À l'instar du reste du monde, la France et l'Union européenne ont été durement touchées par la crise du coronavirus qui a eu de graves répercussions sur le tissu économique et social. Notre pays n'a pas été épargné. Vous avez donc lancé un plan de relance de 100 milliards d'euros articulé autour de trois priorités : la transition écologique, la compétitivité des entreprises et la cohésion sociale et territoriale. Ce plan se voulait ambitieux, en particulier pour soutenir les entreprises.
Malheureusement, le rapport spécial confirme que ce plan n'a pas tellement profité à l'économie réelle et aux petites entreprises, notamment à cause de la difficulté à répondre aux appels à projets, à concevoir les dossiers de candidature, dans des délais de surcroît souvent trop courts. En revanche, les multinationales ont littéralement pulvérisé leurs records de profits, pour une raison simple : l'argent du plan de relance s'est retrouvé dans leurs poches. Ces aides financières étant destinées à notre économie et non aux actionnaires, nous avions, l'an dernier, adopté un amendement visant à taxer ces superprofits : après application du 49.3, vous avez, sans surprise, fait disparaître cette mesure.
Sur ces 100 milliards du plan de relance, 40 milliards étaient fournis par l'Union européenne. Cela ne change rien au total de 100 milliards payés par le contribuable français, puisque l'argent européen n'existe pas : la France étant contributeur net au budget de l'Union, tout ce qui est financé sur notre sol par celle-ci est en réalité financé intégralement par le contribuable français. En 2021, il n'y avait ainsi pas moins de 12,4 milliards d'euros de différence entre ce que nous donnons à l'Union européenne et ce que nous en recevons, contre 3,4 milliards en 2005 et 6,1 milliards en 2015 – soit une multiplication par quatre en seize ans. Mais quand on aime on ne compte pas.
Les années 2021 et 2022 correspondent à la belle époque du « quoi qu'il en coûte » et de l'argent gratuit. Généralement, les libéraux aiment les crises, qui permettent de se débarrasser des entreprises mal gérées et de faire place à du sang neuf ; mais à un an d'une élection présidentielle, il n'est pas bon d'être trop regardant sur les dépenses. Dès lors, après que vous avez, en six ans, alourdi la dette de 700 milliards d'euros dont seulement 200 milliards sont imputables au covid, « il est venu le temps » non pas « des cathédrales », mais de la rigueur et de l'austérité. Un mot revient alors à chacune de vos interventions : responsabilité.
Où est la responsabilité quand presque un tiers des dépenses de l'État ne sont pas couvertes par ses recettes, quand vous êtes contraints de présenter à notre assemblée un budget déficitaire de 144 milliards d'euros et d'emprunter 285 milliards sur les marchés financiers pour boucler ce budget ? La responsabilité n'est pas là, et ce sera encore une fois aux générations à venir de rattraper vos erreurs.
Avec autant d'argent, nous nous attendions à des projets d'envergure : création d'un nouveau parc nucléaire, construction d'hôpitaux dans tout le territoire. Il n'en est rien, car cet emprunt record ne servira qu'à faire tenir, jusqu'à la prochaine présidentielle, vos budgets défaillants. La triste vérité, monsieur le ministre délégué, c'est qu'au vu des détails de votre budget totalement déséquilibré, n'importe qui conclurait sans mal que vous conduisez le pays droit dans le mur. Malgré tous vos discours, tous vos renoncements, toutes vos promesses, les Français constatent chaque jour depuis six ans que vous n'avez pas de vision pour la France et que la voie du « en même temps » s'achève en cul-de-sac.
Cela ne vous empêche pas de dénigrer les propositions des oppositions au motif qu'elles conduiraient à dépenser sans compter. Mais, comme l'écrivait La Rochefoucauld, « rien n'est si contagieux que l'exemple ». J'ajoute que, lorsque nous apprenons que votre président a fait exploser en 2023 le budget de fonctionnement de l'Élysée – 10 millions d'euros ajoutés aux 114 prévus –, on se dit que c'est l'hôpital qui se fout de la charité.
Ces multiples travestissements de la réalité m'amènent à penser, comme Frédéric Cabrolier, que le remboursement par l'Union européenne d'une partie des crédits du plan de relance a été instrumentalisé par le Gouvernement. Vous avez en effet présenté l'adoption du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027 comme une condition nécessaire pour récupérer 18 milliards d'euros déjà engagés par la France.
Je remercie M. Cabrolier d'avoir, dans son rapport spécial, fait toute la lumière sur cette affaire : d'après le SGAE, l'Union européenne n'aurait pu bloquer que 2 milliards tout au plus – nous sommes loin des 18 milliards. Mais le Gouvernement souffre du syndrome du bon élève : sans jamais contester les décisions de l'Union, il a repris ce chantage devant la représentation nationale. Pour que nos intérêts soient défendus à Bruxelles, les Français savent ce qu'il leur reste à faire le 9 juin prochain, au moment des élections européennes.