La Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire a examiné la proposition de loi, adoptée par le Sénat après engagement de la procédure accélérée, relative à la prévisibilité de l'organisation des services de la navigation aérienne en cas de mouvement social et à l'adéquation entre l'ampleur de la grève et la réduction du trafic (n° 1398) .
(M. Damien Adam, rapporteur)
Notre réunion est consacrée à l'examen de la proposition de loi, adoptée le 15 juin dernier par le Sénat après engagement de la procédure accélérée, relative à la prévisibilité de l'organisation des services de la navigation aérienne en cas de mouvement social et à l'adéquation entre l'ampleur de la grève et la réduction du trafic.
La proposition de loi que j'ai l'honneur de vous présenter porte sur un sujet bien identifié par le grand public : les conséquences des grèves des contrôleurs aériens français. Ces mouvements sociaux, qui déstabilisent le trafic aérien et pénalisent les voyageurs, ne datent pas d'hier, mais les dysfonctionnements découlant des grèves intervenues au premier semestre 2023, dans un contexte de contestation sociale de la réforme des retraites, ont mis en lumière les limites du cadre juridique actuel.
Certes, les organisations syndicales sont tenues de déposer un préavis de grève cinq jours avant le début du mouvement, mais la direction générale de l'aviation civile (DGAC) n'a aucun moyen de connaître précisément le nombre de contrôleurs qui participeront à la grève. Cette absence de visibilité et de prévisibilité est particulièrement préjudiciable lors des préavis de grève nationaux de la fonction publique, qui ne sont pas nécessairement relayés par les syndicats représentatifs au sein de la DGAC. Cela conduit à deux situations opposées, également insatisfaisantes.
Pour éviter de devoir annuler des vols à la dernière minute, la DGAC privilégie fréquemment les annulations préventives. Ces dernières sont souvent plus étendues que ce qui aurait été nécessaire : même si la grève est en réalité très peu suivie, un simple préavis suffit à avoir un impact massif et dommageable sur l'activité du transport aérien.
À l'inverse, la DGAC peut anticiper la grève de manière trop optimiste, en prévoyant un nombre de grévistes inférieur au nombre réel, et donc en annulant moins de vols que ce qui aurait été nécessaire. Dans ce cas, l'administration est contrainte d'annuler des vols à la dernière minute, ce qui désorganise le trafic aérien et pénalise les passagers.
Cette incertitude est également néfaste pour les contrôleurs aériens eux-mêmes, qui sont soumis au service minimum depuis 1985 et peuvent à ce titre être réquisitionnés. Ainsi, après les grèves inopinées de février dernier, qui ont entraîné d'importantes perturbations, le service minimum a été maintenu tout au long du printemps, alors qu'il n'était pas forcément nécessaire. Les agents réquisitionnés, qui auraient peut-être souhaité exercer leur droit de grève, ont dû se rendre sur leur lieu de travail alors que leurs services n'ont finalement pas été requis. Cette situation, liée au manque de prévisibilité de l'ampleur d'un mouvement social, contribue à dégrader le dialogue social et les conditions de travail.
Cette situation ubuesque vient principalement du fait que les contrôleurs aériens sont exemptés de l'obligation de déclaration individuelle de grève, alors que tous les autres salariés du secteur aérien dont l'absence est de nature à affecter directement la réalisation des vols y sont assujettis depuis la loi relative à l'organisation du service et à l'information des passagers dans les entreprises de transport aérien de passagers et à diverses dispositions dans le domaine des transports de 2012, dite « loi Diard ».
Les annulations de vols dues à l'ignorance du nombre précis de grévistes ont des conséquences négatives en termes d'organisation et de coûts, mais aussi du point de vue environnemental.
Les voyageurs se trouvent parfois déjà à l'aéroport et ne peuvent pas toujours prévoir de solution alternative. Cette situation est source de complications organisationnelles et logistiques pour les aéroports et les compagnies aériennes, mais aussi d'incivilités de la part de passagers mécontents. Depuis le début de l'année 2023, près de 600 vols ont ainsi dû être annulés à Orly alors que les passagers se trouvaient déjà à l'aéroport.
Les grèves perturbent toute l'activité du secteur aérien. Les annulations de vols provoquent des retards en cascade, lorsque les vols sont maintenus, et entraînent l'annulation des vols en correspondance ou de ceux qui empruntent l'espace aérien français sans s'arrêter sur notre sol. Le trafic aérien européen, dans son ensemble, se trouve ainsi perturbé.
Les conséquences financières sont particulièrement lourdes. Pour ce qui est des seules recettes de la navigation aérienne, une journée de grève du contrôle aérien correspond à une perte de redevances estimée entre 3 et 4,5 millions d'euros. Les coûts financiers subis par les compagnies aériennes sont également considérables puisque, d'après les statistiques d'Eurocontrol sur les jours de grève enregistrés depuis 2014 en France, en Grèce, en Italie et en Espagne, le coût d'une minute de retard est estimé à 110,50 euros et celui d'un vol annulé à 17 600 euros. Cela affecte particulièrement les compagnies aériennes françaises. Le groupe Air France est de très loin l'opérateur le plus fortement touché par les récentes grèves du service de contrôle de la circulation aérienne français.
Enfin, les grèves tendent à alourdir l'empreinte carbone du secteur aérien. Eurocontrol estime ainsi qu'entre le 7 mars et le 9 avril 2023, 96 000 kilomètres supplémentaires ont été parcourus chaque jour de grève pour contourner l'espace aérien français, ce qui a engendré la combustion de 386 tonnes de carburant supplémentaires et l'émission de 1 200 tonnes de CO2.
Ces effets sont d'autant plus marqués que les contrôleurs aériens français sont bien plus souvent en grève que leurs voisins européens. Une étude sur les grèves du contrôle aérien en Europe entre 2005 et 2016 a ainsi fait état de 249 jours de grève en France, 44 jours en Grèce et 34 jours en Italie, les autres États membres comptabilisant moins de 10 jours. Entre janvier et août 2023, on a dénombré 56 jours de grève des contrôleurs aériens français, ce qui correspond à 99,2 % de l'ensemble des grèves de la zone Eurocontrol sur cette période. Il est à noter que les grèves des contrôleurs français ont représenté sur cette période 44,7 % des retards de vols en France et 15,1 % des retards de la zone Eurocontrol.
Selon l'Association internationale du transport aérien (Iata), 4 500 vols ont été annulés pour l'ensemble des compagnies opérant en France au mois de mars 2023. Le groupe Aéroports de Paris nous a quant à lui indiqué que 470 000 passagers ont été empêchés de voyager au départ ou à l'arrivée des aéroports parisiens au premier trimestre 2023.
La proposition de loi que nous examinons tente de remédier à ces difficultés. Je tiens à saluer son auteur, notre collègue sénateur Vincent Capo-Canellas, qui, depuis une mission d'information sur la modernisation des services de la navigation aérienne en 2018, a approfondi le sujet pour y apporter une réponse équilibrée. Le texte doit permettre d'assurer une meilleure adéquation entre l'ampleur du mouvement social et la réduction du trafic aérien, tout en garantissant le respect du droit de grève des agents.
Son article unique institue, pour les contrôleurs aériens, une obligation de déclaration individuelle de participation à la grève deux jours avant le mouvement social. Des dispositions similaires s'appliquent déjà, depuis 2007, aux agents indispensables à l'exécution des services publics de transport terrestre, ainsi que, depuis 2012, à tous les autres agents du transport aérien dont l'absence est de nature à affecter directement la réalisation des vols.
Grâce aux informations obtenues, l'administration sera en mesure de décider, au plus tard l'avant-veille de la journée de grève à dix-huit heures, de la mise en place d'un service minimum adapté correspondant à l'ampleur du mouvement social. Les compagnies aériennes pourront prévenir les voyageurs au plus tard la veille de l'annulation de leur vol, ce qui n'est pas toujours le cas aujourd'hui. La prévisibilité accrue du trafic permettra de mettre fin aux annulations « à chaud » de vols, aux conséquences particulièrement dommageables.
Je veux insister sur le fait que non seulement cette proposition de loi ne remet pas en cause le droit de grève, mais qu'elle le rend encore plus effectif. En effet, en l'absence de préavis individuel de grève, les réquisitions de contrôleurs sont décidées quel que soit le nombre réel de grévistes, lequel n'est pas connu de l'administration. La mise en place d'astreintes a priori prive les agents concernés de la possibilité de faire grève. Si le nombre d'agents non grévistes était connu au préalable, le service minimum pourrait peut-être être assuré sans avoir recours aux astreintes.
Je vous invite à voter cette proposition de loi essentielle, en espérant que nos travaux soient aussi constructifs et apaisés qu'au Sénat, qui a adopté le texte en juin dernier.
Au cours des derniers mois, les nombreuses grèves des contrôleurs aériens ont entraîné des dysfonctionnements dans nos aéroports et suscité le mécontentement des clients. Le texte que nous examinons vise à améliorer la vie de nos concitoyens en facilitant l'information et en assurant l'effectivité du trafic aérien lors des mouvements de grève.
Comme on le constate depuis plusieurs années, il est difficile d'évaluer précisément l'impact des mouvements de grève sur le transport aérien. Or, il est indispensable d'assurer la continuité du service public. C'est pourquoi le texte prévoit que les contrôleurs aériens devront notifier quarante-huit heures à l'avance leur décision de faire grève, par parallélisme avec les obligations que la loi Diard de 2012 fait peser sur les autres professions du monde aérien. De par leurs fonctions de contrôle, d'information de vol et d'alerte, la présence des contrôleurs aériens est indispensable au bon déroulement des vols.
Fruit de longues négociations avec l'ensemble des syndicats et d'auditions avec la DGAC, le texte voté au Sénat nous semble équilibré. Il garantit la liberté d'exercer le droit de grève tout en fournissant une meilleure information à l'ensemble des acteurs concernés. Le groupe Renaissance votera donc la proposition de loi en l'état.
L'ignorance du nombre réel de grévistes contraint les compagnies aériennes à prévoir en amont des annulations de vols et ce, même si un nombre d'agents plus faible que prévu exercent leur droit de grève. A contrario, si le nombre de travailleurs absents est supérieur aux prévisions, des annulations de dernière minute ont lieu et du personnel est réquisitionné pour assurer le service minimum. Cette situation est délétère, tant pour les compagnies que pour les agents réquisitionnés. Ces derniers ne peuvent plus exercer leur droit fondamental de grève ni concilier leur activité professionnelle et leur vie personnelle à leur guise. Cet état de fait détériore également le dialogue social et pénalise toujours plus les passagers.
Ce texte fait obligation aux contrôleurs de déclarer leur participation au mouvement de grève, ainsi que leur renonciation à cette participation, comme c'est le cas pour les autres professions du secteur. Cela permettra aux compagnies de mieux évaluer la nécessité d'annuler un vol. Ces informations seront couvertes par le secret professionnel et seront anonymisées dans le cadre de l'information des syndicats. Elles serviront uniquement à l'organisation de l'activité. Nous saluons l'ajout d'un amendement en commission, au Sénat, qui vise à informer les passagers « des adaptations du trafic aérien consécutives au mouvement de grève » et non pas seulement au cours de l'application du service minimum, comme on pouvait l'interpréter à partir de la rédaction d'origine.
Nous voterons ce texte équilibré, qui améliore les relations entre toutes les parties – compagnies, agents et passagers. Cependant, cette proposition de loi ne saurait se substituer à une révision du décret du 17 décembre 1985 sur le service minimum et le système de réquisition, qui semble aujourd'hui poser le plus de difficultés dans le secteur.
Enfin, nous débattons dans cette commission du transport aérien, mais, surprise, la proposition de loi ne contient aucune disposition visant à ce que ce secteur assure sa nécessaire bifurcation pour atteindre nos objectifs environnementaux, ni aucune mesure pour améliorer la qualité de vie des Français et les protéger des nuisances générées par le trafic aérien, en particulier dans les quartiers populaires. Ce texte constitue une nouvelle punition, après la réforme des retraites. Oui, il y a eu des grèves contre votre réforme au début de l'année, et pour cause : vous avez puni les Français de deux ans de travail de plus. Aujourd'hui, vous continuez la répression en vous efforçant d'empêcher les contrôleurs de défendre leurs conditions de travail, eux qui ne voulaient pas non plus de votre réforme.
Les contrôleurs aériens ne sont pas soumis à l'obligation de déclaration préalable à la grève instaurée par la loi Diard de 2012. Ce n'est pas le fruit d'un quelconque oubli, ni un cadeau qui leur a été fait ; cela s'explique par le fait que l'exercice de leur droit de grève est déjà très encadré – très restreint devrais-je plutôt dire – et ce, depuis longtemps. Ce droit constitutionnel est entravé par l'existence d'un service minimum qui leur est imposé en toutes circonstances.
J'alerte sur la disproportion inédite que pourrait instaurer ce texte. Comme si le pouvoir de les réquisitionner, conféré au ministre dans le cadre du service minimum, n'était pas suffisant, vous voulez savoir en plus qui compte faire grève avant de procéder à la réquisition. Les lois qui réglementent le droit de grève doivent être adéquates et strictement nécessaires. Votre seul objectif, qui découle de votre obsession néolibérale, est de réduire le coût des grèves pour les compagnies : le marché, toujours le marché, plutôt que le respect de la Constitution. On est bien loin des troubles à l'ordre public avancés pour justifier ce texte.
Nous nous opposons fermement à cette proposition de loi et en demandons le retrait. Nous serons toujours du côté de celles et ceux qui défendent le droit de grève pour demander, à juste raison, de travailler dans des conditions dignes.
L'aviation civile est un secteur essentiel de notre économie. Les agents du service public du contrôle aérien sont un maillon clé pour assurer la fluidité et la sécurité du trafic. Les perturbations subies par ce dernier en début d'année ont révélé les insuffisances de notre modèle de service minimum. Le 11 février dernier, une grève mal anticipée a provoqué l'annulation d'un vol sur deux dans les aéroports parisiens. Au cours du premier trimestre 2023, 470 000 passagers ont été empêchés de voyager, pour un coût estimé à 8 millions d'euros par jour. L'arrivée à l'aéroport est la première image qu'un visiteur retient de notre pays. Alors que les Jeux olympiques de 2024 approchent, il est urgent de mettre en œuvre une réforme. À l'étranger, personne ne comprend que la DGAC ne dispose même pas des informations nécessaires pour prévoir le nombre de grévistes et qu'elle doive procéder à des annulations de vols à l'aveugle, ce qui assure le succès de grèves auxquelles les agents n'ont parfois pas à prendre part. Il arrive aussi, à l'inverse, que la DGAC, trop optimiste, soit contrainte d'annuler des vols à la dernière minute lorsqu'elle a imprudemment jugé inutile de recourir au service minimum.
Le dispositif imaginé par le sénateur Vincent Capo-Canellas est à la fois équilibré et efficace, si bien que même le syndicat majoritaire du secteur y est favorable. Il soumet les contrôleurs aériens à la même obligation de déclaration individuelle que celle s'appliquant aux personnels navigants et au sol. Ce mécanisme permettra à la DGAC de connaître plus finement le nombre de grévistes.
J'entends déjà les arguments sur l'atteinte au droit de grève, mais, dans le système actuel, respecte-t-on le droit de grève lorsqu'on impose aux agents du contrôle des astreintes de dernière minute ?
Nous soutiendrons cette proposition de loi qui assure un juste équilibre entre le droit de grève, la continuité du service et le droit des usagers.
Le groupe Démocrate se réjouit de l'examen de cette proposition de loi, qui complète les dispositifs adoptés en 2012 dans le cadre de la loi dite Diard. Cette dernière a amélioré la prévisibilité des mouvements sociaux dans le transport aérien, simplifiant la gestion par les compagnies aériennes de leurs effectifs et permettant ainsi de limiter les annulations de vols.
Cependant, le préavis individuel de grève imposé aux salariés des compagnies aériennes dont l'absence est de nature à affecter directement la réalisation des vols ne s'applique pas aux contrôleurs aériens. Cette absence d'obligation est source de complications du fait de l'impératif de service minimum auquel sont soumis les contrôleurs. Nous soutenons donc l'obligation de déclaration du préavis individuel de grève quarante-huit heures à l'avance afin de permettre à la DGAC de mieux calibrer ce service minimum, alors qu'actuellement, elle navigue à vue les jours de grève. Les grèves d'ampleur du début de l'année ont donné un relief particulier aux difficultés résultant de cette désorganisation.
Nous n'envisageons absolument pas de priver qui que ce soit de son droit de grève, mais souhaitons permettre une meilleure prévisibilité de la grève afin d'adoucir les conséquences des perturbations du trafic aérien. Cette prévisibilité éviterait même les réquisitions, qui empêchent parfois certains contrôleurs d'exercer pleinement leur droit de grève.
Le groupe Démocrate soutiendra cette proposition de loi, qui assure un juste équilibre.
Le titre du texte impute les perturbations du trafic aérien à l'imprévisibilité des mouvements sociaux. En réalité, les perturbations ne sont qu'un alibi de circonstance pour proposer un texte qui vise à durcir les conditions d'exercice du droit de grève dans la navigation aérienne. Il s'agit, autrement dit, de faire la peau aux grèves de solidarité. C'est une honte ! Faire grève, c'est renoncer à un jour de paie, c'est une décision qu'on ne prend pas à la légère et qui exige un temps de réflexion – jusqu'à la veille du mouvement social, parfois. L'obligation de déclaration préalable quarante-huit heures à l'avance réduit drastiquement les possibilités de faire grève.
Pourquoi le trafic aérien a-t-il été aussi perturbé le 11 février dernier ? Pas parce que l'on n'a pas pris la mesure du nombre de grévistes : le service minimum a été appliqué, qui permet de réquisitionner plus de 80 % du personnel. Les causes des perturbations sont plutôt à rechercher du côté de l'insuffisance des effectifs dans l'ensemble des centres de contrôle, de la dégradation du dialogue social et des retards accablants de la modernisation technique. Ce texte n'y changera rien. Si l'objectif est d'améliorer l'organisation des services de navigation aérienne, la cible est manquée. Ce qu'il faut faire évoluer, c'est le dimensionnement du service minimum, lequel est réglementé par un décret de 1985, obsolète de l'avis de tous. Il n'y a nul besoin d'une loi supplémentaire, et encore moins de porter atteinte au droit de grève : il suffit de prendre un nouveau décret.
Pour toutes ces raisons, les députés du groupe Socialistes s'opposeront à cette proposition de loi.
Nous ne touchons en rien, par ce texte, au droit constitutionnel de grève, auquel nous sommes tous attachés. Les déplacements en avion ne sont toutefois pas anodins pour des millions de personnes. Comment justifier qu'en raison d'un manque de prévisibilité, des gens se retrouvent bloqués dans un aéroport, entre deux escales, parce qu'un vol a été annulé à la dernière minute ? Plus de 3 000 vols ont été annulés par anticipation en 2023, dont 600 concernaient des passagers déjà présents à l'aéroport. Or, il s'agit souvent de déplacements lointains, pour des motifs familiaux. Nous sommes capables d'informer les passagers du TGV – nous savons, la veille, quels trains circuleront – mais il n'est pas possible de le faire dans le secteur aérien, alors qu'il s'agit de déplacements très contraignants pour nos compatriotes. Il est essentiel d'adopter ces dispositions, par respect pour les Français et les Françaises, qui pourront désormais recevoir l'information nécessaire. Nous voterons cette proposition de loi.
Quelle est la priorité pour le secteur aérien ? Ce sont les 24 millions de tonnes de CO2 émises chaque année pour déplacer une minorité de Français – c'est aussi un sujet de justice sociale. « Les émissions des seuls déplacements en avion des ménages les plus aisés […] sont en moyenne équivalentes aux émissions de l'ensemble des déplacements des ménages les plus modestes […]. Quantitativement, ce qui peut sembler être le privilège des uns a donc les mêmes conséquences pour le climat que ce qui est l'essentiel des autres. » Ce n'est pas moi qui le dis, mais le rapport Pisani-Ferry-Mahfouz, que l'on sait idéologiquement proche de la majorité.
Nous pourrions en débattre. Vous préférez restreindre le droit de grève des contrôleurs aériens. Vous préférez ne pas rater votre avion plutôt que limiter le changement climatique. Le droit de grève est d'ores et déjà encadré, notamment pour assurer le fonctionnement minimal des services publics nécessaires à la vie de nos concitoyens.
Les services publics de contrôle aérien en font-ils partie ? Pour ce qui concerne la défense nationale et les opérations de sauvetage, pour prévenir l'isolement de la Corse et des collectivités ultramarines, c'est certain. La loi le prévoit déjà. Pour ce qui concerne les avions de tourisme et les jets privés, c'est plus que discutable.
Il y a donc des contraintes réelles qui pèsent sur les contrôleurs aériens. Sans les alléger ni les réactualiser, la proposition de loi se contente de dégrader le droit de grève, ce qui aboutit à une situation asymétrique. C'est d'autant plus regrettable que le droit de grève est un droit fondamental, reconnu par la Constitution. Le réduire au détour d'une proposition de loi examinée selon la procédure accélérée est regrettable.
Notre groupe votera contre le texte.
Dans nos îles ultramarines et en Corse, nous sommes tributaires du transport aérien. L'avion est notre seule option pour nous déplacer, vers l'Hexagone ou vers un territoire voisin. Pour nous, le bon fonctionnement d'un dispositif de service minimum est essentiel pour assurer la continuité territoriale en cas de grève.
Or il ne fonctionne pas de façon optimale. Dire cela, ce n'est en rien renier le droit de grève, auquel notre groupe est profondément attaché. Dire cela, c'est appeler à une meilleure articulation entre un droit individuel et son exercice collectif.
Dans le secteur du contrôle aérien, les grévistes n'ont pas à déclarer individuellement leur participation préalablement au mouvement, ce qui a deux conséquences : si le nombre de travailleurs en grève est supérieur à la prévision de la DGAC, celle-ci doit effectuer des annulations de vols « à chaud » ; les contrôleurs aériens n'ont pas besoin de participer réellement au mouvement de grève puisque l'objectif de perturbation de l'activité aérienne est atteint avant même que la grève ne commence.
C'est pourquoi nous sommes favorables à la proposition de loi, qui vise à imposer aux grévistes de se déclarer l'avant-veille de chaque jour de grève. Elle permettra de mieux ajuster préventivement le nombre d'annulations de vols aux effectifs réels de grévistes. Le personnel de la DGAC, pour sa part, ne sera plus réquisitionné arbitrairement et pourra mieux exercer son droit fondamental qu'est le droit de grève.
Ce soutien à la proposition de loi n'est cependant pas un blanc-seing. Nous vous appelons à travailler, conformément à votre engagement, à une réforme du décret du 17 décembre 1985, dénoncé à juste titre par les syndicats comme inadapté et obsolète, et à conserver à l'esprit que c'est avant tout par le dialogue social que nous parviendrons à limiter les mouvements sociaux.
La proposition de loi n'est en aucun cas une remise en cause du droit de grève. Il importe de le dire clairement. Chacun est libre de s'opposer à ses dispositions, mais il n'est pas raisonnable de dire qu'elle remet en cause le droit de grève. Au contraire, elle est une façon de le préserver pour les agents de la direction des services de la navigation aérienne (DSNA), qui échapperont à la réquisition dès lors que la DGAC pourra, grâce à la présente proposition de loi, activer le service minimum ou appliquer un plan de transport adapté au trafic.
Monsieur Bertrand Petit, vous estimez que le texte va trop loin. Ses dispositions sont grosso modo identiques à celles de la loi Diard. Dans les cinq ans qui ont suivi sa promulgation, vous aviez la majorité ; or vous n'avez jamais jugé utile de l'abroger. Vous considériez donc ses dispositions comme tout à fait raisonnables. Nous les adaptons aujourd'hui aux contrôleurs aériens, sachant que le service minimum, dans leur cas, n'exclut pas la réquisition.
Madame Guetté, vous avez évoqué la qualité de vie des Français. Je souscris à certains de vos propos. Vous pouvez admettre que découvrir en arrivant dans un aéroport, après plusieurs heures de voiture ou de train, que votre avion ne décollera pas ne sert pas la qualité de vie.
Certes, mais tel n'est pas l'objet de la présente proposition de loi. Au demeurant, le non-respect du couvre-feu par les compagnies aériennes est souvent dû à des retards, eux-mêmes provoqués par des grèves.
S'agissant du décret du 17 décembre 1985, je n'ai pas les moyens d'agir dessus. Le ministre des transports s'est engagé au Sénat, en séance publique, à le faire évoluer pour le moderniser. Nous devrons obtenir de sa part des indications précises à ce sujet lors de l'examen de la présente proposition de loi dans l'hémicycle, qui complète en quelque sorte le dispositif.
S'agissant de la transition écologique du transport aérien, le Centre interprofessionnel technique d'études de la pollution atmosphérique (Citepa) a rendu ses conclusions sur l'évolution des émissions de gaz à effet de serre (GES) au premier semestre 2023. Le trafic aérien ayant retrouvé son niveau d'avant-covid, ses émissions de GES augmentent. Les émissions globales de GES ont cependant diminué de 4,3 %, ce dont nous pouvons nous féliciter. C'est inédit et cette baisse est la plus forte parmi les pays de l'OCDE.
Certes, l'objectif de 5 % n'est pas atteint et le secteur aérien doit faire plus pour se décarboner. Ce point fera l'objet de discussions lorsque nous examinerons les amendements au projet de loi de finances pour 2024, en commission du développement durable et de l'aménagement du territoire et en commission des finances, ainsi que dans le cadre de l'examen de tout projet de loi ou de toute proposition de loi raisonnable susceptible d'être mis aux voix dans notre enceinte.
Article unique : Amélioration de l'organisation des services de la navigation aérienne en cas de mouvement social
Amendements de suppression CD1 de M. Thomas Portes, CD5 de Mme Lisa Belluco et CD10 de M. Bertrand Petit.
Monsieur le rapporteur, quelle que soit la façon dont vous la défendez, il s'agit bel et bien d'une attaque du droit de grève. Vous avancez des comparaisons européennes et internationales du nombre d'heures de vol annulées et des retards dus aux grèves. C'est bien parce qu'il y a un droit de grève encore un peu conséquent dans notre pays que nous sommes largement au-dessus des autres pays ! Je préfère ne rien savoir de votre modèle en matière de démocratie sociale s'il vous amène à faire une telle comparaison. Ce droit, énormément de travailleurs en Europe et dans le monde nous l'envient. Notre amendement vise à le maintenir.
Certains de vos arguments dénotent une forme de mépris à l'égard des travailleurs et des travailleuses. Ainsi, le volume de vols annulés n'est ni impressionnant ni significatif. Que sont 4 500 vols annulés en regard des 1 400 vols quotidiens de Roissy ?
Le droit de grève est un droit fondamental, consacré par la Constitution. Une grève est faite pour déranger.
Certes, une grève des contrôleurs aériens provoque des désagréments : tel est son objectif ! Encadrer celle-là pour faire disparaître ceux-ci est une atteinte au droit de grève, car cela revient à faire disparaître le rapport de force instauré par la grève, donc à empêcher les salariés ou les fonctionnaires d'obtenir les droits pour lesquels ils luttent ou de conserver leurs acquis. Une grève sans effets n'est pas une grève.
Que vous le vouliez ou non, monsieur le rapporteur, l'introduction d'une déclaration préalable de grève au moins 48 heures à l'avance modifie l'exercice du droit de grève, lequel est reconnu par le Préambule de la Constitution. Nous ne sommes pas favorables à sa modification. Le cœur du sujet, c'est l'actualisation du décret du 17 décembre 1985. Pour le reste, la loi en vigueur suffit.
La proposition de loi prévoit uniquement que les contrôleurs aériens souhaitant faire grève doivent en informer la DGAC au plus tard l'avant-veille avant midi. Expliquez-moi en quoi cela remet en cause le droit de grève, sachant que la même règle s'applique à la SNCF et aux compagnies aériennes, où il ne me semble pas qu'aucune grève n'ait lieu. Je rappelle que 470 000 personnes ont subi une annulation de vol au premier trimestre 2023. Ce chiffre est significatif, non ?
Dire que le droit de grève vise à créer un dérangement me semble être une lecture erronée de la Constitution. Le droit de grève offre la faculté de ne pas travailler pour contester une décision ou demander à son employeur un complément de rémunération ou d'autres avantages. Il s'agit non pas de mettre le bazar, mais de se mettre en retrait de son activité professionnelle pour exprimer des revendications.
La proposition de loi permet, en fonction du nombre de personnes ayant préalablement déclaré qu'elles feraient grève, de procéder à une baisse du trafic aérien proportionnelle au nombre de grévistes, à rebours de la logique du service minimum, qui peut réduire à néant une grève des contrôleurs aériens dès lors qu'ils peuvent être réquisitionnés. Si, dans le cadre d'un mouvement social raisonnable, la baisse du trafic correspond exactement au volume de grévistes, nous éviterons les deux écueils que sont un service minimum disproportionné par rapport au nombre de grévistes et, en son absence, des annulations de vol « à chaud ».
Il faut donc conserver l'article unique de la proposition de loi. Avis défavorable.
J'ai du mal à comprendre à quoi vous voudriez qu'une grève ressemble. La grève, qui est un outil des travailleurs et des travailleuses utilisé depuis longtemps dans le cadre d'un rapport de force économique, doit avoir un impact sur l'activité. Sinon, elle n'est qu'une déclaration ou un jour de congé non rémunéré. Il faut que le patronat soit sanctionné ou subisse une pression, du fait de l'usage de ce droit collectif – et non individuel, ce qui rend problématique la proposition de loi – des salariés.
C'est grâce à la grève que celles et ceux qui sont soumis à la volonté du patronat ont obtenu les conquêtes sociales que peu à peu vous mettez à mal. Voulez-vous que tous les vols aient lieu et que personne n'entende parler de rien ? Dès lors que vous dites défendre le droit de grève, j'ai du mal à comprendre à quoi vous voudriez qu'une grève ressemble.
Je rappelle que, pendant la grève des éboueurs d'Île-de-France, décidée pour contester la réforme des retraites, le Gouvernement a fait venir des éboueurs de compagnies privées du sud de la France pour rendre les conséquences de la grève aussi invisibles que possible. Les contrôleurs aériens, comme les éboueurs, souhaitent exercer leur activité dans de bonnes conditions.
Je ne sais si je ne comprends pas votre raisonnement ou si je le comprends trop bien, malheureusement.
À mon tour, je m'interroge sur votre vision des choses, madame Guetté. Vous semblez considérer que l'absence de certains salariés est sans conséquence. Se mettre en grève, c'est mettre en difficulté le système, mais cela ne signifie pas qu'il faille le désorganiser en totalité ! L'absence d'un salarié en grève est un manque pour le collectif dans lequel il s'inscrit. Inutile d'ajouter le bazar et de prendre les gens en otage !
D'abord, en France, les acquis sociaux sont le fruit de la victoire électorale de certaines forces politiques et des lois qu'elles ont fait voter. C'est le résultat de débats d'idées et pas de la grève – ou alors de façon très minoritaire. Il importe de ne pas entretenir de confusion à cet égard.
Ensuite, évoquer le droit de grève en général, c'est céder à une forme de facilité. Son exercice peut entraver la liberté d'aller et venir, qui est aussi un droit fondamental de milliers de personnes. Les contrôleurs aériens bénéficiant d'une forme d'exception, la notion même de service minimum est profondément perturbée par les conditions actuelles d'exercice du droit de grève. Il s'agit d'aligner ces dernières sur les autres, ce qui n'est en rien attentatoire à celui-ci. Il s'agit aussi d'une anomalie par comparaison avec les autres pays européens, au sein desquels la France, à ma connaissance, n'est pas la seule démocratie.
Enfin, l'idée selon laquelle la grève a par principe pour objectif de perturber l'activité m'invite à évoquer les travaux de la commission d'enquête sur la libéralisation du fret ferroviaire et ses conséquences pour l'avenir, dont j'ai l'honneur de présider les travaux. Toutes les personnes que nous avons auditionnées ont précisément cité la multiplication de l'exercice du droit de grève comme l'une des raisons de la dégradation de la confiance entre Fret SNCF et les chargeurs qui faisaient appel à cette entreprise. Voilà à quels résultats conduit un tel raisonnement !
À mes yeux, la proposition de loi est nécessaire et logique. Elle est une forme de normalisation du statut des contrôleurs aériens.
Comme à leur habitude, nos chers collègues de la NUPES confondent pas mal de choses. Que le droit de grève soit conservé dans le texte est une bonne chose, mais de là à dire qu'il a pour objet de créer le désordre ! Je doute fortement que, si les médecins, les sapeurs-pompiers et les policiers – que vous n'aimez pas trop, certes – se mettaient en grève, vous apprécieriez le désordre causé par les morts laissés sur le trottoir du fait de vos politiques un peu fantastiques. Sortez donc de votre monde de Bisounours et recalez-vous sur la réalité !
Ces propos n'appellent pas de réponse. Si M. le député travaillait un peu, il saurait que les personnels de santé et les policiers peuvent être réquisitionnés, et que les militaires n'ont pas le droit de faire grève. Nous ne souhaitons laisser mourir personne sur le trottoir. Tel n'est pas l'objet du texte, me semble-t-il.
Le droit de grève est un droit collectif qui a pour objet de rééquilibrer la relation entre les dirigeants et les dirigés. Si la grève n'a aucun impact sur les décideurs, les dirigeants ou les patrons, le droit de grève n'a pas d'intérêt. Trop l'encadrer équivaut à le supprimer. En tout état de cause, quelque 500 000 personnes privées de voyage, c'est beaucoup, mais nul n'est mort abandonné sur le trottoir.
Par ailleurs, peut-être les perturbations seraient-elles moins nombreuses si notre dialogue social était de meilleure qualité. Dans d'autres démocraties européennes, il est bien plus vivant, dynamique et efficace.
Nous devons tous être les garants du dialogue social. Les membres du groupe Horizons et apparentés y tiennent beaucoup.
Il ne faut pas laisser croire que ce débat oppose les défenseurs du droit de grève à ceux qui veulent le supprimer. Nous demandons simplement l'alignement des régimes et l'égalité entre les salariés.
Le transport aérien ne concerne pas uniquement des gens qui partent du jour au lendemain à La Barbade ! Il est aussi utilisé par des familles, qui ont parfois longuement préparé leur déplacement et peuvent se retrouver bloquées dans un aéroport faute d'avion pour assurer leur correspondance ou faute d'avoir été prévenues assez tôt de l'annulation de leur vol.
Il peut en résulter des conséquences dramatiques. Il me semble normal de penser à ces familles et de faire en sorte, sans toucher au droit de grève, qu'elles soient prévenues de l'annulation de leur vol avant de se déplacer à l'aéroport, qui est souvent en périphérie des villes et difficile d'accès. Il y va du bon sens et du respect des usagers.
Je rappelle, en réponse à Mme Guetté, que les syndicats doivent actuellement déposer un préavis cinq jours avant une grève. Une négociation entre la DGAC et les syndicats représentatifs est alors obligatoire. Si la négociation aboutit, le préavis est levé, sinon, on se dirige effectivement vers une grève.
En plus du délai de cinq jours et de la réquisition qui peut être décidée en l'absence d'accord, le texte prévoit que les personnes souhaitant faire grève doivent le déclarer individuellement l'avant-veille, avant midi, afin que la DGAC puisse connaître, à dix-huit heures, le nombre de personnes concernées et décider en conséquence soit d'avoir recours au service minimum, en réquisitionnant une partie des effectifs pour assurer 50 % du trafic, soit de mettre simplement en œuvre un plan de transport adapté, comme le font les compagnies aériennes et la SCNF en cas d'exercice du droit de grève de leurs salariés. Certains vols sont ainsi annulés, mais les usagers sont prévenus la veille, ce qui leur permet de trouver un autre vol ou de reporter leur voyage.
La proposition de loi garantira le droit de grève. À aucun moment, en effet, sauf en cas de recours au service minimum, on n'empêchera qui que ce soit de faire grève, mais on assurera une proportionnalité et une prévisibilité qui n'existent pas pour le moment.
La commission rejette les amendements.
Amendement CD6 de Mme Lisa Belluco.
Cet amendement, qu'on pourrait qualifier de rédactionnel, a pour objectif de rappeler que seuls sont concernés les contrôleurs aériens dont l'activité est essentielle pour nos concitoyennes et concitoyens. Nous ferons, pour cela, explicitement référence à l'article L. 114-4 du code général de la fonction publique. La rédaction actuelle laisse entendre que tous les vols sont essentiels.
Tous les agents de la DSNA, la direction des services de la navigation aérienne, qui s'occupent du contrôle aérien, ne seront pas concernés. Une limite a déjà été posée par un amendement adopté au Sénat. Vous souhaitez aller plus loin : ce que vous proposez diviserait par deux, en gros, le nombre de contrôleurs aériens concernés. J'y suis défavorable, car cela fragiliserait le dispositif de déclaration individuelle préalable. S'il ne peut pas être appliqué de manière raisonnable, la DGAC aura plus souvent recours au service minimum, ce qui ne va pas du tout dans le sens que vous souhaitez.
La commission rejette l'amendement.
Amendements CD12 de M. Bertrand Petit et CD14 de M. Pierre Vatin (discussion commune).
Le service minimum vise à réquisitionner le personnel, en cas de grève, afin d'assurer 50 % des vols. Dans les faits, jusqu'à 80 % des contrôleurs aériens peuvent être réquisitionnés pour éviter une paralysie du trafic. Les agents concernés n'ont pas réellement l'opportunité d'exercer leur droit de grève et ils ont vécu dernièrement des semaines difficiles, car la mise en place d'un service minimum peut être éprouvante. Ce système ne permet pas d'assurer une bonne conciliation entre vie privée et vie professionnelle, et il dégrade les conditions de travail et le dialogue social. C'est pourquoi, je l'ai dit, l'ensemble des organisations syndicales s'accordent sur la nécessité de revoir la définition du service minimum, laquelle date d'un décret de 1985.
Notre amendement vise à allonger de vingt-quatre heures le délai prévu pour la déclaration individuelle préalable qui sera demandée à chaque agent en amont d'un jour de grève et à permettre à la DGAC d'organiser le service minimum dans des conditions plus respectueuses du salarié.
Ces deux amendements sont diamétralement opposés.
Celui de M. Petit revient à vider de sa substance la proposition de loi puisqu'il supprimerait le principal élément grâce auquel tout se tient, à savoir le délai. Par conséquent, avis défavorable.
S'agissant de l'amendement de M. Vatin, le délai de quarante-huit heures est le fruit de discussions très fines visant à adapter la loi Diard au contrôle aérien : c'est la disposition qui a semblé recueillir le plus large accord lorsque le rapporteur du Sénat en a discuté avec les partenaires sociaux, y compris le syndicat majoritaire. Par ailleurs, si l'on étendait le délai à soixante-douze heures pour les seuls contrôleurs aériens, cela créerait des conflits au sein des aéroports et la situation ne serait pas nécessairement plus simple à gérer pour les différentes parties prenantes, notamment les compagnies aériennes. En cas de mouvement social national, qui peut les toucher, elles devraient de toute façon attendre que le délai de quarante-huit heures soit écoulé avant de prévoir un plan de transport adapté. Porter le délai à trois jours pour les contrôleurs aériens n'aurait donc pas d'intérêt. Avis défavorable.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement CD7 de M. Antoine Villedieu.
Il s'agit de rédiger différemment la dernière phrase de l'alinéa 7. Une sanction disciplinaire restera possible, mais un manquement aux obligations prévues par le texte pourra être traité autrement.
Dans le cas où un contrôleur n'annoncerait pas son intention de renoncer à participer à la grève ou de reprendre son service, vous souhaitez qu'il soit automatiquement considéré comme gréviste et ne soit donc pas payé pour sa journée de travail, ce qui pose évidemment un problème. Je rappelle que la proposition de loi vise à respecter le droit de grève tout en permettant d'assurer de la prévisibilité pour tous les acteurs concernés. Des sanctions disciplinaires, si l'absence d'information de la part du contrôleur se répète, me paraissent une réponse plus adaptée. Avis défavorable à cet amendement.
Un tel amendement est hallucinant. J'espère qu'on saura très largement que vous l'avez déposé. Il ne vous a pas suffi d'être mauvais dans l'hémicycle pendant la réforme des retraites – vous n'avez eu absolument aucune idée d'amendements : vous voulez maintenant priver de salaire ceux qui ne se seraient pas déclarés comme il faut, grévistes ou non grévistes. Cette contrainte supplémentaire serait extrêmement liberticide, et je pense que vous ne mesurez pas l'ampleur de la situation, le degré de colère dans le pays. Nous voterons contre cet amendement particulièrement choquant.
Puisque vous vous êtes bien comportés pendant la réforme des retraites, vous et la NUPES, et comme cet amendement peut effectivement faire l'objet de certaines interprétations, je vais le retirer.
L'amendement est retiré.
La commission adopte l'article unique non modifié.
Après l'article unique
Amendement CD8 de M. Nicolas Ray.
Cet amendement vise à éviter que des préavis de grève illimités dans le service de la navigation aérienne fassent planer une sorte d'épée de Damoclès. La DGAC n'est pas toujours en mesure d'assurer la prévisibilité du service, notamment lorsque les agents se réclament de préavis illimités, comme cet hiver. C'est pourquoi nous proposons de rendre caducs les préavis de grève n'ayant pas donné lieu à une cessation concertée du travail par au moins deux agents.
Je comprends l'objectif de cet amendement, qui vise à éviter des préavis de grève illimités, valables en permanence, dans la fonction publique. Cependant, il est un peu trop large, puisqu'il va au-delà du champ de la proposition de loi que nous examinons, ce qui risquerait de fragiliser l'équilibre du texte.
Par ailleurs, la proposition de loi répond déjà, en partie, à votre préoccupation. La déclaration individuelle de grève, au plus tard l'avant-veille de chaque journée de grève à midi, qui s'imposera aux contrôleurs aériens, permettra de connaître à l'avance les effectifs grévistes et donc l'ampleur du mouvement social.
Par conséquent, demande de retrait ; sinon, avis défavorable.
Je concède que la proposition de loi répond en grande partie à la difficulté et je comprends le souhait d'un vote conforme pour garantir plus rapidement un fonctionnement régulier du service aérien, mais je maintiens l'amendement.
La commission rejette l'amendement.
Amendement CD13 de M. Pierre Vatin.
Cet amendement vise à instaurer un service minimum garanti, à hauteur de 50 % du service normal, en cas de grève lors d'un jour ouvré.
Les nombreuses annulations de vols, y compris « à chaud », qui ont eu lieu au début de l'année lors des grèves relatives à la réforme des retraites, illustrent une des limites du principe du service minimum tel qu'il a été défini par la loi de 1984 et le décret de 1985, à savoir son caractère facultatif. Le conditionnement du déclenchement du service minimum à une décision de la DGAC, qui s'ajoute à l'absence d'informations fiables sur le nombre de grévistes réels dans les services de la navigation aérienne, a créé les conditions d'une incertitude quant au niveau de service effectif rendu lors des jours de grève.
L'instauration d'un service minimum garanti permettrait de mieux atteindre les objectifs visés par la présente proposition de loi, c'est-à-dire la prévisibilité du trafic, une information fiable pour les compagnies et les passagers et un recours proportionné aux réquisitions de personnel afin de respecter le droit de grève des agents. Ce dernier point devrait satisfaire tout le monde.
Il me semble que le véritable problème n'est pas que le déclenchement du service minimum dépende de la DGAC, mais plutôt, comme vous l'avez dit à juste titre, l'absence d'informations fiables sur le nombre réel de grévistes, ce qui crée une incertitude quant au niveau du service rendu le jour de la grève. La proposition de loi répond à cette difficulté.
Par ailleurs, le champ de l'amendement est beaucoup plus large que ce que suggère son exposé sommaire, puisque votre proposition vise toutes les entreprises ou établissements du secteur aérien, et non les seuls contrôleurs. Imposer à ces entreprises, qui peuvent relever du secteur privé, la mise en place d'un service minimum constitue une réforme d'ampleur qui va au-delà de l'objet de la proposition de loi et risque d'en modifier l'équilibre global.
Par conséquent, avis défavorable.
La commission rejette l'amendement.
Amendement CD11 de M. Bertrand Petit.
Nous demandons, pour les raisons que j'ai déjà exposées, que le fonctionnement du service minimum fasse l'objet d'un état des lieux.
Les partenaires sociaux, que j'ai auditionnés, ont tous souligné, comme vous l'avez dit, que le décret de 1985 devait être révisé. Je comprends que vous avez déposé un amendement d'appel qui ne vise pas réellement à ce que nous ayons un rapport, mais à interpeller le Gouvernement. Comme il n'est pas représenté aujourd'hui, je vous invite à retirer votre amendement pour le redéposer en séance. Il est important que le ministre nous donne des détails sur la révision du décret, qui est complémentaire de cette proposition de loi.
L'amendement est retiré.
Titre
Amendement CD4 de Mme Lisa Belluco.
Je regrette, je l'ai dit, que nous abordions le secteur aérien par le seul prisme des vols annulés ou retardés. J'ai ainsi rappelé les enjeux climatiques, mais également sociaux – la pollution émise ne bénéficie qu'à une minorité de nos concitoyennes et concitoyens, la majorité d'entre eux n'ayant pas les moyens de prendre l'avion, ou alors très peu. Par ailleurs, la question de la politique des transports se pose plus globalement : il s'agit, nous le savons toutes et tous, de rendre le train compétitif par rapport à l'avion, pour tous les trajets nationaux. Il existe aussi un enjeu structurel de démobilité, j'ose le dire : il faudrait arriver à réduire le nombre de voyages et les distances parcourues. À cela s'ajoutent les enjeux du coût de l'avion pour nos concitoyennes et concitoyens d'outre-mer, de la reconversion professionnelle des personnes travaillant dans le secteur aérien, dans un contexte de transition écologique, et plus généralement du sens et des conditions de travail des contrôleurs aériens. Vous avez choisi de ne pas aborder toutes ces questions. Notre amendement relatif au titre de la proposition de loi a pour objet de le rappeler.
J'aurais pu partager la volonté de modifier le titre, que je trouve un peu long, mais je ne peux pas donner un avis favorable à une rédaction évoquant une restriction du droit de grève : j'espère au moins avoir réussi à prouver que cette proposition de loi ne fait rien de tel.
La commission rejette l'amendement.
Elle adopte l'ensemble de la proposition de loi sans modification.
Membres présents ou excusés
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire
Réunion du mercredi 4 octobre 2023 à 15 h 05
Présents. - M. Damien Adam, M. Christophe Barthès, Mme Nathalie Bassire, Mme Lisa Belluco, Mme Pascale Boyer, M. Anthony Brosse, M. Sylvain Carrière, M. Pierre Cazeneuve, Mme Annick Cousin, M. Nicolas Dragon, Mme Charlotte Goetschy-Bolognese, Mme Clémence Guetté, M. Timothée Houssin, Mme Florence Lasserre, M. Jean-François Lovisolo, M. Pierre Meurin, Mme Marjolaine Meynier-Millefert, M. Hubert Ott, M. Jimmy Pahun, Mme Sophie Panonacle, M. Bertrand Petit, M. Nicolas Ray, M. Vincent Thiébaut, M. David Valence, M. Pierre Vatin, M. Antoine Villedieu, M. Jean-Marc Zulesi
Excusés. - M. Gabriel Amard, M. Jean-Yves Bony, M. Vincent Descoeur, Mme Sandrine Le Feur, Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, Mme Claire Pitollat