Programme d'investissements d'avenir, plan de relance, France 2030, planification écologique… notre planification illustre de façon éclatante le mal Français : un État endetté jusqu'au cou, qui reporte d'année en année les investissements indispensables pour le pays ; un État qui ne décentralise rien et veut tout faire lui-même, et qui peine par conséquent à y arriver ; un État qui bégaye en permanence en se projetant dans des plans qui n'aboutissent que trop partiellement. Résultat : un gouffre béant sépare les promesses et la réalité, et les Français ne croient plus en rien.
Comment ne pas partager vos lignes directrices en matière d'industrie, d'écologie et d'infrastructures : « mieux produire, mieux vivre et mieux comprendre notre monde » pour France 2030, « écologie, compétitivité et cohésion » pour France relance ? Nous peinons en revanche à identifier leur concrétisation dans la vie de nos concitoyens et dans la vie économique – il y a toujours loin de la coupe aux lèvres.
Pour ne rien faciliter, les déclinaisons de vos plans et leur articulation manquent de cohérence et de lisibilité. Par exemple, certains dispositifs sont comptabilisés à la fois dans les 100 milliards de France relance et dans les 54 milliards de France 2030. Combien l'État met-il réellement sur la table ? Ce constat est particulièrement vrai pour les mesures en faveur de l'industrie. À l'heure où nous aspirons à réimplanter des usines en France, c'est problématique !
De nombreux crédits de France relance font l'objet de labellisations – tant mieux. Toutefois, vous faites ce qu'on appelle, chez nous, de la gonflette : vous octroyez un beau label « relance » à des dépenses déjà prévues ou ordinaires. Il est souhaitable de regarder loin, mais plus nous retarderons les premiers pas, c'est-à-dire les premiers financements et les premières actions, moins les objectifs seront facilement atteignables. Trop peu d'éléments sont matérialisés dans ce domaine ; cette visibilité nous manque cruellement. L'exemple de l'énergie est éloquent : France 2030 prévoit 1 milliard d'euros d'investissements pour faire émerger des réacteurs nucléaires de petite taille en France, et consacre des crédits à l'hydrogène vert – tant mieux. Cependant, nous ignorons toujours quels sont nos objectifs énergétiques pour les années à venir. L'Assemblée a examiné plusieurs textes techniques relatifs aux énergies renouvelables et au nucléaire, sans que jamais les équilibres du mix énergétique soient débattus. N'est-ce pas la première urgence ? Sans loi de programmation sur l'énergie et le climat, comment déterminer les perspectives des filières du photovoltaïque, de l'éolien, du nucléaire et de l'hydrogène ?
Il en est de même pour la mobilité : nous devons verdir les transports et réinvestir dans le ferroviaire, dont les infrastructures se trouvent dans un état pitoyable – c'est la première cause de retard des trains. La majorité relative partage ces préoccupations, puisque la Première ministre a annoncé un plan de 100 milliards d'euros pour le secteur d'ici à 2030. Toutefois, nous ne savons toujours pas qui finance quoi et à quel niveau, et le budget pour 2024 ne comporte aucun investissement significatif en faveur des transports. Une loi de programmation des mobilités se fait attendre.
Créer un climat de confiance pour les entreprises, ce n'est pas seulement promettre des milliards et multiplier les annonces : il faut aussi garantir aux acteurs économiques que les financements seront au rendez-vous, et que les pouvoirs publics ne changeront pas de pied en permanence dans leur stratégie économique.
Le pouvoir exécutif doit en faire moins, mais faire mieux, en anticipant davantage. Il doit faire confiance aux acteurs de terrain en décentralisant massivement ses stratégies industrielles en direction des collectivités dotées de moyens. Avant de faire des promesses, il doit identifier les leviers de la réussite du pays. Ces conditions ne nous semblant pas réunies, les députés du groupe Libertés, indépendants, outre-mer et territoires s'abstiendront lors du vote des crédits des missions Plan de relance et Investir pour la France de 2030.