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Intervention de René Pilato

Séance en hémicycle du jeudi 2 novembre 2023 à 9h00
Projet de loi de finances pour 2024 — Investir pour la france de 2030 ; plan de relance

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaRené Pilato :

Après le plan France relance, doté de 100 milliards, France 2030 s'inscrit dans la même lignée, mais disons-le : ce sont là 54 milliards d'argent public soustraits au débat parlementaire. En ce court instant démocratique, entre le quinzième et le seizième 49.3, vous nous proposez une planification écologique : ravi que vous repreniez nos termes, c'est avec gourmandise que je me suis plongé dans la seconde partie de ce PLF. Quelle déception !

Contrairement au programme de La France insoumise, l'absence de cohérence saute aux yeux. Le plan France 2030, ce sont des investissements sans conditionnalité et surtout sans aucune vision d'avenir ; il pourrait profiter à des entreprises qui délocalisent ou détruisent la nature, voire financer des technologies in fine incompatibles entre elles.

Sur le site du Gouvernement, qui annonce les premiers résultats concrets de France 2030 depuis sa création, nous pouvons lire qu'en deux ans, 21 milliards d'euros ont été engagés, « 40 000 emplois directs créés ou maintenus » – soit 500 000 euros par emploi, fichtre ! –, et « 34 000 nouvelles formations diplômantes aux métiers d'avenir ouvertes en 2022 et 2023 ».

Les organismes de formation fleurissent, profitant de cette manne financière. Comment sont-ils coordonnés, pour produire quoi, qui les contrôle, bref comment est utilisé l'argent public ? C'est une tout autre question, qui laisse perplexe !

Quant à votre approche de la décarbonation consistant à convertir l'industrie existante, elle est louable ; pour autant, jamais vous ne songez à un autre modèle. Vous vous trompez de siècle. « Un autre monde est possible » n'est pas seulement un slogan, c'est une méthode : partir des besoins – l'eau, la nourriture, l'habitat, l'éducation – pour assurer la sécurité de notre pays dans le monde. C'est aussi coconstruire une nouvelle gouvernance pour déterminer ensemble les aménagements nécessaires.

Il s'agirait par exemple de penser les mobilités avec la voiture électrique, lancée en fanfare sans que soit préalablement déterminé son rayon d'action, sans que le maillage du territoire ait été étudié, ce qui conduit les industriels à des choix peu pertinents en matière de batteries et de dimensions des véhicules. Ces derniers se fondent en effet sur les usages actuels, alors que les territoires ruraux ne disposent plus de services de proximité, que les lignes ferroviaires y sont de plus en plus rares, et que les distances à parcourir augmentent. L'État investit en vue de la fabrication de batteries adaptées aux contraintes d'aujourd'hui au lieu de penser aux infrastructures de demain.

Évaluer nos besoins en métaux, notamment en cuivre et en lithium, nous permettrait de juger de la viabilité du modèle de la voiture électrique, de sa compatibilité avec notre souveraineté, et de sécuriser nos approvisionnements. Poursuivons cette approche différente et constructive : avec le réseau routier actuel, il nous faut 120 kilogrammes de cuivre par borne de recharge électrique, en plus de 80 kilos par voiture – ce qui est intenable, à moins de limiter le nombre de véhicules électriques et de bornes.

Vous envisagez en outre de financer des mini-réacteurs nucléaires modulaires, des SMR : cela nécessitera non seulement des kilomètres de câbles en cuivre, mais un approvisionnement en uranium, alors que les gisements actuels seront épuisés en 2070 – même plus tôt, si la demande augmente. Or les principaux exportateurs d'uranium, le Canada, le Kazakhstan, où vient de se rendre le Président de la République, ont limité leur production totale, et la guerre en Ukraine a conduit de nombreux pays, par souci de leur autonomie énergétique, à relancer leur parc nucléaire. Compte tenu de ces choix technologiques, qu'adviendra-t-il de notre souveraineté en 2050 ?

Ce constat n'est pas une remise en cause de votre bonne volonté que nous notons, mais votre approche consistant à décarboner en maintenant, bon an mal an, notre mode de vie actuel est déconnectée du terrain. C'est aussi pour cela que nous parlons d'un programme de rupture.

L'autre exemple étudié par mon collègue rapporteur pour avis, cher Laurent Alexandre, porte sur les vingt biomédicaments que vous voulez voir produire en France : je pourrais démontrer de la même façon que l'État ferait mieux de créer un pôle public du médicament, tout en pourvoyant les hôpitaux publics et tous les services de psychiatrie de moyens financiers et humains,…

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