu à la question de M. Lacresse en détaillant l'ensemble des dispositifs instaurés à cette fin : le comité France 2030, le conseil interministériel de l'innovation, le comité de suivi du plan France 2030 et le comité de surveillance des investissements d'avenir, composé de huit parlementaires – quatre députés et quatre sénateurs – et de dix personnalités qualifiées, ce qui répond à votre désir d'assurer une juste représentation de la société civile. La démarche d'évaluation du plan fait donc une large place aux parlementaires et à la société civile.
Par ailleurs, il existe un comité économique chargé de l'évaluation continue de France 2030, dont les travaux, réalisés par des économistes et par des experts, permettent d'éclairer les choix d'investissement et d'évaluer leurs conséquences macroéconomiques et microéconomiques.
Pour ces raisons, j'émets un avis défavorable sur l'amendement.
La parole est à M. le président de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire.
Je soutiens cet excellent amendement qui me semble relever du bon sens. Je prends acte de la réponse de M. le ministre délégué au sujet du comité d'évaluation ; toutefois, un tel comité présente le désavantage de travailler a posteriori : sa mission consiste à évaluer les conséquences de décisions déjà prises. En l'occurrence, un problème s'est posé dès le départ puisque le dispositif France 2030 a été créé sans réel débat parlementaire. Eu égard à l'importance des sommes annoncées, il convient d'en renforcer la surveillance par le Parlement, mais aussi – c'est en cela que l'amendement est particulièrement pertinent – par l'association Régions de France et par des représentants de la société civile désignés par le Cese. Cela ne fera de mal à personne mais pourrait faire du bien en contribuant à déterminer efficacement la meilleure manière d'utiliser les crédits de France 2030.
Notre groupe abonde dans le sens de l'amendement car il importe de remettre de la démocratie dans le fonctionnement de l'État, dans le fonctionnement des institutions et dans celui des investissements. Lors de la Convention citoyenne pour le climat, vous avez ignoré tout ce que vous a dit le peuple. En dégainant 49.3 sur 49.3, vous ignorez désormais la représentation parlementaire. Nous appelons à ce que les citoyens et les associations retrouvent une place dans les couloirs de la décision. Nous soutenons l'amendement de M. Alexandre et serons toujours là pour vous rappeler qu'il ne faut pas avoir peur de la démocratie.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
Notre groupe votera également l'amendement. En effet, la démocratie constitue un remède à la tentation bureaucratique qu'illustre l'exemple du soutien à la recherche universitaire, évoqué par M. Midy. À la lecture de la présentation de l'action 06 dans le projet annuel de performance du programme Soutien des progrès de l'enseignement et de la recherche, annexé à la loi de finances pour 2023, on s'aperçoit que seuls deux porteurs de projet ont répondu à l'appel à manifestation d'intérêt (AMI) « Sociétés universitaires et de recherche », ouvert entre 2018 et 2021, en raison de la nature par trop bureaucratique de la procédure. Ainsi, l'État n'a finalement décaissé que 10 millions d'euros sur les 400 millions initialement prévus.
Nous votons des crédits considérables pour préparer l'avenir de la France mais ils ne sont pas correctement dépensés. La présence de parlementaires au sein du comité de surveillance des investissements d'avenir permettrait d'éviter cela.
Ils y sont déjà !
La lecture des rapports d'activité nous enseigne aussi que France 2030 financera, entre autres, la traduction de plaquettes universitaires à destination des étudiants étrangers. Étant donné que le plan n'est pas bien calibré et que les parlementaires n'y sont pas suffisamment associés, certains dispositifs sont mal déployés. Nous devons y remédier ; c'est pourquoi, j'y insiste, nous soutenons cet amendement.
Mon intervention ne porte pas tant sur l'amendement que sur les propos qu'a tenus M. Pilato au sujet de l'article 49.3. Je tiens à rappeler qu'il s'agit d'un outil constitutionnel
M. Manuel Bompard rit
…tels qu'ils sont organisés depuis un an et demi par les oppositions. S'il est appliqué, c'est pour que le pays continue à fonctionner car votre attitude consiste à emboliser le fonctionnement de l'Assemblée nationale. Si nous continuons à ce rythme jusqu'en 2027, 500 000 amendements auront été déposés pendant la XVI
…pour rappel, 200 000 amendements avaient été déposés pendant la XV
Cette embolie peut-elle être assimilée à un comportement démocratique ? Je ne le crois pas !
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.
N'importe quoi ! Déposer des amendements, c'est antidémocratique, pour vous ?
Je soutiens évidemment cet amendement qui tend vers plus de démocratie. Je ne comprends pas, cher collègue, pourquoi vous vous emportez.
Votre intervention n'a rien à voir avec l'amendement et porte uniquement sur le 49.3.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Vous parlez de 500 000 amendements, mais nous en avons à peine douze à examiner ce matin. Douze amendements, et vous vous lancez dans un grand discours au sujet du 49.3. Pourrions-nous rester concentrés sur le texte ?
Il défendait l'idée qu'il fallait davantage de démocratie dans le comité de surveillance,…
…ce qui est tout à fait logique ; or vous répondez en évoquant la Constitution. Ne venez pas nous reprocher de faire obstruction au débat, alors que vous prenez deux minutes pour parler de la Constitution et du 49.3. S'il vous plaît, ne nous écartons pas du texte.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 52
Nombre de suffrages exprimés 40
Majorité absolue 21
Pour l'adoption 16
Contre 24
L'amendement n° 1831 n'est pas adopté.
L'amendement n° 931 vise à conditionner les aides publiques versées dans le cadre du plan France 2030 à trois engagements climatiques contraignants de la part des entreprises : la publication d'un bilan carbone, la conception d'une stratégie climat impliquant une trajectoire contraignante de baisse des émissions de gaz à effet de serre et la définition d'un plan d'investissement crédible destiné à mettre en œuvre cette stratégie. Pour nous, les subventions publiques constituent un levier d'action pour engager la transition écologique : le minimum qu'on puisse attendre d'entreprises aidées par l'État est qu'elles s'engagent dans une trajectoire de réduction des émissions.
L'amendement n° 930 est un amendement de repli, une exigence minimale : il tend à n'accorder les aides de France 2030 qu'aux entreprises ayant rempli leurs obligations en matière de publication de leur bilan carbone. Comme je l'ai rappelé, 68 % des entreprises soumises à l'obligation de publication d'un bilan carbone tous les quatre ans ne s'en acquittent pas. Adopter cet amendement me semble donc la moindre des choses.
Le premier vise à demander un engagement climatique contraignant aux entreprises bénéficiaires du plan France 2030 et le second leur demande la publication d'un bilan carbone, ce qui me paraît relever du bon sens – je pensais d'ailleurs que cela était obligatoire. Je suis favorable aux deux amendements.
Je rappelle que les bénéficiaires du plan France 2030 incluent la Société générale, qui fait partie des cinq banques européennes finançant le plus le secteur des énergies fossiles, ou encore TotalEnergies, grand champion de la pollution, dont le mix énergétique pour 2030 est composé à 85 % d'énergies fossiles et qui continue à lancer de nouveaux projets pétroliers et gaziers.
Lors des débats en commission au sujet du plan France 2030, plusieurs députés ont d'ailleurs regretté que l'engagement en faveur de la décarbonation ne soit pas assez significatif. Ces amendements peuvent aller dans ce sens en faisant en sorte que les entreprises ne puissent bénéficier des aides publiques du plan sans présenter leur bilan carbone et prendre des engagements climatiques contraignants.
Avant d'aborder le fond des amendements, je rappelle que les aides octroyées dans le cadre de France 2030 ne le sont jamais sans condition. La conformité aux conditions est d'ailleurs vérifiée à plusieurs étapes de la vie du projet : d'abord lors de l'instruction du dossier – l'éligibilité d'un projet aux aides du plan dépend notamment de ses effets sur les plans de l'innovation, de l'environnement, de l'emploi et des territoires –, puis à chaque stade de la réalisation du projet. Ne partons donc pas du principe que les aides de France 2030 seraient inconditionnelles.
J'en arrive à votre proposition visant à conditionner les aides à la publication du bilan des émissions de gaz à effet de serre. Il est parfaitement légitime de se demander pourquoi une partie des entreprises ne publient pas leur bilan carbone alors que la loi le leur impose. D'autre part, sachant que cette obligation ne s'applique qu'aux entreprises de plus de 500 salariés, on peut se demander s'il conviendrait de baisser ce seuil ; l'une des avancées permises par la loi du 23 octobre 2023 relative à l'industrie verte consiste d'ailleurs à appliquer l'obligation de publication du bilan carbone, selon des modalités simplifiées, aux entreprises de plus de 50 salariés.
Toutefois, vous voyez bien que de telles mesures doivent être transversales et ne sauraient se restreindre à France 2030, qui ne représente qu'une portion de notre activité économique. Cela est d'autant plus vrai que seules 39 % des entreprises éligibles aux aides de France 2030 font partie des très grandes entreprises astreintes à la publication d'un bilan carbone. Je vous invite donc à continuer à travailler de manière transversale, tant au niveau législatif que réglementaire, pour faire respecter cette obligation et pour appliquer la loi relative à l'industrie verte. Cela me semble plus opportun que de resserrer les conditions d'éligibilité à France 2030, qui ne concernent pas l'ensemble des entreprises. Demande de retrait ou avis défavorable.
La parole est à M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire.
Je ne voterai pas l'amendement n° 930 , mais la question s'impose à nous : comment se fait-il que des entreprises d'une taille significative – l'amendement ne s'appliquerait qu'à elles – ne publient pas leur bilan carbone, alors que la loi les y oblige ? Je souhaite savoir quels moyens l'État déploiera pour faire respecter cette obligation minimale : si nous votons une loi, c'est pour qu'elle soit appliquée, d'autant plus qu'elle touche à un enjeu fondamental !
Je ne sais pas si la conditionnalité des aides de France 2030 constitue le meilleur moyen de contraindre les entreprises à s'y soumettre,…
…car le plan vise d'autres objectifs. Toutefois, je vous demande franchement comment le Gouvernement compte faire appliquer cette obligation.
L'amendement n° 931 n'est pas adopté.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 46
Nombre de suffrages exprimés 42
Majorité absolue 22
Pour l'adoption 32
Contre 10
L'amendement n° 930 est adopté.
Ils visent à conditionner le bénéfice des subventions du plan France 2030 à l'instauration d'une trajectoire de déplastification. La production mondiale de déchets plastiques a presque doublé entre 2000 et 2019 et pourrait tripler d'ici à 2060.
Il est par conséquent impératif de réduire l'utilisation du plastique à tous les niveaux de la société, mais toutes les entreprises ne jouent pas leur rôle à cet égard. Un exemple récent en est la mise en demeure par des ONG, en septembre 2022, de neuf entreprises, dont Auchan, Carrefour, Casino et Danone, explicitement appelées à respecter leurs obligations légales et à s'engager dans la réduction à la source de leur production de plastique.
L'association Zéro Waste France, après avoir analysé, pour la deuxième année consécutive, les plans de vigilance d'entreprises – parmi lesquelles Auchan, Carrefour, Casino, ou Nestlé –, constate qu'aucune ne s'est fixé une trajectoire de déplastification.
Conditionner les aides du plan France 2030 à la définition d'une trajectoire de déplastification permettrait de progresser dans ce sens. C'est essentiel pour les écosystèmes et la santé.
Le raisonnement est le même que pour les amendements précédents : nous n'allons pas créer un cadre législatif spécifique aux entreprises concernées par le plan France 2030, qui serait différent du cadre législatif de toutes les autres entreprises par ses dispositions concernant la transition écologique et la transformation environnementale. La déplastification est une exigence importante mais si nous créions deux compartiments dans la vie économique, qui obéiraient à des réglementations et à des exigences différentes, d'une part les entreprises du plan France 2030, d'autre part les autres, je souhaite bon courage pour garantir la bonne exécution de ces dispositions.
En outre, pourquoi ne pas instaurer ces dispositions pour toutes les entreprises, y compris celles qui ne sont pas concernées par les investissements France 2030 ? En effet, instaurer pour ce plan des objectifs qui visent toute l'activité économique pose, selon moi, une difficulté. C'est la raison pour laquelle je suis défavorable à ces amendements.
Monsieur le ministre délégué, nous avons effectivement deux visions différentes de cette question. Pour les Écologistes, la conditionnalité des aides aux entreprises est un levier d'action pour mettre en œuvre la transition écologique et sociale, réguler le capitalisme et engager les entreprises dans une trajectoire de décarbonation.
Il est bon que le débat ait lieu dans l'hémicycle car nous sommes en désaccord sur ce point : pour nous, il est absolument essentiel de se servir de ce levier d'action car c'est une façon d'orienter le capitalisme. En effet, on déverse des milliards sur les entreprises ; au moins, que cela serve à engager une transition et à faire évoluer les trajectoires.
Monsieur le ministre délégué, quelque chose ne va pas dans votre argumentation : soit vous êtes en désaccord avec la logique de conditionnalité et, par conséquent, vous vous positionnez contre ces amendements ; soit, comme vous venez de le dire, vous êtes d'accord avec cette logique de conditionnalité mais vous ne voulez pas qu'elle soit réduite au plan France 2030,…
Exactement !
…car vous pensez qu'elle devrait s'appliquer partout, et vous avez l'occasion de faire un premier pas dans cette direction. Ces conditions s'appliqueraient alors au plan France 2030, et libre à vous, si vous êtes d'accord avec elles, de les généraliser à tous les secteurs de l'économie et à toutes les entreprises. Il faut être honnête : soit vous êtes contre, soit vous êtes pour. Si vous êtes contre, dites-le ; si vous êtes pour, commencez par émettre un avis favorable à ces amendements, avant, si vous le souhaitez, de généraliser ces dispositions à toutes les entreprises.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES. – M. le président de la commissiones finances et M. Philippe Brun applaudissent également.
L'amendement n° 1606 de Mme Eva Sas est défendu.
Quel est l'avis de la commission ?
Je tiens à apporter une précision sur la conditionnalité. Je suis favorable à mener une réflexion sur la conditionnalité des aides aux entreprises mais, je le répète, pas comme ça, pas dans le cadre du plan France 2030.
Cela n'a pas de sens d'instaurer une conditionnalité uniquement sur un programme temporaire.
Il y a des travaux, des réflexions en cours sur la conditionnalité des aides, la mesure des impacts, notamment en matière environnementale. Mais le plan France 2030 ne me paraît pas être le bon point de départ pour avancer sur ce sujet.
L'avis du Gouvernement est donc défavorable.
L'amendement n° 1606 n'est pas adopté.
Sur les amendements n° 1832 et 1833 , je suis saisie par le groupe La France insoumise-Nouvelle Union populaire, écologique et sociale de demandes de scrutin public.
Les scrutins sont annoncés dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Je suis saisie de deux amendements, n° 1832 et 1626 , pouvant être soumis à une discussion commune.
La parole est à M. le rapporteur pour avis pour soutenir l'amendement n° 1832 .
La conditionnalité des crédits accordés aux grandes entreprises dans le cadre de France 2030 est une grande absente de ce plan, ce à quoi je propose de remédier par cet amendement.
Il ne concerne que les grandes entreprises, cela afin de ne pas mettre en danger les petites et moyennes entreprises (PME) et les entreprises de taille intermédiaire (ETI) bénéficiaires de crédits au titre de la présente mission. Du reste, c'est surtout la relation de l'État avec les grands groupes qui pose problème, notamment en ce qui concerne le volet mobilité. Je rappelle que c'est le refus de grands constructeurs français d'investir dans notre pays, couplé à la démission de l'État actionnaire – pourtant en position de force dans ces groupes –, qui a plié notre secteur de la fonderie, dans la Somme, en particulier dans ma circonscription. Une politique industrielle cohérente passe par une relation équilibrée et responsable entre l'État, qui accorde les aides publiques, et les grandes entreprises qui les reçoivent. Contractualiser cette relation selon les besoins sociaux et environnementaux du pays est la base même d'une politique d'investissement raisonnée. Refuser que l'argent public subventionne des délocalisations relève du bon sens le plus élémentaire. C'est pourquoi je vous invite à voter cet amendement.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
Il vise à nouveau à conditionner l'attribution des subventions du plan France 2030, cette fois-ci à l'obligation pour les entreprises de ne pas délocaliser, ce qui est une condition assez simple. Nous cherchons en effet à conditionner les subventions publiques car nous considérons qu'elles sont un moyen d'orienter les trajectoires, notamment pour lutter contre le dumping social que nous avons toujours combattu, au niveau mondial comme au niveau intra-européen – auquel a lieu une grande partie des délocalisations.
Il est favorable sur les deux amendements, avec une préférence pour l'amendement n° 1832 de notre collègue Laurent Alexandre, qui prévoit de conditionner le versement d'aides publiques aux entreprises qui délocalisent ou qui licencient, tandis que l'amendement n° 1626 de Mme Eva Sas vise à conditionner les aides à l'absence d'une délocalisation entraînant des licenciements. L'amendement du rapporteur pour avis a donc une portée plus large.
Je tiens à expliquer pourquoi je partage cette orientation concernant la conditionnalité des aides. Nous avons tous été un peu traumatisés par l'usage du crédit d'impôt recherche (CIR) qui est toujours versé, par exemple, à Sanofi, censé être notre fleuron industriel…
…même s'il a mis le Doliprane en bourse. Sur dix ans, Sanofi a touché 1 milliard d'euros de crédit impôt recherche, ce qui n'a pas empêché l'entreprise, en parallèle, de licencier la moitié des effectifs de recherche. C'est le genre de situation qu'il nous faut éviter si on veut préserver notre souveraineté sanitaire, alimentaire et plus généralement industrielle.
Défavorable.
Monsieur le ministre délégué, vous avez répondu à Manuel Bompard qu'il n'était pas sensé conditionner les subventions liées au plan France 2030 si on ne le faisait pas pour le reste. Je trouve, comme lui, cette logique un peu bizarre.
Au sujet des délocalisations, il me semble que la conditionnalité devrait être évidente et que nous devrions nous accorder : on ne peut pas aider les entreprises qui délocalisent. Le plan France 2030 est fait pour réindustrialiser le pays et non pour aider les entreprises qui délocalisent. Je souhaite donc que nous nous accordions pour voter ces amendements, pour des raisons qui relèvent de l'évidence.
Le Rassemblement national défend depuis toujours le principe suivant, notamment dans les conseils régionaux : non seulement les aides publiques ne doivent pas permettre des délocalisations ou des suppressions d'emploi, mais elles devraient inciter à créer des emplois.
Nous connaissons votre logique, qui est ultralibérale : elle consiste à donner de l'argent public sans jamais exiger aucune contrepartie. Pourtant, vous en exigez des chômeurs : vous considérez que les chômeurs qui bénéficient des subsides publics doivent avoir des obligations. Ce que vous demandez aux chômeurs, vous ne le demandez pas à certaines grandes entreprises ; selon moi, cela n'a pas de sens. Les entreprises doivent pouvoir bénéficier de crédits publics, mais elles doivent créer de l'emploi et non pas délocaliser. J'admets que cela va à l'opposé des principes qui sont les vôtres : donner toujours plus sans contrepartie. Nous ne sommes pas d'accord et nous voterons évidemment ces amendements.
À l'appui de ces amendements, je donnerai l'exemple de la société Marelli, auparavant Magnetti-Marelli, à Argentan : elle a fait des bénéfices en 2022 et en 2023 ; elle avait touché des subventions pour sauvegarder l'emploi jusqu'en 2023 ; ensuite, elle a décidé de mettre 167 salariés à la porte et de délocaliser début 2024.
Il faut donc voter l'amendement n° 1832 , pour empêcher les patrons voyous de délocaliser leurs entreprises : quand c'est leur argent, on veut bien, mais pas avec de l'argent public !
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
J'ai été interpellé par l'amendement n° 1626 et par l'argumentation de notre collègue Sas : vous avez parlé de délocalisations intra-européennes. Or vous faites partie d'une famille politique qui a toujours soutenu la construction de l'Europe et vous n'êtes pas sans savoir que le marché intérieur, en particulier le principe de non-discrimination, interdit les discriminations au sein de l'Union européenne.
Vous défendez davantage les intérêts de l'Europe que ceux de la France !
Je voudrais donc que vous explicitiez, chère Eva Sas, ce point d'argumentation qui n'est pas mineur.
Le cas de Sanofi, soulevé par le rapporteur spécial, est topique. Prenons l'exemple de l'annonce de l'introduction en Bourse de la division santé grand public de Sanofi. Le Gouvernement annonce un plan de relocalisation du paracétamol à hauteur de 200 millions d'euros. Le premier producteur de paracétamol en France, Sanofi, qui produit le Doliprane dans une usine située à Lisieux, vend cette activité, qui, une fois mise sur le marché, pourra être placée sous le contrôle d'une entreprise étrangère, laquelle pourrait décider d'abandonner certains outils de production. Ce sera de l'argent public jeté par les fenêtres. La conditionnalité est évidemment nécessaire. Il ne s'agit pas de faire des procès d'intention aux industriels :…
…ils défendent leur intérêt et c'est bien normal. À nous de défendre l'intérêt public : c'est le rôle du Parlement. Votons donc ces conditionnalités.
Par ailleurs, je ne comprends pas l'argument de M. le ministre délégué, d'après lequel il ne faudrait pas introduire de conditions pour un programme temporaire. Les orateurs précédents l'ont rappelé : le programme d'investissements d'avenir existe depuis longtemps, depuis 2010, et nous le reconduisons d'année en année sous des formes différentes. Il est donc anormal que ces investissements soient décaissés sans contrôle et sans conditions. La conditionnalité est justement la condition du succès de ce programme, de son effet de levier et de sa transmission à l'économie réelle.
Je voudrais répondre à l'interpellation de M. Sitzenstuhl. Les Écologistes ont toujours défendu un projet européen et nous avons toujours combattu les délocalisations intra-européennes.
Contre le dumping social intra-européen, nous sommes favorables à un salaire minimum européen, à une convergence des salaires et à une Europe sociale.
Voilà le projet européen que nous avons toujours défendu. Il n'y a aucune contradiction à défendre l'Union européenne et à combattre les délocalisations intra-européennes. Au contraire, c'est parfaitement cohérent car on ne défendra l'Europe que si on met fin à ces délocalisations et à cette concurrence entre les salariés européens.
Derrière ces amendements dits de bon sens, censés illustrer notre bonne volonté, se cache une incompréhension du fonctionnement des entreprises et de la nature du tissu économique, sujets à une très forte compétition nationale et à des aléas conjoncturels.
Les entreprises que nous aidons à travers le plan France 2030, ce sont les entreprises qui investissent, qui prennent des risques pour développer leur activité et créer des emplois en France ,…
M. Manuel Bompard s'exclame
…et non les délocaliser – une telle décision n'aurait pas de sens. Dans toute entreprise, certaines activités font l'objet d'investissements et d'autres, hélas, d'ajustements en raison de la baisse du marché ou d'une concurrence un peu trop importante.
Il s'agit simplement de dire que si une entreprise reçoit de l'argent public, on contrôle ce qu'elle fait avec !
Prenons garde à ne pas pénaliser globalement les entreprises qui ont au contraire besoin du soutien que nous leur offrons à travers le plan France 2030 et des investissements d'avenir stratégiques.
Je ne comprends pas très bien votre position. Une entreprise qui investit massivement le fait certes grâce aux aides de l'État, mais également à ses fonds propres, ce qui représente un risque :…
…pourquoi choisirait-elle de délocaliser des emplois, alors qu'aux termes du contrat passé dans le cadre du plan France 2030, les investissements soutenus par l'État et les équipements doivent, eux, rester sur le territoire national ?
La création d'emploi est d'ailleurs l'un des critères de sélection des projets soutenus dans le cadre du plan France 2030.
Selon le comité de surveillance des investissements d'avenir, dont nous venons de débattre et au sein duquel siègent notamment des parlementaires, entre 300 000 et 600 000 emplois devraient être créés à l'horizon 2030 grâce à ce plan.
Ce critère doit être notre boussole : le plan soutient-il réellement la réindustrialisation du pays et notre objectif de plein emploi ? C'est à cette aune que nous avons sélectionné les projets soutenus par France 2030.
Monsieur le rapporteur général, vous dites que le plan France 2030 ne soutient pas des entreprises qui délocalisent.
C'est en tout cas ce que j'ai compris. Selon vous, le plan France 2030 aide uniquement des entreprises qui investissent dans le pays et contribuent ainsi à sa réindustrialisation – c'est bien l'objectif recherché. Les amendements, qui vont pourtant dans votre sens, sont donc, au pire, inutiles : voyez-les plutôt comme une précaution, l'assurance qu'on n'aidera pas les entreprises qui délocalisent – chacun de nous convient qu'il ne faut pas le faire. Je ne comprends donc pas que vous y soyez aussi fermement opposés, au seul motif que le plan de relance concernerait uniquement les entreprises qui investissent en France.
Lors d'un débat sur la conditionnalité des aides aux entreprises lors duquel je lui avais demandé comment il s'assurait que les investissements permettaient effectivement de créer des emplois, Bruno Le Maire m'avait répondu : « C'est du bon sens. »
Sourires.
Le problème, c'est qu'il n'y en a pas dans le capitalisme international financiarisé, qui n'a pas d'autre objectif que de nourrir la rente – c'est devenu le signe de la bonne santé des entreprises. Pour notre part, nous voulons que les investissements permettent de créer des emplois, pas de nourrir la rente et les dividendes.
On peut créer des emplois avec le libéralisme ! C'est d'ailleurs la manière la plus efficace d'y parvenir !
Supposer que le bon sens permettra aux investissements soutenus par l'État de rejaillir sur l'économie est donc un pari. Comme France Stratégie l'a parfaitement souligné récemment, les mesures que vous avez prises, comme le bouclier du capital, n'entraînent ni création d'emplois ni investissements. Si quelques entreprises parties à l'étranger sont revenues sur le territoire, on assiste surtout à une explosion des dividendes. Nous devons tirer les conclusions de ce bilan : adoptons ces amendements, ne serait-ce qu'à titre de précaution.
Je ne vous fais pas de procès : je ne crois pas que vous ayez conçu ce plan de relance pour aider délibérément les entreprises à délocaliser. Mais puisque certaines le font quand même, autant nous doter de garanties.
Nous avons un désaccord profond, monsieur le rapporteur général. Vous affirmez que les entreprises doivent faire des choix stratégiques et sont parfois contraintes de licencier pour financer certaines de leurs activités.
C'est vrai, mais le plan France 2030 devrait justement nous permettre de nous assurer que ces choix ne sont pas contraires aux intérêts de l'État. Comme cela arrive trop souvent, Sanofi a licencié la moitié de ses chercheurs dans des filières comme la cardiologie, la neurologie et la recherche contre le diabète,…
…alors qu'elle a touché 1 milliard d'euros d'aides en dix ans. Ces choix, stratégiques pour l'entreprise, ont conduit à l'abandon de filières stratégiques pour l'État. Celui-ci n'aurait-il pas dû s'impliquer pour maintenir ces emplois et arrêter de subventionner une entreprise qui supprime des emplois dans des secteurs de recherche aussi stratégiques ?
Autre exemple : sans la mobilisation de ses salariés, l'entreprise Carelide, dans le Nord, qui avait bénéficié de 5 millions d'euros d'aides en 2020 pour se développer, aurait mis la clé sous la porte deux ans plus tard. C'est au nom du principe de précaution, pour éviter de telles situations, que nous voulons nous assurer que les entreprises qui touchent des aides de l'État lui sont redevables. C'est une logique que vous appliquez tout le temps, à tout le monde, sauf aux entreprises – en particulier les grandes entreprises, qui sont visées par cet amendement.
Vous n'aimez pas les entreprises et ne les connaissez pas ! Elles ont plein d'activités ! Vous ne faites pas la part des choses !
Nous n'avons plus le monopole de la cardiologie mais il nous reste le monopole du cœur !
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 55
Nombre de suffrages exprimés 53
Majorité absolue 27
Pour l'adoption 28
Contre 25
Vifs applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES et SOC.
Bravo, vous avez gagné un vote, mais n'oubliez pas qu'il y aura le 49.3 !
Sur les crédits de la mission "Plan de relance" , je suis saisie par le groupe Renaissance d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à Mme Eva Sas, pour soutenir l'amendement n° 932 .
Il vise à exclure des aides accordées dans le cadre de la mission "Investir pour la France de 2030" les entreprises ayant réalisé des bénéfices répondant à la définition des superprofits, c'est-à-dire des bénéfices nets supérieurs de 20 % à la moyenne des trois années précédentes. Pour que l'amendement soit pertinent, nous avons exclu les années covid du calcul.
L'État ne devrait pas contribuer au financement d'entreprises qui dégagent de si importants bénéfices, qui peuvent donc financer seules leurs projets, et réserver ses aides à celles qui en ont le plus besoin.
Favorable. Ces entreprises peuvent en effet réinvestir leurs bénéfices.
Je souhaite rebondir sur un propos que j'ai entendu – l'avantage d'être assis au banc des commissions, c'est qu'on entend tout ce que disent les collègues de la majorité. Après l'adoption de l'amendement précédent, qui vise à s'assurer que les entreprises touchant des aides publiques ne puissent ni licencier, ni délocaliser, l'un d'eux a déclaré : « Bravo, vous avez gagné un vote, mais n'oubliez pas qu'il y aura le 49.3 ! » Vous rendez-vous compte de ce que vous avez dit, cher collègue, simplement parce que vous avez perdu un vote ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES. – Mme Eva Sas et M. Philippe Brun applaudissent également.
M. Pascal Lavergne rit.
Je serais curieux de savoir comment vous expliquerez à vos électeurs que ce que vous faites ne sert à rien puisqu'à la fin, quoi qu'il arrive, c'est le Gouvernement qui, de toute sa puissance, décidera de tout avec le 49.3 ! Vos propos rabaissent le travail parlementaire.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LFI – NUPES et RN.
Je suis en profond désaccord avec cet amendement. Pourquoi pénaliser les entreprises qui font des profits…
Vous ne savez pas définir les superprofits ! Pourquoi, disais-je, pénaliser les entreprises qui font des profits en les rendant inéligibles aux aides de France 2030 ? Ce plan n'est pas un dispositif de soutien aux entreprises en difficulté : il vise à financer les innovations de rupture.
M. Hadrien Clouet s'exclame.
Je vais vous répondre, monsieur Clouet, encore faudrait-il que vous me laissiez parler !
Le montant des aides publiques aux entreprises est de 157 milliards d'euros !
Pour faire de notre pays un territoire propice au développement d'innovations de rupture, la puissance publique doit investir aux côtés des entreprises privées.
Si vous commencez par rendre les entreprises qui font des profits…
…inéligibles à ces aides, je ne vois pas comment nous réussirons à réindustrialiser le pays.
Avis très défavorable.
Nous sommes évidemment favorables à cet amendement qui s'inscrit dans un débat, long de plusieurs années, sur la mise à contribution des entreprises qui réalisent des superprofits. Chaque fois que nous la proposons, vous refusez la taxation des superprofits, au motif que notre calendrier ou notre méthode ne seraient pas les bons. Résultat, vous ne le faites jamais.
Je tiens à rebondir sur les propos de M. le rapporteur spécial Damien Maudet. Tout à l'heure, nous avons adopté un amendement très important pour les milliers de salariés qui sont parfois licenciés alors que leur entreprise touche de l'argent public. Monsieur le ministre délégué, pouvez-vous vous engager à ce que l'adoption de cet amendement par une majorité de députés ne soit pas balayée d'un revers de main si le Gouvernement décide de déclencher le 49.3 ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES. – M. Philippe Brun applaudit également.
Ceux qui suivent nos travaux doivent savoir si les aides seront enfin conditionnées, mettant fin aux pratiques inacceptables des entreprises qui licencient bien qu'elles touchent des aides publiques. Vous avez déclaré tout à l'heure ne pas être opposé au principe de la conditionnalité des aides, mais qu'il devait s'appliquer plus largement qu'au seul plan France 2030. L'Assemblée vient de faire un premier pas : pouvez-vous vous engager à en tenir compte dans le texte définitif ?
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES.
La NUPES a évidemment une vision très théorique du capitalisme et des rentes,…
…mais, manifestement, aucune vision à l'échelle microéconomique.
Comme le ministre l'a rappelé, le plan France 2030 est organisé autour de filières et de sites.
Lorsqu'on s'intéresse concrètement aux entreprises, qu'on se déplace sur leurs sites industriels, qu'on travaille avec elles à l'obtention de financements dans le cadre du plan France 2030, on voit bien qu'elles sont en compétition, non seulement à l'échelle de nationale, mais aussi à l'échelle internationale.
En accordant des financements précis, on contribue à une orientation que vous voulez faire disparaître derrière la notion de conditionnalité, cette vieille chose qui traîne depuis longtemps dans les congrès et les officines…
Vous savez que ça existe en Allemagne, en Italie et dans d'autres pays, la conditionnalité ?
…et ne fait qu'empêcher le bon fonctionnement de l'économie en couvrant les entreprises d'obligations et de bureaucratie.
Exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Il faut évidemment avoir une approche par filière et chaîne de valeur : quoi que vous en pensiez, c'est tout l'enjeu de France 2030.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.
Autant nous avons soutenu les amendements précédents qui tendaient à encadrer la planification du plan de relance en contraignant les entreprises, autant celui-ci ne nous paraît pas pertinent, non pas pour les raisons évoquées par M. le ministre délégué – il existe bel et bien des superprofits et il faut les récupérer –, mais parce qu'en mêlant des considérations économiques au plan de relance, qui est un outil de planification, vous exonérez un certain nombre de multinationales de ses objectifs – peut-être chercheront-elles d'elles-mêmes à s'y soustraire.
En liant la transition écologique et les investissements d'avenir aux résultats financiers, non seulement vous ne répondez pas à l'objectif économique que vous visez, mais en plus, vous renforcez l'idée que la planification entraîne des effets négatifs sur les marchés financiers. Organisons la taxation des superprofits, mais pas à travers le plan de relance : cet outil n'est pas le bon et, paradoxalement, cela encouragerait les travers des multinationales – l'enfer est pavé de bonnes intentions.
Je souhaite soumettre à l'Assemblée un exemple très concret. Symbole de l'excellence française, l'entreprise Compin, qui fabrique depuis 1902 des sièges pour les trains et équipe, depuis des années, les rames Alstom des TER et des TGV, a bénéficié d'un immense soutien public grâce à un prêt garanti par l'État (PGE) de 6 millions d'euros et grâce à l'entrée à son capital de BPIFrance à hauteur de 8,5 %. Malgré ces aides et une commande pour la rénovation des sièges de quarante TER, la direction de cette usine située dans l'Eure vient d'annoncer sa délocalisation en Pologne. De tels drames sont incompréhensibles. La réalité, c'est qu'en l'absence de conditionnalité des aides et de contrôle des commandes publiques et de l'utilisation des investissements consentis notamment par BPIFrance, les délocalisations continuent. L'octroi d'un PGE aboutit à un plan de sauvegarde de l'emploi (PSE), c'est ainsi que fonctionne l'industrie de nos jours en France. Ces amendements visent donc à lutter contre une optimisation des subventions qui ne sert ni l'intérêt général ni l'industrie.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
Je tiens à répondre au ministre délégué et au collègue Jean-Philippe Tanguy : d'après le rapport publié par Selma Mahfouz et Jean Pisani-Ferry, nous devrons consacrer chaque année 25 milliards à 34 milliards d'euros d'investissements publics à la transition écologique. Pour faire face à ce mur de financements, nous devons allouer au mieux les ressources publiques, donc nous abstenir de financer des projets que pourraient assumer elles-mêmes les entreprises qui en ont les moyens.
Tel est l'objet de l'amendement : une entreprise qui réalise des superprofits a les moyens de financer elle-même ses projets de transition. Nous ne devons pas subventionner ces acteurs, mais bien allouer les ressources à ceux qui en ont besoin. Comme je l'indiquais, ce sont les ménages qu'il faut aider à financer l'isolation de leur logement ou l'acquisition d'un véhicule électrique.
Plusieurs leviers peuvent être utilisés pour réaliser la transition écologique, notamment la norme ou la subvention.
La norme peut prévoir des interdictions, en effet. On l'utilise parfois à l'encontre des ménages, par exemple quand on décide d'interdire la location des logements classés en catégorie F ou G. En revanche, on n'y a presque jamais recours pour les entreprises.
Ce n'est pas vrai !
J'estime que nous devrions aussi utiliser ce levier, et pas seulement verser des subventions qui, visiblement, coulent à flots pour les entreprises, alors que, pour les ménages, l'argent manque à tel point qu'on reprend 1 milliard d'euros destiné à MaPrimeRénov'. Voilà ce qu'il se passe aujourd'hui dans le pays !
Des réglementations, il y en a partout !
L'amendement n° 932 n'est pas adopté.
L'amendement n° 1641 de Mme Eva Sas est défendu.
Quel est l'avis de la commission ?
Défavorable.
L'amendement n° 1641 n'est pas adopté.
La parole est à M. le rapporteur pour avis, pour soutenir l'amendement n° 1833 .
En préambule, je réitère la question posée par mon collègue Manuel Bompard au ministre délégué : l'amendement n° 1832 que nous avons adopté sera-t-il conservé dans le texte si le Gouvernement fait usage de l'article 49.3 ? Nous aimerions le savoir.
Allez-vous voter les crédits de la mission ? Eh bien voilà !
Le volet « santé » du plan France 2030 se concentre essentiellement sur la production de traitements innovants en France, sans anticiper les effets sur nos comptes publics ni proposer de mesures cohérentes pour garantir l'accès universel aux soins. Quantifier l'impact de l'arrivée massive de traitements innovants sur les comptes de l'assurance maladie permettrait de prendre des mesures adéquates pour y remédier. Créer un pôle public du médicament afin de répondre aux besoins des citoyens en molécules sujettes à des tensions d'approvisionnement permettrait en outre d'apporter une réponse durable au risque de pénurie.
Nous sommes nombreux à vous avoir avertis de cette nécessité – le groupe La France insoumise et les sénateurs communistes l'ont fait dès 2020 –, et ce de diverses manières, qu'il s'agisse de propositions de loi, de rapports, ou encore de commissions d'enquête. Vous avez toujours balayé nos propositions.
Les industriels du médicament privilégient la rentabilité et les traitements innovants. Sanofi annonce ainsi céder son pôle Santé grand public. Pourtant, votre seule réponse au manque d'amoxicilline est d'en augmenter le prix ! Les mêmes causes produisant les mêmes effets, la France a toutes les chances de connaître de nouvelles pénuries de médicaments cet hiver et de nombreux professionnels ont déjà fait part de leur inquiétude. Alors abandonnez votre dogmatisme et mettez-vous enfin sérieusement au travail pour répondre aux besoins de santé de nos concitoyens !
Enfin, j'insiste : nous attendons toujours une réponse concernant le devenir de l'amendement n° 1832 .
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES. – M. Philippe Brun applaudit également.
Je soutiens pleinement cet amendement et la création d'un pôle public du médicament, notamment parce que mon groupe, La France insoumise, avait défendu une proposition de loi en ce sens sous la précédente législature. J'ai d'ailleurs moi-même déposé une proposition de loi sur cette question il y a quelques mois. La création d'un pôle public du médicament me semble en effet être un des seuls moyens à notre disposition pour retrouver notre souveraineté sanitaire,…
…à condition d'y associer, peut-être, une utilisation plus fréquente de la licence d'office et une plus grande transparence sur les prix des médicaments – car, comme vous le savez, même si la puissance publique finance la recherche en versant des subventions, on oublie souvent de rappeler cet état de fait au moment des négociations sur les prix entre les industriels et la sécurité sociale, si bien que cette dernière paye plein pot, malgré ses contributions passées.
Voilà la piste qui me semble donc devoir être explorée pour les prochaines années : un vrai plan adossé à un pôle public du médicament. Certains pays essaient d'instaurer une politique de ce type et de produire leurs propres médicaments, généralement avec succès. Je soutiens donc pleinement cette demande de rapport. Il nous permettrait au moins d'y voir plus clair.
Je reviens d'un mot sur la question de mon collègue Laurent Alexandre concernant l'amendement n° 1832 , qui vient d'être adopté et prévoit de conditionner les aides au respect de certains engagements. J'ai entendu des collègues de la majorité, après avoir perdu ce vote, se réjouir de ce que le 49.3 allait les sauver.
Cet amendement sera-t-il conservé dans le texte sur lequel le Gouvernement engagera sa responsabilité grâce au prochain 49.3, afin que soient respectés le Parlement et la démocratie ?
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES et SOC.
« Ah ! La réponse ! » sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
S'agissant de l'amendement n° 1833 ,…
S'agissant de l'amendement n° 1833 , donc, d'une part, l'Agence de l'innovation en santé (AIS) mène actuellement des analyses prospectives sur les médicaments innovants. D'autre part, nous devons encore mettre en œuvre des dispositions du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2023 relatives aux outils de tarification de ces médicaments. Il est donc trop tôt pour lancer la démarche que vous appelez de vos vœux dans cet amendement. Enfin, le pôle public du médicament n'a rien à voir avec France 2030 ni avec la mission que nous examinons aujourd'hui. J'émets donc un avis défavorable.
S'agissant de l'amendement n° 1832 ,
« Ah ! » sur les bancs du groupe LFI – NUPES
je vous ai écoutés avec attention depuis le début de cette discussion budgétaire. Vous avez dit tout le mal que vous pensez de cette mission, à tel point que vous comptez voter contre les crédits qui lui sont affectés.
Exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Pardonnez-moi, mais si vous n'aimez pas le marché, vous entendez tout de même faire votre marché : vous prenez ceci mais pas cela, vous votez un amendement mais pas la mission ni le budget !
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE. – Exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Mais qu'est-ce qu'un budget ? C'est un ensemble…
Exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Laissez-moi vous répondre s'il vous plaît.
Mais laissez le ministre délégué s'exprimer, enfin ! Ce n'est pas possible !
Je peux m'arrêter là, si vous le souhaitez.
Je vous réponds donc : un peu de cohérence ! Un budget n'est pas une somme d'amendements parmi lesquels on peut faire son choix. Je vous ai écoutés attentivement : vous avez annoncé que vous ne voteriez pas les crédits de cette mission. Je ne comprends même pas que vous souhaitiez obtenir des victoires en faisant adopter des amendements à une mission que vous ne voterez pas ! Un budget est un ensemble et doit être considéré avec cohérence – or vous en manquez.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.
Je tiens à récuser l'argument du ministre délégué – qu'il avait exprimé au banc avant de prendre la parole au micro –, selon lequel nos amendements n'ont pas de sens au motif que nous ne comptons pas voter les crédits de la mission. Eh bien, chiche !
Sourires et exclamations sur les bancs des groupes RE et Dem.
Seul le président de la commission des finances a la parole, chers collègues.
Vous pourrez prendre la parole pour répondre : chacun vous entendra.
Rappelons que l'année dernière – et ce sera probablement encore le cas cette année si on nous laisse débattre –, il est arrivé que la majorité finisse par voter contre certaines missions, tellement elles avaient été transformées par l'opposition au fil de leur examen. L'argument selon lequel nous ne voterons en aucun cas la mission n'est donc pas valable.
M. Damien Maudet, rapporteur spécial, applaudit.
En réalité, c'est l'argument inverse qui devrait être avancé : les oppositions ont beau modifier des missions en vue de les adopter, vous usez du 49.3 pour rétablir la version initiale !
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES. – M. Philippe Brun applaudit également.
Ensuite, comme vous le savez, nous examinons ici les articles rattachés à la mission. Nous avons donc déjà voté sur les crédits. Il s'agit là de deux choses distinctes.
Si ! Ne vous en déplaise, j'en ai le droit en tant que président de la commission des finances, tout comme le représentant du Gouvernement a le droit de répondre aux députés.
Monsieur le député, le président de la commission des finances, le rapporteur général et les rapporteurs spéciaux peuvent effectivement s'exprimer comme ils l'entendent.
Vous n'avez pas à interpeller le président de la commission, monsieur Balanant !
Nous examinons actuellement des articles rattachés, qui ont une existence autonome. Dès lors, se pose la question de savoir si un amendement peut être adopté par l'Assemblée nationale et conservé par le Gouvernement.
Je tiens à revenir sur un problème de fond, monsieur le ministre délégué : pendant les dialogues de Bercy, vous avez expliqué savoir pertinemment que les oppositions finiraient par voter contre le budget, ce qui vous contraindrait à utiliser le 49.3. Il y a cependant deux façons de procéder : on peut tenir compte de ce qui remonte de la majorité des députés et des demandes de modifications que l'Assemblée exprime de manière forte ; ou bien, de façon bête et méchante, considérer, à l'image de M. Sitzenstuhl, que nos votes n'ont aucune importance, puisque le 49.3 sera appliqué. J'avais cru comprendre, monsieur le ministre délégué, que vous comptiez emprunter la première voie, en reconnaissant la pertinence de certains amendements votés majoritairement par l'Assemblée pour transformer votre projet de budget. Cela n'a pas été le cas, ou presque, sur la première partie du PLF, relative aux recettes.
En l'occurrence, des amendements visent par exemple, sans changer structurellement le budget, à appliquer en quelque sorte un principe de précaution aux entreprises, ce qui rejoindrait d'ailleurs vos propres propos sur la conditionnalité des aides. Je ne comprendrais pas que vous ne fassiez aucun geste dans ce domaine pour signifier que vous entendez, non pas la NUPES ou les oppositions,…
…mais ce qu'exprime l'Assemblée de manière globale, par respect pour cette chambre !
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES.
Cela, les députés des groupes qui soutiennent le Gouvernement devraient l'entendre. Sinon, nous enverrions un message terrible à nos concitoyens, à savoir que ce que nous faisons ici ne sert strictement à rien ! Je ne suis pas d'accord, car j'estime que la démocratie parlementaire doit être au centre d'une démocratie moderne.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Tout autre message adressé à nos concitoyens serait contre-productif.
L'amendement ne change pas fondamentalement la mission, vous le savez bien. Je vous demande de faire l'effort de le prendre pour montrer que vous entendez ce qui monte de la majorité des députés.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES.
Rappel au règlement
Il se fonde sur l'article 44 de la Constitution. M. le ministre délégué vient d'expliquer que le budget devait être adopté en bloc par l'Assemblée nationale, sans amendements ni discussions !
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES. – Protestations sur les bancs du groupe RE.
L'article 44 de la Constitution consacre le droit d'amendement des députés. À quoi ce droit sert-il, si le Gouvernement décrète que le budget doit être adopté dans sa version, sans aucun amendement de l'Assemblée ?
C'est la marque d'un mépris du Parlement et de la démocratie parlementaire ;…
…c'est un pur scandale ; c'est, tout simplement, la démonstration que la seule chose que vous attendez, c'est le 49.3 pour pouvoir choisir seuls ce que vous allez inclure dans le budget, en méprisant le Parlement.
Vous méprisez nos concitoyens…
Mme la présidente coupe le micro de l'orateur. – Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Après l'article 54
Monsieur le ministre délégué, vous êtes fuyant : vous n'êtes pas courageux.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES. – « Oh ! » sur les bancs du groupe RE.
Nous avions le meilleur système de santé du monde. À force de baisser les cotisations sociales, vous l'avez détruit. Désormais, en France, dans les territoires, on ne trouve plus de médecins traitants, les pénuries de médicaments se multiplient,…
…à tel point que vous obligez les pharmacies à distribuer des médicaments à l'unité, ce qu'elles ne sont même pas capables de faire ! Nous demandons donc, en soutenant l'amendement n° 1833 , la création d'un pôle public du médicament. Rendez-vous compte, monsieur le ministre délégué : revenir à une situation où l'on peut trouver des médicaments en France serait une innovation !
Adressez-vous à vos collègues socialistes ! Ce sont eux, les responsables !
Pouvez-vous l'imaginer ? Nous avons reculé de cinquante ans. S'il vous plaît, faites donc en sorte que cet amendement soit adopté !
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES.
Je rappelle au président Coquerel et aux députés LFI que leur groupe a voté contre les crédits de la mission.
D'autre part, je profite de l'occasion que vient de me donner M. Coquerel pour revenir sur les dialogues de Bercy. Nous avons discuté avec tous les groupes puis nous avons repris plus de 300 amendements des oppositions dans la première partie du projet de loi de finances.
Je citerai par exemple deux initiatives auxquelles vous avez été attachés. D'une part, s'agissant de la lutte contre la fraude, nous avons notamment repris un amendement de Christine Pires Beaune portant sur la généralisation du dispositif des aviseurs fiscaux, une mesure qui faisait partie du plan de lutte contre l'évasion fiscale et les fraudes défendu par la NUPES.
Nous n'avons alors pas fait preuve de dogmatisme. Nous nous sommes demandé si cet amendement était cohérent avec l'ensemble du texte et nous avons considéré qu'il l'était.
D'autre part, vous avez souhaité que nous nous intéressions à la question de la fiscalité des particuliers les plus fortunés. Nous vous avons répondu que nous étions capables de prendre une initiative internationale sur ce sujet et vous avons invités à rejoindre un groupe de travail transpartisan…
…car il me semblait que, à la suite de la publication du rapport de l'économiste Gabriel Zucman, cette question faisait partie de vos combats. Vous le voyez, monsieur le président Coquerel, nous sommes capables de travailler avec les oppositions.
Par ailleurs, je vous renvoie à votre propre manque de cohérence. Vous avez rappelé que certains amendements que vous aviez défendus avaient été votés en commission, parfois à une très large majorité. Or vous avez ensuite voté contre la première partie du projet de loi de finances.
Cela pose un problème de cohérence. Vous ne pouvez pas faire votre marché, choisir uniquement ce qui vous arrange plutôt que de prendre l'intégralité d'une mission ou de la première partie du projet de loi.
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES.
Un projet, un budget, c'est un ensemble cohérent. Je l'ai toujours dit : je comprends qu'on ne veuille pas voter un budget lorsqu'on est dans l'opposition car ce serait trop demander. De notre côté, en tout cas, j'estime que nous avons fait notre travail en acceptant certains de vos amendements.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE. – Exclamations sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
Quelque chose m'a échappé, monsieur le ministre délégué : pouvez-vous me dire à quel moment nous avons voté la première partie du budget, celle qui est consacrée aux recettes ?
Sourires et applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Puisque vous avez besoin d'informations techniques, je vous les donne. Lorsqu'on vote la première partie du budget à la fin de l'examen en commission, on se prononce en réalité sur la version initiale du texte, autrement dit le document tel qu'il a été transmis à la commission par le Gouvernement sans tenir compte des amendements adoptés par la commission.
M. Damien Maudet, rapporteur spécial, applaudit.
En votant en faveur de la première partie du PLF en commission, nous aurions validé la version initiale du texte. Je suis désolé de vous l'apprendre mais c'est ainsi.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES.
Sourires
Nous avons adopté de très nombreux amendements des oppositions sur la première partie du budget, comme l'a rappelé le ministre délégué. Ce matin, vous vous accrochez à un amendement qui a été adopté – je vous le rappelle – à une voix près…
…et qui a été voté, une fois de plus, par la droite radicale et la gauche radicale.
Sans aucune vergogne, vous affirmez que cet amendement doit être retenu et figurer dans le texte définitif. Eh bien dans ce cas, monsieur le rapporteur spécial, votez le budget plutôt que de continuer à faire preuve d'incohérence. C'est aussi simple que cela !
Par ailleurs, monsieur le rapporteur spécial, j'ai noté que, tout au long, de cette mission vous aviez – certes sans aucune malice – donné votre avis en le faisant passer pour celui de la commission.
C'est une erreur. Lorsque des amendements ont été votés en commission, ils deviennent des amendements de la commission et, dès lors, il est important pour le rapporteur de faire la part des choses entre sa position personnelle et celle de la commission des finances.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.
Il n'y avait aucune malice de ma part. C'est la première fois que j'ai l'occasion de siéger aux bancs des commissions car, l'an dernier, le 49.3 ne m'en a pas laissé le temps.
Sourires et applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES.
N'ayant pu expérimenter ce rôle, je me retrouve aujourd'hui novice en la matière et je vous prie de m'en excuser.
Par ailleurs, vous avez évoqué un vote sur la deuxième partie du projet de loi de finances. Le Gouvernement peut-il s'engager à ce qu'un tel vote ait bien lieu ? Ou un 49.3 sera-t-il déclenché avant ? Je n'ai pas bien compris ce qu'il en était, pouvez-vous nous le préciser ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Dites-nous ce que vous allez faire !
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 80
Nombre de suffrages exprimés 79
Majorité absolue 40
Pour l'adoption 35
Contre 44
L'amendement n° 1833 n'est pas adopté.
J'aimerais faire une remarque, non pas à propos des crédits de la mission mais de l'organisation des débats. Celle-ci fait l'objet d'une décision en conférence des présidents, je ne la conteste pas. Cependant je tiens à dire – peut-être pour que nous y remédions l'an prochain – que l'organisation actuelle des débats, telle qu'elle a été adoptée, me laisse très sceptique.
En effet, nous nous apprêtons à interrompre notre discussion puisque la séance doit lever dans un instant alors qu'il n'est que onze heures trente-six. Nous n'avons pas anticipé cette situation alors qu'il aurait été possible – en l'indiquant sur la feuille verte –, par exemple, de nous laisser la possibilité de commencer à examiner dès maintenant les crédits de la mission "Justice" .
Le problème n'est pas là, madame la députée. C'est le principe que je remets en cause.
Il se trouve que mardi soir, à minuit, nous avons dû interrompre les débats en plein milieu de la mission "Sécurités" . Or nous n'avons pu les reprendre ensuite car une telle possibilité n'avait pas été envisagée en conférence des présidents. Nous ne pourrons donc pas voter sur les crédits de cette mission. Une telle organisation des débats – qui est nouvelle – pose problème selon moi.
Sans vouloir relancer le débat, je pense que ce choix est quelque peu lié à l'usage du 49.3. On estime en effet que, dans une telle configuration, il n'est pas forcément décisif d'aller jusqu'au bout des débats. Il faudrait que l'an prochain nous revenions à une organisation qui nous permette de mener l'examen des missions jusqu'à leur terme.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
La décision que vous avez évoquée a en effet été prise par la conférence des présidents et s'applique à l'ensemble des députés.
D'autre part, je précise à M. le rapporteur général que les amendements sur lesquels M. le rapporteur spécial a donné un avis n'avaient pas été examinés en commission lors de la réunion tenue au titre de l'article 88. Il est donc pleinement fondé à donner son avis.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES.
Lorsque les amendements ont été examinés en commission, le rapporteur spécial doit donner l'avis de la commission !
L'amendement n° 1833 , en tout cas, n'a pas été discuté en commission. Je répète que le rapporteur spécial est donc pleinement habilité à donner son avis sur cet amendement.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES. – M. Philippe Brun applaudit également.
Mission Plan de relance (état B)
J'appelle les crédits de la mission "Plan de relance" , inscrits à l'état B.
Il n'y a pas d'amendement, je les mets donc aux voix.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 82
Nombre de suffrages exprimés 79
Majorité absolue 40
Pour l'adoption 45
Contre 34
Les crédits de la mission "Plan de relance" , modifiés, sont adoptés.
Nous avons terminé l'examen des missions Investir pour la France de 2030 et Plan de relance.
La suite de la discussion budgétaire est renvoyée à la prochaine séance.
Prochaine séance, cet après-midi, à quinze heures :
Suite de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2024 : examen des crédits de la mission "Justice" .
La séance est levée.
La séance est levée à onze heures quarante.
Le directeur des comptes rendus
Serge Ezdra